SlideShare ist ein Scribd-Unternehmen logo
1 von 113
Downloaden Sie, um offline zu lesen
Chapitre 2.


                                --------
  Survivance de l'"intelligence économique" devant
        l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.




Section 1. Pragmatisme du ministère de l'Economie, des Finances et de
          l'Industrie.
Section 2. La formation et la sensibilisation: ultimes moyens de
          pérenniser l'"intelligence économique".




                                  18
En dépit des querelles interministérielles, le ministre de l'Economie et des
Finances, Jean Arthuis, considère que l'Etat ne peut tirer que des bénéfices de
l'"intelligence économique": "Utilisé comme levier de la réforme et de la
modernisation de l'Etat, l'intelligence économique favorise la définition de
politiques, de stratégies, la mise en cohérence, le développement d'outils, de modes
d'organisation et de travail au sein du gouvernement et de l'administration"1039. Pour
prouver la pertinence de ses propos, son ministère trace la voie. Premier concerné par
les actions de promotion des intérêts nationaux à l'étranger, il lui revient de soutenir
les entreprises, devenues l'élément moteur d'une économie ouverte sur l'extérieur.
Entre les années 1996 et 1998, l'"intelligence économique" forme la base du discours
sur la modernisation des deux éléments principaux du dispositif d'appui aux
entreprises exportatrices du ministère de l'Economie et des Finances: la Direction des
relations économiques extérieures (DREE) et le Centre français du commerce
extérieur (CFCE).


        L'adoption d'un nouveau programme gouvernemental, "L'entrée de la France
dans la société de l'information", marque l'éviction du vocable "intelligence
économique" des discours mobilisateurs des responsables politiques. L'Etat continue
cependant à soutenir les programmes régionaux et les diverses actions des
collectivités territoriales. Cette caution étatique explique la survivance de
l'expression "intelligence économique", toujours au programme de nombreux
colloques, formations et séminaires.




1039
    Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie
française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997.
                                                19
Section 1. Pragmatisme du ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie.



           "Forteresse inexpugnable"1040, chargé d'allouer les ressources, le ministère de
l'Economie et des Finances et de l'Industrie bénéficie d'une véritable "puissance
interministérielle"1041 par rapport aux autres départements ministériels. Ses
représentants encadrent tous les processus de décision. Ils sont massivement présents,
et ce, dès leur création, dans tous les comités et réunions interministériels qui siègent
à Matignon1042. Dans le domaine international, ce ministère représente, avec le
ministère des Affaires étrangères, un centre de décision incontournable. Alors que ce
dernier détient le monopole des relations politiques avec les Etats étrangers, le
ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a en charge l'analyse
économique internationale, la gestion des crédits de soutien aux exportations et les
relations avec les institutions financières internationales. Il gère plus de la moitié des
crédits d'action extérieure et les deux tiers des crédits d'aide au développement. Plus
précisément,        dans    le   domaine      économique        international,     il   participe    à
l'accomplissement de deux missions principales. En premier lieu, la diplomatie
économique dans un but d'information du gouvernement et de négociation et en
second lieu, le soutien aux entreprises, qui passe par des aides ou des garanties
financières, la promotion des produits français et les services d'informations aux
entreprises.


           Comme le souligne Jean Picq, dans son rapport, L'Etat en France. Servir une
nation ouverte sur le monde1043, la "défense des intérêts nationaux" est une mission
essentielle de souveraineté, or "au-delà des tâches régaliennes traditionnelles que
sont la diplomatie et la défense, il s'agit aujourd'hui de défendre nos intérêts
économiques à l'étranger"1044. Cela implique d'engager une modification de l'action
extérieure de l'Etat.



1040
       QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, Paris, Seuil, 1991, 330 pages, pp.75-
77.
1041
     QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, op. cit., pp.75-77.
1042
     QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, op.cit., pp.75-77.
1043
     PICQ Jean (présidée par), L'Etat en France, servir une nation ouverte sur le monde, Paris, La
Documentation française, 1995, 218 pages.
1044
     PICQ Jean (présidée par), L'Etat en France, servir une nation ouverte sur le monde, op.cit., p.52.
                                                  20
I. "Esprit de conquête" et "diplomatie économique active".


                 Dès 1993, le président Clinton annonçait une rationalisation du
dispositif d'appui aux entreprises à l'export et une mobilisation des agences fédérales
et des diplomates à l'étranger sur le terrain de la "conquête des marchés", suivant en
cela le slogan "US exports = US jobs". A partir de 1996, le président de la
République et les représentants du gouvernement font également usage de slogans
visant à mobiliser les loyautés actives1045. Lors de la conférence annuelle1046 des
ambassadeurs de France, le président de la République prône "l'esprit de
conquête"1047. Le ministre des Affaires étrangères en appelle à la mise en œuvre d'une
stratégie de "diplomatie économique active"1048. Le ministre délégué aux Finances et
au Commerce extérieur souligne les répercussions bénéfiques des exportations sur les
emplois1049. Lors d'une autre manifestation, le ministre de l'Economie et des Finances
invite les conseillers du commerce extérieur à faire preuve d'un "patriotisme
économique sans complexe"1050. Ce dernier se sert de la thématique de l'"intelligence
économique" comme levier de réforme du dispositif d'appui aux exportateurs de son
ministère. La Direction des relations économiques extérieures (DREE) et le Centre
français du Commerce extérieur (CFCE) sont les premiers concernés et les premiers
à se convertir à "l'intelligence économique".




1045
     BRAUD Philippe, L'émotion en politique, Paris, Presses de science politique, 1996, Chap II "La
brèche du symbolique".
1046
     Conférence organisée par le ministre des Affaires étrangères à Paris.
1047
     Extraits d'une interview du Président Jacques CHIRAC, in Valeurs actuelles, 11 octobre 1996.
1048
     "Les ambassadeurs de France auprès des PME", in Le Figaro, 30 août 1996. Voir aussi Entretien
du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé DE CHARETTE avec La Revue "L'interconsulaire",
Paris, DPIC Bulletin quotidien, 3 décembre 1996, pp.23-25.
1049
     "Un milliard d'exportations permet la création ou la consolidation de mille emplois pendant trois
ans. […] Ambassadeurs de la France, vous êtes aussi les ambassadeurs de l'économie française. […]
Mobilisez tous votre expérience, votre talent, votre imagination aussi, au service de nos entreprises et
donc de l'emploi en France", in "Pour doper les exportations. Jacques Chirac mobilise les
ambassadeurs", in Le Figaro, 30 août 1996.
1050
     "Commerce extérieur: exportation, un guichet unique pour les entreprises", in Le Figaro, 26 juillet
1996.
                                                   21
A. DREE et CFCE: un lien renouvelé avec les entreprises.


        La DREE et le CFCE représentent les deux pièces maîtresses de l'ensemble
des intervenants publics1051 et semi-publics destinés à appuyer les entreprises à
l'export1052. La DREE prépare et met en œuvre la politique de la France en matière de
relations économiques internationales et de soutien aux entreprises exportatrices. Elle
gère l'ensemble des Postes d'expansion économique et se décline au niveau régional
sous la forme de Directions régionales du commerce extérieur1053. Elle exerce une
tutelle sur des organismes publics spécialisés et subventionnés1054 par l'Etat dont le
Centre français du commerce extérieur1055, véritable centrale de diffusion
d'information1056 de la DREE.


        En 1996, alors que le ministre de l'Economie et des Finances tente d'insuffler
une dynamique au CCSE, son ministère lance une opération pilote d'aide à
l'exportation en faveur des PME dans six régions1057 et sur quatre marchés1058 jugés
prioritaires. Dans le même temps, les Postes d'expansion économique sont redéployés
vers les pays dits "émergents"1059, en Amérique latine et en Asie. En dépit de l'échec
du projet de constitution d'une "cellule stratégique de coordination" de l'ensemble
des acteurs du dispositif public, rattachée directement à Matignon1060, pour cause de

1051
      La quasi-totalité des ministères y participe avec toutefois la prédominance du ministère de
l'Economie, des Finances et de l'Industrie par l'intermédiaire de sa Direction des relations
économiques extérieures (DREE).
1052
     En 1989, le réseau public d'assistance à l'exportation et les chambres de commerce ainsi que les
organismes professionnels jettent les bases d'une nouvelle collaboration avec la signature d'une Charte
nationale de l'exportation le 14 mars 1989 qui réclame "une plus grande cohérence entre les divers
dispositifs employés par les signataires permettant d'informer en commun les entreprises". La Charte
du développement international des entreprises signée le 25 juillet 1994, prolonge en lui donnant une
nouvelle dimension la Charte conclue en 1989. Elle réunit à cette date 17 partenaires. La charte s'est
affirmée comme un cadre de coordination entre les différents organismes. Elle met en place une
instance unique de délibération et de réflexion, le Comité supérieur du développement international,
qui traite de l'ensemble des questions internationales; et des groupes de travail ont été constitués sur
des thèmes précis.
1053
     24 Directions régionales du commerce extérieur.
1054
     Le CFCE, le CFME Actim et la COFACE.
1055
     Le CFCE est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par une loi du 27
septembre 1943 dont l'organisation et le fonctionnement sont régis par le décret du 4 mai 1960
modifiés à plusieurs reprises.
1056
      Il informe les entreprises sur les procédures d'exportation, les marchés étrangers, les
réglementations des échanges et des changes, les conditions d'implantation à l'étranger, les formalités
relatives aux échanges extérieurs. A cet effet, il met à disposition des entreprises des centres de
documentation, des publications spécialisées, des banques de données, la librairie du commerce
international.
1057
     Rhône-Alpes, Basse-Normandie, Poitou-Charentes, Alpes-Maritimes, Ile-de-France.
1058
     Chine, Corée du sud, Malaisie, Brésil.
1059
     La Chine, l'Inde, la Russie, l'Indonésie, la Corée, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud.
1060
     "Notre diplomatie commerciale cible les pays émergents", in L'Expansion, 30 mai 1996.
                                                    22
blocage du SGDN, les actions entreprises par le ministère de l'Economie et des
Finances, représentent une première étape vers la création d'un "guichet unique pour
toutes les demandes d'aides ou d'information des entreprises"1061, inspiré du modèle
américain.


        Fin 1996, l"'intelligence économique" figure dans le nouvel organigramme de
la DREE au sein de deux sous-directions. La troisième sous-direction
"Environnement extérieur et intelligence économique"1062, à l'intérieur de laquelle une
équipe est chargée du dossier "Intelligence économique et grands contrats", et la
deuxième sous-direction "Appui aux PME et actions régionales"1063. Par cette
réorganisation interne, l'établissement entend faire évoluer ses relations avec les
entreprises et réaffirmer son rôle pilote dans le domaine des relations économiques
extérieures. L'importance prise par les questions économiques dans les relations
extérieures, fait craindre à la DREE un découpage, voir une absorption, d'une partie
de ses missions par des "structures voisines"1064. Pour Jean-Christophe Donnelier,
directeur de la troisième sous-direction, l'"intelligence économique", palliera le
manque de coordination du travail de veille et d'analyse du réseau des PEE (aussi
bien dans la phase amont de recueil de l'information que dans la phase aval de mise à
disposition de l'information1065) et ce, grâce au développement de nouvelles méthodes
de gestion et de circulation de l'information et à une coopération plus étroite avec les
fédérations professionnelles et les départements ministériels concernés par le marché
unique européen et les marchés des pays émergents. Ces nouvelles orientations
devraient favoriser la mise en place dans les PEE d'une expertise sectorielle1066.
Hubert Testard, auteur d'une étude interne sur le mode de traitement des PME par la


1061
     "Commerce extérieur: exportation, un guichet unique pour les entreprises", in Le Figaro, 26 juillet
1996.
1062
     Composée de trois bureaux, Etudes générales et analyse du risque pays, Structures et tendances
du commerce extérieur et Union européenne.
1063
     Décomposée en Orientation des entreprises et des actions régionales, Appui financier au commerce
courant et investissement international, Coordination de acteurs du commerce extérieur.
1064
     Un groupe de réflexion sur les métiers de la DREE souligne les "menaces qui pèsent sur la DREE "
l'étendue de ses missions ainsi que leur visibilité croissante font peser une menace récurrente de
"découpage" au profit de structures voisines. La Direction représente un réel enjeu institutionnel qui
fait l'objet d'un intérêt croissant. De fait il a pu être question de manière informelle mais récurrente
de procéder au découpage de ses fonctions régaliennes ou de son réseau", in Rapport du groupe de
travail sur "le développement des approches transversales des métiers de la DREE", 23 octobre 1998.
1065
      DONNELIER Jean-Christophe, "Contribution de la DREE au développement des outils
d'intelligence économique", Défense nationale, n°60, décembre 1997-janvier 1998, pp.148-152.
1066
     Rapport du groupe de travail sur "Le développement des approches transversales des métiers de la
DREE", 23 octobre 1998.
                                                    23
DREE et son réseau1067, note que si la DREE et les postes sont des "acteurs de ce
nouveau marché (intelligence économique)", ce dernier n'existe pas encore faute
d'une demande clairement exprimée et d'une offre embryonnaire. Il revient donc à
l'institution de créer ce marché en mettant en place une vraie force de vente à Paris
qui s'adressera en priorité aux grandes entreprises et aux grosses PME. Le CFCE
revendique également une place sur ce marché en voie de création.


        Dès la fin des années 1980, le périodique du CFCE, Le Moci, proposait des
dossiers spéciaux sur les sources d'information et les activités de veille. A partir de
1992, Le Moci publie fréquemment des articles sur "l'intelligence économique"1068.
Souvent objet de remise en cause, pour lourdeurs de fonctionnement et hypertrophie
de l'effectif, le CFCE cherche à donner l'image d'une organisation dynamique au
service des entreprises, petites ou grandes. Ainsi, ses responsables intègrent-ils
"l'intelligence économique" à leurs discours sur la nécessaire adaptation des
structures. En novembre 1995, Pierre Letocart, directeur du CFCE, introduit la
question tout en restant prudent: "je crois qu'il existe une démarche d'intelligence
économique propre à des spécialistes qui peuvent être intérieurs à une entreprise ou
extérieurs à elle. […] Notre objectif est de fournir aux acteurs économiques et plus
spécialement aux entreprises, des informations utiles à leur développement
international. […] Faisons nous de l'intelligence économique, je dirais volontiers
que nous faisons de l'information internationale, qui avec certains clients, sur une
base prédéfinie lorsque le type d'information recherchée est très clairement
précisée, peut aller jusqu'à l'intelligence économique. Mais nous ne sommes pas à
proprement parler des spécialistes de ce nouveau métier"1069. En 1996, au moment
où la DREE s'approprie le sujet, il se montre plus incisif: "Le CFCE et plus
largement, les Postes d'Expansion économique font de l'intelligence économique
depuis longtemps, sous les aspects de veille marché et concurrentielle […] Il est l'un
des outils de base du dispositif d'intelligence économique dans notre pays, au

1067
     Rapport du groupe de travail sur le mode de traitement des PME par la DREE et son réseau,
Publication du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, 23 octobre 1998, 35 pages.
1068
     "L'intelligence économique: une arme stratégique", in Le Moci, 14 mars 1994; Dossier sur
"l'information économique", mars 1995, pp.41-56; "Intelligence économique: s'informer pour gagner"
dossier, in Le Moci, 2 mai 1996, pp.69-80; "Savoir utiliser l'intelligence économique", Le Moci, 22
janvier 1998, pp.79-80; "L'entreprise s'ouvre à l'intelligence économique", in Le Moci, 2 mars 1998,
pp.65-66; "Intelligence économique et internet. Un outil stratégique pour les exportateurs", in Le
Moci, 21 mai 1998, pp.69-75.
1069
     LETOCART Pierre, "Entretien : Nous devons développer en France une culture de partage de
l'information", Cahiers de la fonction publique, Dossier : l'intelligence économique un nouveau métier
pour l'administration?, novembre 1995, pp.8-10, p.8 et p.9.
                                                 24
service des acteurs publics et privés, car il est le seul à disposer de multiples canaux
et formats"1070. Le lancement du site internet du CFCE, (dans le cadre du site internet
du ministère de l'Economie et des Finances) publiant les études des postes
d'expansion économique1071 et des bases de données, fait dire au ministre délégué
aux Finances et au Commerce extérieur que le CFCE sera la "centrale d'intelligence
économique de notre pays. […] C'est fondamental ! […] Grâce à ces adaptations,
nous allons pouvoir recentrer le CFCE, […], sur sa véritable vocation,
l'intelligence économique, sans double emploi avec les autres organismes"1072. La
nomination de Jean-Daniel Gardère1073 à la tête de l'établissement, répond au souhait
du secrétariat d'Etat au Commerce extérieur de recentrage de l'organisme sur sa
mission principale d'apport aux entreprises et notamment aux PME, "d'une
information pratique, rapide, fiable et immédiatement opérationnelle"1074. Pour Jean-
Daniel Gardère, la réussite des entreprises d'un pays passe par une implication forte
et concertée des pouvoirs publics et donc obligatoirement "par des politiques
d'information commerciale et d'intelligence économique de plus en plus dynamiques
et sophistiquées dont les instruments sont gérés directement ou supportés par les
pouvoirs publics"1075. Les carences du dispositif public se répercutent, non pas sur les
grands groupes qui disposent de moyens propres d'obtention de l'information1076,
mais sur les PME. S'appuyant sur le rapport de Christian Sautter sur les "entreprises
régionales d'envergure mondiale"1077 (EREM), Jean-Daniel Gardère établit une


1070
     "Entretien avec Pierre Letocard", Le Moci, Dossier "Intelligence économique", 2 mai 1996, p.77
1071
     En plus de ses bases de données Ciblexport et Export affaires.
1072
     Exposé dans le cadre du projet de loi de finances devant la commission des finances du Sénat lors
de la séance du 7 décembre 1996.
1073
     Cette nomination fait suite à la rédaction par Jean-Daniel Gardère d'un rapport sur une réforme du
CFCE. Voir GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE et l'évolution des organismes d'appui à
l'exportation au regard du besoin d'information des entreprises sur les marchés extérieurs. Bilan de
mise en œuvre et propositions opérationnelles, Rapport pour le Secrétaire d'Etat au Commerce
extérieur, Washington, Paris, septembre 1997, 80 pages.
1074
     Intervention de Jacques DONDOUX, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Forum de l'export,
Chelles, 7 octobre 1997.
1075
     GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE, op.cit., p.4.
1076
     "Ce sont elles qui ont besoin, bien plus que les grands groupes et davantage que les firmes
moyennes déjà mondialisées, d'informations de démarrage et d'accompagnement" GARDERE Jean-
Daniel, La réforme du CFCE, op.cit., p.5.
1077
      Distinction établie, naguère par Christian SAUTTER entre deux catégories d’entreprises: les
EREM, entreprises régionales d’envergure mondiale (PME très performantes sur leur secteur de
marché dotées d’une forte capacité exportatrice et déjà très internationalisées (le rapport de Christian
Sautter estime leur nombre entre 1 500 et 3 000) les primo-exportateurs ( environ 40.000, les PME qui
désirent exporter pour la première fois, mais également celles qui ont déjà eu l’occasion d’avoir une
expérience sur des marchés étrangers, sans pour autant que cette expérience soit le fruit d’une véritable
stratégie). In SAUTTER Christian, SARDAIS Claude, Une meilleure intelligence économique des
PME françaises sur les marchés émergents, Rapport au ministre de l'Economie et des Finances,
Inspection générale des finances, Paris, 1997.
                                                   25
typologie1078 du profil des exportateurs qu'il confronte à leurs besoins en information:
"primo exportateurs et très petites entreprises/Information de débroussaillage"1079;
"PME/Information d'environnement ou market intelligence"1080; "EREM et
entreprises expérimentées/Information stratégique ou Business intelligence"1081;
"Grands groupes et entreprises mondialisées/Intelligence économique"1082. La
nomination de Bernard Esambert1083, père de la "guerre économique", au poste de
président du Conseil d'administration, doit contribuer également à donner au CFCE
une image plus "offensive"1084. Ce dernier place au rang de priorité l'identification
des besoins des PME-PMI en matière d'"intelligence économique" et suggère qu'à
très long terme, les entreprises françaises consacrent 1% de leur chiffre d'affaires à
l'"intelligence économique"1085.


         Eléments de langage utiles pour signifier une redynamisation et un
rapprochement des entreprises de la DREE et du CFCE, l'adoption d'un Programme
gouvernemental en faveur de l'entrée de la France dans la société de l'information
(PAGSI) et la volonté du nouveau Premier ministre Lionel Jospin de limiter, voire de
bannir l'usage par l'administration du vocable "intelligence économique", sont à
l'origine de sa mise à l'index par le ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie au bénéfice de l'expression "d'information économique".




1078
     GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE,op.cit., p.7.
1079
     Données de base et statistiques, régimes d'importation et normes, listes de contacts, opportunités
d'affaires.
1080
      Etudes et orientations marché, questions juridiques et réglementaires, précautions et risques,
méthodes d'approche, habitude de consommation et de distribution, préparations de missions.
1081
     Recherche de partenaire, veille mercatique et concurrentielle, évolution des crédits publics et de la
réglementation, déclenchement de grands projets, opportunité d'investissement et privatisations.
1082
     Anticipation: des stratégies de concurrence, des appuis gouvernementaux, des risques politiques et
de solvabilité, des négociations, accords commerciaux et sanctions: Préconisation : lobbyisme et
réseaux de contacts. Voir aussi l'intervention de Jean-Daniel GARDÈRE: "Compétition commerciale
et intelligence concurrentielle".
1083
     Pour Bernard Esambert, "l'intelligence économique consiste pour l'Etat à créer un environnement
favorable à ses entreprises et à les mobiliser; pour les entreprises à connaître leur situation sur le
marché mondial, celle de leurs principales concurrentes, l'état de l'art dans leur domaine d'activité,
enfin les caractéristiques économiques, sociales, politiques et culturelles de leur champ d'expansion.
Au niveau de l'Etat il s'agit d'aider les entreprises à mieux appréhender les multiples facteurs
mondiaux qui conditionnent le développement scientifique, technologique, industriel et économique.
Les agences du secteur de renseignement doivent contribuer à ce recensement" in ESAMBERT
Bernard, "Guerre économique mondiale et intelligence économique", Techniques avancées - numéro
41 - octobre 1997.
1084
     "Le ministère des Finances passe à l'offensive dans l'intelligence économique", in La Tribune, 8
juillet 1998.
1085
     Interview de Bernard ESAMBERT, "Intelligence économique, le bras armé des exportateurs", in
L'interconsulaire, février 1999, p.16.
                                                   26
B. De l'"intelligence économique" à l'"information économique".



        Depuis le lancement, aux Etats-Unis, des programmes liés aux "autoroutes
de l'information", les rapports1086 se multiplient en France, sur l'urgence du soutien
étatique en faveur d'un développement du contenu et des infrastructures. Dans le
domaine de la diffusion de contenu, la circulaire du Premier ministre en date du 15
mai 1996 relative à la communication, à l’information et à la documentation des
services de l’Etat sur les nouveaux réseaux de télécommunication1087 impose à
l'ensemble des ministères de se doter de "produits d’information, de documentation
et de communication" accessibles par Internet avant le 31 décembre 1997, l'objectif
étant d'ouvrir un site internet dans un délai d'un an. En dehors de quelques
ministères1088 et des services du Premier ministre, la directive est suivie de peu
d'effets. Exerçant les fonctions de Premier ministre depuis le 2 juin 1997, Lionel
Jospin, annonce le 25 août de la même année que le passage de la France dans la
"société de l'information" est une des priorités du gouvernement1089. Il souligne qu'
"au-delà de sa dimension technique, l'émergence d'une société de l'information
représente en effet un défi politique". Il ne donne aucune définition précise du terme
"société de l'information", mais énumère les principales raisons de son émergence:
généralisation de l'usage des technologies et des réseaux d'information, rapidité du
développement technologique et de son marché et mondialisation des flux

1086

 SÉRUSCLAT Franck, Rapport sur quelques conséquences des nouvelles techniques d'information et
de communication pour la vie des hommes: l'homme cybernétique?, Paris, OPECST, mars 1995;
THÉRY Gérard, Les autoroutes de l'information, Paris, La Documentation française, 1995, 127 pages;
MILÉO Thierry, Les réseaux de la société de l'information, Paris, Ed. Eska, septembre 1996, 228
pages; GUILLAUME Marc, Où vont les autoroutes de l'information ?, Paris, Descartes et Cie, 1997,
190 pages; LAFFITE Pierre, Rapport sur la France et la société de l'information : un cri d'alarme et
une croissance nécessaire, Paris, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, Tome I, 38 pages, Tome II, 144 pages, février 1997; MARTIN-LALANDE Patrice,
Internet, un vrai défi pour la France, Rapport au Premier ministre, mai 1997; FALQUE-PIERROTIN
Isabelle, Internet : enjeux juridiques, rapport au ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications
et à l'Espace et au ministre de la Culture, Paris, La Documentation française, 1997, 151 pages;
JOYANDET Alain, HÉRISSON Pierre et TÜRK Alex, L'entrée dans le société de l'information,
Rapport d'information du Sénat - septembre 1997; Conseil d'Etat, Internet et les réseaux numériques,
Paris, La Documentation française, 1998, 266 pages.
1087
     Journal officiel du 19 mai 1996, p. 7549 : chaque ministère devra se doter d'un site internet avant
le 31 décembre 1997; site en .gouv.fr; contenu soumis au SIG et la CCDA suivant le contenu de
l'information. Un arrêté du 16 mai 1997 portant modèle type de traitements d’information nominatives
mis en oeuvre dans le cadre d’un site Internet ministériel (Journal officiel du 18 mai 1997, p. 7529)
donne plus précisément les types d’information qui doivent se retrouver sur ces supports.
1088
     ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ministère de l'Industrie, ministère des
Affaires étrangères, ministère de la Culture.
1089
     Discours tenu lors de l'inauguration de l'Université de la Communication à Hourtin.
                                                   27
d'information. Le 16 janvier 1998, le Plan d'action gouvernemental pour la société
de l'information (PAGSI) est adopté lors d'un premier Comité interministériel pour
la société de l'information. Il entre en vigueur, cinq ans après l'initiative américaine,
deux ans après la mise en place d'une politique nationale en Angleterre1090 et en
Allemagne1091, et enfin quatre ans après la première Communication de la
Commission européenne du Commissaire européen Martin Bangemann sur la
"Société mondiale de l'information"1092. Martin Bangemann prévoyait le financement
de grands projets d'équipements et la déréglementation du secteur des
télécommunications. En 1994, l'adoption d'un plan d'action1093 sur la Société de
l'information provoque la création un an plus tard de l'Information Society Project
Office, chargé de coordonner les nombreux financements prévus dans le IVème et le
Vème Programme cadre de recherche et développement. Depuis 1994, le thème de
la "société de l'information" est devenu une pièce maîtresse de la stratégie de la
Commission européenne dans le domaine économique et social, laquelle fait de la
diffusion d'information par internet une priorité, aussi bien pour ses propres services
et que pour les Etats membres. Le lancement en février 1995 du site officiel des
Institutions européennes, Europa1094, lors du G7 sur le thème de la société de
l'information, incite l'ensemble des institutions communautaires à poursuivre une
politique active de diffusion de l’information sur leur fonctionnement et sur
l'ensemble des sujets relevant de leur responsabilité1095. Les programmes ESPRIT,
ISPO, INFO 20001096, tentent d'impulser cette même dynamique dans les Etats
membres.


        Dans son introduction, le PAGSI spécifie que "L'information devient une
richesse stratégique, une des conditions de notre compétitivité"1097. Parmi les six



1090
     Juin 1996, l'Information Society Initiative.
1091
     Info 2000.
1092
     BANGEMANN Martin, La Société mondiale de l'information, Bruxelles, Communication de la
Commission européenne, juin 1994.
1093
     Action Plan, Europe's Way Towards the Information Society, Bruxelles, Commission européenne,
juillet 1994.
1094
     http://www.europa.eu.int.
1095
     Le 9 février 1994, la Commission a en effet adopté un code de bonne conduite en matière d'accès
du public à ses documents.
1096
     COM(96)592 final 96/0283 CNS. Les quatre lignes d'action sont : la stimulation de la demande et
la sensibilisation; l'exploitation de l'information du secteur public en Europe; la valorisation du
potentiel multimédia européen; les actions de soutien.
1097
      Préparer l'entrée de la France dans le société de l'information, Programme d'action
gouvernemental, Paris, 16 janvier 1998, 80 pages, p.4.
                                                  28
grandes priorités1098 du programme, la troisième porte sur "Les technologies de
l'information au service de la modernisation des services publics"1099. Dans son
discours de présentation, le Premier ministre rappelle que l'Etat étant le premier
producteur d'information du pays, l'administration doit utiliser les réseaux de
communication pour mieux diffuser les données publiques1100 et offrir de nouveaux
services interactifs. Cela passe par une politique active de numérisation et de mise en
ligne de données publiques. La quatrième priorité s'intitule "Les technologies de
l'information, un outil primordial pour les entreprises". Outre la nécessité de
l'utilisation des NTIC par les entreprises et les enjeux liés au développement du
commerce électronique, cette ligne d'action contient une partie sur "L'information
richesse et enjeu stratégique" pour l'entreprise. L'information et les connaissances y
sont présentées comme des outils privilégiés et des conditions indispensables de la
compétitivité des entreprises françaises1101: "les entreprises doivent prendre
conscience de l'enjeu stratégique constitué par cette information et par les

1098
     Les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement; Une
politique culturelle ambitieuse pour les nouveaux réseaux; Les technologies de l'information au service
de la modernisation des services publics; Les technologies de l'information, un outil primordial pour
les entreprises; Relever le défi de l'innovation industrielle et technologique; Favoriser l'émergence
d'une régulation efficace et d'un cadre protecteur pour les nouveaux réseaux d'information.
1099
     En effet la priorité 3 évoque le fait que les NTIC "offrent des perspectives particulièrement
prometteuses pour la modernisation de l'État, qu'il s'agisse d'améliorer les relations avec les citoyens
et les entreprises ou d'accroître l'efficacité de son fonctionnement interne. […] l'usage de
technologies de l'information et de la communication et des nouveaux réseaux à l'intérieur de
l'administration améliorent l'efficacité du travail et facilitent les échanges d'informations". Il est fait
référence à une mission confiée à Jean-Paul BAQUIAST, contrôleur d'Etat et président de l'association
Admiroutes (Association regroupant des fonctionnaires s'intéressant à titre privé à la modernisation de
l'administration) par le ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la
Décentralisation sur la contribution d'Internet à la modernisation de l'État.
1100
     14 février 1994: Circulaire du Premier ministre sur la diffusion des données publiques : "pour
exercer ses missions, l'administration collecte, enregistre, conserve et traite d'importantes quantités
de données. Elle dispose ainsi d'une ressource qu'elle dit gérer dans le respect de ses missions en
conformité avec les principes du droit public et dans l'intérêt du public. Dans cette perspective, les
administrations ou services publics qui disposent d'informations non confidentielles, présentant un
intérêt pour le public et notamment pour les entreprises, doivent pouvoir en envisager la diffusion";
1995: ouverture du site AdmiNet; 10 juin 1995: Circulaire de M.BALLADUR relative à l'exploitation
et à la conservation des rapports administratifs; octobre 1995: Ouverture du site du ministère des
Affaires étrangères; mars 1996: Le Premier ministre Alain JUPPÉ demande aux administrations de
mettre leurs données sur internet; 15 mai 1996: Circulaire du Premier ministre relative à l'ouverture
des services d'information et de documentation des services de l'Etat sur l'Internet; 24 juin1996:
lancement d'Admifrance par La Documentation française (Annuaires guide des services internet de
l'administration française disponible sur internet); 3 juillet 1996: Circulaire relative aux publications
administratives; octobre 1996: Ouverture du site internet du Premier ministre et du site du ministère
des Finances; 28 janvier 1999 Circulaire relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur
internet.
1101
      "L'information sectorielle et technologique, les données économiques générales ou les
opportunités d'affaires sur les marchés étrangers, les possibilités d'acquisitions ou de reprises
d'entreprises en France comme à l'étranger, les manifestations économiques et commerciales
constituent autant d'informations qu'il importe de mettre à la disposition des entreprises d'une
manière simple, efficace et pertinente", in Préparer l'entrée de la France dans le société de
l'information, Premier ministre, 1998, 40 pages, p.85.
                                                   29
renseignements qu'une analyse attentive permet d'en retirer sur leur situation et leur
objectif"1102. Le Premier ministre annonce que l'administration du commerce extérieur
développera des systèmes permettant de répondre dans les meilleurs délais aux
interrogations des entreprises et qu'un moteur de recherche sera mis à la disposition
du public par l'ADIT. En tant qu'enjeu stratégique, l'information et les réseaux de
communication doivent également être protégés1103 par une politique active menée
par le ministère de la Défense.


         Afin d'adapter l'action du ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie à ce nouveau contexte, le ministre confie à Patrick Lefas, directeur des
affaires européennes et internationales de la Fédération Française des Sociétés
d'Assurance, la présidence d'un groupe de réflexion sur "l'information économique et
les nouvelles technologies"1104. Le groupe est chargé de réfléchir "de manière simple"
aux enjeux de l'accès et de la maîtrise de l'information pour les entreprises
notamment les plus petites d'entre elles, et d'analyser les "circuits de collecte, de
traitement et de diffusion de l'information économique et technologiques" par les
directions et services du ministère et des organismes dont il a la tutelle, enfin de faire
des propositions visant à améliorer l'action du ministère en direction des petites
entreprises. Jean Christophe Donnelier, directeur de la 3ème sous-direction
Environnement extérieur et intelligence économique de la DREE, est nommé
rapporteur du groupe. Tout en rappelant l'enjeu stratégique de la "maîtrise de
l'information", la lettre de mission ne mentionne pas l'"intelligence économique":
"L'environnement des entreprises dans un contexte d'ouverture des marchés et
d'évolution technologique rapide est de plus en plus complexe. La maîtrise de
l'information devient dès lors pour les sociétés et pour les administrations dont la
mission est de les soutenir un enjeu stratégique". Cependant Patrick Lefas fait
plusieurs propositions visant à remettre à l'ordre du jour une "politique nationale

1102
     Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information, op.cit., p.5.
1103
     "La circulation de plus en plus rapide d'une information sans cesse plus riche sur des réseaux
ouverts et mondiaux, constitue à la fois un enrichissement considérable et une vulnérabilité accrue en
particulier pour les technologies sensibles. La vulnérabilité recouvre des risques de nature différente,
allant de la divulgation au grand public d'informations jusque là réservées aux atteintes à la
protection des brevets. La mission traditionnelle de défense s'adapte à l'essor des réseaux
d'information ouverts. Le ministère de la Défense consacre des moyens importants pour protéger les
informations industrielles classifiées contre les risques d'espionnage industriel et d'intrusion liés aux
technologies de l'information et de la communication", Préparer l'entrée de la France dans le société
de l'information, op.cit.7.
1104
     Lettre de mission datée du 5 décembre 1997, in Rapport LEFAS Information économique et
nouvelles technologies.
                                                   30
d'intelligence économique".


        Le rapport définit l'expression "information économique" comme des
"données économiques et sociales de toute nature, nationales et internationales,
utiles aux acteurs économiques"1105. Le groupe de travail propose l'élaboration d'une
"politique de l'information économique numérique", sur le modèle des principaux
concurrents de la France lesquels ont lancé des "plans d'action ambitieux dans le
domaine de la société de l'information". Ces expériences étrangères mettraient en
évidence d'une part, une perception des NTIC et de la détention d'informations
économiques pertinentes en tant que "moyens de suprématie technologique et
économique"1106; et d'autre part, la reconnaissance du rôle moteur de l'Etat1107. Les
auteurs spécifient que cet éclairage de l'importance de "l'information économique" et
des nouvelles technologies, peut contribuer à terme à renouveler et à rendre plus
efficiente la "démarche d'intelligence économique"1108. En effet, compte tenu de la
"nouvelle donne en matière de maîtrise des flux d'information numérisée"1109 et de la
dynamique initiée par le PAGSI, le CCSE, qui ne se réunit plus, est une structure
dépassée1110. Cette dernière n'a pu trouver sa place comme "conseil du gouvernement"
du fait d'une approche trop ambitieuse mêlant les questions d'information, de
protection du patrimoine français et d'influence internationale. Sortir de cette impasse
réclame deux conditions: l'appropriation progressive par l'entreprise des NTIC et
l'adaptation de "l'information économique" aux besoins de l'entreprise. La démarche
"d'intelligence économique" aurait donc tout à gagner avec les NTIC: "C'est pour
cette raison que nous croyons qu'une démarche d'intelligence économique trouvera
réellement sa place dans l'entreprise que parce que les NTIC offriront des
possibilités toujours accrues d'exploitation et que l'information économique ciblée
sera acheminée directement à l'entreprise"1111. Sans redonner vie au CCSE, le

1105

 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.2.
1106
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.86.
1107
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.90.
1108
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.7.
1109
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
pp.77-78.
1110
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.79.
1111
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.82.
                                               31
rapport préconise une nouvelle politique nationale dans ce domaine. Faut-il encore
que cette dernière soit plus orientée vers la protection des connaissances, la lutte
contre l'espionnage, la mobilisation du réseau des ambassades à l'étranger1112, et la
constitution d'un "marché de l'intelligence économique". Le groupe présidé par
Patrick Lefas élabore quatre grandes propositions: une réforme de la gestion interne
de l'information économique au MEFI1113, une diffusion vers l'extérieur1114, une
extension interministérielle de ces propositions1115 comprenant une redéfinition des
missions du CCSE, une dynamisation directe du marché1116 de l'offre et de la demande
d'information économique. Le CCSE nouvelle version pourrait être placé auprès du
Commissaire au Plan et composé d'industriels de l'information, de praticiens et
d'utilisateurs. L'objectif serait de conseiller le gouvernement sur les grandes
évolutions de l'offre et de la demande d'information et sur les choix industriels, les
plus adaptés aux enjeux de la concurrence internationale. Le SGDN est associé à ces
travaux pour les questions touchant à la sécurité des systèmes centraux d'information
et un représentant du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie1117. Ces
propositions en faveur d'une transformation du CCSE restent lettres mortes. Le
changement sémantique transparaît nettement dans les discours des secrétaires d'Etat
chargé du Commerce extérieur et de l'Industrie. Le "nouveau dispositif
d'enrichissement de la langue française"1118 participe également de cette éviction.


        Ce dispositif est censé encourager l'adaptation du vocabulaire français aux
évolutions du monde contemporain principalement dans les domaines économiques,
scientifiques et techniques. Cette révision s'est effectuée à partir d'éléments
communiqués par la Délégation générale à la langue française et par la Commission
spécialisée de terminologie et de néologie du ministère de l'Economie, des Finances
et de l'Industrie, et avec l'aval de l'Académie française. La première liste de termes

1112
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.82.
1113
     Mise en forme de l'information, restitution de l'information disponible à travers les démarches
administratives, intranet MEFI.
1114
     Ante serveur SESAME, système push, renforcer rôle d'intermédiation du CFCE, charte qualité,
projets spécifiques sur des secteurs stratégiques et quelques entreprises.
1115
     Redéfinition des missions du CCSE et mise en place d'une Task Force Industrie de l'information
économique au sein du MEFI.
1116
     1. Appui à l'émergence de l'offre privée aussi bien prestataires de services d'information
économique par les NTIC que le développement d'outils techniques des NTIC; 2. sensibiliser les
acteurs au caractère incontournable d'une utilisation stratégique de l'information économique.
1117
     LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit.,
p.116.
1118
     Décret du 3 juillet 1996 sur un nouveau dispositif d'enrichissement de la langue française.
                                                   32
date de 1973. Le 17 août 1998, une réactualisation paraît dans le Journal officiel. Le
terme "Veille économique" est reconnu et placé dans le domaine de l'économie
d'entreprise avec la définition suivante: "recherche, traitement, et diffusion (en vue
de leur exploitation) de renseignements utiles à l'entreprise". Il a pour équivalent
anglo-saxon "business intelligence". Une note précise que la "veille économique"
comprend notamment la "veille à la concurrence" et la "veille au marché", lesquelles
relèvent toutes deux des domaines de l'économie d'entreprise et des techniques
commerciales. La "veille à la concurrence" renvoie à la recherche, au traitement, et à
la diffusion (en vue de leur exploitation) de renseignements relatifs à la concurrence.
Son équivalent étranger est "competitive intelligence". La "veille au marché"
concerne la recherche, le traitement, et la diffusion (en vue de leur exploitation) de
renseignements relatifs à l'environnement commercial de l'entreprise, avec comme
équivalent étranger "marketing intelligence"1119. Dans cette même note une remarque
porte sur l'expression "intelligence économique": "l'expression "intelligence
économique" est impropre dans le domaine de l'économie d'entreprise".


         Le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, Jacques Dondoux,
exprime clairement sa préférence pour le terme "information économique" à la place
d'"intelligence économique": "le terme n'est pas heureux, je préfère parler plus
simplement d'information économique. […] L'Etat a un rôle important à jouer dans
ce domaine et doit mieux répondre aux besoins des entreprises"1120. Il inscrit les
initiatives passées, telles que la création d'un ante serveur, le redéploiement des PEE,
dans le cadre du PAGSI et d'une meilleure prise en compte de l'intérêt des nouvelles
technologies1121: les NTIC permettent "d'avoir à portée de main et pour un faible
coût une mine d'informations utiles pour le développement international des
entreprises.[…] La maîtrise de l'information devient dès lors pour les sociétés et
pour les administrations dont la mission est de les soutenir, un enjeu stratégique
[…]. Ces impératifs ont nourri des réflexions, souvent orientées par le concept
"d'intelligence économique""1122. Quant au CFCE, son positionnement auprès des
1119
     Termes, expressions et définitions du vocabulaire de l'économie et des finances, Journal officiel de
la République française du 14 août 1998.
1120
      Entretien du secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Technologies de l'information et
concurrence internationale, Paris, Site Evariste, 18 décembre 1997.
1121
     DONDOUX Jacques, "Les enjeux de l'information économique pour les entreprises", Cahier
spécial "L'intelligence économique. L'information économique au service des entreprises", Revue des
conseillers du Commerce extérieur, avril 1998, pp.1-6.
1122
      Entretien du secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, "Technologies de l'information et
concurrence internationale", Paris, Site Evariste, 18 décembre 1997.
                                                   33
entreprises devrait être facilité par l'usage des NTIC: "J'accorde un intérêt
particulier au renforcement de l'information économique diffusée sur internet[…] Je
souhaite que nos PME en profitent pleinement pour leur développement
international. […] La transformation rapide des technologies de l'information et de
la communication et des modes de collecte et d'accès à l'information procurent enfin
au CFCE un rôle essentiel dans le dispositif public d'appui au Commerce Extérieur.
[…] C'est une chance pour le CFCE qui trouve ainsi naturellement sa place dans
l'évolution de notre société"1123. La DREE se restructure une nouvelle fois.
L'"intelligence économique" n'est plus. La 3ème sous-direction Environnement
extérieur et intelligence économique est remplacée par la 5ème sous-direction
Information économique1124. Dans cette dernière, un bureau "veille économique
stratégique" est chargé de la mise en place et du suivi d'un réseau de veille
thématique et sectorielle1125 visant à rationnaliser les PEE en plaçant, sur des secteurs
prioritaires et dans des pays clefs, des correspondants à l'expertise reconnue sur un
sujet donné.


         Le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christian Pierret, fait du champ d'action de
"l'information économique" l'un des moyens favorisant un nouveau rapport de l'Etat
avec les entreprises, le but n'étant pas d'appliquer une "politique industrielle", mais
plutôt "de favoriser la mise en œuvre des stratégies définies par les entreprises elles-
mêmes"1126 tout en adaptant les services publics au nouveau contexte européen et
mondial: "Oui, il y a une place pour une intervention de l'Etat dans le champ
économique […] Dans des échanges internationalisés, l'industrie française
conservera sa place en recherchant des avantages compétitifs. Ceux-ci seront
efficacement fondés sur la compétitivité hors prix, la qualité et l'innovation"1127. Il
donne de son département ministériel l'image d'"un centre de ressources et de
conseil"1128 qui pratique la "veille économique concurrentielle"1129. Lors d'un grand
colloque sur le thème "Quelles stratégies industrielles pour aborder le XXIème

1123
     DONDOUX Jacques, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Vœux au CFCE, 21 janvier 1998.
1124
      Subdivisée en quatre bureaux: Marchés émergents, Echanges et investissements, Veille
économique stratégique, Réseaux et diffusion. La sous direction "appui aux PME" disparaît au profit
d'une "mission PME" rattachée directement au directeur.
1125
     Energie, NTIC, environnement, infrastructures, technologie du vivant, distribution.
1126
     Intervention de Christian PIERRET, secretaire d'Etat à l'Industrie, lors de la présentation du projet
de budget pour 1999, le 13 novembre 1998.
1127
     Intervention de Christian PIERRET, op.cit.
1128
     Intervention de Christian PIERRET, op.cit.
1129
     Intervention de Christian PIERRET, op.cit.
                                                 34
siècle?"1130, Christian Pierret emploie également le terme de "veille informative"
associée à celui d' "intelligence économique": "Prendre le parti du mouvement, c'est
aussi adopter celui de la veille informative pour les entreprises. Cela passe par
l'identification des enjeux stratégiques: les marchés clés, les technologies clés, la
veille concurrentielle sur les politiques des autres pays industriels. Par la veille
informative, les entreprises réduisent l'incertitude, elles assument - en les maîtrisant
davantage - les risques qui définissent leur activité, et elles peuvent développer de
fructueuses coopérations. Mon département ministériel va développer cette veille
informative, l'intelligence économique, dans un esprit de service aux entreprises"1131.


        Si le changement de ton et de vocable est net au sein de l'administration
centrale, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie continue à apporter
son soutien aux "opérations régionales d'intelligence économique" à destination des
PME. Le secrétariat d'Etat chargé du Commerce extérieur co-signe avec le préfet de
la région Basse-Normandie et le président du Conseil régional de Basse-Normandie
une convention "pour le développement de l'intelligence économique et
l'internationalisation des PME en Basse Normandie"1132, opération pilote régionale
visant à détecter les "entreprises régionales d'envergure mondiale" (EREM), à cibler
leurs besoins en information et à y répondre1133. La convention met en pratique l'une
des quatre priorités du Schéma régional d'intelligence économique de Basse
Normandie. De même, au sein du secrétariat d'Etat à l'Industrie, la direction de
l'Action régionale et de la petite et moyenne Industrie apporte son soutien à certaines
initiatives régionales et contribue à un échange d'expériences1134.


        Depuis le lancement d'opérations d'"intelligence économique" dans les
régions françaises, la Commission européenne participe financièrement à quelques

1130
     Colloque "Quelles stratégies industrielles pour aborder le XXIème siècle", 14 décembre 1998,
Centre de conférences Pierre Mendès-France.
1131
     PIERRET Christian, Conclusion du colloque, op.cit, 14 décembre 1998.
1132
     Convention "pour le développement de l'intelligence économique et l'internationalisation des
PME en Basse Normandie" entre le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, le préfet de région
Basse-Normandie et le président du Conseil régional de Basse-Normandie, Caen, 10 juillet 1998, 3
pages.
1133
     Après avoir sélectionné 15 entreprises, la DREE (par ses DRCE et PEE), la DAR PMI, la DRIRE,
l'ANVAR et l'ADIT engagent "au profit des entreprises candidates une démarche approfondie de
prospection et de recherche d'information ciblée sur les marchés et technologies visés". La préfecture
et le conseil régional mobilisent les financements et assurent la coordination de l'opération et son
évaluation.
1134
     Par exemple avec la publication Intelligence économique. Outils et méthodes développés en PMI,
Paris, DARPMI, janvier 2001, 320 pages, suite à un opération menée en Bourgogne.
                                                   35
initiatives sans que cette aide ne fasse l'objet d'un programme spécifique et ce,
jusqu'à l'adoption du 5ème Programme cadre de recherche et développement
technologique de la période 1998-2002. Suivant le souhait du Commissaire européen
Edith Cresson, une ligne d'action spécifique y figure: "J'ai souhaité que l'intelligence
économique bénéficie d'une attention plus importante encore dans l'action future de
l'Union. L'intelligence économique est donc l'un des thèmes d'un des programmes du
5ème PCRD pour les années 1998-2002"1135. Cependant, les changements d'intitulé
reflète l'évolution du contexte politique en France. C'est au sein d'une sous-partie du
programme horizontal "Promotion de l'innovation et encouragement de la
participation des PME" relative aux "mesures d'accompagnement" visant à faciliter
la participation des PME aux programmes de recherche de l'UE, que figure une
action spécifique dénommée "Information économique et technologique": "L'objectif
est d'utiliser des sources existantes pour identifier les besoins des PME et anticiper
les tendances commerciales et technologiques. Les intermédiaires, services et
réseaux d'information existants seront utilisés pour fournir aux PME des
informations et analyses les aidant à répondre à ces besoins et les orientant vers les
instruments communautaires les mieux adaptés"1136. Une annexe contient de courtes
descriptions des futurs appels à propositions, dont une sur "L'information
économique et technologique" suivi par l'Unité PME et innovation de la Direction
générale XII-pour la science, la recherche et la développement. L'appel à
propositions paraît sous ce titre au Journal Officiel des Communautés européennes1137
le 23 avril 1999 alors que dans la version anglaise les rédacteurs privilégient
"Economic and technological intelligence"1138. L'action est décrite ainsi "des mesures
d'accompagnement peuvent être octroyées aux réseaux, services et intermédiaires
d'information faisant des propositions afin de fournir aux PME des informations et
une assistance et de les orienter vers les instruments communautaires ou autre les
plus appropriées". Sont concernés le réseau des points de contacts nationaux, les
fédérations industrielles et les agences de développement régional ainsi que les

1135
     Question à Edith Cresson, Interview donnée par Jacqueline SALA, Veille, n°18, octobre 1998.
1136
     Voir p.10 du programme de travail Promotion de l'innovation et encouragement de la participation
des PME, Commission européenne, 1999.
1137
     Appel à propositions pour des mesures d'accompagnement dans le contexte du programme
spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration intitulé "Promotion de
l'innovation et encouragement de la participation des petites et moyennes entreprises (PME) (1998-
2002)", JOCE, 23 avril 1999, C 112/35.
1138
     Call for proposals for accompanying mesures publisehd by the specific programme for research,
technological developement and demonstration on promotion of innovation and encouragement of
SME participation (1998 to 2002), OJEC, 23 avril 1999, C 112/35.
                                                36
réseaux classiques d'assistance de l'UE , Centre de recherche et d'innovation, Euro-
Info Centres et associations de participants à la recherche. Par contre, une brochure
d'information spéciale liée à cet appel à propositions et publiée par la DG XII reprend
l'expression "intelligence économique et technologique" en lieu et place
d"Information économique et technologique".


       A partir de 1998, le centrage de l'"intelligence économique" sur les aspects
développement international et promotion des exportations glisse vers les aspects
défense économique et sécurisation des systèmes d'information avec la création d'un
service dédié à l'"intelligence économique" sous la responsabilité du Haut
fonctionnaire de Défense du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.


       Le débat sur le réseau "Echelon" donne l'occasion au Parlement européen de
souligner les faiblesses du dispositif juridique des Etats membres visant à lutter
contre le vol d'informations et de démontrer que l'échange d'informations entre
services de renseignement d'Etat et entreprises pour l'obtention d'un contrat est
contraire au droit communautaire. Au-delà de la volonté du gouvernement de Lionel
Jospin d'adopter une forme de discours plus modérée sur les relations économiques
internationales et sur le rôle de l'Etat, cette clarification du Parlement européen
disqualifie les propositions des premiers instigateurs de l'"intelligence économique"
en faveur d'une "intelligence globale".




                                          37
II. L'"intelligence économique" rattrapée par la réalité de la construction
communautaire.


        Avant l'arrivée d'un nouveau gouvernement et son replacement par
Dominique Strauss-Kahn en juin 1997, Jean Arthuis s'était à plusieurs reprises
exprimé sur le rôle de ses services dans la mise en œuvre de la défense économique
en temps de paix. Ainsi concevait-il la défense économique comme un moyen de
rendre compatible "la préservation de notre communauté nationale, en particulier sa
cohésion sociale, et l'ouverture au monde de notre économie"1139. Ce concept lui
paraîssait "parfaitement adapté aux défis de la compétition internationale"1140, et il
incluait celui d'"intelligence économique". Le 2 novembre 1998, Didier Lallemand
est nommé Haut fonctionnaire de Défense du ministère de l'Economie, des Finances
et de l'Industrie, avec dans ses missions celle d'impulser et de coordonner les actions
de sensibilisation des entreprises à l'"intelligence économique".


        A. "Intelligence économique" et défense économique en pratique.


        Dès sa prise de fonction, Didier Lallemand expose sa conception d'une
imbrication de la défense économique et de "l'intelligence économique": "la défense
économique, avec son alter ego, l'intelligence économique, tendent à structurer de
plus en plus les concepts et les actions des missions imparties au haut fonctionnaire
de défense, au point d'irriguer la quasi totalité de ses autres fonctions"1141. Il crée un
Service de l'intelligence économique1142, auquel il donne une double mission. La
première consiste en une mission d'adaptation concrète pour les entreprises des
orientations établies à la suite des réflexions menées jusqu'à présent de façon très
générale; faisant en sorte que les entreprises disposent de services de haut niveau
dans ce domaine. La seconde mission comporte la mise en place d'un dispositif
d'ensemble pour le ministère et un rôle de conseil auprès du ministre et des directions
du ministère. Les actions du service sont relayées en régions par le réseau des chargés

1139
      Propos de Jean Arthuis cité dans SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense
économique", op.cit., p.18.
1140
     Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie
française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997.
1141
     LALLEMAND Didier, "Au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie", Dossier "Quel
avenir pour la sécurité intérieure?", Défense nationale, mai 1999, pp.53-59, p.55.
1142
     Le service de défense économique et de planification, le service du contrôle des matières premières
nucléaires et sensibles, le service de la sécurité des systèmes d'information et des télécommunications,
le commissariat aux télécommunications, le service de l'intelligence économique.
                                                    38
de mission de défense économique déployé auprès des trésoriers payeurs généraux de
région. Ainsi, pour le Haut fonctionnaire de Défense, cette mission "intelligence
économique" "recouvre des aspects offensifs, tels que la mise à disposition des
entreprises des nombreuses informations ouvertes détenues par le ministère, et des
aspects défensifs indissociables de la défense économique (protection du patrimoine
économique, sécurité du fonctionnement de l'économie) ou de la sécurité des système
d'information"1143. Didier Lallemand tente ainsi de clarifier les choses en tenant
compte des réflexions antérieures et du rapport de la mission présidée par Patrick
Lefas.


         Précédemment, Jean Arthuis avait demandé au Commissariat général du Plan
de réfléchir à l'évolution du champ d'action de la défense économique dans le double
contexte de la "guerre économique et de la construction européenne"1144. Jean-Louis
Levet saisit cette occasion pour remettre au premier plan le terme de "sécurité
économique". Dans son rapport De la défense économique à la sécurité de
l'économie1145, il propose un élargissement du concept de "défense économique" à
celui de "sécurité économique" entendu en ces termes: cela "consiste à veiller à ce
que les moyens, connaissances ou informations, permettant de préserver les intérêts
essentiels de la Nation soient conservés sous le contrôle français et qu'ils soient
développés et adaptés en permanence à l'évolution du contexte et des risques
géoéconomiques mondiaux"1146. Les "intérêts économiques essentiels de la Nation"
renvoient aux intérêts qui "mettent en jeu l'existence ou l'intégrité actuelle ou future
des institutions ou des citoyens. Ces intérêts majeurs supposent la maîtrise d'un
certain nombre d'activités stratégiques et de champs tels que le patrimoine
scientifique et technologique, l'identité culturelle nationale ou l'emploi. Ils peuvent
être de nature scientifique, technique, commerciale, financière, culturelle ou
sociale"1147. En temps de paix, la "sécurité de l'économie" consiste donc en la
maîtrise des intérêts essentiels de la nation1148 et en un déploiement d'une capacité
d'influence et d'anticipation. Dans ces deux dimensions, l'Etat doit impérativement
1143
     "L'intelligence économique, une condition de survie pour les enrteprises", Cahiers industries,
février 2001, n°64, Dossier "L'intelligence économique", p.11-21, p.13.
1144
     Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie
française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997.
1145
     LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, Paris, Commissariat
général du plan, mai 1997, 60 pages.
1146
     LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., p.37.
1147
     LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., p.37.
1148
     Activités jugées stratégiques, patrimoine scientifique et technique, savoir-faire.
                                                   39
continuer à jouer un rôle d'opérateur et de coordonnateur suivant en cela l'exemple de
la plupart des pays développés (notamment Suède, Allemagne, Japon, Italie, Etats-
Unis) qui ont intégré, "chacun à leur façon l'approche géoéconomique dans leurs
stratégies respectives"1149. Pour Jean-Louis Levet, l'introduction de la notion de
"sécurité économique" nécessite une modification des textes de loi relatifs à la
défense économique. A la place de la Commission permanente de défense
économique se tiendrait une Commission interministérielle pour la défense
économique et la sécurité économique (composée du ministre chargé des affaires
économiques, du commissaire au plan, du chef d'état-major général de la défense
nationale et des principaux ministères), la Commission régionale de défense
économique deviendrait la Commission régionale de défense et de sécurité
économique, et les Hauts fonctionnaires de défense des Hauts fonctionnaires de
défense et de sécurité économique. Concernant les aspects liés à l'"intelligence
économique", cette commission interministérielle devra travailler de concert avec le
CCSE.


         Des responsables de la défense économique en région s'interrogent également
sur l'évolution de leur métier et sur la pertinence du lien entre "intelligence
économique" et défense économique. Des "Assises de la compétitivité et de la
sécurité économique" sont organisées par le secrétariat général de la Zone de défense
Nord1150. Distinguant le volet offensif1151 et le volet défensif1152 de l'"intelligence
économique", Guy Sallerin, trésorier-payeur général de la région Nord-Pas de Calais,
estime que le second volet est de nature à enrichir les investigations de défense
économique liées aux vulnérabilités des structures des organisations et du patrimoine
scientifique et technologique, ainsi qu'aux déséquilibres de l'environnement. Il peut
également être utile à la mise en place d'un partenariat entre l'administration et les
entreprises visant à faciliter la connaissance des marchés et des circuits de production
et de distribution. Ce partenariat sera facilité par la création d'un "réseau déconcentré
maillant le territoire afin de promouvoir un système de traitement et de gestion des


1149
     LEVET Jean Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., pp.14-15.
1150
     Assises de la compétitivité et de la sécurité économiques, organisée par le Secrétariat général de la
Zone de défense Nord, Lille, 19 septembre 1997.
1151
     Organisation de la recherche d'information économique au service des entreprises nationales.
1152
      Protection des entreprises nationales contre le renseignement économique des puissances
étrangères, des concurrents étrangers et de tous ceux qui le conduisent en ayant recours à des moyens
illégaux.
                                                    40
données à dominante économique"1153. Parmi les initiatives1154 proposées au niveau
zonal et des CRDE, figure en bonne place la promotion de l'"intelligence
économique". De plus, dans le cadre de la préparation d'un conseil de défense et de la
sécurité intérieure, les représentants du ministère de l'Intérieur et du ministère de
l'Economie, des Finances et de l'Industrie conviennent d'une définition de la défense
économique: "l'ensemble des mesures et dispositions ayant pour objet: la maîtrise,
sinon la supression des vulnérabilités du potentiel économique et scientifique ainsi
que la protection et la promotion des intérêts économiques nationaux, dans le cadre
de la compétion internationale; en temps de crise, la bonne disponibilité des
ressources et le fonctionnement le plus rationnel de l'économie"1155.


        A partir de ce travail antérieur de définition, Didier Lallemand différencie la
"défense économique" de "l'intelligence économique" car les moyens et les actions ne
sont pas du même ordre: "si l'un et l'autre concourent aux mêmes buts – la puissance
de notre économie – leurs moyens et les actions dont ils nécessitent la mise en œuvre
sont sensiblement différents"1156. Le domaine de l'"intelligence économique"
conjugue deux notions: "information économique" et "intelligence stratégique". La
première concerne les entreprises et le secteur privé et vise selon lui à répondre à
"une question simple, mais ample": "comment une entreprise peut-elle chercher,
trouver et exploiter la bonne information économique, grâce notamment à
l'utilisation des NTIC ?". En terme d'actions, cela renvoie à la sensibilisation des
entreprises et à la constitution d'une offre privée de services performants ainsi qu'à la
mise à disposition des entreprises des informations dont disposent les pouvoirs
publics. En revanche, seul l'Etat et les grandes entreprises ou organisations sont
concernés par "l'intelligence stratégique" qui consiste "à déterminer la façon dont
doit s'organiser une grande structure pour que l'information, notamment
économique, circule bien (Intranet) et qu'ainsi les décideurs, chacun à leur niveau

1153
     SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense économique", op.cit., p.18, citant en cela les
propos du ministre de l'Economie Jean Arthuis.
1154
     Sensibilisation des milieux économiques, administratifs et élus et écoles; recensement des besoins
prioritaires d'informations économiques et des structures de coordination; recensement des
vulnérabilités sur le patrimoine scientifique et économique et des formes d'agression, contribution à
l'élaboration d'orientation stratégiques communes et à la répartition des travaux propres à
promouvoir l'intelligence économique entre les institutions publiques et privées susceptibles d'y être
associées", in SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense économique", op.cit., p.19.
1155
      DUPONT DE DINECHIN Yves, "Sécurité économique et défense économique", Défense
nationale, novembre 1998, pp.68-72, p.70-71.
1156
      LALLEMAND Didier, "La défense économique", Les Cahiers de Mars, Dossier: "Du
renseignement militaire à l'intelligence économique", septembre 1999, pp.116-123, p.117.
                                                 41
puissent prendre des décisions "éclairées". Ceci suppose un travail en réseau
reposant sur un intranet et si nécessaire une évolution de l'organisation"1157. Dès lors
une réorientation de la défense économique dépend avant tout des réponses à
certaines interrogations nouvelles: comment définir le patrimoine économique
national? Quelle attitude adopter quand une entreprise étend ses ramifications à
l'étranger dans des cas de sous traitance, de conception commune et donc de partages
de secrets commerciaux? Comment l'Etat peut–il étendre sa protection à l'innovation
en général1158 et lutter contre certaines formes de contrefaçons? Enfin, face au
développement exponentiel des NTIC, comment réduire la vulnérabilité nouvelle des
entreprises? Sur ce dernier point, le Haut fonctionnaire de Défense s'est vu confier au
cours des années 1990 des nouvelles responsabilités1159 parmi lesquelles la sécurité
des systèmes d'information et de télécommunication1160. Cependant, l'ensemble de ces
questions est lié à une clarification de la définition d'une "entreprise nationale"1161.


        En effet, le service du Haut fonctionnaire de Défense du ministère de
l'Economie, des Finances et de l'Industrie s'inspire des conclusions d'un rapport
demandé par le Premier ministre au Commissariat général du Plan sur la "nouvelle
nationalité de l'entreprise"1162. Ce rapport veut donner des orientations pour une
politique des pouvoirs publics sur l'environnement général des firmes et sur les
"stratégies combinées de l'Etat et des entreprises"1163. Jean-François Bigay est
président     du     groupe,     et    Jean-Louis      Levet      rapporteur      général1164.    Les
recommandations s'inscrivent dans le cadre d'une recherche d'une nouvelle
nationalité alliant "le respect des valeurs fondatrices de la nation française et les
composantes impératives de l'efficacité économique"1165. Enjeux économiques et
politiques sont donc mêlés. Pour les auteurs, le débat est important en France:
"l'affaiblissement de la nationalité de l'entreprise irait avec celui de l'économie
nationale, en raison des risques de délocalisations, de perte de contrôle ou de retard
1157
     LALLEMAND Didier, "La défense économique", op.cit., p.117.
1158
     Et à des thèmes transversaux (protection des brevets, des dessins, des modèles).
1159
      La sécurité des matières sensibles (Décret n°81-512 du 12 mai 1982 et décret n°98-36 du 16
janvier 1998), la sécurité des systèmes d'information et de télécommunication.
1160
     Décret n°80-243 du 3 avril 1980, décret n°86-446 du 14 mars 1986 et décret n°93-1036 du 2
septembre 1993.
1161
     "Défense et intelligence économique : une nouvelle approche", site internet du HFD.
1162
      BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, Paris,
Commissariat général du Plan, La Documentation française, octobre 1999, 271 pages.
1163
     BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.258.
1164
     Il s'est réuni de septembre 1998 à juin 1999.
1165
      BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit.,
préface.
                                                   42
de croissance"1166. Malgré cette peur, les membres du groupe rappellent que depuis
les années 1990 les entreprises resserrent "leur partenariats stratégiques avec les
Etats-Nations". Les Etats-Unis ont fait figure de précurseurs. Dès 1993, l'Office of
Technology Assessment définit ce qu'est une firme américaine: "les firmes
multinationales devraient être considérée américaines si, et quand elles agissent
dans l'intérêt national, et, comme entreprises américaines, elles devraient être l'objet
d'une attention particulière"1167. La nationalité de l'entreprise se renouvelle par le
prisme d'une coopération avec la nation d'origine1168, traduite dans les faits par des
"stratégies combinées"1169. S'inspirant des conclusions du rapport, le service
d'"intelligence économique" propose sa propre grille d'analyse permettant d'apprécier
la nationalité d'une entreprise. Les principaux critères retenus sont la nationalité de
l'actionnaire, celle du dirigeant et son ancrage au sein du territoire national.


        Les réflexions sur l'évolution du concept de défense économique doivent donc
coïncider, selon Didier Lallemand, avec le contenu et l'organisation de la politique
économique générale actuelle. Il distingue trois cercles de responsabilités: le
traitement de situation de crise et la gestion de la sécurité publique, la "sécurité
économique" et le renforcement de la compétitivité de l'entreprise. La "sécurité
économique" fait intervenir l'Etat dans son rôle de régulateur des conditions de
concurrence, de surveillant de la bonne application des règles européennes et de
protecteur du patrimoine scientifique, technologique et commercial. Le renforcement
de la compétitivité des entreprises appelle le développement de l"'intelligence
économique", la maîtrise des savoir-faire et des technologies-clés et la coopération
entre pouvoirs publics, organisations professionnelles et chambres consulaires. Pour
Didier Lallemand, cette réflexion constitue un "puissant levier capable d'insuffler la
dynamique partenariale dont le pays a besoin à la fois pour mieux protéger ses
entreprises et donner une impulsion supplémentaire à leur développement
économique dans un contexte de concurrence exacerbée au niveau mondial"1170.

1166
     Commissariat général du Plan, Rapport du groupe présidé par Jean-François BIGAY, La nouvelle
nationalité de l'entreprise,op.cit. p.34.
1167
     Multinationals and the national interest: playing by different rules, OTA, US Congress, 1993.
1168
     BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.46.
1169
     "La nouvelle nationalité de la firme s'affirmerait à travers un espace économique national
mondialement projeté. Entreprises et nation, et les individus qui les composent, appartiennent, sur le
long terme à une même communauté de destin, coordonnant leurs intérêts communs via des
institutions plus ou moins mixtes dans l'espace mondial, à partir d'un territoire cœur", BIGAY Jean
François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.53.
1170
     Site internet du HFD.
                                                   43
Ce travail de réflexion sur les critères d'identification d'une "entreprise
nationale" est une première étape vers une clarification du contenu du discours sur la
protection du "patrimoine économique national". Pour protéger et défendre ce
dernier, il convient en effet auparavant d'en préciser ses contours et ses limites. De
même, parler de "protection" n'est pas suffisant, car l'efficacité de toute protection
dépend de la possession et de la mise en pratique de moyens techniques et juridiques.
La nécessité de protéger les entreprises de l'espionnage et des intrusions
électroniques soulève le problème d'une adaptation de la protection juridique. Le vote
d'une loi contre l'espionnage économique aux Etats-Unis et les clarifications d'une
commission temporaire du Parlement européen dans le cadre du débat sur le réseau
Echelon mettent en évidence les manques français et sonnent comme un
avertissement contre certaines pratiques des Etats-membres jugées contraires au droit
communautaire.




                                        44
B. Missions des services de renseignement et principes du Marché Unique.



        Outre-Atlantique, dès 1994, le directeur du FBI spécifiait que l'efficacité de
l'action de ses services de contre-espionnage était liée à la mise en place d'un
véritable arsenal juridique: "There are gaps and inadequacies in existing federal
laws which necessitate a federal statute to specifically proscribe the various acts
defined by economic espionage and address the national security aspects of this
crime"1171. Alors que l'Uniform Trade Secret Act1172 offrait une protection sur le plan
civil des secrets d'affaires, il n'existait aucune protection pénale des informations. En
mars 1994, le sénateur Cohen avait proposé un amendement au National
Competitiveness Act demandant la rédaction par le président des Etats-Unis d'un
rapport annuel sur la situation de l'espionnage réalisé par les concurrents américains.
Sa proposition ayant été reprise dans le cadre de loi d'allocation budgétaire1173 pour
les activités de renseignement de l'exercice fiscal de 19951174, un rapport est adopté
sur    la   "collecte     d'informations       économiques        étrangères      et   l'espionnage
industriel"1175. En 1996, le sénateur Cohen soumet un second projet qui vise à
amender le titre 18 de l'US Code "Les crimes et procédures criminelles" afin de
criminaliser les actes d'espionnage économique. Il s'agit, selon ce sénateur américain,
de "protéger la sécurité nationale en empêchant l'espionnage économique et en
promulguant le développement et l'utilisation légale d'informations économiques
confidentielles aux Etats-Unis, en les protégeant de tout vol, destruction ou
1171
     "FBI investigations demonstrate that economic espionage perpetrated by foreign governments,
institutions, instrumentalities and persons directed against the United States, establishments,
corporations or persons in the United States is a critical national security issue which requires both a
counterintelligence and law enforcement response. The FBI is in a unique position to address this
issue, utilizing the authorities and jurisdictions assigned to both the FBI's Foreign
Counterintelligence and Criminal Investigative Programs. Since the initiation of the FBI's Economic
Counterintelligence Program, the FBI has seen a 100 percent increase in the number of economic
espionage-related investigative matters, involving 23 countries. This increase is primarily due to
recent changes in the FBI's counterintelligence program and the concomitant emphasis on resources
and initiatives, but it also demonstrates that the problem is not a small one. In order to maintain the
health and competitiveness of critical segments of the United States economy, the development,
production and utilization of proprietary economic information must be safe-guarded", FREEH Louis
J., Directeur du FBI, Hearing on economic espionage, Before the House Judiciary Committee
Subcommittee on Crime, Congressional Hearing, 9 mai 1996.
1172
      Voir le développement de DUPRÉ Jérôme, Pour un droit de la sécurité économique de
l'entreprise, de l'espionnage industriel à l'intelligence économique, Doctorat d'Etat en droit, Tome 2,
novembre 2000, 383 pages, p.214-221 et WARUSFEL Bertrand, "Le loi américaine sur l'espionnage
économique", Droit et défense, 1997/1, pp.65-66.
1173
     Section 809, Intelligence Authorization Act for Fiscal Year 1995.
1174
     Section 809 , Intelligence Authorization Act for Fiscal Year 1995.
1175
     Annual report to Congress on Foreign Economic Collection and industrial Espionage, National
Counter intelligence Center, juillet 1995.
                                                    45
modification, détournement […] par des gouvernements étrangers, leurs agents ou
leurs instruments". Son projet intègre les "informations économiques confidentielles"
dans la catégorie des "biens, articles, marchandises", telle qu'elle est utilisée dans les
lois fédérales traitant du vol de propriété. Les personnes déclarées coupables de tels
délits encourent des amendes et des peines de prison importantes. La section 574 du
projet comporte une notion inédite et particulière "d'extraterritorialité", c'est-à-dire
que la loi s'applique aux activités menées sur le territoire américain, mais également
en dehors du territoire si le coupable est un citoyen américain, ou si la victime de
telles actions est propriétaire d'informations confidentielles. Simultanément à ce
projet de loi, les sénateurs Arlen Specter et Herbert Kohl déposent deux autres
projets sanctionnant l'espionnage économique dont seraient victimes les entreprises
américaines, Economic Security Act of 1996 et Industrial Espionnage Act of 1996.
Ils visent spécifiquement les actes d'espionnage économique perpétrés au profit des
entreprises et des agents étrangers, c'est-à-dire au profit direct ou indirect de
gouvernements étrangers. Cependant, le 11 octobre 1996, le projet de loi Cohen est
adopté sous le nom Economic Espionnage Act. Par rapport au projet initial, la loi
étend les sanctions contre les gouvernements étrangers aux acteurs privés.


        En France quelques juristes s'expriment sur l'insuffisance de la protection
juridique des informations économiques ou technologiques non classifiées. Comme
le souligne Bertrand Warusfel, l'espionnage mis en œuvre par des services de
renseignements d'Etat a toujours bénéficié, pour cause de "raison d'Etat", d'une
certaine impunité en droit public et en droit international. Par contre, les pratiques de
recherche d'information développées par des acteurs privés nécessitent un
encadrement juridique clair1176 car certaines techniques d'appropriation des
informations1177 relèvent d'actes condamnables et doivent être sanctionnées: violation
de la Loi informatique et libertés, violation de droits de propriété intellectuelle,
risque de poursuite en concurrence déloyale. Même libre d'accès, une information


1176
     WARUSFEL Bertrand, "Intelligence économique et droit", Cahiers de la fonction publique,
Dossier : l'intelligence économique, un nouveau métier pour l'administration?, Novembre 1995,
pp.13-15, p.13.
1177
     Dans la droite ligne des travaux de Bertrand Warsufel, Jérôme Dupré examine la question de la
limite des moyens acceptables pour obtenir de l'information par les professionnels de l'intelligence
économique, telle que la précision de son identité ou l'objet de son investigation, ou la non révélation
d'une intention, nommée "misrepresentation" (ou présentation erronée de soi, objet d'un débat aux
USA surtout parmi les membres de SCIP), in DUPRÉ Jérôme, "Intelligence économique et
responsabilité: la cas de la misreprésentation", Revue droit et défense, n°2, 1997, pp.60-63.
                                                   46
n'est pas toujours libre de droit en ce qui concerne son usage1178. Bertrand Warusfel
souligne ainsi que dans "l'état actuel des textes et de la jurisprudence, la sanction
juridique des atteintes à ce patrimoine devient très difficile dès que l'élément attaqué
n'est pas – ou ne peut pas être- protégé par la propriété industrielle"1179. De plus, le
nouveau Code pénal ne définit pas les mesures de protection des "intérêts
économiques" nationaux.


         Le Parlement européen se saisit du problème de l'existence d'un système
mondial d'interception des communications, dénommé "Echelon"1180, qui serait utilisé
à des fins d'espionnage industriel par les autorités américaines, avec la collaboration
de la Grande-Bretagne, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Dès
1988, dans un article intitulé Someone listening, paru dans l'hebdomadaire anglais
New Statesman, le journaliste britannique Duncan Campbell révèle au grand public
l'existence de ce réseau de surveillance. En 1996, un chercheur néo-zélandais Nicky
Hager souligne le rôle joué par son pays dans son livre Secret Power. New Zealand's
Role in the International Spy Network. A deux reprises, en 1998 et en 1999, le
Parlement européen, par l'intermédiaire du STOA, sollicite Duncan Campbell pour la
rédaction d'études sur la question1181. Utilisé durant la guerre froide pour intercepter
les communications soviétiques, les Américains soulignent que, désormais, Echelon
est devenu un moyen de lutter contre le crime organisé, les trafics, le terrorisme et la
corruption dans les grands contrats internationaux. Le 22 mars 2000, en réponse aux
accusations européennes, James Woolsey, ancien directeur de la CIA écrit dans le
Wall Street Journal Europe: "Eh oui, chers amis continentaux, nous vous avons

1178
     WARUSFEL Bertrand, "Intelligence économique et droit", op.cit., p.14.
1179
     WARUSFEL Bertrand, op.cit., p.6 et voir aussi WARUSFEL "Intelligence économique et droit",
Cahiers de la fonction publique, n°140, novembre 1995, pp.13-15.
1180
     Système mondial d'interception des communications établi par les Etats-Unis en collaboration avec
la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, sous la responsabilité de la
National Security Agency (NSA). Après l'attaque de Pearl Harbor par les Japonais, le gouvernement
américain décide avec l'accord des Britanniques de positionner un centre d'écoute à Bletchley Park en
Angleterre. En 1947, rejoints par le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ils formalisent leur
collaboration par un accord secret, le Pacte UKUSA. A partir de 1970, des stations d'écoute placées
dans les différents pays signataires (dont la plus importante est celle de Menwith Hill en Angleterre)
captent les signaux retransmis vers la terre par les satellites de type intelsat et immarsat. Le dispositif
est en mesure d'intercepter les communications téléphoniques, les fax et les messages électroniques.
Les écoutes concernent non seulement les réseaux de communication mais également les câbles sous-
marins et le réseau internet, la majorité des données, y compris les données européennes, transitant par
les Etats-Unis. L'ensemble des données ainsi captées est traité à partir de dictionnaires de mots clés
permettant d'extraire les messages présentant des mots clés sensibles.
1181
     STOA, Parlement européen, An appraisal of technologies of Political Control, Luxembourg, PE
166 499, 6 janvier 1998; STOA, Parlement européen, Development of surveillance technology and
Risk of abuse of economic Intelligence, PE 168.184, avril-mai 1999.
                                                  47
espionnés parce que vous distribuez des pots-de-vin. Les produits de vos compagnies
sont souvent plus coûteux, moins avancés sur le plan technologique, ou les deux à la
fois, que ceux de vos concurrents américains. En conséquence de quoi vous
corrompez beaucoup. Vos gouvernements sont tellement complices que dans
plusieurs pays européens les pots-de-vin sont encore déductibles des impôts". Le 12
avril 2000, George J. Tenet, directeur de la CIA, souligne lors d'une audition devant
la commission de contrôle des services de renseignement de la Chambre des
représentants que les Etats-Unis n'ont ni pour politique ni pour pratique de se livrer à
des activités d'espionnage pour procurer un avantage déloyal aux entreprises
américaines. Lorsqu'il s'agit d'informations portant sur la corruption, ces informations
sont transmises à d'autres services gouvernementaux, afin que ceux-ci puissent aider
les entreprises américaines.


        Le 13 avril 2000, les députés européens repoussent un projet de création d'une
commission permanente sur le sujet, mais établissent une commission temporaire le
5 juillet 2000. Le rapport1182 remis par cette commission en juin 2001 donne
l'occasion au Parlement européen de déterminer si certains actes des services de
renseignement dans le domaine économique sont compatibles avec le droit de
l'Union européenne. Dans la proposition de résolution, il est bien spécifié qu'il relève
des missions des services de renseignements à l'étranger de s'intéresser aux données
économiques telles que le développement de branches, l'évolution du marché des
matières premières et des marchés financiers, le respect des embargos, le contrôle et
le respect des livraisons d'armes et des dispositions relatives à l'approvisionnement
en biens à usage mixte, par exemple. Ainsi, la surveillance des entreprises exerçant
des activités dans ces domaines1183 est totalement justitifée pour des raisons de
garantie de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique et de la défense. S'agissant de la
compatibilité avec le droit de l'UE, il n'y a aucune contradiction avec ce dernier si un
système d'écoute est mis en œuvre par un service de renseignement, car les activités
de renseignement relevant de la sécurité des Etats ne sont pas couvertes par le Traité
CE et ne relèvent que du titre V du traité UE (PESC) qui ne contient encore aucune

1182
     Commission temporaire sur le système d'interception ECHELON Rapport sur l'existence d'un
système d'interception mondial des communications privées et économiques, (système d'interception
ECHELON) 2001/2098(INI), Parlement européen, PE 305.391, 11 juillet 2001. Rapporteur : Gerhard
Schmid, 149 pages.
1183
     "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des
communications privées et économiques", paragraphe O, in Rapport sur l'existence d'un système
d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.15.
                                              48
disposition en la matière. Par contre si des services de renseignement des Etats
membres utilisent leurs capacités ou mettent leurs capacités à disposition d'un autre
Etat, pour espionner des entreprises étrangères dans le but d'obtenir des avantages
concurrentiels pour les entreprises nationales, il y a infraction au droit
communautaire puisque ces activités ne sont pas en rapport avec la sûreté de l'Etat:
"si le système est utilisé de manière abusive pour espionner la concurrence, il y a
manquement à l'obligation de loyauté1184 et atteinte à l'idée d'un marché commun où
la concurrence est libre; si un Etat membre participe à une telle démarche, il viole le
droit de l'Union"1185. Une telle activité est contraire au principe du marché commun à
la base du traité CE, dans la mesure où elle équivaudrait à une distorsion de
concurrence1186. Dans ce contexte, la commission d'enquête constate que les services
de renseignement des Etats-Unis s'occupent non seulement de problèmes
économiques généraux mais aussi qu'ils interceptent des communications
d'entreprises lors de la passation de marchés et que le rôle de l'Advocacy Center du
Department of Commerce n'est pas toujours absolument clair1187. Pour l'heure,
l'organisation de la protection face aux activités des services de renseignements ne
relève que des systèmes juridiques nationaux1188. Les Etats-membres doivent donc
tout faire pour empêcher ce type d'espionnage en faisant appel aux services de police
et de contre–espionnage1189. La Commission propose une plus grande coopération des
services de renseignement, qui à l'avenir pourrait former un élément de la PESC:
"Aujourd'hui, l'Union européenne prend peu à peu un rôle qui est complémentaire à
celui des Etats nations. Il est exclu que les services de renseignements soient le
dernier ou le seul domaine à ne pas être touché par l'intégration européenne"1190.



1184
     Aux termes de l'article 10 du traité CE les Etats membres ont un devoir de loyauté générale et
doivent en particulier s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts
du traité.
1185
     "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des
communications privées et économiques", paragraphe F, in Rapport sur l'existence d'un système
d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.14.
1186
     Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et
économiques, op.cit., p.89.
1187
     "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des
communications privées et économiques", paragraphe P, in Rapport sur l'existence d'un système
d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.15.
1188
     Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et
économiques, op.cit., p.105.
1189
     Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et
économiques, op.cit., p.107.
1190
     Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et
économiques, op.cit., p.142.
                                                  49
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.
Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.

Weitere ähnliche Inhalte

Andere mochten auch

Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risques
Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risquesIntelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risques
Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risquesPierre Memheld
 
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy Pautrat
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy PautratIntelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy Pautrat
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy PautratBruno Racouchot
 
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup Industry
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup IndustryUpfront LP Survey of the Venture Capital & Startup Industry
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup IndustryMark Suster
 
Australian Digital Marketing Landscape 2016
Australian Digital Marketing Landscape 2016Australian Digital Marketing Landscape 2016
Australian Digital Marketing Landscape 2016Marketa
 
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedIn
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedInMeasuring Success on Facebook, Twitter & LinkedIn
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedInBrian Honigman
 
The Complete Starter Guide To Tumblr Marketing
The Complete Starter Guide To Tumblr MarketingThe Complete Starter Guide To Tumblr Marketing
The Complete Starter Guide To Tumblr MarketingViraltag Inc.
 
The Future Of Work & The Work Of The Future
The Future Of Work & The Work Of The FutureThe Future Of Work & The Work Of The Future
The Future Of Work & The Work Of The FutureArturo Pelayo
 
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?InterQuest Group
 
Mobile Is Eating the World (2016)
Mobile Is Eating the World (2016)Mobile Is Eating the World (2016)
Mobile Is Eating the World (2016)a16z
 

Andere mochten auch (10)

Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risques
Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risquesIntelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risques
Intelligence économique, déontologie, conformité et anticipation des risques
 
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy Pautrat
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy PautratIntelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy Pautrat
Intelligence économique et influence, le constat du préfet Rémy Pautrat
 
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup Industry
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup IndustryUpfront LP Survey of the Venture Capital & Startup Industry
Upfront LP Survey of the Venture Capital & Startup Industry
 
Australian Digital Marketing Landscape 2016
Australian Digital Marketing Landscape 2016Australian Digital Marketing Landscape 2016
Australian Digital Marketing Landscape 2016
 
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedIn
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedInMeasuring Success on Facebook, Twitter & LinkedIn
Measuring Success on Facebook, Twitter & LinkedIn
 
Plaquette A2IE Cabinet Investigations Intelligence Economique Boillot
Plaquette  A2IE Cabinet  Investigations  Intelligence  Economique  BoillotPlaquette  A2IE Cabinet  Investigations  Intelligence  Economique  Boillot
Plaquette A2IE Cabinet Investigations Intelligence Economique Boillot
 
The Complete Starter Guide To Tumblr Marketing
The Complete Starter Guide To Tumblr MarketingThe Complete Starter Guide To Tumblr Marketing
The Complete Starter Guide To Tumblr Marketing
 
The Future Of Work & The Work Of The Future
The Future Of Work & The Work Of The FutureThe Future Of Work & The Work Of The Future
The Future Of Work & The Work Of The Future
 
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?
[Infographic] How will Internet of Things (IoT) change the world as we know it?
 
Mobile Is Eating the World (2016)
Mobile Is Eating the World (2016)Mobile Is Eating the World (2016)
Mobile Is Eating the World (2016)
 

Ähnlich wie Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.

60 engagements pour la france
60 engagements pour la france60 engagements pour la france
60 engagements pour la franceMasse13-2012
 
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)Alain KHEMILI
 
Investissement public dans les PME
Investissement public dans les PMEInvestissement public dans les PME
Investissement public dans les PMEFondation iFRAP
 
l'intelligence économique
l'intelligence économiquel'intelligence économique
l'intelligence économiqueMarouaChetmi
 
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11Lettre d'actu IE ACFCI 10 11
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11VedoShare
 
Reconstruire notre économie
Reconstruire notre économieReconstruire notre économie
Reconstruire notre économieFondation iFRAP
 
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionales
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionalesLe Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionales
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionalesPARIS
 
Rapport entrepreneuriat-culturel
 Rapport entrepreneuriat-culturel Rapport entrepreneuriat-culturel
Rapport entrepreneuriat-culturelCRM Spectacle
 
201406 rapport entrepreneuriat-culturel
201406 rapport entrepreneuriat-culturel201406 rapport entrepreneuriat-culturel
201406 rapport entrepreneuriat-culturelechosentrepreneurs
 
Cles n°146, mondialisation, économie et territoires
Cles n°146, mondialisation, économie et territoiresCles n°146, mondialisation, économie et territoires
Cles n°146, mondialisation, économie et territoiresJean-François Fiorina
 
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014FactaMedia
 
Marque france acte_1
Marque france acte_1Marque france acte_1
Marque france acte_1Freelance
 
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023benj_2
 
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1leral
 
Présentation du lancement de la Silver Economie en France
Présentation du lancement de la Silver Economie en FrancePrésentation du lancement de la Silver Economie en France
Présentation du lancement de la Silver Economie en FranceVEZIN Fabrice
 
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014CRM Spectacle
 

Ähnlich wie Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics. (20)

L'Itinérant numéro 1141
L'Itinérant numéro 1141L'Itinérant numéro 1141
L'Itinérant numéro 1141
 
60 engagements pour la france
60 engagements pour la france60 engagements pour la france
60 engagements pour la france
 
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)
Inciter les PME à s’approprier l’intelligence économique (janvier 2017)
 
Investissement public dans les PME
Investissement public dans les PMEInvestissement public dans les PME
Investissement public dans les PME
 
l'intelligence économique
l'intelligence économiquel'intelligence économique
l'intelligence économique
 
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11Lettre d'actu IE ACFCI 10 11
Lettre d'actu IE ACFCI 10 11
 
Reconstruire notre économie
Reconstruire notre économieReconstruire notre économie
Reconstruire notre économie
 
Mécasphère 23 - Octobre 2012
Mécasphère 23 - Octobre 2012Mécasphère 23 - Octobre 2012
Mécasphère 23 - Octobre 2012
 
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionales
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionalesLe Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionales
Le Management Stratégique des régions Tome II: Les pratiques régionales
 
Rapport entrepreneuriat-culturel
 Rapport entrepreneuriat-culturel Rapport entrepreneuriat-culturel
Rapport entrepreneuriat-culturel
 
201406 rapport entrepreneuriat-culturel
201406 rapport entrepreneuriat-culturel201406 rapport entrepreneuriat-culturel
201406 rapport entrepreneuriat-culturel
 
Cles n°146, mondialisation, économie et territoires
Cles n°146, mondialisation, économie et territoiresCles n°146, mondialisation, économie et territoires
Cles n°146, mondialisation, économie et territoires
 
Dossier pressecomiteinterministeriel
Dossier pressecomiteinterministerielDossier pressecomiteinterministeriel
Dossier pressecomiteinterministeriel
 
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014
Discours d'A. Montebourg pour le redressement économique - 10/07/2014
 
Faisons respirer l'Ile-de-France
Faisons respirer l'Ile-de-FranceFaisons respirer l'Ile-de-France
Faisons respirer l'Ile-de-France
 
Marque france acte_1
Marque france acte_1Marque france acte_1
Marque france acte_1
 
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023
Rapport du sénat sur l'intelligence économique en 2023
 
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1
Lettre d’information de l’Ambassade de France au Sénégal n 1
 
Présentation du lancement de la Silver Economie en France
Présentation du lancement de la Silver Economie en FrancePrésentation du lancement de la Silver Economie en France
Présentation du lancement de la Silver Economie en France
 
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014
Dgmic guide entreprendre dans les industries culturelles 2014
 

Mehr von Terry ZIMMER

Le renseignement humain augmenté
Le renseignement humain augmentéLe renseignement humain augmenté
Le renseignement humain augmentéTerry ZIMMER
 
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneur
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneurEvaluation du régime de l'auto-entrepreneur
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneurTerry ZIMMER
 
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuitsIntroduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuitsTerry ZIMMER
 
Identités, traces et interactions numériques l'apport du renseignement inte...
Identités, traces et interactions numériques   l'apport du renseignement inte...Identités, traces et interactions numériques   l'apport du renseignement inte...
Identités, traces et interactions numériques l'apport du renseignement inte...Terry ZIMMER
 
La boîte à outils de l'Intelligence Economique
La boîte à outils de l'Intelligence EconomiqueLa boîte à outils de l'Intelligence Economique
La boîte à outils de l'Intelligence EconomiqueTerry ZIMMER
 
J.F. Kennedy remercie Allen Dulles
J.F. Kennedy remercie Allen DullesJ.F. Kennedy remercie Allen Dulles
J.F. Kennedy remercie Allen DullesTerry ZIMMER
 
De la pertinence des réseaux sociaux...
De la pertinence des réseaux sociaux...De la pertinence des réseaux sociaux...
De la pertinence des réseaux sociaux...Terry ZIMMER
 
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalisme
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalismeTwitter, gazouiller avec tact et professionnalisme
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalismeTerry ZIMMER
 
Intelligence Economique: Mode d'Emploi
Intelligence Economique: Mode d'EmploiIntelligence Economique: Mode d'Emploi
Intelligence Economique: Mode d'EmploiTerry ZIMMER
 

Mehr von Terry ZIMMER (10)

Le renseignement humain augmenté
Le renseignement humain augmentéLe renseignement humain augmenté
Le renseignement humain augmenté
 
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneur
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneurEvaluation du régime de l'auto-entrepreneur
Evaluation du régime de l'auto-entrepreneur
 
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuitsIntroduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits
Introduction - Mettre en place un système de veille avec des outils gratuits
 
Identités, traces et interactions numériques l'apport du renseignement inte...
Identités, traces et interactions numériques   l'apport du renseignement inte...Identités, traces et interactions numériques   l'apport du renseignement inte...
Identités, traces et interactions numériques l'apport du renseignement inte...
 
La boîte à outils de l'Intelligence Economique
La boîte à outils de l'Intelligence EconomiqueLa boîte à outils de l'Intelligence Economique
La boîte à outils de l'Intelligence Economique
 
J.F. Kennedy remercie Allen Dulles
J.F. Kennedy remercie Allen DullesJ.F. Kennedy remercie Allen Dulles
J.F. Kennedy remercie Allen Dulles
 
De la pertinence des réseaux sociaux...
De la pertinence des réseaux sociaux...De la pertinence des réseaux sociaux...
De la pertinence des réseaux sociaux...
 
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalisme
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalismeTwitter, gazouiller avec tact et professionnalisme
Twitter, gazouiller avec tact et professionnalisme
 
Intelligence Economique: Mode d'Emploi
Intelligence Economique: Mode d'EmploiIntelligence Economique: Mode d'Emploi
Intelligence Economique: Mode d'Emploi
 
Ttqtp
TtqtpTtqtp
Ttqtp
 

Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics.

  • 1. Chapitre 2. -------- Survivance de l'"intelligence économique" devant l'ambiguïté d'action des pouvoirs publics. Section 1. Pragmatisme du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Section 2. La formation et la sensibilisation: ultimes moyens de pérenniser l'"intelligence économique". 18
  • 2. En dépit des querelles interministérielles, le ministre de l'Economie et des Finances, Jean Arthuis, considère que l'Etat ne peut tirer que des bénéfices de l'"intelligence économique": "Utilisé comme levier de la réforme et de la modernisation de l'Etat, l'intelligence économique favorise la définition de politiques, de stratégies, la mise en cohérence, le développement d'outils, de modes d'organisation et de travail au sein du gouvernement et de l'administration"1039. Pour prouver la pertinence de ses propos, son ministère trace la voie. Premier concerné par les actions de promotion des intérêts nationaux à l'étranger, il lui revient de soutenir les entreprises, devenues l'élément moteur d'une économie ouverte sur l'extérieur. Entre les années 1996 et 1998, l'"intelligence économique" forme la base du discours sur la modernisation des deux éléments principaux du dispositif d'appui aux entreprises exportatrices du ministère de l'Economie et des Finances: la Direction des relations économiques extérieures (DREE) et le Centre français du commerce extérieur (CFCE). L'adoption d'un nouveau programme gouvernemental, "L'entrée de la France dans la société de l'information", marque l'éviction du vocable "intelligence économique" des discours mobilisateurs des responsables politiques. L'Etat continue cependant à soutenir les programmes régionaux et les diverses actions des collectivités territoriales. Cette caution étatique explique la survivance de l'expression "intelligence économique", toujours au programme de nombreux colloques, formations et séminaires. 1039 Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997. 19
  • 3. Section 1. Pragmatisme du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. "Forteresse inexpugnable"1040, chargé d'allouer les ressources, le ministère de l'Economie et des Finances et de l'Industrie bénéficie d'une véritable "puissance interministérielle"1041 par rapport aux autres départements ministériels. Ses représentants encadrent tous les processus de décision. Ils sont massivement présents, et ce, dès leur création, dans tous les comités et réunions interministériels qui siègent à Matignon1042. Dans le domaine international, ce ministère représente, avec le ministère des Affaires étrangères, un centre de décision incontournable. Alors que ce dernier détient le monopole des relations politiques avec les Etats étrangers, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a en charge l'analyse économique internationale, la gestion des crédits de soutien aux exportations et les relations avec les institutions financières internationales. Il gère plus de la moitié des crédits d'action extérieure et les deux tiers des crédits d'aide au développement. Plus précisément, dans le domaine économique international, il participe à l'accomplissement de deux missions principales. En premier lieu, la diplomatie économique dans un but d'information du gouvernement et de négociation et en second lieu, le soutien aux entreprises, qui passe par des aides ou des garanties financières, la promotion des produits français et les services d'informations aux entreprises. Comme le souligne Jean Picq, dans son rapport, L'Etat en France. Servir une nation ouverte sur le monde1043, la "défense des intérêts nationaux" est une mission essentielle de souveraineté, or "au-delà des tâches régaliennes traditionnelles que sont la diplomatie et la défense, il s'agit aujourd'hui de défendre nos intérêts économiques à l'étranger"1044. Cela implique d'engager une modification de l'action extérieure de l'Etat. 1040 QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, Paris, Seuil, 1991, 330 pages, pp.75- 77. 1041 QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, op. cit., pp.75-77. 1042 QUERMONNE Jean Louis, L'appareil administratif d'Etat, op.cit., pp.75-77. 1043 PICQ Jean (présidée par), L'Etat en France, servir une nation ouverte sur le monde, Paris, La Documentation française, 1995, 218 pages. 1044 PICQ Jean (présidée par), L'Etat en France, servir une nation ouverte sur le monde, op.cit., p.52. 20
  • 4. I. "Esprit de conquête" et "diplomatie économique active". Dès 1993, le président Clinton annonçait une rationalisation du dispositif d'appui aux entreprises à l'export et une mobilisation des agences fédérales et des diplomates à l'étranger sur le terrain de la "conquête des marchés", suivant en cela le slogan "US exports = US jobs". A partir de 1996, le président de la République et les représentants du gouvernement font également usage de slogans visant à mobiliser les loyautés actives1045. Lors de la conférence annuelle1046 des ambassadeurs de France, le président de la République prône "l'esprit de conquête"1047. Le ministre des Affaires étrangères en appelle à la mise en œuvre d'une stratégie de "diplomatie économique active"1048. Le ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur souligne les répercussions bénéfiques des exportations sur les emplois1049. Lors d'une autre manifestation, le ministre de l'Economie et des Finances invite les conseillers du commerce extérieur à faire preuve d'un "patriotisme économique sans complexe"1050. Ce dernier se sert de la thématique de l'"intelligence économique" comme levier de réforme du dispositif d'appui aux exportateurs de son ministère. La Direction des relations économiques extérieures (DREE) et le Centre français du Commerce extérieur (CFCE) sont les premiers concernés et les premiers à se convertir à "l'intelligence économique". 1045 BRAUD Philippe, L'émotion en politique, Paris, Presses de science politique, 1996, Chap II "La brèche du symbolique". 1046 Conférence organisée par le ministre des Affaires étrangères à Paris. 1047 Extraits d'une interview du Président Jacques CHIRAC, in Valeurs actuelles, 11 octobre 1996. 1048 "Les ambassadeurs de France auprès des PME", in Le Figaro, 30 août 1996. Voir aussi Entretien du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé DE CHARETTE avec La Revue "L'interconsulaire", Paris, DPIC Bulletin quotidien, 3 décembre 1996, pp.23-25. 1049 "Un milliard d'exportations permet la création ou la consolidation de mille emplois pendant trois ans. […] Ambassadeurs de la France, vous êtes aussi les ambassadeurs de l'économie française. […] Mobilisez tous votre expérience, votre talent, votre imagination aussi, au service de nos entreprises et donc de l'emploi en France", in "Pour doper les exportations. Jacques Chirac mobilise les ambassadeurs", in Le Figaro, 30 août 1996. 1050 "Commerce extérieur: exportation, un guichet unique pour les entreprises", in Le Figaro, 26 juillet 1996. 21
  • 5. A. DREE et CFCE: un lien renouvelé avec les entreprises. La DREE et le CFCE représentent les deux pièces maîtresses de l'ensemble des intervenants publics1051 et semi-publics destinés à appuyer les entreprises à l'export1052. La DREE prépare et met en œuvre la politique de la France en matière de relations économiques internationales et de soutien aux entreprises exportatrices. Elle gère l'ensemble des Postes d'expansion économique et se décline au niveau régional sous la forme de Directions régionales du commerce extérieur1053. Elle exerce une tutelle sur des organismes publics spécialisés et subventionnés1054 par l'Etat dont le Centre français du commerce extérieur1055, véritable centrale de diffusion d'information1056 de la DREE. En 1996, alors que le ministre de l'Economie et des Finances tente d'insuffler une dynamique au CCSE, son ministère lance une opération pilote d'aide à l'exportation en faveur des PME dans six régions1057 et sur quatre marchés1058 jugés prioritaires. Dans le même temps, les Postes d'expansion économique sont redéployés vers les pays dits "émergents"1059, en Amérique latine et en Asie. En dépit de l'échec du projet de constitution d'une "cellule stratégique de coordination" de l'ensemble des acteurs du dispositif public, rattachée directement à Matignon1060, pour cause de 1051 La quasi-totalité des ministères y participe avec toutefois la prédominance du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie par l'intermédiaire de sa Direction des relations économiques extérieures (DREE). 1052 En 1989, le réseau public d'assistance à l'exportation et les chambres de commerce ainsi que les organismes professionnels jettent les bases d'une nouvelle collaboration avec la signature d'une Charte nationale de l'exportation le 14 mars 1989 qui réclame "une plus grande cohérence entre les divers dispositifs employés par les signataires permettant d'informer en commun les entreprises". La Charte du développement international des entreprises signée le 25 juillet 1994, prolonge en lui donnant une nouvelle dimension la Charte conclue en 1989. Elle réunit à cette date 17 partenaires. La charte s'est affirmée comme un cadre de coordination entre les différents organismes. Elle met en place une instance unique de délibération et de réflexion, le Comité supérieur du développement international, qui traite de l'ensemble des questions internationales; et des groupes de travail ont été constitués sur des thèmes précis. 1053 24 Directions régionales du commerce extérieur. 1054 Le CFCE, le CFME Actim et la COFACE. 1055 Le CFCE est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par une loi du 27 septembre 1943 dont l'organisation et le fonctionnement sont régis par le décret du 4 mai 1960 modifiés à plusieurs reprises. 1056 Il informe les entreprises sur les procédures d'exportation, les marchés étrangers, les réglementations des échanges et des changes, les conditions d'implantation à l'étranger, les formalités relatives aux échanges extérieurs. A cet effet, il met à disposition des entreprises des centres de documentation, des publications spécialisées, des banques de données, la librairie du commerce international. 1057 Rhône-Alpes, Basse-Normandie, Poitou-Charentes, Alpes-Maritimes, Ile-de-France. 1058 Chine, Corée du sud, Malaisie, Brésil. 1059 La Chine, l'Inde, la Russie, l'Indonésie, la Corée, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud. 1060 "Notre diplomatie commerciale cible les pays émergents", in L'Expansion, 30 mai 1996. 22
  • 6. blocage du SGDN, les actions entreprises par le ministère de l'Economie et des Finances, représentent une première étape vers la création d'un "guichet unique pour toutes les demandes d'aides ou d'information des entreprises"1061, inspiré du modèle américain. Fin 1996, l"'intelligence économique" figure dans le nouvel organigramme de la DREE au sein de deux sous-directions. La troisième sous-direction "Environnement extérieur et intelligence économique"1062, à l'intérieur de laquelle une équipe est chargée du dossier "Intelligence économique et grands contrats", et la deuxième sous-direction "Appui aux PME et actions régionales"1063. Par cette réorganisation interne, l'établissement entend faire évoluer ses relations avec les entreprises et réaffirmer son rôle pilote dans le domaine des relations économiques extérieures. L'importance prise par les questions économiques dans les relations extérieures, fait craindre à la DREE un découpage, voir une absorption, d'une partie de ses missions par des "structures voisines"1064. Pour Jean-Christophe Donnelier, directeur de la troisième sous-direction, l'"intelligence économique", palliera le manque de coordination du travail de veille et d'analyse du réseau des PEE (aussi bien dans la phase amont de recueil de l'information que dans la phase aval de mise à disposition de l'information1065) et ce, grâce au développement de nouvelles méthodes de gestion et de circulation de l'information et à une coopération plus étroite avec les fédérations professionnelles et les départements ministériels concernés par le marché unique européen et les marchés des pays émergents. Ces nouvelles orientations devraient favoriser la mise en place dans les PEE d'une expertise sectorielle1066. Hubert Testard, auteur d'une étude interne sur le mode de traitement des PME par la 1061 "Commerce extérieur: exportation, un guichet unique pour les entreprises", in Le Figaro, 26 juillet 1996. 1062 Composée de trois bureaux, Etudes générales et analyse du risque pays, Structures et tendances du commerce extérieur et Union européenne. 1063 Décomposée en Orientation des entreprises et des actions régionales, Appui financier au commerce courant et investissement international, Coordination de acteurs du commerce extérieur. 1064 Un groupe de réflexion sur les métiers de la DREE souligne les "menaces qui pèsent sur la DREE " l'étendue de ses missions ainsi que leur visibilité croissante font peser une menace récurrente de "découpage" au profit de structures voisines. La Direction représente un réel enjeu institutionnel qui fait l'objet d'un intérêt croissant. De fait il a pu être question de manière informelle mais récurrente de procéder au découpage de ses fonctions régaliennes ou de son réseau", in Rapport du groupe de travail sur "le développement des approches transversales des métiers de la DREE", 23 octobre 1998. 1065 DONNELIER Jean-Christophe, "Contribution de la DREE au développement des outils d'intelligence économique", Défense nationale, n°60, décembre 1997-janvier 1998, pp.148-152. 1066 Rapport du groupe de travail sur "Le développement des approches transversales des métiers de la DREE", 23 octobre 1998. 23
  • 7. DREE et son réseau1067, note que si la DREE et les postes sont des "acteurs de ce nouveau marché (intelligence économique)", ce dernier n'existe pas encore faute d'une demande clairement exprimée et d'une offre embryonnaire. Il revient donc à l'institution de créer ce marché en mettant en place une vraie force de vente à Paris qui s'adressera en priorité aux grandes entreprises et aux grosses PME. Le CFCE revendique également une place sur ce marché en voie de création. Dès la fin des années 1980, le périodique du CFCE, Le Moci, proposait des dossiers spéciaux sur les sources d'information et les activités de veille. A partir de 1992, Le Moci publie fréquemment des articles sur "l'intelligence économique"1068. Souvent objet de remise en cause, pour lourdeurs de fonctionnement et hypertrophie de l'effectif, le CFCE cherche à donner l'image d'une organisation dynamique au service des entreprises, petites ou grandes. Ainsi, ses responsables intègrent-ils "l'intelligence économique" à leurs discours sur la nécessaire adaptation des structures. En novembre 1995, Pierre Letocart, directeur du CFCE, introduit la question tout en restant prudent: "je crois qu'il existe une démarche d'intelligence économique propre à des spécialistes qui peuvent être intérieurs à une entreprise ou extérieurs à elle. […] Notre objectif est de fournir aux acteurs économiques et plus spécialement aux entreprises, des informations utiles à leur développement international. […] Faisons nous de l'intelligence économique, je dirais volontiers que nous faisons de l'information internationale, qui avec certains clients, sur une base prédéfinie lorsque le type d'information recherchée est très clairement précisée, peut aller jusqu'à l'intelligence économique. Mais nous ne sommes pas à proprement parler des spécialistes de ce nouveau métier"1069. En 1996, au moment où la DREE s'approprie le sujet, il se montre plus incisif: "Le CFCE et plus largement, les Postes d'Expansion économique font de l'intelligence économique depuis longtemps, sous les aspects de veille marché et concurrentielle […] Il est l'un des outils de base du dispositif d'intelligence économique dans notre pays, au 1067 Rapport du groupe de travail sur le mode de traitement des PME par la DREE et son réseau, Publication du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, 23 octobre 1998, 35 pages. 1068 "L'intelligence économique: une arme stratégique", in Le Moci, 14 mars 1994; Dossier sur "l'information économique", mars 1995, pp.41-56; "Intelligence économique: s'informer pour gagner" dossier, in Le Moci, 2 mai 1996, pp.69-80; "Savoir utiliser l'intelligence économique", Le Moci, 22 janvier 1998, pp.79-80; "L'entreprise s'ouvre à l'intelligence économique", in Le Moci, 2 mars 1998, pp.65-66; "Intelligence économique et internet. Un outil stratégique pour les exportateurs", in Le Moci, 21 mai 1998, pp.69-75. 1069 LETOCART Pierre, "Entretien : Nous devons développer en France une culture de partage de l'information", Cahiers de la fonction publique, Dossier : l'intelligence économique un nouveau métier pour l'administration?, novembre 1995, pp.8-10, p.8 et p.9. 24
  • 8. service des acteurs publics et privés, car il est le seul à disposer de multiples canaux et formats"1070. Le lancement du site internet du CFCE, (dans le cadre du site internet du ministère de l'Economie et des Finances) publiant les études des postes d'expansion économique1071 et des bases de données, fait dire au ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur que le CFCE sera la "centrale d'intelligence économique de notre pays. […] C'est fondamental ! […] Grâce à ces adaptations, nous allons pouvoir recentrer le CFCE, […], sur sa véritable vocation, l'intelligence économique, sans double emploi avec les autres organismes"1072. La nomination de Jean-Daniel Gardère1073 à la tête de l'établissement, répond au souhait du secrétariat d'Etat au Commerce extérieur de recentrage de l'organisme sur sa mission principale d'apport aux entreprises et notamment aux PME, "d'une information pratique, rapide, fiable et immédiatement opérationnelle"1074. Pour Jean- Daniel Gardère, la réussite des entreprises d'un pays passe par une implication forte et concertée des pouvoirs publics et donc obligatoirement "par des politiques d'information commerciale et d'intelligence économique de plus en plus dynamiques et sophistiquées dont les instruments sont gérés directement ou supportés par les pouvoirs publics"1075. Les carences du dispositif public se répercutent, non pas sur les grands groupes qui disposent de moyens propres d'obtention de l'information1076, mais sur les PME. S'appuyant sur le rapport de Christian Sautter sur les "entreprises régionales d'envergure mondiale"1077 (EREM), Jean-Daniel Gardère établit une 1070 "Entretien avec Pierre Letocard", Le Moci, Dossier "Intelligence économique", 2 mai 1996, p.77 1071 En plus de ses bases de données Ciblexport et Export affaires. 1072 Exposé dans le cadre du projet de loi de finances devant la commission des finances du Sénat lors de la séance du 7 décembre 1996. 1073 Cette nomination fait suite à la rédaction par Jean-Daniel Gardère d'un rapport sur une réforme du CFCE. Voir GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE et l'évolution des organismes d'appui à l'exportation au regard du besoin d'information des entreprises sur les marchés extérieurs. Bilan de mise en œuvre et propositions opérationnelles, Rapport pour le Secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Washington, Paris, septembre 1997, 80 pages. 1074 Intervention de Jacques DONDOUX, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Forum de l'export, Chelles, 7 octobre 1997. 1075 GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE, op.cit., p.4. 1076 "Ce sont elles qui ont besoin, bien plus que les grands groupes et davantage que les firmes moyennes déjà mondialisées, d'informations de démarrage et d'accompagnement" GARDERE Jean- Daniel, La réforme du CFCE, op.cit., p.5. 1077 Distinction établie, naguère par Christian SAUTTER entre deux catégories d’entreprises: les EREM, entreprises régionales d’envergure mondiale (PME très performantes sur leur secteur de marché dotées d’une forte capacité exportatrice et déjà très internationalisées (le rapport de Christian Sautter estime leur nombre entre 1 500 et 3 000) les primo-exportateurs ( environ 40.000, les PME qui désirent exporter pour la première fois, mais également celles qui ont déjà eu l’occasion d’avoir une expérience sur des marchés étrangers, sans pour autant que cette expérience soit le fruit d’une véritable stratégie). In SAUTTER Christian, SARDAIS Claude, Une meilleure intelligence économique des PME françaises sur les marchés émergents, Rapport au ministre de l'Economie et des Finances, Inspection générale des finances, Paris, 1997. 25
  • 9. typologie1078 du profil des exportateurs qu'il confronte à leurs besoins en information: "primo exportateurs et très petites entreprises/Information de débroussaillage"1079; "PME/Information d'environnement ou market intelligence"1080; "EREM et entreprises expérimentées/Information stratégique ou Business intelligence"1081; "Grands groupes et entreprises mondialisées/Intelligence économique"1082. La nomination de Bernard Esambert1083, père de la "guerre économique", au poste de président du Conseil d'administration, doit contribuer également à donner au CFCE une image plus "offensive"1084. Ce dernier place au rang de priorité l'identification des besoins des PME-PMI en matière d'"intelligence économique" et suggère qu'à très long terme, les entreprises françaises consacrent 1% de leur chiffre d'affaires à l'"intelligence économique"1085. Eléments de langage utiles pour signifier une redynamisation et un rapprochement des entreprises de la DREE et du CFCE, l'adoption d'un Programme gouvernemental en faveur de l'entrée de la France dans la société de l'information (PAGSI) et la volonté du nouveau Premier ministre Lionel Jospin de limiter, voire de bannir l'usage par l'administration du vocable "intelligence économique", sont à l'origine de sa mise à l'index par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie au bénéfice de l'expression "d'information économique". 1078 GARDERE Jean-Daniel, La réforme du CFCE,op.cit., p.7. 1079 Données de base et statistiques, régimes d'importation et normes, listes de contacts, opportunités d'affaires. 1080 Etudes et orientations marché, questions juridiques et réglementaires, précautions et risques, méthodes d'approche, habitude de consommation et de distribution, préparations de missions. 1081 Recherche de partenaire, veille mercatique et concurrentielle, évolution des crédits publics et de la réglementation, déclenchement de grands projets, opportunité d'investissement et privatisations. 1082 Anticipation: des stratégies de concurrence, des appuis gouvernementaux, des risques politiques et de solvabilité, des négociations, accords commerciaux et sanctions: Préconisation : lobbyisme et réseaux de contacts. Voir aussi l'intervention de Jean-Daniel GARDÈRE: "Compétition commerciale et intelligence concurrentielle". 1083 Pour Bernard Esambert, "l'intelligence économique consiste pour l'Etat à créer un environnement favorable à ses entreprises et à les mobiliser; pour les entreprises à connaître leur situation sur le marché mondial, celle de leurs principales concurrentes, l'état de l'art dans leur domaine d'activité, enfin les caractéristiques économiques, sociales, politiques et culturelles de leur champ d'expansion. Au niveau de l'Etat il s'agit d'aider les entreprises à mieux appréhender les multiples facteurs mondiaux qui conditionnent le développement scientifique, technologique, industriel et économique. Les agences du secteur de renseignement doivent contribuer à ce recensement" in ESAMBERT Bernard, "Guerre économique mondiale et intelligence économique", Techniques avancées - numéro 41 - octobre 1997. 1084 "Le ministère des Finances passe à l'offensive dans l'intelligence économique", in La Tribune, 8 juillet 1998. 1085 Interview de Bernard ESAMBERT, "Intelligence économique, le bras armé des exportateurs", in L'interconsulaire, février 1999, p.16. 26
  • 10. B. De l'"intelligence économique" à l'"information économique". Depuis le lancement, aux Etats-Unis, des programmes liés aux "autoroutes de l'information", les rapports1086 se multiplient en France, sur l'urgence du soutien étatique en faveur d'un développement du contenu et des infrastructures. Dans le domaine de la diffusion de contenu, la circulaire du Premier ministre en date du 15 mai 1996 relative à la communication, à l’information et à la documentation des services de l’Etat sur les nouveaux réseaux de télécommunication1087 impose à l'ensemble des ministères de se doter de "produits d’information, de documentation et de communication" accessibles par Internet avant le 31 décembre 1997, l'objectif étant d'ouvrir un site internet dans un délai d'un an. En dehors de quelques ministères1088 et des services du Premier ministre, la directive est suivie de peu d'effets. Exerçant les fonctions de Premier ministre depuis le 2 juin 1997, Lionel Jospin, annonce le 25 août de la même année que le passage de la France dans la "société de l'information" est une des priorités du gouvernement1089. Il souligne qu' "au-delà de sa dimension technique, l'émergence d'une société de l'information représente en effet un défi politique". Il ne donne aucune définition précise du terme "société de l'information", mais énumère les principales raisons de son émergence: généralisation de l'usage des technologies et des réseaux d'information, rapidité du développement technologique et de son marché et mondialisation des flux 1086 SÉRUSCLAT Franck, Rapport sur quelques conséquences des nouvelles techniques d'information et de communication pour la vie des hommes: l'homme cybernétique?, Paris, OPECST, mars 1995; THÉRY Gérard, Les autoroutes de l'information, Paris, La Documentation française, 1995, 127 pages; MILÉO Thierry, Les réseaux de la société de l'information, Paris, Ed. Eska, septembre 1996, 228 pages; GUILLAUME Marc, Où vont les autoroutes de l'information ?, Paris, Descartes et Cie, 1997, 190 pages; LAFFITE Pierre, Rapport sur la France et la société de l'information : un cri d'alarme et une croissance nécessaire, Paris, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Tome I, 38 pages, Tome II, 144 pages, février 1997; MARTIN-LALANDE Patrice, Internet, un vrai défi pour la France, Rapport au Premier ministre, mai 1997; FALQUE-PIERROTIN Isabelle, Internet : enjeux juridiques, rapport au ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace et au ministre de la Culture, Paris, La Documentation française, 1997, 151 pages; JOYANDET Alain, HÉRISSON Pierre et TÜRK Alex, L'entrée dans le société de l'information, Rapport d'information du Sénat - septembre 1997; Conseil d'Etat, Internet et les réseaux numériques, Paris, La Documentation française, 1998, 266 pages. 1087 Journal officiel du 19 mai 1996, p. 7549 : chaque ministère devra se doter d'un site internet avant le 31 décembre 1997; site en .gouv.fr; contenu soumis au SIG et la CCDA suivant le contenu de l'information. Un arrêté du 16 mai 1997 portant modèle type de traitements d’information nominatives mis en oeuvre dans le cadre d’un site Internet ministériel (Journal officiel du 18 mai 1997, p. 7529) donne plus précisément les types d’information qui doivent se retrouver sur ces supports. 1088 ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ministère de l'Industrie, ministère des Affaires étrangères, ministère de la Culture. 1089 Discours tenu lors de l'inauguration de l'Université de la Communication à Hourtin. 27
  • 11. d'information. Le 16 janvier 1998, le Plan d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI) est adopté lors d'un premier Comité interministériel pour la société de l'information. Il entre en vigueur, cinq ans après l'initiative américaine, deux ans après la mise en place d'une politique nationale en Angleterre1090 et en Allemagne1091, et enfin quatre ans après la première Communication de la Commission européenne du Commissaire européen Martin Bangemann sur la "Société mondiale de l'information"1092. Martin Bangemann prévoyait le financement de grands projets d'équipements et la déréglementation du secteur des télécommunications. En 1994, l'adoption d'un plan d'action1093 sur la Société de l'information provoque la création un an plus tard de l'Information Society Project Office, chargé de coordonner les nombreux financements prévus dans le IVème et le Vème Programme cadre de recherche et développement. Depuis 1994, le thème de la "société de l'information" est devenu une pièce maîtresse de la stratégie de la Commission européenne dans le domaine économique et social, laquelle fait de la diffusion d'information par internet une priorité, aussi bien pour ses propres services et que pour les Etats membres. Le lancement en février 1995 du site officiel des Institutions européennes, Europa1094, lors du G7 sur le thème de la société de l'information, incite l'ensemble des institutions communautaires à poursuivre une politique active de diffusion de l’information sur leur fonctionnement et sur l'ensemble des sujets relevant de leur responsabilité1095. Les programmes ESPRIT, ISPO, INFO 20001096, tentent d'impulser cette même dynamique dans les Etats membres. Dans son introduction, le PAGSI spécifie que "L'information devient une richesse stratégique, une des conditions de notre compétitivité"1097. Parmi les six 1090 Juin 1996, l'Information Society Initiative. 1091 Info 2000. 1092 BANGEMANN Martin, La Société mondiale de l'information, Bruxelles, Communication de la Commission européenne, juin 1994. 1093 Action Plan, Europe's Way Towards the Information Society, Bruxelles, Commission européenne, juillet 1994. 1094 http://www.europa.eu.int. 1095 Le 9 février 1994, la Commission a en effet adopté un code de bonne conduite en matière d'accès du public à ses documents. 1096 COM(96)592 final 96/0283 CNS. Les quatre lignes d'action sont : la stimulation de la demande et la sensibilisation; l'exploitation de l'information du secteur public en Europe; la valorisation du potentiel multimédia européen; les actions de soutien. 1097 Préparer l'entrée de la France dans le société de l'information, Programme d'action gouvernemental, Paris, 16 janvier 1998, 80 pages, p.4. 28
  • 12. grandes priorités1098 du programme, la troisième porte sur "Les technologies de l'information au service de la modernisation des services publics"1099. Dans son discours de présentation, le Premier ministre rappelle que l'Etat étant le premier producteur d'information du pays, l'administration doit utiliser les réseaux de communication pour mieux diffuser les données publiques1100 et offrir de nouveaux services interactifs. Cela passe par une politique active de numérisation et de mise en ligne de données publiques. La quatrième priorité s'intitule "Les technologies de l'information, un outil primordial pour les entreprises". Outre la nécessité de l'utilisation des NTIC par les entreprises et les enjeux liés au développement du commerce électronique, cette ligne d'action contient une partie sur "L'information richesse et enjeu stratégique" pour l'entreprise. L'information et les connaissances y sont présentées comme des outils privilégiés et des conditions indispensables de la compétitivité des entreprises françaises1101: "les entreprises doivent prendre conscience de l'enjeu stratégique constitué par cette information et par les 1098 Les nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement; Une politique culturelle ambitieuse pour les nouveaux réseaux; Les technologies de l'information au service de la modernisation des services publics; Les technologies de l'information, un outil primordial pour les entreprises; Relever le défi de l'innovation industrielle et technologique; Favoriser l'émergence d'une régulation efficace et d'un cadre protecteur pour les nouveaux réseaux d'information. 1099 En effet la priorité 3 évoque le fait que les NTIC "offrent des perspectives particulièrement prometteuses pour la modernisation de l'État, qu'il s'agisse d'améliorer les relations avec les citoyens et les entreprises ou d'accroître l'efficacité de son fonctionnement interne. […] l'usage de technologies de l'information et de la communication et des nouveaux réseaux à l'intérieur de l'administration améliorent l'efficacité du travail et facilitent les échanges d'informations". Il est fait référence à une mission confiée à Jean-Paul BAQUIAST, contrôleur d'Etat et président de l'association Admiroutes (Association regroupant des fonctionnaires s'intéressant à titre privé à la modernisation de l'administration) par le ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation sur la contribution d'Internet à la modernisation de l'État. 1100 14 février 1994: Circulaire du Premier ministre sur la diffusion des données publiques : "pour exercer ses missions, l'administration collecte, enregistre, conserve et traite d'importantes quantités de données. Elle dispose ainsi d'une ressource qu'elle dit gérer dans le respect de ses missions en conformité avec les principes du droit public et dans l'intérêt du public. Dans cette perspective, les administrations ou services publics qui disposent d'informations non confidentielles, présentant un intérêt pour le public et notamment pour les entreprises, doivent pouvoir en envisager la diffusion"; 1995: ouverture du site AdmiNet; 10 juin 1995: Circulaire de M.BALLADUR relative à l'exploitation et à la conservation des rapports administratifs; octobre 1995: Ouverture du site du ministère des Affaires étrangères; mars 1996: Le Premier ministre Alain JUPPÉ demande aux administrations de mettre leurs données sur internet; 15 mai 1996: Circulaire du Premier ministre relative à l'ouverture des services d'information et de documentation des services de l'Etat sur l'Internet; 24 juin1996: lancement d'Admifrance par La Documentation française (Annuaires guide des services internet de l'administration française disponible sur internet); 3 juillet 1996: Circulaire relative aux publications administratives; octobre 1996: Ouverture du site internet du Premier ministre et du site du ministère des Finances; 28 janvier 1999 Circulaire relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur internet. 1101 "L'information sectorielle et technologique, les données économiques générales ou les opportunités d'affaires sur les marchés étrangers, les possibilités d'acquisitions ou de reprises d'entreprises en France comme à l'étranger, les manifestations économiques et commerciales constituent autant d'informations qu'il importe de mettre à la disposition des entreprises d'une manière simple, efficace et pertinente", in Préparer l'entrée de la France dans le société de l'information, Premier ministre, 1998, 40 pages, p.85. 29
  • 13. renseignements qu'une analyse attentive permet d'en retirer sur leur situation et leur objectif"1102. Le Premier ministre annonce que l'administration du commerce extérieur développera des systèmes permettant de répondre dans les meilleurs délais aux interrogations des entreprises et qu'un moteur de recherche sera mis à la disposition du public par l'ADIT. En tant qu'enjeu stratégique, l'information et les réseaux de communication doivent également être protégés1103 par une politique active menée par le ministère de la Défense. Afin d'adapter l'action du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie à ce nouveau contexte, le ministre confie à Patrick Lefas, directeur des affaires européennes et internationales de la Fédération Française des Sociétés d'Assurance, la présidence d'un groupe de réflexion sur "l'information économique et les nouvelles technologies"1104. Le groupe est chargé de réfléchir "de manière simple" aux enjeux de l'accès et de la maîtrise de l'information pour les entreprises notamment les plus petites d'entre elles, et d'analyser les "circuits de collecte, de traitement et de diffusion de l'information économique et technologiques" par les directions et services du ministère et des organismes dont il a la tutelle, enfin de faire des propositions visant à améliorer l'action du ministère en direction des petites entreprises. Jean Christophe Donnelier, directeur de la 3ème sous-direction Environnement extérieur et intelligence économique de la DREE, est nommé rapporteur du groupe. Tout en rappelant l'enjeu stratégique de la "maîtrise de l'information", la lettre de mission ne mentionne pas l'"intelligence économique": "L'environnement des entreprises dans un contexte d'ouverture des marchés et d'évolution technologique rapide est de plus en plus complexe. La maîtrise de l'information devient dès lors pour les sociétés et pour les administrations dont la mission est de les soutenir un enjeu stratégique". Cependant Patrick Lefas fait plusieurs propositions visant à remettre à l'ordre du jour une "politique nationale 1102 Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information, op.cit., p.5. 1103 "La circulation de plus en plus rapide d'une information sans cesse plus riche sur des réseaux ouverts et mondiaux, constitue à la fois un enrichissement considérable et une vulnérabilité accrue en particulier pour les technologies sensibles. La vulnérabilité recouvre des risques de nature différente, allant de la divulgation au grand public d'informations jusque là réservées aux atteintes à la protection des brevets. La mission traditionnelle de défense s'adapte à l'essor des réseaux d'information ouverts. Le ministère de la Défense consacre des moyens importants pour protéger les informations industrielles classifiées contre les risques d'espionnage industriel et d'intrusion liés aux technologies de l'information et de la communication", Préparer l'entrée de la France dans le société de l'information, op.cit.7. 1104 Lettre de mission datée du 5 décembre 1997, in Rapport LEFAS Information économique et nouvelles technologies. 30
  • 14. d'intelligence économique". Le rapport définit l'expression "information économique" comme des "données économiques et sociales de toute nature, nationales et internationales, utiles aux acteurs économiques"1105. Le groupe de travail propose l'élaboration d'une "politique de l'information économique numérique", sur le modèle des principaux concurrents de la France lesquels ont lancé des "plans d'action ambitieux dans le domaine de la société de l'information". Ces expériences étrangères mettraient en évidence d'une part, une perception des NTIC et de la détention d'informations économiques pertinentes en tant que "moyens de suprématie technologique et économique"1106; et d'autre part, la reconnaissance du rôle moteur de l'Etat1107. Les auteurs spécifient que cet éclairage de l'importance de "l'information économique" et des nouvelles technologies, peut contribuer à terme à renouveler et à rendre plus efficiente la "démarche d'intelligence économique"1108. En effet, compte tenu de la "nouvelle donne en matière de maîtrise des flux d'information numérisée"1109 et de la dynamique initiée par le PAGSI, le CCSE, qui ne se réunit plus, est une structure dépassée1110. Cette dernière n'a pu trouver sa place comme "conseil du gouvernement" du fait d'une approche trop ambitieuse mêlant les questions d'information, de protection du patrimoine français et d'influence internationale. Sortir de cette impasse réclame deux conditions: l'appropriation progressive par l'entreprise des NTIC et l'adaptation de "l'information économique" aux besoins de l'entreprise. La démarche "d'intelligence économique" aurait donc tout à gagner avec les NTIC: "C'est pour cette raison que nous croyons qu'une démarche d'intelligence économique trouvera réellement sa place dans l'entreprise que parce que les NTIC offriront des possibilités toujours accrues d'exploitation et que l'information économique ciblée sera acheminée directement à l'entreprise"1111. Sans redonner vie au CCSE, le 1105 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.2. 1106 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.86. 1107 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.90. 1108 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.7. 1109 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., pp.77-78. 1110 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.79. 1111 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.82. 31
  • 15. rapport préconise une nouvelle politique nationale dans ce domaine. Faut-il encore que cette dernière soit plus orientée vers la protection des connaissances, la lutte contre l'espionnage, la mobilisation du réseau des ambassades à l'étranger1112, et la constitution d'un "marché de l'intelligence économique". Le groupe présidé par Patrick Lefas élabore quatre grandes propositions: une réforme de la gestion interne de l'information économique au MEFI1113, une diffusion vers l'extérieur1114, une extension interministérielle de ces propositions1115 comprenant une redéfinition des missions du CCSE, une dynamisation directe du marché1116 de l'offre et de la demande d'information économique. Le CCSE nouvelle version pourrait être placé auprès du Commissaire au Plan et composé d'industriels de l'information, de praticiens et d'utilisateurs. L'objectif serait de conseiller le gouvernement sur les grandes évolutions de l'offre et de la demande d'information et sur les choix industriels, les plus adaptés aux enjeux de la concurrence internationale. Le SGDN est associé à ces travaux pour les questions touchant à la sécurité des systèmes centraux d'information et un représentant du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie1117. Ces propositions en faveur d'une transformation du CCSE restent lettres mortes. Le changement sémantique transparaît nettement dans les discours des secrétaires d'Etat chargé du Commerce extérieur et de l'Industrie. Le "nouveau dispositif d'enrichissement de la langue française"1118 participe également de cette éviction. Ce dispositif est censé encourager l'adaptation du vocabulaire français aux évolutions du monde contemporain principalement dans les domaines économiques, scientifiques et techniques. Cette révision s'est effectuée à partir d'éléments communiqués par la Délégation générale à la langue française et par la Commission spécialisée de terminologie et de néologie du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et avec l'aval de l'Académie française. La première liste de termes 1112 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.82. 1113 Mise en forme de l'information, restitution de l'information disponible à travers les démarches administratives, intranet MEFI. 1114 Ante serveur SESAME, système push, renforcer rôle d'intermédiation du CFCE, charte qualité, projets spécifiques sur des secteurs stratégiques et quelques entreprises. 1115 Redéfinition des missions du CCSE et mise en place d'une Task Force Industrie de l'information économique au sein du MEFI. 1116 1. Appui à l'émergence de l'offre privée aussi bien prestataires de services d'information économique par les NTIC que le développement d'outils techniques des NTIC; 2. sensibiliser les acteurs au caractère incontournable d'une utilisation stratégique de l'information économique. 1117 LEFAS Patrick (groupe présidé par), Information économique et nouvelles technologies, op.cit., p.116. 1118 Décret du 3 juillet 1996 sur un nouveau dispositif d'enrichissement de la langue française. 32
  • 16. date de 1973. Le 17 août 1998, une réactualisation paraît dans le Journal officiel. Le terme "Veille économique" est reconnu et placé dans le domaine de l'économie d'entreprise avec la définition suivante: "recherche, traitement, et diffusion (en vue de leur exploitation) de renseignements utiles à l'entreprise". Il a pour équivalent anglo-saxon "business intelligence". Une note précise que la "veille économique" comprend notamment la "veille à la concurrence" et la "veille au marché", lesquelles relèvent toutes deux des domaines de l'économie d'entreprise et des techniques commerciales. La "veille à la concurrence" renvoie à la recherche, au traitement, et à la diffusion (en vue de leur exploitation) de renseignements relatifs à la concurrence. Son équivalent étranger est "competitive intelligence". La "veille au marché" concerne la recherche, le traitement, et la diffusion (en vue de leur exploitation) de renseignements relatifs à l'environnement commercial de l'entreprise, avec comme équivalent étranger "marketing intelligence"1119. Dans cette même note une remarque porte sur l'expression "intelligence économique": "l'expression "intelligence économique" est impropre dans le domaine de l'économie d'entreprise". Le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, Jacques Dondoux, exprime clairement sa préférence pour le terme "information économique" à la place d'"intelligence économique": "le terme n'est pas heureux, je préfère parler plus simplement d'information économique. […] L'Etat a un rôle important à jouer dans ce domaine et doit mieux répondre aux besoins des entreprises"1120. Il inscrit les initiatives passées, telles que la création d'un ante serveur, le redéploiement des PEE, dans le cadre du PAGSI et d'une meilleure prise en compte de l'intérêt des nouvelles technologies1121: les NTIC permettent "d'avoir à portée de main et pour un faible coût une mine d'informations utiles pour le développement international des entreprises.[…] La maîtrise de l'information devient dès lors pour les sociétés et pour les administrations dont la mission est de les soutenir, un enjeu stratégique […]. Ces impératifs ont nourri des réflexions, souvent orientées par le concept "d'intelligence économique""1122. Quant au CFCE, son positionnement auprès des 1119 Termes, expressions et définitions du vocabulaire de l'économie et des finances, Journal officiel de la République française du 14 août 1998. 1120 Entretien du secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Technologies de l'information et concurrence internationale, Paris, Site Evariste, 18 décembre 1997. 1121 DONDOUX Jacques, "Les enjeux de l'information économique pour les entreprises", Cahier spécial "L'intelligence économique. L'information économique au service des entreprises", Revue des conseillers du Commerce extérieur, avril 1998, pp.1-6. 1122 Entretien du secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, "Technologies de l'information et concurrence internationale", Paris, Site Evariste, 18 décembre 1997. 33
  • 17. entreprises devrait être facilité par l'usage des NTIC: "J'accorde un intérêt particulier au renforcement de l'information économique diffusée sur internet[…] Je souhaite que nos PME en profitent pleinement pour leur développement international. […] La transformation rapide des technologies de l'information et de la communication et des modes de collecte et d'accès à l'information procurent enfin au CFCE un rôle essentiel dans le dispositif public d'appui au Commerce Extérieur. […] C'est une chance pour le CFCE qui trouve ainsi naturellement sa place dans l'évolution de notre société"1123. La DREE se restructure une nouvelle fois. L'"intelligence économique" n'est plus. La 3ème sous-direction Environnement extérieur et intelligence économique est remplacée par la 5ème sous-direction Information économique1124. Dans cette dernière, un bureau "veille économique stratégique" est chargé de la mise en place et du suivi d'un réseau de veille thématique et sectorielle1125 visant à rationnaliser les PEE en plaçant, sur des secteurs prioritaires et dans des pays clefs, des correspondants à l'expertise reconnue sur un sujet donné. Le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christian Pierret, fait du champ d'action de "l'information économique" l'un des moyens favorisant un nouveau rapport de l'Etat avec les entreprises, le but n'étant pas d'appliquer une "politique industrielle", mais plutôt "de favoriser la mise en œuvre des stratégies définies par les entreprises elles- mêmes"1126 tout en adaptant les services publics au nouveau contexte européen et mondial: "Oui, il y a une place pour une intervention de l'Etat dans le champ économique […] Dans des échanges internationalisés, l'industrie française conservera sa place en recherchant des avantages compétitifs. Ceux-ci seront efficacement fondés sur la compétitivité hors prix, la qualité et l'innovation"1127. Il donne de son département ministériel l'image d'"un centre de ressources et de conseil"1128 qui pratique la "veille économique concurrentielle"1129. Lors d'un grand colloque sur le thème "Quelles stratégies industrielles pour aborder le XXIème 1123 DONDOUX Jacques, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Vœux au CFCE, 21 janvier 1998. 1124 Subdivisée en quatre bureaux: Marchés émergents, Echanges et investissements, Veille économique stratégique, Réseaux et diffusion. La sous direction "appui aux PME" disparaît au profit d'une "mission PME" rattachée directement au directeur. 1125 Energie, NTIC, environnement, infrastructures, technologie du vivant, distribution. 1126 Intervention de Christian PIERRET, secretaire d'Etat à l'Industrie, lors de la présentation du projet de budget pour 1999, le 13 novembre 1998. 1127 Intervention de Christian PIERRET, op.cit. 1128 Intervention de Christian PIERRET, op.cit. 1129 Intervention de Christian PIERRET, op.cit. 34
  • 18. siècle?"1130, Christian Pierret emploie également le terme de "veille informative" associée à celui d' "intelligence économique": "Prendre le parti du mouvement, c'est aussi adopter celui de la veille informative pour les entreprises. Cela passe par l'identification des enjeux stratégiques: les marchés clés, les technologies clés, la veille concurrentielle sur les politiques des autres pays industriels. Par la veille informative, les entreprises réduisent l'incertitude, elles assument - en les maîtrisant davantage - les risques qui définissent leur activité, et elles peuvent développer de fructueuses coopérations. Mon département ministériel va développer cette veille informative, l'intelligence économique, dans un esprit de service aux entreprises"1131. Si le changement de ton et de vocable est net au sein de l'administration centrale, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie continue à apporter son soutien aux "opérations régionales d'intelligence économique" à destination des PME. Le secrétariat d'Etat chargé du Commerce extérieur co-signe avec le préfet de la région Basse-Normandie et le président du Conseil régional de Basse-Normandie une convention "pour le développement de l'intelligence économique et l'internationalisation des PME en Basse Normandie"1132, opération pilote régionale visant à détecter les "entreprises régionales d'envergure mondiale" (EREM), à cibler leurs besoins en information et à y répondre1133. La convention met en pratique l'une des quatre priorités du Schéma régional d'intelligence économique de Basse Normandie. De même, au sein du secrétariat d'Etat à l'Industrie, la direction de l'Action régionale et de la petite et moyenne Industrie apporte son soutien à certaines initiatives régionales et contribue à un échange d'expériences1134. Depuis le lancement d'opérations d'"intelligence économique" dans les régions françaises, la Commission européenne participe financièrement à quelques 1130 Colloque "Quelles stratégies industrielles pour aborder le XXIème siècle", 14 décembre 1998, Centre de conférences Pierre Mendès-France. 1131 PIERRET Christian, Conclusion du colloque, op.cit, 14 décembre 1998. 1132 Convention "pour le développement de l'intelligence économique et l'internationalisation des PME en Basse Normandie" entre le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, le préfet de région Basse-Normandie et le président du Conseil régional de Basse-Normandie, Caen, 10 juillet 1998, 3 pages. 1133 Après avoir sélectionné 15 entreprises, la DREE (par ses DRCE et PEE), la DAR PMI, la DRIRE, l'ANVAR et l'ADIT engagent "au profit des entreprises candidates une démarche approfondie de prospection et de recherche d'information ciblée sur les marchés et technologies visés". La préfecture et le conseil régional mobilisent les financements et assurent la coordination de l'opération et son évaluation. 1134 Par exemple avec la publication Intelligence économique. Outils et méthodes développés en PMI, Paris, DARPMI, janvier 2001, 320 pages, suite à un opération menée en Bourgogne. 35
  • 19. initiatives sans que cette aide ne fasse l'objet d'un programme spécifique et ce, jusqu'à l'adoption du 5ème Programme cadre de recherche et développement technologique de la période 1998-2002. Suivant le souhait du Commissaire européen Edith Cresson, une ligne d'action spécifique y figure: "J'ai souhaité que l'intelligence économique bénéficie d'une attention plus importante encore dans l'action future de l'Union. L'intelligence économique est donc l'un des thèmes d'un des programmes du 5ème PCRD pour les années 1998-2002"1135. Cependant, les changements d'intitulé reflète l'évolution du contexte politique en France. C'est au sein d'une sous-partie du programme horizontal "Promotion de l'innovation et encouragement de la participation des PME" relative aux "mesures d'accompagnement" visant à faciliter la participation des PME aux programmes de recherche de l'UE, que figure une action spécifique dénommée "Information économique et technologique": "L'objectif est d'utiliser des sources existantes pour identifier les besoins des PME et anticiper les tendances commerciales et technologiques. Les intermédiaires, services et réseaux d'information existants seront utilisés pour fournir aux PME des informations et analyses les aidant à répondre à ces besoins et les orientant vers les instruments communautaires les mieux adaptés"1136. Une annexe contient de courtes descriptions des futurs appels à propositions, dont une sur "L'information économique et technologique" suivi par l'Unité PME et innovation de la Direction générale XII-pour la science, la recherche et la développement. L'appel à propositions paraît sous ce titre au Journal Officiel des Communautés européennes1137 le 23 avril 1999 alors que dans la version anglaise les rédacteurs privilégient "Economic and technological intelligence"1138. L'action est décrite ainsi "des mesures d'accompagnement peuvent être octroyées aux réseaux, services et intermédiaires d'information faisant des propositions afin de fournir aux PME des informations et une assistance et de les orienter vers les instruments communautaires ou autre les plus appropriées". Sont concernés le réseau des points de contacts nationaux, les fédérations industrielles et les agences de développement régional ainsi que les 1135 Question à Edith Cresson, Interview donnée par Jacqueline SALA, Veille, n°18, octobre 1998. 1136 Voir p.10 du programme de travail Promotion de l'innovation et encouragement de la participation des PME, Commission européenne, 1999. 1137 Appel à propositions pour des mesures d'accompagnement dans le contexte du programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration intitulé "Promotion de l'innovation et encouragement de la participation des petites et moyennes entreprises (PME) (1998- 2002)", JOCE, 23 avril 1999, C 112/35. 1138 Call for proposals for accompanying mesures publisehd by the specific programme for research, technological developement and demonstration on promotion of innovation and encouragement of SME participation (1998 to 2002), OJEC, 23 avril 1999, C 112/35. 36
  • 20. réseaux classiques d'assistance de l'UE , Centre de recherche et d'innovation, Euro- Info Centres et associations de participants à la recherche. Par contre, une brochure d'information spéciale liée à cet appel à propositions et publiée par la DG XII reprend l'expression "intelligence économique et technologique" en lieu et place d"Information économique et technologique". A partir de 1998, le centrage de l'"intelligence économique" sur les aspects développement international et promotion des exportations glisse vers les aspects défense économique et sécurisation des systèmes d'information avec la création d'un service dédié à l'"intelligence économique" sous la responsabilité du Haut fonctionnaire de Défense du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Le débat sur le réseau "Echelon" donne l'occasion au Parlement européen de souligner les faiblesses du dispositif juridique des Etats membres visant à lutter contre le vol d'informations et de démontrer que l'échange d'informations entre services de renseignement d'Etat et entreprises pour l'obtention d'un contrat est contraire au droit communautaire. Au-delà de la volonté du gouvernement de Lionel Jospin d'adopter une forme de discours plus modérée sur les relations économiques internationales et sur le rôle de l'Etat, cette clarification du Parlement européen disqualifie les propositions des premiers instigateurs de l'"intelligence économique" en faveur d'une "intelligence globale". 37
  • 21. II. L'"intelligence économique" rattrapée par la réalité de la construction communautaire. Avant l'arrivée d'un nouveau gouvernement et son replacement par Dominique Strauss-Kahn en juin 1997, Jean Arthuis s'était à plusieurs reprises exprimé sur le rôle de ses services dans la mise en œuvre de la défense économique en temps de paix. Ainsi concevait-il la défense économique comme un moyen de rendre compatible "la préservation de notre communauté nationale, en particulier sa cohésion sociale, et l'ouverture au monde de notre économie"1139. Ce concept lui paraîssait "parfaitement adapté aux défis de la compétition internationale"1140, et il incluait celui d'"intelligence économique". Le 2 novembre 1998, Didier Lallemand est nommé Haut fonctionnaire de Défense du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, avec dans ses missions celle d'impulser et de coordonner les actions de sensibilisation des entreprises à l'"intelligence économique". A. "Intelligence économique" et défense économique en pratique. Dès sa prise de fonction, Didier Lallemand expose sa conception d'une imbrication de la défense économique et de "l'intelligence économique": "la défense économique, avec son alter ego, l'intelligence économique, tendent à structurer de plus en plus les concepts et les actions des missions imparties au haut fonctionnaire de défense, au point d'irriguer la quasi totalité de ses autres fonctions"1141. Il crée un Service de l'intelligence économique1142, auquel il donne une double mission. La première consiste en une mission d'adaptation concrète pour les entreprises des orientations établies à la suite des réflexions menées jusqu'à présent de façon très générale; faisant en sorte que les entreprises disposent de services de haut niveau dans ce domaine. La seconde mission comporte la mise en place d'un dispositif d'ensemble pour le ministère et un rôle de conseil auprès du ministre et des directions du ministère. Les actions du service sont relayées en régions par le réseau des chargés 1139 Propos de Jean Arthuis cité dans SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense économique", op.cit., p.18. 1140 Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997. 1141 LALLEMAND Didier, "Au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie", Dossier "Quel avenir pour la sécurité intérieure?", Défense nationale, mai 1999, pp.53-59, p.55. 1142 Le service de défense économique et de planification, le service du contrôle des matières premières nucléaires et sensibles, le service de la sécurité des systèmes d'information et des télécommunications, le commissariat aux télécommunications, le service de l'intelligence économique. 38
  • 22. de mission de défense économique déployé auprès des trésoriers payeurs généraux de région. Ainsi, pour le Haut fonctionnaire de Défense, cette mission "intelligence économique" "recouvre des aspects offensifs, tels que la mise à disposition des entreprises des nombreuses informations ouvertes détenues par le ministère, et des aspects défensifs indissociables de la défense économique (protection du patrimoine économique, sécurité du fonctionnement de l'économie) ou de la sécurité des système d'information"1143. Didier Lallemand tente ainsi de clarifier les choses en tenant compte des réflexions antérieures et du rapport de la mission présidée par Patrick Lefas. Précédemment, Jean Arthuis avait demandé au Commissariat général du Plan de réfléchir à l'évolution du champ d'action de la défense économique dans le double contexte de la "guerre économique et de la construction européenne"1144. Jean-Louis Levet saisit cette occasion pour remettre au premier plan le terme de "sécurité économique". Dans son rapport De la défense économique à la sécurité de l'économie1145, il propose un élargissement du concept de "défense économique" à celui de "sécurité économique" entendu en ces termes: cela "consiste à veiller à ce que les moyens, connaissances ou informations, permettant de préserver les intérêts essentiels de la Nation soient conservés sous le contrôle français et qu'ils soient développés et adaptés en permanence à l'évolution du contexte et des risques géoéconomiques mondiaux"1146. Les "intérêts économiques essentiels de la Nation" renvoient aux intérêts qui "mettent en jeu l'existence ou l'intégrité actuelle ou future des institutions ou des citoyens. Ces intérêts majeurs supposent la maîtrise d'un certain nombre d'activités stratégiques et de champs tels que le patrimoine scientifique et technologique, l'identité culturelle nationale ou l'emploi. Ils peuvent être de nature scientifique, technique, commerciale, financière, culturelle ou sociale"1147. En temps de paix, la "sécurité de l'économie" consiste donc en la maîtrise des intérêts essentiels de la nation1148 et en un déploiement d'une capacité d'influence et d'anticipation. Dans ces deux dimensions, l'Etat doit impérativement 1143 "L'intelligence économique, une condition de survie pour les enrteprises", Cahiers industries, février 2001, n°64, Dossier "L'intelligence économique", p.11-21, p.13. 1144 Conférence donnée par le ministre de l'Economie et des Finances Jean ARTHUIS, "L'économie française, les enjeux de la défense", IHEDN, lundi 3 février 1997. 1145 LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, Paris, Commissariat général du plan, mai 1997, 60 pages. 1146 LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., p.37. 1147 LEVET Jean-Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., p.37. 1148 Activités jugées stratégiques, patrimoine scientifique et technique, savoir-faire. 39
  • 23. continuer à jouer un rôle d'opérateur et de coordonnateur suivant en cela l'exemple de la plupart des pays développés (notamment Suède, Allemagne, Japon, Italie, Etats- Unis) qui ont intégré, "chacun à leur façon l'approche géoéconomique dans leurs stratégies respectives"1149. Pour Jean-Louis Levet, l'introduction de la notion de "sécurité économique" nécessite une modification des textes de loi relatifs à la défense économique. A la place de la Commission permanente de défense économique se tiendrait une Commission interministérielle pour la défense économique et la sécurité économique (composée du ministre chargé des affaires économiques, du commissaire au plan, du chef d'état-major général de la défense nationale et des principaux ministères), la Commission régionale de défense économique deviendrait la Commission régionale de défense et de sécurité économique, et les Hauts fonctionnaires de défense des Hauts fonctionnaires de défense et de sécurité économique. Concernant les aspects liés à l'"intelligence économique", cette commission interministérielle devra travailler de concert avec le CCSE. Des responsables de la défense économique en région s'interrogent également sur l'évolution de leur métier et sur la pertinence du lien entre "intelligence économique" et défense économique. Des "Assises de la compétitivité et de la sécurité économique" sont organisées par le secrétariat général de la Zone de défense Nord1150. Distinguant le volet offensif1151 et le volet défensif1152 de l'"intelligence économique", Guy Sallerin, trésorier-payeur général de la région Nord-Pas de Calais, estime que le second volet est de nature à enrichir les investigations de défense économique liées aux vulnérabilités des structures des organisations et du patrimoine scientifique et technologique, ainsi qu'aux déséquilibres de l'environnement. Il peut également être utile à la mise en place d'un partenariat entre l'administration et les entreprises visant à faciliter la connaissance des marchés et des circuits de production et de distribution. Ce partenariat sera facilité par la création d'un "réseau déconcentré maillant le territoire afin de promouvoir un système de traitement et de gestion des 1149 LEVET Jean Louis, De la défense économique à la sécurité de l'économie, op.cit., pp.14-15. 1150 Assises de la compétitivité et de la sécurité économiques, organisée par le Secrétariat général de la Zone de défense Nord, Lille, 19 septembre 1997. 1151 Organisation de la recherche d'information économique au service des entreprises nationales. 1152 Protection des entreprises nationales contre le renseignement économique des puissances étrangères, des concurrents étrangers et de tous ceux qui le conduisent en ayant recours à des moyens illégaux. 40
  • 24. données à dominante économique"1153. Parmi les initiatives1154 proposées au niveau zonal et des CRDE, figure en bonne place la promotion de l'"intelligence économique". De plus, dans le cadre de la préparation d'un conseil de défense et de la sécurité intérieure, les représentants du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie conviennent d'une définition de la défense économique: "l'ensemble des mesures et dispositions ayant pour objet: la maîtrise, sinon la supression des vulnérabilités du potentiel économique et scientifique ainsi que la protection et la promotion des intérêts économiques nationaux, dans le cadre de la compétion internationale; en temps de crise, la bonne disponibilité des ressources et le fonctionnement le plus rationnel de l'économie"1155. A partir de ce travail antérieur de définition, Didier Lallemand différencie la "défense économique" de "l'intelligence économique" car les moyens et les actions ne sont pas du même ordre: "si l'un et l'autre concourent aux mêmes buts – la puissance de notre économie – leurs moyens et les actions dont ils nécessitent la mise en œuvre sont sensiblement différents"1156. Le domaine de l'"intelligence économique" conjugue deux notions: "information économique" et "intelligence stratégique". La première concerne les entreprises et le secteur privé et vise selon lui à répondre à "une question simple, mais ample": "comment une entreprise peut-elle chercher, trouver et exploiter la bonne information économique, grâce notamment à l'utilisation des NTIC ?". En terme d'actions, cela renvoie à la sensibilisation des entreprises et à la constitution d'une offre privée de services performants ainsi qu'à la mise à disposition des entreprises des informations dont disposent les pouvoirs publics. En revanche, seul l'Etat et les grandes entreprises ou organisations sont concernés par "l'intelligence stratégique" qui consiste "à déterminer la façon dont doit s'organiser une grande structure pour que l'information, notamment économique, circule bien (Intranet) et qu'ainsi les décideurs, chacun à leur niveau 1153 SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense économique", op.cit., p.18, citant en cela les propos du ministre de l'Economie Jean Arthuis. 1154 Sensibilisation des milieux économiques, administratifs et élus et écoles; recensement des besoins prioritaires d'informations économiques et des structures de coordination; recensement des vulnérabilités sur le patrimoine scientifique et économique et des formes d'agression, contribution à l'élaboration d'orientation stratégiques communes et à la répartition des travaux propres à promouvoir l'intelligence économique entre les institutions publiques et privées susceptibles d'y être associées", in SALLERIN Guy, "Intelligence économique et défense économique", op.cit., p.19. 1155 DUPONT DE DINECHIN Yves, "Sécurité économique et défense économique", Défense nationale, novembre 1998, pp.68-72, p.70-71. 1156 LALLEMAND Didier, "La défense économique", Les Cahiers de Mars, Dossier: "Du renseignement militaire à l'intelligence économique", septembre 1999, pp.116-123, p.117. 41
  • 25. puissent prendre des décisions "éclairées". Ceci suppose un travail en réseau reposant sur un intranet et si nécessaire une évolution de l'organisation"1157. Dès lors une réorientation de la défense économique dépend avant tout des réponses à certaines interrogations nouvelles: comment définir le patrimoine économique national? Quelle attitude adopter quand une entreprise étend ses ramifications à l'étranger dans des cas de sous traitance, de conception commune et donc de partages de secrets commerciaux? Comment l'Etat peut–il étendre sa protection à l'innovation en général1158 et lutter contre certaines formes de contrefaçons? Enfin, face au développement exponentiel des NTIC, comment réduire la vulnérabilité nouvelle des entreprises? Sur ce dernier point, le Haut fonctionnaire de Défense s'est vu confier au cours des années 1990 des nouvelles responsabilités1159 parmi lesquelles la sécurité des systèmes d'information et de télécommunication1160. Cependant, l'ensemble de ces questions est lié à une clarification de la définition d'une "entreprise nationale"1161. En effet, le service du Haut fonctionnaire de Défense du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie s'inspire des conclusions d'un rapport demandé par le Premier ministre au Commissariat général du Plan sur la "nouvelle nationalité de l'entreprise"1162. Ce rapport veut donner des orientations pour une politique des pouvoirs publics sur l'environnement général des firmes et sur les "stratégies combinées de l'Etat et des entreprises"1163. Jean-François Bigay est président du groupe, et Jean-Louis Levet rapporteur général1164. Les recommandations s'inscrivent dans le cadre d'une recherche d'une nouvelle nationalité alliant "le respect des valeurs fondatrices de la nation française et les composantes impératives de l'efficacité économique"1165. Enjeux économiques et politiques sont donc mêlés. Pour les auteurs, le débat est important en France: "l'affaiblissement de la nationalité de l'entreprise irait avec celui de l'économie nationale, en raison des risques de délocalisations, de perte de contrôle ou de retard 1157 LALLEMAND Didier, "La défense économique", op.cit., p.117. 1158 Et à des thèmes transversaux (protection des brevets, des dessins, des modèles). 1159 La sécurité des matières sensibles (Décret n°81-512 du 12 mai 1982 et décret n°98-36 du 16 janvier 1998), la sécurité des systèmes d'information et de télécommunication. 1160 Décret n°80-243 du 3 avril 1980, décret n°86-446 du 14 mars 1986 et décret n°93-1036 du 2 septembre 1993. 1161 "Défense et intelligence économique : une nouvelle approche", site internet du HFD. 1162 BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, Paris, Commissariat général du Plan, La Documentation française, octobre 1999, 271 pages. 1163 BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.258. 1164 Il s'est réuni de septembre 1998 à juin 1999. 1165 BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., préface. 42
  • 26. de croissance"1166. Malgré cette peur, les membres du groupe rappellent que depuis les années 1990 les entreprises resserrent "leur partenariats stratégiques avec les Etats-Nations". Les Etats-Unis ont fait figure de précurseurs. Dès 1993, l'Office of Technology Assessment définit ce qu'est une firme américaine: "les firmes multinationales devraient être considérée américaines si, et quand elles agissent dans l'intérêt national, et, comme entreprises américaines, elles devraient être l'objet d'une attention particulière"1167. La nationalité de l'entreprise se renouvelle par le prisme d'une coopération avec la nation d'origine1168, traduite dans les faits par des "stratégies combinées"1169. S'inspirant des conclusions du rapport, le service d'"intelligence économique" propose sa propre grille d'analyse permettant d'apprécier la nationalité d'une entreprise. Les principaux critères retenus sont la nationalité de l'actionnaire, celle du dirigeant et son ancrage au sein du territoire national. Les réflexions sur l'évolution du concept de défense économique doivent donc coïncider, selon Didier Lallemand, avec le contenu et l'organisation de la politique économique générale actuelle. Il distingue trois cercles de responsabilités: le traitement de situation de crise et la gestion de la sécurité publique, la "sécurité économique" et le renforcement de la compétitivité de l'entreprise. La "sécurité économique" fait intervenir l'Etat dans son rôle de régulateur des conditions de concurrence, de surveillant de la bonne application des règles européennes et de protecteur du patrimoine scientifique, technologique et commercial. Le renforcement de la compétitivité des entreprises appelle le développement de l"'intelligence économique", la maîtrise des savoir-faire et des technologies-clés et la coopération entre pouvoirs publics, organisations professionnelles et chambres consulaires. Pour Didier Lallemand, cette réflexion constitue un "puissant levier capable d'insuffler la dynamique partenariale dont le pays a besoin à la fois pour mieux protéger ses entreprises et donner une impulsion supplémentaire à leur développement économique dans un contexte de concurrence exacerbée au niveau mondial"1170. 1166 Commissariat général du Plan, Rapport du groupe présidé par Jean-François BIGAY, La nouvelle nationalité de l'entreprise,op.cit. p.34. 1167 Multinationals and the national interest: playing by different rules, OTA, US Congress, 1993. 1168 BIGAY Jean-François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.46. 1169 "La nouvelle nationalité de la firme s'affirmerait à travers un espace économique national mondialement projeté. Entreprises et nation, et les individus qui les composent, appartiennent, sur le long terme à une même communauté de destin, coordonnant leurs intérêts communs via des institutions plus ou moins mixtes dans l'espace mondial, à partir d'un territoire cœur", BIGAY Jean François (groupe présidé par), La nouvelle nationalité de l'entreprise, op.cit., p.53. 1170 Site internet du HFD. 43
  • 27. Ce travail de réflexion sur les critères d'identification d'une "entreprise nationale" est une première étape vers une clarification du contenu du discours sur la protection du "patrimoine économique national". Pour protéger et défendre ce dernier, il convient en effet auparavant d'en préciser ses contours et ses limites. De même, parler de "protection" n'est pas suffisant, car l'efficacité de toute protection dépend de la possession et de la mise en pratique de moyens techniques et juridiques. La nécessité de protéger les entreprises de l'espionnage et des intrusions électroniques soulève le problème d'une adaptation de la protection juridique. Le vote d'une loi contre l'espionnage économique aux Etats-Unis et les clarifications d'une commission temporaire du Parlement européen dans le cadre du débat sur le réseau Echelon mettent en évidence les manques français et sonnent comme un avertissement contre certaines pratiques des Etats-membres jugées contraires au droit communautaire. 44
  • 28. B. Missions des services de renseignement et principes du Marché Unique. Outre-Atlantique, dès 1994, le directeur du FBI spécifiait que l'efficacité de l'action de ses services de contre-espionnage était liée à la mise en place d'un véritable arsenal juridique: "There are gaps and inadequacies in existing federal laws which necessitate a federal statute to specifically proscribe the various acts defined by economic espionage and address the national security aspects of this crime"1171. Alors que l'Uniform Trade Secret Act1172 offrait une protection sur le plan civil des secrets d'affaires, il n'existait aucune protection pénale des informations. En mars 1994, le sénateur Cohen avait proposé un amendement au National Competitiveness Act demandant la rédaction par le président des Etats-Unis d'un rapport annuel sur la situation de l'espionnage réalisé par les concurrents américains. Sa proposition ayant été reprise dans le cadre de loi d'allocation budgétaire1173 pour les activités de renseignement de l'exercice fiscal de 19951174, un rapport est adopté sur la "collecte d'informations économiques étrangères et l'espionnage industriel"1175. En 1996, le sénateur Cohen soumet un second projet qui vise à amender le titre 18 de l'US Code "Les crimes et procédures criminelles" afin de criminaliser les actes d'espionnage économique. Il s'agit, selon ce sénateur américain, de "protéger la sécurité nationale en empêchant l'espionnage économique et en promulguant le développement et l'utilisation légale d'informations économiques confidentielles aux Etats-Unis, en les protégeant de tout vol, destruction ou 1171 "FBI investigations demonstrate that economic espionage perpetrated by foreign governments, institutions, instrumentalities and persons directed against the United States, establishments, corporations or persons in the United States is a critical national security issue which requires both a counterintelligence and law enforcement response. The FBI is in a unique position to address this issue, utilizing the authorities and jurisdictions assigned to both the FBI's Foreign Counterintelligence and Criminal Investigative Programs. Since the initiation of the FBI's Economic Counterintelligence Program, the FBI has seen a 100 percent increase in the number of economic espionage-related investigative matters, involving 23 countries. This increase is primarily due to recent changes in the FBI's counterintelligence program and the concomitant emphasis on resources and initiatives, but it also demonstrates that the problem is not a small one. In order to maintain the health and competitiveness of critical segments of the United States economy, the development, production and utilization of proprietary economic information must be safe-guarded", FREEH Louis J., Directeur du FBI, Hearing on economic espionage, Before the House Judiciary Committee Subcommittee on Crime, Congressional Hearing, 9 mai 1996. 1172 Voir le développement de DUPRÉ Jérôme, Pour un droit de la sécurité économique de l'entreprise, de l'espionnage industriel à l'intelligence économique, Doctorat d'Etat en droit, Tome 2, novembre 2000, 383 pages, p.214-221 et WARUSFEL Bertrand, "Le loi américaine sur l'espionnage économique", Droit et défense, 1997/1, pp.65-66. 1173 Section 809, Intelligence Authorization Act for Fiscal Year 1995. 1174 Section 809 , Intelligence Authorization Act for Fiscal Year 1995. 1175 Annual report to Congress on Foreign Economic Collection and industrial Espionage, National Counter intelligence Center, juillet 1995. 45
  • 29. modification, détournement […] par des gouvernements étrangers, leurs agents ou leurs instruments". Son projet intègre les "informations économiques confidentielles" dans la catégorie des "biens, articles, marchandises", telle qu'elle est utilisée dans les lois fédérales traitant du vol de propriété. Les personnes déclarées coupables de tels délits encourent des amendes et des peines de prison importantes. La section 574 du projet comporte une notion inédite et particulière "d'extraterritorialité", c'est-à-dire que la loi s'applique aux activités menées sur le territoire américain, mais également en dehors du territoire si le coupable est un citoyen américain, ou si la victime de telles actions est propriétaire d'informations confidentielles. Simultanément à ce projet de loi, les sénateurs Arlen Specter et Herbert Kohl déposent deux autres projets sanctionnant l'espionnage économique dont seraient victimes les entreprises américaines, Economic Security Act of 1996 et Industrial Espionnage Act of 1996. Ils visent spécifiquement les actes d'espionnage économique perpétrés au profit des entreprises et des agents étrangers, c'est-à-dire au profit direct ou indirect de gouvernements étrangers. Cependant, le 11 octobre 1996, le projet de loi Cohen est adopté sous le nom Economic Espionnage Act. Par rapport au projet initial, la loi étend les sanctions contre les gouvernements étrangers aux acteurs privés. En France quelques juristes s'expriment sur l'insuffisance de la protection juridique des informations économiques ou technologiques non classifiées. Comme le souligne Bertrand Warusfel, l'espionnage mis en œuvre par des services de renseignements d'Etat a toujours bénéficié, pour cause de "raison d'Etat", d'une certaine impunité en droit public et en droit international. Par contre, les pratiques de recherche d'information développées par des acteurs privés nécessitent un encadrement juridique clair1176 car certaines techniques d'appropriation des informations1177 relèvent d'actes condamnables et doivent être sanctionnées: violation de la Loi informatique et libertés, violation de droits de propriété intellectuelle, risque de poursuite en concurrence déloyale. Même libre d'accès, une information 1176 WARUSFEL Bertrand, "Intelligence économique et droit", Cahiers de la fonction publique, Dossier : l'intelligence économique, un nouveau métier pour l'administration?, Novembre 1995, pp.13-15, p.13. 1177 Dans la droite ligne des travaux de Bertrand Warsufel, Jérôme Dupré examine la question de la limite des moyens acceptables pour obtenir de l'information par les professionnels de l'intelligence économique, telle que la précision de son identité ou l'objet de son investigation, ou la non révélation d'une intention, nommée "misrepresentation" (ou présentation erronée de soi, objet d'un débat aux USA surtout parmi les membres de SCIP), in DUPRÉ Jérôme, "Intelligence économique et responsabilité: la cas de la misreprésentation", Revue droit et défense, n°2, 1997, pp.60-63. 46
  • 30. n'est pas toujours libre de droit en ce qui concerne son usage1178. Bertrand Warusfel souligne ainsi que dans "l'état actuel des textes et de la jurisprudence, la sanction juridique des atteintes à ce patrimoine devient très difficile dès que l'élément attaqué n'est pas – ou ne peut pas être- protégé par la propriété industrielle"1179. De plus, le nouveau Code pénal ne définit pas les mesures de protection des "intérêts économiques" nationaux. Le Parlement européen se saisit du problème de l'existence d'un système mondial d'interception des communications, dénommé "Echelon"1180, qui serait utilisé à des fins d'espionnage industriel par les autorités américaines, avec la collaboration de la Grande-Bretagne, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Dès 1988, dans un article intitulé Someone listening, paru dans l'hebdomadaire anglais New Statesman, le journaliste britannique Duncan Campbell révèle au grand public l'existence de ce réseau de surveillance. En 1996, un chercheur néo-zélandais Nicky Hager souligne le rôle joué par son pays dans son livre Secret Power. New Zealand's Role in the International Spy Network. A deux reprises, en 1998 et en 1999, le Parlement européen, par l'intermédiaire du STOA, sollicite Duncan Campbell pour la rédaction d'études sur la question1181. Utilisé durant la guerre froide pour intercepter les communications soviétiques, les Américains soulignent que, désormais, Echelon est devenu un moyen de lutter contre le crime organisé, les trafics, le terrorisme et la corruption dans les grands contrats internationaux. Le 22 mars 2000, en réponse aux accusations européennes, James Woolsey, ancien directeur de la CIA écrit dans le Wall Street Journal Europe: "Eh oui, chers amis continentaux, nous vous avons 1178 WARUSFEL Bertrand, "Intelligence économique et droit", op.cit., p.14. 1179 WARUSFEL Bertrand, op.cit., p.6 et voir aussi WARUSFEL "Intelligence économique et droit", Cahiers de la fonction publique, n°140, novembre 1995, pp.13-15. 1180 Système mondial d'interception des communications établi par les Etats-Unis en collaboration avec la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, sous la responsabilité de la National Security Agency (NSA). Après l'attaque de Pearl Harbor par les Japonais, le gouvernement américain décide avec l'accord des Britanniques de positionner un centre d'écoute à Bletchley Park en Angleterre. En 1947, rejoints par le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ils formalisent leur collaboration par un accord secret, le Pacte UKUSA. A partir de 1970, des stations d'écoute placées dans les différents pays signataires (dont la plus importante est celle de Menwith Hill en Angleterre) captent les signaux retransmis vers la terre par les satellites de type intelsat et immarsat. Le dispositif est en mesure d'intercepter les communications téléphoniques, les fax et les messages électroniques. Les écoutes concernent non seulement les réseaux de communication mais également les câbles sous- marins et le réseau internet, la majorité des données, y compris les données européennes, transitant par les Etats-Unis. L'ensemble des données ainsi captées est traité à partir de dictionnaires de mots clés permettant d'extraire les messages présentant des mots clés sensibles. 1181 STOA, Parlement européen, An appraisal of technologies of Political Control, Luxembourg, PE 166 499, 6 janvier 1998; STOA, Parlement européen, Development of surveillance technology and Risk of abuse of economic Intelligence, PE 168.184, avril-mai 1999. 47
  • 31. espionnés parce que vous distribuez des pots-de-vin. Les produits de vos compagnies sont souvent plus coûteux, moins avancés sur le plan technologique, ou les deux à la fois, que ceux de vos concurrents américains. En conséquence de quoi vous corrompez beaucoup. Vos gouvernements sont tellement complices que dans plusieurs pays européens les pots-de-vin sont encore déductibles des impôts". Le 12 avril 2000, George J. Tenet, directeur de la CIA, souligne lors d'une audition devant la commission de contrôle des services de renseignement de la Chambre des représentants que les Etats-Unis n'ont ni pour politique ni pour pratique de se livrer à des activités d'espionnage pour procurer un avantage déloyal aux entreprises américaines. Lorsqu'il s'agit d'informations portant sur la corruption, ces informations sont transmises à d'autres services gouvernementaux, afin que ceux-ci puissent aider les entreprises américaines. Le 13 avril 2000, les députés européens repoussent un projet de création d'une commission permanente sur le sujet, mais établissent une commission temporaire le 5 juillet 2000. Le rapport1182 remis par cette commission en juin 2001 donne l'occasion au Parlement européen de déterminer si certains actes des services de renseignement dans le domaine économique sont compatibles avec le droit de l'Union européenne. Dans la proposition de résolution, il est bien spécifié qu'il relève des missions des services de renseignements à l'étranger de s'intéresser aux données économiques telles que le développement de branches, l'évolution du marché des matières premières et des marchés financiers, le respect des embargos, le contrôle et le respect des livraisons d'armes et des dispositions relatives à l'approvisionnement en biens à usage mixte, par exemple. Ainsi, la surveillance des entreprises exerçant des activités dans ces domaines1183 est totalement justitifée pour des raisons de garantie de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique et de la défense. S'agissant de la compatibilité avec le droit de l'UE, il n'y a aucune contradiction avec ce dernier si un système d'écoute est mis en œuvre par un service de renseignement, car les activités de renseignement relevant de la sécurité des Etats ne sont pas couvertes par le Traité CE et ne relèvent que du titre V du traité UE (PESC) qui ne contient encore aucune 1182 Commission temporaire sur le système d'interception ECHELON Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, (système d'interception ECHELON) 2001/2098(INI), Parlement européen, PE 305.391, 11 juillet 2001. Rapporteur : Gerhard Schmid, 149 pages. 1183 "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques", paragraphe O, in Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.15. 48
  • 32. disposition en la matière. Par contre si des services de renseignement des Etats membres utilisent leurs capacités ou mettent leurs capacités à disposition d'un autre Etat, pour espionner des entreprises étrangères dans le but d'obtenir des avantages concurrentiels pour les entreprises nationales, il y a infraction au droit communautaire puisque ces activités ne sont pas en rapport avec la sûreté de l'Etat: "si le système est utilisé de manière abusive pour espionner la concurrence, il y a manquement à l'obligation de loyauté1184 et atteinte à l'idée d'un marché commun où la concurrence est libre; si un Etat membre participe à une telle démarche, il viole le droit de l'Union"1185. Une telle activité est contraire au principe du marché commun à la base du traité CE, dans la mesure où elle équivaudrait à une distorsion de concurrence1186. Dans ce contexte, la commission d'enquête constate que les services de renseignement des Etats-Unis s'occupent non seulement de problèmes économiques généraux mais aussi qu'ils interceptent des communications d'entreprises lors de la passation de marchés et que le rôle de l'Advocacy Center du Department of Commerce n'est pas toujours absolument clair1187. Pour l'heure, l'organisation de la protection face aux activités des services de renseignements ne relève que des systèmes juridiques nationaux1188. Les Etats-membres doivent donc tout faire pour empêcher ce type d'espionnage en faisant appel aux services de police et de contre–espionnage1189. La Commission propose une plus grande coopération des services de renseignement, qui à l'avenir pourrait former un élément de la PESC: "Aujourd'hui, l'Union européenne prend peu à peu un rôle qui est complémentaire à celui des Etats nations. Il est exclu que les services de renseignements soient le dernier ou le seul domaine à ne pas être touché par l'intégration européenne"1190. 1184 Aux termes de l'article 10 du traité CE les Etats membres ont un devoir de loyauté générale et doivent en particulier s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité. 1185 "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques", paragraphe F, in Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.14. 1186 Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.89. 1187 "Résolution du Parlement européen sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques", paragraphe P, in Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.15. 1188 Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.105. 1189 Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.107. 1190 Rapport sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques, op.cit., p.142. 49