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DOSSIER RÉFLEXIONS SUR
  L’EFFICACITÉ DES GARANTIES
     DANS LES PROCÉDURES
         COLLECTIVES

Les derniÚres réformes du droit des entreprises en
difficulté ont engendré de nouvelles réflexions sur le sort
des créanciers munis de sûretés. Parmi ces réflexions,
certaines méritent de nouveaux approfondissements,
qu’elles traitent de l’article L. 650-1 du code de
commerce, du sort de la cession Dailly, du privilĂšge de
conciliation ou du régime de déclaration des créances.




 11 Propos introductifs                                29 Six ans déjà, et toujours rien de bien
Pierre-GrĂ©goire Marly,                                rassurant Ă  propos de l’article L. 650-1 du Code
Professeur agrégé des Facultés de droit,              de commerce
Directeur scientifique du dossier                     Hervé Kensicher,
                                                      Avocat Associé,
 12 La cession Dailly dans la tourmente               Orrick Rambaud Martel
des procédures collectives
Jean-Jacques Ansault,                                  40 Le privilĂšge de conciliation
Agrégé de droit privé et de sciences criminelles,     Philippe Hameau,
Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Rouen                    Avocat AssociĂ©,
                                                      Orrick Rambaud Martel
 22 Les conséquences du défaut de déclaration de
créance sur les garanties dont dispose le créancier
David Robine,
MaĂźtre de confĂ©rences Ă  l’UniversitĂ© de Rouen
(CUREJ)
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives


                                                                               Propos introductifs
Pierre-Grégoire Marly,
Professeur agrégé des Facultés de droit,
Directeur scientifique du dossier




Initialement porté vers la confrontation du droit          observe que le nouveau régime du défaut de 1) Cass. com., 27 mars 2012, n°
                                                                                                               10.20-077.
des sûretés au droit des entreprises en difficulté,        déclaration favorise nettement le sort du créancier
le prĂ©sent dossier s’est finalement Ă©mancipĂ© de            bĂ©nĂ©ficiant de garanties personnelles, malgrĂ© les
cette thĂ©matique Ă  deux Ă©gards : d’une part, en            sanctions que celui-ci pourrait encourir en vertu
dépassant le strict domaine des sûretés de droit           des rÚgles du cautionnement ou du droit de la
commun pour aborder le privilÚge de conciliation           responsabilité civile.
et la cession Dailly à titre de garantie ; d’autre part,
en saisissant le sort des créanciers garantis sous         Dans son étude, Maßtre Philippe Hammeau
l’angle particulier de la dĂ©claration des crĂ©ances et      revient sur les raisons qui prĂ©sidĂšrent en 2005 Ă 
du principe d’irresponsabilitĂ© du « fournisseur de         l’instauration d’un privilĂšge de conciliation en
concours ».                                                faveur des créanciers concourant volontairement
                                                           au redressement de l’entreprise en difficultĂ©. Tout
Ce principe d’irresponsabilitĂ©, proclamĂ© Ă                  en examinant les conditions d’acquisition de ce
l’article L. 650-1 du Code de commerce, est                privilĂšge, sa nature et son efficacitĂ©, l’éminent
l’objet d’une premiĂšre Ă©tude qui livre une analyse         praticien interpelle en filigrane sur le caractĂšre
critique de cette disposition au moment mĂȘme               rĂ©ellement incitatif d’une telle mesure.
oĂč la Cour de cassation vient de se prononcer
sur son interprétation (1). Par une réflexion              Enfin, notre collÚgue Jean-Jacques Ansault nous
particuliĂšrement Ă©clairĂ©e, MaĂźtre HervĂ© Kensicher          fait l’honneur d’une rĂ©flexion trĂšs approfondie sur
dĂ©montre l’imprĂ©cision du texte prĂ©citĂ©, tant              la rencontre de la cession Dailly Ă  titre de garantie
sur l’étendue du principe qu’il Ă©nonce que sur le          avec le droit des entreprises en difficultĂ©. Cette
contenu des exceptions qu’il assigne, spĂ©cialement         rencontre, qu’il aborde sous l’angle du cĂ©dant
celle tirĂ©e des garanties disproportionnĂ©es. Six           failli, dĂ©couvre l’immunitĂ© dont jouit cette cession
annĂ©es aprĂšs son introduction par la rĂ©forme de            fiduciaire tant Ă  l’ouverture qu’au cours de la
2005, l’article L. 650-1 demeure ainsi mystĂ©rieux,         procĂ©dure collective. Ce constat, soutenu par la
voire obscure. Il se confirme toutefois que la             riche analyse de son auteur, doit cependant ĂȘtre
protection qu’il devait primitivement offrir au            mitigĂ© en l’hypothĂšse d’un conflit opposant le
fournisseur de crĂ©dit est manifestement dĂ©mentie           cessionnaire au crĂ©ancier rĂ©servataire, ainsi qu’en
en pratique.                                               prĂ©sence d’un mandat d’encaissement confiĂ© au
                                                           cédant. Ce nonobstant, Jean-Jacques Ansault
De son cĂŽtĂ©, notre collĂšgue David Robine livre une         dĂ©montre l’efficacitĂ© de cette discrĂšte et singuliĂšre
utile et subtile rĂ©flexion relative Ă  l’incidence du       propriĂ©tĂ©-sĂ»retĂ© que constitue la cession Dailly Ă 
défaut de déclaration des créances sur le sort des         titre de garantie.
garanties dont jouit le créancier. Dans un souci
d’exhaustivitĂ©, il aborde l’ensemble des garanties         Au bilan, des diverses rĂ©flexions formant ce
consenties tant par le débiteur que par un tiers.          dossier transparait une appréciation contrastée
Partant, il rĂ©vĂšle qu’en substituant l’inopposabilitĂ©      de l’efficacitĂ© des garanties dont jouit le crĂ©ancier
Ă  l’extinction des crĂ©ances non dĂ©clarĂ©es, la rĂ©forme      confrontĂ© Ă  la procĂ©dure collective de son dĂ©biteur.
de 2005 n’aboutit pas moins Ă  la neutralisation des        Plus largement, ce sont les rĂ©formes de 2005 et
garanties octroyĂ©es par le dĂ©biteur, sous quelques         2008 qui s’offrent Ă  un bilan nuancĂ©.
réserves toutefois discutables. En revanche, il



N°96 Mars 2012                                                       11                                            JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives


                            Six ans déjà, et toujours rien
                   de bien rassurant à propos de l’article
                          L. 650-1 du Code de commerce
Hervé Kensicher,
Avocat Associé,
Orrick Rambaud Martel




L’incertitude juridique, qui nuit notamment            aujourd’hui le principe exprimĂ© dans l’article L.        1) Art. L.650-1 : « Lorsqu’une
                                                                                                                procédure de sauvegarde, de redres-
Ă  la sĂ©curitĂ© et l’épanouissement de la vie des        650-1, et qui d’ailleurs n’a plus aucun lien avec        sement judiciaire ou de liquidation
affaires, peut provenir de la norme lĂ©gislative        la procĂ©dure de conciliation. Or l’opposition            judiciaire est ouverte, les crĂ©anciers
ou rĂ©glementaire elle-mĂȘme : on doit souvent en        parlementaire, voyant lĂ  l’Ɠuvre Ă  peine                 ne peuvent ĂȘtre tenus pour respon-
dĂ©plorer la formulation imprĂ©cise, fruit d’une         masquĂ©e du grand capital banquier cherchant              sables des prĂ©judices subis du fait
                                                                                                                des concours consentis, sauf les cas
rĂ©flexion hĂątive ou incomplĂšte, d’une Ă©tonnante        Ă  se prĂ©munir de toute responsabilitĂ© pour               de fraude, d’immixtion caractĂ©risĂ©e
mĂ©connaissance de la rĂ©alitĂ© des affaires ou           les atteintes qu’il pourrait dĂ©sormais infliger          dans la gestion du dĂ©biteur ou si les
de l’absence de concertation sĂ©rieuse avec les         impunĂ©ment Ă  la veuve de Carpentras, s’en Ă©mut           garanties prises en contrepartie de
                                                                                                                ces concours sont disproportionnées
praticiens, voire de quelque compromission             trÚs ardemment (5). Le prix payé pour le retour          à ceux-ci. »
d’ordre politique ou, tout simplement, de la           Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© du dĂ©bat parlementaire fut un texte        « Pour le cas oĂč la responsabilitĂ©
propension de notre lĂ©gislateur Ă  l’écriture           bien vite remaniĂ©, trop prestement sans doute            d’un crĂ©ancier est reconnue, les
synthĂ©tique – cette exception culturelle bien          pour se mĂ©nager le bĂ©nĂ©fice d’une rĂ©flexion              garanties prises en contrepartie de
                                                                                                                ses concours peuvent ĂȘtre annulĂ©es
française qui, dans la sphÚre du droit, a le fùcheux   approfondie quant à la maniÚre dont les tribunaux        ou réduites par le juge. »
effet de laisser les acteurs de l’économie rĂ©elle      allaient pouvoir l’interprĂ©ter ; on y inclut ainsi
Ă  la merci d’une interprĂ©tation administrative         de notables mais trĂšs imprĂ©cises exceptions au           2) L’ordonnance n°2008-1345 du
ou judiciaire tardive, Ă©volutive ou dictĂ©e par         rĂ©gime d’exonĂ©ration que la disposition nouvelle         18 dĂ©cembre 2008 a en effet, d’une
                                                                                                                part, prĂ©cisĂ© que l’article L.650-1
l’opportunitĂ© et donc potentiellement arbitraire.      voulait instituer (agrĂ©mentĂ©es, en outre, de la          s’applique seulement « lorsqu’une
L’article L. 650-1 du Code de commerce (1) en          bien sĂ©vĂšre sanction de nullitĂ© des sĂ»retĂ©s prĂ©vue       procĂ©dure de sauvegarde, de redres-
fournit une criante et navrante illustration.          par le second alinĂ©a de l’article L. 650-1, dans le      sement judiciaire ou de liquidation
                                                                                                                judiciaire est ouverte » et, d’autre
Cette disposition, nĂ©e en 2005 sur les mĂȘmes           cas oĂč la responsabilitĂ© du dispensateur de crĂ©dit       part, apportĂ© une once de flexibilitĂ©
fonts baptismaux que la fameuse procédure de           est retenue) (6). Si effectivement il y avait eu de la   en substituant à la nullité automa-
sauvegarde, tient lieu d’introduction au Titre V,      part de certains lobbys tentative de s’arroger un        tique initialement instituĂ©e la latitude
relatif aux responsabilitĂ©s et sanctions, du Livre     rĂ©gime d’irresponsabilitĂ© trop gĂ©nĂ©reux (plutĂŽt          dĂ©sormais donnĂ©e au juge de dĂ©cider
                                                                                                                du sort des garanties, qu’il pourra
VI du Code de commerce, consacrĂ© aux difficultĂ©s       que de s’en tenir Ă  une rĂ©duction plus raisonnable       ainsi annuler, conserver ou rĂ©duire,
des entreprises. Malgré deux précisions apportées      pour le banquier du dilemme entre rupture                selon son appréciation souveraine.
par l’ordonnance du 18 dĂ©cembre 2008 (2), elle         abusive de crĂ©dit et soutien abusif (7)), bien
                                                                                                                3) Voir notamment D. Robine, L’ar-
continue de susciter maintes interrogations plus       pris fut qui croyait prendre : malgrĂ© l’apparence        ticle L.650-1 du code de commerce :
de six ans aprĂšs son entrĂ©e en vigueur, en raison      premiĂšre d’un principe d’exonĂ©ration, le texte ne        un “cadeau” empoisonnĂ© ?, D. 2006.
notamment de son laconisme.                            protÚge pas vraiment le fournisseur de crédit, loin      Chron. 69 ; P. Hoang, De la suppres-
On en connait la genĂšse, abondamment relatĂ©e           s’en faut, et recĂšle mĂȘme pour lui de vĂ©ritables         sion du dispositif prĂ©torien de la res-
                                                                                                                ponsabilité pour soutien abusif, D.
dans la doctrine contemporaine de la naissance         chausse-trapes.                                          2006. Chron. 1458 ; le commentaire
de la loi de sauvegarde (3). Le rappel des dĂ©bats      Certes, l’article L. 650-1 n’est en rien un texte        trĂšs complet de J. Moury, La respon-
parlementaires houleux dont est issu l’article         abscons ; mais il est pourtant obscur, en raison         sabilitĂ© du fournisseur de “concours”
                                                                                                                dans le marc de l’article L.650-1
L. 650-1, bien que paraissant relever du genre         essentiellement de la grande imprécision dont            du code de commerce, D. 2006.
anecdotique, apporte un Ă©clairage Ă©difiant sur         s’est contentĂ© le lĂ©gislateur, fidĂšle Ă  son habitude     Chron. 1743 ; R. Routier, L’article
le processus par lequel le lĂ©gislateur peut, Ă          d’écriture synthĂ©tique, ouvrant par lĂ  tout un           L.650-1 du code de commerce : un
l’occasion, produire une disposition nĂ©faste, Ă         champ de questions laissĂ©es sans rĂ©ponse. Comme          article “dĂ©tonnant” pour le dĂ©biteur
                                                                                                                et “dĂ©tonant” pour le contribuable,
l’opposĂ© de l’idĂ©e louable dans laquelle le texte      a pu jadis l’exprimer avec humour un avocat fort         D. 2006. Chron. 2916 ; J-L. Vallens,
finalement adoptĂ© puise son origine.                   en verve, « l’obscuritĂ© d’un texte, ce n’est jamais      Les “effets pervers” de la loi de sau-
Il s’agissait initialement de promouvoir les           qu’un hommage discret rendu par le lĂ©gislateur           vegarde des entreprises, RTD com.
concours financiers Ă  l’entreprise en difficultĂ©       Ă  la sagacitĂ© du magistrat ! » (8). Tout en              2007 p. 604 ; V. Perruchot-Triboulet,
                                                                                                                La responsabilité des créanciers (C.
dans le cadre de la procĂ©dure de conciliation,         rappelant en quoi pĂȘche l’article L. 650-1, voyons       com. Art. L.650-1, issue de la loi
en exonĂ©rant les prĂȘteurs qui les fournissent de       donc aujourd’hui, aprĂšs quelques annĂ©es de trĂšs          de sauvegarde du 26 juillet 2005),
toute responsabilité, notamment pour soutien           lente gestation jurisprudentielle, comment les           RLDC n° 43, Nov. 2007, p. 64 ; et
                                                                                                                généralement la doctrine nombreuse
abusif, du fait de l’octroi de ces concours (4) ;      tribunaux, dans leurs dĂ©cisions dĂ©jĂ  nombreuses          que cite le commentaire de A.
mais, sous l’impulsion, paraĂźt-il, de la FĂ©dĂ©ration    (9), ont rĂ©pondu Ă  cet hommage empoisonnĂ© –              Lienhard sous l’art. L.650-1, dans
Bancaire Française, l’idĂ©e originelle Ă©volua vers      et si l’espoir d’y trouver quelque rĂ©confort Ă©tait       l’édition Dalloz du Code des ProcĂ©-
l’exonĂ©ration bien plus gĂ©nĂ©rale qui constitue         justifiĂ©.                                                dures Collectives. Voir en outre la


N°96 Mars 2012                                                     29                                               JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

ThĂšse soutenue par A-L Capoen, La         I. Un champ d’application aux                        d’y inclure toute extension du terme d’un crĂ©dit
responsabilitĂ© bancaire Ă  l’égard des
entreprises en difficulté, Université     contours incertains                                  existant, voire plus généralement tout délai de
de Toulouse, 2008, pp. 31 et s.                                                                paiement autre qu’un dĂ©lai usuel (13). On ne
                                          L’indigence du texte lĂ©gislatif a pour premiĂšre      voit effectivement pas pourquoi le moratoire
4) En effet, le projet de loi initial     victime    la  dĂ©limitation    de  son   champ       ou dĂ©lai de paiement qu’accorde un crĂ©ancier
prévoyait, dans son art. 8 créant la
disposition du Code de commerce           d’application.                                       ne constituerait pas un “concours” financier,
instituant le privilùge de concilia-                                                           puisqu’il a bien pour effet de lui permettre de
tion (art. L.611-11), d’y insĂ©rer un      A. ProcĂ©dures collectives                            conserver sa trĂ©sorerie pendant le dĂ©lai octroyĂ©.
second alinéa rédigé comme suit au
bénéfice des personnes qui, dans
                                                                                               Certaines juridictions semblent attachées au
l’accord de conciliation homologuĂ©,   En effet, malgrĂ© l’emplacement du texte, dans            vocable plus couramment utilisĂ© de “crĂ©dit”,
ont consenti un crĂ©dit au dĂ©biteur en la partie du Code traitant des entreprises en            voyant dans l’article L.650-1 une disposition
vue d’assurer la poursuite d’activitĂ© difficultĂ©, la doctrine antĂ©rieure Ă  la rĂ©forme de       applicable Ă  « tout crĂ©dit quelle que soit sa
de l’entreprise et sa pĂ©rennitĂ© : « Ces
personnes ne peuvent, sauf fraude     2008 s’interrogeait sur la nĂ©cessitĂ© d’un lien entre     nature ou sa forme » (14), tandis que d’autres
ou comportement manifestement         l’existence d’une procĂ©dure collective et le rĂ©gime      tirent simplement du caractĂšre trĂšs gĂ©nĂ©rique des
abusif de leur part, ĂȘtre tenues pour de responsabilitĂ© instituĂ© par l’article L. 650-1.       termes “concours” et “crĂ©anciers” la consĂ©quence
responsables des prĂ©judices subis du  Si d’aucuns ont pu avec grand effroi voir dans           que cette disposition a un « domaine trĂšs large »,
fait des concours consentis du fait
d’un accord homologuĂ© » (projet de    la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes employĂ©s par l’article          applicable Ă  tous types de concours financiers,
loi n° 1596 dĂ©posĂ© le 12 mai 2004).   L. 650-1 la marque d’une disposition ayant               « quelle que soit [
] leur nature, la technique
Il s’agissait donc bien d’une mesure  vocation Ă  rĂ©gir tout le droit de la responsabilitĂ©      juridique utilisĂ©e et le crĂ©ancier concernĂ© » (15).
incitative de l’octroi de crĂ©dit dans
le cadre de la seule conciliation, quedu dispensateur de crĂ©dit aux entreprises, mĂȘme          Toutefois, il serait heureux que les juridictions
le gouvernement commentait ainsi :    hors du contexte d’une procĂ©dure prĂ©vue par le           aient l’occasion de prĂ©ciser de façon plus
« Dans la procĂ©dure de conciliation,  Livre VI du Code de commerce, la grande majoritĂ©         prononcĂ©e que le “crĂ©dit” n’est qu’une variĂ©tĂ© de
le financement de l’entreprise inter- des auteurs, sans aller jusqu’à envisager un tel         concours financier, et que toute prorogation du
vient dans le cadre de négociations
au cours desquelles la situation est  extrĂȘme, remarquait nĂ©anmoins Ă  juste titre              terme d’un concours existant est elle-mĂȘme un
Ă©tudiĂ©e par toutes les parties. DĂšs   que l’emplacement de la nouvelle disposition             concours financier.
lors qu’elles sont parfaitement infor-et son libellĂ© trĂšs gĂ©nĂ©ral autorisaient son             On devrait d’ailleurs pouvoir considĂ©rer, en
mĂ©es, il n’apparaĂźt pas raisonnable
de leur confĂ©rer la mĂȘme facultĂ©
                                      application non pas seulement dans le cas d’une          outre, que l’apport de fonds au dĂ©biteur par
qu’en droit commun d’invoquer Ă        procĂ©dure de sauvegarde ou de redressement               voie de souscription Ă  un emprunt obligataire, y
l’encontre de l’un des crĂ©anciers une ou liquidation judiciaires, mais aussi dans celui        compris dans le cas d’obligations convertibles
faute nĂ©e de l’apparence trompeuse    d’une conciliation (10) (voire d’un mandat ad            en titres de capital, constitue bien un “concours”
de responsabilitĂ© confĂ©rĂ©e par l’oc-
troi d’un financement. Il convient    hoc, puisqu’il s’agit bien aprĂšs tout d’une mesure       financier au sens de l’article L. 650-1, mĂȘme si
seulement de rĂ©server la fraude ou le elle aussi prĂ©vue par le Livre VI du Code de             la souscription de titres obligataires n’est pas un
comportement manifestement abusif     commerce).                                               “crĂ©dit” stricto sensu (il n’est pas rare, en effet,
d’un crĂ©ancier ».
                                      Avec l’ordonnance de dĂ©cembre 2008, on sait              que l’aide apportĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© en difficultĂ© par
5) Donnant mĂȘme lieu Ă  des            non seulement que ce lien est indispensable, mais        certaines catĂ©gories de crĂ©anciers, notamment
échanges peu amÚnes entre députés : encore que le mandat ad hoc et la conciliation             ceux qui sont aussi ses associés, le soit sous forme
voir notamment la transcription des ne sont pas concernĂ©s, car dĂ©sormais le principe           obligataire) ; mais il n’existe Ă  ce jour aucune
débats des 1er et 8 mars 2005 au sein
de l’AssemblĂ©e Nationale, plus em- d’exonĂ©ration de responsabilitĂ© ne joue que                 jurisprudence sur ce point.
preints de fĂ©brilitĂ© politicienne que « lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de
de réflexion juridique sereine.       redressement judiciaire ou de liquidation                C. Créanciers
                                      judiciaire est ouverte » (ce à quoi il faut
6) Le texte finalement adopté de
l’art. L.650-1 provient de l’amende- vraisemblablement        ajouter    aujourd’hui    la     Le “concours” financier, s’il englobe donc de
ment n° 602 prĂ©sentĂ© par le Rappor- sauvegarde financiĂšre accĂ©lĂ©rĂ©e (11)).                     nombreux types d’opĂ©ration, doit cependant avoir
teur de la Commission des lois le 1er Mais l’amĂ©lioration du texte rĂ©alisĂ©e en 2008 est        Ă©tĂ© apportĂ© par un “crĂ©ancier”. Selon la doctrine,
mars 2005.
                                      toute relative, tant elle laisse encore ouvertes de      l’emploi de ce terme s’explique par la volontĂ© du
7) Pour un exposĂ© limpide des         multiples questions.                                     lĂ©gislateur de ne pas restreindre l’application
termes du dilemme, voir D. Robine,                                                             de l’article L. 650-1 aux seuls banquiers ; il ne
op. cit. nos 1 s.                         B. Concours ïŹnanciers                                doit donc pas ĂȘtre compris comme excluant du
8) RĂ©plique semble-t-il attribuĂ©e Ă                                                             bĂ©nĂ©fice de cette disposition celui qui a prĂȘtĂ©
Me Vincent de Moro-Giaffieri, Ă  qui       Tout d’abord, que doit-on entendre par les termes    son concours financier au dĂ©biteur avant la
un magistrat du siĂšcle dernier repro-     “concours” et “crĂ©anciers” qui figuraient dĂ©jĂ        survenance de la procĂ©dure collective, mais qui,
chait de citer un texte obscur.
                                          dans le texte initial et auxquels la rĂ©forme de      ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© remboursĂ©, n’est plus crĂ©ancier
9) On dĂ©nombre en effet quelques          2008 n’a apportĂ© aucune prĂ©cision ? Bien qu’il       au moment oĂč celle-ci est ouverte (16). MalgrĂ©
centaines de dĂ©cisions dĂ©jĂ , mais ne      n’existe pas de dĂ©finition juridique de ce qu’est    l’imprĂ©cision du texte, il est par ailleurs
comportant encore, malheureuse-           un “concours”, on comprend que ce terme a Ă©tĂ©        indiffĂ©rent que le dispensateur d’un concours
ment, aucun arrĂȘt significatif de la
Cour de cassation (celle-ci ne s’étant    choisi prĂ©cisĂ©ment en raison de son caractĂšre        financier ait Ă©tĂ© dĂ©jĂ  un crĂ©ancier existant du
prononcĂ©e que sur l’application dans      gĂ©nĂ©rique (et par ailleurs, malgrĂ© l’omission de     dĂ©biteur au moment oĂč il lui a apportĂ© le concours
le temps de l’art. L.650-1).              cette prĂ©cision, qu’il doit s’agir d’un concours     qui entre dans le champ de l’article L. 650-1, ou le
                                          “financier”, Ă©tant donnĂ© le contexte).               soit devenu pour la premiĂšre fois par le fait de ce
10) Notamment V. Perruchot-Tri-
boulet, op. cit. p. 65, jugeant trop      Selon la doctrine, l’article L. 650-1 trouve donc    concours (17).
large le champ d’application de l’art.    Ă  s’appliquer Ă  toute aide financiĂšre, Ă  court,      Le principal effet de l’emploi du terme “crĂ©ancier”
L.650-1.                                  moyen ou long terme, qu’elle soit productrice ou     semble ainsi ĂȘtre d’exclure les associĂ©s ou
11) En effet, ainsi que l’énonce          non d’intĂ©rĂȘts, en ce compris donc tout prĂȘt ou      actionnaires du dĂ©biteur du champ d’application
l’art. L.628-1 C. com., la nouvelle       avance, toute ouverture de crĂ©dit, tout dĂ©couvert,   de l’article L. 650-1, du moins Ă  raison des
procĂ©dure dite de “sauvegarde finan-      toute opĂ©ration d’affacturage ou d’escompte et       sommes qu’ils apportent au capital social du
ciĂšre accĂ©lĂ©rĂ©e” instituĂ©e par la loi     tout crĂ©dit-fournisseur (12). La notion trĂšs large   dĂ©biteur. De prime abord et en l’absence de
n° 2010-1249 du 22 octobre 2010
est de façon gĂ©nĂ©rale soumise aux         de “concours” financier permettrait en outre         jurisprudence sur ce point, on ne voit pas ce qui,

JOURNAL DES SOCIÉTÉS                                                        30                                                     N°96 Mars 2012
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

dans le texte de l’article L. 650-1, permettrait        Si l’article L. 650-1 ne devait s’appliquer qu’aux      rĂšgles applicables Ă  la procĂ©dure
                                                                                                                de sauvegarde de droit commun, et
de les exclure du bĂ©nĂ©fice de cette disposition         concours, bien peu frĂ©quents, octroyĂ©s durant           l’on ne comprendrait pas qu’il soit Ă 
lorsqu’il est question des fonds qu’ils mettent Ă        l’une des procĂ©dures mentionnĂ©es, alors son             cet Ă©gard fait exception de l’art. L.
disposition par voie de prĂȘts d’associĂ©, d’avances      champ       d’application    serait    excessivement    650-1, mĂȘme si l’énumĂ©ration qu’il
en compte-courant d’associĂ©, d’avances de               limitĂ©. On s’étonnerait en outre que n’y figure         comporte ne vise pas expressĂ©ment
                                                                                                                la sauvegarde financiÚre accélérée.
trésorerie intra-groupe ou de souscriptions             pas la conciliation, dont on sait pourtant que le
obligataires, moyens frĂ©quemment utilisĂ©s par           lĂ©gislateur a voulu favoriser l’essor, notamment        12) Voir notamment J. Moury, La
les associés pour financer leur société (18). On        en offrant un régime de faveur au créancier             responsabilité du fournisseur de
                                                                                                                “concours” dans le marc de l’article
remarquera cependant, malgrĂ© l’indĂ©pendance             apporteur d’argent frais dans le cadre d’une            L. 650-1 du code de commerce, op.
de principe entre les qualitĂ©s d’associĂ© et de          conciliation donnant lieu Ă  homologation                cit., § 12 et D. Legeais, Les concours
crĂ©ancier (19), que l’application de l’article L.       (23). En effet, si tel Ă©tait le cas, ce crĂ©ancier ne    consentis Ă  une entreprise en diffi-
650-1 aux associĂ©s qui sont aussi crĂ©anciers            bĂ©nĂ©ficierait pas du rĂ©gime de l’article L. 650-1,      cultĂ©, JCP E 2005, 1510, p. 1747,
                                                                                                                § 6.
serait en quelque sorte contre nature, car ce           qui lui aussi se veut favorable aux créanciers,
sont eux qui contrÎlent le débiteur ; ainsi, tout       car exonératoire de responsabilité (encore que          13) D. Legeais, Les concours
associé créancier voyant sa responsabilité mise         cette faveur puisse sembler illusoire, comme on         consentis à une entreprise en diffi-
en cause Ă  raison des concours octroyĂ©s par             l’évoquera ci-aprĂšs, du fait des exceptions qui la      cultĂ©, op. cit., § 6. Mais voir, contra,
                                                                                                                P-M. Le Corre, Dalloz Action Droit
lui et qui chercherait quelque protection dans          restreignent).                                          et pratique des procédures col-
l’article L. 650-1 risquerait fort de se voir opposer   Une interprĂ©tation plausible – quoique loin             lectives, Éd. 2012-2013, p. 2237,
l’argument de l’immixtion caractĂ©risĂ©e dans la          d’ĂȘtre satisfaisante – de l’article L. 650-1 ainsi      § 834.13.
gestion du dĂ©biteur (20) (Ă  ce sujet, voir infra,       modifiĂ© semble ĂȘtre que le prĂ©judice rĂ©sultant          14) Voir notamment Grenoble, 15
“L’immixtion”).                                         du concours consenti doit soit avoir contribuĂ© Ă         dĂ©cembre 2011, n° 09/02991 (Juris-
S’agissant toujours de ce qu’il faut entendre par       l’ouverture de la procĂ©dure collective, soit s’ĂȘtre     Data n° 2011-029008), qui, tout en
“crĂ©anciers”, il semble qu’il y ait dans l’esprit       fait sentir alors que la procĂ©dure est ouverte, ce      conservant le terme “concours”, lui
                                                                                                                adjoint celui de “crĂ©dit”, auquel on
de certains auteurs quelque incertitude quant Ă          qui permet d’accorder le bĂ©nĂ©fice de l’article L.       comprend que cette Cour d’appel
l’application de l’article L. 650-1 aux organismes      650-1 aux concours consentis tant avant que             entend donner le sens le plus large :
sociaux, concernant les dĂ©lais de paiement qu’ils       pendant la procĂ©dure. Mais il faudrait aussi            « Ce texte de portĂ©e gĂ©nĂ©rale est
                                                                                                                applicable Ă  tout crĂ©ancier de l’en-
ont octroyĂ© Ă  un dĂ©biteur faisant par la suite objet    savoir si, pour les besoins de l’article L. 650-1, la   treprise, qu’il soit un professionnel
d’une procĂ©dure collective (21) ; pourtant les          procĂ©dure doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme demeurant          du crĂ©dit, un fournisseur ou toute
juridictions l’admettent, considĂ©rant que le sens       " ouverte "pendant la rĂ©alisation du plan de            autre personne ayant apportĂ© son
trĂšs large du mot “crĂ©anciers” le justifie (22).        sauvegarde ou de continuation. Il serait tout de        concours, et Ă  tout crĂ©dit, quelle que
                                                                                                                soit sa nature ou sa forme ».
                                                        mĂȘme surprenant que diffĂ©rentes rĂšgles rĂ©gissent
D. Le moment oĂč le concours ïŹnancier est                la responsabilitĂ© du crĂ©ancier, selon que le            15) Ainsi Toulouse, 3 fĂ©vrier 2010,
consenti                                                préjudice résultant du concours consenti avant ou       n° 08/05207 (JurisData n° 2010-
                                                                                                                007669), qui, à propos de l’applica-
                                                        pendant la procĂ©dure est subi avant ou pendant la       tion de l’art. L. 650-1 aux dĂ©lais de
La position dominante de la doctrine et des             mise en Ɠuvre du plan.                                  paiement accordĂ©s Ă  une infirmiĂšre
tribunaux, qui valide l’application de l’article        Peut-on tenter une vision plus tĂ©mĂ©raire et voir,       par sa caisse de retraite, Ă©nonce sans
L. 650-1 Ă  toute forme de concours financier et         dans la rĂ©fĂ©rence aux procĂ©dures collectives            ambigĂŒitĂ© que « Ce texte est parfai-
                                                                                                                tement applicable en l’espùce dùs
tout crĂ©ancier, ne suffit pas Ă  clore tout dĂ©bat        qui figure maintenant au dĂ©but de l’article L.          lors [
] que son domaine est trĂšs
sur le champ d’application de cette disposition :       650-1, non pas le fondement du retour au rĂ©gime         large et joue quelle que soit la date
la prĂ©cision apportĂ©e par la rĂ©forme de 2008,           normal de responsabilitĂ© pour le crĂ©ancier dont         d’octroi des concours, antĂ©rieure
pourtant sensĂ©e clarifier la portĂ©e du texte,           le concours est consenti, et porte prĂ©judice, en        ou postĂ©rieure Ă  l’ouverture de la
                                                                                                                procédure collective, leur nature,
contenait en elle-mĂȘme le germe d’un autre dĂ©bat,       dehors de toute procĂ©dure collective, mais au           la technique juridique utilisĂ©e

celui-lĂ  concernant le moment oĂč est octroyĂ© le         contraire la consĂ©cration d’une exclusion totale        et le crĂ©ancier concernĂ© puisque
concours financier incriminé.                           de toute responsabilité si le concours accordé          tous sont visés et pas seulement les
                                                                                                                établissements de crédit. Sa portée
En effet, l’article L. 650-1 pose un principe           ne rĂ©sulte pas dans l’ouverture d’une telle             englobe ainsi les dĂ©lais de paie-
d’exonĂ©ration     de   responsabilitĂ©    applicable     procĂ©dure ? Pour cela, il faudrait lire le premier      ment consentis par les organismes
« lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de                alinĂ©a de l’article L. 650-1 comme signifiant           sociaux ».
redressement judiciaire ou de liquidation               que le crĂ©ancier n’est responsable du prĂ©judice
                                                                                                                16) Voir notamment J. Moury, La
judiciaire est ouverte ». Comment comprendre            subi du fait du concours accordé que si une             responsabilité du fournisseur de
cette proposition circonstancielle temporelle, par      procĂ©dure collective est ouverte et qu’il y a eu de     “concours” dans le marc de l’article
laquelle commence l’article L. 650-1 ? D’un point       sa part fraude, immixtion caractĂ©risĂ©e ou prise         L. 650-1 du code de commerce, op.
                                                                                                                cit., § 12.
de vue strictement grammatical, elle ne vient           de garanties disproportionnées. Il est permis de
prĂ©ciser que le moment oĂč le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficie        douter d’une telle interprĂ©tation, tant l’énoncĂ©        17) La jurisprudence regorge d’ail-
de l’exonĂ©ration de responsabilitĂ©, et non pas          aurait pu ĂȘtre plus lumineux si telle avait en effet    leurs d’espĂšces oĂč le crĂ©ancier l’est
le moment oĂč est octroyĂ© le concours financier,         Ă©tĂ© la volontĂ© du pouvoir normatif.                     devenu par l’octroi du concours
                                                                                                                financier incriminĂ©. Pour n’en citer
laissant cette question-lĂ  ouverte. Faut-il donc,       L’analyse de la jurisprudence dĂ©montre que les          que quelques unes parmi les plus
pour que s’applique ce rĂ©gime d’apparente               nombreuses dĂ©cisions dĂ©jĂ  intervenues le sont           rĂ©centes : Aix-en-Provence, 12 jan-
exonération, que le concours soit octroyé durant        toutes à propos de concours financiers octroyés         vier 2012, n° 2012/13 (JurisData
la procĂ©dure collective, ou que le prĂ©judice soit       au dĂ©biteur avant l’ouverture de la procĂ©dure           n° 2012-001944) ; Lyon, 4 novembre
                                                                                                                2011, n °10/01506 (JurisData
subi, ou l’action elle-mĂȘme intentĂ©e, au cours de       collective, et aucune ne rejette l’application          n° 2011-027039).
la procĂ©dure, ou bien encore ces critĂšres sont-ils      de l’article L. 650-1 par ce motif. Il a mĂȘme
cumulatifs ? Faut-il plutĂŽt que le concours, alors      Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© qu’il n’importe pas que le concours         18) En ce sens, J-P Legros, Sauve-
                                                                                                                garde, redressement et liquidation
nĂ©cessairement consenti avant la procĂ©dure, ait         soit antĂ©rieur ou postĂ©rieur Ă  l’ouverture de           judiciaires, JCL ProcĂ©dures collec-
contribuĂ© Ă  l’ouverture de celle-ci, ou qu’il ait Ă©tĂ©   la procĂ©dure (24). Pourtant, quelques auteurs           tives, Fasc. 2162, § 328.
consenti alors que le dĂ©biteur, sans encore faire       estiment que le moment de l’octroi du concours
l’objet de la procĂ©dure collective, Ă©tait dĂ©jĂ  en       financier n’est pas indiffĂ©rent : s’il a Ă©tĂ© consenti   19) Cass. Com., 24 juin 1997, Bull.
                                                                                                                civ. 1997, IV, n° 207.
difficultĂ© ?                                            Ă  un dĂ©biteur qui n’était pas en difficultĂ© au

N°96 Mars 2012                                                      31                                              JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

20) En ce sens, F. Vinckel, Le droit      moment de l’octroi du concours, mais qui en            Face à la question de l’application de la nouvelle
au remboursement du compte cou-
rant d’associĂ©, Ă  l’aune du droit des     raison du caractĂšre inappropriĂ© du concours            disposition Ă  l’égard des cautions, les tribunaux
entreprises en difficultĂ©, Rev. proc.     ainsi consenti, conjuguĂ© Ă  d’autres problĂšmes          n’ont pas su apporter une rĂ©ponse trĂšs homogĂšne.
coll. n° 1, janvier 2011, Ă©tude 4,        rencontrĂ©s ultĂ©rieurement, fait ensuite l’objet        Si le crĂ©ancier peut exciper de l’article L. 650-
§ 32.                                     d’une procĂ©dure collective, alors l’article L. 650-    1 Ă  l’encontre de la caution qui l’attaque sur le
21) P-M. Le Corre, Dalloz Action          1 n’aurait pas vocation Ă  s’appliquer (25). Ce         terrain du soutien abusif, de la mĂȘme façon qu’il
Droit et pratique des procĂ©dures          raisonnement semble de prime abord avoir Ă©tĂ©           peut le faire Ă  l’égard du dĂ©biteur principal (28),
collectives, Éd. 2012-2013, p. 2238,      inventĂ© de toutes piĂšces, dans le seul dessein de      il ne fait en revanche aucun doute qu’il ne peut
§ 834.13.
                                          limiter l’application d’un rĂ©gime exonĂ©ratoire         se rĂ©fugier derriĂšre l’article L. 650-1 pour Ă©viter
22) Voir Toulouse, 3 février 2010,        de responsabilité jugé trop favorable pour les         toute action ou demande reconventionnelle
n° 08/05207 (JurisData n° 2010-           crĂ©anciers. Peut-ĂȘtre puise-t-il sa source dans les    de la part des cautions fondĂ©e sur les moyens
007669), op. cit., qui indique trÚs       motifs de la décision du Conseil Constitutionnel       que la jurisprudence antérieure et la loi leur
clairement que l’art. L. 650-1 s’ap-
plique aux organismes sociaux. Une        ayant validĂ© la loi de sauvegarde, les sages y ayant   ont donnĂ© afin d’échapper Ă  leur engagement,
autre Cour d’Appel aurait pu confor-      expressĂ©ment fait rĂ©fĂ©rence aux « concours Ă  une       par exemple le devoir de mise en garde ou
ter cette position, mais s’est conten-    entreprise en difficultĂ© » (26) Ă . Toujours est-       l’article L. 341-4 du Code de la consommation
tĂ©e de statuer qu’en l’espĂšce cette       il qu’au moins une cour d’appel s’est Ă  plusieurs      (29). Mais, tandis qu’une majoritĂ© de dĂ©cisions
disposition n’était pas applicable, car
la procĂ©dure collective concernĂ©e         reprises faite l’écho de ce raisonnement Ă©trange,      a jugĂ© les cautions fondĂ©es Ă  se prĂ©valoir des
avait Ă©tĂ© ouverte avant l’entrĂ©e en       qui distingue lĂ  oĂč la loi ne le fait pas et qui       exceptions que l’article L. 650-1 prĂ©voit (30), il
vigueur de la loi de sauvegarde :         conduit Ă  ce que le crĂ©ancier de l’entreprise en       en est aussi de nombreuses qui ont statuĂ© dans
Nßmes, 18 mars 2010, n° 08/02932
(JurisData n° 2010-016896).               bonne santé soit moins bien traité que le créancier    le sens exactement contraire (31), de sorte que,
                                          de l’entreprise en difficultĂ© (27).                    fĂącheusement, le droit qui est appliquĂ© en un lieu
23) En vertu de l’art. L. 611-11 du       Abstraction     faite   de     cette  jurisprudence    de France n’a pas cours en un autre.
Code de commerce, le crĂ©ancier qui,       surprenante, l’aberration est de toute façon dĂ©jĂ       Pour Ă©viter ou rĂ©duire le dĂ©bat sur le champ
dans le cadre d’un accord de conci-
liation homologuĂ© par le tribunal,        prĂ©sente dans le texte mĂȘme de l’article L. 650-1,     d’application de l’article L. 650-1, il aurait
fournit un nouvel apport en trĂ©sore-      car prĂ©cisĂ©ment il ne s’applique que lorsqu’une        pourtant Ă©tĂ© plutĂŽt aisĂ© d’ajouter simplement
rie, ou un nouveau bien ou service,       procédure collective est ouverte. En effet, avec       quelques mots à son premier alinéa, par exemple :
en vue d’assurer la poursuite de
l’activitĂ© du dĂ©biteur et sa pĂ©rennitĂ©,
                                          deux rĂ©gimes de responsabilitĂ© qui coexistent,         « Lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de
est en effet favorisĂ© en cas d’ouver-     l’un pour les concours portant prĂ©judice hors          redressement judiciaire ou de liquidation
ture ultĂ©rieure d’une procĂ©dure de        toute procĂ©dure collective et l’autre, plus            judiciaire est ouverte, les crĂ©anciers quels qu’ils
sauvegarde, ou de redressement ou         favorable, pour ceux qui contribuent Ă  une telle       soient ne peuvent ĂȘtre tenus pour responsables
liquidation judiciaire, par un privi-
lĂšge le plaçant en rang supĂ©rieur aux     procĂ©dure, on doit alors remarquer l’étonnant          des prĂ©judices subis du fait des concours
crĂ©anciers postĂ©rieurs (et donc bien      paradoxe auquel mĂšne l’article L. 650-1 : le           financiers octroyĂ©s par eux, qu’il s’agisse de
sĂ»r aux crĂ©anciers antĂ©rieurs, mĂȘme       crĂ©ancier qui consent un concours, y compris           concours nouveaux ou du report de l’échĂ©ance
titulaires de sûretés), juste aprÚs le
super-privilĂšge des salaires et celui
                                          d’ailleurs dans le cadre d’un mandat ad hoc ou         de concours existants, quelle que soit la forme
des frais de justice.                     d’une conciliation, ne bĂ©nĂ©ficierait pas du rĂ©gime     juridique de ces concours et qu’ils aient Ă©tĂ©
                                          de responsabilitĂ© supposĂ© avantageux de l’article      consentis antĂ©rieurement Ă  l’ouverture de la
24) Notamment Toulouse, 3 fĂ©vrier         L. 650-1 si ce concours, quoique prĂ©judiciable,        procĂ©dure, alors que l’entreprise Ă©tait saine ou en
2010, n° 08/05207 (JurisData
n° 2010-007669), op. cit.                 ne l’est pas suffisamment pour provoquer ensuite       difficultĂ©, ou postĂ©rieurement Ă  celle-ci, sauf les
                                          l’ouverture d’une procĂ©dure collective, alors qu’il    cas de fraude
 » ; puis de prĂ©ciser dans un autre
25) Notamment, P. Bouteiller, Sau-        lui profiterait (en sus du privilĂšge de l’argent       alinĂ©a qui peut se prĂ©valoir de la disposition.
vegarde, redressement et liquidation      frais, en cas de concours accordĂ© dans le cadre        Mais sans doute cela n’aurait-il pas Ă©tĂ© assez
judiciaires, JCL Banque – CrĂ©dit
– Bourse, 2007, Fasc. 520, § 10 :         d’une conciliation donnant lieu Ă  homologation)        synthĂ©tique pour le rĂ©dacteur lĂ©gislatif

« lorsque l’entreprise bĂ©nĂ©ficiaire       s’il est assez nuisible pour aboutir finalement Ă 
du concours Ă©tait en parfaite santĂ©       une telle procĂ©dure. À trop vouloir encourager le      II. Des exceptions Ă  gĂ©omĂ©trie
lors de l’octroi du crĂ©dit, mais [
]
doit ultĂ©rieurement se soumettre          crĂ©dit aux entreprises en difficultĂ©, doit-on finir    ïŹ‚oue
[
] à une procédure collective, la        par décourager le crédit à celles qui sont encore
banque sera dans l’impossibilitĂ©          saines ?                                               Quoi qu’il en soit du champ d’application, il faut
d’invoquer la protection Ă©tablie par                                                             constater que l’exonĂ©ration de responsabilitĂ©
l’article L. 650-1 [
], et les tiers
seront fondĂ©s Ă  rechercher [
] sa         E. Les personnes pouvant s’en prĂ©valoir                en cas d’ouverture d’une procĂ©dure n’est
responsabilitĂ© selon les critĂšres du                                                             qu’apparente. Le crĂ©ancier doit en effet s’extirper
droit commun ».                         FidĂšle Ă  son laconisme, le lĂ©gislateur n’a pas jugĂ©      du champ de mines qu’a crĂ©Ă© l’article L. 650-1
26) Cons. const., 22 juillet 2005,
                                        utile de préciser qui est autorisé à se prévaloir        par la formulation laconique des trois exceptions
n° 2005-522 DC, § 11 : « le lĂ©gis-      de l’article L. 650-1. Cela n’était certes pas           posĂ©es Ă  l’exonĂ©ration de responsabilitĂ© :
lateur a expressĂ©ment prĂ©vu que la      nĂ©cessaire, tant la chose est Ă©vidente, s’agissant       la fraude, l’immixtion caractĂ©risĂ©e dans la
responsabilitĂ© de tout crĂ©ancier qui    du crĂ©ancier lui-mĂȘme, qui doit pouvoir l’opposer        gestion du dĂ©biteur et la prise de garanties
consent des concours Ă  une entre-
prise en difficulté resterait engagée   au débiteur le recherchant en responsabilité,            disproportionnées au concours financier accordé.
en cas de fraude
 ».                    et, rĂ©ciproquement, s’agissant du dĂ©biteur, qui          Pour apaiser une opposition criant au scandale
                                        doit pouvoir lui opposer les exceptions que              du pauvre débiteur écrasé par le grand capital, de
27) Rennes, 2e ch., 12 novembre         le texte a prĂ©vu pour Ă©carter l’exonĂ©ration de           rocambolesques dĂ©bats parlementaires ont abouti
2008, n° 07/06082 (JurisData
n° 2008-008113), Ă©nonçant que           responsabilitĂ©. Mais c’était sans compter avec           Ă  ce que le texte d’origine, qui se voulait peut-
l’art. L.650-1 « Ă©dicte une immunitĂ© les cautions, qui forment le gros des bataillons            ĂȘtre exagĂ©rĂ©ment protecteur de banquiers parfois
lĂ©gale en faveur des crĂ©anciers qui     plaidant l’article L. 650-1, ayant eu tĂŽt fait de        trop aisĂ©ment mis Ă  mal devant les tribunaux par
apportent leur soutien aux entre-
prises en difficultĂ© » ; Rennes, 2 ch., saisir l’opportunitĂ© offerte par l’article L. 650-1
                                  e                                                              quelques débiteurs récalcitrants, soit en fin de
29 juin 2010, n° 09/04968 (Juris-       d’ajouter aux moyens existants de se soustraire          parcours affublĂ© de ces exceptions dont personne
Data N° 2010-031122), statuant          à leur engagement en invoquant la fraude,                ne prit la peine de donner la moindre définition.
que la fin de non-recevoir opposĂ©e      l’immixtion caractĂ©risĂ©e ou la disproportion des         Le remĂšde est ainsi devenu pire que le mal.
par la banque et tirĂ©e de l’applica-
tion de l’art. L.650-1 ne peut ĂȘtre     garanties.                                               On conçoit bien qu’il serait vain de prĂ©tendre

JOURNAL DES SOCIÉTÉS                                                          32                                                    N°96 Mars 2012
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

donner une dĂ©finition pleinement satisfaisante          venues prĂ©ciser, fort heureusement, qu’il n’y a         accueillie, car « il n’apparaĂźt pas
                                                                                                                que [le débiteur] était, lorsque des
des cas de fraude, dont les avatars sont infinis.       pas par principe fraude dans le fait d’octroyer un      concours lui ont Ă©tĂ© consentis, en
Mais l’immixtion caractĂ©risĂ©e aurait trĂšs               “crĂ©dit de restructuration” d’encours existants         difficultĂ©, dans une situation finan-
utilement profitĂ© d’une Ă©nonciation, ne serait-         (37).                                                   ciĂšre irrĂ©mĂ©diablement compromise
ce que succincte, de ce qui, précisément,               Il demeure que les notions de fraude et de faute        ou que les crédits consentis aient été
                                                                                                                insupportables pour sa trésorerie » ;
doit la caractériser. Quant aux garanties               sont intimement liées et que le danger perdure,         Rennes, 3e ch., 13 septembre 2011,
disproportionnĂ©es, voilĂ  bien une notion inscrite       en dĂ©pit de l’objectif recherchĂ© par l’article L.       n° 10/04649, prĂ©cisant que « [l’art.
dans le flou le plus complet !                          650-1, de voir des décisions juridictionnelles faire    L.650-1] qui propose des conditions
                                                                                                                plus rigoureuses de mise en jeu
                                                        rentrer par la porte de la fraude la mise en jeu de     de la responsabilité du banquier
A. La fraude                                            la responsabilité du banquier pour soutien abusif       dispensateur du crédit ne concerne
                                                        sur les fondements classiques, alors mĂȘme qu’une        que l’hypothĂšse oĂč des concours
Peut-ĂȘtre l’exception expresse de la fraude Ă©tait-      procĂ©dure collective a Ă©tĂ© ouverte.                     sont consentis Ă  une entreprise en
                                                                                                                difficulté ».
elle d’ailleurs inutile, puisque “fraus omnia
corrumpit” : les tribunaux n’ont certainement           B. L’immixtion                                          28) Voir par ex. Poitiers, 7 septembre
pas besoin qu’un texte vise expressĂ©ment la                                                                     2010, n° 09/01626.
fraude pour Ă©carter les prĂ©tentions d’une partie        S’agissant de l’“immixtion caractĂ©risĂ©e dans
                                                                                                                29) Voir par ex. Montpellier, 21
dont le comportement est jugĂ© frauduleux. Le            la gestion du dĂ©biteur”, le terrain semblait dĂšs        octobre 2008, n° 07/05336 ; Aix-en-
parlementaire qui a portĂ© la loi de sauvegarde          l’origine un peu plus balisĂ© que celui de la fraude.    Provence, 12 mai 2011, n° 2011/194.
sur ses fonts baptismaux estimait d’ailleurs que        En effet, si un auteur a pu noter que dĂ©finir ce qui
                                                                                                                30) Orléans 29 avril 2010,
« la rĂ©serve du cas de fraude n’appelle guĂšre de        distingue l’immixtion “caractĂ©risĂ©e” de celle qui       n° 09/02517 et 13 janvier 2011,
commentaire » (32). Mais, quitte Ă  mentionner la        ne l’est pas relĂšve de la gageure (38), on pouvait      n° 10/01319 ; Colmar, 8 novembre
fraude, il aurait Ă©tĂ© utile que le texte de l’article   nĂ©anmoins d’emblĂ©e se rĂ©fĂ©rer Ă  la jurisprudence        2011, n° 11/00212 ; Poitiers, 20
L. 650-1 l’explicite un peu, du moins dans le           existante de la Cour de cassation en matiùre de         septembre 2011, n° 10/04392 ; Paris,
                                                                                                                8 septembre 2011, n° 09/16516 (ces
contexte spĂ©cifique de la responsabilitĂ© du             gestion de fait. Pour retenir l’immixtion d’une         exceptions sont « inhĂ©rentes Ă  la
créancier, plutÎt que de laisser aux juridictions le    personne dans la gestion du débiteur, cette             dette » et donc opposables par la
soin de le faire, avec les disparitĂ©s prĂ©visibles que   jurisprudence, qui n’a depuis pas variĂ©, requiert       caution) ; Versailles, 26 mai 2011,
                                                                                                                n° 10/04534.
cela produit.                                           que les faits établis soient propres à caractériser,
À dĂ©faut, on peut chercher quelque explication          de la part de cette personne, “l’exercice, en toute     31) Pau, 2 novembre 2010,
dans les travaux parlementaires, oĂč il est indiquĂ©      indĂ©pendance, d’une action positive de direction”       n° 4592/10, 08/04435 ; Montpellier,
qu’il ne s’agit que de « la fraude civile, qui [
]      dans l’entreprise dĂ©bitrice (39).                       11 mai 2010, n° 09/04537 et 8 mars
                                                                                                                2011, n° 10/02659 ; Douai, 13 jan-
Ă  vrai dire [
] ne se dĂ©marque guĂšre a priori           Concernant plus particuliĂšrement l’exception            vier 2010, n° 08/07573 et 30 juin
de la fraude pĂ©nale », et qu’il s’agit, « pour ne       de l’immixtion du crĂ©ancier dans la gestion du          2011, n° 09/08505 (affirmant trĂšs
pas Ă©carter la mise en jeu de la responsabilitĂ©         dĂ©biteur, dans le contexte spĂ©cifique de l’article      fermement que « ces exceptions qui
                                                                                                                appartiennent au débiteur principal
du banquier dans des cas extrĂȘmes », de                 L. 650-1, elle Ă©tait dĂ©crite par le SĂ©nateur J-J.       ne peuvent en aucun cas ĂȘtre soule-
tenir compte « d’actes qui auront Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s          Hyest, dans son rapport sur le projet de la loi de      vĂ©es par la caution »)
en utilisant des moyens dĂ©loyaux destinĂ©s Ă              sauvegarde, comme renvoyant « Ă  l’hypothĂšse,
surprendre un consentement, à obtenir un                particuliÚrement rare, dans laquelle le créancier       32) X. de Roux, rapp. AN n° 2095,
                                                                                                                11 février 2005, p. 168.
avantage matériel ou moral indu ou faits pour           acquiert la qualité de dirigeant de fait en
Ă©chapper Ă  l’exĂ©cution des lois » (33).                 participant activement Ă  la gestion du dĂ©biteur         33) X. de Roux, rapp. AN n° 2095,
Quant Ă  l’enseignement pouvant ĂȘtre tirĂ© de             et en prenant seul des dĂ©cisions importantes en         op. cit., p. 168.
la jurisprudence sur ce point, on voit bien que         ses lieu et place » (40).
                                                                                                                34) Par ex., Douai, 2e ch., 13 janvier
l’allĂ©gation de fraude est avancĂ©e par les dĂ©biteurs    Cette dĂ©finition est aujourd’hui reprise par la         2010, n° 08/07573, qui ne trouve
dans la plupart des espùces soumises aux                jurisprudence des Cours d’Appel, qui la combine         aucune fraude, mais qui laisse penser
tribunaux, le plus souvent d’ailleurs en soutenant      avec la notion, mise en exergue par la Cour de          qu’il en aurait Ă©tĂ© autrement s’il
                                                                                                                avait été démontré que la banque
que le fait mĂȘme d’apporter un soutien financier        cassation, d’actes positifs de direction ou de          avait consenti un concours malgrĂ©
abusif, c’est-Ă -dire consenti Ă  l’entreprise            gestion exercĂ©s en toute indĂ©pendance. Ainsi            sa connaissance d’une situation irrĂ©-
alors qu’elle est en situation irrĂ©mĂ©diablement         la Cour d’Appel de Versailles dans une espĂšce           mĂ©diablement compromise : « [la
compromise, constitue en lui-mĂȘme une                   rĂ©cente (41), qui, tout en statuant, sans doute         caution] n’apporte pas la preuve de
                                                                                                                manƓuvres de la banque qui aurait
“fraude”. La rĂ©daction de certaines dĂ©cisions           pour se rattacher Ă  cette jurisprudence de la Cour      soutenu la sociĂ©tĂ© tout en sachant
paraßt conforter ce point de vue (34), qui tente        de cassation, que les faits invoqués « ne sont pas      que la voie choisie était sans is-
d’effacer l’innovation de l’article L. 650-1 pour en    de nature Ă  Ă©tablir l’existence d’une gestion de        sue » ; et, plus particuliĂšrement, Di-
                                                                                                                jon, 1Ăšre ch. Civ., 8 novembre 2011,
revenir au schĂ©ma classique de la responsabilitĂ©        fait laquelle se caractĂ©rise par le fait d’exercer en   qui admet de façon peu convaincante
pour soutien abusif. Mais, manifestement, les           toute indépendance des actes positifs de direction      que « [la banque] était en posses-
tribunaux ne cĂšdent pas aisĂ©ment Ă  l’argument           et de gestion », complĂšte ce rappel en indiquant        sion de suffisamment d’élĂ©ments
de la fraude. Pour les convaincre de l’existence        que le cas du crĂ©ancier coupable d’immixtion            pour comprendre que la situation
                                                                                                                [du débiteur] semblait alors irré-
d’une fraude, il semble qu’il faille dĂ©montrer          « correspond [
] au gĂ©rant de fait [
] ou Ă  celui       mĂ©diablement compromise [et,] en
que le crĂ©ancier, confrontĂ© Ă  un dĂ©biteur en            qui, sans s’ĂȘtre substituĂ© au gĂ©rant de droit, a        acceptant d’escompter de nouvelles
difficultĂ©, a sciemment cherchĂ© Ă  se procurer un        influĂ© sur les dĂ©cisions de celui-ci en orientant sa    traites [
] et en dĂ©nonçant tardive-
avantage, par exemple en accordant un découvert         gestion pour des décisions qui sans son influence       ment le dépassement du découvert
                                                                                                                [
], a engagé sa responsabilité en
supplĂ©mentaire dans le seul but d’obtenir une           n’auraient peut-ĂȘtre pas Ă©tĂ© prises [et] que ces        contribuant Ă  l’aggravation du pas-
garantie dont il ne disposait pas encore (35), et       dĂ©cisions doivent ĂȘtre Ă  l’origine du prĂ©judice         sif et ne peut sĂ©rieusement soutenir
l’on voit bien lĂ  le rattachement Ă  la dĂ©finition       allĂ©guĂ© ».                                              qu’elle n’a eu aucun comportement
                                                                                                                frauduleux ».
succincte de la fraude figurant dans le rapport         La prĂ©cision apportĂ©e par la Cour d’Appel de
parlementaire citĂ© ci-avant, oĂč il est question         Versailles dans son arrĂȘt prĂ©citĂ© donne Ă  rĂ©flĂ©chir.    35) Voir notamment Versailles, 16e
de moyens déloyaux destinés à surprendre le             Ainsi se pose en particulier la question, sans          ch., 20 janvier 2011, n° 09/09658 :
consentement ou obtenir un avantage indu (36).          rĂ©ponse claire aujourd’hui, de la qualification que     « il apparaĂźt que cette autorisation
                                                                                                                de découvert a eu pour seule finalité
Plus concrĂštement, quelques dĂ©cisions sont              les tribunaux, dans leur apprĂ©ciation souveraine        de permettre Ă  la banque l’obtention

N°96 Mars 2012                                                      33                                              JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

du cautionnement [et] revĂȘt, compte      des faits, donneront Ă  la facultĂ© que les termes         ses chances de rĂ©cupĂ©rer les fonds avancĂ©s ; il
tenu de ces circonstances, un carac-
tĂšre frauduleux » ; et le commentaire    d’une convention de crĂ©dit, ou les parties par           sera alors tiraillĂ© entre le dĂ©sir d’influer sur les
critique qu’ont fait de cette dĂ©cision   leur comportement dans le cours de leur relation,        dĂ©cisions Ă  prendre, par exemple en imposant la
F.J. CrĂ©dot et T. Samin dans Res-        peuvent laisser au prĂȘteur d’imposer telle ou telle      nomination d’un tiers expert, qui conseillera le
ponsabilité du banquier : notion de      décision à son débiteur dans la conduite de son          débiteur et en pratique mÚnera la barque pendant
fraude au sens de l’article L.650-1
du Code de commerce, RD banc. fin.       activité. Il serait utile de pouvoir distinguer ici      un temps, et la crainte de se voir reprocher
n° 4, juillet 2011, comm. 130.           selon la nature de l’opĂ©ration de financement : par      l’immixtion.
                                         exemple, un crĂ©dit de trĂ©sorerie classique destinĂ©       Peut-on Ă  cet Ă©gard distinguer entre l’hypothĂšse
36) Voir Ă©galement Limoges, 9
septembre 2010, n° 09/00855 (« [la
                                         au financement du besoin de fonds de roulement           oĂč la convention ne prĂ©voyait aucune intervention
fraude] peut se dĂ©finir comme            d’une entreprise petite ou grande, dont le prĂȘteur       du prĂȘteur et celle oĂč les parties en avaient
l’acte Ă©tabli ou le comportement         n’est frĂ©quemment pas l’unique banquier ; ou, par        convenu dĂšs l’origine par des stipulations
suivi dans le but de prĂ©judicier aux     contraste, le crĂ©dit permettant un investissement        prĂ©cises ? Il est Ă  craindre que le juge ne s’arrĂȘtera
droits d’autrui ») ; Douai, 2e ch.,
1er juillet 2010, n° 09/03656 (« la      spécifique, souvent de grande envergure et               pas à cette distinction et se déterminera au cas
fraude suppose une intention de          financĂ© par un seul prĂȘteur ou consortium                par cas, en fonction de ce qu’il estimera opportun
dĂ©tourner la loi ou encore une trom-     bancaire, comme l’acquisition ou la construction         au vu des faits de chaque espĂšce.
perie destinĂ©e Ă  lĂ©ser une personne      d’un immeuble de rapport, la rĂ©alisation d’un            En l’absence de dĂ©finition lĂ©gislative de ce que
de ses droits ») ; Orléans, 29 avril
2010, n° 09/02517, et 13 janvier         projet industriel ou d’un ouvrage public concĂ©dĂ©,        recouvre la notion d’immixtion, on notera la
2011, n° 10/01319 (« la fraude doit      ou bien encore l’acquisition d’une sociĂ©tĂ©.              vision large du Ministre de la Justice Ă  l’époque
s’entendre de l’octroi de crĂ©dits        Dans le premier cas, la banque, sans compĂ©tence          des dĂ©bats sur l’article L. 650-1, qui y voyait
illicites ou de manƓuvres exercĂ©es
par le crĂ©ancier pour le seul service    dans le mĂ©tier du dĂ©biteur, octroie le crĂ©dit sur le     « l’influence » caractĂ©risĂ©e que le crĂ©ancier exerce
de ses intĂ©rĂȘts personnels au lieu de    fondement d’une analyse globale de comptabilitĂ©          sur son dĂ©biteur (42), et il faudra donc se reporter
soutenir l’activitĂ© d’une entreprise     historique et prĂ©visionnelle ; elle ne saurait,          Ă  la jurisprudence existante sur l’immixtion
ou d’assurer sa pĂ©rennitĂ© ») ; et        sans se substituer indĂ»ment au dirigeant de              caractĂ©risĂ©e dans le contexte de la notion de
Versailles, 13e ch., 12 mai 2011,
donnant une explication plus dĂ©tail-     l’entreprise dĂ©bitrice, prĂ©tendre dicter la façon de     gestion de fait.
lĂ©e que d’autres cours d’appel sur la    dĂ©penser au jour le jour les sommes prĂȘtĂ©es ou le        On doit malheureusement constater que trĂšs
notion de fraude, qui comporte Ă  la      dĂ©roulement de l’activitĂ© financĂ©e.                      peu des nombreuses dĂ©cisions juridictionnelles
fois la fraude aux droits des tiers et
la fraude Ă  la loi, et citant mĂȘme les
                                         Dans le second, en revanche, l’opĂ©ration sera            rendues au titre de l’article L.650-1 l’ont Ă©tĂ©
travaux parlementaires susvisĂ©s.         souvent rĂ©alisĂ©e Ă  travers une sociĂ©tĂ© dĂ©diĂ©e,           dans des espĂšces oĂč l’immixtion jouait un rĂ©el
                                         financĂ©e par un prĂȘteur spĂ©cialiste du domaine           rĂŽle. Parmi les plus rĂ©centes, on relĂšvera celle
37) Notamment, Limoges, 9 sep-           d’activitĂ© concernĂ©, qui aura mis sur la table les       de la Cour d’appel de Versailles indiquant, s’il
tembre 2010, n° 09/00855, op.
cit. ; et Orléans, 13 janvier 2011,      deux tiers, sinon plus, des fonds nécessaires à          en était besoin, que le fait pour le banquier de
n° 10/01319, op. cit.                    l’investissement, ne disposera d’aucun recours           demander le rĂ©approvisionnement d’un compte
                                         contre les associés de la société emprunteuse            à découvert et de ne pas le clÎturer dÚs la
38) P. Bouteiller, Sauvegarde, re-
dressement et liquidation judiciaires,
                                         (excepté sur leurs titres dans le capital de celle-      survenance des difficultés ne constitue pas une
JCL Banque – CrĂ©dit – Bourse,            ci) et ne pourra placer l’espoir de voir le service      immixtion ; celle de la Cour d’Appel de Colmar
2007, Fasc. 520, § 17.                   de la dette et son remboursement assurés que             précisant, sans grande surprise, que le banquier
                                         dans les seuls flux financiers gĂ©nĂ©rĂ©s par l’actif       qui consent un prĂȘt Ă  une sociĂ©tĂ© dont la surface
39) Cass. Com., 12 juillet 2005,
n° 02-19.860 (JurisData n° 2005-         financĂ© ou dans la seule valeur vĂ©nale de celui-         financiĂšre est limitĂ©e n’est pas, de ce seul fait,
029487) ; Cass. com., 10 janvier         ci. Pour ce genre d’opĂ©ration, le financement            coupable d’immixtion ; ou encore celle de la Cour
2012, n° 10-28.067 (JurisData            est spécifiquement dimensionné en fonction               de Grenoble confirmant que ne constitue pas
n° 2012-000206).                         d’une projection de trĂ©sorerie finement Ă©tablie          non plus immixtion le fait pour un fournisseur
40) J-J Hyest, Rapp. SĂ©nat n° 335,       par l’emprunteur, et tout est prĂ©cisĂ©ment Ă©tudiĂ©         d’octroyer un crĂ©dit fournisseur et d’exiger qu’il
11 mai 2005, p. 442.                     avant le lancement de l’opĂ©ration de telle sorte         soit assorti de sĂ»retĂ©s (43). Aucune de ces espĂšces
                                         que l’emprunteur ne nĂ©cessite aucun concours             ne prĂ©sente un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt Ă  l’égard de la
41) Versailles, 13e ch., 12 mai 2011,
op. cit.                                 financier autre que celui qui est initialement mis       problĂ©matique de l’immixtion.
                                         en place. Dans un tel schĂ©ma, il n’est pas anormal
42) M. Perben, Ministre de la Jus-       de reconnaĂźtre au prĂȘteur le pouvoir d’influer sur       C. Les garanties disproportionnĂ©es
tice, Ă  propos de la notion d’immix-     certaines dĂ©cisions importantes, par exemple sur
tion caractérisée : « Celle-ci peut
se manifester de trois façons : la       la qualitĂ© des locataires de l’immeuble financĂ©          S’agissant enfin des garanties disproportionnĂ©es,
société de fait, le dirigeant de fait,   ou les caractéristiques des baux à consentir, sur        on comprend bien la motivation ayant présidé
et, enfin, l’influence exercĂ©e par le    l’opportunitĂ© de rĂ©aliser tels ou tels travaux de        Ă  l’adoption de ce nouveau concept : il vise
crĂ©ancier sur son dĂ©biteur. C’est ce
dernier comportement qui est visé
                                         modification du bien, ou encore sur la nĂ©cessitĂ© de      Ă  sanctionner le prĂȘteur trop gourmand de
ici. Pour permettre d’engager la res-    remplacer un prestataire de gestion immobiliĂšre          garanties et qui, prenant plus de sĂ»retĂ©s que ne le
ponsabilitĂ© du crĂ©ancier, l’immixtion    dĂ©faillant. La convention de crĂ©dit comportera           nĂ©cessite son crĂ©dit, prive le dĂ©biteur du moyen
doit ĂȘtre caractĂ©risĂ©e, conformĂ©ment     aisĂ©ment quelques dizaines de stipulations               d’en offrir Ă  d’autres crĂ©anciers pour obtenir d’eux
a la jurisprudence de la Cour de
cassation
 » (AssemblĂ©e Nationale,       dĂ©taillĂ©es obligeant ainsi l’emprunteur Ă  prendre        les concours financiers supplĂ©mentaires dont il a
3e sĂ©ance du mardi 8 mars 2005 —         certaines mesures, ou au contraire lui interdisant       besoin (44).
JOAN CR 2005, n°21, p.1791)              d’en prendre d’autres. Il n’existe Ă  ce sujet            Mais la notion de garanties disproportionnĂ©es
                                         aucune doctrine ou jurisprudence permettant de           suscite la perplexité à plusieurs titres.
43) Versailles, 13e ch., 12 mai 2011,
op. cit. ; Colmar, 8 novembre 2011,      dĂ©terminer dans quelle mesure l’influence que
n° 11/00212 (Jurisdata n° 2011-          les caractĂ©ristiques de ce type de financement           1. Le vaste domaine des “garanties”
025782) ; Grenoble, 15 dĂ©cembre          donnent au prĂȘteur est susceptible de prĂȘter le
2011, n° 09/02991 (Jurisdata
n° 2011-029008).                         flanc Ă  la critique de l’immixtion caractĂ©risĂ©e.         En premier lieu, le terme employĂ© est celui de
                                         Dans tous les cas, si l’activitĂ© menace de pĂ©ricliter,   “garanties”, couvrant un domaine plus vaste
44) J-J Hyest, Rapp. SĂ©nat n° 335,       le crĂ©ancier, souvent d’ailleurs Ă  la demande du         que celui des seules sĂ»retĂ©s et dont les contours,
11 mai 2005, p. 442, oĂč le SĂ©na-         dĂ©biteur lui-mĂȘme, souhaitera naturellement              incertains, fluctueront sans doute au grĂ© des
teur donne cette seule et laconique
explication de la raison d’ĂȘtre de       intervenir pour sauver l’opĂ©ration et maximiser          hĂ©sitations jurisprudentielles. S’y trouveraient

JOURNAL DES SOCIÉTÉS                                                          34                                                       N°96 Mars 2012
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

donc toutes les sĂ»retĂ©s, non seulement celles,        par le dĂ©biteur, mais par un tiers, gĂ©nĂ©ralement         l’exception des garanties dispropor-
                                                                                                               tionnées : « Les créanciers qui pren-
rĂ©elles, que donne le dĂ©biteur lui-mĂȘme, mais         son dirigeant ou associĂ© ou sa sociĂ©tĂ©-mĂšre.             draient de telles garanties nuiraient
encore tout cautionnement ou autre sĂ»retĂ©             Cependant l’article L. 650-1 ne fait pas cette           aux autres crĂ©anciers, puisqu’ils
personnelle, ainsi que toute sĂ»retĂ© rĂ©elle, que       distinction, qui rĂ©sisterait d’ailleurs mal Ă             rĂ©duiraient d’autant leurs propres
donnera pour lui un tiers, par exemple un             l’analyse Ă©conomique, puisque la capacitĂ© d’un           garanties ».
dirigeant ou la société-mÚre (45) ; à quoi il         débiteur à disposer de tiers pouvant le cautionner       45) Il existe toutefois des décisions
faut vraisemblablement ajouter tout ce que            est nĂ©cessairement limitĂ©e. Quelques Cours               qui n’admettent pas que le dĂ©biteur
l’avocat imaginatif du dĂ©biteur convaincra            d’Appel ont pourtant admis sans ambigĂŒitĂ©                lui-mĂȘme, plutĂŽt que le garant,
                                                                                                               puisse exciper de la disproportion
le juge de bien vouloir considĂ©rer comme              l’exclusion du cautionnement (47).                       de garanties pour la dette d’autrui
participant du systùme de “garanties” offert au                                                                fournies par un tiers garant, par ex.
créancier, donc potentiellement toutes sortes         2. La disproportion                                      Poitiers, 29 mars 2011, n° 09/02492.
de mĂ©canismes contractuels (46), qu’il est
                                                                                                               46) Voir notamment V. Perruchot-
impossible d’inventorier ici mais qui pourraient      En deuxiĂšme lieu, il y a la notion mĂȘme de la            Triboulet, op. cit., p. 68 ; A. Lien-
bien inclure la solidaritĂ© passive adjonctive, la     disproportion des garanties par rapport au               hard, commentaire sous l’art. L.650-
dĂ©lĂ©gation imparfaite, les promesses de porte-        concours financier. Elle suppose la comparaison          1, dans l’édition Dalloz du Code des
                                                                                                               Procédures Collectives ; V Forray,
fort, certaines lettres d’intention, la rĂ©serve       entre le concours consenti et les garanties prises       Commentaire complĂ©mentaire de
de propriĂ©tĂ©, les “sĂ»retĂ©s nĂ©gatives” (soit           en contrepartie, et donc qu’on puisse attribuer          l’article L.650-1 du code de com-
l’interdiction faite au dĂ©biteur de consentir des     une valeur Ă  celles-ci, sans pourtant pouvoir            merce, RTD Com. 2008, p. 661, § 3 ;
sĂ»retĂ©s Ă  des tiers qui viendraient en concurrence    tenir compte du fait que la valeur d’une sĂ»retĂ©          J. Moury, op. cit., §§ 19-20.
avec le crĂ©ancier dans une procĂ©dure collective,      pour le prĂȘteur est grandement amoindrie, en             47) Montpellier, 11 mai 2010,
ou de souscrire de nouveaux endettements),            raison mĂȘme des procĂ©dures collectives, par              n° 09/04537 (« [l’art. L.650-1]
voire mĂȘme maints autres engagements de faire         le dĂ©lai qu’il lui faudra subir pour recouvrer           concerne les garanties prises contre
ou ne pas faire. Les conventions établies pour les    son dû ou par la préférence donnée à certains            le débiteur principal et non celles
                                                                                                               prises contre la caution ») ; Pau,
opérations de financement majeures sur la place       créanciers privilégiés, y compris sur le produit de      2 novembre 2010, n° 4592/10,
de Paris, notamment en matiĂšre de financement         la rĂ©alisation des sĂ»retĂ©s du prĂȘteur.                   08/04435 (les garanties visĂ©es
immobilier ou de “leveraged buy-out”, qui             Il faut aussi pouvoir apprĂ©cier la diffĂ©rence de         « s’entendant de celles fournies par
                                                                                                               le débiteur »).
courent facilement sur plus d’une centaine de         valeur entre diverses sĂ»retĂ©s. Bien malin pourtant
pages, dont un bon tiers consacrĂ© aux obligations     qui dira Ă  coup sĂ»r si l’hypothĂšque du droit             48) M. Perben, Ministre de la Justice
et interdictions de faire imposĂ©es Ă  l’emprunteur,    rĂ©el nĂ© de l’emphytĂ©ose conclue sur le terrain           (op. cit.), Ă  propos de la notion de
prennent rarement le chemin du prĂ©toire ; le juge,    d’assiette d’une centrale de production Ă©lectrique       disproportion : « Il s’agit ici de viser
                                                                                                               les prises de garanties inhabituelles
qui les voit donc peu, pourra lorsque l’occasion      photovoltaïque vaut plus ou moins que la cession         au regard de la pratique. Il va de soi
s’en prĂ©sentera trouver trop belle la part faite au   Ă  titre de garantie des crĂ©ances de l’exploitant sur     que les crĂ©dits immobiliers qui sont
crĂ©ancier. La porte lui est ainsi ouverte, avec la    l’acheteur qui s’est engagĂ© Ă  lui prendre l’énergie      consentis en Ă©change d’une hypo-
                                                                                                               thÚque sur la totalité du bien alors
notion extensible de “garanties”, d’anĂ©antir en       produite pendant une pĂ©riode donnĂ©e ; cela               qu’ils n’en financent qu’une partie
partie, sur le fondement de l’article L. 650-1, ce    dĂ©pend de la liquiditĂ© de l’actif sur le marchĂ©,         demeurent possibles puisque telle est
qu’il ne pourrait autrement mettre de cĂŽtĂ© sans       ainsi que de la durĂ©e restant Ă  courir du bail, de       la pratique. »
mĂ©connaĂźtre le principe de l’autonomie de la          celle du contrat d’achat, de la pĂ©rennitĂ© du tarif,
volonté des parties.                                  etc. Le créancier prendra donc les deux sûretés,
L’espoir de trouver, dans les six annĂ©es de           qui en rĂ©alitĂ© ont peu d’intĂ©rĂȘt l’une sans l’autre.
jurisprudence depuis la naissance de l’article L.     Si le prĂȘteur multiplie les sĂ»retĂ©s, ce n’est
650-1, quelque exemple intĂ©ressant d’application      d’ailleurs pas seulement parce qu’il lui est difficile
de cette disposition Ă  des mĂ©canismes de garantie     de juger Ă  l’avance de leur valeur individuelle,
dĂ©bordant du champ des sĂ»retĂ©s classiques reste       mais aussi parce qu’il sait bien que, mĂȘme si la
vain. En effet, les espÚces dont les tribunaux        France modernise énergiquement ses sûretés,
ont jusqu’à prĂ©sent eu Ă  connaĂźtre concernent         elle continue de laisser les procĂ©dures collectives
essentiellement des sûretés courantes, telles que     les réduire à peau de chagrin. La procédure
nantissement de compte bancaire, nantissement         collective non seulement déshabille le créancier
de fonds de commerce, hypothÚque et, surtout,         de ses sûretés, mais peut aussi, en vertu de
cautionnement. Il est d’ailleurs affligeant de        l’article L. 650-1, l’exposer au reproche de s’ĂȘtre
constater, Ă  la lecture de la plupart des cas         trop couvert ; on s’étonnera ensuite de la frilositĂ©
soumis aux juridictions, que l’article L. 650-1 a     des banquiers. Fort heureusement, on croit
jusqu’à prĂ©sent principalement servi d’argument       comprendre des dĂ©bats parlementaires de 2005
supplĂ©mentaire pour les cautions dans leur            qu’il ne devrait pas ĂȘtre critiquable de prendre une
tentative    quasi-systĂ©matique     d’échapper    Ă    sĂ»retĂ© sur un bien dont on finance l’acquisition
l’engagement qu’elles ont souscrit, comme             et dont la valeur excĂšde le montant du prĂȘt,
si tout l’attirail dĂ©fensif que leur procure le       « puisque telle est la pratique » (48). Il faut
droit moderne Ă  cet effet n’y suffisait pas           donc s’en remettre Ă  la sagacitĂ© des magistrats
dĂ©jĂ . Concernant justement le cautionnement,          et espĂ©rer qu’ils sachent apprĂ©cier correctement
garantie par excellence, il n’y a aucun doute         quelles sont les diffĂ©rentes pratiques du marchĂ©,
dans la jurisprudence majoritaire qu’il s’agit        selon la nature des opĂ©rations de financement ;
bien d’une garantie visĂ©e par l’article L. 650-1.     autant dire que la matiĂšre, inĂ©vitablement, sera
Mais la question Ă©tait permise, si l’on considĂšre     fortement empreinte de subjectivitĂ© et donc
l’exception des garanties disproportionnĂ©es           fluctuante.
comme ayant pour but d’empĂȘcher un crĂ©ancier          Parmi les premiĂšres questions initialement
de priver le dĂ©biteur des moyens d’obtenir du         Ă©voquĂ©es en doctrine Ă  propos de la notion
crĂ©dit auprĂšs d’autres crĂ©anciers ; en effet, le      de disproportion figurait celle de savoir s’il
cautionnement est une sĂ»retĂ© fournie non pas          pouvait s’agir de disproportion par rapport aux

N°96 Mars 2012                                                    35                                               JOURNAL DES SOCIÉTÉS
Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives

49) Notamment, D. Legeais, Les           capacitĂ©s de celui qui consent la garantie, plutĂŽt      frĂ©quent. Peut-ĂȘtre faut-il en conclure que l’excĂšs
concours consentis Ă  une entreprise
en difficultĂ©, op. cit. § 17 ; D. Ro-    qu’uniquement par rapport au concours financier         dans la disproportion est un critĂšre nĂ©cessaire,
bine, L’article L. 650-1 du code de      que la garantie vient sĂ©curiser. Remarquant             mais qu’il est implicite.
commerce : un “cadeau” empoison-         Ă  juste titre que le texte est Ă  cet Ă©gard clair, la    Le plus souvent, en fait, la disproportion paraĂźtra
nĂ© ?, op. cit. § 31 ; V Forray, Com-     doctrine concluait qu’il ne pouvait s’agir que de       excessive non pas Ă  cause de la disproportion
mentaire complĂ©mentaire de l’article
L. 650-1 du code de commerce, RTD        disproportion par rapport au concours dispensé          entre la valeur de chaque garantie considérée
Com. 2008, op. cit., § 3.                (49). Mais l’interrogation a perdurĂ©, du moins          isolĂ©ment et le montant du concours consenti,
                                         dans l’esprit des plaideurs. De ce fait, puisque        mais en raison de l’empilement des garanties
50) Par ex. Caen, 8 avril 2010,
N° 08/04035 ; Montpellier, 26
                                         la jurisprudence relative à l’article L. 650-           prises par le dispensateur du concours. La
octobre 2010, n° 09/7533 ;               1 regorge d’espĂšces centrĂ©es sur l’application          propension du crĂ©ancier Ă  accaparer les garanties
                                         de cette disposition à la caution, on y trouve          est en effet perçue par la société moderne
51) Voir notamment Poitiers, 11          de nombreuses dĂ©cisions offrant un mĂ©lange              comme critiquable, indĂ©pendamment mĂȘme de
janvier 2011, qui relĂšve mĂȘme que
la caution, appelante, entretient une quelque peu indigeste entre disproportion au               la question de savoir s’il en rĂ©sulte un prĂ©judice.
confusion entre les deux types de        concours octroyĂ© et disproportion aux capacitĂ©s         Pourtant, lorsqu’il ne s’agit que de garanties
disproportions, alors qu’elles ne        financiĂšres de la caution (50). Dans certains cas,      pouvant ĂȘtre prises successivement par diffĂ©rents
relĂšvent pas du mĂȘme rĂ©gime ; et         les juridictions statuent sur ce second type de         crĂ©anciers en rangs distincts, on ne voit pas en
Douai, 30 juin 2011, n° 09/08505.
                                         disproportion au seul visa de l’article L. 650-1,       quoi l’empilement des garanties au profit du
52) Metz, 15 juin 2011, n° 09/00850, qui pourtant ne s’y prĂȘte pas, tandis que d’autres          premier crĂ©ancier empĂȘche le dĂ©biteur d’offrir
11/00504. Voir aussi Douai, 1er juil- distinguent clairement entre la disproportion              les mĂȘmes garanties en rang infĂ©rieur Ă  un
let 2010, n° 09/03823, oĂč la Cour
refuse l’exception de disproportion      visĂ©e par l’article L. 650-1 et celle relative Ă         deuxiĂšme crĂ©ancier. Le problĂšme du dĂ©biteur
en relevant que les diverses garanties la capacitĂ© financiĂšre de la caution personne             dans ce cas n’existe que si la valeur globale des
ne se superposaient pas, puisque         physique, dont cette derniÚre peut exciper, en          garanties disponibles, indépendamment de
chacune devait couvrir ce que les        dehors mĂȘme de toute procĂ©dure collective,              leur rang respectif, ne suffit pas Ă  permettre le
autres ne garantissaient pas, de
sorte qu’on suppute que la solution      au titre de l’article L. 341-4 du Code de la            dĂ©sintĂ©ressement de tous les crĂ©anciers ; or on
auraient pu ĂȘtre diffĂ©rente s’il y avait consommation (51).                                      ne peut pas reprocher au premier crĂ©ancier d’ĂȘtre
eu superposition.                        La question centrale de l’apprĂ©ciation de la            garanti Ă  hauteur du montant de sa crĂ©ance.
                                         disproportion, donc du ou des critĂšres qui la           Quoi qu’il en soit de la thĂ©orie, voyons ce qu’a
                                         caractérisent, est autrement plus épineuse. La          pu en tirer la jurisprudence. Les décisions sont
                                         loi, on le sait, est parfaitement muette sur ce         nombreuses, mais trĂšs rares sont celles qui font
                                         point, et c’est par consĂ©quent au juge de faire le      droit Ă  l’allĂ©gation de la disproportion, de sorte
                                         tri. Ne s’agit-il que d’une question de montant ?       qu’il faut principalement raisonner a contrario,
                                         Et, dans l’affirmative, doit-on considĂ©rer le           de surcroĂźt sans bĂ©nĂ©ficier, dans la plupart des
                                         montant garanti par la sĂ»retĂ© (c’est-Ă -dire, dans       cas, de l’énonciation de comparaisons chiffrĂ©es
                                         le cas d’une garantie personnelle, le montant de        ou prĂ©cises entre le montant du concours et les
                                         l’engagement du garant, ou, dans celui d’une            garanties octroyĂ©es.
                                         garantie rĂ©elle, le montant en garantie duquel          Dans une espĂšce rĂ©cente, la Cour d’Appel de
                                         elle est donnée), ou plutÎt la valeur du bien           Metz a jugé que les garanties consenties par des
                                         grevĂ© ? Pour ce qui concerne le montant garanti,        Ă©poux Ă  la sĂ»retĂ© d’un prĂȘt de 98 000 € octroyĂ©
                                         l’interrogation paraĂźt de prime abord saugrenue,        Ă  la sociĂ©tĂ© dont ils Ă©taient les associĂ©s, Ă  savoir
                                         puisque le principe de l’accessoire interdit au         un cautionnement solidaire d’environ 118 000 €
                                         crĂ©ancier, lorsqu’il exerce la sĂ»retĂ©, de se faire      et une affectation hypothĂ©caire par l’un deux
                                         payer plus que ce qui lui est dĂ» (et l’objection de     d’un immeuble d’une valeur estimĂ©e de 120
                                         la fraude conduit au mĂȘme rĂ©sultat dans le cas          000 € Ă  130 000 €, Ă©taient disproportionnĂ©es,
                                         d’une garantie autonome), de telle sorte qu’il ne       car ayant « vocation Ă  se cumuler » (52). MĂȘme
                                         pourrait jamais y avoir disproportion, quels que        si l’on croit y voir une dĂ©cision d’opportunitĂ©
                                         soient la nature et le nombre des garanties prises      faisant feu de tout bois pour protéger les
                                         par le crĂ©ancier. Mais la chose n’est pas si simple,    cautions personnes physiques, la solution a
                                         car il existe de nombreuses formes de sĂ»retĂ© qui        de quoi inquiĂ©ter les crĂ©anciers, d’autant que
                                         ne permettent pas que plusieurs crĂ©anciers les          la Cour ne semble pas s’ĂȘtre embarrassĂ©e de
                                         prennent en rangs successifs (par ex. la propriété-     rechercher en quoi consistait le préjudice et
                                         sûreté, comme la cession fiduciaire de créances,        quel était le lien de causalité entre le cumul des
                                         ou les sûretés impliquant dépossession physique         garanties et ce préjudice. Compte tenu de ce
                                         ou fictive), de sorte qu’en prenant une telle sĂ»retĂ©,   que le cautionnement devait vraisemblablement
                                         le crĂ©ancier prive le dĂ©biteur de la possibilitĂ© de     couvrir non seulement le principal de 98 000 €,
                                         l’offrir Ă  d’autres, quand bien mĂȘme la valeur          mais encore le paiement des intĂ©rĂȘts (dont l’arrĂȘt
                                         du bien donné en sûreté excÚderait largement le         ne précise pas les modalités), son montant ne
                                         montant de la crĂ©ance Ă  garantir.                       paraĂźt pas vĂ©ritablement disproportionnĂ©. C’est
                                         Pour ce qui est de l’analyse focalisĂ©e uniquement       donc bien le cumul des deux sĂ»retĂ©s, considĂ©rĂ©es
                                         sur la seule valeur du bien grevĂ©, ont voit bien,       dans cette espĂšce sous l’angle de la valeur totale
                                         en l’absence dans l’article L. 650-1 du moindre         thĂ©orique qu’elles reprĂ©sentent, qui crĂ©e la
                                         adjectif, tel que “manifeste” ou “excessive”,           disproportion. Un tel point de vue mĂ©connaĂźt
                                         venant qualifier la notion de disproportion,            la rĂ©alitĂ© des affaires, et s’il suffit de cumuler
                                         qu’elle conduirait objectivement Ă  ce que toute         deux sĂ»retĂ©s pour encourir la nullitĂ© de chacune,
                                         sûreté réelle portant sur un bien dont la valeur,       les banquiers ont quelque souci à se faire : la
                                         au moment oĂč la sĂ»retĂ© est constituĂ©e, excĂšde le        solvabilitĂ© des cautions n’est jamais certaine, pas
                                         montant maximal de la crĂ©ance garantie subisse          plus que la valeur future d’un bien immobilier Ă 
                                         le reproche de la disproportion ; or le cas est trĂšs    la barre du tribunal. Il ne semble pourtant pas

JOURNAL DES SOCIÉTÉS                                                       36                                                        N°96 Mars 2012
L650 1
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L650 1

  • 1. DOSSIER RÉFLEXIONS SUR L’EFFICACITÉ DES GARANTIES DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES Les derniĂšres rĂ©formes du droit des entreprises en difficultĂ© ont engendrĂ© de nouvelles rĂ©flexions sur le sort des crĂ©anciers munis de sĂ»retĂ©s. Parmi ces rĂ©flexions, certaines mĂ©ritent de nouveaux approfondissements, qu’elles traitent de l’article L. 650-1 du code de commerce, du sort de la cession Dailly, du privilĂšge de conciliation ou du rĂ©gime de dĂ©claration des crĂ©ances. 11 Propos introductifs 29 Six ans dĂ©jĂ , et toujours rien de bien Pierre-GrĂ©goire Marly, rassurant Ă  propos de l’article L. 650-1 du Code Professeur agrĂ©gĂ© des FacultĂ©s de droit, de commerce Directeur scientifique du dossier HervĂ© Kensicher, Avocat AssociĂ©, 12 La cession Dailly dans la tourmente Orrick Rambaud Martel des procĂ©dures collectives Jean-Jacques Ansault, 40 Le privilĂšge de conciliation AgrĂ©gĂ© de droit privĂ© et de sciences criminelles, Philippe Hameau, Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Rouen Avocat AssociĂ©, Orrick Rambaud Martel 22 Les consĂ©quences du dĂ©faut de dĂ©claration de crĂ©ance sur les garanties dont dispose le crĂ©ancier David Robine, MaĂźtre de confĂ©rences Ă  l’UniversitĂ© de Rouen (CUREJ)
  • 2. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives Propos introductifs Pierre-GrĂ©goire Marly, Professeur agrĂ©gĂ© des FacultĂ©s de droit, Directeur scientifique du dossier Initialement portĂ© vers la confrontation du droit observe que le nouveau rĂ©gime du dĂ©faut de 1) Cass. com., 27 mars 2012, n° 10.20-077. des sĂ»retĂ©s au droit des entreprises en difficultĂ©, dĂ©claration favorise nettement le sort du crĂ©ancier le prĂ©sent dossier s’est finalement Ă©mancipĂ© de bĂ©nĂ©ficiant de garanties personnelles, malgrĂ© les cette thĂ©matique Ă  deux Ă©gards : d’une part, en sanctions que celui-ci pourrait encourir en vertu dĂ©passant le strict domaine des sĂ»retĂ©s de droit des rĂšgles du cautionnement ou du droit de la commun pour aborder le privilĂšge de conciliation responsabilitĂ© civile. et la cession Dailly Ă  titre de garantie ; d’autre part, en saisissant le sort des crĂ©anciers garantis sous Dans son Ă©tude, MaĂźtre Philippe Hammeau l’angle particulier de la dĂ©claration des crĂ©ances et revient sur les raisons qui prĂ©sidĂšrent en 2005 Ă  du principe d’irresponsabilitĂ© du « fournisseur de l’instauration d’un privilĂšge de conciliation en concours ». faveur des crĂ©anciers concourant volontairement au redressement de l’entreprise en difficultĂ©. Tout Ce principe d’irresponsabilitĂ©, proclamĂ© Ă  en examinant les conditions d’acquisition de ce l’article L. 650-1 du Code de commerce, est privilĂšge, sa nature et son efficacitĂ©, l’éminent l’objet d’une premiĂšre Ă©tude qui livre une analyse praticien interpelle en filigrane sur le caractĂšre critique de cette disposition au moment mĂȘme rĂ©ellement incitatif d’une telle mesure. oĂč la Cour de cassation vient de se prononcer sur son interprĂ©tation (1). Par une rĂ©flexion Enfin, notre collĂšgue Jean-Jacques Ansault nous particuliĂšrement Ă©clairĂ©e, MaĂźtre HervĂ© Kensicher fait l’honneur d’une rĂ©flexion trĂšs approfondie sur dĂ©montre l’imprĂ©cision du texte prĂ©citĂ©, tant la rencontre de la cession Dailly Ă  titre de garantie sur l’étendue du principe qu’il Ă©nonce que sur le avec le droit des entreprises en difficultĂ©. Cette contenu des exceptions qu’il assigne, spĂ©cialement rencontre, qu’il aborde sous l’angle du cĂ©dant celle tirĂ©e des garanties disproportionnĂ©es. Six failli, dĂ©couvre l’immunitĂ© dont jouit cette cession annĂ©es aprĂšs son introduction par la rĂ©forme de fiduciaire tant Ă  l’ouverture qu’au cours de la 2005, l’article L. 650-1 demeure ainsi mystĂ©rieux, procĂ©dure collective. Ce constat, soutenu par la voire obscure. Il se confirme toutefois que la riche analyse de son auteur, doit cependant ĂȘtre protection qu’il devait primitivement offrir au mitigĂ© en l’hypothĂšse d’un conflit opposant le fournisseur de crĂ©dit est manifestement dĂ©mentie cessionnaire au crĂ©ancier rĂ©servataire, ainsi qu’en en pratique. prĂ©sence d’un mandat d’encaissement confiĂ© au cĂ©dant. Ce nonobstant, Jean-Jacques Ansault De son cĂŽtĂ©, notre collĂšgue David Robine livre une dĂ©montre l’efficacitĂ© de cette discrĂšte et singuliĂšre utile et subtile rĂ©flexion relative Ă  l’incidence du propriĂ©tĂ©-sĂ»retĂ© que constitue la cession Dailly Ă  dĂ©faut de dĂ©claration des crĂ©ances sur le sort des titre de garantie. garanties dont jouit le crĂ©ancier. Dans un souci d’exhaustivitĂ©, il aborde l’ensemble des garanties Au bilan, des diverses rĂ©flexions formant ce consenties tant par le dĂ©biteur que par un tiers. dossier transparait une apprĂ©ciation contrastĂ©e Partant, il rĂ©vĂšle qu’en substituant l’inopposabilitĂ© de l’efficacitĂ© des garanties dont jouit le crĂ©ancier Ă  l’extinction des crĂ©ances non dĂ©clarĂ©es, la rĂ©forme confrontĂ© Ă  la procĂ©dure collective de son dĂ©biteur. de 2005 n’aboutit pas moins Ă  la neutralisation des Plus largement, ce sont les rĂ©formes de 2005 et garanties octroyĂ©es par le dĂ©biteur, sous quelques 2008 qui s’offrent Ă  un bilan nuancĂ©. rĂ©serves toutefois discutables. En revanche, il N°96 Mars 2012 11 JOURNAL DES SOCIÉTÉS
  • 3. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives Six ans dĂ©jĂ , et toujours rien de bien rassurant Ă  propos de l’article L. 650-1 du Code de commerce HervĂ© Kensicher, Avocat AssociĂ©, Orrick Rambaud Martel L’incertitude juridique, qui nuit notamment aujourd’hui le principe exprimĂ© dans l’article L. 1) Art. L.650-1 : « Lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de redres- Ă  la sĂ©curitĂ© et l’épanouissement de la vie des 650-1, et qui d’ailleurs n’a plus aucun lien avec sement judiciaire ou de liquidation affaires, peut provenir de la norme lĂ©gislative la procĂ©dure de conciliation. Or l’opposition judiciaire est ouverte, les crĂ©anciers ou rĂ©glementaire elle-mĂȘme : on doit souvent en parlementaire, voyant lĂ  l’Ɠuvre Ă  peine ne peuvent ĂȘtre tenus pour respon- dĂ©plorer la formulation imprĂ©cise, fruit d’une masquĂ©e du grand capital banquier cherchant sables des prĂ©judices subis du fait des concours consentis, sauf les cas rĂ©flexion hĂątive ou incomplĂšte, d’une Ă©tonnante Ă  se prĂ©munir de toute responsabilitĂ© pour de fraude, d’immixtion caractĂ©risĂ©e mĂ©connaissance de la rĂ©alitĂ© des affaires ou les atteintes qu’il pourrait dĂ©sormais infliger dans la gestion du dĂ©biteur ou si les de l’absence de concertation sĂ©rieuse avec les impunĂ©ment Ă  la veuve de Carpentras, s’en Ă©mut garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnĂ©es praticiens, voire de quelque compromission trĂšs ardemment (5). Le prix payĂ© pour le retour Ă  ceux-ci. » d’ordre politique ou, tout simplement, de la Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© du dĂ©bat parlementaire fut un texte « Pour le cas oĂč la responsabilitĂ© propension de notre lĂ©gislateur Ă  l’écriture bien vite remaniĂ©, trop prestement sans doute d’un crĂ©ancier est reconnue, les synthĂ©tique – cette exception culturelle bien pour se mĂ©nager le bĂ©nĂ©fice d’une rĂ©flexion garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent ĂȘtre annulĂ©es française qui, dans la sphĂšre du droit, a le fĂącheux approfondie quant Ă  la maniĂšre dont les tribunaux ou rĂ©duites par le juge. » effet de laisser les acteurs de l’économie rĂ©elle allaient pouvoir l’interprĂ©ter ; on y inclut ainsi Ă  la merci d’une interprĂ©tation administrative de notables mais trĂšs imprĂ©cises exceptions au 2) L’ordonnance n°2008-1345 du ou judiciaire tardive, Ă©volutive ou dictĂ©e par rĂ©gime d’exonĂ©ration que la disposition nouvelle 18 dĂ©cembre 2008 a en effet, d’une part, prĂ©cisĂ© que l’article L.650-1 l’opportunitĂ© et donc potentiellement arbitraire. voulait instituer (agrĂ©mentĂ©es, en outre, de la s’applique seulement « lorsqu’une L’article L. 650-1 du Code de commerce (1) en bien sĂ©vĂšre sanction de nullitĂ© des sĂ»retĂ©s prĂ©vue procĂ©dure de sauvegarde, de redres- fournit une criante et navrante illustration. par le second alinĂ©a de l’article L. 650-1, dans le sement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte » et, d’autre Cette disposition, nĂ©e en 2005 sur les mĂȘmes cas oĂč la responsabilitĂ© du dispensateur de crĂ©dit part, apportĂ© une once de flexibilitĂ© fonts baptismaux que la fameuse procĂ©dure de est retenue) (6). Si effectivement il y avait eu de la en substituant Ă  la nullitĂ© automa- sauvegarde, tient lieu d’introduction au Titre V, part de certains lobbys tentative de s’arroger un tique initialement instituĂ©e la latitude relatif aux responsabilitĂ©s et sanctions, du Livre rĂ©gime d’irresponsabilitĂ© trop gĂ©nĂ©reux (plutĂŽt dĂ©sormais donnĂ©e au juge de dĂ©cider du sort des garanties, qu’il pourra VI du Code de commerce, consacrĂ© aux difficultĂ©s que de s’en tenir Ă  une rĂ©duction plus raisonnable ainsi annuler, conserver ou rĂ©duire, des entreprises. MalgrĂ© deux prĂ©cisions apportĂ©es pour le banquier du dilemme entre rupture selon son apprĂ©ciation souveraine. par l’ordonnance du 18 dĂ©cembre 2008 (2), elle abusive de crĂ©dit et soutien abusif (7)), bien 3) Voir notamment D. Robine, L’ar- continue de susciter maintes interrogations plus pris fut qui croyait prendre : malgrĂ© l’apparence ticle L.650-1 du code de commerce : de six ans aprĂšs son entrĂ©e en vigueur, en raison premiĂšre d’un principe d’exonĂ©ration, le texte ne un “cadeau” empoisonnĂ© ?, D. 2006. notamment de son laconisme. protĂšge pas vraiment le fournisseur de crĂ©dit, loin Chron. 69 ; P. Hoang, De la suppres- On en connait la genĂšse, abondamment relatĂ©e s’en faut, et recĂšle mĂȘme pour lui de vĂ©ritables sion du dispositif prĂ©torien de la res- ponsabilitĂ© pour soutien abusif, D. dans la doctrine contemporaine de la naissance chausse-trapes. 2006. Chron. 1458 ; le commentaire de la loi de sauvegarde (3). Le rappel des dĂ©bats Certes, l’article L. 650-1 n’est en rien un texte trĂšs complet de J. Moury, La respon- parlementaires houleux dont est issu l’article abscons ; mais il est pourtant obscur, en raison sabilitĂ© du fournisseur de “concours” dans le marc de l’article L.650-1 L. 650-1, bien que paraissant relever du genre essentiellement de la grande imprĂ©cision dont du code de commerce, D. 2006. anecdotique, apporte un Ă©clairage Ă©difiant sur s’est contentĂ© le lĂ©gislateur, fidĂšle Ă  son habitude Chron. 1743 ; R. Routier, L’article le processus par lequel le lĂ©gislateur peut, Ă  d’écriture synthĂ©tique, ouvrant par lĂ  tout un L.650-1 du code de commerce : un l’occasion, produire une disposition nĂ©faste, Ă  champ de questions laissĂ©es sans rĂ©ponse. Comme article “dĂ©tonnant” pour le dĂ©biteur et “dĂ©tonant” pour le contribuable, l’opposĂ© de l’idĂ©e louable dans laquelle le texte a pu jadis l’exprimer avec humour un avocat fort D. 2006. Chron. 2916 ; J-L. Vallens, finalement adoptĂ© puise son origine. en verve, « l’obscuritĂ© d’un texte, ce n’est jamais Les “effets pervers” de la loi de sau- Il s’agissait initialement de promouvoir les qu’un hommage discret rendu par le lĂ©gislateur vegarde des entreprises, RTD com. concours financiers Ă  l’entreprise en difficultĂ© Ă  la sagacitĂ© du magistrat ! » (8). Tout en 2007 p. 604 ; V. Perruchot-Triboulet, La responsabilitĂ© des crĂ©anciers (C. dans le cadre de la procĂ©dure de conciliation, rappelant en quoi pĂȘche l’article L. 650-1, voyons com. Art. L.650-1, issue de la loi en exonĂ©rant les prĂȘteurs qui les fournissent de donc aujourd’hui, aprĂšs quelques annĂ©es de trĂšs de sauvegarde du 26 juillet 2005), toute responsabilitĂ©, notamment pour soutien lente gestation jurisprudentielle, comment les RLDC n° 43, Nov. 2007, p. 64 ; et gĂ©nĂ©ralement la doctrine nombreuse abusif, du fait de l’octroi de ces concours (4) ; tribunaux, dans leurs dĂ©cisions dĂ©jĂ  nombreuses que cite le commentaire de A. mais, sous l’impulsion, paraĂźt-il, de la FĂ©dĂ©ration (9), ont rĂ©pondu Ă  cet hommage empoisonnĂ© – Lienhard sous l’art. L.650-1, dans Bancaire Française, l’idĂ©e originelle Ă©volua vers et si l’espoir d’y trouver quelque rĂ©confort Ă©tait l’édition Dalloz du Code des ProcĂ©- l’exonĂ©ration bien plus gĂ©nĂ©rale qui constitue justifiĂ©. dures Collectives. Voir en outre la N°96 Mars 2012 29 JOURNAL DES SOCIÉTÉS
  • 4. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives ThĂšse soutenue par A-L Capoen, La I. Un champ d’application aux d’y inclure toute extension du terme d’un crĂ©dit responsabilitĂ© bancaire Ă  l’égard des entreprises en difficultĂ©, UniversitĂ© contours incertains existant, voire plus gĂ©nĂ©ralement tout dĂ©lai de de Toulouse, 2008, pp. 31 et s. paiement autre qu’un dĂ©lai usuel (13). On ne L’indigence du texte lĂ©gislatif a pour premiĂšre voit effectivement pas pourquoi le moratoire 4) En effet, le projet de loi initial victime la dĂ©limitation de son champ ou dĂ©lai de paiement qu’accorde un crĂ©ancier prĂ©voyait, dans son art. 8 crĂ©ant la disposition du Code de commerce d’application. ne constituerait pas un “concours” financier, instituant le privilĂšge de concilia- puisqu’il a bien pour effet de lui permettre de tion (art. L.611-11), d’y insĂ©rer un A. ProcĂ©dures collectives conserver sa trĂ©sorerie pendant le dĂ©lai octroyĂ©. second alinĂ©a rĂ©digĂ© comme suit au bĂ©nĂ©fice des personnes qui, dans Certaines juridictions semblent attachĂ©es au l’accord de conciliation homologuĂ©, En effet, malgrĂ© l’emplacement du texte, dans vocable plus couramment utilisĂ© de “crĂ©dit”, ont consenti un crĂ©dit au dĂ©biteur en la partie du Code traitant des entreprises en voyant dans l’article L.650-1 une disposition vue d’assurer la poursuite d’activitĂ© difficultĂ©, la doctrine antĂ©rieure Ă  la rĂ©forme de applicable Ă  « tout crĂ©dit quelle que soit sa de l’entreprise et sa pĂ©rennitĂ© : « Ces personnes ne peuvent, sauf fraude 2008 s’interrogeait sur la nĂ©cessitĂ© d’un lien entre nature ou sa forme » (14), tandis que d’autres ou comportement manifestement l’existence d’une procĂ©dure collective et le rĂ©gime tirent simplement du caractĂšre trĂšs gĂ©nĂ©rique des abusif de leur part, ĂȘtre tenues pour de responsabilitĂ© instituĂ© par l’article L. 650-1. termes “concours” et “crĂ©anciers” la consĂ©quence responsables des prĂ©judices subis du Si d’aucuns ont pu avec grand effroi voir dans que cette disposition a un « domaine trĂšs large », fait des concours consentis du fait d’un accord homologuĂ© » (projet de la gĂ©nĂ©ralitĂ© des termes employĂ©s par l’article applicable Ă  tous types de concours financiers, loi n° 1596 dĂ©posĂ© le 12 mai 2004). L. 650-1 la marque d’une disposition ayant « quelle que soit [
] leur nature, la technique Il s’agissait donc bien d’une mesure vocation Ă  rĂ©gir tout le droit de la responsabilitĂ© juridique utilisĂ©e et le crĂ©ancier concernĂ© » (15). incitative de l’octroi de crĂ©dit dans le cadre de la seule conciliation, quedu dispensateur de crĂ©dit aux entreprises, mĂȘme Toutefois, il serait heureux que les juridictions le gouvernement commentait ainsi : hors du contexte d’une procĂ©dure prĂ©vue par le aient l’occasion de prĂ©ciser de façon plus « Dans la procĂ©dure de conciliation, Livre VI du Code de commerce, la grande majoritĂ© prononcĂ©e que le “crĂ©dit” n’est qu’une variĂ©tĂ© de le financement de l’entreprise inter- des auteurs, sans aller jusqu’à envisager un tel concours financier, et que toute prorogation du vient dans le cadre de nĂ©gociations au cours desquelles la situation est extrĂȘme, remarquait nĂ©anmoins Ă  juste titre terme d’un concours existant est elle-mĂȘme un Ă©tudiĂ©e par toutes les parties. DĂšs que l’emplacement de la nouvelle disposition concours financier. lors qu’elles sont parfaitement infor-et son libellĂ© trĂšs gĂ©nĂ©ral autorisaient son On devrait d’ailleurs pouvoir considĂ©rer, en mĂ©es, il n’apparaĂźt pas raisonnable de leur confĂ©rer la mĂȘme facultĂ© application non pas seulement dans le cas d’une outre, que l’apport de fonds au dĂ©biteur par qu’en droit commun d’invoquer Ă  procĂ©dure de sauvegarde ou de redressement voie de souscription Ă  un emprunt obligataire, y l’encontre de l’un des crĂ©anciers une ou liquidation judiciaires, mais aussi dans celui compris dans le cas d’obligations convertibles faute nĂ©e de l’apparence trompeuse d’une conciliation (10) (voire d’un mandat ad en titres de capital, constitue bien un “concours” de responsabilitĂ© confĂ©rĂ©e par l’oc- troi d’un financement. Il convient hoc, puisqu’il s’agit bien aprĂšs tout d’une mesure financier au sens de l’article L. 650-1, mĂȘme si seulement de rĂ©server la fraude ou le elle aussi prĂ©vue par le Livre VI du Code de la souscription de titres obligataires n’est pas un comportement manifestement abusif commerce). “crĂ©dit” stricto sensu (il n’est pas rare, en effet, d’un crĂ©ancier ». Avec l’ordonnance de dĂ©cembre 2008, on sait que l’aide apportĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© en difficultĂ© par 5) Donnant mĂȘme lieu Ă  des non seulement que ce lien est indispensable, mais certaines catĂ©gories de crĂ©anciers, notamment Ă©changes peu amĂšnes entre dĂ©putĂ©s : encore que le mandat ad hoc et la conciliation ceux qui sont aussi ses associĂ©s, le soit sous forme voir notamment la transcription des ne sont pas concernĂ©s, car dĂ©sormais le principe obligataire) ; mais il n’existe Ă  ce jour aucune dĂ©bats des 1er et 8 mars 2005 au sein de l’AssemblĂ©e Nationale, plus em- d’exonĂ©ration de responsabilitĂ© ne joue que jurisprudence sur ce point. preints de fĂ©brilitĂ© politicienne que « lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de de rĂ©flexion juridique sereine. redressement judiciaire ou de liquidation C. CrĂ©anciers judiciaire est ouverte » (ce Ă  quoi il faut 6) Le texte finalement adoptĂ© de l’art. L.650-1 provient de l’amende- vraisemblablement ajouter aujourd’hui la Le “concours” financier, s’il englobe donc de ment n° 602 prĂ©sentĂ© par le Rappor- sauvegarde financiĂšre accĂ©lĂ©rĂ©e (11)). nombreux types d’opĂ©ration, doit cependant avoir teur de la Commission des lois le 1er Mais l’amĂ©lioration du texte rĂ©alisĂ©e en 2008 est Ă©tĂ© apportĂ© par un “crĂ©ancier”. Selon la doctrine, mars 2005. toute relative, tant elle laisse encore ouvertes de l’emploi de ce terme s’explique par la volontĂ© du 7) Pour un exposĂ© limpide des multiples questions. lĂ©gislateur de ne pas restreindre l’application termes du dilemme, voir D. Robine, de l’article L. 650-1 aux seuls banquiers ; il ne op. cit. nos 1 s. B. Concours ïŹnanciers doit donc pas ĂȘtre compris comme excluant du 8) RĂ©plique semble-t-il attribuĂ©e Ă  bĂ©nĂ©fice de cette disposition celui qui a prĂȘtĂ© Me Vincent de Moro-Giaffieri, Ă  qui Tout d’abord, que doit-on entendre par les termes son concours financier au dĂ©biteur avant la un magistrat du siĂšcle dernier repro- “concours” et “crĂ©anciers” qui figuraient dĂ©jĂ  survenance de la procĂ©dure collective, mais qui, chait de citer un texte obscur. dans le texte initial et auxquels la rĂ©forme de ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© remboursĂ©, n’est plus crĂ©ancier 9) On dĂ©nombre en effet quelques 2008 n’a apportĂ© aucune prĂ©cision ? Bien qu’il au moment oĂč celle-ci est ouverte (16). MalgrĂ© centaines de dĂ©cisions dĂ©jĂ , mais ne n’existe pas de dĂ©finition juridique de ce qu’est l’imprĂ©cision du texte, il est par ailleurs comportant encore, malheureuse- un “concours”, on comprend que ce terme a Ă©tĂ© indiffĂ©rent que le dispensateur d’un concours ment, aucun arrĂȘt significatif de la Cour de cassation (celle-ci ne s’étant choisi prĂ©cisĂ©ment en raison de son caractĂšre financier ait Ă©tĂ© dĂ©jĂ  un crĂ©ancier existant du prononcĂ©e que sur l’application dans gĂ©nĂ©rique (et par ailleurs, malgrĂ© l’omission de dĂ©biteur au moment oĂč il lui a apportĂ© le concours le temps de l’art. L.650-1). cette prĂ©cision, qu’il doit s’agir d’un concours qui entre dans le champ de l’article L. 650-1, ou le “financier”, Ă©tant donnĂ© le contexte). soit devenu pour la premiĂšre fois par le fait de ce 10) Notamment V. Perruchot-Tri- boulet, op. cit. p. 65, jugeant trop Selon la doctrine, l’article L. 650-1 trouve donc concours (17). large le champ d’application de l’art. Ă  s’appliquer Ă  toute aide financiĂšre, Ă  court, Le principal effet de l’emploi du terme “crĂ©ancier” L.650-1. moyen ou long terme, qu’elle soit productrice ou semble ainsi ĂȘtre d’exclure les associĂ©s ou 11) En effet, ainsi que l’énonce non d’intĂ©rĂȘts, en ce compris donc tout prĂȘt ou actionnaires du dĂ©biteur du champ d’application l’art. L.628-1 C. com., la nouvelle avance, toute ouverture de crĂ©dit, tout dĂ©couvert, de l’article L. 650-1, du moins Ă  raison des procĂ©dure dite de “sauvegarde finan- toute opĂ©ration d’affacturage ou d’escompte et sommes qu’ils apportent au capital social du ciĂšre accĂ©lĂ©rĂ©e” instituĂ©e par la loi tout crĂ©dit-fournisseur (12). La notion trĂšs large dĂ©biteur. De prime abord et en l’absence de n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 est de façon gĂ©nĂ©rale soumise aux de “concours” financier permettrait en outre jurisprudence sur ce point, on ne voit pas ce qui, JOURNAL DES SOCIÉTÉS 30 N°96 Mars 2012
  • 5. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives dans le texte de l’article L. 650-1, permettrait Si l’article L. 650-1 ne devait s’appliquer qu’aux rĂšgles applicables Ă  la procĂ©dure de sauvegarde de droit commun, et de les exclure du bĂ©nĂ©fice de cette disposition concours, bien peu frĂ©quents, octroyĂ©s durant l’on ne comprendrait pas qu’il soit Ă  lorsqu’il est question des fonds qu’ils mettent Ă  l’une des procĂ©dures mentionnĂ©es, alors son cet Ă©gard fait exception de l’art. L. disposition par voie de prĂȘts d’associĂ©, d’avances champ d’application serait excessivement 650-1, mĂȘme si l’énumĂ©ration qu’il en compte-courant d’associĂ©, d’avances de limitĂ©. On s’étonnerait en outre que n’y figure comporte ne vise pas expressĂ©ment la sauvegarde financiĂšre accĂ©lĂ©rĂ©e. trĂ©sorerie intra-groupe ou de souscriptions pas la conciliation, dont on sait pourtant que le obligataires, moyens frĂ©quemment utilisĂ©s par lĂ©gislateur a voulu favoriser l’essor, notamment 12) Voir notamment J. Moury, La les associĂ©s pour financer leur sociĂ©tĂ© (18). On en offrant un rĂ©gime de faveur au crĂ©ancier responsabilitĂ© du fournisseur de “concours” dans le marc de l’article remarquera cependant, malgrĂ© l’indĂ©pendance apporteur d’argent frais dans le cadre d’une L. 650-1 du code de commerce, op. de principe entre les qualitĂ©s d’associĂ© et de conciliation donnant lieu Ă  homologation cit., § 12 et D. Legeais, Les concours crĂ©ancier (19), que l’application de l’article L. (23). En effet, si tel Ă©tait le cas, ce crĂ©ancier ne consentis Ă  une entreprise en diffi- 650-1 aux associĂ©s qui sont aussi crĂ©anciers bĂ©nĂ©ficierait pas du rĂ©gime de l’article L. 650-1, cultĂ©, JCP E 2005, 1510, p. 1747, § 6. serait en quelque sorte contre nature, car ce qui lui aussi se veut favorable aux crĂ©anciers, sont eux qui contrĂŽlent le dĂ©biteur ; ainsi, tout car exonĂ©ratoire de responsabilitĂ© (encore que 13) D. Legeais, Les concours associĂ© crĂ©ancier voyant sa responsabilitĂ© mise cette faveur puisse sembler illusoire, comme on consentis Ă  une entreprise en diffi- en cause Ă  raison des concours octroyĂ©s par l’évoquera ci-aprĂšs, du fait des exceptions qui la cultĂ©, op. cit., § 6. Mais voir, contra, P-M. Le Corre, Dalloz Action Droit lui et qui chercherait quelque protection dans restreignent). et pratique des procĂ©dures col- l’article L. 650-1 risquerait fort de se voir opposer Une interprĂ©tation plausible – quoique loin lectives, Éd. 2012-2013, p. 2237, l’argument de l’immixtion caractĂ©risĂ©e dans la d’ĂȘtre satisfaisante – de l’article L. 650-1 ainsi § 834.13. gestion du dĂ©biteur (20) (Ă  ce sujet, voir infra, modifiĂ© semble ĂȘtre que le prĂ©judice rĂ©sultant 14) Voir notamment Grenoble, 15 “L’immixtion”). du concours consenti doit soit avoir contribuĂ© Ă  dĂ©cembre 2011, n° 09/02991 (Juris- S’agissant toujours de ce qu’il faut entendre par l’ouverture de la procĂ©dure collective, soit s’ĂȘtre Data n° 2011-029008), qui, tout en “crĂ©anciers”, il semble qu’il y ait dans l’esprit fait sentir alors que la procĂ©dure est ouverte, ce conservant le terme “concours”, lui adjoint celui de “crĂ©dit”, auquel on de certains auteurs quelque incertitude quant Ă  qui permet d’accorder le bĂ©nĂ©fice de l’article L. comprend que cette Cour d’appel l’application de l’article L. 650-1 aux organismes 650-1 aux concours consentis tant avant que entend donner le sens le plus large : sociaux, concernant les dĂ©lais de paiement qu’ils pendant la procĂ©dure. Mais il faudrait aussi « Ce texte de portĂ©e gĂ©nĂ©rale est applicable Ă  tout crĂ©ancier de l’en- ont octroyĂ© Ă  un dĂ©biteur faisant par la suite objet savoir si, pour les besoins de l’article L. 650-1, la treprise, qu’il soit un professionnel d’une procĂ©dure collective (21) ; pourtant les procĂ©dure doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme demeurant du crĂ©dit, un fournisseur ou toute juridictions l’admettent, considĂ©rant que le sens " ouverte "pendant la rĂ©alisation du plan de autre personne ayant apportĂ© son trĂšs large du mot “crĂ©anciers” le justifie (22). sauvegarde ou de continuation. Il serait tout de concours, et Ă  tout crĂ©dit, quelle que soit sa nature ou sa forme ». mĂȘme surprenant que diffĂ©rentes rĂšgles rĂ©gissent D. Le moment oĂč le concours ïŹnancier est la responsabilitĂ© du crĂ©ancier, selon que le 15) Ainsi Toulouse, 3 fĂ©vrier 2010, consenti prĂ©judice rĂ©sultant du concours consenti avant ou n° 08/05207 (JurisData n° 2010- 007669), qui, Ă  propos de l’applica- pendant la procĂ©dure est subi avant ou pendant la tion de l’art. L. 650-1 aux dĂ©lais de La position dominante de la doctrine et des mise en Ɠuvre du plan. paiement accordĂ©s Ă  une infirmiĂšre tribunaux, qui valide l’application de l’article Peut-on tenter une vision plus tĂ©mĂ©raire et voir, par sa caisse de retraite, Ă©nonce sans L. 650-1 Ă  toute forme de concours financier et dans la rĂ©fĂ©rence aux procĂ©dures collectives ambigĂŒitĂ© que « Ce texte est parfai- tement applicable en l’espĂšce dĂšs tout crĂ©ancier, ne suffit pas Ă  clore tout dĂ©bat qui figure maintenant au dĂ©but de l’article L. lors [
] que son domaine est trĂšs sur le champ d’application de cette disposition : 650-1, non pas le fondement du retour au rĂ©gime large et joue quelle que soit la date la prĂ©cision apportĂ©e par la rĂ©forme de 2008, normal de responsabilitĂ© pour le crĂ©ancier dont d’octroi des concours, antĂ©rieure pourtant sensĂ©e clarifier la portĂ©e du texte, le concours est consenti, et porte prĂ©judice, en ou postĂ©rieure Ă  l’ouverture de la procĂ©dure collective, leur nature, contenait en elle-mĂȘme le germe d’un autre dĂ©bat, dehors de toute procĂ©dure collective, mais au la technique juridique utilisĂ©e
 celui-lĂ  concernant le moment oĂč est octroyĂ© le contraire la consĂ©cration d’une exclusion totale et le crĂ©ancier concernĂ© puisque concours financier incriminĂ©. de toute responsabilitĂ© si le concours accordĂ© tous sont visĂ©s et pas seulement les Ă©tablissements de crĂ©dit. Sa portĂ©e En effet, l’article L. 650-1 pose un principe ne rĂ©sulte pas dans l’ouverture d’une telle englobe ainsi les dĂ©lais de paie- d’exonĂ©ration de responsabilitĂ© applicable procĂ©dure ? Pour cela, il faudrait lire le premier ment consentis par les organismes « lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de alinĂ©a de l’article L. 650-1 comme signifiant sociaux ». redressement judiciaire ou de liquidation que le crĂ©ancier n’est responsable du prĂ©judice 16) Voir notamment J. Moury, La judiciaire est ouverte ». Comment comprendre subi du fait du concours accordĂ© que si une responsabilitĂ© du fournisseur de cette proposition circonstancielle temporelle, par procĂ©dure collective est ouverte et qu’il y a eu de “concours” dans le marc de l’article laquelle commence l’article L. 650-1 ? D’un point sa part fraude, immixtion caractĂ©risĂ©e ou prise L. 650-1 du code de commerce, op. cit., § 12. de vue strictement grammatical, elle ne vient de garanties disproportionnĂ©es. Il est permis de prĂ©ciser que le moment oĂč le crĂ©ancier bĂ©nĂ©ficie douter d’une telle interprĂ©tation, tant l’énoncĂ© 17) La jurisprudence regorge d’ail- de l’exonĂ©ration de responsabilitĂ©, et non pas aurait pu ĂȘtre plus lumineux si telle avait en effet leurs d’espĂšces oĂč le crĂ©ancier l’est le moment oĂč est octroyĂ© le concours financier, Ă©tĂ© la volontĂ© du pouvoir normatif. devenu par l’octroi du concours financier incriminĂ©. Pour n’en citer laissant cette question-lĂ  ouverte. Faut-il donc, L’analyse de la jurisprudence dĂ©montre que les que quelques unes parmi les plus pour que s’applique ce rĂ©gime d’apparente nombreuses dĂ©cisions dĂ©jĂ  intervenues le sont rĂ©centes : Aix-en-Provence, 12 jan- exonĂ©ration, que le concours soit octroyĂ© durant toutes Ă  propos de concours financiers octroyĂ©s vier 2012, n° 2012/13 (JurisData la procĂ©dure collective, ou que le prĂ©judice soit au dĂ©biteur avant l’ouverture de la procĂ©dure n° 2012-001944) ; Lyon, 4 novembre 2011, n °10/01506 (JurisData subi, ou l’action elle-mĂȘme intentĂ©e, au cours de collective, et aucune ne rejette l’application n° 2011-027039). la procĂ©dure, ou bien encore ces critĂšres sont-ils de l’article L. 650-1 par ce motif. Il a mĂȘme cumulatifs ? Faut-il plutĂŽt que le concours, alors Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© qu’il n’importe pas que le concours 18) En ce sens, J-P Legros, Sauve- garde, redressement et liquidation nĂ©cessairement consenti avant la procĂ©dure, ait soit antĂ©rieur ou postĂ©rieur Ă  l’ouverture de judiciaires, JCL ProcĂ©dures collec- contribuĂ© Ă  l’ouverture de celle-ci, ou qu’il ait Ă©tĂ© la procĂ©dure (24). Pourtant, quelques auteurs tives, Fasc. 2162, § 328. consenti alors que le dĂ©biteur, sans encore faire estiment que le moment de l’octroi du concours l’objet de la procĂ©dure collective, Ă©tait dĂ©jĂ  en financier n’est pas indiffĂ©rent : s’il a Ă©tĂ© consenti 19) Cass. Com., 24 juin 1997, Bull. civ. 1997, IV, n° 207. difficultĂ© ? Ă  un dĂ©biteur qui n’était pas en difficultĂ© au N°96 Mars 2012 31 JOURNAL DES SOCIÉTÉS
  • 6. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives 20) En ce sens, F. Vinckel, Le droit moment de l’octroi du concours, mais qui en Face Ă  la question de l’application de la nouvelle au remboursement du compte cou- rant d’associĂ©, Ă  l’aune du droit des raison du caractĂšre inappropriĂ© du concours disposition Ă  l’égard des cautions, les tribunaux entreprises en difficultĂ©, Rev. proc. ainsi consenti, conjuguĂ© Ă  d’autres problĂšmes n’ont pas su apporter une rĂ©ponse trĂšs homogĂšne. coll. n° 1, janvier 2011, Ă©tude 4, rencontrĂ©s ultĂ©rieurement, fait ensuite l’objet Si le crĂ©ancier peut exciper de l’article L. 650- § 32. d’une procĂ©dure collective, alors l’article L. 650- 1 Ă  l’encontre de la caution qui l’attaque sur le 21) P-M. Le Corre, Dalloz Action 1 n’aurait pas vocation Ă  s’appliquer (25). Ce terrain du soutien abusif, de la mĂȘme façon qu’il Droit et pratique des procĂ©dures raisonnement semble de prime abord avoir Ă©tĂ© peut le faire Ă  l’égard du dĂ©biteur principal (28), collectives, Éd. 2012-2013, p. 2238, inventĂ© de toutes piĂšces, dans le seul dessein de il ne fait en revanche aucun doute qu’il ne peut § 834.13. limiter l’application d’un rĂ©gime exonĂ©ratoire se rĂ©fugier derriĂšre l’article L. 650-1 pour Ă©viter 22) Voir Toulouse, 3 fĂ©vrier 2010, de responsabilitĂ© jugĂ© trop favorable pour les toute action ou demande reconventionnelle n° 08/05207 (JurisData n° 2010- crĂ©anciers. Peut-ĂȘtre puise-t-il sa source dans les de la part des cautions fondĂ©e sur les moyens 007669), op. cit., qui indique trĂšs motifs de la dĂ©cision du Conseil Constitutionnel que la jurisprudence antĂ©rieure et la loi leur clairement que l’art. L. 650-1 s’ap- plique aux organismes sociaux. Une ayant validĂ© la loi de sauvegarde, les sages y ayant ont donnĂ© afin d’échapper Ă  leur engagement, autre Cour d’Appel aurait pu confor- expressĂ©ment fait rĂ©fĂ©rence aux « concours Ă  une par exemple le devoir de mise en garde ou ter cette position, mais s’est conten- entreprise en difficultĂ© » (26) Ă . Toujours est- l’article L. 341-4 du Code de la consommation tĂ©e de statuer qu’en l’espĂšce cette il qu’au moins une cour d’appel s’est Ă  plusieurs (29). Mais, tandis qu’une majoritĂ© de dĂ©cisions disposition n’était pas applicable, car la procĂ©dure collective concernĂ©e reprises faite l’écho de ce raisonnement Ă©trange, a jugĂ© les cautions fondĂ©es Ă  se prĂ©valoir des avait Ă©tĂ© ouverte avant l’entrĂ©e en qui distingue lĂ  oĂč la loi ne le fait pas et qui exceptions que l’article L. 650-1 prĂ©voit (30), il vigueur de la loi de sauvegarde : conduit Ă  ce que le crĂ©ancier de l’entreprise en en est aussi de nombreuses qui ont statuĂ© dans NĂźmes, 18 mars 2010, n° 08/02932 (JurisData n° 2010-016896). bonne santĂ© soit moins bien traitĂ© que le crĂ©ancier le sens exactement contraire (31), de sorte que, de l’entreprise en difficultĂ© (27). fĂącheusement, le droit qui est appliquĂ© en un lieu 23) En vertu de l’art. L. 611-11 du Abstraction faite de cette jurisprudence de France n’a pas cours en un autre. Code de commerce, le crĂ©ancier qui, surprenante, l’aberration est de toute façon dĂ©jĂ  Pour Ă©viter ou rĂ©duire le dĂ©bat sur le champ dans le cadre d’un accord de conci- liation homologuĂ© par le tribunal, prĂ©sente dans le texte mĂȘme de l’article L. 650-1, d’application de l’article L. 650-1, il aurait fournit un nouvel apport en trĂ©sore- car prĂ©cisĂ©ment il ne s’applique que lorsqu’une pourtant Ă©tĂ© plutĂŽt aisĂ© d’ajouter simplement rie, ou un nouveau bien ou service, procĂ©dure collective est ouverte. En effet, avec quelques mots Ă  son premier alinĂ©a, par exemple : en vue d’assurer la poursuite de l’activitĂ© du dĂ©biteur et sa pĂ©rennitĂ©, deux rĂ©gimes de responsabilitĂ© qui coexistent, « Lorsqu’une procĂ©dure de sauvegarde, de est en effet favorisĂ© en cas d’ouver- l’un pour les concours portant prĂ©judice hors redressement judiciaire ou de liquidation ture ultĂ©rieure d’une procĂ©dure de toute procĂ©dure collective et l’autre, plus judiciaire est ouverte, les crĂ©anciers quels qu’ils sauvegarde, ou de redressement ou favorable, pour ceux qui contribuent Ă  une telle soient ne peuvent ĂȘtre tenus pour responsables liquidation judiciaire, par un privi- lĂšge le plaçant en rang supĂ©rieur aux procĂ©dure, on doit alors remarquer l’étonnant des prĂ©judices subis du fait des concours crĂ©anciers postĂ©rieurs (et donc bien paradoxe auquel mĂšne l’article L. 650-1 : le financiers octroyĂ©s par eux, qu’il s’agisse de sĂ»r aux crĂ©anciers antĂ©rieurs, mĂȘme crĂ©ancier qui consent un concours, y compris concours nouveaux ou du report de l’échĂ©ance titulaires de sĂ»retĂ©s), juste aprĂšs le super-privilĂšge des salaires et celui d’ailleurs dans le cadre d’un mandat ad hoc ou de concours existants, quelle que soit la forme des frais de justice. d’une conciliation, ne bĂ©nĂ©ficierait pas du rĂ©gime juridique de ces concours et qu’ils aient Ă©tĂ© de responsabilitĂ© supposĂ© avantageux de l’article consentis antĂ©rieurement Ă  l’ouverture de la 24) Notamment Toulouse, 3 fĂ©vrier L. 650-1 si ce concours, quoique prĂ©judiciable, procĂ©dure, alors que l’entreprise Ă©tait saine ou en 2010, n° 08/05207 (JurisData n° 2010-007669), op. cit. ne l’est pas suffisamment pour provoquer ensuite difficultĂ©, ou postĂ©rieurement Ă  celle-ci, sauf les l’ouverture d’une procĂ©dure collective, alors qu’il cas de fraude
 » ; puis de prĂ©ciser dans un autre 25) Notamment, P. Bouteiller, Sau- lui profiterait (en sus du privilĂšge de l’argent alinĂ©a qui peut se prĂ©valoir de la disposition. vegarde, redressement et liquidation frais, en cas de concours accordĂ© dans le cadre Mais sans doute cela n’aurait-il pas Ă©tĂ© assez judiciaires, JCL Banque – CrĂ©dit – Bourse, 2007, Fasc. 520, § 10 : d’une conciliation donnant lieu Ă  homologation) synthĂ©tique pour le rĂ©dacteur lĂ©gislatif
 « lorsque l’entreprise bĂ©nĂ©ficiaire s’il est assez nuisible pour aboutir finalement Ă  du concours Ă©tait en parfaite santĂ© une telle procĂ©dure. À trop vouloir encourager le II. Des exceptions Ă  gĂ©omĂ©trie lors de l’octroi du crĂ©dit, mais [
] doit ultĂ©rieurement se soumettre crĂ©dit aux entreprises en difficultĂ©, doit-on finir ïŹ‚oue [
] Ă  une procĂ©dure collective, la par dĂ©courager le crĂ©dit Ă  celles qui sont encore banque sera dans l’impossibilitĂ© saines ? Quoi qu’il en soit du champ d’application, il faut d’invoquer la protection Ă©tablie par constater que l’exonĂ©ration de responsabilitĂ© l’article L. 650-1 [
], et les tiers seront fondĂ©s Ă  rechercher [
] sa E. Les personnes pouvant s’en prĂ©valoir en cas d’ouverture d’une procĂ©dure n’est responsabilitĂ© selon les critĂšres du qu’apparente. Le crĂ©ancier doit en effet s’extirper droit commun ». FidĂšle Ă  son laconisme, le lĂ©gislateur n’a pas jugĂ© du champ de mines qu’a crĂ©Ă© l’article L. 650-1 26) Cons. const., 22 juillet 2005, utile de prĂ©ciser qui est autorisĂ© Ă  se prĂ©valoir par la formulation laconique des trois exceptions n° 2005-522 DC, § 11 : « le lĂ©gis- de l’article L. 650-1. Cela n’était certes pas posĂ©es Ă  l’exonĂ©ration de responsabilitĂ© : lateur a expressĂ©ment prĂ©vu que la nĂ©cessaire, tant la chose est Ă©vidente, s’agissant la fraude, l’immixtion caractĂ©risĂ©e dans la responsabilitĂ© de tout crĂ©ancier qui du crĂ©ancier lui-mĂȘme, qui doit pouvoir l’opposer gestion du dĂ©biteur et la prise de garanties consent des concours Ă  une entre- prise en difficultĂ© resterait engagĂ©e au dĂ©biteur le recherchant en responsabilitĂ©, disproportionnĂ©es au concours financier accordĂ©. en cas de fraude
 ». et, rĂ©ciproquement, s’agissant du dĂ©biteur, qui Pour apaiser une opposition criant au scandale doit pouvoir lui opposer les exceptions que du pauvre dĂ©biteur Ă©crasĂ© par le grand capital, de 27) Rennes, 2e ch., 12 novembre le texte a prĂ©vu pour Ă©carter l’exonĂ©ration de rocambolesques dĂ©bats parlementaires ont abouti 2008, n° 07/06082 (JurisData n° 2008-008113), Ă©nonçant que responsabilitĂ©. Mais c’était sans compter avec Ă  ce que le texte d’origine, qui se voulait peut- l’art. L.650-1 « Ă©dicte une immunitĂ© les cautions, qui forment le gros des bataillons ĂȘtre exagĂ©rĂ©ment protecteur de banquiers parfois lĂ©gale en faveur des crĂ©anciers qui plaidant l’article L. 650-1, ayant eu tĂŽt fait de trop aisĂ©ment mis Ă  mal devant les tribunaux par apportent leur soutien aux entre- prises en difficultĂ© » ; Rennes, 2 ch., saisir l’opportunitĂ© offerte par l’article L. 650-1 e quelques dĂ©biteurs rĂ©calcitrants, soit en fin de 29 juin 2010, n° 09/04968 (Juris- d’ajouter aux moyens existants de se soustraire parcours affublĂ© de ces exceptions dont personne Data N° 2010-031122), statuant Ă  leur engagement en invoquant la fraude, ne prit la peine de donner la moindre dĂ©finition. que la fin de non-recevoir opposĂ©e l’immixtion caractĂ©risĂ©e ou la disproportion des Le remĂšde est ainsi devenu pire que le mal. par la banque et tirĂ©e de l’applica- tion de l’art. L.650-1 ne peut ĂȘtre garanties. On conçoit bien qu’il serait vain de prĂ©tendre JOURNAL DES SOCIÉTÉS 32 N°96 Mars 2012
  • 7. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives donner une dĂ©finition pleinement satisfaisante venues prĂ©ciser, fort heureusement, qu’il n’y a accueillie, car « il n’apparaĂźt pas que [le dĂ©biteur] Ă©tait, lorsque des des cas de fraude, dont les avatars sont infinis. pas par principe fraude dans le fait d’octroyer un concours lui ont Ă©tĂ© consentis, en Mais l’immixtion caractĂ©risĂ©e aurait trĂšs “crĂ©dit de restructuration” d’encours existants difficultĂ©, dans une situation finan- utilement profitĂ© d’une Ă©nonciation, ne serait- (37). ciĂšre irrĂ©mĂ©diablement compromise ce que succincte, de ce qui, prĂ©cisĂ©ment, Il demeure que les notions de fraude et de faute ou que les crĂ©dits consentis aient Ă©tĂ© insupportables pour sa trĂ©sorerie » ; doit la caractĂ©riser. Quant aux garanties sont intimement liĂ©es et que le danger perdure, Rennes, 3e ch., 13 septembre 2011, disproportionnĂ©es, voilĂ  bien une notion inscrite en dĂ©pit de l’objectif recherchĂ© par l’article L. n° 10/04649, prĂ©cisant que « [l’art. dans le flou le plus complet ! 650-1, de voir des dĂ©cisions juridictionnelles faire L.650-1] qui propose des conditions plus rigoureuses de mise en jeu rentrer par la porte de la fraude la mise en jeu de de la responsabilitĂ© du banquier A. La fraude la responsabilitĂ© du banquier pour soutien abusif dispensateur du crĂ©dit ne concerne sur les fondements classiques, alors mĂȘme qu’une que l’hypothĂšse oĂč des concours Peut-ĂȘtre l’exception expresse de la fraude Ă©tait- procĂ©dure collective a Ă©tĂ© ouverte. sont consentis Ă  une entreprise en difficultĂ© ». elle d’ailleurs inutile, puisque “fraus omnia corrumpit” : les tribunaux n’ont certainement B. L’immixtion 28) Voir par ex. Poitiers, 7 septembre pas besoin qu’un texte vise expressĂ©ment la 2010, n° 09/01626. fraude pour Ă©carter les prĂ©tentions d’une partie S’agissant de l’“immixtion caractĂ©risĂ©e dans 29) Voir par ex. Montpellier, 21 dont le comportement est jugĂ© frauduleux. Le la gestion du dĂ©biteur”, le terrain semblait dĂšs octobre 2008, n° 07/05336 ; Aix-en- parlementaire qui a portĂ© la loi de sauvegarde l’origine un peu plus balisĂ© que celui de la fraude. Provence, 12 mai 2011, n° 2011/194. sur ses fonts baptismaux estimait d’ailleurs que En effet, si un auteur a pu noter que dĂ©finir ce qui 30) OrlĂ©ans 29 avril 2010, « la rĂ©serve du cas de fraude n’appelle guĂšre de distingue l’immixtion “caractĂ©risĂ©e” de celle qui n° 09/02517 et 13 janvier 2011, commentaire » (32). Mais, quitte Ă  mentionner la ne l’est pas relĂšve de la gageure (38), on pouvait n° 10/01319 ; Colmar, 8 novembre fraude, il aurait Ă©tĂ© utile que le texte de l’article nĂ©anmoins d’emblĂ©e se rĂ©fĂ©rer Ă  la jurisprudence 2011, n° 11/00212 ; Poitiers, 20 L. 650-1 l’explicite un peu, du moins dans le existante de la Cour de cassation en matiĂšre de septembre 2011, n° 10/04392 ; Paris, 8 septembre 2011, n° 09/16516 (ces contexte spĂ©cifique de la responsabilitĂ© du gestion de fait. Pour retenir l’immixtion d’une exceptions sont « inhĂ©rentes Ă  la crĂ©ancier, plutĂŽt que de laisser aux juridictions le personne dans la gestion du dĂ©biteur, cette dette » et donc opposables par la soin de le faire, avec les disparitĂ©s prĂ©visibles que jurisprudence, qui n’a depuis pas variĂ©, requiert caution) ; Versailles, 26 mai 2011, n° 10/04534. cela produit. que les faits Ă©tablis soient propres Ă  caractĂ©riser, À dĂ©faut, on peut chercher quelque explication de la part de cette personne, “l’exercice, en toute 31) Pau, 2 novembre 2010, dans les travaux parlementaires, oĂč il est indiquĂ© indĂ©pendance, d’une action positive de direction” n° 4592/10, 08/04435 ; Montpellier, qu’il ne s’agit que de « la fraude civile, qui [
] dans l’entreprise dĂ©bitrice (39). 11 mai 2010, n° 09/04537 et 8 mars 2011, n° 10/02659 ; Douai, 13 jan- Ă  vrai dire [
] ne se dĂ©marque guĂšre a priori Concernant plus particuliĂšrement l’exception vier 2010, n° 08/07573 et 30 juin de la fraude pĂ©nale », et qu’il s’agit, « pour ne de l’immixtion du crĂ©ancier dans la gestion du 2011, n° 09/08505 (affirmant trĂšs pas Ă©carter la mise en jeu de la responsabilitĂ© dĂ©biteur, dans le contexte spĂ©cifique de l’article fermement que « ces exceptions qui appartiennent au dĂ©biteur principal du banquier dans des cas extrĂȘmes », de L. 650-1, elle Ă©tait dĂ©crite par le SĂ©nateur J-J. ne peuvent en aucun cas ĂȘtre soule- tenir compte « d’actes qui auront Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s Hyest, dans son rapport sur le projet de la loi de vĂ©es par la caution ») en utilisant des moyens dĂ©loyaux destinĂ©s Ă  sauvegarde, comme renvoyant « Ă  l’hypothĂšse, surprendre un consentement, Ă  obtenir un particuliĂšrement rare, dans laquelle le crĂ©ancier 32) X. de Roux, rapp. AN n° 2095, 11 fĂ©vrier 2005, p. 168. avantage matĂ©riel ou moral indu ou faits pour acquiert la qualitĂ© de dirigeant de fait en Ă©chapper Ă  l’exĂ©cution des lois » (33). participant activement Ă  la gestion du dĂ©biteur 33) X. de Roux, rapp. AN n° 2095, Quant Ă  l’enseignement pouvant ĂȘtre tirĂ© de et en prenant seul des dĂ©cisions importantes en op. cit., p. 168. la jurisprudence sur ce point, on voit bien que ses lieu et place » (40). 34) Par ex., Douai, 2e ch., 13 janvier l’allĂ©gation de fraude est avancĂ©e par les dĂ©biteurs Cette dĂ©finition est aujourd’hui reprise par la 2010, n° 08/07573, qui ne trouve dans la plupart des espĂšces soumises aux jurisprudence des Cours d’Appel, qui la combine aucune fraude, mais qui laisse penser tribunaux, le plus souvent d’ailleurs en soutenant avec la notion, mise en exergue par la Cour de qu’il en aurait Ă©tĂ© autrement s’il avait Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que la banque que le fait mĂȘme d’apporter un soutien financier cassation, d’actes positifs de direction ou de avait consenti un concours malgrĂ© abusif, c’est-Ă -dire consenti Ă  l’entreprise gestion exercĂ©s en toute indĂ©pendance. Ainsi sa connaissance d’une situation irrĂ©- alors qu’elle est en situation irrĂ©mĂ©diablement la Cour d’Appel de Versailles dans une espĂšce mĂ©diablement compromise : « [la compromise, constitue en lui-mĂȘme une rĂ©cente (41), qui, tout en statuant, sans doute caution] n’apporte pas la preuve de manƓuvres de la banque qui aurait “fraude”. La rĂ©daction de certaines dĂ©cisions pour se rattacher Ă  cette jurisprudence de la Cour soutenu la sociĂ©tĂ© tout en sachant paraĂźt conforter ce point de vue (34), qui tente de cassation, que les faits invoquĂ©s « ne sont pas que la voie choisie Ă©tait sans is- d’effacer l’innovation de l’article L. 650-1 pour en de nature Ă  Ă©tablir l’existence d’une gestion de sue » ; et, plus particuliĂšrement, Di- jon, 1Ăšre ch. Civ., 8 novembre 2011, revenir au schĂ©ma classique de la responsabilitĂ© fait laquelle se caractĂ©rise par le fait d’exercer en qui admet de façon peu convaincante pour soutien abusif. Mais, manifestement, les toute indĂ©pendance des actes positifs de direction que « [la banque] Ă©tait en posses- tribunaux ne cĂšdent pas aisĂ©ment Ă  l’argument et de gestion », complĂšte ce rappel en indiquant sion de suffisamment d’élĂ©ments de la fraude. Pour les convaincre de l’existence que le cas du crĂ©ancier coupable d’immixtion pour comprendre que la situation [du dĂ©biteur] semblait alors irrĂ©- d’une fraude, il semble qu’il faille dĂ©montrer « correspond [
] au gĂ©rant de fait [
] ou Ă  celui mĂ©diablement compromise [et,] en que le crĂ©ancier, confrontĂ© Ă  un dĂ©biteur en qui, sans s’ĂȘtre substituĂ© au gĂ©rant de droit, a acceptant d’escompter de nouvelles difficultĂ©, a sciemment cherchĂ© Ă  se procurer un influĂ© sur les dĂ©cisions de celui-ci en orientant sa traites [
] et en dĂ©nonçant tardive- avantage, par exemple en accordant un dĂ©couvert gestion pour des dĂ©cisions qui sans son influence ment le dĂ©passement du dĂ©couvert [
], a engagĂ© sa responsabilitĂ© en supplĂ©mentaire dans le seul but d’obtenir une n’auraient peut-ĂȘtre pas Ă©tĂ© prises [et] que ces contribuant Ă  l’aggravation du pas- garantie dont il ne disposait pas encore (35), et dĂ©cisions doivent ĂȘtre Ă  l’origine du prĂ©judice sif et ne peut sĂ©rieusement soutenir l’on voit bien lĂ  le rattachement Ă  la dĂ©finition allĂ©guĂ© ». qu’elle n’a eu aucun comportement frauduleux ». succincte de la fraude figurant dans le rapport La prĂ©cision apportĂ©e par la Cour d’Appel de parlementaire citĂ© ci-avant, oĂč il est question Versailles dans son arrĂȘt prĂ©citĂ© donne Ă  rĂ©flĂ©chir. 35) Voir notamment Versailles, 16e de moyens dĂ©loyaux destinĂ©s Ă  surprendre le Ainsi se pose en particulier la question, sans ch., 20 janvier 2011, n° 09/09658 : consentement ou obtenir un avantage indu (36). rĂ©ponse claire aujourd’hui, de la qualification que « il apparaĂźt que cette autorisation de dĂ©couvert a eu pour seule finalitĂ© Plus concrĂštement, quelques dĂ©cisions sont les tribunaux, dans leur apprĂ©ciation souveraine de permettre Ă  la banque l’obtention N°96 Mars 2012 33 JOURNAL DES SOCIÉTÉS
  • 8. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives du cautionnement [et] revĂȘt, compte des faits, donneront Ă  la facultĂ© que les termes ses chances de rĂ©cupĂ©rer les fonds avancĂ©s ; il tenu de ces circonstances, un carac- tĂšre frauduleux » ; et le commentaire d’une convention de crĂ©dit, ou les parties par sera alors tiraillĂ© entre le dĂ©sir d’influer sur les critique qu’ont fait de cette dĂ©cision leur comportement dans le cours de leur relation, dĂ©cisions Ă  prendre, par exemple en imposant la F.J. CrĂ©dot et T. Samin dans Res- peuvent laisser au prĂȘteur d’imposer telle ou telle nomination d’un tiers expert, qui conseillera le ponsabilitĂ© du banquier : notion de dĂ©cision Ă  son dĂ©biteur dans la conduite de son dĂ©biteur et en pratique mĂšnera la barque pendant fraude au sens de l’article L.650-1 du Code de commerce, RD banc. fin. activitĂ©. Il serait utile de pouvoir distinguer ici un temps, et la crainte de se voir reprocher n° 4, juillet 2011, comm. 130. selon la nature de l’opĂ©ration de financement : par l’immixtion. exemple, un crĂ©dit de trĂ©sorerie classique destinĂ© Peut-on Ă  cet Ă©gard distinguer entre l’hypothĂšse 36) Voir Ă©galement Limoges, 9 septembre 2010, n° 09/00855 (« [la au financement du besoin de fonds de roulement oĂč la convention ne prĂ©voyait aucune intervention fraude] peut se dĂ©finir comme d’une entreprise petite ou grande, dont le prĂȘteur du prĂȘteur et celle oĂč les parties en avaient l’acte Ă©tabli ou le comportement n’est frĂ©quemment pas l’unique banquier ; ou, par convenu dĂšs l’origine par des stipulations suivi dans le but de prĂ©judicier aux contraste, le crĂ©dit permettant un investissement prĂ©cises ? Il est Ă  craindre que le juge ne s’arrĂȘtera droits d’autrui ») ; Douai, 2e ch., 1er juillet 2010, n° 09/03656 (« la spĂ©cifique, souvent de grande envergure et pas Ă  cette distinction et se dĂ©terminera au cas fraude suppose une intention de financĂ© par un seul prĂȘteur ou consortium par cas, en fonction de ce qu’il estimera opportun dĂ©tourner la loi ou encore une trom- bancaire, comme l’acquisition ou la construction au vu des faits de chaque espĂšce. perie destinĂ©e Ă  lĂ©ser une personne d’un immeuble de rapport, la rĂ©alisation d’un En l’absence de dĂ©finition lĂ©gislative de ce que de ses droits ») ; OrlĂ©ans, 29 avril 2010, n° 09/02517, et 13 janvier projet industriel ou d’un ouvrage public concĂ©dĂ©, recouvre la notion d’immixtion, on notera la 2011, n° 10/01319 (« la fraude doit ou bien encore l’acquisition d’une sociĂ©tĂ©. vision large du Ministre de la Justice Ă  l’époque s’entendre de l’octroi de crĂ©dits Dans le premier cas, la banque, sans compĂ©tence des dĂ©bats sur l’article L. 650-1, qui y voyait illicites ou de manƓuvres exercĂ©es par le crĂ©ancier pour le seul service dans le mĂ©tier du dĂ©biteur, octroie le crĂ©dit sur le « l’influence » caractĂ©risĂ©e que le crĂ©ancier exerce de ses intĂ©rĂȘts personnels au lieu de fondement d’une analyse globale de comptabilitĂ© sur son dĂ©biteur (42), et il faudra donc se reporter soutenir l’activitĂ© d’une entreprise historique et prĂ©visionnelle ; elle ne saurait, Ă  la jurisprudence existante sur l’immixtion ou d’assurer sa pĂ©rennitĂ© ») ; et sans se substituer indĂ»ment au dirigeant de caractĂ©risĂ©e dans le contexte de la notion de Versailles, 13e ch., 12 mai 2011, donnant une explication plus dĂ©tail- l’entreprise dĂ©bitrice, prĂ©tendre dicter la façon de gestion de fait. lĂ©e que d’autres cours d’appel sur la dĂ©penser au jour le jour les sommes prĂȘtĂ©es ou le On doit malheureusement constater que trĂšs notion de fraude, qui comporte Ă  la dĂ©roulement de l’activitĂ© financĂ©e. peu des nombreuses dĂ©cisions juridictionnelles fois la fraude aux droits des tiers et la fraude Ă  la loi, et citant mĂȘme les Dans le second, en revanche, l’opĂ©ration sera rendues au titre de l’article L.650-1 l’ont Ă©tĂ© travaux parlementaires susvisĂ©s. souvent rĂ©alisĂ©e Ă  travers une sociĂ©tĂ© dĂ©diĂ©e, dans des espĂšces oĂč l’immixtion jouait un rĂ©el financĂ©e par un prĂȘteur spĂ©cialiste du domaine rĂŽle. Parmi les plus rĂ©centes, on relĂšvera celle 37) Notamment, Limoges, 9 sep- d’activitĂ© concernĂ©, qui aura mis sur la table les de la Cour d’appel de Versailles indiquant, s’il tembre 2010, n° 09/00855, op. cit. ; et OrlĂ©ans, 13 janvier 2011, deux tiers, sinon plus, des fonds nĂ©cessaires Ă  en Ă©tait besoin, que le fait pour le banquier de n° 10/01319, op. cit. l’investissement, ne disposera d’aucun recours demander le rĂ©approvisionnement d’un compte contre les associĂ©s de la sociĂ©tĂ© emprunteuse Ă  dĂ©couvert et de ne pas le clĂŽturer dĂšs la 38) P. Bouteiller, Sauvegarde, re- dressement et liquidation judiciaires, (exceptĂ© sur leurs titres dans le capital de celle- survenance des difficultĂ©s ne constitue pas une JCL Banque – CrĂ©dit – Bourse, ci) et ne pourra placer l’espoir de voir le service immixtion ; celle de la Cour d’Appel de Colmar 2007, Fasc. 520, § 17. de la dette et son remboursement assurĂ©s que prĂ©cisant, sans grande surprise, que le banquier dans les seuls flux financiers gĂ©nĂ©rĂ©s par l’actif qui consent un prĂȘt Ă  une sociĂ©tĂ© dont la surface 39) Cass. Com., 12 juillet 2005, n° 02-19.860 (JurisData n° 2005- financĂ© ou dans la seule valeur vĂ©nale de celui- financiĂšre est limitĂ©e n’est pas, de ce seul fait, 029487) ; Cass. com., 10 janvier ci. Pour ce genre d’opĂ©ration, le financement coupable d’immixtion ; ou encore celle de la Cour 2012, n° 10-28.067 (JurisData est spĂ©cifiquement dimensionnĂ© en fonction de Grenoble confirmant que ne constitue pas n° 2012-000206). d’une projection de trĂ©sorerie finement Ă©tablie non plus immixtion le fait pour un fournisseur 40) J-J Hyest, Rapp. SĂ©nat n° 335, par l’emprunteur, et tout est prĂ©cisĂ©ment Ă©tudiĂ© d’octroyer un crĂ©dit fournisseur et d’exiger qu’il 11 mai 2005, p. 442. avant le lancement de l’opĂ©ration de telle sorte soit assorti de sĂ»retĂ©s (43). Aucune de ces espĂšces que l’emprunteur ne nĂ©cessite aucun concours ne prĂ©sente un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt Ă  l’égard de la 41) Versailles, 13e ch., 12 mai 2011, op. cit. financier autre que celui qui est initialement mis problĂ©matique de l’immixtion. en place. Dans un tel schĂ©ma, il n’est pas anormal 42) M. Perben, Ministre de la Jus- de reconnaĂźtre au prĂȘteur le pouvoir d’influer sur C. Les garanties disproportionnĂ©es tice, Ă  propos de la notion d’immix- certaines dĂ©cisions importantes, par exemple sur tion caractĂ©risĂ©e : « Celle-ci peut se manifester de trois façons : la la qualitĂ© des locataires de l’immeuble financĂ© S’agissant enfin des garanties disproportionnĂ©es, sociĂ©tĂ© de fait, le dirigeant de fait, ou les caractĂ©ristiques des baux Ă  consentir, sur on comprend bien la motivation ayant prĂ©sidĂ© et, enfin, l’influence exercĂ©e par le l’opportunitĂ© de rĂ©aliser tels ou tels travaux de Ă  l’adoption de ce nouveau concept : il vise crĂ©ancier sur son dĂ©biteur. C’est ce dernier comportement qui est visĂ© modification du bien, ou encore sur la nĂ©cessitĂ© de Ă  sanctionner le prĂȘteur trop gourmand de ici. Pour permettre d’engager la res- remplacer un prestataire de gestion immobiliĂšre garanties et qui, prenant plus de sĂ»retĂ©s que ne le ponsabilitĂ© du crĂ©ancier, l’immixtion dĂ©faillant. La convention de crĂ©dit comportera nĂ©cessite son crĂ©dit, prive le dĂ©biteur du moyen doit ĂȘtre caractĂ©risĂ©e, conformĂ©ment aisĂ©ment quelques dizaines de stipulations d’en offrir Ă  d’autres crĂ©anciers pour obtenir d’eux a la jurisprudence de la Cour de cassation
 » (AssemblĂ©e Nationale, dĂ©taillĂ©es obligeant ainsi l’emprunteur Ă  prendre les concours financiers supplĂ©mentaires dont il a 3e sĂ©ance du mardi 8 mars 2005 — certaines mesures, ou au contraire lui interdisant besoin (44). JOAN CR 2005, n°21, p.1791) d’en prendre d’autres. Il n’existe Ă  ce sujet Mais la notion de garanties disproportionnĂ©es aucune doctrine ou jurisprudence permettant de suscite la perplexitĂ© Ă  plusieurs titres. 43) Versailles, 13e ch., 12 mai 2011, op. cit. ; Colmar, 8 novembre 2011, dĂ©terminer dans quelle mesure l’influence que n° 11/00212 (Jurisdata n° 2011- les caractĂ©ristiques de ce type de financement 1. Le vaste domaine des “garanties” 025782) ; Grenoble, 15 dĂ©cembre donnent au prĂȘteur est susceptible de prĂȘter le 2011, n° 09/02991 (Jurisdata n° 2011-029008). flanc Ă  la critique de l’immixtion caractĂ©risĂ©e. En premier lieu, le terme employĂ© est celui de Dans tous les cas, si l’activitĂ© menace de pĂ©ricliter, “garanties”, couvrant un domaine plus vaste 44) J-J Hyest, Rapp. SĂ©nat n° 335, le crĂ©ancier, souvent d’ailleurs Ă  la demande du que celui des seules sĂ»retĂ©s et dont les contours, 11 mai 2005, p. 442, oĂč le SĂ©na- dĂ©biteur lui-mĂȘme, souhaitera naturellement incertains, fluctueront sans doute au grĂ© des teur donne cette seule et laconique explication de la raison d’ĂȘtre de intervenir pour sauver l’opĂ©ration et maximiser hĂ©sitations jurisprudentielles. S’y trouveraient JOURNAL DES SOCIÉTÉS 34 N°96 Mars 2012
  • 9. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives donc toutes les sĂ»retĂ©s, non seulement celles, par le dĂ©biteur, mais par un tiers, gĂ©nĂ©ralement l’exception des garanties dispropor- tionnĂ©es : « Les crĂ©anciers qui pren- rĂ©elles, que donne le dĂ©biteur lui-mĂȘme, mais son dirigeant ou associĂ© ou sa sociĂ©tĂ©-mĂšre. draient de telles garanties nuiraient encore tout cautionnement ou autre sĂ»retĂ© Cependant l’article L. 650-1 ne fait pas cette aux autres crĂ©anciers, puisqu’ils personnelle, ainsi que toute sĂ»retĂ© rĂ©elle, que distinction, qui rĂ©sisterait d’ailleurs mal Ă  rĂ©duiraient d’autant leurs propres donnera pour lui un tiers, par exemple un l’analyse Ă©conomique, puisque la capacitĂ© d’un garanties ». dirigeant ou la sociĂ©tĂ©-mĂšre (45) ; Ă  quoi il dĂ©biteur Ă  disposer de tiers pouvant le cautionner 45) Il existe toutefois des dĂ©cisions faut vraisemblablement ajouter tout ce que est nĂ©cessairement limitĂ©e. Quelques Cours qui n’admettent pas que le dĂ©biteur l’avocat imaginatif du dĂ©biteur convaincra d’Appel ont pourtant admis sans ambigĂŒitĂ© lui-mĂȘme, plutĂŽt que le garant, puisse exciper de la disproportion le juge de bien vouloir considĂ©rer comme l’exclusion du cautionnement (47). de garanties pour la dette d’autrui participant du systĂšme de “garanties” offert au fournies par un tiers garant, par ex. crĂ©ancier, donc potentiellement toutes sortes 2. La disproportion Poitiers, 29 mars 2011, n° 09/02492. de mĂ©canismes contractuels (46), qu’il est 46) Voir notamment V. Perruchot- impossible d’inventorier ici mais qui pourraient En deuxiĂšme lieu, il y a la notion mĂȘme de la Triboulet, op. cit., p. 68 ; A. Lien- bien inclure la solidaritĂ© passive adjonctive, la disproportion des garanties par rapport au hard, commentaire sous l’art. L.650- dĂ©lĂ©gation imparfaite, les promesses de porte- concours financier. Elle suppose la comparaison 1, dans l’édition Dalloz du Code des ProcĂ©dures Collectives ; V Forray, fort, certaines lettres d’intention, la rĂ©serve entre le concours consenti et les garanties prises Commentaire complĂ©mentaire de de propriĂ©tĂ©, les “sĂ»retĂ©s nĂ©gatives” (soit en contrepartie, et donc qu’on puisse attribuer l’article L.650-1 du code de com- l’interdiction faite au dĂ©biteur de consentir des une valeur Ă  celles-ci, sans pourtant pouvoir merce, RTD Com. 2008, p. 661, § 3 ; sĂ»retĂ©s Ă  des tiers qui viendraient en concurrence tenir compte du fait que la valeur d’une sĂ»retĂ© J. Moury, op. cit., §§ 19-20. avec le crĂ©ancier dans une procĂ©dure collective, pour le prĂȘteur est grandement amoindrie, en 47) Montpellier, 11 mai 2010, ou de souscrire de nouveaux endettements), raison mĂȘme des procĂ©dures collectives, par n° 09/04537 (« [l’art. L.650-1] voire mĂȘme maints autres engagements de faire le dĂ©lai qu’il lui faudra subir pour recouvrer concerne les garanties prises contre ou ne pas faire. Les conventions Ă©tablies pour les son dĂ» ou par la prĂ©fĂ©rence donnĂ©e Ă  certains le dĂ©biteur principal et non celles prises contre la caution ») ; Pau, opĂ©rations de financement majeures sur la place crĂ©anciers privilĂ©giĂ©s, y compris sur le produit de 2 novembre 2010, n° 4592/10, de Paris, notamment en matiĂšre de financement la rĂ©alisation des sĂ»retĂ©s du prĂȘteur. 08/04435 (les garanties visĂ©es immobilier ou de “leveraged buy-out”, qui Il faut aussi pouvoir apprĂ©cier la diffĂ©rence de « s’entendant de celles fournies par le dĂ©biteur »). courent facilement sur plus d’une centaine de valeur entre diverses sĂ»retĂ©s. Bien malin pourtant pages, dont un bon tiers consacrĂ© aux obligations qui dira Ă  coup sĂ»r si l’hypothĂšque du droit 48) M. Perben, Ministre de la Justice et interdictions de faire imposĂ©es Ă  l’emprunteur, rĂ©el nĂ© de l’emphytĂ©ose conclue sur le terrain (op. cit.), Ă  propos de la notion de prennent rarement le chemin du prĂ©toire ; le juge, d’assiette d’une centrale de production Ă©lectrique disproportion : « Il s’agit ici de viser les prises de garanties inhabituelles qui les voit donc peu, pourra lorsque l’occasion photovoltaĂŻque vaut plus ou moins que la cession au regard de la pratique. Il va de soi s’en prĂ©sentera trouver trop belle la part faite au Ă  titre de garantie des crĂ©ances de l’exploitant sur que les crĂ©dits immobiliers qui sont crĂ©ancier. La porte lui est ainsi ouverte, avec la l’acheteur qui s’est engagĂ© Ă  lui prendre l’énergie consentis en Ă©change d’une hypo- thĂšque sur la totalitĂ© du bien alors notion extensible de “garanties”, d’anĂ©antir en produite pendant une pĂ©riode donnĂ©e ; cela qu’ils n’en financent qu’une partie partie, sur le fondement de l’article L. 650-1, ce dĂ©pend de la liquiditĂ© de l’actif sur le marchĂ©, demeurent possibles puisque telle est qu’il ne pourrait autrement mettre de cĂŽtĂ© sans ainsi que de la durĂ©e restant Ă  courir du bail, de la pratique. » mĂ©connaĂźtre le principe de l’autonomie de la celle du contrat d’achat, de la pĂ©rennitĂ© du tarif, volontĂ© des parties. etc. Le crĂ©ancier prendra donc les deux sĂ»retĂ©s, L’espoir de trouver, dans les six annĂ©es de qui en rĂ©alitĂ© ont peu d’intĂ©rĂȘt l’une sans l’autre. jurisprudence depuis la naissance de l’article L. Si le prĂȘteur multiplie les sĂ»retĂ©s, ce n’est 650-1, quelque exemple intĂ©ressant d’application d’ailleurs pas seulement parce qu’il lui est difficile de cette disposition Ă  des mĂ©canismes de garantie de juger Ă  l’avance de leur valeur individuelle, dĂ©bordant du champ des sĂ»retĂ©s classiques reste mais aussi parce qu’il sait bien que, mĂȘme si la vain. En effet, les espĂšces dont les tribunaux France modernise Ă©nergiquement ses sĂ»retĂ©s, ont jusqu’à prĂ©sent eu Ă  connaĂźtre concernent elle continue de laisser les procĂ©dures collectives essentiellement des sĂ»retĂ©s courantes, telles que les rĂ©duire Ă  peau de chagrin. La procĂ©dure nantissement de compte bancaire, nantissement collective non seulement dĂ©shabille le crĂ©ancier de fonds de commerce, hypothĂšque et, surtout, de ses sĂ»retĂ©s, mais peut aussi, en vertu de cautionnement. Il est d’ailleurs affligeant de l’article L. 650-1, l’exposer au reproche de s’ĂȘtre constater, Ă  la lecture de la plupart des cas trop couvert ; on s’étonnera ensuite de la frilositĂ© soumis aux juridictions, que l’article L. 650-1 a des banquiers. Fort heureusement, on croit jusqu’à prĂ©sent principalement servi d’argument comprendre des dĂ©bats parlementaires de 2005 supplĂ©mentaire pour les cautions dans leur qu’il ne devrait pas ĂȘtre critiquable de prendre une tentative quasi-systĂ©matique d’échapper Ă  sĂ»retĂ© sur un bien dont on finance l’acquisition l’engagement qu’elles ont souscrit, comme et dont la valeur excĂšde le montant du prĂȘt, si tout l’attirail dĂ©fensif que leur procure le « puisque telle est la pratique » (48). Il faut droit moderne Ă  cet effet n’y suffisait pas donc s’en remettre Ă  la sagacitĂ© des magistrats dĂ©jĂ . Concernant justement le cautionnement, et espĂ©rer qu’ils sachent apprĂ©cier correctement garantie par excellence, il n’y a aucun doute quelles sont les diffĂ©rentes pratiques du marchĂ©, dans la jurisprudence majoritaire qu’il s’agit selon la nature des opĂ©rations de financement ; bien d’une garantie visĂ©e par l’article L. 650-1. autant dire que la matiĂšre, inĂ©vitablement, sera Mais la question Ă©tait permise, si l’on considĂšre fortement empreinte de subjectivitĂ© et donc l’exception des garanties disproportionnĂ©es fluctuante. comme ayant pour but d’empĂȘcher un crĂ©ancier Parmi les premiĂšres questions initialement de priver le dĂ©biteur des moyens d’obtenir du Ă©voquĂ©es en doctrine Ă  propos de la notion crĂ©dit auprĂšs d’autres crĂ©anciers ; en effet, le de disproportion figurait celle de savoir s’il cautionnement est une sĂ»retĂ© fournie non pas pouvait s’agir de disproportion par rapport aux N°96 Mars 2012 35 JOURNAL DES SOCIÉTÉS
  • 10. Dossier RĂ©ïŹ‚exions sur l’efïŹcacitĂ© des garanties dans les procĂ©dures collectives 49) Notamment, D. Legeais, Les capacitĂ©s de celui qui consent la garantie, plutĂŽt frĂ©quent. Peut-ĂȘtre faut-il en conclure que l’excĂšs concours consentis Ă  une entreprise en difficultĂ©, op. cit. § 17 ; D. Ro- qu’uniquement par rapport au concours financier dans la disproportion est un critĂšre nĂ©cessaire, bine, L’article L. 650-1 du code de que la garantie vient sĂ©curiser. Remarquant mais qu’il est implicite. commerce : un “cadeau” empoison- Ă  juste titre que le texte est Ă  cet Ă©gard clair, la Le plus souvent, en fait, la disproportion paraĂźtra nĂ© ?, op. cit. § 31 ; V Forray, Com- doctrine concluait qu’il ne pouvait s’agir que de excessive non pas Ă  cause de la disproportion mentaire complĂ©mentaire de l’article L. 650-1 du code de commerce, RTD disproportion par rapport au concours dispensĂ© entre la valeur de chaque garantie considĂ©rĂ©e Com. 2008, op. cit., § 3. (49). Mais l’interrogation a perdurĂ©, du moins isolĂ©ment et le montant du concours consenti, dans l’esprit des plaideurs. De ce fait, puisque mais en raison de l’empilement des garanties 50) Par ex. Caen, 8 avril 2010, N° 08/04035 ; Montpellier, 26 la jurisprudence relative Ă  l’article L. 650- prises par le dispensateur du concours. La octobre 2010, n° 09/7533 ; 1 regorge d’espĂšces centrĂ©es sur l’application propension du crĂ©ancier Ă  accaparer les garanties de cette disposition Ă  la caution, on y trouve est en effet perçue par la sociĂ©tĂ© moderne 51) Voir notamment Poitiers, 11 de nombreuses dĂ©cisions offrant un mĂ©lange comme critiquable, indĂ©pendamment mĂȘme de janvier 2011, qui relĂšve mĂȘme que la caution, appelante, entretient une quelque peu indigeste entre disproportion au la question de savoir s’il en rĂ©sulte un prĂ©judice. confusion entre les deux types de concours octroyĂ© et disproportion aux capacitĂ©s Pourtant, lorsqu’il ne s’agit que de garanties disproportions, alors qu’elles ne financiĂšres de la caution (50). Dans certains cas, pouvant ĂȘtre prises successivement par diffĂ©rents relĂšvent pas du mĂȘme rĂ©gime ; et les juridictions statuent sur ce second type de crĂ©anciers en rangs distincts, on ne voit pas en Douai, 30 juin 2011, n° 09/08505. disproportion au seul visa de l’article L. 650-1, quoi l’empilement des garanties au profit du 52) Metz, 15 juin 2011, n° 09/00850, qui pourtant ne s’y prĂȘte pas, tandis que d’autres premier crĂ©ancier empĂȘche le dĂ©biteur d’offrir 11/00504. Voir aussi Douai, 1er juil- distinguent clairement entre la disproportion les mĂȘmes garanties en rang infĂ©rieur Ă  un let 2010, n° 09/03823, oĂč la Cour refuse l’exception de disproportion visĂ©e par l’article L. 650-1 et celle relative Ă  deuxiĂšme crĂ©ancier. Le problĂšme du dĂ©biteur en relevant que les diverses garanties la capacitĂ© financiĂšre de la caution personne dans ce cas n’existe que si la valeur globale des ne se superposaient pas, puisque physique, dont cette derniĂšre peut exciper, en garanties disponibles, indĂ©pendamment de chacune devait couvrir ce que les dehors mĂȘme de toute procĂ©dure collective, leur rang respectif, ne suffit pas Ă  permettre le autres ne garantissaient pas, de sorte qu’on suppute que la solution au titre de l’article L. 341-4 du Code de la dĂ©sintĂ©ressement de tous les crĂ©anciers ; or on auraient pu ĂȘtre diffĂ©rente s’il y avait consommation (51). ne peut pas reprocher au premier crĂ©ancier d’ĂȘtre eu superposition. La question centrale de l’apprĂ©ciation de la garanti Ă  hauteur du montant de sa crĂ©ance. disproportion, donc du ou des critĂšres qui la Quoi qu’il en soit de la thĂ©orie, voyons ce qu’a caractĂ©risent, est autrement plus Ă©pineuse. La pu en tirer la jurisprudence. Les dĂ©cisions sont loi, on le sait, est parfaitement muette sur ce nombreuses, mais trĂšs rares sont celles qui font point, et c’est par consĂ©quent au juge de faire le droit Ă  l’allĂ©gation de la disproportion, de sorte tri. Ne s’agit-il que d’une question de montant ? qu’il faut principalement raisonner a contrario, Et, dans l’affirmative, doit-on considĂ©rer le de surcroĂźt sans bĂ©nĂ©ficier, dans la plupart des montant garanti par la sĂ»retĂ© (c’est-Ă -dire, dans cas, de l’énonciation de comparaisons chiffrĂ©es le cas d’une garantie personnelle, le montant de ou prĂ©cises entre le montant du concours et les l’engagement du garant, ou, dans celui d’une garanties octroyĂ©es. garantie rĂ©elle, le montant en garantie duquel Dans une espĂšce rĂ©cente, la Cour d’Appel de elle est donnĂ©e), ou plutĂŽt la valeur du bien Metz a jugĂ© que les garanties consenties par des grevĂ© ? Pour ce qui concerne le montant garanti, Ă©poux Ă  la sĂ»retĂ© d’un prĂȘt de 98 000 € octroyĂ© l’interrogation paraĂźt de prime abord saugrenue, Ă  la sociĂ©tĂ© dont ils Ă©taient les associĂ©s, Ă  savoir puisque le principe de l’accessoire interdit au un cautionnement solidaire d’environ 118 000 € crĂ©ancier, lorsqu’il exerce la sĂ»retĂ©, de se faire et une affectation hypothĂ©caire par l’un deux payer plus que ce qui lui est dĂ» (et l’objection de d’un immeuble d’une valeur estimĂ©e de 120 la fraude conduit au mĂȘme rĂ©sultat dans le cas 000 € Ă  130 000 €, Ă©taient disproportionnĂ©es, d’une garantie autonome), de telle sorte qu’il ne car ayant « vocation Ă  se cumuler » (52). MĂȘme pourrait jamais y avoir disproportion, quels que si l’on croit y voir une dĂ©cision d’opportunitĂ© soient la nature et le nombre des garanties prises faisant feu de tout bois pour protĂ©ger les par le crĂ©ancier. Mais la chose n’est pas si simple, cautions personnes physiques, la solution a car il existe de nombreuses formes de sĂ»retĂ© qui de quoi inquiĂ©ter les crĂ©anciers, d’autant que ne permettent pas que plusieurs crĂ©anciers les la Cour ne semble pas s’ĂȘtre embarrassĂ©e de prennent en rangs successifs (par ex. la propriĂ©tĂ©- rechercher en quoi consistait le prĂ©judice et sĂ»retĂ©, comme la cession fiduciaire de crĂ©ances, quel Ă©tait le lien de causalitĂ© entre le cumul des ou les sĂ»retĂ©s impliquant dĂ©possession physique garanties et ce prĂ©judice. Compte tenu de ce ou fictive), de sorte qu’en prenant une telle sĂ»retĂ©, que le cautionnement devait vraisemblablement le crĂ©ancier prive le dĂ©biteur de la possibilitĂ© de couvrir non seulement le principal de 98 000 €, l’offrir Ă  d’autres, quand bien mĂȘme la valeur mais encore le paiement des intĂ©rĂȘts (dont l’arrĂȘt du bien donnĂ© en sĂ»retĂ© excĂšderait largement le ne prĂ©cise pas les modalitĂ©s), son montant ne montant de la crĂ©ance Ă  garantir. paraĂźt pas vĂ©ritablement disproportionnĂ©. C’est Pour ce qui est de l’analyse focalisĂ©e uniquement donc bien le cumul des deux sĂ»retĂ©s, considĂ©rĂ©es sur la seule valeur du bien grevĂ©, ont voit bien, dans cette espĂšce sous l’angle de la valeur totale en l’absence dans l’article L. 650-1 du moindre thĂ©orique qu’elles reprĂ©sentent, qui crĂ©e la adjectif, tel que “manifeste” ou “excessive”, disproportion. Un tel point de vue mĂ©connaĂźt venant qualifier la notion de disproportion, la rĂ©alitĂ© des affaires, et s’il suffit de cumuler qu’elle conduirait objectivement Ă  ce que toute deux sĂ»retĂ©s pour encourir la nullitĂ© de chacune, sĂ»retĂ© rĂ©elle portant sur un bien dont la valeur, les banquiers ont quelque souci Ă  se faire : la au moment oĂč la sĂ»retĂ© est constituĂ©e, excĂšde le solvabilitĂ© des cautions n’est jamais certaine, pas montant maximal de la crĂ©ance garantie subisse plus que la valeur future d’un bien immobilier Ă  le reproche de la disproportion ; or le cas est trĂšs la barre du tribunal. Il ne semble pourtant pas JOURNAL DES SOCIÉTÉS 36 N°96 Mars 2012