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Management interculturel extrait3
1. Chapitre 5
Intelligences multiples, intelligence
émotionnelle et intelligence culturelle (QC)
Il y a quelques années maintenant, un nouveau concept a fait surface
dans le milieu académique et dans le monde du conseil en interculturel,
celui d’intelligence culturelle ou de quotient culturel (QC) en opposition
au célèbre QI. Quelles pourraient être les différences entre l’intelligence
culturelle et la compétence culturelle telle que nous l’avons présentée
jusqu’à présent ? Lequel de ces deux concepts est le plus adéquat et
le plus valable et intéressant à être identifié et implanté à long terme ?
Dans ce chapitre nous parlerons du concept d’intelligence, pour,
ensuite, visiter le concept très diffusé dans les années 1980 d’intelli-
gence émotionnelle (QE) développé par Daniel Goleman, enfin, pour
arriver aux plus récents travaux sur les composants et le développe-
ment de l’intelligence culturelle (QC).
En 1983, le psychologue Howard Gardner a écrit un ouvrage révélateur 1
dans lequel il contestait les critères d’identification et de mesures du niveau
d’intelligence des individus. Selon lui, si une personne n’est pas bonne en
mathématiques, par exemple, cela ne veut nullement dire que cette per-
sonne ne soit pas intelligente, mais tout simplement que son intelligence
se manifeste dans un autre domaine que celui de la logique et des chiffres.
On part du principe alors qu’il n’y a pas un seul modèle d’intelligence
mais plusieurs, et que les êtres humains se différencient dans le niveau
de développement de différentes modalités d’intelligences. Ces tra-
vaux ont représenté une grande révolution pour les éducateurs et les
recruteurs et ont ouvert le chemin à l’avènement du concept d’intelli-
gence émotionnelle, très à la mode dans les années 1980.
1. Gardner H., Frames of Mind : The theory of multiple intelligences, 1983, Basic Books, New York.
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2. LE MANAGEMENT INTERCULTUREL
Pour Gardner, l’intelligence est complexe à définir et fait appel à des
notions de biologie, de chimie mais aussi à des aspects philosophique
et psychologique. L’intelligence, traditionnellement, peut être comprise
comme un attribut, ou un talent, inné, contrairement à la compétence
qui est fruit de l’apprentissage uniquement. L’intelligence aurait une
capacité opératoire qui ne se modifie que peu avec le temps, l’âge ou
l’expérience. Pour Gardner, l’intelligence doit être comprise au sens
large et elle se manifeste de multiples façons, huit à ce jour, et dans
chaque cas, l’intelligence correspond à une capacité à résoudre des
problèmes ou à produire des biens de différentes natures ayant une
valeur dans un contexte culturel ou collectif. Les différentes modalités
d’intelligences n’ont pas la même valeur ni la même priorité au sein
des différents contextes culturels, ce qui fait que certaines modalités
d’intelligence se retrouvent négligées ou oubliées dans nos sociétés.
L’intelligence est perçue « comme un potentiel biopsychologique » et
chaque être humain a le potentiel de mobiliser l’ensemble de ses
facultés intellectuelles selon un rythme qui lui est propre. Dès sa nais-
sance, chaque individu aura un groupe d’intelligences, dont chacune
se développera selon un rythme qui lui est propre et en adéquation
avec le contexte qui pourra être plus ou moins stimulant.
Ainsi, un enfant de musiciens sera entouré dès son jeune âge d’une
atmosphère musicale, ce qui pourra stimuler sa faculté à apprendre la
musique et à devenir musicien lui-même plus tard, contrairement à un
enfant d’ingénieurs qui n’écouterait jamais de musique chez lui. Si
l’apparition de certaines intelligences est manifeste dès le jeune âge,
d’autres, comme les intelligences personnelles, mettent plus de temps
à mûrir.
Enfin, notons que les différentes intelligences ne se développent pas
toutes au même niveau. La situation la plus courante est qu’une intel-
ligence domine. C’est à partir de cette dominante que la personne
appréhende le monde et celle-ci peut être révélatrice non seulement
d’une personnalité, mais aussi d’une culture. Le niveau de développe-
ment propre à chacune des intelligences explique la différenciation des
humains.
Parmi les différentes modalités d’intelligence identifiées par Gardner,
nous aimerions ici citer, à titre d’exemple, ce qu’il nomme intelligence
intrapersonnelle et qui, avec l’intelligence interpersonnelle, est à la base
du célèbre QE développé depuis 1985 par Daniel Goleman.
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3. INTELLIGENCES MULTIPLES, INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE
Selon Gardner, l’intelligence intrapersonnelle correspond à la capacité
de l’individu d’accéder à ses propres sentiments et à reconnaître ses
émotions. La personne dotée d’intelligence intrapersonnelle a une très
bonne connaissance de ses propres forces et faiblesses.
Quant à l’intelligence interpersonnelle, elle correspond à l’aptitude à
discerner l’humeur, le tempérament, la motivation et le désir des autres
personnes et à y répondre correctement, de manière empathique, bref,
il s’agit de la capacité que certains individus possèdent de comprendre
et d’interagir avec les autres.
Une autre intelligence est l’intelligence kinesthésique, qui correspond
à la capacité de maîtriser les mouvements de son corps, comme la
danse, par exemple et à manipuler des objets avec soin, comme le
font certains artisans qui excellent dans leur métier.
Il y a aussi une intelligence linguistique, qui se caractérise par une
facilité à apprendre des langues, et identifier des sons, significations
et fonctions des mots et du langage.
Enfin, pour revenir aux mathématiques, il y aurait une intelligence
logico-mathématique qui se caractérise par la capacité à réaliser des
calculs complexes et à résoudre tout problème impliquant la logique.
Cette dernière modalité d’intelligence semble être une dominante (valo-
risée) au sein de la culture française, et est souvent traduite par
l’expression : « logique cartésienne ». Selon cette modalité d’intelli-
gence, tout doit s’expliquer par la logique. Les individus dotés d’une
grande intelligence logico-mathématique sont sensibles aux modèles
numériques et ont une aptitude à soutenir de longs raisonnements. Si
ce modèle d’intelligence est valorisé au sein d’une culture, cela ne veut
pas dire que tous les ressortissants de cette culture l’auront comme
dominante ou le développeront au même rythme que les autres. Cela
ne veut pas non plus dire que certains individus ne sont pas intelli-
gents, tout simplement parce que leur modalité dominante d’intelli-
gence ne correspond pas à ce qui est valorisé au sein du milieu socio-
culturel au sein duquel ils sont insérés.
Le concept d’intelligence émotionnelle émerge en 1985 deux ans après
la publication de Gardner sur les intelligences multiples et devient par
la suite un des plus célèbres modèles de leadership jamais connus.
L’intelligence émotionnelle se caractérise par une réunion des intelli-
gences intra et interpersonnelles précédemment expliquées en plus
d’une aptitude des individus à s’adapter au contexte dans lequel ils se
retrouvent sans éprouver trop d’angoisse ou trop de stress. À la suite
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4. LE MANAGEMENT INTERCULTUREL
des travaux de Goleman sur le QE, il a été possible d’identifier une
typologie de styles de leadership selon le niveau de développement
de l’intelligence émotionnelle. Nous ne développerons pas davantage
le concept d’intelligence émotionnelle puisqu’il existe un autre concept
beaucoup plus adéquat à notre propos qui est celui d’intelligence cultu-
relle ou QC.
L’intelligence culturelle et ses composants
Les travaux récents les plus significatifs sur l’intelligence culturelle sont
ceux d’Ang et Earley (2003) 2. Ils reprennent la notion d’intelligence,
notamment sur la base des recherches de Gardner (1999) et proposent
l’identification d’une modalité d’intelligence culturelle tridimensionnelle
d’un individu : la dimension cognitive, la dimension comportementale
et la dimension motivationnelle.
Il ne s’agit plus seulement d’une capacité d’apprendre et de compren-
dre l’autre et soi-même, mais aussi d’une aptitude de transformation
d’une manière de comprendre le monde, d’un compris motivationnel
et d’une capacité émotionnelle de faire face à cette transformation,
alliée à une capacité d’agir de manière adéquate dans des situations
concrètes.
Ci-dessous, nous présentons les principales caractéristiques de trois
dimensions constitutives de cette intelligence. La troisième dimension
implique l’apprentissage et la mise en situation des connaissances
acquises dans les deux autres dimensions, notamment dans la dimen-
sion cognitive.
2. EARLEY, C. & ANG, S., Cultural Intelligence, Individual Interactions Across Cultures, 2003, Stanford University
Press.
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5. INTELLIGENCES MULTIPLES, INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE
Compétence interculturelle ou intelligence culturelle ?
Est-ce que l’intelligence culturelle est la même chose que la compé-
tence culturelle ? Non ! Les deux concepts ne sont pas synonymes,
mais ne sont pas pour autant contradictoires.
Si l’intelligence nous renvoie à une approche systémique de l’être
humain dans ses conceptions biologiques, chimiques (en plus des
aspects sociaux et cognitifs) et représente même une capacité innée,
une propension naturelle au développement de certaines aptitudes
dont le QC, au détriment d’autres modalités d’intelligence face à des
stimuli, la notion de compétence nous renvoie à une approche plus
volontariste, moins déterministe d’un savoir faire qui peut être acquis
et développé par tout individu, indépendamment de son niveau d’intel-
ligence culturelle, émotionnelle, intrapersonnelle ou interpersonnelle.
La compétence interculturelle est un sujet ancien, qui date des années
1950, mis en lumière dans le cadre des réflexions sur la communication
interculturelle. La compétence interculturelle peut aussi être envisagée
sous le point de vue de l’individu et sous le point de vue de l’organi-
sation. On peut parler d’un individu interculturellement compétent
comme on peut parler d’une organisation interculturellement
compétente.
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6. LE MANAGEMENT INTERCULTUREL
L’essentiel
Ainsi comme le concept de compétence, le concept d’intel-
ligence a dernièrement pris de l’importance dans le monde
académique, mais aussi dans le cadre des formations en
entreprises et au sein des cabinets de conseil en interculturel.
Selon la théorie des intelligences multiples développée par
Gardner, chaque individu aura un ensemble d’intelligences
dès sa naissance. Chacune de ces intelligences se dévelop-
pera selon un rythme propre à l’individu et en adéquation
avec le contexte qui pourra être plus ou moins stimulant.
L’intelligence culturelle est la capacité d’apprendre et de
comprendre l’autre et soi-même, mais aussi une aptitude de
transformation d’une manière de comprendre le monde.
L’intelligence culturelle possède aussi une dimension moti-
vationnelle qui consiste en l’effort entrepris par l’individu pour
sortir de sa zone de confort pour comprendre un univers
culturel différent du sien.
L’intelligence culturelle détient également une dimension
émotionnelle qui permet à l’individu de faire face à des chan-
gements et le rend capable d’agir de manière adéquate dans
des situations concrètes.
Les notions de compétence et d’intelligence sont différentes
mais non pas contradictoires. Si l’intelligence représente une
capacité innée susceptible d’être plus ou moins développée
face à des stimuli, la compétence représente un savoir faire
dont l’apprentissage pourrait volontairement être entrepris.
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