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La bataille de Paris : un duel entre
                 socialistes et écologistes ?




   Institut Français de Géopolitique – Master 1 – 2011 / 2012

            Hugo SOUTRA, sous la direction de Philippe SUBRA.

Diffusion en totalité ou en partialité interdite sans l’accord de l’auteur ou de l’Institut Français de Géopolitique ©
2




Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Table des matières


Remerciements ......................................................................................................... 4
Introduction............................................................................................................... 5

I Elections législatives 2012, la pré-bataille de Paris.............................................. 7
A)       La conquête de Paris sera politique ou ne sera pas ............................................. 7
1) Les écologistes veulent entrer dans la cour des grands ................................................ 7
2) Une nouvelle dynamique qu’ils cherchent à appliquer à la capitale ............................ 13
B)       Le test des élections législatives à Paris ............................................................. 28
1) Les écologistes peuvent être satisfaits ..................................................................... 28
2) La bonne séquence d’EE-LV ne pénalise pas le PS .................................................. 40


II Rivalités de pouvoirs entre frères ennemis ....................................................... 47
A)       «L’unité est un combat» ................................................................................... 47
1) Interdépendances et rivalités de pouvoirs ................................................................ 47
2) Des relations «bipolaires» exacerbées à Paris ........................................................... 59
                                                                                                                                3
B)       Les relations PS / EE-LV à l’épreuve du pouvoir .............................................. 74
1) 2001-2008, la douloureuse construction d’un rapport de forces .................................. 74
2) 2008-2014, la contrainte d’un rapport de forces évolutif ........................................... 90


III Enjeux géopolitiques des élections municipales 2014 ................................... 103
A)       La Mairie de Paris, au cœur des stratégies politiques ...................................... 103
1) Paris, un territoire plus que convoité ..................................................................... 103
2) Une super-institution au service d’ambitions nationales .......................................... 110
B)       Vers un duel interne à la majorité municipale ? .............................................. 117
1) Socialistes et écologistes affûtent leurs armes en vue de 2014.................................. 117
2) Paris peut encore réserver bien des surprises .......................................................... 134


Conclusion ............................................................................................................ 145
Résumé : ................................................................................................................ 156




                 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Remerciements


Tout d’abord, je tenais à remercier les différents acteurs et observateurs de cette rivalité
parisienne entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les Verts. Les discussions que j’ai pu
avoir avec les différents élus ainsi que leurs collaborateurs mais aussi les militants locaux
m’ont permis de mieux appréhender les positions de chaque parti et de chaque personnalité
politique. Ces différents entretiens ont été indispensables à ma réflexion et viennent nourrir
cette recherche tout au long des pages suivantes. J’ai aussi pu avoir des échanges riches avec
plusieurs journalistes suivant la vie politique parisienne, qui n’ont pas hésité à me consacrer
de leurs temps personnel pour aborder cette recherche comme mon avenir professionnel. Je
profite donc ici de l’opportunité qui m’est offerte de leur exprimer ma gratitude, qui va bien
au-delà de ces quelques lignes.


Dans un second temps, il me paraît indispensable de souligner le rôle joué par l’ensemble du
corps enseignant de l’Institut Français de Géopolitique, qui m’a donné l’occasion tout au long
de cette première année, d’acquérir des compétences indispensables à l’exercice du métier de
                                                                                                  4
journaliste auquel j’aspire. Leurs différents cours, séminaires et présentations, m’ont permis
de saisir les tenants et les aboutissants d’un conflit géopolitique, dans toute sa complexité.
Plus particulièrement, mes remerciements s’adressent à Philippe SUBRA qui a dirigé ce
mémoire. Il a su m’orienter dès l’automne dernier sur les éléments clés permettant de
comprendre la concurrence entre ces deux formations à Paris, et s’est montré disponible tout
au long de ma recherche pour répondre à mes interrogations.


Le soutien et les conseils de Mathilde COSTIL, allocataire de recherche à l’IFG, ainsi que de
Guilhem MAROTE, me furent également précieux tant dans la rédaction de ces pages que
dans la confection de mes cartes géopolitique disséminées dans cette recherche. Il va aussi de
soi d’exprimer ma reconnaissance à mon entourage proche parfois mué en correcteurs, pour
leur aide et leur soutien exprimé au cours de ces semaines de travail.




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Introduction




A
           lors que les élections législatives viennent de prendre fin ce 17 juin 2012, les
           acteurs politiques parisiens ont déjà les municipales de 2014 à l’esprit. Si elle
           devrait progressivement monter en intensité, la bataille pour la Mairie de Paris
était déjà prégnante dans les stratégies des élus écologistes et socialistes ces derniers mois.
Galvanisé par un poids politique qu’il n’a jamais eu à l’échelle nationale, Europe Ecologie
Les Verts (EELV) a pour ambition de concrétiser la bonne dynamique enregistrée dans la
capitale au cours des précédents scrutins locaux. Concrètement, il s’agira pour eux d’ancrer la
Mairie de Paris à gauche tout en parvenant à inverser les rapports de forces de la majorité
plurielle, aujourd’hui sous la domination du Parti Socialiste et de Bertrand Delanoë.


Discipline à l’intersection de la géographie, de l’histoire contemporaine et de la science
politique, la géopolitique étudie les rivalités de pouvoirs sur un territoire, susceptible de
d’aboutir à un conflit. Dans cette définition d’Yves Lacoste, il est entendu que le terme
«rivalités de pouvoirs» peut recouvrir un large champ de relations : il peut aussi bien s’agir
d’affrontements que se livrent deux camps ennemis aux idéologies antagonistes, que de la
                                                                                                      5
concurrence exprimée entre deux forces partenaires aux intérêts divergents. Dans tous les cas,
le territoire, qu’il s’agisse de celui d’un Etat ou d’une collectivité, doit être considéré comme
un enjeu de pouvoir en tant que tel. Bien que les litiges locaux n’engagent ni armées ni ne
remettent en cause la souveraineté des peuples, les rivalités qui se déroulent dans des
procédures démocratiques (débats, élections, etc) n’en sont pas moins fortes que certains
conflits interétatiques. Dès lors que l’enjeu du conflit a été spatialisé et confronté aux rapports
de forces dans leur épaisseur historique mais aussi aux représentations de chaque acteur, ces
joutes locales deviennent éminemment géopolitiques.


Dans la foulée des sénatoriales de septembre dernier où la droite parisienne s’est violemment
divisée, les socialistes de la capitale ont vivement combattu l’implantation de l’écologiste
Cécile Duflot lors des législatives de juin 2012. Bien que moins intense et moins médiatique,
de fortes tensions couvent également entre les deux principaux partis politiques formant la
majorité plurielle, qui domine et contrôle la Mairie de Paris depuis onze ans. Dès mai 2010,
certains élus écologistes de la capitale clamaient leur intérêt pour le poste de Maire de Paris.
Quelles divergences opposent le Parti Socialiste et EE-LV dans la gestion quotidienne de la




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
politique municipale de la capitale, au point de susciter de telles ambitions et de telles rivalités
plusieurs années avant le scrutin municipal ? Pourquoi sont-ils en conflit à Paris, alors que
leurs relations semblent plutôt au beau fixe dans d’autres exécutifs locaux de province ou au
Conseil régional d’Ile-de-France, ainsi qu’au niveau national ?


Si les trois forces politiques qui composent la majorité rose-verte-rouge de la capitale se
rejoignent dans l’objectif commun de faire battre la droite, ils n’en sont pas moins soumis à
des rapports de forces politiques internes : le Front de Gauche souhaiterait concurrencer le
groupe écologiste, qui lui-même a pour ambition de dépasser son grand frère socialiste,
aujourd’hui le plus haut dans la hiérarchie. Se comparant constamment entre eux, ils font des
calculs, des hypothèses, opèrent des choix et appliquent des stratégies politiques pour arriver à
leurs objectifs respectifs, qu’ils s’agissent de prendre le contrôle ou de conserver le fauteuil de
Maire de Paris, d’augmenter leur poids politique en remportant davantage de postes électifs,
de faire primer leurs idées sur celles des autres, de gagner en crédibilité pour s’inscrire
durablement dans l’exercice du pouvoir, etc. Bien souvent, les rivalités personnelles
s’entremêlent aux rivalités partisanes. Dans un environnement comme Paris, dans un théâtre
géopolitique comme celui de l’Hôtel de Ville, les rivalités personnelles sont même peut-être           6
plus importantes encore que les divergences idéologiques.


Réalisé à la suite d’un travail de recherche ponctué d’une enquête de terrain, ce mémoire a
pour objectif d’analyser les rivalités et les tensions rythmant les relations entre le Parti
Socialiste et Europe Ecologie-Les Vert,s depuis 2001 jusqu’à aujourd’hui et la préparation du
prochain scrutin municipal. Alternant entre l’échelle nationale et locale, cette recherche
tentera de comprendre le lien entre leurs rivalités et le climat politique propre à la capitale. En
prenant également en compte les dynamiques de chaque partis, leurs stratégies politiques,
leurs plans de communication ainsi que leurs capacités de mobilisation, nous tâcherons de
répondre à cette problématique : la conquête géopolitique de l’Hôtel de Ville de Paris
réinterroge t’elle le leadership du Parti Socialiste sur Europe Ecologie-Les Verts ?




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
I Elections législatives 2012, la pré-bataille de Paris

      A) La conquête de Paris sera politique ou ne sera pas
      1) Les écologistes veulent entrer dans la cour des grands

            u’il est loin le temps où les écologistes manifestaient à vélo contre les autoroutes

Q           urbaines du Président Georges Pompidou ou tractaient dans les marchés
            accompagnés de joyeux orchestres. Dimanche 10 juin, ils étaient plutôt du genre à
scruter dans le détail les résultats du premier tour des législatives, calculette à la main pour
préparer le bureau politique du lendemain. Le sourire aux lèvres. Les réactions dans les
médias pleuvent. Alors que le MoDem s’est écroulé et que le Front de Gauche se tasse, les
écologistes font remarquer qu’eux progressent par rapport à leur triste performance
présidentielle, qu’ils ne subissent plus «l’effet vote utile» et qu’ils retrouvent «leur électorat
qui s’était porté sur Hollande le 22 avril dernier pour virer Sarkozy.» Après les 2,31%
récoltés par Eva Joly, peu avaient «imaginé franchir la barre des 5%.» Pour couronner le
                                                                                                        7
tout, «leurs têtes d’affiches se portent bien1» : Noël Mamère est réélu à Bègles dès le premier
tour avec 52% des voix, Cécile Duflot et François de Rugy n’ont pas été loin de l’imiter en
recueillant 48,7% à Paris et 47,3% à Nantes. Reprenant en cœur plusieurs éléments de
langage, ils font une lecture très politique de ces résultats pourtant mitigés de premier tour,
par le biais d’une langue de bois qu’ils n’ont longtemps pas su maîtriser.


Car avant d’être politique dans les urnes, l’écologie a longtemps été revendicative sur le
terrain : dans la France des 30 glorieuses, une poignée de citoyens - qu’ils soient défenseurs
de l’agriculture biologique, militants de la cause homosexuelle, féministes ou partisans de la
non-violence – rêvent de freiner la croissance pour donner naissance à une société alternative.
Ils forment des groupes locaux, se réunissent, réfléchissent, manifestent, sensibilisent, se
divisent, se déforment : l’écologie est un mouvement citoyen désorganisé, hétéroclite. Avant
de s’illustrer avec leurs amis altermondialistes dans l’occupation de terrain du Larzac ou les
combats ayant trait à l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff, les écologistes ont
longtemps été cloisonné en lisière de la société, à force de bousculer les certitudes d’un
monde en mutation.

1
    L’Express : Europe Ecologie a le sourire mais pas encore de groupe parlementaire, le 11 juin 2012




                 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Il faudra véritablement attendre 1974 et la candidature à l’élection présidentielle de
l’agronome René Dumont, pour que le mouvement écologiste se fasse entendre. La large
médiatisation du jeu politique dont ils bénéficièrent pour la première fois pendant cette
campagne provoqua même un débat interne à la mouvance écologiste : quelle est la méthode
optimale à employer pour «changer le monde» ? Faut-il continuer à être un mouvement
citoyen influençant la société civile ou bien se structurer et faire son entrée dans le monde
politique ? Tout en se démarquant des organisations traditionnelles, refusant d’intégrer les
codes du milieu politique, une partie des écologistes privilégia la deuxième solution et
inventèrent des comités de campagne «biodégradables», disparaissant au lendemain de chaque
scrutin. Déçus de l’alternance socialiste et des premières années d’un mitterrandisme bousculé
par les crises, ils décident de s’inscrire comme une force politique durable : le parti des Verts
naît au congrès de Clichy, en janvier 1984. Mais lorsque se posa quelques années plus tard
l’épineuse question de la stratégie électorale à suivre, l’autonomie politique renvoyant dos-à-
dos la droite et la gauche fût privilégiée à une stratégie d’alliances permettant de «modifier les
choses de l’intérieur». Le clivage était profond entre d’un côté les militants de gauche voire
d’extrême-gauche affirmés et revendiquant leur politisation à voix haute, et de l’autre ceux,
pas forcément de droite, désireux de créer une troisième voie au-delà de l’opposition gauche /       8
droite, entre marxisme et libéralisme. La division était d’autant plus dévastatrice pour les
Verts qu’elle était attisée… par une guerre des chefs, entre les quelques élus nationaux et
régionaux. Traduction dans les urnes : les écologistes réalisaient du yoyo électoral, selon le
mode de scrutin, les enjeux de la campagne… et la profondeur de leurs divisions.

Après un quart de siècle d’échecs électoraux où les écologistes ne parvinrent que très
rarement à transformer en mandats leur relative popularité, les Verts changeaient donc
radicalement de stratégie : le congrès de 1994 sacra Dominique Voynet et son idée de
contourner les contraintes du scrutin majoritaire, par le biais d’alliances avec les partis de
gauche. Selon elle, c’était l’unique moyen de participer au pouvoir tant au niveau des
collectivités locales que de l’Etat, et seule une entrée dans les exécutifs locaux et le
gouvernement pouvait permettre aux écologistes de confirmer aux scrutins nationaux sans
proportionnelle (présidentielle, législatives) les «percées» réalisées lors des européennes et
régionales. Au milieu des années 90, l’amateur associatif devint alors un professionnel de la
politique, les élections n’étaient plus un moyen d’influencer les autres partis mais une porte
d’entrée dans les exécutifs de gauche : les Verts ne voulaient plus seulement être un
laboratoire d’idées réfléchissant pour changer la vie mais être une force politique associée à la




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
gestion des politiques publiques. Trois ans après avoir acté leur participation à la gauche
plurielle de Lionel Jospin, ils obtenaient pour la première fois de leur jeune histoire six
députés et un poste ministériel.

Mais l’efficacité de cette stratégie n’en resta pas moins toute relative : sans expérience
politique et ne disposant d’aucune marge de manœuvre –«je me suis aperçu que lors des
décisions ministérielles, on n’arbitrait pas forcément sur la base d’arguments objectifs mais
en fonction du poids des Ministres et des groupes politiques au Parlement, de l’émotion des
faits divers, de l’influence des lobbys, etc»2 – Dominique Voynet et les écologistes
déchantaient rapidement. Tout en perdant des électeurs, les divisions entre écologistes
s’accentuèrent. Le fait que les élus courent après les mandats – dans le but de crédibiliser le
mouvement - n’empêchaient pas les militants, selon qu’ils soient libertaires ou pragmatiques,
de continuer à débattre de façon véhémente sur la participation au pouvoir. Pour ne rien
arranger, le choc du 21 avril 2002 éclipsa le score historique de Mamère –considéré comme
un des responsables de l’élimination au premier tour de Lionel Jospin- et plomba
définitivement leur stratégie de conquête électorale adossée aux succès socialistes, qui devait
théoriquement les aider à évoluer. Faute de personnalités bénéficiant d’une notoriété nationale                       9
et disposant de fiefs électoraux, les écologistes réalisaient toujours des scores honorables lors
des élections sur listes (municipales, régionales, européennes), mais continuaient à se
ridiculiser lors des scrutins uninominaux majoritaires (législatives, présidentielle). Alors que
les thèmes environnementaux étaient au premier plan de la campagne présidentielle de 2007,
Dominique Voynet réalisa même le plus mauvais résultat des Verts… depuis René Dumont !
Les rêves que nourrissaient les écologistes de devenir la «majorité culturelle du 21ème siècle»
ne semblaient alors plus être qu’un lointain espoir, alors que dans le même temps Nicolas
Sarkozy écologisait son début de quinquennat3.

A l’automne 2008, le constat est implacable : les écologistes ont le choix entre s’auto-
décerner un satisfecit pour avoir eu «raison avant tout le monde» ou devenir crédible et
prendre le pouvoir. Sous l’initiative de Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Cécile Duflot
émerge rapidement la nécessité de dépasser le parti des Verts, de se débarrasser de leur image
de vassal du Parti Socialiste pour s’affirmer comme une nouvelle force politique autonome, et
ainsi réapparaître positivement dans les radars médiatiques. Les adhérents des Verts mais

2
  Source : « La saga des écolos ».
3
  Il lança le Grenelle de l’Environnement le 6 juillet 2007, pour «refonder la politique de l'écologie en France et
inventer les conditions d'une croissance nouvelle.»




                Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
aussi les acteurs associatifs ou syndicaux environnementalistes (Greenpeace, WWF, les Amis
de la Terre, Fondation Nicolas Hulot) ainsi que les écolos-centristes, socialistes ou électeurs
d’extrême-gauche sont tous appelés à s’unir dans une structure provisoire, Europe Ecologie.
Objectif initial de cette stratégie fédératrice ? Progresser dans les élections et acquérir une
présence dans d’autres segments de la vie publique, comme le débat d’idées ou l’éducation
populaire. Mais c’est encore et toujours au niveau électoral qu’ils se font remarquer. La
création d’Europe Ecologie est aussitôt couronnée d’un succès historique, lors des élections
européennes de 2009 : la nouvelle coalition, représentant des tendances assez diverses au sein
de la galaxie écologiste, dépasse les prédictions les plus optimistes en recueillant 16,3% des
suffrages exprimés, frôlant le résultat du Parti Socialiste. Le scénario se répète quelques mois
plus tard – sans être au coude à coude avec le PS cette fois-ci – lorsque les écologistes, malgré
leurs faibles audiences dans les communes périurbaines, présentent aux élections régionales
2010 des listes autonomes sur l’ensemble du territoire. Réalisant en moyenne 12,2% avec des
performances inédites en Rhône-Alpes, en Ile-de-France et en Alsace, Europe Ecologie
confirme la viabilité de cette alliance politique entre écologistes et environnementalistes. Une
dynamique qui mérite toutefois d’être nuancée : ces deux scrutins élisent des assemblées
politiques dont les compétences collent aux thèmes de campagne écologistes, et dont le mode                10
d’élection à la proportionnelle prend mieux en compte les petits partis dont Europe Ecologie
fait partie.

Le nouveau parti de l’écologie politique, copié-collé de ses deux derniers noms, naît
formellement à l’automne 2010 dans le but de peser véritablement dans l’exercice du pouvoir,
et non plus seulement d’y participer pour moderniser le marketing électoral du PS. La création
d’Europe Ecologie-Les Verts est la stratégie des écologistes pour professionnaliser l’écologie
politique dont l’histoire a pour l’heure été marquée par des hauts et des bas continus. Plus que
réaliser des scores honorables et être représentés symboliquement, le nouveau parti écologiste
aurait vocation à obtenir davantage de mandats pour agir et inventer les prémisses de la
société de demain. En quête d’indépendance mais surtout d’influence, les écologistes ne
peuvent pour autant exclure de leur stratégie les accords politiques de second tour, qui leur
permettent de négocier des contrats de majorités. Dès 2011 et au terme d’un premier
rapprochement avec Solférino, ils investissent le Sénat en passant de 4 à 12 élus4 mais surtout,
ils y fondent leur premier groupe parlementaire et disposent d’une influence inégalée


4
 10 élus le 25 septembre 2011, puis 12 avec la nomination du gouvernement de François Hollande. De même,
16 eurodéputés écologistes siègent désormais au Parlement européen au lieu de 14 élus en 2009.




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
puisqu’ils font la bascule dans une majorité de gauche étriquée (177 sénateurs de gauche
contre 171 de droite).

Pragmatiques depuis leur renouveau et leur entrée de plain-pied dans la real-politik, les
écologistes s’attaquent dès l’automne 2011 à la séquence tant redoutée des élections
présidentielle et législatives… encore avec l’aide du Parti Socialiste. La réalité institutionnelle
de la 5ème République et les contraintes du scrutin uninominal à deux tours, contraindrait
Europe Ecologie-Les Verts à passer par cet exercice difficile : «C’est compliqué de faire des
alliances avec le PS. Oui, on est une troisième voie ; oui, on est capable de passer des
accords ; mais non, ce n’est pas automatique. Nous revendiquons à la fois l’autonomie de
notre projet politique différent, et la possibilité de passer des accords» tente de justifier
Cécile Duflot dans le livre d’Erwann Lecoeur5. Objectif : proposer à leur partenaire un
programme de transition écologique et être l’initiateur d’une future majorité qui se
structurerait autour de réformes radicales et structurelles. Sans illusions sur une «vieille
gauche productiviste et néo-libérale», les écologistes qui redoutent toujours autant d’«être le
poil à gratter de la social-démocratie»6 refusent de se vendre aussi facilement qu’en 19977 et
entament d’égal à égal la négociation d’un accord électoral et programmatique, censé leur
permettre d’acquérir à terme leur indépendance politique. Réclamant une centaine de
                                                                                                               11
circonscriptions dont la moitié de gagnables pour peser à l’Assemblée nationale et se garantir
une visibilité politique au cours de la prochaine mandature, ils obtinrent finalement 63
circonscriptions dont 25 à 30 gagnables. De quoi assurer une représentation proportionnelle à
leur poids politique et ainsi leur faire espérer la création d’un second groupe parlementaire
indépendant, à l’Assemblée nationale cette fois-ci. Les deux formations publient en parallèle
un document de trente pages où ils actent 80% d’idées communes dont un retrait militaire
d’Afghanistan, un contrôle public des banques, l’harmonisation de la taxation des revenus du
capital et de ceux du travail, une réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production
d’électricité française et la non-prolongation de 24 centrales nucléaires en fin de vie, etc. Une
clause de revoyure est signée en ce qui concerne des sujets plus polémiques, comme l’arrêt de
la construction de l’EPR de Flamanville ou le moratoire sur l’arrêt de la construction de
l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, où les représentations opposées de chacun étaient


5
  « Des Écologistes en politique », 2011.
6
  Tribune publiée le 18 août 2010 dans Le Monde « Yes we can »par Patrick Farbiaz et Pascal Durand
7
  «En 1997, nous avons été achetés pour pas cher» avouera Jean-Luc Benhamias, à l’époque secrétaire national
des Verts, dans Le Monde du 30 septembre 1998. Noël Mamère estimera pour sa part que Lionel Jospin a donné
aux Verts des «hochets pour amuser la galerie.»




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
susceptibles de faire sombrer leur partenariat. C’est sans nul doute l’accord le plus abouti
jamais signé entre les deux partis notamment «grâce au talent des négociateurs d’Europe
Ecologie-Les Verts.8» Après une séquence électorale plus que difficile symbolisée par les
2,31% d’Eva Joly, les écologistes se rassurent en obtenant 17 députés mais sans empêcher le
Parti Socialiste d’avoir la majorité absolue à lui tout seul.

Tantôt autonomes et capables de concurrencer le PS pour la place de première force politique
de gauche, tantôt réduits à subir l’hégémonie de leur partenaire voire même à observer leur
place d’alternative à la social-démocratie raflée par les communistes (dernièrement, le Front
de Gauche à la présidentielle), les écologistes courent comme toujours après la régularité
électorale. Mais contrairement à l’après-2007, ils croient de nouveau en l’objectif de
transformer une opinion sensibilisée en réussites électorales en attendant la réforme
institutionnelle instaurant de la proportionnelle aux scrutins majoritaires nationaux que leur a
promise François Hollande. De fait, EE-LV est persuadé d’avoir devant lui un espace
politique à conquérir, tout en étant conscient qu’il est tout autant susceptible de disparaître.
«Soit le Parti Socialiste est capable d’intégrer les ambitions et les orientations proposées par
l’écologie politique, ou bien il n’en est pas capable, et c’est les écologistes qui dépasseront,
un jour ou l’autre, les socialistes» estime Dominique Voynet, dans le documentaire La Saga
                                                                                                   12
des écolos. Selon Jean-Marie Bouguen, collaborateur parlementaire de Jean-Vincent Placé,
«nous sommes au troisième âge de l’écologie politique» : après la naissance des Verts puis
l’accès au pouvoir, Europe Ecologie-Les Verts achève «la mutation des écologistes vers un
parti classique et doit aujourd’hui s’inscrire de façon décomplexée en situation de
responsabilité, afin d‘agir au maximum sur les politiques publiques». Cette entreprise de
normalisation qui doit voir les élus EE-LV se banaliser dans l’exercice du pouvoir est en
bonne voie, mais son avenir ne peut être préjugé à l’heure où ces lignes sont écrites. Alors que
Les Verts, au fonctionnement trop brouillon pour arriver à leur objectif, n’étaient jamais
parvenus à se métamorphoser en vingt ans d’existence, Europe Ecologie-Les Verts doit veiller
à ne pas retomber dans leurs travers passés, sous peine de dilapider le capital-sympathie
accumulé depuis les européennes 2009. La stratégie politique professionnalisante des
dirigeants doit s’accompagner d’une rigueur interne visant à trouver le bon équilibre entre
Verts historiques et nouveaux venus d’Europe Ecologie, apparatchiks et militants d’ONG ; le
sectarisme des premiers ne devant pas cannibaliser l’utopisme des seconds.



8
    Pascal Durand sur Public Sénat, le 6 juin 2012.




                  Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
2) Une nouvelle dynamique qu’ils cherchent à appliquer à la capitale


          omme l’écologie politique à ses débuts ou les Verts en leur temps, Europe


C         Ecologie-Les Verts est un parti résolument urbain : ils réalisent leurs meilleurs
          résultats   dans   les   territoires   les   plus   dynamiques   économiquement
démographiquement (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Alsace), dans les grandes
                                                                                                et


villes où se produisent des changements à la fois culturels et sociologiques. «Pourquoi
pensez-vous que Dominique Voynet, conseillère régionale de Franche-Comté puis Députée du
Jura ait décidé d’aller se faire élire Maire à Montreuil ? Chez les Verts, les figures, comme
les programmes, se recentrent automatiquement vers les villes, terreau de l’écologie
politique» explique Jean-René Bourge, chercheur en science politique à Paris VIII. De par la
sensibilisation de l’électorat des grandes villes à l’écologie politique, les résultats électoraux
de Lille, Bordeaux, Lyon mais aussi Paris sont étroitement analysés par l’état-major
écologiste. Europe Ecologie-Les Verts, qui ne gère aujourd’hui que 57 municipalités, dont            13
seule la ville de Montreuil dépasse les 100.000 habitants, souhaite consolider ses bases
acquises et conquérir de nouvelles grandes villes… dont Paris serait le symbole le plus
prestigieux.

Si le succès des européennes 2009 n’a pas permis d’arriver devant le Parti Socialiste à
l’échelle nationale (16,28% contre 16,46% au PS), il n’a pas échappé aux écologistes que leur
liste autonome était arrivée largement devant celle de leur partenaire-adversaire socialiste…
dans la capitale : Daniel Cohn-Bendit y réalise 27,46% quand Harlem Désir ne parvient à
rallier que 14,69% des suffrages derrière lui. L’année suivante aux régionales, la liste de
Cécile Duflot avait limité les dégâts face à celle d’Anne Hidalgo. De quoi faire naître l’idée
que Paris et sa région pourrait être le potentiel lieu du dépassement de la social-démocratie
par l’écologie politique. «Dire qu’ils y pensent n’est pas un euphémisme : étant donné que le
national ne lui réussit pas, EE-LV compte d’abord doubler le PS sur le plan local avant de
tirer des plans de dépassement politique. A ce titre, ils surveillent attentivement les grandes
villes comme Paris, Lyon ou Grenoble où ils savent que leurs élus sont costauds et que les
électeurs répondent généralement présents. Dans ces villes, le PS n’est pas rassuré: les nids
écologistes qui pourraient éclore au niveau local risquent de s’étendre et de toucher un jour




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
ou l’autre les oiseaux du PS» analyse Rosalie Lucas, journaliste qui couvre le Parti Socialiste
et Europe Ecologie-Les Verts pour le compte du Parisien.




                                                                                                  14




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Depuis trois ans, la victoire d’écologistes sur les socialistes lors de scrutins locaux n’est plus
seulement une ambition farfelue inventée dans les cerveaux verts. «Nous avons pris
conscience que si nous arrivons à être plus sérieux et à la jouer intelligemment et
collectivement, nous pourrions peut-être concrétiser cette ambition» décrypte Adrien
Saumier, un militant parisien. Autant dire que la présidentielle et les législatives – scrutins
nationaux qui ne réussissent traditionnellement pas aux écologistes – les intéressaient
localement dans une logique de préparation du prochain scrutin municipal.

«Les centres-villes sont une de nos meilleures bases, donc l’objectif de conquérir Paris en
2014 est bien réel. Depuis des années, nous avons de plus en plus d’élus, la prochaine étape
consiste à prendre le pouvoir au
sein de l’exécutif local» raisonne
Yves Contassot, le porte-drapeau
des    Verts     lors     des    élections
municipales dans la capitale en
2001. Particularité de cette nouvelle

                                                                                                     15
stratégie     insufflée    par    Europe
Ecologie-Les Verts : les écologistes
n’hésitent plus à crier haut et fort
leur ambition.

Lors    des      premières       élections
municipales organisées depuis un siècle dans la capitale, en 1977, Brice Lalonde avait déjà
obtenu 10,1% des suffrages. Et depuis, la configuration politique n’a cessé de changer : la
sociologie de l’électorat parisien a évolué, les quelques citoyens de gauche qui votaient pour
des raisons essentiellement sociales ont été remplacés par un vivier d’électeurs de la «gauche
sociétale». «La forte concentration de classes moyennes et supérieures déjà sensibilisée à
l’écologie politique, qui dispose des ressources intellectuelles comme le montre son fort
niveau de diplôme, est typiquement un électorat auquel notre discours peut plaire» reconnaît
Claire Marynower, une cadre locale d’EE-LV-Paris. Au-delà de la structure même de la
population, les écologistes ont également été associés à la gestion de la ville depuis 2001 et
l’accession au pouvoir de Bertrand Delanoë. Etre la pierre angulaire de la future majorité
parisienne en 2014, une de leurs bases militantes et électorales les plus importantes, est dans
leur esprit une étape rationnelle et logique de leur évolution.




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Mais      contrairement        aux       élus
socialistes bien implantés localement
                                                        Cécile Duflot, apparatchik carriériste ou
et disposant pour certains d’une aura                         plébéienne désintéressée ?
nationale, le casting des écologistes
                                                  Qui est réellement Cécile Duflot ? Si elle est loin de correspondre à
parisiens    manquait        jusqu’ici     de
                                                  l’image de la «jeune femme arrivée par hasard en politique» qu’elle
personnalités susceptibles d’incarner
                                                  cherche à donner; la présenter comme une horrible cumularde revient
le rôle de Maire de Paris. Leurs bons
                                                  à sauter bien des étapes de son parcours. Fille d’une professeure et
résultats jusqu’ici étaient liés aux              d’un cheminot du Val-de-Marne, Cécile Duflot intègre - après avoir
caractéristiques        de      l’électorat       suivi un DEA de géographie à l’université Paris VII- l’ESSEC, une
parisien plutôt qu’au profil de ses               prestigieuse école de commerce parisienne. Diplômée en 2000, elle
représentants locaux, peu reconnus.               prend le contrepied du parcours-type de sa promotion en intégrant un
Conscients qu’un bon score en 2014                groupe immobilier spécialisé dans le logement social. Un an plus
ne sera possible que si le vote pour              tard, elle s’engage chez les Verts qui participent alors au
EE-LV induise plus qu’un simple                   gouvernement, mais pour «agir au niveau communal» à Villeneuve-
                                                  Saint-Georges, dans sa proche banlieue parisienne. Du moins, tel était
vote de témoignage, les écologistes
                                                  l’objectif initial.
ont profité des élections législatives
                                                  En janvier 2003, elle est élue au Collège exécutif des Verts, où elle
pour donner davantage de poids à
                                                  est chargée de la réforme interne. Aux premières loges de l’échec de
                                                                                                                            16
Denis     Baupin,     ainsi     que      pour     la participation gouvernementale et de la gauche plurielle, mais aussi
implanter la secrétaire nationale,                des divisions intrinsèques aux Verts, elle entame une ascension
Cécile Duflot, à l’est de la capitale.            fulgurante, digne d’une apparatchik passée par les pépinières de
Une stratégie qui pourrait s’avérer               partis –type MJS ou Unef. Désignée porte-parole du courant le plus à
être la bonne, selon Marie-France                 gauche du parti, qui deviendra majoritaire au sein des Verts en 2005,
Gairaud, journaliste du Parisien : «la            Cécile Duflot s’impose rapidement comme une figure
candidature       d’une       personnalité        incontournable : en multipliant les choix politiquement judicieux, elle
d’envergure nationale sur Paris est
                                                  comble son «retard». A 31 ans, elle prétend déjà à l’investiture pour
                                                  l’élection présidentielle de 2007, ne recueillant qu’un peu plus de
une bonne chose pour EE-LV : ils
                                                  23% des suffrages… mais gagnant considérablement en notoriété.
pourraient davantage marquer le
                                                  Consécration au congrès national de décembre 2006, où elle devient
coup qu’avec des élus parisiens»
                                                  la plus jeune secrétaire nationale des Verts ! La tâche qui lui incombe
médiatiquement inexistants. «Pour                 n’est pas une mince affaire : (suite)
2014, il nous faut une candidate
emblématique,        avec      une          visibilité et des espoirs à l’écologie politique. A partir de ce moment,
                                         forte
notoriété : la candidature d'une            Cécile Duflot s’emploiera à des réformes internes en cherchant à
membre du gouvernement contre               rassembler l’ensemble de la mouvance écologiste, qu’elle soit
une liste socialiste n'est pas à exclure» explique Denis Baupin. au niveau de la société an lors de les
                                            investie politiquement ou Evoquée depuis un civile, avec
                                            milieux associatifs. «Le parti était électoralement, humainement et
                                            financièrement en difficulté, mon rôle a été de remettre le train – qui
              Hugo SOUTRA - Institut Françaisun tête à queue - sur les Juinpour le cas où le contexte
                                            avait fait de Géopolitique - rails 2012
                                            nous serait à nouveau favorable.»
Cécile Duflot, apparatchik carriériste ou plébéienne désintéressée ?

(suite) alors que Dominique Voynet vient d’enregistrer le plus mauvais résultat des écologistes (1,57%) à la présidentielle
depuis la candidature de René Dumont en 1974, elle doit redonner de la visibilité et des espoirs à l’écologie politique. A partir
de ce moment, Cécile Duflot s’emploiera à des réformes internes en cherchant à rassembler l’ensemble de la mouvance
écologiste, qu’elle soit investie politiquement ou au niveau de la société civile, avec les milieux associatifs. «Le parti était
électoralement, humainement et financièrement en difficulté, mon rôle a été de remettre le train – qui avait fait un tête à
queue - sur les rails pour le cas où le contexte nous serait à nouveau favorable.»
Elle semble donner satisfaction puisqu’elle est reconduite pour un second mandat en décembre 2008. Refusant d’être
candidate au scrutin européen malgré la proposition d’une place éligible, Cécile Duflot remporte toutefois sa première
bataille : les listes Europe Ecologie, portées par des candidats aussi différents que le «faucheur d’OGM» José Bové ou le
«leader de Mai 68» Daniel Cohn-Bendit, réalisent 16,28% en juin 2009 –six points au-dessus de leur précédent record de
1989- et obtiennent 14 députés européens ! Du jamais vu. Face au succès de cette stratégie d’union et d’autonomie, elle se
lance à son tour comme tête de liste aux élections régionales en Ile-de-France, accompagnée de l’ancien directeur de la Caisse
des Dépôts Robert Lion, du co-fondateur des Enfants de Don Quichotte Augustin Legrand ou encore de la présidente d’Act-
Up Emmanuelle Cosse.
Suite au succès collectif des européennes, «il y avait le besoin de personnaliser le moment pour grimper une nouvelle
marche. Et j’étais la bonne personne pour le faire puisque j’avais l’atout d’avoir un certain altruisme politique, de ne pas            17
être cataloguée comme celle qui avait utilisé les Verts pour sa gloire personnelle.» La patronne des Verts, qui expliquera peu
après avoir été lassée de «passer la serpillère», se révèle alors dans le paysage politico-médiatique, en assurant la majeure
partie des apparitions médiatiques d’une campagne à enjeux locaux. La liste qu’elle conduit dans la région-capitale recueille
16,58% des suffrages (plus que la moyenne nationale) et lui donne le droit d’aller négocier doublement à Solférino durant
l’entre-deux tours : d’abord l’accord global avec le PS de Martine Aubry en sa qualité de secrétaire nationale puis ensuite son
ralliement francilien à Jean-Paul Huchon, en l’échange d’un groupe écologiste (qu’elle présidera par la suite) passant de 28 à
50 élus.
Plus d’un an plus tard, elle décroche un troisième et dernier mandat en interne avec 50% des voix, «véritable sacre» illustrant
à merveille son «sans-faute» en interne, selon ses proches. Un sans-faute qui n’empêche pas le paradoxe Duflot d’apparaître
au grand jour : estimant que les éléments les plus forts de l’histoire de l’écologie politique ont déjà été écrits et qu’elle est «de
l’âge de ceux qui ont à faire» et à agir, Cécile Duflot ne concrétise pas elle-même ses belles paroles. Auréolé du plus
important poids politique que n’a jamais eu un leader écologiste, le côté calculateur de la secrétaire nationale transparaît
lorsqu’elle refuse de se lancer dans la difficile course à la présidentielle en 2012 puis une place indécise sur la liste sénatoriale
du Val-de-Marne. Elle officialise le jour de ses 5 ans à la tête du mouvement écologiste, le 16 novembre 2011, sa candidature
aux élections législatives à Paris.




                    Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
réunions informelles, la candidature de Cécile Duflot aux élections municipales n’a cependant
toujours pas été confirmée par la principale intéressée : si elle reconnaissait à l’automne
dernier sur le journal de France 2 que cela faisait «partie des choses possibles», elle a depuis
ajouté que ce n’était pas encore d’actualité... L’arrivée de la très médiatisée Cécile Duflot
dans la 6ème circonscription de Paris démontre la volonté du parti de se donner les moyens de
son ambition municipale. Depuis les débuts de l’écologie politique française, l’histoire verte
était teintée d’un amateurisme revendiqué, marquée par le refus du vedettariat.
Automatiquement, toute stratégie d’un individu ressemblant à une marque d’ambition
personnelle s’exposait à de vives critiques, dans un parti où la base militante a une forte
propension à «couper les têtes» et à considérer cela comme une forme de notabilisation «à la
mode radical-socialiste, voire socialiste tout court…»9 L’ancienne présidente de France
Nature Environnement et aujourd’hui députée européenne Sandrine Bélier confirme à
Slate.fr10 que «nous avons une logique de partage du pouvoir qui peut conduire à une
méfiance envers nos leaders, mais cette culture change en ce moment» avec Europe Ecologie-
Les Verts, où les têtes d’affiches sont de mieux en mieux acceptées.

Autre point de satisfaction pour la direction nationale, l’arrivée de Cécile Duflot ne semble
pas avoir froissé les élus écologistes parisiens : au fil des élections, ils semblent avoir pris
                                                                                                                  18
conscience de leurs carences naturelles – dont l’absence de leadership - pour progresser au
sein de la capitale, au point de réclamer presqu’unanimement l’implantation de la secrétaire
nationale. Mieux, certaines voix laissent espérer qu’une candidature consensuelle de Duflot
aux municipales en 2014 pourrait mettre un terme à leurs historiques querelles internes… «Il
y a eu des animosités très fortes chez les Verts à Paris. Le débat sur la participation au
pouvoir, sur lequel s’entremêlaient les amitiés et inimitiés personnelles, ont provoqué des
dégâts internes considérables au cours de la première mandature. En 2002, nous nous
insultions entre nous» révèle l’actuel patron d’EE-LV Paris, Hervé Morel.


«Dès notre arrivée au pouvoir, les batailles d’appareils et de personnes ont remplacé les
batailles d’idées : les «leaders» voulaient que tous les écologistes parisiens s’impliquent dans
leur conflit privé et fassent allégeance à l’un ou l’autre» explique Anne Le Strat, ex-
Conseillère de Paris verte, siégeant désormais en apparenté au groupe PS. Tout au long de la
première mandature de Bertrand Delanoë (2001-2008), les Adjoints au Maire Yves Contassot,

9
  Blog de Pierre Minnaert, propos d’un militant de base. Article : « Législatives : candidature du mouvement ou
notabilisation ? »
10
   « Pourquoi les écologistes n’ont pas la main verte avec la présidentielle », 13 février 2012




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
opposé nationalement à la participation gouvernementale, et Denis Baupin, ancien conseiller
ministériel de Dominique Voynet, se livrèrent une bataille feutrée en vue de l’investiture pour
les municipales 2008. Depuis, les crispations semblent moindres. «Notre groupe n’a pas
connu de départs, de conflits de personnes ni de divergences de vote depuis quatre ans.
Mieux, il a enregistré l’arrivée de deux anciens PS11» se félicite le co-président d’EE-LV au
Conseil de Paris, Sylvain Garel. Au contraire, explique un ancien Conseiller de Paris Vert,
«les échos que j’ai m’indiquent que la seconde mandature est pire que la première : le groupe
n’aurait plus d’existence en tant que tel, chacun pousserait les projets de son arrondissement
dans son coin.» A défaut de connaître la véritable ambiance régnant actuellement au sein du
groupe écologiste, j’ai interrogé Hervé Morel pour savoir si les rivalités couvant à propos de
l’investiture législative dans l’autre circonscription accordée par le PS12 aurait pu faire
renaître cette haine déchirant les écologistes parisiens : «Joker !», lance-t-il avant de se
reprendre, «tout le monde voit bien que cette investiture aurait pu rallumer la flamme qui
nous a ravagé il n’y a pas si longtemps, mais franchement, cela aurait fait un peu
réchauffé…»


En dépit de l’image de maturité que les écologistes parisiens cherchent à afficher depuis                        19
quelques années, ils n’ont pas été loin de retomber dans leurs turpitudes passées sous l’appel
de nouveaux enjeux de pouvoirs et de postes. Pour choisir son candidat aux législatives dans
la seconde circonscription réservée selon l’accord avec le PS, Europe Ecologie-Les Verts a eu
l’embarras du choix, avec pas moins de neuf candidatures présentées : « Il y a tellement de
prétendants à l'atterrissage dans la 10e circonscription de Paris qu'il faudra bientôt une tour
de contrôle » s'amusait René Dutrey, candidat sur cette circonscription en 2007. Au-delà de
plusieurs personnalités parisiennes – les Adjoints au Maire Denis Baupin et Véronique
Dubarry, mais aussi Yves Contassot désormais élu dans le 13ème arrondissement – quelques
cadres du parti avaient également déposé leurs candidatures, en l’occurrence la trésorière Eva
Sas et le porte-parole Pascal Durand. Car si le candidat écologiste aux dernières municipales
Denis Baupin a finalement été élu député en juin 2012, sa désignation interne ne s’est pas
faite sans remous en décembre 2011. Cécile Duflot ayant fait main basse sur «sa» 6 ème
circonscription et le 20ème arrondissement où il est élu depuis 1995, l’Adjoint de Bertrand
Delanoë prévoyait initialement de se présenter dans une circonscription de sa ville d’origine,


11
  Il s’agit des élus du 20ème arrondissement, Michel Charzat et Katia Lopez
12
  Dans le cadre de l’accord, le PS soutient également le candidat écologiste dans la 10 ème circonscription de
Paris




                Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Caen. Problème : celle-ci n’a pas été intégrée à l’accord PS/EE-LV rendant ses chances d’être
élu inexistantes. Il s’est finalement rabattu sur les désignations internes en Essonne, à
Grenoble, à Saint-Brieuc… et dans la 10ème circonscription de Paris ! «C’est vrai que cela m’a
un peu mis en difficulté» avouera-t-il peu après au Parisien13. «Son investiture ne l’honorait
pas, je n’aurais jamais déposé une candidature interne là où Denis est élu, dans la 6ème
circonscription… Les plans de carrières personnels doivent être mis de côté quand ils peuvent
avoir une incidence sur l’ambition du parti. Les apparatchiks l’ont fait gagner en interne
mais il n’a plus que les militants du PS pour faire sa campagne» enrage en privé le local de
l’étape Yves Contassot. Preuve de leur professionnalisation, ce dernier eut toutefois la sagesse
de ne pas tenir de tels propos sur la place publique.


L’autre évolution remarquable de la stratégie parisienne d’EE-LV est d’avoir fait des
prochaines municipales un enjeu moins en termes de performances électorales qu’en terme de
multiplication de postes à responsabilité. L’objectif est d’imiter l’UMP et le PS, quasi-assurés
de parvenir à la tête d’exécutifs locaux puisque contrôlant la majorité des postes électifs – des
maires aux parlementaires en passant par les conseillers généraux (ou de Paris) et les
conseillers régionaux – et ayant su nouer un système d’alliances les inscrivant comme le parti                         20
dominant de leurs camps respectifs. Pour s’inscrire durablement et peser dans la vie politique
parisienne, le parti écologiste doit posséder davantage de fiefs électoraux14, avec des élus
confirmés et réélus possédant un solide réseau local15, à l’exemple de Jacques Boutault dans
le second arrondissement de la capitale. La Mairie remportée en 2008 par Dominique Voynet
à Montreuil, les bons scores d’EE-LV enregistrés dans les 2, 3, 10, 11, 18, 19 et 20ème
arrondissements lors des européennes et régionales suivantes, en écho à la circonscription sur
laquelle s’est faite triomphalement élire Cécile Duflot en juin 2012 sont autant de raisons qui
peuvent laisser espérer aux écologistes de construire un «fief» dans le nord-est parisien. Il
semble y avoir là une assise électorale, un potentiel qui reste toutefois à consolider pour en
faire à terme une situation «acquise».


13
   « Les écologistes se déchirent à Paris », Le Parisien, 15 décembre 2011.
14
    Refusant d’entrer dans le jeu des partis politiques puis engluée dans des coalitions avec le PS, les écologistes
n’ont jamais pris le temps de constituer des fiefs électoraux, des zones de forces où s’accumulent municipalités,
cantons, circonscriptions avec différentes échelles d’élus locaux, des forces militantes ou encore des relais
syndicaux et associatifs.
15
    Bien que cela ne soit pas le cas de Jacques Boutault, un mandat de parlementaire a son utilité dans la
construction d’un fief politique. Ne serait-ce que grâce à sa réserve parlementaire, évaluée annuellement de
150.000 à 200.000 euros par députés. Ils peuvent ainsi financer des projets dans leur circonscription, ou encore
distribuer des subventions aux associations…




                Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Pour Marie-Anne Gairaud, qui traite la vie politique parisienne au Parisien, «les écologistes
auront tout de même du mal à faire du 20ème arrondissement leur fief parisien : il y a de
nombreux logements sociaux autour des boulevards des maréchaux, et la population est plus
préoccupée par les questions sociales qu’environnementales.» Même son de cloche chez
Jean-Marc Pasquet, conseiller régional EE-LV d’Ile-de-France et ancien patron des Verts
Paris : «Notre discours est très «centre de Paris» à parler de démocratie locale plus que de
logement ou de petite enfance, et peut paraître en décalage dans un quartier où il y a 10%
d’illettrisme, le double du chômage et de nombreux bénéficiaires du RSA…» Tout l’enjeu à
terme pour le parti écologiste est de parvenir à démontrer que leurs combats contre la
pollution ou encore le bruit pénalisent en premier lieu les catégories les plus populaires.
«Notre positionnement «bobo» peut nous faire passer à côté d’un score à deux chiffres si
nous ne nous adressons pas en parallèle aux plus faibles : nous avons le devoir de nous
intéresser autant au cadre célibataire qu’aux familles nombreuses. Il faut trouver des ponts
entre les attentes écologistes d’une population qui n’a plus de besoins matériels et les attentes
sociales d’un électorat bien plus fragile» continue ce cadre local. Car si les cadres moyens et
supérieurs représentent plus de la moitié de la population dans les 11ème et 20ème                                 21
arrondissements depuis les nombreuses opérations d’urbanisme16 touchant l’Est de la capitale,
la gentryfication ne s’est faite qu’à la marge dans certains micro-quartiers tels que les Hauts
de Belleville ou Léon Frot. Une population socialement défavorisée est parvenue à s’y
maintenir dans des cités de logements sociaux, où les préoccupations sociales sont très fortes
et où le vote écologiste est lui, très faible. S’ils veulent un jour devenir dominateur dans l’Est
parisien, les écologistes doivent parvenir à «transcender les classes sociales», à discourir par
exemple autant sur la généralisation du bio dans les cantines municipales – où ils marqueront
des points parmi leur électorat aisé – que sur les problèmes d’obésité qui touchent
massivement les enfants des classes populaires.


Une telle stratégie couplée à des scores historiques et une ambition inédite de la part des
écologistes parisiens, aujourd’hui minoritaires dans l’exécutif de Bertrand Delanoë, n’a pas
manqué de faire réagir les socialistes de la capitale. Avant même la conclusion de l’accord
entre Europe Ecologie-Les Verts et le Parti Socialiste, ils se sont employés à minimiser les
dégâts pour que «Paris ne soit pas sacrifié». Par exemple, en transmettant une position pour

16
   Les opérations d’urbanisme dans ces quartiers (réhabilitations, rénovations, reconstructions) ont débuté dans
les années 1980.




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
le moins malhonnête intellectuellement aux négociateurs de Solférino - «la fédération de
Paris est favorable à un accord électoral cédant aux écologistes parisiens deux
circonscriptions gagnables, mais refuse toute candidature commune là où un Député PS
sortant souhaite se représenter.» Alors que les onze parlementaires socialistes de la capitale
souhaitaient initialement briguer un nouveau mandat, seule une17 des douze circonscriptions
gagnables était théoriquement «libre» pour un candidat EE-LV… Il faut reconnaître que
lorsque la fédération de Paris a transmis ce «mandat-piège» à la direction nationale du PS, des
rumeurs de plus en plus insistantes faisaient état de l’implantation de Cécile Duflot dans la
capitale. Le patron de la fédération PS de Paris Rémi Féraud – qui a fait allégeance au Maire
de Paris Bertrand Delanoë – menace alors son propre parti de présenter des dissidents partout
«là où la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts se présenterait.» En parallèle, il
intoxique les médias : «Cécile Duflot à Paris, c’est du bluff… Son parachutage ne fait pas
partie d’un accord envisageable entre le PS et EE-LV»18. Sous couvert de «off», un proche du
Maire de Paris va même plus loin: « Jamais on ne se laissera flinguer de l'intérieur. Nous
sommes prêts à faire exploser l'accord au niveau national ! »19.


                                                                                                  22




17
   Il s’agit de la 11ème circonscription, qui plus est fragilisée par le redécoupage électoral.
18
   Sur France Bleu Ile de France, 8 novembre 2011.
19
   Source : Rue 89, «A Paris, Duflot attendue avec un bazooka par le PS » le 10 novembre 2011




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Dans les jours précédant la
signature de l’accord, Anne                      Le parachutage, une pratique ancestrale à Paris
Hidalgo, la première adjointe
                                          S’ils peuvent être légitimes lors de scrutins locaux, les débats sur le
et candidate à la succession
                                          parachutage ont-t-il leur place lors d’élections nationales telles que les
de Delanoë en 2014, ne dit
                                          législatives ? La députation, contrairement aux cantonales ou aux
pas autre chose : selon Le
                                          municipales où il est nécessaire d’être inscrit sur les listes électorales et de
Parisien, elle envoie à ses               payer des impôts depuis au moins cinq ans sur le territoire convoité, ne
soutiens des SMS du type «Il              requiert aucune obligation de domicile. Pourquoi ? Parce que comme
faut tenir bon. Pas de                    l’explique la Constitution de 1791, les députés «ne sont pas représentants
parachutage,         sinon       pas      d’un département en particulier, mais de la Nation entière.» Ne représentant
d’accord possible. Si pas                 pas les habitants d’une circonscription mais l’ensemble des Français, la
d’accord, c’est pas la                    géographie ne devrait avoir en théorie que peu d’importance dans le scrutin
cata !»20. Le contenu de la               législatif. Auparavant, le rattachement à une circonscription n’était considéré
négociation entre les deux
                                          que comme une modalité du mode de scrutin : des hommes politiques
                                          d’envergure nationale comme Georges Clémenceau se parachutaient ainsi
formations – accordant à Paris
                                          dans plusieurs circonscriptions à la fois, pour s’assurer une chance d’être élu.
la 6ème et la 10ème, deux
                                          Battu aux élections législatives de la Seine en 1928, Léon Blum s’est lui, fait
circonscriptions             jugées
                                          élire à l’Assemblée nationale un an plus tard, lors d’un scrutin partiel… à
                                                                                                                             23
comme           excellentes        et     Narbonne. La fidélité électorale des citoyens locaux était ensuite
permettant l’implantation de              récompensée par la mise à disposition du réseau et de l’entregent de ces
Cécile Duflot – est dévoilé au            pontes : une fois élu Président de la République en 1981, le charentais-
bureau national du Parti                  landais François Mitterrand n’oublia pas, loin de la, le département de la
Socialiste, le 15 novembre au             Nièvre où il a été élu Député pendant près de 35 ans. «Qu’on le veuille ou
soir.                                     non, les parachutages ont toujours existé en politique. J’ai le regret de vous
                                          annoncer que François Mitterrand n’est pas né dans la Nièvre. Et à ce que je
                                          sache, l’arrivée de Royal à La Rochelle, c’est ça la politique autrement ? Et
                                          puis, est-ce qu’un parachuté fera moins bien la loi qu’un non-parachuté ?
                                          Est-ce qu’il aura moins d’empathie avec le territoire dans lequel il est élu…
                                          au suffrage universel ?» fait remarquer malicieusement une sénatrice PS
                                          rencontrée à l’automne dernier. Reste que depuis une trentaine d’années, le
                                          parachutage est connoté négativement, (suite)
                                          décentralisation de la vie politique a peu à peu inscrit l’ancrage local comme
                                          une condition sine qua non pour être élu député. Soucieux de disposer de
                                          fiefs leur assurant d’être élus et réélus, certains barons locaux ont accrédité
20
                                          l’idée qu’un député devait, à travers les lois votées «dans l’intérêt de la
   Le Parisien, « A Paris, Aubry lâche Delanoë », le 17 novembre 2011.
                                          Nation», défendre des projets locaux comme n’importe quel élu de terrain
                                          (sic).


                Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Le parachutage, une pratique ancestrale à Paris

(suite) le parachutage est connoté négativement, associé à de basses manœuvres parisiennes. La décentralisation de la
vie politique a peu à peu inscrit l’ancrage local comme une condition sine qua non pour être élu député. Soucieux de
disposer de fiefs leur assurant d’être élus et réélus, certains barons locaux ont accrédité l’idée qu’un député devait, à
travers les lois votées «dans l’intérêt de la Nation», défendre des projets locaux comme n’importe quel élu de terrain.
Bien que bénéficiant d’un statut à part par rapport aux autres territoires concernés par les lois de décentralisation, Paris a
elle aussi versé dans cette ode au localisme. Il est loin le temps où Jacques Chirac cumulait son mandat de Maire de la
capitale… à celui de Président du Conseil général de Corrèze (NDLR : de 1977 à 1979). Au cœur du pouvoir central, la
capitale a en effet été le lieu d’atterrissage de nombreux professionnels de la politique qui n’étaient pas Parisiens de
souche, dont Bertrand Delanoë dans les années 70. Plus un territoire est acquis à un camp, plus la résistance des élus
locaux est forte contre les candidats «imposés d’en-haut» : en 1977, Jacques Chirac a combattu le candidat soutenu et
envoyé de l’Elysée par Giscard d’Estaing, Michel d’Ornano ; de même pour Jean Tibéri en 2001 face à Philippe Séguin.
Cette année-là, Paris a basculé à gauche après la victoire d’un sénateur parisien quasiment inconnu jusqu’alors, qui a
profité du forfait à gauche de «parachutés» populaires comme Dominique Strauss-Kahn puis Jack Lang. Bertrand
Delanoë a-t-il pour autant installé par la suite une culture politique empêchant tout parachutage, dont celui de Cécile
Duflot, comme il l’affirme aujourd’hui ? Peut-être. Mais ce n’était pas encore le cas lors des législatives 2002, où             24
l’ancien Ministre (Verts) de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de son ami Lionel Jospin et jusqu’alors
Député du Val-d’Oise, Yves Cochet, s’est fait élire dans la 11ème circonscription de Paris à la suite d’un accord local.
Concernant ses adversaires, le Maire de Paris ne s’est pas ému sur les implantations surprises de Christine Lagarde ou de
Rachida Dati lors des municipales 2008… mais a réagi au parachutage du Premier Ministre François Fillon, pressenti
pour être le candidat de l’UMP en 2014. Rémi Féraud, patron de la fédération PS de Paris et proche de Bertrand Delanoë
analyse : «Duflot, c’est le parachutage d’une dirigeante nationale pour en réalité préparer les prochaines municipales, à
un moment où nous dénonçons le parachutage de François Fillon à Paris.» Plus qu’une culture politique éthique
interdisant les parachutages dans la capitale, il semble surtout que le PS parisien réagisse en fonction de ses intérêts et de
ses stratégies de campagne.




«Ils me prennent vraiment pour un con! Ils se foutent de ma gueule» s’énerve le Maire de
Paris, à la sortie de la réunion. Même colère chez Anne Hidalgo, qui lança à Martine Aubry
dont elle était la porte-parole au cours de la primaire socialiste, et dont le mari est le directeur
de cabinet de la première secrétaire, «que je ne te croise plus jamais !» Cheffe du parti et donc




                 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
organisatrice de cet accord entre le PS et EE-LV, la Maire de Lille21 – dont c’est le seul
mandat d’élue – est dans ses fonctions locales de dépendante des écologistes lillois. En
organisant le rapprochement des deux formations politiques au niveau national, il apparaît
incontestable que Martine Aubry marque des points précieux dans la course à sa propre
réélection aux municipales 2014.


Mais la colère de l’exécutif socialiste parisien ne s’explique pas seulement par cette seule
«trahison» : cet accord contrecarre directement les plans de Bertrand Delanoë, qui a déjà
annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2014 mais qui avait pour ambition que sa première
adjointe – qui n’est toujours pas parvenue à imposer son leadership - lui succède à la tête de
l’Hôtel de Ville de la capitale. Les deux caciques parisiens n’avaient pas anticipé la nouvelle
stratégie parisienne d’Europe Ecologie-Les Verts, plus ambitieuse et conquérante. Et encore
moins prévu que leur secrétaire nationale - qu’ils considéraient comme une partenaire
ambitieuse mais soucieuse de son image d’élue proche des banlieues – ne prenne le risque de
traverser le périphérique pour se faire élire à Paris. Déçus que ni le candidat PS ni la première
secrétaire n’aient plié ni face à leurs exigences personnelles ni face au mandat délivré par la
fédération de Paris, à quoi l’on peut rajouter l’amertume provoquée par leurs difficiles années     25
de cohabitation avec les Verts parisiens, Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo dénonceront dans
la foulée une «insulte faite aux parisiens», des «modifications arbitraires», des
«parachutages» et des «tripatouillages» ; ils répèteront à qui veut bien l’entendre que cet
accord «n’est pas dans la culture politique que nous avons installée à Paris depuis 2001» et
que «s’ils me demandaient de favoriser le parachutage d’un socialiste, je m’y opposerai
également.»


Premier motif d’insatisfaction des socialistes de la capitale : la terre d’implantation que
Solférino a accordée à Cécile Duflot. Il s’agit de la 6ème circonscription, une des plus à gauche
de France et donc l’une des meilleures, détenue jusqu’ici par Danièle Hoffmann-Rispal. «Un
peu âgée et n’étant pas une figure possédant un gros poids politique, le PS parisien avait déjà
pensé à la remplacer en interne et plusieurs scénarios avaient prévu de la faire sauter pour
laisser la place à Seybah Dagoma, Pascale Boistard ou Frédérique Calandra. Désormais,
celle dont la principale utilité avait déjà été de dégager le chevènementiste Georges Sarre en
2002 redevient un atout pour s’occuper du cas Duflot» décrypte Marie-Anne Gairaud,


21
     Martine Aubry n’est ni Ministre, ni Députée. La Mairie de Lille est son seul mandat électif.




                  Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
journaliste couvrant la vie politique de la capitale pour le compte du Parisien. La députée
sortante est désormais le dernier espoir des socialistes pour éviter l’arrivée de Cécile Duflot,
et que cette circonscription «10 étoiles», à leurs yeux «plus prolo que bobo», ne soit
abandonnée à l’écologiste de 37 ans. Organisant la riposte du PS parisien, Anne Hidalgo
confie à plusieurs journalistes que «la guerre ne fait que commencer. Hoffmann-Rispal
maintiendra sa candidature. Et si Duflot choisissait une autre circonscription, elle trouverait
de toutes façons un candidat socialiste sur son chemin22.»


Seconde inquiétude, les bruits qui prêtent à Cécile Duflot la volonté de se présenter aux
prochaines élections municipales dans la capitale –en langage fleuri, de vouloir «bouffer le PS
et tout faire péter en 201423.» Se disputant les mêmes électeurs – les classes moyennes et
supérieures diplômées – le PS et EE-LV ont jusqu’ici observé chacun de leur côté la
proximité de leurs scores dans l’Est de la capitale et le rôle que ces territoires pourraient jouer
en 2014 du fait du nombre de Conseillers de Paris qu’ils possèdent : «la stratégie des
écologistes et de Duflot a évidemment une visée municipale. Est-ce qu’elle a des visées sur la
Mairie du 20ème arrondissement ? Les bruits courent, nous les entendons, et ils nous
inquiètent» ne se cache pas le patron du PS parisien, Rémi Féraud. «A deux ans d’une élection         26
où il devra organiser la succession de Delanoë, nous aurions pu discuter entre socialistes de
l’arrivée de Duflot, d’un point de vue politique et stratégique : le parti rajoute de la difficulté
à des difficultés déjà existantes…» se plaint Pascale Boistard, adjointe au Maire et cadre
aubryste du PS parisien. Mais sur ce point, tous les socialistes parisiens ne possèdent pas la
même opinion : le député (PS) Jean-Marie Le Guen, qui brigue lui aussi la Mairie de Paris en
2014, prend aussitôt ses distances avec la position du Maire de Paris et de sa première
adjointe, en expliquant que «la compétition est légitime. Personne n'est propriétaire de
Paris.» Son collaborateur parlementaire, Nicolas Vignolles, décrypte la position de son
patron : «Delanoë a été très mauvais tactiquement, il n’aurait jamais dû pointer ainsi du doigt
Cécile Duflot. Cela démontre sa fébrilité. Il a un ressenti contre les écologistes du fait de son
premier mandat, où les Verts l’ont gêné. A sa place, Jean-Marie Le Guen aurait fait le
«baiser du scorpion» en lui souhaitant la bienvenue sur Paris avant d’organiser la contre-
offensive.»




22
     Rue 89 le 16 novembre 2011, « Duflot vs Delanoë, la guerre est déclarée à Paris.»
23
     Rue 89 le 16 novembre 2011, « Duflot vs Delanoë, la guerre est déclarée à Paris.»




                  Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Quelques jours plus tard, le député PS de Paris enfonce le clou et met en exergue la faute «des
responsables socialistes parisiens, qui ont mené une très mauvaise discussion.» Dans une
lettre également transmise aux médias, il se demande s’il «existe encore une fédération du PS
                                                                à Paris ?», un moyen de critiquer en
                                                                creux le bilan de Rémi Féraud, patron de
                                                                la fédération PS, proche du Maire de
                                                                Paris    et    de     sa    première       adjointe.
                                                                Plusieurs élus et militants vont alors
                                                                embrayer sur la fébrilité supposée du
                                                                premier fédéral. Loin d’être un partisan
                                                                de Jean-Marie Le Guen, le secrétaire de
                                                                section du 11ème arrondissement Philippe
                                                                Wehrung estime que «la fédération de
                                                                Paris     n’est     pas      n’importe           quelle
                                                                fédération socialiste: elle aurait dû jouer
                                                                un      plus      grand       rôle        dans      les
                                                                négociations.» La gronde ne s’arrête pas                  27
                                                                là. «Après le redécoupage, la fédération
                                                                aurait dû réunir tous les parlementaires
                                                                parisiens      pour        gérer     la    situation
                                                                humainement. Au lieu de cela, elle a rayé
les plus vieux et les plus fraîchement élus» déplore le Député sortant de la 10ème
circonscription, Serge Blisko, évincé après avoir assuré trois mandats à l’Assemblée tout en
installant le PS à la tête du 13ème arrondissement. Quelle est la cause de cet
acharnement contre Rémi Féraud ? Premier fédéral, Maire du 10ème arrondissement et ancien
attaché parlementaire de Danièle Hoffmann-Rispal, ce dernier aurait tenté de «faire valoir ses
intérêts personnels sur ceux du PS, en ne protestant qu’à demi-mots contre le choix de la 6ème
pour que Solférino n’ait pas l’idée de donner la 5ème circonscription - qui comprend son
territoire du 10ème – aux écologistes» analyse Marie-Anne Gairaud, journaliste au Parisien.
«Aucune instance ne s’est réunie pour flécher des circonscriptions24, il y a eu un flou
organisé par Féraud pour que personne n’évoque le cas de la 5ème circonscription, qui était
pourtant la seule où le député sortant de 73 ans, Tony Dreyfus, ne s’est pas représenté»


24
     Sens : donner des indications à la commission électorale




                  Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
complète Philippe Wehrung. L’application à la lettre de la stratégie parisienne des écologistes,
sans que Solférino n’y trouve rien à redire, aurait pu souder les socialistes parisiens dans un
élan légitimiste. Mais à un an du prochain congrès PS et à deux ans des municipales, elle a
surtout été l’occasion de règlements de comptes internes et de stratégies personnelles.



   B) Le test des élections législatives à Paris

   1) Les écologistes peuvent être satisfaits

        igner un accord électoral – une tâche par définition compliquée entre formations


S       politiques - en vue des élections législatives 2012 était rendu d’autant plus difficile
        que ce scrutin ressemblait à un saut dans l’inconnu pour l’ensemble des partis : il
inaugurait le redécoupage Marleix… qui n’a pas épargné la capitale, loin de là. En vertu de la
Constitution qui prévoit que «l’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct,
doit être élue sur des bases essentiellement démographiques», le département de Paris, qui a
perdu nombre d’électeurs depuis la dernière carte électorale réalisée en 1986, a été amputé de
3 de ses 21 circonscriptions. Et le périmètre des 18 restantes a été allègrement modifié, le
                                                                                                   28
critère de base au redécoupage devenant le quartier et non plus l’arrondissement : des bureaux
de vote ont été transférés d’une circonscription à l’autre, sans grand respect pour la cohérence
territoriale, tandis que «certains bureaux de votes ont même été complètement défigurés, avec
des corps électoraux modifiés à 75%» me confie le responsable d’un service élections d’une
Mairie d’arrondissement de la capitale.




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
A sa publication, l’ensemble de la gauche parisienne, Verts et Socialistes confondus, ont
vivement protesté ; le Maire de Paris Bertrand Delanoë (PS) expliquant même que
«contrairement au discours de Monsieur Marleix selon lequel la gauche perdrait deux
députés et la droite un, ce découpage consisterait à faire en sorte qu’il y ait trois députés de
gauche en moins en 2012.» Sous la pression de la commission de contrôle, le Secrétaire d’Etat
à l’Intérieur et aux Collectivités locales Alain Marleix, par ailleurs secrétaire national de      29
l’UMP chargé des élections, a finalement dû revoir une partie de sa copie avec les différents
responsables des partis politiques, pour finalement revenir en arrière dans 35 départements
dont Paris.

Nettement favorable à la gauche qui comptait en 2007 treize députés sur vingt-et-un, le
rapport de forces n’a pas été modifié par la seconde mouture du redécoupage : la gauche
devrait perdre un député et n’en compter plus que douze, tandis que la droite devrait passer de
huit à six. La nouvelle carte électorale semble avoir renforcé les circonscriptions, les rendant
toutes - mis à part la 3ème et la 11ème circonscription - imperdables et acquises au camp de la
gauche ou de la droite. Si bien que la bataille législative ne semble plus se jouer aujourd’hui
de façon bipolaire… mais entre partenaires.




              Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Les Verts, qui avaient deux députés élus dans la capitale depuis 2002, ont vu leurs
      circonscriptions –respectivement les anciennes 1ère et 11ème- disparaître ou tout du moins être
                                                                                     fragilisées. La terre d’élection de
                                                                                     Martine Billard, Députée Verte
                                                                                     ayant rejoint le Front de Gauche
         Les accords législatifs sous l’ère Delanoë                                  au cours de la dernière mandature,
                                                                                     a été dépecée : les quatre petits
Dans la foulée des municipales victorieuses de 2001, Solférino avait accordé
                                                                                     arrondissements du centre parisien
aux Verts trois circonscriptions gagnables : la 1ère à Martine Billard, la 11ème à
                                                                                     ont été rattachés aux anciennes
Yves Cochet ainsi que la 12ème à l’environnementaliste Maryse Arditi. Les
socialistes parisiens se sont sentis floués. Mais craignant pour la solidarité de    4ème circonscription, ancrée à
sa majorité municipale, le Maire de Paris n’a eu de cesse de répéter que «Les        droite ainsi qu’aux 5ème et 7ème.
Verts méritent leurs trois circonscriptions» ou encore qu’«on a besoin des           Celle d’Yves Cochet, devenu
Verts.» «Ce qu’il ne pouvait pas deviner, c’est qu’Arditi ferait sa campagne         Député européen en décembre
sur le devenir des crapeaux dans le 15ème arrondissement… Aucun accord               2011, s’est-elle vue adjoindre des
national n’ayant été signé en 2007, le PS parisien repris logiquement cette          bureaux de vote du conservateur
circonscription mais décida tout de même de ne pas présenter de candidats            6ème arrondissement et du quartier
socialistes contre Martine Billard et Yves Cochet» raconte l’Adjoint au Maire
(EE-LV) Yves Contassot.
                                                                                     le moins à gauche du 14ème                  30
                                                                                     arrondissement       (Montparnasse)
 En 2012, la situation se compliquait donc du fait du redécoupage électoral :
                                                                                     ainsi qu’amputée du sud de sa
«la 1ère circonscription de Billard répondait à tous les critères, elle n’aurait
pas dû être modifiée. Mais le préfet de région qui suit le dossier du                circonscription, traditionnellement

redécoupage, m’a avoué depuis que le PS et l’UMP s’étaient entendus pour             plus à gauche.
la supprimer…» explique Hervé Morel, le patron d’EE-LV Paris. Sans
                                                                                     Estimant que ce n’était pas à eux
compter que la 11ème circonscription d’Yves Cochet avait été «droitisée»
selon les socialistes et les écologistes. Pour Sylvain Garel, co-président du        de subir la perte d’un député de
groupe EE-LV au Conseil de Paris, «le PS a cherché à nous faire payer                gauche à Paris occasionné par ce
l’addition du redécoupage, mais nous nous en sortons bien au final. Il ne faut       redécoupage,       les     écologistes
pas oublier que nous revenons de loin : en 1997, l’accord national du PS             parisiens        décidèrent           de
nous proposait seulement la 14ème circonscription (sud du 16ème                      revendiquer                      d’autres
arrondissement) où la gauche ne dépassait pas les 30% au second tour… »              circonscriptions         ayant        été
                                                                                     épargnées.     Dopés       par      leurs
                                                                                     excellents    résultats     lors     des
                                                                                     européennes de 2009 qui les
      virent côtoyer le PS au niveau national mais les dépasser largement dans la capitale, ils
      réclamèrent d’entrée de présenter leurs candidats sur les dix-huit circonscriptions, avec le




                        Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
désistement et le soutien du PS au candidat écologiste dans trois, dont deux gagnables. Il
s’agissait de la cinquième ou la sixième circonscription, dans l’est parisien ; la dixième, en
lieu et place de la onzième circonscription, fragilisée par le redécoupage ; ainsi qu’une
candidature commune dans un bastion de la droite parisienne dans le centre de Paris, soit «la
nouvelle 1ère circonscription où nous aurions souhaité légitimer Jacques Boutault » soit la
2ème circonscription, tout aussi imprenable mais qui présentait l’avantage d’une médiatisation
garantie, du fait qu’elle serve de terre d’élection à l’ancien Premier ministre, François Fillon.

Le Parti Socialiste soutiendra finalement deux candidats écologistes à Paris, comme lors des
précédents accords à la différence que le redécoupage électoral a réduit le nombre de
circonscriptions. Une bonne affaire pour les écologistes, donc… mais aussi pour les
socialistes adeptes du coup de billard à trois bandes. Le poids politique des écologistes a
certes augmenté ces derniers mois, mais le PS n’a pas cédé à leurs revendications sans servir
en retour ses propres intérêts : pourquoi Solférino a-t-il accepté de lâcher la 10ème
circonscription et de reprendre la 11ème, «droitisée» ? Pour satisfaire la demande de leurs
partenaires Verts, mais aussi et surtout pour permettre au Maire du 14ème arrondissement
Pascal Cherki25, de se présenter et d’être élu dans la 11ème circonscription… Même                                31
configuration dans la 6ème circonscription, où l’accord se fait au détriment de Danièle
Hoffmann-Rispal alors qu’entre temps, le député sortant de la 5ème circonscription voisine
avait annoncé son retrait : cela satisfait Cécile Duflot qui insistait pour hériter de la 6ème
circonscription plutôt que la 5ème, mais cela a également permis au PS de faire une place au
soleil à la jeune Adjointe au Maire de Paris, Seybah Dagoma.


Cette circonscription, qui depuis 1986 regroupait les quartiers de la Folie Méricourt (11è), de
Saint-Ambroise (11è), de Belleville (20è) ainsi qu’une partie du Père Lachaise (20è) a
toujours été de gauche. Y compris lors du règne de Jacques Chirac sur la Mairie de Paris
(1977-1995), où le RPR contrôlait une partie des mairies d’arrondissements de l’est parisien
lorsque ce n’était pas la totalité. En 2010, Alain Marleix a beau avoir pris ses ciseaux pour la
remodeler26, cette circonscription n’en reste pas moins inscrite au cœur de deux
arrondissements républicains, puis populaires et donc très à gauche. Aucun des bureaux de
vote intégrés dans cette circonscription n’avait placé l’UMP en tête, au premier tour des
25
   Poids lourd de la motion C (courant Un Monde d’Avance classé à la gauche du PS), influente à Paris et qui
n’était jusqu’alors pas représentée dans l’équilibre interne des Députés de la capitale.
26
   Elle est depuis composée de la partie Est des quatre quartiers qui composent le 11 ème arrondissement (Folie
Méricourt, Saint-Ambroise, Roquette et Sainte Marguerite) ainsi qu’une partie des quartiers de Belleville et du
Père Lachaise




               Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
élections régionales 2010, certains coins de Belleville accordant même des scores staliniens à
la liste d’union de la gauche au second tour (avec près de 90% des suffrages). Autant dire que
même une poussée légitimiste à la suite d’une hypothétique réélection de Nicolas Sarkozy en
2012 n’aurait pas été suffisante pour faire basculer la 6ème circonscription à droite.


Loin des arrondissements de pouvoirs où sont concentrés institutions et lieux d’influence dans
quelques kilomètres carrés, l’Est parisien n’en est pas moins convoité. Malgré que la députée
sortante de la 6ème circonscription, Danièle Hoffmann-Rispal avait annoncé sa volonté de
briguer un troisième mandat, Solférino a décidé d’accorder l’investiture du PS à la secrétaire
nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot. Ce qui n’empêcha pas le PS parisien et
notamment les élus de la circonscription, telle la Maire du 20ème arrondissement Frédérique
Calandra ou le sénateur et conseiller de Paris, David Assouline, de tout faire pour annuler
cette décision. Dès l’officialisation de l’accord, la Députée sortante Danièle Hoffmann-Rispal,
une strauss-kahnienne ralliée à François Hollande pendant les primaires, réaffirme sa volonté
de se présenter malgré l’accord électoral. Pour le secrétaire de la section du 11ème
arrondissement Philippe Wehrung, le choix d’accorder cette circonscription               n’est pas
cohérent : «la 6   ème
                         circonscription est encore ouvrière et populaire dans certains recoins, et   32
nos deux partis n’ont pas les mêmes positions sur des dossiers locaux stratégiques comme le
marché sauvage de Belleville ou les biffins. Surtout, la Députée sortante qui a été rayée de la
carte par Solférino est une des seules parlementaires socialistes – et l’unique à Paris – à être
issue du militantisme ! Elle représente en quelque sorte la diversité sociale du PS» fait-il
valoir.




             Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
Selon Le Monde, les deux femmes se seraient rencontrées à plusieurs reprises sur l’initiative
de Cécile Duflot, mais sans parvenir à se mettre d’accord. Encore mi-janvier, «je résiste et je
continuerai de résister» abonde Danièle Hoffmann-Rispal dans les colonnes du quotidien du
soir. «Si Cécile Duflot peut trouver un point de chute ailleurs que sur mon dos, ce serait
mieux. Qu'elle aille dans une circonscription plus difficile» explique-t-elle naturellement. En
public, c’est un discours plus policé qu’elle met cependant en avant : «je suis la petite
vendeuse du Sentier qui s’est faite toute seule, à travers moi, c’est un peu de Belleville et de
Ménilmontant qui s’élèvent vers les ors de la République» décline t’elle inlassablement. Mais
alors que l’élection de François Hollande devient de plus en plus probable, la députée sortante
va perdre un soutien de poids. Dans Le Parisien du 16 janvier, Bertrand Delanoë confie ainsi
que «jusqu’au 6 mai, toute mon énergie est tendue vers un seul objectif : la victoire de
François Hollande. Les élections législatives viendront après.» Guidé par ses ambitions
ministérielles, le Maire de Paris accepte même de rencontrer Cécile Duflot, en marge du
Conseil de Paris le mardi 7 février, afin de reprendre langue selon un confidentiel de
Libération : «faut pas qu'on se fâche, Cécile», aurait lâché le Maire de Paris à celle qui avait
sollicité cette entrevue, toujours selon ce quotidien.
                                                                                                                         33
Mues par des intérêts convergents – empêcher l’arrivée de Duflot à Paris pour conserver la
sinécure que représente la députation dans la 6ème circonscription pour l’une, ne pas
compromettre ses chances en vue de l’élection de 2014 pour l’autre – Danièle Hoffmann-
Rispal et Anne Hidalgo adoptent alors la même stratégie. Omettant de préciser que la 6ème
circonscription avait été découpée en 1986 sur mesure pour Georges Sarre et la gauche27, que
la sociologie de l’est parisien a (presque) toujours été favorable aux valeurs de la gauche,
qu’elle a elle-même précipité la chute du député sortant Georges Sarre en 2002, Danièle
Hoffmann-Rispal revendique d’avoir construit son succès pas à pas et d’être aujourd’hui sur
le podium des parlementaires les mieux élus de France28. «Ce travail de trente années, je ne
comprends pas qu’il doive se perdre sur un simple accord électoral» fait-elle valoir
aujourd’hui. La première adjointe du Maire de Paris ne relâche pas non plus la pression vis-à-
vis de sa (future) rivale écologiste, et continue son bras de fer, feutré mais sans concession,
vis-à-vis de Solférino et de son ancienne amie, Martine Aubry. Lors de la journée de la


27
    «Lors du redécoupage de 1986, Georges Sarre a profité de sa fonction de leader de l’opposition au Conseil de
Paris pour être reçu par Charles Pasqua : pour qu’il ne conteste pas cette refonte de la carte électorale, le Ministre
lui a offert le privilège de se préparer sa propre circonscription, en annexant tous les territoires les plus à gauche
de l’est parisien» explique Philippe Wehrung, secrétaire de section dans l’Est parisien.
28
    Elle a obtenu 69% des suffrages, au second tour des législatives de 2007.




                Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
femme le 8 mars, elle organise ainsi un dîner au restaurant La Comète pour «soutenir la
campagne de François Hollande… et la députée sortante évincée de la 6 ème circonscription,
Danièle Hoffmann-Rispal.» Profitant de l’actuelle médiatisation de la vie politique ainsi que
de la politisation de l’électorat parisien - qui suit l’actualité, lit les journaux, regarde les
débats, s’exprime sur les réseaux sociaux – pour déstabiliser Cécile Duflot, Anne Hidalgo
laisse fuiter dans un «indiscret» de L’Express29 sa stratégie de remplacer l’écharde Hoffmann-
Rispal par l’épine Mélenchon, dans le pied de la secrétaire nationale d’EE-LV. La rumeur ne
cessera de prendre de l’importance, jusqu’à l’officialisation de la candidature de ce dernier…
à Hénin-Beaumont.


                                  Score réalisé par le candidat EE-LV (anciennement Les
                                 Verts) au premier tour de l'élection présidentielle à Paris

                                        1974   1981      1988    1995   2002     2007    2012
                                                                          7,38


                                       4,07                                                     4,18
                                                  3,64          3,63
                          2,32
                                                                                        1,53


                          1974         1981      1988           1995      2002          2007    2012   34
Si le faible score d’Eva Joly au premier tour de l’élection présidentielle (2,31%) est de nature
à donner des espoirs aux dissidents socialistes, ce n’est pas le cas à Paris : dans la 6ème
circonscription, l’ancienne juge d’instruction réalise 5,66%, soit encore mieux que sa
moyenne parisienne (4,18%). Danièle Hoffmann-Rispal se console toutefois avec les 43,03%
de François Hollande, qui améliore lui aussi son score parisien (34,83%) et national (28,63%).
Statu quo : il faudra donc attendre le 6 mai pour connaître le casting définitif des candidats de
la 6ème circonscription. Et pas question de faire des vagues avant d’avoir le résultat. Le
premier secrétaire fédéral du PS Rémi Féraud, qui n’a jamais caché être partisan d’une
candidature dissidente, se refuse ainsi d’aborder «la question des législatives entre les deux
tours de la présidentielle »30. Jusqu’ici contrainte en sa qualité de secrétaire nationale d’EE-
LV de réaliser au minimum deux déplacements par semaine avec Eva Joly, Cécile Duflot n’a
pas attendu plus tard que le 23 avril, soit au lendemain du premier tour, pour lancer sa propre
campagne. Mais quand elle organise une distribution de tracts en faveur de François Hollande
sur le marché Charonne dans le 11ème arrondissement, ou qu’elle colle des affiches de soutien

29
     L’Express, le 28 mars, Le PS pousse Mélenchon à se présenter.
30
     Source : Le Parisien, le 24 avril « Cécile Duflot écrasée par les socialistes »




                  Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
La bataille de Paris, un duel entre socialistes et écologistes ?
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La bataille de Paris, un duel entre socialistes et écologistes ?

  • 1. La bataille de Paris : un duel entre socialistes et écologistes ? Institut Français de Géopolitique – Master 1 – 2011 / 2012 Hugo SOUTRA, sous la direction de Philippe SUBRA. Diffusion en totalité ou en partialité interdite sans l’accord de l’auteur ou de l’Institut Français de Géopolitique ©
  • 2. 2 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 3. Table des matières Remerciements ......................................................................................................... 4 Introduction............................................................................................................... 5 I Elections législatives 2012, la pré-bataille de Paris.............................................. 7 A) La conquête de Paris sera politique ou ne sera pas ............................................. 7 1) Les écologistes veulent entrer dans la cour des grands ................................................ 7 2) Une nouvelle dynamique qu’ils cherchent à appliquer à la capitale ............................ 13 B) Le test des élections législatives à Paris ............................................................. 28 1) Les écologistes peuvent être satisfaits ..................................................................... 28 2) La bonne séquence d’EE-LV ne pénalise pas le PS .................................................. 40 II Rivalités de pouvoirs entre frères ennemis ....................................................... 47 A) «L’unité est un combat» ................................................................................... 47 1) Interdépendances et rivalités de pouvoirs ................................................................ 47 2) Des relations «bipolaires» exacerbées à Paris ........................................................... 59 3 B) Les relations PS / EE-LV à l’épreuve du pouvoir .............................................. 74 1) 2001-2008, la douloureuse construction d’un rapport de forces .................................. 74 2) 2008-2014, la contrainte d’un rapport de forces évolutif ........................................... 90 III Enjeux géopolitiques des élections municipales 2014 ................................... 103 A) La Mairie de Paris, au cœur des stratégies politiques ...................................... 103 1) Paris, un territoire plus que convoité ..................................................................... 103 2) Une super-institution au service d’ambitions nationales .......................................... 110 B) Vers un duel interne à la majorité municipale ? .............................................. 117 1) Socialistes et écologistes affûtent leurs armes en vue de 2014.................................. 117 2) Paris peut encore réserver bien des surprises .......................................................... 134 Conclusion ............................................................................................................ 145 Résumé : ................................................................................................................ 156 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 4. Remerciements Tout d’abord, je tenais à remercier les différents acteurs et observateurs de cette rivalité parisienne entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les Verts. Les discussions que j’ai pu avoir avec les différents élus ainsi que leurs collaborateurs mais aussi les militants locaux m’ont permis de mieux appréhender les positions de chaque parti et de chaque personnalité politique. Ces différents entretiens ont été indispensables à ma réflexion et viennent nourrir cette recherche tout au long des pages suivantes. J’ai aussi pu avoir des échanges riches avec plusieurs journalistes suivant la vie politique parisienne, qui n’ont pas hésité à me consacrer de leurs temps personnel pour aborder cette recherche comme mon avenir professionnel. Je profite donc ici de l’opportunité qui m’est offerte de leur exprimer ma gratitude, qui va bien au-delà de ces quelques lignes. Dans un second temps, il me paraît indispensable de souligner le rôle joué par l’ensemble du corps enseignant de l’Institut Français de Géopolitique, qui m’a donné l’occasion tout au long de cette première année, d’acquérir des compétences indispensables à l’exercice du métier de 4 journaliste auquel j’aspire. Leurs différents cours, séminaires et présentations, m’ont permis de saisir les tenants et les aboutissants d’un conflit géopolitique, dans toute sa complexité. Plus particulièrement, mes remerciements s’adressent à Philippe SUBRA qui a dirigé ce mémoire. Il a su m’orienter dès l’automne dernier sur les éléments clés permettant de comprendre la concurrence entre ces deux formations à Paris, et s’est montré disponible tout au long de ma recherche pour répondre à mes interrogations. Le soutien et les conseils de Mathilde COSTIL, allocataire de recherche à l’IFG, ainsi que de Guilhem MAROTE, me furent également précieux tant dans la rédaction de ces pages que dans la confection de mes cartes géopolitique disséminées dans cette recherche. Il va aussi de soi d’exprimer ma reconnaissance à mon entourage proche parfois mué en correcteurs, pour leur aide et leur soutien exprimé au cours de ces semaines de travail. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 5. Introduction A lors que les élections législatives viennent de prendre fin ce 17 juin 2012, les acteurs politiques parisiens ont déjà les municipales de 2014 à l’esprit. Si elle devrait progressivement monter en intensité, la bataille pour la Mairie de Paris était déjà prégnante dans les stratégies des élus écologistes et socialistes ces derniers mois. Galvanisé par un poids politique qu’il n’a jamais eu à l’échelle nationale, Europe Ecologie Les Verts (EELV) a pour ambition de concrétiser la bonne dynamique enregistrée dans la capitale au cours des précédents scrutins locaux. Concrètement, il s’agira pour eux d’ancrer la Mairie de Paris à gauche tout en parvenant à inverser les rapports de forces de la majorité plurielle, aujourd’hui sous la domination du Parti Socialiste et de Bertrand Delanoë. Discipline à l’intersection de la géographie, de l’histoire contemporaine et de la science politique, la géopolitique étudie les rivalités de pouvoirs sur un territoire, susceptible de d’aboutir à un conflit. Dans cette définition d’Yves Lacoste, il est entendu que le terme «rivalités de pouvoirs» peut recouvrir un large champ de relations : il peut aussi bien s’agir d’affrontements que se livrent deux camps ennemis aux idéologies antagonistes, que de la 5 concurrence exprimée entre deux forces partenaires aux intérêts divergents. Dans tous les cas, le territoire, qu’il s’agisse de celui d’un Etat ou d’une collectivité, doit être considéré comme un enjeu de pouvoir en tant que tel. Bien que les litiges locaux n’engagent ni armées ni ne remettent en cause la souveraineté des peuples, les rivalités qui se déroulent dans des procédures démocratiques (débats, élections, etc) n’en sont pas moins fortes que certains conflits interétatiques. Dès lors que l’enjeu du conflit a été spatialisé et confronté aux rapports de forces dans leur épaisseur historique mais aussi aux représentations de chaque acteur, ces joutes locales deviennent éminemment géopolitiques. Dans la foulée des sénatoriales de septembre dernier où la droite parisienne s’est violemment divisée, les socialistes de la capitale ont vivement combattu l’implantation de l’écologiste Cécile Duflot lors des législatives de juin 2012. Bien que moins intense et moins médiatique, de fortes tensions couvent également entre les deux principaux partis politiques formant la majorité plurielle, qui domine et contrôle la Mairie de Paris depuis onze ans. Dès mai 2010, certains élus écologistes de la capitale clamaient leur intérêt pour le poste de Maire de Paris. Quelles divergences opposent le Parti Socialiste et EE-LV dans la gestion quotidienne de la Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 6. politique municipale de la capitale, au point de susciter de telles ambitions et de telles rivalités plusieurs années avant le scrutin municipal ? Pourquoi sont-ils en conflit à Paris, alors que leurs relations semblent plutôt au beau fixe dans d’autres exécutifs locaux de province ou au Conseil régional d’Ile-de-France, ainsi qu’au niveau national ? Si les trois forces politiques qui composent la majorité rose-verte-rouge de la capitale se rejoignent dans l’objectif commun de faire battre la droite, ils n’en sont pas moins soumis à des rapports de forces politiques internes : le Front de Gauche souhaiterait concurrencer le groupe écologiste, qui lui-même a pour ambition de dépasser son grand frère socialiste, aujourd’hui le plus haut dans la hiérarchie. Se comparant constamment entre eux, ils font des calculs, des hypothèses, opèrent des choix et appliquent des stratégies politiques pour arriver à leurs objectifs respectifs, qu’ils s’agissent de prendre le contrôle ou de conserver le fauteuil de Maire de Paris, d’augmenter leur poids politique en remportant davantage de postes électifs, de faire primer leurs idées sur celles des autres, de gagner en crédibilité pour s’inscrire durablement dans l’exercice du pouvoir, etc. Bien souvent, les rivalités personnelles s’entremêlent aux rivalités partisanes. Dans un environnement comme Paris, dans un théâtre géopolitique comme celui de l’Hôtel de Ville, les rivalités personnelles sont même peut-être 6 plus importantes encore que les divergences idéologiques. Réalisé à la suite d’un travail de recherche ponctué d’une enquête de terrain, ce mémoire a pour objectif d’analyser les rivalités et les tensions rythmant les relations entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les Vert,s depuis 2001 jusqu’à aujourd’hui et la préparation du prochain scrutin municipal. Alternant entre l’échelle nationale et locale, cette recherche tentera de comprendre le lien entre leurs rivalités et le climat politique propre à la capitale. En prenant également en compte les dynamiques de chaque partis, leurs stratégies politiques, leurs plans de communication ainsi que leurs capacités de mobilisation, nous tâcherons de répondre à cette problématique : la conquête géopolitique de l’Hôtel de Ville de Paris réinterroge t’elle le leadership du Parti Socialiste sur Europe Ecologie-Les Verts ? Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 7. I Elections législatives 2012, la pré-bataille de Paris A) La conquête de Paris sera politique ou ne sera pas 1) Les écologistes veulent entrer dans la cour des grands u’il est loin le temps où les écologistes manifestaient à vélo contre les autoroutes Q urbaines du Président Georges Pompidou ou tractaient dans les marchés accompagnés de joyeux orchestres. Dimanche 10 juin, ils étaient plutôt du genre à scruter dans le détail les résultats du premier tour des législatives, calculette à la main pour préparer le bureau politique du lendemain. Le sourire aux lèvres. Les réactions dans les médias pleuvent. Alors que le MoDem s’est écroulé et que le Front de Gauche se tasse, les écologistes font remarquer qu’eux progressent par rapport à leur triste performance présidentielle, qu’ils ne subissent plus «l’effet vote utile» et qu’ils retrouvent «leur électorat qui s’était porté sur Hollande le 22 avril dernier pour virer Sarkozy.» Après les 2,31% récoltés par Eva Joly, peu avaient «imaginé franchir la barre des 5%.» Pour couronner le 7 tout, «leurs têtes d’affiches se portent bien1» : Noël Mamère est réélu à Bègles dès le premier tour avec 52% des voix, Cécile Duflot et François de Rugy n’ont pas été loin de l’imiter en recueillant 48,7% à Paris et 47,3% à Nantes. Reprenant en cœur plusieurs éléments de langage, ils font une lecture très politique de ces résultats pourtant mitigés de premier tour, par le biais d’une langue de bois qu’ils n’ont longtemps pas su maîtriser. Car avant d’être politique dans les urnes, l’écologie a longtemps été revendicative sur le terrain : dans la France des 30 glorieuses, une poignée de citoyens - qu’ils soient défenseurs de l’agriculture biologique, militants de la cause homosexuelle, féministes ou partisans de la non-violence – rêvent de freiner la croissance pour donner naissance à une société alternative. Ils forment des groupes locaux, se réunissent, réfléchissent, manifestent, sensibilisent, se divisent, se déforment : l’écologie est un mouvement citoyen désorganisé, hétéroclite. Avant de s’illustrer avec leurs amis altermondialistes dans l’occupation de terrain du Larzac ou les combats ayant trait à l’installation d’une centrale nucléaire à Plogoff, les écologistes ont longtemps été cloisonné en lisière de la société, à force de bousculer les certitudes d’un monde en mutation. 1 L’Express : Europe Ecologie a le sourire mais pas encore de groupe parlementaire, le 11 juin 2012 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 8. Il faudra véritablement attendre 1974 et la candidature à l’élection présidentielle de l’agronome René Dumont, pour que le mouvement écologiste se fasse entendre. La large médiatisation du jeu politique dont ils bénéficièrent pour la première fois pendant cette campagne provoqua même un débat interne à la mouvance écologiste : quelle est la méthode optimale à employer pour «changer le monde» ? Faut-il continuer à être un mouvement citoyen influençant la société civile ou bien se structurer et faire son entrée dans le monde politique ? Tout en se démarquant des organisations traditionnelles, refusant d’intégrer les codes du milieu politique, une partie des écologistes privilégia la deuxième solution et inventèrent des comités de campagne «biodégradables», disparaissant au lendemain de chaque scrutin. Déçus de l’alternance socialiste et des premières années d’un mitterrandisme bousculé par les crises, ils décident de s’inscrire comme une force politique durable : le parti des Verts naît au congrès de Clichy, en janvier 1984. Mais lorsque se posa quelques années plus tard l’épineuse question de la stratégie électorale à suivre, l’autonomie politique renvoyant dos-à- dos la droite et la gauche fût privilégiée à une stratégie d’alliances permettant de «modifier les choses de l’intérieur». Le clivage était profond entre d’un côté les militants de gauche voire d’extrême-gauche affirmés et revendiquant leur politisation à voix haute, et de l’autre ceux, pas forcément de droite, désireux de créer une troisième voie au-delà de l’opposition gauche / 8 droite, entre marxisme et libéralisme. La division était d’autant plus dévastatrice pour les Verts qu’elle était attisée… par une guerre des chefs, entre les quelques élus nationaux et régionaux. Traduction dans les urnes : les écologistes réalisaient du yoyo électoral, selon le mode de scrutin, les enjeux de la campagne… et la profondeur de leurs divisions. Après un quart de siècle d’échecs électoraux où les écologistes ne parvinrent que très rarement à transformer en mandats leur relative popularité, les Verts changeaient donc radicalement de stratégie : le congrès de 1994 sacra Dominique Voynet et son idée de contourner les contraintes du scrutin majoritaire, par le biais d’alliances avec les partis de gauche. Selon elle, c’était l’unique moyen de participer au pouvoir tant au niveau des collectivités locales que de l’Etat, et seule une entrée dans les exécutifs locaux et le gouvernement pouvait permettre aux écologistes de confirmer aux scrutins nationaux sans proportionnelle (présidentielle, législatives) les «percées» réalisées lors des européennes et régionales. Au milieu des années 90, l’amateur associatif devint alors un professionnel de la politique, les élections n’étaient plus un moyen d’influencer les autres partis mais une porte d’entrée dans les exécutifs de gauche : les Verts ne voulaient plus seulement être un laboratoire d’idées réfléchissant pour changer la vie mais être une force politique associée à la Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 9. gestion des politiques publiques. Trois ans après avoir acté leur participation à la gauche plurielle de Lionel Jospin, ils obtenaient pour la première fois de leur jeune histoire six députés et un poste ministériel. Mais l’efficacité de cette stratégie n’en resta pas moins toute relative : sans expérience politique et ne disposant d’aucune marge de manœuvre –«je me suis aperçu que lors des décisions ministérielles, on n’arbitrait pas forcément sur la base d’arguments objectifs mais en fonction du poids des Ministres et des groupes politiques au Parlement, de l’émotion des faits divers, de l’influence des lobbys, etc»2 – Dominique Voynet et les écologistes déchantaient rapidement. Tout en perdant des électeurs, les divisions entre écologistes s’accentuèrent. Le fait que les élus courent après les mandats – dans le but de crédibiliser le mouvement - n’empêchaient pas les militants, selon qu’ils soient libertaires ou pragmatiques, de continuer à débattre de façon véhémente sur la participation au pouvoir. Pour ne rien arranger, le choc du 21 avril 2002 éclipsa le score historique de Mamère –considéré comme un des responsables de l’élimination au premier tour de Lionel Jospin- et plomba définitivement leur stratégie de conquête électorale adossée aux succès socialistes, qui devait théoriquement les aider à évoluer. Faute de personnalités bénéficiant d’une notoriété nationale 9 et disposant de fiefs électoraux, les écologistes réalisaient toujours des scores honorables lors des élections sur listes (municipales, régionales, européennes), mais continuaient à se ridiculiser lors des scrutins uninominaux majoritaires (législatives, présidentielle). Alors que les thèmes environnementaux étaient au premier plan de la campagne présidentielle de 2007, Dominique Voynet réalisa même le plus mauvais résultat des Verts… depuis René Dumont ! Les rêves que nourrissaient les écologistes de devenir la «majorité culturelle du 21ème siècle» ne semblaient alors plus être qu’un lointain espoir, alors que dans le même temps Nicolas Sarkozy écologisait son début de quinquennat3. A l’automne 2008, le constat est implacable : les écologistes ont le choix entre s’auto- décerner un satisfecit pour avoir eu «raison avant tout le monde» ou devenir crédible et prendre le pouvoir. Sous l’initiative de Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Cécile Duflot émerge rapidement la nécessité de dépasser le parti des Verts, de se débarrasser de leur image de vassal du Parti Socialiste pour s’affirmer comme une nouvelle force politique autonome, et ainsi réapparaître positivement dans les radars médiatiques. Les adhérents des Verts mais 2 Source : « La saga des écolos ». 3 Il lança le Grenelle de l’Environnement le 6 juillet 2007, pour «refonder la politique de l'écologie en France et inventer les conditions d'une croissance nouvelle.» Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 10. aussi les acteurs associatifs ou syndicaux environnementalistes (Greenpeace, WWF, les Amis de la Terre, Fondation Nicolas Hulot) ainsi que les écolos-centristes, socialistes ou électeurs d’extrême-gauche sont tous appelés à s’unir dans une structure provisoire, Europe Ecologie. Objectif initial de cette stratégie fédératrice ? Progresser dans les élections et acquérir une présence dans d’autres segments de la vie publique, comme le débat d’idées ou l’éducation populaire. Mais c’est encore et toujours au niveau électoral qu’ils se font remarquer. La création d’Europe Ecologie est aussitôt couronnée d’un succès historique, lors des élections européennes de 2009 : la nouvelle coalition, représentant des tendances assez diverses au sein de la galaxie écologiste, dépasse les prédictions les plus optimistes en recueillant 16,3% des suffrages exprimés, frôlant le résultat du Parti Socialiste. Le scénario se répète quelques mois plus tard – sans être au coude à coude avec le PS cette fois-ci – lorsque les écologistes, malgré leurs faibles audiences dans les communes périurbaines, présentent aux élections régionales 2010 des listes autonomes sur l’ensemble du territoire. Réalisant en moyenne 12,2% avec des performances inédites en Rhône-Alpes, en Ile-de-France et en Alsace, Europe Ecologie confirme la viabilité de cette alliance politique entre écologistes et environnementalistes. Une dynamique qui mérite toutefois d’être nuancée : ces deux scrutins élisent des assemblées politiques dont les compétences collent aux thèmes de campagne écologistes, et dont le mode 10 d’élection à la proportionnelle prend mieux en compte les petits partis dont Europe Ecologie fait partie. Le nouveau parti de l’écologie politique, copié-collé de ses deux derniers noms, naît formellement à l’automne 2010 dans le but de peser véritablement dans l’exercice du pouvoir, et non plus seulement d’y participer pour moderniser le marketing électoral du PS. La création d’Europe Ecologie-Les Verts est la stratégie des écologistes pour professionnaliser l’écologie politique dont l’histoire a pour l’heure été marquée par des hauts et des bas continus. Plus que réaliser des scores honorables et être représentés symboliquement, le nouveau parti écologiste aurait vocation à obtenir davantage de mandats pour agir et inventer les prémisses de la société de demain. En quête d’indépendance mais surtout d’influence, les écologistes ne peuvent pour autant exclure de leur stratégie les accords politiques de second tour, qui leur permettent de négocier des contrats de majorités. Dès 2011 et au terme d’un premier rapprochement avec Solférino, ils investissent le Sénat en passant de 4 à 12 élus4 mais surtout, ils y fondent leur premier groupe parlementaire et disposent d’une influence inégalée 4 10 élus le 25 septembre 2011, puis 12 avec la nomination du gouvernement de François Hollande. De même, 16 eurodéputés écologistes siègent désormais au Parlement européen au lieu de 14 élus en 2009. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 11. puisqu’ils font la bascule dans une majorité de gauche étriquée (177 sénateurs de gauche contre 171 de droite). Pragmatiques depuis leur renouveau et leur entrée de plain-pied dans la real-politik, les écologistes s’attaquent dès l’automne 2011 à la séquence tant redoutée des élections présidentielle et législatives… encore avec l’aide du Parti Socialiste. La réalité institutionnelle de la 5ème République et les contraintes du scrutin uninominal à deux tours, contraindrait Europe Ecologie-Les Verts à passer par cet exercice difficile : «C’est compliqué de faire des alliances avec le PS. Oui, on est une troisième voie ; oui, on est capable de passer des accords ; mais non, ce n’est pas automatique. Nous revendiquons à la fois l’autonomie de notre projet politique différent, et la possibilité de passer des accords» tente de justifier Cécile Duflot dans le livre d’Erwann Lecoeur5. Objectif : proposer à leur partenaire un programme de transition écologique et être l’initiateur d’une future majorité qui se structurerait autour de réformes radicales et structurelles. Sans illusions sur une «vieille gauche productiviste et néo-libérale», les écologistes qui redoutent toujours autant d’«être le poil à gratter de la social-démocratie»6 refusent de se vendre aussi facilement qu’en 19977 et entament d’égal à égal la négociation d’un accord électoral et programmatique, censé leur permettre d’acquérir à terme leur indépendance politique. Réclamant une centaine de 11 circonscriptions dont la moitié de gagnables pour peser à l’Assemblée nationale et se garantir une visibilité politique au cours de la prochaine mandature, ils obtinrent finalement 63 circonscriptions dont 25 à 30 gagnables. De quoi assurer une représentation proportionnelle à leur poids politique et ainsi leur faire espérer la création d’un second groupe parlementaire indépendant, à l’Assemblée nationale cette fois-ci. Les deux formations publient en parallèle un document de trente pages où ils actent 80% d’idées communes dont un retrait militaire d’Afghanistan, un contrôle public des banques, l’harmonisation de la taxation des revenus du capital et de ceux du travail, une réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité française et la non-prolongation de 24 centrales nucléaires en fin de vie, etc. Une clause de revoyure est signée en ce qui concerne des sujets plus polémiques, comme l’arrêt de la construction de l’EPR de Flamanville ou le moratoire sur l’arrêt de la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, où les représentations opposées de chacun étaient 5 « Des Écologistes en politique », 2011. 6 Tribune publiée le 18 août 2010 dans Le Monde « Yes we can »par Patrick Farbiaz et Pascal Durand 7 «En 1997, nous avons été achetés pour pas cher» avouera Jean-Luc Benhamias, à l’époque secrétaire national des Verts, dans Le Monde du 30 septembre 1998. Noël Mamère estimera pour sa part que Lionel Jospin a donné aux Verts des «hochets pour amuser la galerie.» Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 12. susceptibles de faire sombrer leur partenariat. C’est sans nul doute l’accord le plus abouti jamais signé entre les deux partis notamment «grâce au talent des négociateurs d’Europe Ecologie-Les Verts.8» Après une séquence électorale plus que difficile symbolisée par les 2,31% d’Eva Joly, les écologistes se rassurent en obtenant 17 députés mais sans empêcher le Parti Socialiste d’avoir la majorité absolue à lui tout seul. Tantôt autonomes et capables de concurrencer le PS pour la place de première force politique de gauche, tantôt réduits à subir l’hégémonie de leur partenaire voire même à observer leur place d’alternative à la social-démocratie raflée par les communistes (dernièrement, le Front de Gauche à la présidentielle), les écologistes courent comme toujours après la régularité électorale. Mais contrairement à l’après-2007, ils croient de nouveau en l’objectif de transformer une opinion sensibilisée en réussites électorales en attendant la réforme institutionnelle instaurant de la proportionnelle aux scrutins majoritaires nationaux que leur a promise François Hollande. De fait, EE-LV est persuadé d’avoir devant lui un espace politique à conquérir, tout en étant conscient qu’il est tout autant susceptible de disparaître. «Soit le Parti Socialiste est capable d’intégrer les ambitions et les orientations proposées par l’écologie politique, ou bien il n’en est pas capable, et c’est les écologistes qui dépasseront, un jour ou l’autre, les socialistes» estime Dominique Voynet, dans le documentaire La Saga 12 des écolos. Selon Jean-Marie Bouguen, collaborateur parlementaire de Jean-Vincent Placé, «nous sommes au troisième âge de l’écologie politique» : après la naissance des Verts puis l’accès au pouvoir, Europe Ecologie-Les Verts achève «la mutation des écologistes vers un parti classique et doit aujourd’hui s’inscrire de façon décomplexée en situation de responsabilité, afin d‘agir au maximum sur les politiques publiques». Cette entreprise de normalisation qui doit voir les élus EE-LV se banaliser dans l’exercice du pouvoir est en bonne voie, mais son avenir ne peut être préjugé à l’heure où ces lignes sont écrites. Alors que Les Verts, au fonctionnement trop brouillon pour arriver à leur objectif, n’étaient jamais parvenus à se métamorphoser en vingt ans d’existence, Europe Ecologie-Les Verts doit veiller à ne pas retomber dans leurs travers passés, sous peine de dilapider le capital-sympathie accumulé depuis les européennes 2009. La stratégie politique professionnalisante des dirigeants doit s’accompagner d’une rigueur interne visant à trouver le bon équilibre entre Verts historiques et nouveaux venus d’Europe Ecologie, apparatchiks et militants d’ONG ; le sectarisme des premiers ne devant pas cannibaliser l’utopisme des seconds. 8 Pascal Durand sur Public Sénat, le 6 juin 2012. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 13. 2) Une nouvelle dynamique qu’ils cherchent à appliquer à la capitale omme l’écologie politique à ses débuts ou les Verts en leur temps, Europe C Ecologie-Les Verts est un parti résolument urbain : ils réalisent leurs meilleurs résultats dans les territoires les plus dynamiques économiquement démographiquement (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Alsace), dans les grandes et villes où se produisent des changements à la fois culturels et sociologiques. «Pourquoi pensez-vous que Dominique Voynet, conseillère régionale de Franche-Comté puis Députée du Jura ait décidé d’aller se faire élire Maire à Montreuil ? Chez les Verts, les figures, comme les programmes, se recentrent automatiquement vers les villes, terreau de l’écologie politique» explique Jean-René Bourge, chercheur en science politique à Paris VIII. De par la sensibilisation de l’électorat des grandes villes à l’écologie politique, les résultats électoraux de Lille, Bordeaux, Lyon mais aussi Paris sont étroitement analysés par l’état-major écologiste. Europe Ecologie-Les Verts, qui ne gère aujourd’hui que 57 municipalités, dont 13 seule la ville de Montreuil dépasse les 100.000 habitants, souhaite consolider ses bases acquises et conquérir de nouvelles grandes villes… dont Paris serait le symbole le plus prestigieux. Si le succès des européennes 2009 n’a pas permis d’arriver devant le Parti Socialiste à l’échelle nationale (16,28% contre 16,46% au PS), il n’a pas échappé aux écologistes que leur liste autonome était arrivée largement devant celle de leur partenaire-adversaire socialiste… dans la capitale : Daniel Cohn-Bendit y réalise 27,46% quand Harlem Désir ne parvient à rallier que 14,69% des suffrages derrière lui. L’année suivante aux régionales, la liste de Cécile Duflot avait limité les dégâts face à celle d’Anne Hidalgo. De quoi faire naître l’idée que Paris et sa région pourrait être le potentiel lieu du dépassement de la social-démocratie par l’écologie politique. «Dire qu’ils y pensent n’est pas un euphémisme : étant donné que le national ne lui réussit pas, EE-LV compte d’abord doubler le PS sur le plan local avant de tirer des plans de dépassement politique. A ce titre, ils surveillent attentivement les grandes villes comme Paris, Lyon ou Grenoble où ils savent que leurs élus sont costauds et que les électeurs répondent généralement présents. Dans ces villes, le PS n’est pas rassuré: les nids écologistes qui pourraient éclore au niveau local risquent de s’étendre et de toucher un jour Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 14. ou l’autre les oiseaux du PS» analyse Rosalie Lucas, journaliste qui couvre le Parti Socialiste et Europe Ecologie-Les Verts pour le compte du Parisien. 14 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 15. Depuis trois ans, la victoire d’écologistes sur les socialistes lors de scrutins locaux n’est plus seulement une ambition farfelue inventée dans les cerveaux verts. «Nous avons pris conscience que si nous arrivons à être plus sérieux et à la jouer intelligemment et collectivement, nous pourrions peut-être concrétiser cette ambition» décrypte Adrien Saumier, un militant parisien. Autant dire que la présidentielle et les législatives – scrutins nationaux qui ne réussissent traditionnellement pas aux écologistes – les intéressaient localement dans une logique de préparation du prochain scrutin municipal. «Les centres-villes sont une de nos meilleures bases, donc l’objectif de conquérir Paris en 2014 est bien réel. Depuis des années, nous avons de plus en plus d’élus, la prochaine étape consiste à prendre le pouvoir au sein de l’exécutif local» raisonne Yves Contassot, le porte-drapeau des Verts lors des élections municipales dans la capitale en 2001. Particularité de cette nouvelle 15 stratégie insufflée par Europe Ecologie-Les Verts : les écologistes n’hésitent plus à crier haut et fort leur ambition. Lors des premières élections municipales organisées depuis un siècle dans la capitale, en 1977, Brice Lalonde avait déjà obtenu 10,1% des suffrages. Et depuis, la configuration politique n’a cessé de changer : la sociologie de l’électorat parisien a évolué, les quelques citoyens de gauche qui votaient pour des raisons essentiellement sociales ont été remplacés par un vivier d’électeurs de la «gauche sociétale». «La forte concentration de classes moyennes et supérieures déjà sensibilisée à l’écologie politique, qui dispose des ressources intellectuelles comme le montre son fort niveau de diplôme, est typiquement un électorat auquel notre discours peut plaire» reconnaît Claire Marynower, une cadre locale d’EE-LV-Paris. Au-delà de la structure même de la population, les écologistes ont également été associés à la gestion de la ville depuis 2001 et l’accession au pouvoir de Bertrand Delanoë. Etre la pierre angulaire de la future majorité parisienne en 2014, une de leurs bases militantes et électorales les plus importantes, est dans leur esprit une étape rationnelle et logique de leur évolution. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 16. Mais contrairement aux élus socialistes bien implantés localement Cécile Duflot, apparatchik carriériste ou et disposant pour certains d’une aura plébéienne désintéressée ? nationale, le casting des écologistes Qui est réellement Cécile Duflot ? Si elle est loin de correspondre à parisiens manquait jusqu’ici de l’image de la «jeune femme arrivée par hasard en politique» qu’elle personnalités susceptibles d’incarner cherche à donner; la présenter comme une horrible cumularde revient le rôle de Maire de Paris. Leurs bons à sauter bien des étapes de son parcours. Fille d’une professeure et résultats jusqu’ici étaient liés aux d’un cheminot du Val-de-Marne, Cécile Duflot intègre - après avoir caractéristiques de l’électorat suivi un DEA de géographie à l’université Paris VII- l’ESSEC, une parisien plutôt qu’au profil de ses prestigieuse école de commerce parisienne. Diplômée en 2000, elle représentants locaux, peu reconnus. prend le contrepied du parcours-type de sa promotion en intégrant un Conscients qu’un bon score en 2014 groupe immobilier spécialisé dans le logement social. Un an plus ne sera possible que si le vote pour tard, elle s’engage chez les Verts qui participent alors au EE-LV induise plus qu’un simple gouvernement, mais pour «agir au niveau communal» à Villeneuve- Saint-Georges, dans sa proche banlieue parisienne. Du moins, tel était vote de témoignage, les écologistes l’objectif initial. ont profité des élections législatives En janvier 2003, elle est élue au Collège exécutif des Verts, où elle pour donner davantage de poids à est chargée de la réforme interne. Aux premières loges de l’échec de 16 Denis Baupin, ainsi que pour la participation gouvernementale et de la gauche plurielle, mais aussi implanter la secrétaire nationale, des divisions intrinsèques aux Verts, elle entame une ascension Cécile Duflot, à l’est de la capitale. fulgurante, digne d’une apparatchik passée par les pépinières de Une stratégie qui pourrait s’avérer partis –type MJS ou Unef. Désignée porte-parole du courant le plus à être la bonne, selon Marie-France gauche du parti, qui deviendra majoritaire au sein des Verts en 2005, Gairaud, journaliste du Parisien : «la Cécile Duflot s’impose rapidement comme une figure candidature d’une personnalité incontournable : en multipliant les choix politiquement judicieux, elle d’envergure nationale sur Paris est comble son «retard». A 31 ans, elle prétend déjà à l’investiture pour l’élection présidentielle de 2007, ne recueillant qu’un peu plus de une bonne chose pour EE-LV : ils 23% des suffrages… mais gagnant considérablement en notoriété. pourraient davantage marquer le Consécration au congrès national de décembre 2006, où elle devient coup qu’avec des élus parisiens» la plus jeune secrétaire nationale des Verts ! La tâche qui lui incombe médiatiquement inexistants. «Pour n’est pas une mince affaire : (suite) 2014, il nous faut une candidate emblématique, avec une visibilité et des espoirs à l’écologie politique. A partir de ce moment, forte notoriété : la candidature d'une Cécile Duflot s’emploiera à des réformes internes en cherchant à membre du gouvernement contre rassembler l’ensemble de la mouvance écologiste, qu’elle soit une liste socialiste n'est pas à exclure» explique Denis Baupin. au niveau de la société an lors de les investie politiquement ou Evoquée depuis un civile, avec milieux associatifs. «Le parti était électoralement, humainement et financièrement en difficulté, mon rôle a été de remettre le train – qui Hugo SOUTRA - Institut Françaisun tête à queue - sur les Juinpour le cas où le contexte avait fait de Géopolitique - rails 2012 nous serait à nouveau favorable.»
  • 17. Cécile Duflot, apparatchik carriériste ou plébéienne désintéressée ? (suite) alors que Dominique Voynet vient d’enregistrer le plus mauvais résultat des écologistes (1,57%) à la présidentielle depuis la candidature de René Dumont en 1974, elle doit redonner de la visibilité et des espoirs à l’écologie politique. A partir de ce moment, Cécile Duflot s’emploiera à des réformes internes en cherchant à rassembler l’ensemble de la mouvance écologiste, qu’elle soit investie politiquement ou au niveau de la société civile, avec les milieux associatifs. «Le parti était électoralement, humainement et financièrement en difficulté, mon rôle a été de remettre le train – qui avait fait un tête à queue - sur les rails pour le cas où le contexte nous serait à nouveau favorable.» Elle semble donner satisfaction puisqu’elle est reconduite pour un second mandat en décembre 2008. Refusant d’être candidate au scrutin européen malgré la proposition d’une place éligible, Cécile Duflot remporte toutefois sa première bataille : les listes Europe Ecologie, portées par des candidats aussi différents que le «faucheur d’OGM» José Bové ou le «leader de Mai 68» Daniel Cohn-Bendit, réalisent 16,28% en juin 2009 –six points au-dessus de leur précédent record de 1989- et obtiennent 14 députés européens ! Du jamais vu. Face au succès de cette stratégie d’union et d’autonomie, elle se lance à son tour comme tête de liste aux élections régionales en Ile-de-France, accompagnée de l’ancien directeur de la Caisse des Dépôts Robert Lion, du co-fondateur des Enfants de Don Quichotte Augustin Legrand ou encore de la présidente d’Act- Up Emmanuelle Cosse. Suite au succès collectif des européennes, «il y avait le besoin de personnaliser le moment pour grimper une nouvelle marche. Et j’étais la bonne personne pour le faire puisque j’avais l’atout d’avoir un certain altruisme politique, de ne pas 17 être cataloguée comme celle qui avait utilisé les Verts pour sa gloire personnelle.» La patronne des Verts, qui expliquera peu après avoir été lassée de «passer la serpillère», se révèle alors dans le paysage politico-médiatique, en assurant la majeure partie des apparitions médiatiques d’une campagne à enjeux locaux. La liste qu’elle conduit dans la région-capitale recueille 16,58% des suffrages (plus que la moyenne nationale) et lui donne le droit d’aller négocier doublement à Solférino durant l’entre-deux tours : d’abord l’accord global avec le PS de Martine Aubry en sa qualité de secrétaire nationale puis ensuite son ralliement francilien à Jean-Paul Huchon, en l’échange d’un groupe écologiste (qu’elle présidera par la suite) passant de 28 à 50 élus. Plus d’un an plus tard, elle décroche un troisième et dernier mandat en interne avec 50% des voix, «véritable sacre» illustrant à merveille son «sans-faute» en interne, selon ses proches. Un sans-faute qui n’empêche pas le paradoxe Duflot d’apparaître au grand jour : estimant que les éléments les plus forts de l’histoire de l’écologie politique ont déjà été écrits et qu’elle est «de l’âge de ceux qui ont à faire» et à agir, Cécile Duflot ne concrétise pas elle-même ses belles paroles. Auréolé du plus important poids politique que n’a jamais eu un leader écologiste, le côté calculateur de la secrétaire nationale transparaît lorsqu’elle refuse de se lancer dans la difficile course à la présidentielle en 2012 puis une place indécise sur la liste sénatoriale du Val-de-Marne. Elle officialise le jour de ses 5 ans à la tête du mouvement écologiste, le 16 novembre 2011, sa candidature aux élections législatives à Paris. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 18. réunions informelles, la candidature de Cécile Duflot aux élections municipales n’a cependant toujours pas été confirmée par la principale intéressée : si elle reconnaissait à l’automne dernier sur le journal de France 2 que cela faisait «partie des choses possibles», elle a depuis ajouté que ce n’était pas encore d’actualité... L’arrivée de la très médiatisée Cécile Duflot dans la 6ème circonscription de Paris démontre la volonté du parti de se donner les moyens de son ambition municipale. Depuis les débuts de l’écologie politique française, l’histoire verte était teintée d’un amateurisme revendiqué, marquée par le refus du vedettariat. Automatiquement, toute stratégie d’un individu ressemblant à une marque d’ambition personnelle s’exposait à de vives critiques, dans un parti où la base militante a une forte propension à «couper les têtes» et à considérer cela comme une forme de notabilisation «à la mode radical-socialiste, voire socialiste tout court…»9 L’ancienne présidente de France Nature Environnement et aujourd’hui députée européenne Sandrine Bélier confirme à Slate.fr10 que «nous avons une logique de partage du pouvoir qui peut conduire à une méfiance envers nos leaders, mais cette culture change en ce moment» avec Europe Ecologie- Les Verts, où les têtes d’affiches sont de mieux en mieux acceptées. Autre point de satisfaction pour la direction nationale, l’arrivée de Cécile Duflot ne semble pas avoir froissé les élus écologistes parisiens : au fil des élections, ils semblent avoir pris 18 conscience de leurs carences naturelles – dont l’absence de leadership - pour progresser au sein de la capitale, au point de réclamer presqu’unanimement l’implantation de la secrétaire nationale. Mieux, certaines voix laissent espérer qu’une candidature consensuelle de Duflot aux municipales en 2014 pourrait mettre un terme à leurs historiques querelles internes… «Il y a eu des animosités très fortes chez les Verts à Paris. Le débat sur la participation au pouvoir, sur lequel s’entremêlaient les amitiés et inimitiés personnelles, ont provoqué des dégâts internes considérables au cours de la première mandature. En 2002, nous nous insultions entre nous» révèle l’actuel patron d’EE-LV Paris, Hervé Morel. «Dès notre arrivée au pouvoir, les batailles d’appareils et de personnes ont remplacé les batailles d’idées : les «leaders» voulaient que tous les écologistes parisiens s’impliquent dans leur conflit privé et fassent allégeance à l’un ou l’autre» explique Anne Le Strat, ex- Conseillère de Paris verte, siégeant désormais en apparenté au groupe PS. Tout au long de la première mandature de Bertrand Delanoë (2001-2008), les Adjoints au Maire Yves Contassot, 9 Blog de Pierre Minnaert, propos d’un militant de base. Article : « Législatives : candidature du mouvement ou notabilisation ? » 10 « Pourquoi les écologistes n’ont pas la main verte avec la présidentielle », 13 février 2012 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 19. opposé nationalement à la participation gouvernementale, et Denis Baupin, ancien conseiller ministériel de Dominique Voynet, se livrèrent une bataille feutrée en vue de l’investiture pour les municipales 2008. Depuis, les crispations semblent moindres. «Notre groupe n’a pas connu de départs, de conflits de personnes ni de divergences de vote depuis quatre ans. Mieux, il a enregistré l’arrivée de deux anciens PS11» se félicite le co-président d’EE-LV au Conseil de Paris, Sylvain Garel. Au contraire, explique un ancien Conseiller de Paris Vert, «les échos que j’ai m’indiquent que la seconde mandature est pire que la première : le groupe n’aurait plus d’existence en tant que tel, chacun pousserait les projets de son arrondissement dans son coin.» A défaut de connaître la véritable ambiance régnant actuellement au sein du groupe écologiste, j’ai interrogé Hervé Morel pour savoir si les rivalités couvant à propos de l’investiture législative dans l’autre circonscription accordée par le PS12 aurait pu faire renaître cette haine déchirant les écologistes parisiens : «Joker !», lance-t-il avant de se reprendre, «tout le monde voit bien que cette investiture aurait pu rallumer la flamme qui nous a ravagé il n’y a pas si longtemps, mais franchement, cela aurait fait un peu réchauffé…» En dépit de l’image de maturité que les écologistes parisiens cherchent à afficher depuis 19 quelques années, ils n’ont pas été loin de retomber dans leurs turpitudes passées sous l’appel de nouveaux enjeux de pouvoirs et de postes. Pour choisir son candidat aux législatives dans la seconde circonscription réservée selon l’accord avec le PS, Europe Ecologie-Les Verts a eu l’embarras du choix, avec pas moins de neuf candidatures présentées : « Il y a tellement de prétendants à l'atterrissage dans la 10e circonscription de Paris qu'il faudra bientôt une tour de contrôle » s'amusait René Dutrey, candidat sur cette circonscription en 2007. Au-delà de plusieurs personnalités parisiennes – les Adjoints au Maire Denis Baupin et Véronique Dubarry, mais aussi Yves Contassot désormais élu dans le 13ème arrondissement – quelques cadres du parti avaient également déposé leurs candidatures, en l’occurrence la trésorière Eva Sas et le porte-parole Pascal Durand. Car si le candidat écologiste aux dernières municipales Denis Baupin a finalement été élu député en juin 2012, sa désignation interne ne s’est pas faite sans remous en décembre 2011. Cécile Duflot ayant fait main basse sur «sa» 6 ème circonscription et le 20ème arrondissement où il est élu depuis 1995, l’Adjoint de Bertrand Delanoë prévoyait initialement de se présenter dans une circonscription de sa ville d’origine, 11 Il s’agit des élus du 20ème arrondissement, Michel Charzat et Katia Lopez 12 Dans le cadre de l’accord, le PS soutient également le candidat écologiste dans la 10 ème circonscription de Paris Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 20. Caen. Problème : celle-ci n’a pas été intégrée à l’accord PS/EE-LV rendant ses chances d’être élu inexistantes. Il s’est finalement rabattu sur les désignations internes en Essonne, à Grenoble, à Saint-Brieuc… et dans la 10ème circonscription de Paris ! «C’est vrai que cela m’a un peu mis en difficulté» avouera-t-il peu après au Parisien13. «Son investiture ne l’honorait pas, je n’aurais jamais déposé une candidature interne là où Denis est élu, dans la 6ème circonscription… Les plans de carrières personnels doivent être mis de côté quand ils peuvent avoir une incidence sur l’ambition du parti. Les apparatchiks l’ont fait gagner en interne mais il n’a plus que les militants du PS pour faire sa campagne» enrage en privé le local de l’étape Yves Contassot. Preuve de leur professionnalisation, ce dernier eut toutefois la sagesse de ne pas tenir de tels propos sur la place publique. L’autre évolution remarquable de la stratégie parisienne d’EE-LV est d’avoir fait des prochaines municipales un enjeu moins en termes de performances électorales qu’en terme de multiplication de postes à responsabilité. L’objectif est d’imiter l’UMP et le PS, quasi-assurés de parvenir à la tête d’exécutifs locaux puisque contrôlant la majorité des postes électifs – des maires aux parlementaires en passant par les conseillers généraux (ou de Paris) et les conseillers régionaux – et ayant su nouer un système d’alliances les inscrivant comme le parti 20 dominant de leurs camps respectifs. Pour s’inscrire durablement et peser dans la vie politique parisienne, le parti écologiste doit posséder davantage de fiefs électoraux14, avec des élus confirmés et réélus possédant un solide réseau local15, à l’exemple de Jacques Boutault dans le second arrondissement de la capitale. La Mairie remportée en 2008 par Dominique Voynet à Montreuil, les bons scores d’EE-LV enregistrés dans les 2, 3, 10, 11, 18, 19 et 20ème arrondissements lors des européennes et régionales suivantes, en écho à la circonscription sur laquelle s’est faite triomphalement élire Cécile Duflot en juin 2012 sont autant de raisons qui peuvent laisser espérer aux écologistes de construire un «fief» dans le nord-est parisien. Il semble y avoir là une assise électorale, un potentiel qui reste toutefois à consolider pour en faire à terme une situation «acquise». 13 « Les écologistes se déchirent à Paris », Le Parisien, 15 décembre 2011. 14 Refusant d’entrer dans le jeu des partis politiques puis engluée dans des coalitions avec le PS, les écologistes n’ont jamais pris le temps de constituer des fiefs électoraux, des zones de forces où s’accumulent municipalités, cantons, circonscriptions avec différentes échelles d’élus locaux, des forces militantes ou encore des relais syndicaux et associatifs. 15 Bien que cela ne soit pas le cas de Jacques Boutault, un mandat de parlementaire a son utilité dans la construction d’un fief politique. Ne serait-ce que grâce à sa réserve parlementaire, évaluée annuellement de 150.000 à 200.000 euros par députés. Ils peuvent ainsi financer des projets dans leur circonscription, ou encore distribuer des subventions aux associations… Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 21. Pour Marie-Anne Gairaud, qui traite la vie politique parisienne au Parisien, «les écologistes auront tout de même du mal à faire du 20ème arrondissement leur fief parisien : il y a de nombreux logements sociaux autour des boulevards des maréchaux, et la population est plus préoccupée par les questions sociales qu’environnementales.» Même son de cloche chez Jean-Marc Pasquet, conseiller régional EE-LV d’Ile-de-France et ancien patron des Verts Paris : «Notre discours est très «centre de Paris» à parler de démocratie locale plus que de logement ou de petite enfance, et peut paraître en décalage dans un quartier où il y a 10% d’illettrisme, le double du chômage et de nombreux bénéficiaires du RSA…» Tout l’enjeu à terme pour le parti écologiste est de parvenir à démontrer que leurs combats contre la pollution ou encore le bruit pénalisent en premier lieu les catégories les plus populaires. «Notre positionnement «bobo» peut nous faire passer à côté d’un score à deux chiffres si nous ne nous adressons pas en parallèle aux plus faibles : nous avons le devoir de nous intéresser autant au cadre célibataire qu’aux familles nombreuses. Il faut trouver des ponts entre les attentes écologistes d’une population qui n’a plus de besoins matériels et les attentes sociales d’un électorat bien plus fragile» continue ce cadre local. Car si les cadres moyens et supérieurs représentent plus de la moitié de la population dans les 11ème et 20ème 21 arrondissements depuis les nombreuses opérations d’urbanisme16 touchant l’Est de la capitale, la gentryfication ne s’est faite qu’à la marge dans certains micro-quartiers tels que les Hauts de Belleville ou Léon Frot. Une population socialement défavorisée est parvenue à s’y maintenir dans des cités de logements sociaux, où les préoccupations sociales sont très fortes et où le vote écologiste est lui, très faible. S’ils veulent un jour devenir dominateur dans l’Est parisien, les écologistes doivent parvenir à «transcender les classes sociales», à discourir par exemple autant sur la généralisation du bio dans les cantines municipales – où ils marqueront des points parmi leur électorat aisé – que sur les problèmes d’obésité qui touchent massivement les enfants des classes populaires. Une telle stratégie couplée à des scores historiques et une ambition inédite de la part des écologistes parisiens, aujourd’hui minoritaires dans l’exécutif de Bertrand Delanoë, n’a pas manqué de faire réagir les socialistes de la capitale. Avant même la conclusion de l’accord entre Europe Ecologie-Les Verts et le Parti Socialiste, ils se sont employés à minimiser les dégâts pour que «Paris ne soit pas sacrifié». Par exemple, en transmettant une position pour 16 Les opérations d’urbanisme dans ces quartiers (réhabilitations, rénovations, reconstructions) ont débuté dans les années 1980. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 22. le moins malhonnête intellectuellement aux négociateurs de Solférino - «la fédération de Paris est favorable à un accord électoral cédant aux écologistes parisiens deux circonscriptions gagnables, mais refuse toute candidature commune là où un Député PS sortant souhaite se représenter.» Alors que les onze parlementaires socialistes de la capitale souhaitaient initialement briguer un nouveau mandat, seule une17 des douze circonscriptions gagnables était théoriquement «libre» pour un candidat EE-LV… Il faut reconnaître que lorsque la fédération de Paris a transmis ce «mandat-piège» à la direction nationale du PS, des rumeurs de plus en plus insistantes faisaient état de l’implantation de Cécile Duflot dans la capitale. Le patron de la fédération PS de Paris Rémi Féraud – qui a fait allégeance au Maire de Paris Bertrand Delanoë – menace alors son propre parti de présenter des dissidents partout «là où la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts se présenterait.» En parallèle, il intoxique les médias : «Cécile Duflot à Paris, c’est du bluff… Son parachutage ne fait pas partie d’un accord envisageable entre le PS et EE-LV»18. Sous couvert de «off», un proche du Maire de Paris va même plus loin: « Jamais on ne se laissera flinguer de l'intérieur. Nous sommes prêts à faire exploser l'accord au niveau national ! »19. 22 17 Il s’agit de la 11ème circonscription, qui plus est fragilisée par le redécoupage électoral. 18 Sur France Bleu Ile de France, 8 novembre 2011. 19 Source : Rue 89, «A Paris, Duflot attendue avec un bazooka par le PS » le 10 novembre 2011 Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 23. Dans les jours précédant la signature de l’accord, Anne Le parachutage, une pratique ancestrale à Paris Hidalgo, la première adjointe S’ils peuvent être légitimes lors de scrutins locaux, les débats sur le et candidate à la succession parachutage ont-t-il leur place lors d’élections nationales telles que les de Delanoë en 2014, ne dit législatives ? La députation, contrairement aux cantonales ou aux pas autre chose : selon Le municipales où il est nécessaire d’être inscrit sur les listes électorales et de Parisien, elle envoie à ses payer des impôts depuis au moins cinq ans sur le territoire convoité, ne soutiens des SMS du type «Il requiert aucune obligation de domicile. Pourquoi ? Parce que comme faut tenir bon. Pas de l’explique la Constitution de 1791, les députés «ne sont pas représentants parachutage, sinon pas d’un département en particulier, mais de la Nation entière.» Ne représentant d’accord possible. Si pas pas les habitants d’une circonscription mais l’ensemble des Français, la d’accord, c’est pas la géographie ne devrait avoir en théorie que peu d’importance dans le scrutin cata !»20. Le contenu de la législatif. Auparavant, le rattachement à une circonscription n’était considéré négociation entre les deux que comme une modalité du mode de scrutin : des hommes politiques d’envergure nationale comme Georges Clémenceau se parachutaient ainsi formations – accordant à Paris dans plusieurs circonscriptions à la fois, pour s’assurer une chance d’être élu. la 6ème et la 10ème, deux Battu aux élections législatives de la Seine en 1928, Léon Blum s’est lui, fait circonscriptions jugées élire à l’Assemblée nationale un an plus tard, lors d’un scrutin partiel… à 23 comme excellentes et Narbonne. La fidélité électorale des citoyens locaux était ensuite permettant l’implantation de récompensée par la mise à disposition du réseau et de l’entregent de ces Cécile Duflot – est dévoilé au pontes : une fois élu Président de la République en 1981, le charentais- bureau national du Parti landais François Mitterrand n’oublia pas, loin de la, le département de la Socialiste, le 15 novembre au Nièvre où il a été élu Député pendant près de 35 ans. «Qu’on le veuille ou soir. non, les parachutages ont toujours existé en politique. J’ai le regret de vous annoncer que François Mitterrand n’est pas né dans la Nièvre. Et à ce que je sache, l’arrivée de Royal à La Rochelle, c’est ça la politique autrement ? Et puis, est-ce qu’un parachuté fera moins bien la loi qu’un non-parachuté ? Est-ce qu’il aura moins d’empathie avec le territoire dans lequel il est élu… au suffrage universel ?» fait remarquer malicieusement une sénatrice PS rencontrée à l’automne dernier. Reste que depuis une trentaine d’années, le parachutage est connoté négativement, (suite) décentralisation de la vie politique a peu à peu inscrit l’ancrage local comme une condition sine qua non pour être élu député. Soucieux de disposer de fiefs leur assurant d’être élus et réélus, certains barons locaux ont accrédité 20 l’idée qu’un député devait, à travers les lois votées «dans l’intérêt de la Le Parisien, « A Paris, Aubry lâche Delanoë », le 17 novembre 2011. Nation», défendre des projets locaux comme n’importe quel élu de terrain (sic). Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 24. Le parachutage, une pratique ancestrale à Paris (suite) le parachutage est connoté négativement, associé à de basses manœuvres parisiennes. La décentralisation de la vie politique a peu à peu inscrit l’ancrage local comme une condition sine qua non pour être élu député. Soucieux de disposer de fiefs leur assurant d’être élus et réélus, certains barons locaux ont accrédité l’idée qu’un député devait, à travers les lois votées «dans l’intérêt de la Nation», défendre des projets locaux comme n’importe quel élu de terrain. Bien que bénéficiant d’un statut à part par rapport aux autres territoires concernés par les lois de décentralisation, Paris a elle aussi versé dans cette ode au localisme. Il est loin le temps où Jacques Chirac cumulait son mandat de Maire de la capitale… à celui de Président du Conseil général de Corrèze (NDLR : de 1977 à 1979). Au cœur du pouvoir central, la capitale a en effet été le lieu d’atterrissage de nombreux professionnels de la politique qui n’étaient pas Parisiens de souche, dont Bertrand Delanoë dans les années 70. Plus un territoire est acquis à un camp, plus la résistance des élus locaux est forte contre les candidats «imposés d’en-haut» : en 1977, Jacques Chirac a combattu le candidat soutenu et envoyé de l’Elysée par Giscard d’Estaing, Michel d’Ornano ; de même pour Jean Tibéri en 2001 face à Philippe Séguin. Cette année-là, Paris a basculé à gauche après la victoire d’un sénateur parisien quasiment inconnu jusqu’alors, qui a profité du forfait à gauche de «parachutés» populaires comme Dominique Strauss-Kahn puis Jack Lang. Bertrand Delanoë a-t-il pour autant installé par la suite une culture politique empêchant tout parachutage, dont celui de Cécile Duflot, comme il l’affirme aujourd’hui ? Peut-être. Mais ce n’était pas encore le cas lors des législatives 2002, où 24 l’ancien Ministre (Verts) de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de son ami Lionel Jospin et jusqu’alors Député du Val-d’Oise, Yves Cochet, s’est fait élire dans la 11ème circonscription de Paris à la suite d’un accord local. Concernant ses adversaires, le Maire de Paris ne s’est pas ému sur les implantations surprises de Christine Lagarde ou de Rachida Dati lors des municipales 2008… mais a réagi au parachutage du Premier Ministre François Fillon, pressenti pour être le candidat de l’UMP en 2014. Rémi Féraud, patron de la fédération PS de Paris et proche de Bertrand Delanoë analyse : «Duflot, c’est le parachutage d’une dirigeante nationale pour en réalité préparer les prochaines municipales, à un moment où nous dénonçons le parachutage de François Fillon à Paris.» Plus qu’une culture politique éthique interdisant les parachutages dans la capitale, il semble surtout que le PS parisien réagisse en fonction de ses intérêts et de ses stratégies de campagne. «Ils me prennent vraiment pour un con! Ils se foutent de ma gueule» s’énerve le Maire de Paris, à la sortie de la réunion. Même colère chez Anne Hidalgo, qui lança à Martine Aubry dont elle était la porte-parole au cours de la primaire socialiste, et dont le mari est le directeur de cabinet de la première secrétaire, «que je ne te croise plus jamais !» Cheffe du parti et donc Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 25. organisatrice de cet accord entre le PS et EE-LV, la Maire de Lille21 – dont c’est le seul mandat d’élue – est dans ses fonctions locales de dépendante des écologistes lillois. En organisant le rapprochement des deux formations politiques au niveau national, il apparaît incontestable que Martine Aubry marque des points précieux dans la course à sa propre réélection aux municipales 2014. Mais la colère de l’exécutif socialiste parisien ne s’explique pas seulement par cette seule «trahison» : cet accord contrecarre directement les plans de Bertrand Delanoë, qui a déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2014 mais qui avait pour ambition que sa première adjointe – qui n’est toujours pas parvenue à imposer son leadership - lui succède à la tête de l’Hôtel de Ville de la capitale. Les deux caciques parisiens n’avaient pas anticipé la nouvelle stratégie parisienne d’Europe Ecologie-Les Verts, plus ambitieuse et conquérante. Et encore moins prévu que leur secrétaire nationale - qu’ils considéraient comme une partenaire ambitieuse mais soucieuse de son image d’élue proche des banlieues – ne prenne le risque de traverser le périphérique pour se faire élire à Paris. Déçus que ni le candidat PS ni la première secrétaire n’aient plié ni face à leurs exigences personnelles ni face au mandat délivré par la fédération de Paris, à quoi l’on peut rajouter l’amertume provoquée par leurs difficiles années 25 de cohabitation avec les Verts parisiens, Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo dénonceront dans la foulée une «insulte faite aux parisiens», des «modifications arbitraires», des «parachutages» et des «tripatouillages» ; ils répèteront à qui veut bien l’entendre que cet accord «n’est pas dans la culture politique que nous avons installée à Paris depuis 2001» et que «s’ils me demandaient de favoriser le parachutage d’un socialiste, je m’y opposerai également.» Premier motif d’insatisfaction des socialistes de la capitale : la terre d’implantation que Solférino a accordée à Cécile Duflot. Il s’agit de la 6ème circonscription, une des plus à gauche de France et donc l’une des meilleures, détenue jusqu’ici par Danièle Hoffmann-Rispal. «Un peu âgée et n’étant pas une figure possédant un gros poids politique, le PS parisien avait déjà pensé à la remplacer en interne et plusieurs scénarios avaient prévu de la faire sauter pour laisser la place à Seybah Dagoma, Pascale Boistard ou Frédérique Calandra. Désormais, celle dont la principale utilité avait déjà été de dégager le chevènementiste Georges Sarre en 2002 redevient un atout pour s’occuper du cas Duflot» décrypte Marie-Anne Gairaud, 21 Martine Aubry n’est ni Ministre, ni Députée. La Mairie de Lille est son seul mandat électif. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 26. journaliste couvrant la vie politique de la capitale pour le compte du Parisien. La députée sortante est désormais le dernier espoir des socialistes pour éviter l’arrivée de Cécile Duflot, et que cette circonscription «10 étoiles», à leurs yeux «plus prolo que bobo», ne soit abandonnée à l’écologiste de 37 ans. Organisant la riposte du PS parisien, Anne Hidalgo confie à plusieurs journalistes que «la guerre ne fait que commencer. Hoffmann-Rispal maintiendra sa candidature. Et si Duflot choisissait une autre circonscription, elle trouverait de toutes façons un candidat socialiste sur son chemin22.» Seconde inquiétude, les bruits qui prêtent à Cécile Duflot la volonté de se présenter aux prochaines élections municipales dans la capitale –en langage fleuri, de vouloir «bouffer le PS et tout faire péter en 201423.» Se disputant les mêmes électeurs – les classes moyennes et supérieures diplômées – le PS et EE-LV ont jusqu’ici observé chacun de leur côté la proximité de leurs scores dans l’Est de la capitale et le rôle que ces territoires pourraient jouer en 2014 du fait du nombre de Conseillers de Paris qu’ils possèdent : «la stratégie des écologistes et de Duflot a évidemment une visée municipale. Est-ce qu’elle a des visées sur la Mairie du 20ème arrondissement ? Les bruits courent, nous les entendons, et ils nous inquiètent» ne se cache pas le patron du PS parisien, Rémi Féraud. «A deux ans d’une élection 26 où il devra organiser la succession de Delanoë, nous aurions pu discuter entre socialistes de l’arrivée de Duflot, d’un point de vue politique et stratégique : le parti rajoute de la difficulté à des difficultés déjà existantes…» se plaint Pascale Boistard, adjointe au Maire et cadre aubryste du PS parisien. Mais sur ce point, tous les socialistes parisiens ne possèdent pas la même opinion : le député (PS) Jean-Marie Le Guen, qui brigue lui aussi la Mairie de Paris en 2014, prend aussitôt ses distances avec la position du Maire de Paris et de sa première adjointe, en expliquant que «la compétition est légitime. Personne n'est propriétaire de Paris.» Son collaborateur parlementaire, Nicolas Vignolles, décrypte la position de son patron : «Delanoë a été très mauvais tactiquement, il n’aurait jamais dû pointer ainsi du doigt Cécile Duflot. Cela démontre sa fébrilité. Il a un ressenti contre les écologistes du fait de son premier mandat, où les Verts l’ont gêné. A sa place, Jean-Marie Le Guen aurait fait le «baiser du scorpion» en lui souhaitant la bienvenue sur Paris avant d’organiser la contre- offensive.» 22 Rue 89 le 16 novembre 2011, « Duflot vs Delanoë, la guerre est déclarée à Paris.» 23 Rue 89 le 16 novembre 2011, « Duflot vs Delanoë, la guerre est déclarée à Paris.» Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 27. Quelques jours plus tard, le député PS de Paris enfonce le clou et met en exergue la faute «des responsables socialistes parisiens, qui ont mené une très mauvaise discussion.» Dans une lettre également transmise aux médias, il se demande s’il «existe encore une fédération du PS à Paris ?», un moyen de critiquer en creux le bilan de Rémi Féraud, patron de la fédération PS, proche du Maire de Paris et de sa première adjointe. Plusieurs élus et militants vont alors embrayer sur la fébrilité supposée du premier fédéral. Loin d’être un partisan de Jean-Marie Le Guen, le secrétaire de section du 11ème arrondissement Philippe Wehrung estime que «la fédération de Paris n’est pas n’importe quelle fédération socialiste: elle aurait dû jouer un plus grand rôle dans les négociations.» La gronde ne s’arrête pas 27 là. «Après le redécoupage, la fédération aurait dû réunir tous les parlementaires parisiens pour gérer la situation humainement. Au lieu de cela, elle a rayé les plus vieux et les plus fraîchement élus» déplore le Député sortant de la 10ème circonscription, Serge Blisko, évincé après avoir assuré trois mandats à l’Assemblée tout en installant le PS à la tête du 13ème arrondissement. Quelle est la cause de cet acharnement contre Rémi Féraud ? Premier fédéral, Maire du 10ème arrondissement et ancien attaché parlementaire de Danièle Hoffmann-Rispal, ce dernier aurait tenté de «faire valoir ses intérêts personnels sur ceux du PS, en ne protestant qu’à demi-mots contre le choix de la 6ème pour que Solférino n’ait pas l’idée de donner la 5ème circonscription - qui comprend son territoire du 10ème – aux écologistes» analyse Marie-Anne Gairaud, journaliste au Parisien. «Aucune instance ne s’est réunie pour flécher des circonscriptions24, il y a eu un flou organisé par Féraud pour que personne n’évoque le cas de la 5ème circonscription, qui était pourtant la seule où le député sortant de 73 ans, Tony Dreyfus, ne s’est pas représenté» 24 Sens : donner des indications à la commission électorale Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 28. complète Philippe Wehrung. L’application à la lettre de la stratégie parisienne des écologistes, sans que Solférino n’y trouve rien à redire, aurait pu souder les socialistes parisiens dans un élan légitimiste. Mais à un an du prochain congrès PS et à deux ans des municipales, elle a surtout été l’occasion de règlements de comptes internes et de stratégies personnelles. B) Le test des élections législatives à Paris 1) Les écologistes peuvent être satisfaits igner un accord électoral – une tâche par définition compliquée entre formations S politiques - en vue des élections législatives 2012 était rendu d’autant plus difficile que ce scrutin ressemblait à un saut dans l’inconnu pour l’ensemble des partis : il inaugurait le redécoupage Marleix… qui n’a pas épargné la capitale, loin de là. En vertu de la Constitution qui prévoit que «l’Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques», le département de Paris, qui a perdu nombre d’électeurs depuis la dernière carte électorale réalisée en 1986, a été amputé de 3 de ses 21 circonscriptions. Et le périmètre des 18 restantes a été allègrement modifié, le 28 critère de base au redécoupage devenant le quartier et non plus l’arrondissement : des bureaux de vote ont été transférés d’une circonscription à l’autre, sans grand respect pour la cohérence territoriale, tandis que «certains bureaux de votes ont même été complètement défigurés, avec des corps électoraux modifiés à 75%» me confie le responsable d’un service élections d’une Mairie d’arrondissement de la capitale. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 29. A sa publication, l’ensemble de la gauche parisienne, Verts et Socialistes confondus, ont vivement protesté ; le Maire de Paris Bertrand Delanoë (PS) expliquant même que «contrairement au discours de Monsieur Marleix selon lequel la gauche perdrait deux députés et la droite un, ce découpage consisterait à faire en sorte qu’il y ait trois députés de gauche en moins en 2012.» Sous la pression de la commission de contrôle, le Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux Collectivités locales Alain Marleix, par ailleurs secrétaire national de 29 l’UMP chargé des élections, a finalement dû revoir une partie de sa copie avec les différents responsables des partis politiques, pour finalement revenir en arrière dans 35 départements dont Paris. Nettement favorable à la gauche qui comptait en 2007 treize députés sur vingt-et-un, le rapport de forces n’a pas été modifié par la seconde mouture du redécoupage : la gauche devrait perdre un député et n’en compter plus que douze, tandis que la droite devrait passer de huit à six. La nouvelle carte électorale semble avoir renforcé les circonscriptions, les rendant toutes - mis à part la 3ème et la 11ème circonscription - imperdables et acquises au camp de la gauche ou de la droite. Si bien que la bataille législative ne semble plus se jouer aujourd’hui de façon bipolaire… mais entre partenaires. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 30. Les Verts, qui avaient deux députés élus dans la capitale depuis 2002, ont vu leurs circonscriptions –respectivement les anciennes 1ère et 11ème- disparaître ou tout du moins être fragilisées. La terre d’élection de Martine Billard, Députée Verte ayant rejoint le Front de Gauche Les accords législatifs sous l’ère Delanoë au cours de la dernière mandature, a été dépecée : les quatre petits Dans la foulée des municipales victorieuses de 2001, Solférino avait accordé arrondissements du centre parisien aux Verts trois circonscriptions gagnables : la 1ère à Martine Billard, la 11ème à ont été rattachés aux anciennes Yves Cochet ainsi que la 12ème à l’environnementaliste Maryse Arditi. Les socialistes parisiens se sont sentis floués. Mais craignant pour la solidarité de 4ème circonscription, ancrée à sa majorité municipale, le Maire de Paris n’a eu de cesse de répéter que «Les droite ainsi qu’aux 5ème et 7ème. Verts méritent leurs trois circonscriptions» ou encore qu’«on a besoin des Celle d’Yves Cochet, devenu Verts.» «Ce qu’il ne pouvait pas deviner, c’est qu’Arditi ferait sa campagne Député européen en décembre sur le devenir des crapeaux dans le 15ème arrondissement… Aucun accord 2011, s’est-elle vue adjoindre des national n’ayant été signé en 2007, le PS parisien repris logiquement cette bureaux de vote du conservateur circonscription mais décida tout de même de ne pas présenter de candidats 6ème arrondissement et du quartier socialistes contre Martine Billard et Yves Cochet» raconte l’Adjoint au Maire (EE-LV) Yves Contassot. le moins à gauche du 14ème 30 arrondissement (Montparnasse) En 2012, la situation se compliquait donc du fait du redécoupage électoral : ainsi qu’amputée du sud de sa «la 1ère circonscription de Billard répondait à tous les critères, elle n’aurait pas dû être modifiée. Mais le préfet de région qui suit le dossier du circonscription, traditionnellement redécoupage, m’a avoué depuis que le PS et l’UMP s’étaient entendus pour plus à gauche. la supprimer…» explique Hervé Morel, le patron d’EE-LV Paris. Sans Estimant que ce n’était pas à eux compter que la 11ème circonscription d’Yves Cochet avait été «droitisée» selon les socialistes et les écologistes. Pour Sylvain Garel, co-président du de subir la perte d’un député de groupe EE-LV au Conseil de Paris, «le PS a cherché à nous faire payer gauche à Paris occasionné par ce l’addition du redécoupage, mais nous nous en sortons bien au final. Il ne faut redécoupage, les écologistes pas oublier que nous revenons de loin : en 1997, l’accord national du PS parisiens décidèrent de nous proposait seulement la 14ème circonscription (sud du 16ème revendiquer d’autres arrondissement) où la gauche ne dépassait pas les 30% au second tour… » circonscriptions ayant été épargnées. Dopés par leurs excellents résultats lors des européennes de 2009 qui les virent côtoyer le PS au niveau national mais les dépasser largement dans la capitale, ils réclamèrent d’entrée de présenter leurs candidats sur les dix-huit circonscriptions, avec le Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 31. désistement et le soutien du PS au candidat écologiste dans trois, dont deux gagnables. Il s’agissait de la cinquième ou la sixième circonscription, dans l’est parisien ; la dixième, en lieu et place de la onzième circonscription, fragilisée par le redécoupage ; ainsi qu’une candidature commune dans un bastion de la droite parisienne dans le centre de Paris, soit «la nouvelle 1ère circonscription où nous aurions souhaité légitimer Jacques Boutault » soit la 2ème circonscription, tout aussi imprenable mais qui présentait l’avantage d’une médiatisation garantie, du fait qu’elle serve de terre d’élection à l’ancien Premier ministre, François Fillon. Le Parti Socialiste soutiendra finalement deux candidats écologistes à Paris, comme lors des précédents accords à la différence que le redécoupage électoral a réduit le nombre de circonscriptions. Une bonne affaire pour les écologistes, donc… mais aussi pour les socialistes adeptes du coup de billard à trois bandes. Le poids politique des écologistes a certes augmenté ces derniers mois, mais le PS n’a pas cédé à leurs revendications sans servir en retour ses propres intérêts : pourquoi Solférino a-t-il accepté de lâcher la 10ème circonscription et de reprendre la 11ème, «droitisée» ? Pour satisfaire la demande de leurs partenaires Verts, mais aussi et surtout pour permettre au Maire du 14ème arrondissement Pascal Cherki25, de se présenter et d’être élu dans la 11ème circonscription… Même 31 configuration dans la 6ème circonscription, où l’accord se fait au détriment de Danièle Hoffmann-Rispal alors qu’entre temps, le député sortant de la 5ème circonscription voisine avait annoncé son retrait : cela satisfait Cécile Duflot qui insistait pour hériter de la 6ème circonscription plutôt que la 5ème, mais cela a également permis au PS de faire une place au soleil à la jeune Adjointe au Maire de Paris, Seybah Dagoma. Cette circonscription, qui depuis 1986 regroupait les quartiers de la Folie Méricourt (11è), de Saint-Ambroise (11è), de Belleville (20è) ainsi qu’une partie du Père Lachaise (20è) a toujours été de gauche. Y compris lors du règne de Jacques Chirac sur la Mairie de Paris (1977-1995), où le RPR contrôlait une partie des mairies d’arrondissements de l’est parisien lorsque ce n’était pas la totalité. En 2010, Alain Marleix a beau avoir pris ses ciseaux pour la remodeler26, cette circonscription n’en reste pas moins inscrite au cœur de deux arrondissements républicains, puis populaires et donc très à gauche. Aucun des bureaux de vote intégrés dans cette circonscription n’avait placé l’UMP en tête, au premier tour des 25 Poids lourd de la motion C (courant Un Monde d’Avance classé à la gauche du PS), influente à Paris et qui n’était jusqu’alors pas représentée dans l’équilibre interne des Députés de la capitale. 26 Elle est depuis composée de la partie Est des quatre quartiers qui composent le 11 ème arrondissement (Folie Méricourt, Saint-Ambroise, Roquette et Sainte Marguerite) ainsi qu’une partie des quartiers de Belleville et du Père Lachaise Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 32. élections régionales 2010, certains coins de Belleville accordant même des scores staliniens à la liste d’union de la gauche au second tour (avec près de 90% des suffrages). Autant dire que même une poussée légitimiste à la suite d’une hypothétique réélection de Nicolas Sarkozy en 2012 n’aurait pas été suffisante pour faire basculer la 6ème circonscription à droite. Loin des arrondissements de pouvoirs où sont concentrés institutions et lieux d’influence dans quelques kilomètres carrés, l’Est parisien n’en est pas moins convoité. Malgré que la députée sortante de la 6ème circonscription, Danièle Hoffmann-Rispal avait annoncé sa volonté de briguer un troisième mandat, Solférino a décidé d’accorder l’investiture du PS à la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, Cécile Duflot. Ce qui n’empêcha pas le PS parisien et notamment les élus de la circonscription, telle la Maire du 20ème arrondissement Frédérique Calandra ou le sénateur et conseiller de Paris, David Assouline, de tout faire pour annuler cette décision. Dès l’officialisation de l’accord, la Députée sortante Danièle Hoffmann-Rispal, une strauss-kahnienne ralliée à François Hollande pendant les primaires, réaffirme sa volonté de se présenter malgré l’accord électoral. Pour le secrétaire de la section du 11ème arrondissement Philippe Wehrung, le choix d’accorder cette circonscription n’est pas cohérent : «la 6 ème circonscription est encore ouvrière et populaire dans certains recoins, et 32 nos deux partis n’ont pas les mêmes positions sur des dossiers locaux stratégiques comme le marché sauvage de Belleville ou les biffins. Surtout, la Députée sortante qui a été rayée de la carte par Solférino est une des seules parlementaires socialistes – et l’unique à Paris – à être issue du militantisme ! Elle représente en quelque sorte la diversité sociale du PS» fait-il valoir. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 33. Selon Le Monde, les deux femmes se seraient rencontrées à plusieurs reprises sur l’initiative de Cécile Duflot, mais sans parvenir à se mettre d’accord. Encore mi-janvier, «je résiste et je continuerai de résister» abonde Danièle Hoffmann-Rispal dans les colonnes du quotidien du soir. «Si Cécile Duflot peut trouver un point de chute ailleurs que sur mon dos, ce serait mieux. Qu'elle aille dans une circonscription plus difficile» explique-t-elle naturellement. En public, c’est un discours plus policé qu’elle met cependant en avant : «je suis la petite vendeuse du Sentier qui s’est faite toute seule, à travers moi, c’est un peu de Belleville et de Ménilmontant qui s’élèvent vers les ors de la République» décline t’elle inlassablement. Mais alors que l’élection de François Hollande devient de plus en plus probable, la députée sortante va perdre un soutien de poids. Dans Le Parisien du 16 janvier, Bertrand Delanoë confie ainsi que «jusqu’au 6 mai, toute mon énergie est tendue vers un seul objectif : la victoire de François Hollande. Les élections législatives viendront après.» Guidé par ses ambitions ministérielles, le Maire de Paris accepte même de rencontrer Cécile Duflot, en marge du Conseil de Paris le mardi 7 février, afin de reprendre langue selon un confidentiel de Libération : «faut pas qu'on se fâche, Cécile», aurait lâché le Maire de Paris à celle qui avait sollicité cette entrevue, toujours selon ce quotidien. 33 Mues par des intérêts convergents – empêcher l’arrivée de Duflot à Paris pour conserver la sinécure que représente la députation dans la 6ème circonscription pour l’une, ne pas compromettre ses chances en vue de l’élection de 2014 pour l’autre – Danièle Hoffmann- Rispal et Anne Hidalgo adoptent alors la même stratégie. Omettant de préciser que la 6ème circonscription avait été découpée en 1986 sur mesure pour Georges Sarre et la gauche27, que la sociologie de l’est parisien a (presque) toujours été favorable aux valeurs de la gauche, qu’elle a elle-même précipité la chute du député sortant Georges Sarre en 2002, Danièle Hoffmann-Rispal revendique d’avoir construit son succès pas à pas et d’être aujourd’hui sur le podium des parlementaires les mieux élus de France28. «Ce travail de trente années, je ne comprends pas qu’il doive se perdre sur un simple accord électoral» fait-elle valoir aujourd’hui. La première adjointe du Maire de Paris ne relâche pas non plus la pression vis-à- vis de sa (future) rivale écologiste, et continue son bras de fer, feutré mais sans concession, vis-à-vis de Solférino et de son ancienne amie, Martine Aubry. Lors de la journée de la 27 «Lors du redécoupage de 1986, Georges Sarre a profité de sa fonction de leader de l’opposition au Conseil de Paris pour être reçu par Charles Pasqua : pour qu’il ne conteste pas cette refonte de la carte électorale, le Ministre lui a offert le privilège de se préparer sa propre circonscription, en annexant tous les territoires les plus à gauche de l’est parisien» explique Philippe Wehrung, secrétaire de section dans l’Est parisien. 28 Elle a obtenu 69% des suffrages, au second tour des législatives de 2007. Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012
  • 34. femme le 8 mars, elle organise ainsi un dîner au restaurant La Comète pour «soutenir la campagne de François Hollande… et la députée sortante évincée de la 6 ème circonscription, Danièle Hoffmann-Rispal.» Profitant de l’actuelle médiatisation de la vie politique ainsi que de la politisation de l’électorat parisien - qui suit l’actualité, lit les journaux, regarde les débats, s’exprime sur les réseaux sociaux – pour déstabiliser Cécile Duflot, Anne Hidalgo laisse fuiter dans un «indiscret» de L’Express29 sa stratégie de remplacer l’écharde Hoffmann- Rispal par l’épine Mélenchon, dans le pied de la secrétaire nationale d’EE-LV. La rumeur ne cessera de prendre de l’importance, jusqu’à l’officialisation de la candidature de ce dernier… à Hénin-Beaumont. Score réalisé par le candidat EE-LV (anciennement Les Verts) au premier tour de l'élection présidentielle à Paris 1974 1981 1988 1995 2002 2007 2012 7,38 4,07 4,18 3,64 3,63 2,32 1,53 1974 1981 1988 1995 2002 2007 2012 34 Si le faible score d’Eva Joly au premier tour de l’élection présidentielle (2,31%) est de nature à donner des espoirs aux dissidents socialistes, ce n’est pas le cas à Paris : dans la 6ème circonscription, l’ancienne juge d’instruction réalise 5,66%, soit encore mieux que sa moyenne parisienne (4,18%). Danièle Hoffmann-Rispal se console toutefois avec les 43,03% de François Hollande, qui améliore lui aussi son score parisien (34,83%) et national (28,63%). Statu quo : il faudra donc attendre le 6 mai pour connaître le casting définitif des candidats de la 6ème circonscription. Et pas question de faire des vagues avant d’avoir le résultat. Le premier secrétaire fédéral du PS Rémi Féraud, qui n’a jamais caché être partisan d’une candidature dissidente, se refuse ainsi d’aborder «la question des législatives entre les deux tours de la présidentielle »30. Jusqu’ici contrainte en sa qualité de secrétaire nationale d’EE- LV de réaliser au minimum deux déplacements par semaine avec Eva Joly, Cécile Duflot n’a pas attendu plus tard que le 23 avril, soit au lendemain du premier tour, pour lancer sa propre campagne. Mais quand elle organise une distribution de tracts en faveur de François Hollande sur le marché Charonne dans le 11ème arrondissement, ou qu’elle colle des affiches de soutien 29 L’Express, le 28 mars, Le PS pousse Mélenchon à se présenter. 30 Source : Le Parisien, le 24 avril « Cécile Duflot écrasée par les socialistes » Hugo SOUTRA - Institut Français de Géopolitique - Juin 2012