L’administration vit actuellement une grande révolution. Sous l'effet massif des technologies issues du Web et de l'Internet, les relations avec les citoyens, les entreprises et la société se transforment.
En utilisant un modèle explicatif de cette (r)évolution, huit grands enjeux sont illustrés concrètement par des exemples et des explications afin de comprendre ce sujet complexe.
Après l'administration électronique, bienvenue dans l'ère de la smart gouvernance.
1. g
Avec le soutien de
«smart»
ouvernance
OT/DCTI GENÈVE
Dr. Xavier Comtesse et Dr. Giorgio Pauletto
Observatoire technologique, CTI, DCTI, Genève
EDITIONS
2. TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos ........................................................................................................... 2
PREMIÈRE PARTIE
1.0 Introduction ....................................................................................................... 3
1.1 Situation ............................................................................................................ 3
1.2 Modèle général de connaissance ........................................................................... 5
1.3 Explication du modèle .......................................................................................... 5
1.4 «Accountability» et contrôle sociétal ........................................................................ 7
DEUXIÈME PARTIE
2.0 Introduction ........................................................................................................ 8
2.1 Administrations: le changement permanent .............................................................. 9
2.2 Le «new public management» est mort!
Quels sont les nouveaux paradigmes du management public? .................................... 11
2.3 La «réalité augmentée» au service du tourisme......................................................... 13
2.4 Santé publique
Le patient, ce grand absent du dossier informatisé! ................................................... 15
2.5 La participation «augmentée»
Une nouvelle implication publique ......................................................................... 17
2.6 Tous amis!
Les réseaux sociaux envahissent les administrations ..................................................19
2.7 Processus participatifs
La co-création dans les administrations .................................................................. 21
2.8 Social Accountability
L’émergence d’une nouvelle forme de participation sociale ........................................ 23
4. Première partie
1.0 1.1
INTRODUCTION
On parle de plus en plus de «smart» gouvernance pour désigner la
phase en devenir du développement des administrations et des
gouvernements. Le terme «smart» introduit par le Professeur Joseph
Nye1, fait référence à la combinaison des modes transactionnels
SITUATION
1
L’administration vit actuellement une grande révolution. Sous l’effet
de l’usage massif des nouvelles technologies de l’information et
de la communication, toutes les procédures sont revues de fond
en comble; les barrières historiques entre les différents services
3
(hard power) et transformationnels (soft power)2 . Après avoir connu administratifs tombent; les données et les informations deviennent
une phase dite du e-gouvernement qui correspondait à la mise en compatibles entre elles; les usagers (citoyens, entreprises, orga-
ligne sur Internet des services administratifs suivie d’une hase nisations de la société civile) participent à la création de nouvelles
(encore en développement) du «Open» Gouvernement correspondant valeurs; l’automatisation des transactions abaissent drastiquement
à la mise à disposition des données par les administrations, on les coûts; la personnalisation des services rend l’administration
anticipe l’arrivée d’une nouvelle phase participative et transforma- ouverte à de nouvelles formes de collaboration, les données
tionnelle dans laquelle les usagers deviendront de véritables acteurs jusqu’alors réservées à l’usage exclusif des administrations sont
du changement. mises à disposition des usagers pour de nouvelles applications en
En effet, il est important de pouvoir situer dans un contexte contem- co-création dans un esprit d’open source. Enfin, les usagers eux-mêmes
porain, l’évolution des changements sociétaux et technologiques sont devenus des agents du changement (citizen 2.0) en proposant
tout en fournissant aux administrations, aux politiques mais aussi des applications nouvelles basées sur les données des administrations
aux usagers qu’ils soient simples citoyens, entrepreneurs ou repré- mais exécutées en dehors de celles-ci. On parle ici d’action transfor-
sentants des anciennes ou nouvelles formes d’organisation de la mationnelle à savoir au-delà du cadre transactionnel.
société civile, une sorte de «feuille de route» visionnaire des
transformations en cours. En effet, le participatif «augmenté» et le La digitalisation des administrations s’inscrit dans un mouvement
transformationnel ne sont pas encore des concepts bien appréhendés profond commencé dès les années 60 par l’informatisation des
par les différents acteurs. Prendre le temps d’en analyser les enjeux documents, des procédures et des transactions administratives. Ce
et les contours nécessite à la fois de se plonger dans de nouveaux travail d’informatisation/digitalisation est l’expression d’un chan-
comportements sociétaux et de saisir les potentiels des progrès gement de paradigme pour l’administration puisqu’il suppose que
technologiques. Cette brochure se veut en ce sens une découverte les traitements administratifs peuvent être «automatisés» et «par-
de notre avenir actuel. tagés». Cela signifie en d’autres termes qu’il existe un transfert
1. http://en.wikipedia.org/wiki/Smart_power
2. Voir les quatre cahiers de la Fondation pour Genève - http://www.fondationpourgeneve.ch
5. d’activités et de compétences vers les usagers au moyen d’une Aujourd’hui, on peut dire que la première phase de mise à dispo-
plateforme informatique. L’arrivée du Web au milieu des années 90 sition de l’information sur Internet a largement été implémentée
a considérablement accéléré ce mouvement notamment en offrant par les administrations. Souvent présentées sous forme de «gui-
aux «clients» de l’administration à savoir les citoyens, les entre- chet» ou de «portail» virtuel (sorte de plateforme administrative),
prises ou les organisations de la société civile, un environnement ces informations ont été réunies par les différentes structures
de communication automatique, performant, rapide et accessible administratives (départements, services, etc.). Face à ces «por-
en tout lieu et à tout moment (24h sur 24 et 7 jours sur 7). Ce chan- tails» organisés par menu, les moteurs de recherche comme Goo-
gement de pratiques induit une mise à disposition de plus en plus gle, ont largement cassé leur usage hiérarchique au profit d’une
large des services et des prestations poussant également l’admi- recherche «directe». Le concept de «portail» paraît déjà appartenir
nistration à interconnecter ses services. On parle d’interopérabilité à un autre temps et de nouveaux «design» de sites Internet appa-
pour désigner ce phénomène. raissent dans de nombreux pays. La question clé de l’accessibilité
Dès lors, l’administration construite historiquement sur des piliers rapide et contextuelle à l’information devient ainsi un nouvel enjeu
départementaux plus ou moins autonomes, souvent peu connectés déterminant. L’arrivée promise du Web sémantique changera
et traitant des données parfois incompatibles entre elles, a du définitivement la donne. Rappelons que la recherche d’information
entamer un travail stratégique passant d’une position réactive à reste encore une des principales activités des usagers sur Internet
une dynamique pro-active. Les effets de la normalisation digitale en ce qui concerne leurs rappports aux administrations. La trans-
mais aussi l’ouverture au public sont devenus importants. De plus, parence des activités administratives va continuer à pousser ces
comme les «clients» de l’administration disposaient déjà de quatre dernières vers une réforme informationnelle d’envergure.
canaux de communication importants – le guichet, le courrier, le
téléphone et le fax – l’administration s’est vue confrontée à une Le transactionnel qui est la mise à disposition auprès des usagers
gestion multiple des flux d’échanges, de contacts et de procédures. de services informatisés pour des transactions totalement «en
Intégrer l’ensemble de ces pratiques pose de nombreux problèmes ligne» comme par exemple la déclaration des impôts payables
organisationnels, juridiques et politiques. directement en ligne, devient une priorité pour beaucoup d’usagers.
Elle nécessite une grande interopérabilité des systèmes d’infor-
La «smart» administration présentera une grande diversité dans ses mation à l’intérieur des administrations tant au niveau des données
rapports et ses pratiques avec sa clientèle, cette dernière devenant que des structures, mais réclame également des bases légales
elle-même partie prenante des processus. On peut distinguer cinq régulant les services administratifs. Il s’agit avant tout de passer
grandes formes de communication/collaboration/participations: d’un système organisé en «silos» vers un système «dynamique»
• L’informationnel d’interopérabilité. Cela implique des changements structurels,
• Le transactionnel administratifs et juridiques.
• La personnalisation
• Le participatif La phase de personnalisation qui aboutit à la création d’un «espace
• Le transformationnel citoyen personnel» (ou pour les entreprises d’un «espace entreprise
Evolution vers le «smart» gouvernement
4
2015+
Smart gouvernement
2010
Open gouvernement
2005
Joined-up gouvernement
2000
E- gouvernement
1995
Digitalisation
Inspiré d’une présentation de Andrea Di Maio, Gartner, 2011.
6. dédié») reste un point encore largement en développement. Le La classification des services de l’administration de demain proposée
concept du dossier virtuel citoyen «My Files» (véritable regroupement d’une manière classique au niveau international, s’est développée
virtuel de tous mes documents et transactions administratifs) est sous l’impulsion des rapports de benchmarking notamment ceux
aujourd’hui, en phase expérimentale dans plusieurs pays comme de l’Union Européenne. Elle définit un modèle à 5 niveaux de
la Belgique, l’Autriche, la France, etc… mais aussi en Suisse. sophistication pour évaluer les progrès accomplis par les admi-
Souvent expérimenté et utilisé dans le domaine de la santé, ce nistrations des différents pays concernés3.
concept «My Files» est un changement en profondeur du système Nous proposons non seulement d’ajouter un nouveau niveau de
de traitement de l’information et des relations avec le «client». En sophistication au modèle, mais plus encore, de structurer cette
effet, ce dernier a un accès immédiat et permanent à son statut représentation schématique sous une toute nouvelle approche.
d’administré et peut intervenir directement sur celui-ci tout en étant
associé aux procédures administratives qui le concernent. L’admi- En effet, l’administration en ligne opère deux transformations/trans-
nistration s’ouvre en quelque sorte à la pratique du «do-it-your-self»! ferts fondamentaux:
La phase du participatif, notamment avec la cyber-adminsitration, • Elle transfère de plus en plus des activités administratives vers
la e-démocratie, le e-voting, l’e-initiative, l’e-referendum ou l’usager final.
les e-forums (discussion publique, town hall meeting, etc.) • Elle transfère simultanément de la compétence vers celui-ci.
est encore dans la plupart des pays à l’état d’ébauche. Cepen-
dant, Genève avec son e-voting inscrit dans la constitution paraît
1.3
ici être en avance. Obama avec ses «town hall meetings» ou encore
durant sa campagne avec ses réunions, via Internet (appelées
«Unite for Change») a montré également le chemin. Le participatif
qui implique une activité de co-design des usagers est en plein
essor. Nul ne connaît encore les limites de cette évolution et
les répercussions possibles sur les administrations (voir partie 2
pour les enjeux).
Enfin, la phase du transformationnel qui donne aux usagers une
EXPLICATION DU MODÈLE
force de co-création, notamment avec la technologie du «Mash-
up», est en phase de modifier profondément la notion de «bien Le schéma présenté en page 6 est de ce fait une véritable «matrice
commun» en redistribuant largement les rôles entre l’administra- de transfert» qui permet non seulement d’évaluer l’avancement de
tion et les ses administrés. Ces derniers seront associés dans la la transformation des services adminsitratifs et donc sa comparaison
création d’une nouvelle administration entièrement digitalisée. Par (benchmarking), mais surtout cette «matrice de transfert» devient un
la mise à disposition d’une grande partie de données administratives outil stratégique pour le management. En favorisant la compréhension
(Open Data), les usagers seront amenés à transformer de leur plein du rôle présent et futur des usagers (citoyens, entreprises, autres
gré les nouveaux services communs. Le transformationnel impli- administrations et organisations de la société civile,..) cette matrice
quera forcément la redéfinition du «bien commun» et du «bien public». de transfert représente un changement de paradigme pour les
administrations. Il s’agit désormais d’un processus d’empowerment
1.2
de l’usager qu’il faut mettre en marche plus qu’une simple trans-
formation des services administratifs traditionnels pour les mettre 5
en ligne.
Le modèle présenté en page 6, transforme complètement l’approche
traditionnelle des administrations en définissant clairement le type
d’activités désormais dévolue à l’usager et le type de transfert de
compétences qui l’accompagne. De plus, nous définissions un nou-
veau niveau de sophistication: celui du participatif.
MODÈLE GÉNÉRAL DE CONNAISSANCE: Ainsi l’axe horizontal représente le transfert d’activités selon les niveaux
DE L’INFORMATIONNEL suivants: Passif: L’usager n’a accès qu’à de l’information structurée
qu’il peut découvrir à partir de moteurs de recherche ou de structures
AU TRANSFORMATIONNEL en arborescence. Self Service (One Way): L’usager peut choisir des
Les stratégies de développement des services offerts par les documents spécifiques et les télécharger. Self Service (Two Ways):
administrations de demain sont basées sur l’augmentation de Il peut échanger des documents, des formulaires ou des e-mails avec
l’interactivité entre usager et administration. Cependant, il n’existe l’administration et effectuer des transactions complètes avec paie-
à l’heure actuelle que très peu d’outils stratégiques pour définir ment. Do It Yourself: Les usagers peuvent personnaliser les services
à la fois, une vision claire à long terme de ce processus, et une (ex. déclaration d’impôt, etc.) Co Design: Les usagers collaborent,
méthodologie transformationnelle du transfert d’activités et de participent à la collecte ou/et à la correction des données (ex. infor-
compétences dans le cadre de cette relation élargie. En offrant mation sur l’état des routes). Co Création: L’usager peut participer
un schéma de ce double transfert, notre contribution tente de à l’élaboration de la vie politique et démocratique de sa région ou de
remédier à cet état de fait. son pays (ex. création de nouveaux services directs «mash-up»).
3. The User Challenge Benchmarking The Supply Of Online Public Services, prepared by Cap Gemini for the European Commission Directorate General for Information Society and Media, Sep. 2007
http://www.capgemini.com/resources/thought_leadership/benchmarking_the_supply_of_online_public_services/
7. L’axe vertical représente quand à lui, le transfert de compé- Niveau Transactionnel «One Way»
tences vers l’usager. Les niveaux de sophistication vont des L’usager peut télécharger des documents (downloading). Bien
données à la modélisation selon la classification suivante: Don- que cette phase soit aujourd’hui élémentaire, elle n’en reste pas
née: Il s’agit ici de mesures ou de données brutes typiques pro- moins essentielle pour les usagers qui gèrent tout de manière
duits par les services statistiques. Information: Un contenu est électronique. Une gestion et un archivage électronique nécessite
ajouté aux données qui prennent un sens contextuel. Catégo- de pouvoir contrôler tous les documents sous forme digitale.
risation: L’information se classe par domaine d’application.
Elle prend une valeur métier. Elle étend son champ analytique. Niveau Transactionnel «Two Ways»
Dimension: De nouvelles dimensions sont prises en compte: L’usager peut déposer («uploader») des documents, envoyer des
le temps d’abord, la série temporelle ajoute une dimension nou- formulaires ou des e-mails. Cette phase de l’interactivité a été
velle à l’information qui devient holistique; le social ensuite déterminante dans les progrès accomplis par les administrations.
créant ainsi les conditions de collaboration/participation aug- Elle reste, aujourd’hui encore, une contribution majeure et n’a toujours
mentée. Modélisation: La théorie dynamique devient prévi- pas atteint tous les services de l’administration, notamment en ce
sionnelle. On peut élaborer des scénarios, des modèles qui concerne les demandes non structurées.
permettant l’anticipation et la gestion du changement.
L’usager peut accomplir des transactions complètes avec paie-
ments. Niveau clé pour les gains en productivité donc de la ren-
LES CINQ NIVEAUX DU MODÈLE tabilité des administrations, cette phase est dans la plupart des
Niveau Information pays ou développement futur en cours de mise en œuvre. Elle
L’utilisateur peut consulter des informations sur Internet. Cette sera décisive pour un soutien à long terme par les usagers car
phase fut traditionnellement la première à avoir été mis en ligne. elle fait gagner du temps et de l’argent de part et d’autre.
Cependant la recherche d’informations par les usagers reste
une demande forte. Avec l’arrivée des moteurs de recherche Niveau Personnalisation
(Google, etc.), elle a changé complètement d’orientation en cas- L’usager a accès à des informations et des transactions personnali-
sant en quelque sorte les présentations des informations en sées. Les documents sont pré-remplis à son usage personnel. La
menu: trouver rapidement une information est devenu le princi- transaction est totalement sécurisée et personnalisée. C’est la phase
pal défi. qui voit naître le concept de dossier citoyen «My Files» comme élément
de base de toutes relations futures avec l’administration. Chaque
Modèle général de connaissance
Transfert de compétence
Transformationnel
Modélisation
X
6
Participatif
Dimension
X
Personnalisation
Catégorisation
X
Two ways
Information One way
X
X
}
Transactionnel
Informationnel
Donnée
X Transfert d’activité
}
Passif Self-service Do it yourself Co-Design Co-création
8. usager disposera en quelque sorte de son dossier unique regrou- Ces changements influencent grandement les institutions publiques
pant toutes ses activités et ses documents administratifs dans un basées sur le territoire politique et le système démocratique de la
seul lieu virtuel et accessible en permanence de part et d’autre. représentation. Faisant fi de ces considérations, une partie non
La traçabilité des activités deviendra nécessaire pour garantir une négligeable de la société civile s’empare de nouveaux territoires
bonne «accountability». souvent en dehors du champ d’action des institutions publiques.
Ceci implique notamment l’arrivée de nouvelles formes de
Niveau participatif contrôle sociétal.
L’usager est convié à une sorte de cyber-administration par les
possibilités qui lui sont offertes de contribuer à la collecte, la Il est évident que la question centrale du contrôle légal et démocratique
correction ou l’ajout de données adminsitratives. Le cadre adminis- des tâches administratives va aussi devoir évoluer. En effet, dès
tratif de colaboration est fixé par les autorités. L’usager a la liberté lors que l’administration en ligne deviendra en quelque sorte le
d’y effectuer des contributions pro-actives mais il ne peut pas standard pour tous, les outils et les organes de contrôle devront
changer le cadre. En devenant librement participatifs, les usagers être adaptés.
acquièrent alors une sorte d’autonomie («empowerment») dans la
mesure où ils interviennent directement sur/dans les données de Pour ce faire de nouveaux indicateurs (en fait une nouvelle métrique)
l’administration. L’exemple typique est l’information participative sur devra être pensée et mise en œuvre suivant notamment les normes
l’état des routes en Angleterre et ailleurs. internationales d’ISO ou de l’Union Européenne ou encore de la
Confédération Helvétique. Il semble peu probable que ces nouvelles
Niveau transformationnel procédures soient définies purement au niveau local par exemple
Ce niveau correspond à une sorte de wiki-démocratie où les au niveau du Canton. Et ceci sous l’effet de la triple tendance à
citoyens et les entreprises peuvent proposer des initiatives ou l’internationalisation de la normalisation des procédures, à la
co-créer des services. Cela va du projet séminal UK «Show Us A Better nécessité de se comparer au niveau global (benchmarking) et au
Way»4 sur la participation des usagers à l’amélioration des services besoin d’interopérabilité des données (au niveau national et
administratifs à l’inititiative suisse de la proposition de nouvelles lois international).
citoyennes. En ce sens, la campagne des primaires d’Obama aux
États-Unis est aussi de type participatif. Il reste évidemment beau-
coup d’espace à l’exploration de nouveaux services participatif dans
un monde relationnel. Forum, blog, réseaux sociaux ne sont que
quelques formes contemporaines et il reste beaucoup à inventer.
Ce modèle donne une perspective plus complète à l’évolution et à la
stratégie de développement des services administratifs de demain.
Dépassant sa fonction d’outil de comparaison, elle devient un outil
de transformation. Ainsi, l’administration peut analyser ses progrès,
définir ses priorités et expliquer son évolution. Les usagers deviennent
ainsi partie prenante d’un projet et non plus uniquement de simples
utilisateurs. En ne subissant plus une évolution imposée et en devenant
partenaire, le rapport entre l’administration et l’usager change de
profil au bénéfice du citoyen-acteur, comme de l'entrepreneur-acteur 7
ou du consommateur-acteur.
1.4
«ACCOUNTABILITY» ET CONTRÔLE
SOCIÉTAL
Avec les changements sociétaux, on observe ainsi une double
pression verticale et horizontale sur les pouvoirs publics, notam-
ment l’émergence de nouvelles strates dans l’organisation civile
comme les réseaux sociaux, qui sont à la fois très orientés théma-
tiquement (approche fonctionnelle) et ouverts aux autres territoires
(sans frontière).
4. http://www.showusabetterway.co.uk
9. Deuxième partie:
8
2.0
INTRODUCTION
Huit enjeux
pour les administrations
La génération des «baby boomers» a pour l’essentiel assuré le
passage du papier au digital dans les administrations publiques
en créant des systèmes d’information digitaux. Songeons ici à
l’informatique, à la bureautique, à Internet comme des éléments
clés de ce changement.
2
cependant important de préciser qu’il s’agit désormais de résoudre
davantage une problématique sociétale de «participation augmentée»
que de digitalisation d’anciennes procédures administratives. En
quelque sorte, grâce à ces deux étapes (participatif et transforma-
tionnel) démarre une toute autre révolution: celle de l’usager actif,
compétent et participatif.
Aujourd’hui, notamment pour la nouvelle génération, il s’agira de
transformer des systèmes d’information en système de connais- Le terme de transformationnel a été choisi en référence à son usage
sance car la transition passe du transactionnel au transformationnel. répandu aux Etats-Unis pour désigner cette étape ultime. Bien que
De la transaction donc du contrat, on glisse désormais vers la son usage et donc sa compréhension ne soient pas encore généralisés
transformation avec le participatif augmenté. D’un système basé en Europe, il nous paraît judicieux de l’utiliser rapidement car il
sur des accords bien encadrés et définis, on arrive en quelque sorte donne la véritable perspective du changement.
à un système de définition permanente des accords. On pourrait
ainsi résumer le changement par «des services définis à la Demain, les administrations seront largement sous l’effet d’un
co-définition des services». Cette dynamique de la collaboration participatif transformationnel, autant en percevoir dès maintenant
des échanges doit être le fondement de toute nouvelle administration les probables conséquences pour tracer le chemin vers une «smart
dans un futur plutôt proche. gouvernance».
Les huit enjeux présentés dans cette deuxième partie ont fait
l’objet d’articles parus dans «Affaires Publiques» entre janvier
2010 et décembre 2011. Ils développent bien les étapes du parti-
cipatif et du transformationnel que doivent désormais aborder les
administrations. Par le biais d’exemples, cette deuxième partie du
présent travail tente de montrer à quel point les administrations
de par le monde, sont déjà très engagées dans ce processus. Il est
11. LE CODE DU «A POSTERIORI» quement interdit dans bon nombre d’administrations occidentales.
Ce n’est pas tant son usage pendant les heures de travail qui est
Lorsque l’OCDE émet une liste noire des paradis fiscaux, la remis en question, mais plutôt le fait que la société civile puisse
Confédération adopte très rapidement une procédure de signa- s’organiser de manière virtuelle et selon des thématiques parfois
tures d’accords bilatéraux et de collaboration en matière fiscale. fortement connotées. Depuis la victoire de Barack Obama aux
Lorsque cinq ministres européens de l’éducation supérieure plaident élections présidentielles américaines de 2008, le monde politique
pour un nouveau système d’accréditation universitaire (processus est aux premières loges pour apprécier ce changement. Cependant,
de Bologne), alors nos universités adoptent cette nouvelle régle- les administrations restent en retrait et peinent à entrevoir l’usage
mentation en dehors de la voie parlementaire. Lorsque la gestion participatif et constructif de cette pratique. Des pistes ont été
de l’environnement est soulevée sur un mode dramatique par le explorées, comme GovLoop.org qui est le premier réseau social
GIEC2, hébergé par l’Organisation mondiale de la météorologie à Genève, connecté au gouvernement à travers des dizaines de milliers de fonc-
alors la commune de Cartigny s’érige en commune modèle de tionnaires au niveau fédéral, des Etats et local. D’autres exemples sont
l’environnement. On pourrait poursuivre à l’infini cette énumération illustrés dans le papier 4 «Citizen 2.0». Cet essai montre qu’un nouveau
des changements de comportements et d’actions entreprises en chemin du participatif transformationnel est en train de se dessiner.
dehors du modèle législatif traditionnel. Mais ce qui nous intéresse Cependant, tout reste à explorer, à inventer et à implémenter.
ici, c’est que les réglementations évoluent vite sous la pression
extérieure, sans faire appel à la régulation législative parlementaire. MISE EN ŒUVRE DU CHANGEMENT
On a donc affaire à un code évolutif, pas toujours fixé dans le cadre
de la loi, mais avec lequel les administrations doivent tout de même L’ensemble des bouleversements évoqués ci-dessus ne sont pas
agir. Songeons ici au concept «d’acquis commentaire» que l’Europe sans risque pour les administrations. En effet, les bases légales vont
cherche à imposer à la Suisse. Cela signifie, en raccourci, que tout évoluer, de même que les pratiques et les procédures. Il est donc
changement de régulation européenne doit être intégré par la Suisse grand temps que les administrations se dotent de cellules du chan-
sans discussion ou presque! gement un peu à l’image de l’Observatoire Technologique à Genève5.
Ces organes auraient comme fonction d’étudier, de communiquer
«WE PUBLIC MANAGEMENT»
Le «new public management» des années 80/90 avait placé le
fonctionnaire dans une position d’intrapreneur. Tout conduisait à sa
prise en charge, à son esprit entrepreneur pour créer des sortes de
«mini-centres» de profit. L’inversion de son rôle a créé passablement
de remous, mais le client (citoyen, entreprise, etc.) s’était octroyé
une place de choix, celle du «client-roi». Avec la montée en puissance
de la participation, notamment avec les nouvelles applications du
e-gouvernement, le client change à nouveau de posture pour devenir,
en quelque sorte, le «client-acteur». On parle souvent de consommActeur
pour désigner ce nouvel état de fait.
Cependant, la philosophie du «new public management» n’est plus
opérationnelle dans ces conditions. Dans les pays d’Europe du Nord
10 ou d’Amérique du Nord, se profile une nouvelle approche que l’on
pourrait qualifier de «we public management», sorte de clin d’œil à Avec les nouvelles technologies, le citoyen a la capacité de devenir
acteur de la vie publique.
la précédente vision. Dans cette nouvelle approche, on offre au client
la possibilité d’agir et d’intervenir sur les procédures administratives et d’élaborer des stratégies de changement. Proches de l’exécutif
de manière radicalement nouvelle. En effet, dès lors que les données politique ou des secrétaires généraux, ces entités devraient accom-
administratives sont regroupées dans des dossiers partagés avec le pagner la mise en place des nouvelles procédures, notamment celles
client (le concept de «My Files»), alors les différents partenaires agis- liées à Internet, aux accords interterritoriaux, aux nouvelles régu-
sent de concert sur les mêmes données. Le dossier médical en ligne lations et à la montée du participatif. Intégrer et conduire le
est l’un des exemples de ces nouvelles pratiques. La sécurité et la changement de manière méthodique est la seule manière de ne
confidentialité des informations doivent être garanties mais également pas en perdre le contrôle, car le risque de dérapage dans le foison-
la «traçabilité», ce qui signifie que les administrations doivent mettre nement d’expérimentations au sein de ce mouvement n’est pas
en place un nouveau concept d’«accountability»3, qui pourrait se exclu.
traduire comme le fait de «rendre des comptes sur les procédures
accomplies».
RÉSEAUX SOCIAUX
L’émergence des réseaux sociaux en tant que nouvelle forme
d’organisation de la société civile pose problème aux administrations.
Le pouvoir chinois essaie à tout prix de limiter l’usage de Facebook,
et il n’est pas le seul à adopter cette attitude. Facebook est prati-
2. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, en anglais Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC)
3. http://www.wikipedia.org/wiki/Accountability
4. http://citizen20.redcut.ch
5. http://ot.ge.ch et http://ot-lab.ch
13. systémique aura une très grande implication dans la des territoires basé sur l’idée de «géométrie variable», c’est-à-
gouvernance publique. Songeons ici que, désormais, la grande dire en fonction des thématiques abordées. Puis, les réseaux sociaux
majorité des familles évoluera avec quatre générations aspirent à plus de participatif «en amont» des problématiques. A
simultanées. Cela n’est jamais arrivé dans toute l’histoire de l’opposé de la démocratie directe qui influence le système législatif
l’humanité et le système devra trouver de nouveaux équilibres; «en aval» (référendum, initiative), les réseaux sociaux agissent en
4. enfin, la société, après avoir connu la révolution industrielle et termes d’influence sur l’agenda public ou, plus précisément, sur
les formes hiérarchiques de gouvernance issues des les questions de société, les choix et motivations de vie, les nouvelles
constitutions et des lois de cette période, est entrée dans une pratiques et tendances. Cette forme dynamique de regroupement
nouvelle ère, celle de la digitalisation sociétale. Sous cet impact, social est plus tournée vers la «soft gouvernance» alors que les
nos coutumes, nos habitudes et nos comportements se instruments de la démocratie directe interviennent plutôt dans les
modifient et cela aboutira à adapter nos lois et nos constitutions. processus de la «hard gouvernance». En opposant ainsi les notions
Les administrations devront également suivre. Nous sommes à de «soft» et de «hard», on met en évidence la différenciation entre
peine entrés dans cette transformation administrative alors que réseaux sociaux et organisations plus traditionnelles comme les
l’ensemble de la société est en train de se métamorphoser. partis politiques, les syndicats, les associations professionnelles,
etc. Ainsi, les réseaux sociaux apparaissent bien comme une
«MY FILES» OU LE DOSSIER VIRTUEL force d’influence et de pénétration autour de problématiques de
vie en société.
Au contraire du «new public management», le «we public management» Dès lors, le monde politique mais aussi les administrations doivent
s’appuie sur une avancée technologique, Internet, et plus particu- intégrer cette force dans un processus non plus de consultation
lièrement sur les nouvelles possibilités offertes par ce support. A démocratique mais bien dans un mode de partage voire de cocréation.
savoir, le concept de «My Files» et celui des réseaux sociaux. L’enjeu est donc bien de cocréer, avec la société, des services
Examinons, en premier lieu, les diverses potentialités proposées communs et pourquoi pas de nouveaux biens communs. Ce changement
par «My Files» et les conséquences en termes de management que radical nécessite un apprentissage mutuel, mais également une
cela implique. Le concept de «My Files» est la mise en commun de modification structurelle des administrations. Pour mieux comprendre
données regroupées sur Internet concernant un citoyen, une entre- ce cap à franchir, il faut souligner que les administrations ne seront
prise ou toute autre entité ayant des relations avec l’administration. plus en charge seulement du «bien public», mais devront également
Prenons deux exemples parmi tant d’autres pour mieux saisir ce intégrer une nouvelle forme participative à définir dans le «bien
concept: le dossier médical, qui rassemble l’ensemble des infor- commun». Ce dernier terme est une notion qui s’éloigne de la simple
mations d’un patient sous forme digitale est accessible sur Internet représentation entre le bien public et le bien privé et qui serait en
aux seuls ayants droit, ou encore le dossier fiscal, qui, de même, quelque sorte à cheval puisqu’il fonctionne comme un élément
regroupe les données des contribuables de manière confidentielle. de cocréation entre le privé et le public. Avec la généralisation
Ces deux applications du concept «My Files» ont été introduites des projets en PPP (partenariat public-privé), on avait déjà connu
dans plusieurs pays avec succès. Le système bancaire avait, au ce type de redéfinition des champs d’application de la participation.
préalable, largement préparé le terrain, non seulement d’un point Il s’agit désormais de formaliser ces pratiques de manière plus
de vue technique mais également d’un point de vue humain en durable.
termes d’acceptabilité, de confidentialité, de sécurité et d’«accoun-
tability» (contrôle ouvert au client des processus de traitement). LE DÉBUT D’UNE PROFONDE MUTATION
L’introduction de «My Files» est cependant un changement de para-
12 digme puissant pour les administrations car ce concept les oblige Le «we public management» est bien une nouvelle approche de
à l’interopérabilité des données. Jusqu’ici, les administrations la gestion des affaires publiques. Il se caractérise par une parti-
étaient, pour l’essentiel, organisées en «silos» étanches et les cipation forte «en amont» du législatif. Il est donc dans le champ
données étaient rarement transmises d’un service à un autre ou des nouveaux comportements légitimes plus que légaux insufflés
d’une administration vers une autre. Ce changement entraîne des par Internet et les réseaux sociaux. Cependant, nous ne sommes
comportements radicalement nouveaux pour les administrations, qu’au début de cette métamorphose administrative, mais il est
car elles doivent désormais traiter les procédures administratives important d’en comprendre les enjeux et les articulations. L’enjeu,
non plus à partir du seul «guichet», qu’il soit réel ou virtuel, mais à pour l’essentiel, se situe dans la transformation du tissu social et
partir d’un environnement partagé avec les parties prenantes qui l’articulation étant la révolution digitale dont Internet est aujourd’hui
regroupent l’ensemble des informations et leurs procédures. C’est l’élément clé. La réflexion et le débat doivent être lancés, car
une véritable révolution dans l’organisation et dans son manage- l’avenir des administrations reste encore largement à être inventé.
ment. Le fait que le «client» partage désormais avec l’administration
l’accès à ses données change complètement les équilibres. Le ma-
nagement est, en quelque sorte, cogéré.
LES RÉSEAUX SOCIAUX
La dernière évolution d’Internet, les réseaux sociaux, est égale-
ment en train de bouleverser les comportements et les habitudes
de la population, des entreprises et des organisations sociales.
D’abord, les réseaux sociaux ont amené un nouveau découpage
15. développer de nouvelles applications, comme les parcours de planète. Documents, photos, films seront téléchargés faisant de la
découverte, qui valorisent un territoire à travers différentes offres balade touristique un guide numérique, ludique et vivant pour les
culturelles et architecturales (monuments, patrimoine, spectacles visiteurs. Mieux encore, le visiteur filmera le lieu et comme par
vivants, festivals, initiatives locales, etc.) tout en créant des syner- magie, des pastilles cliquables pourront apparaître, chaque pastille
gies nouvelles et une image lisible et dynamique du territoire. De déclenchant une séquence audio et/ou vidéo afin d’avoir plus
plus, les utilisateurs en situation de mobilité nous renseignent sur d’informations.
les contenus qu’ils consultent en se déplaçant, ce qui peut être
un indicateur pour les professionnels du tourisme dans l’amélio- PARTICIPATION «AUGMENTÉE»
ration de l’offre. Le tourisme augmenté sert d’expérience de vie,
c’est-à-dire qu’il va non seulement pouvoir être enrichi par les Pour les professionnels du tourisme mais aussi pour les municipa-
informations virtuelles, mais aussi qu’il pourra à son tour compléter lités, cet apport change la donne car le touriste pourra s’il le veut
les parcours par les commentaires produits par les usagers. Ainsi, devenir un usager actif. Longtemps considérée comme un élément
les sites touristiques seront sans cesse enrichis de contenus à passif – un client que l’on sert – cette nouvelle interactivité qu’il par-
travers l’usage participatif. L’ensemble du dispositif offre non seu- tagera en famille ou avec d’autres lui conférera une nouvelle fonc-
lement des recherches plus aisées, mais également une mobilité tion: il pourra commenter, juger, critiquer ouvertement et même
facilitée, une expérience plus interactive. Le tourisme augmenté, proposer des changements. Cela peut être bénéfique mais aussi
loin de son environnement spatial traditionnel, gagne aujourd’hui poser de sérieux problèmes. C’est pourquoi les professionnels du
en popularité par ses possibilités immenses de personnalisation, tourisme et les municipalités vont devoir, pour y palier, devenir eux
sans cesse remodelées. Perdant son statut d’image figée, de aussi proactifs en jonglant entre l’écoute critique des usagers tout
«carte postale», il s’inscrit naturellement dans le paradigme actuel en gardant une ligne de conduite forte. Ce nouveau statut accordé
de la mobilité intelligente. aux touristes par la technologie obligera les parties prenantes à
entamer un dialogue participatif. Le client-roi sera plus actif et
AU SERVICE DES MUNICIPALITÉS deviendra en quelque sorte consommActeur. Dès lors, le parcours
touristique qui s’enrichit jour après jours sur le territoire devra être
Paris, New York, Genève parmi d’autres municipalités ont saisi constamment animé par les professionnels afin d’en améliorer la
l’importance de la technologie pour apporter des compléments qualité du contenu et de l’image qu’il va projeter. Le tourisme de
aux offres touristiques déjà existantes. Les projets du «Père Lachaise» demain sera aussi «smart» que les téléphones d’aujourd’hui et les
à Paris2 ou du métro à New York3 , des monuments clés de la Rade microblogs et les réseaux sociaux deviendront sa vitrine5.
à Genève4 sont autant d’expériences de cette réalité augmentée
qui prend de plus en plus d’ampleur. L’enjeu est de taille car la UN CHANGEMENT DE PARADIGME
compétition touristique est montée d’un cran. A en juger par l’avis
de certains experts, en 2020 le tourisme mondial aura certaine- Si l’on songe maintenant à l’évolution des administrations, des
ment doublé grâce aux touristes venus d’Asie et de Chine princi- municipalités en butte aux nouvelles technologies interactives
palement. Cette manne financière supplémentaire va obliger les contemporaines (Internet, smartphone, etc.), on s’aperçoit alors qu’il
professionnels du tourisme à affiner leurs armes. La technologie y a une rupture des pratiques, des services. Cette rupture pourrait
de l’information virtuelle entrera, à n’en pas douter, comme élé- se caractériser par le participatif «augmenté» des citoyens, des
ment stratégique de différenciation. Les monuments, musées, usagers. Ce participatif n’a évidemment rien à voir avec celui lié à
événements culturels, etc. inscrits dans le monde réel resteront la démocratie directe. Il va s’agir, pour l’essentiel, de l’élaboration
14 les lieux de visite sous-jacents, mais l’offre virtuelle viendra en volontaire d’un «bien commun», ici l’offre touristique. Ce change-
ajout, car «visible» à distance. En effet, la préparation de son futur ment de paradigme dans l’action de participation est évidemment
voyage se fera en explorant les expériences touristiques poten- considérable dans la mesure où il changera le rôle et donc la fonction
tielles basées sur la réalité augmentée pour déterminer le choix des travailleurs du secteur public. On pourrait résumer cette trans-
de sa destination. Ainsi, réel et virtuel vont de plus en plus se formation ainsi: le client ne va plus au guichet, il compose lui-même
mêler pour améliorer l’expérience de l’exploration touristique. le service, il le «co-designe». Pour un fonctionnaire du service public,
ce changement est de l’ordre de la révolution copernicienne: le client
SOLUTIONS PRATIQUES n’est plus au centre, il tourne avec le fonctionnaire autour du ser-
vice qui devient alors un «bien commun».
Le tourisme contemporain se caractérise par le parcours initiatique,
que ce soit sur les traces du Che en Bolivie ou de Calvin à Genève,
sur la découverte de la route du vin dans le Lavaux vaudois, de l’histoire
horlogère à la Chaux-de-Fonds et dans le canton de Neuchâtel, etc.
A cet effet, le parcours touristique se prête à merveille à la réalité
augmentée car chaque étape est l’occasion d’en apprendre davan-
tage, d’approfondir ses connaissances historiques par des détails
non répertoriés ailleurs, bref de percevoir l’indicible. L’accès à des
lieux insolites ou du patrimoine national demandera l’usage de smart
phones, d’iPad ou tout autre futur support informatique mobile avec
la mise à disposition d’interfaces intuitives et d’applications de
e-tourisme pouvant comprendre la visite de milliers de lieux sur la
2. http://www.perelachaisecemetery.com et http://www.parisavant.com
3. http://www.acrossair.com/apps_newyorknearestsubway.htm
4. http://www.foxytour.net et l’application smartphone GeTag