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1.
La prodigieuse actualité scientifique de la théorie mimétique
En 2004 Scott Garrels, un chercheur américain en psychologie clinique, a – en premier – fait remarquer
la ressemblance « extraordinaire » (Garrels 2004) entre les découvertes toutes récentes (et souvent
fortuites) dans son domaine et les écrits d’un certain anthropologue français nommé René Girard. Les
recherches en neurosciences et en psychologie expérimentale au sujet de l’imitation sont en train de
découvrir la thèse que Girard a soutenue depuis déjà plus de quatre décennies. Nous sommes témoins
d’un fait assez rare dans l’histoire des sciences: une grande avancée scientifique (comparable à la
découverte de l’ADN selon les spécialistes) a déjà été entièrement devancé par un historien qui a
travaillé sur des textes littéraires et anthropologiques.
Selon le mot de Robert Sylvester les découvertes récentes sont si monumentales que « nul ne sait qu’en
faire ». Le temps est venu de rassembler les chercheurs en sciences dites « dures » et les chercheurs en
sciences humaines pour éclairer leurs lanternes réciproques. Le divorce actuel de ces deux pans de la
pensée humaine, divorce si souvent et vivement déploré par Michel Serres, n’est pas aussi définitif
qu’il semble. Le temps est venu de se rendre à l’évidence : une vraie recherche commune n’est non
seulement louable, mais indispensable. Ce sera là sans doute une des tâches capitales de l’Association
pour les Recherches Mimétiques.
Mais quelles sont ces découvertes récentes ? Il y a d’abord la découverte des « neurones miroirs »
auxquelles Michel Serres a fait référence dans sa réponse au discours de réception de Girard à
l’Académie française. Il y a aussi les derniers travaux d’Andrew Meltzoff et autres qui prouvent que
les êtres humains n’imitent pas tant les comportements extérieurs comme on a toujours pensé, mais les
intentions des autres, ce que Girard n’a pas hésité à appeler le désir d’autrui.
Pour un aperçu de la révolution dans notre vision de l’imitation – avec référence à Girard – voici cet
article de Simon De Keukelaere paru dans Automates Intelligents :
Des découvertes révolutionnaires en sciences cognitives
Les paradoxes et dangers de lʹimitation
La découverte des neurones miroirs est absolument renversante.
Cʹest aussi la découverte la plus importante et elle est pratiquement négligée
parce quʹelle est si monumentale que nul ne sait quʹen faire.
__ROBERT SYLVESTER
Les neurones miroirs
Lʹune des plus grandes révolutions scientifiques de notre temps ‐ selon moi, la découverte des
ʺneurones miroirsʺ ‐ nʹa pas encore reçu beaucoup de publicité. Il y a fort à parier toutefois que cette
découverte va avoir dʹénormes conséquences pour notre compréhension de lʹhomme. Comme lʹa écrit
le directeur du Center for Brain and Cognition de lʹuniversité de Californie :
The discovery of mirror neurons is the single most important ʺunreportedʺ story of the decade. I predict that mirror neurons
will do for psychology what DNA did for biology: they will provide a unifying framework and help explain a host of mental
abilities that have hitherto remained mysterious and inaccessible to experiments. (V.S. Ramachandran, 2000).
2. (La découverte des neurones miroirs est la plus importante nouvelle non‐transmise de la décennie. Je prédis que les neurones
miroirs feront pour la psychologie ce que la DNA a fait pour la biologie. Elles vont fournir un cadre unifiant et aider à
expliquer une quantité de dispositions mentales qui jusquʹà maintenant restaient mystérieuses et inaccessibles à lʹempirisme).
Les neurones miroirs sont des neurones qui sʹactivent, non seulement lorsquʹun individu exécute lui‐
même une action, mais aussi lorsquʹil regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en
quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la
personne observée; de là le qualitatif ʹmiroirʹ (mirror neurons).
Cʹest un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette
découverte sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué ‐ par hasard ‐ que des neurones (dans la
zone F5 du cortex pré moteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but
précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce
mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait lʹexemple.
Zone F5 du cortex pré moteur
Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte
sʹest faite dʹabord chez des singes, mais lʹexistence et lʹimportance des neurones miroirs pour les
humains a été confirmée(1). Dans une recherche toute récente supervisée par Hugo Théoret
(Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif
dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se
développer dans les stades ultérieurs de lʹenfance. Il faut ajouter ici que les savants sʹaccordent pour
dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais
quʹils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres
primates(2).
Lʹhomme est un animal social qui diffère des autres animaux en ce quʹil est plus apte à lʹimitation,
Aristote le disait déjà (Poétique 4). Aujourdʹhui on peut tracer les sources cérébrales de cette spécificité
humaine. La découverte des neurones miroirs permet de mettre le doigt sur ce qui connecte les
cerveaux des hommes. En outre cette découverte a encore confirmé lʹimportance neurologique de
lʹimitation chez lʹêtre humain. Comme le dit très bien Scott Garrels (2004) :
Convergent evidence across the modern disciplines of developmental psychology and cognitive neuroscience demonstrate
that imitation based on mirrored neural activity and reciprocal interpersonal behaviour are what scaffold human
development (p. 3).
— Des preuves convergentes de la psychologie du développement et de la neuroscience cognitive démontrent que lʹimitation
basée sur lʹactivité neurale miroir et le comportement réciproque interpersonnel est ce sur quoi est construit le développement
humain —.
Lʹimitation est importante pour lʹapprentissage, le langage, la transmission culturelle, mais aussi pour
lʹempathie, par exemple. Quʹon peut mieux saisir lʹempathie à lʹaide des neurones miroirs est facile à
3. comprendre: très vite lʹenfant fait lʹexpérience de lʹautre comme ʹquelque choseʹ qui peut ʹfaire la
même choseʹ que lui. En imitant et en étant imité les enfants apprennent que de tous les objets qui les
entourent seuls les êtres humains peuvent vivre les mêmes expériences quʹeux.
Un dialogue prometteur
Quand on met le doigt sur le spécifiquement humain il faut sʹattendre à un échange entre sciences
expérimentales et sciences humaines. En effet, grâce à ces découvertes récentes en neurosciences un
dialogue fascinant entre sciences humaines et sciences expérimentales est en train de sʹétablir. Il faut
se référer ici ‐ entre autres ‐ aux volumes de Hurley et Chater Perspectives on Imitation: From
Neuroscience to Social Science (MIT Press 2005).
Avec cet article nous voulons participer un peu à ce dialogue. Dʹabord en donnant un très bref aperçu
historique de lʹancienne vision sur lʹimitation qui avait cours dans les sciences humaines, vision
désormais révolue. En suite en montrant quʹon peut faire un lien fort étonnant entre lʹanthropologie
du chercheur franco‐américain René Girard et les conclusions récentes de chercheurs en neurobiologie
(en se référant dʹabord aux travaux de Meltzoff sur le rapport entre imitation et intention). Et
finalement en parlant de ce qui me paraît encore une lacune dans la recherche actuelle: le lien quʹon
peut faire (et quʹon devrait explorer) entre imitation inconsciente et la naissance de la rivalité, de la
violence entre deux (ou plusieurs individus).
DE PLATON À GIACOMO RIZZOLATI ET AL.
Le processus dynamique et intersubjectif nommé ʹimitationʹ est vital pour le développement humain
et pour la transmission de la culture durant toute notre vie « in ways that we are just beginning to
understand » (Hurley & Chater, 2002). Selon les chercheurs nous ne commençons quʹà saisir
lʹimportance de lʹimitation et de lʹinterdépendance des êtres humains (même au niveau cérébral). Jadis
cette conscience aiguë nʹexistait pas. Platon est un des premiers penseurs qui a analysé le phénomène
de lʹimitation (quʹil nomme mimesis). Toutefois chez lui lʹimitation nʹest quʹune faculté humaine (qui
produit des extensions de la vérité idéale dans le monde phénoménal). La mimesis décrite par Platon
(par .exemple le peintre imite un objet du monde extérieur) est fort éloignée de cette interdépendance
vitale entre congénères que nous montrent les chercheurs dʹaujourdʹhui.
Les philosophes après Platon ont le plus souvent repris sa vision limitée, tronqué de lʹimitation ‐
même sʹils nʹétaient pas dʹaccord avec lui au sujet de lʹart. Cette situation a beaucoup contribué au
concept moderne du ʹmoi autonomeʹ (Garrels, 2004). Cette influence de Platon, mais aussi des
Lumières, a sans doute contribué au fait que ni Freud(3), ni même Piaget nʹont soupçonné la
possibilité de lʹimitation intersubjective chez les nouveau‐nés.
En 1977 deux chercheurs américains, Andrew Meltzoff et Keith Moore, voulaient tester les stades de
développement de lʹapprentissage préverbal chez Piaget. Par hasard ils ont découvert que même les
nouveau‐nés étaient parfaitement capables dʹapprendre par imitation. Ils ont donc dû critiquer
certaines présuppositions de la théorie de Piaget, car dʹaprès le célèbre psychologue suisse une forme
élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter. Cʹest pourquoi lʹenfant,
chez Piaget, ne commence quʹà imiter autrui vers lʹâge dʹun an. Meltzoff et Moore ont vérifié ce quʹils
avaient trouvé en 1977 dans les années 1980 (Meltzoff & Moore 1983, 1989) chez des enfants dont la
moyenne dʹâge était de 32 heures (le plus jeune nʹétait âgé que de 42 minutes). Lʹexistence et surtout
lʹimportance de lʹimitation immédiate chez les nouveau‐nés avaient totalement échappé aux
chercheurs.
The existence of immediate imitation in development was hardly suspected and its role was ignored. (Nadel & Butterworth,
1999).
Quatre présuppositions importantes sur lʹimitation se sont donc avérées fausses (Garrels 2004) :
4. • Les hommes apprennent progressivement à imiter durant les premières années de lʹenfance.
• Une forme élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter.
• Les nouveau‐nés sont incapables de faire un lien entre ce quʹils voient chez les autres et ce
quʹils sentent chez eux‐mêmes.
• Dès que lʹenfant est capable dʹimiter cela reste une faculté mineure et enfantine.
Ces présuppositions qui ‐ on le voit aujourdʹhui ‐ ont souvent formé le soubassement dʹun discours
fondamental (philosophique et scientifique) sur lʹhumain depuis Platon sʹavèrent donc erronées. On a
longtemps cru aussi que lʹimitation est synonyme de comportement grégaire, moutonnier. Lʹimitation
appartient au Moi Inférieur de Valéry ou à ce que Heidegger appelait dédaigneusement le ʹonʹ Das
Man. Actuellement une telle vision semble inexacte. Il nʹy a pas encore trois ans un colloque sur
lʹimitation a été introduit par les mots suivants :
Imitation … is often thought of as a low‐level, relatively childish or even mindless phenomenon. This may be a serious
mistake. It is beginning to look, in light of recent work in the cognitive sciences, as if imitation is a rare, perhaps even
uniquely human ability, which may be fundamental to what is distinctive about human learning, intelligence, rationality, and
culture. (Hurley & Chater, 2002 ‐ cité par Garrels).
— Lʹimitation … est souvent considérée comme un phénomène mineur, enfantin ou même inepte. Cela est sans doute une
grande erreur. Il semble aujourdʹhui, à travers les travaux récents en sciences cognitives, que lʹimitation est un phénomène
exceptionnel, peut‐être spécifiquement humain, qui est sans doute fondamental pour tout ce qui est original dans
lʹapprentissage humain, lʹintelligence, la rationalité et la culture —.
Ce nʹétait pas avant les années 1970 que le terme ʹimitationʹ est devenu une référence clef dans les
bases de données psychologiques. Nadel et Butterworth (1999) ont retrouvé dix études dʹavant 1970
qui sʹoccupaient de lʹimitation au‐delà des différents stades dʹapprentissage. En 1978 ce nombre était
déjà élevé à septante‐six. Aujourdʹhui lʹimitation est au centre dʹune recherche riche et
interdisciplinaire dans la psychologie du développement, les neurosciences, les sciences cognitives, la
linguistique, lʹéthologie, lʹévolution culturelle, la biologie évolutionnaire et lʹintelligence artificielle.
IMITATION ET INTENTION
Pour Platon et Aristote lʹimitation avait trait à certains types de comportements, des manières, des
habitudes individuelles ou collectives, des paroles, des idées, des façons de parler, toujours des
représentations(4). Grâce aux recherches actuelles en neuroscience et en psychologie expérimentale
nous savons que lʹimitation est un phénomène beaucoup plus complexe et ʹintimeʹ à lʹhomme: nous
nʹimitons pas tant des représentations ‐ ce quʹon voit faire un autre par exemple ‐ mais des intentions,
des désirs. Récemment Andrew Meltzoff (aujourdʹhui responsable de l’ Institute for Learning and Brain
Sciences à Washington) a façonné une série dʹexpériences où lʹimitation était employée pour
comprendre comment un enfant peut déchiffrer les intentions des adultes à travers leur comportement
(Garrels 2004).
Dans une première expérience un chercheur montrait à des petits dʹenviron 18 mois comment il
essayait dʹenlever le bout dʹun ʹmini‐haltèreʹ pour enfants. Au lieu dʹachever lʹaction il faisait semblant
quʹil nʹarrivait pas à enlever le bout du jouet. Les enfants ne voyaient donc jamais la représentation
exacte du but de lʹaction. En usant de différents groupes de contrôle les chercheurs ont remarqué que
les petits avaient saisi la visée de la démarche (ôter le bout du haltère) et quʹils imitaient cette intention
du chercheur et non ce quʹils avaient réellement vu. Les enfants imitent donc non pas une
représentation, mais un but, un dessein. Comme le résume Meltzoff : “Evidently, young toddlers can
understand our goals even if we fail to fulfill them. They choose to imitate what we meant to do,
rather than what we mistakenly do” (Meltzoff & Decety, 2003, p. 496). Les enfants comprennent donc
les intentions des adultes, même si ces adultes nʹarrivent pas à les accomplir. Ils imitent ce que les
chercheurs voulaient faire plus que ce quʹils faisaient concrètement.
7. manquer de provoquer un … conflit. Voilà que la mimésis peut être la source de conflits, de violence,
si lʹon voit que les comportements dʹacquisition et dʹappropriation (le fait de prendre un objet pour
soi) sont aussi susceptibles dʹêtre imités. Là chose est claire et pourtant ‐ chose étrange et remarquable
‐ ce type de comportement fort important pour les primates et pour les humains nʹa pas été incorporé
dans la recherche sur lʹimitation :
Ce nʹest pas un hasard, sans doute, si le type de comportement systématiquement exclu par toutes les problématiques de
lʹimitation, de Platon jusquʹà nos jours, est celui auquel on ne peut pas songer sans découvrir aussitôt lʹinexactitude flagrante
de la conception quʹon se fait toujours de cette ʹfacultéʹ, le caractère proprement mythique des effets uniformément grégaires
et lénifiants quʹon ne cesse de lui attribuer. Si le mimétique chez lʹhomme joue bien le rôle fondamental que tout désigne pour
lui, il doit forcément exister une imitation acquisitive ou, si lʹon préfère, une mimésis dʹappropriation dont il importe
dʹétudier les effets et de peser les conséquences. (Girard 1978)
Cette remarque pourtant évidente a dʹénormes conséquences pour notre compréhension de lʹhomme.
La mimesis devient ‐ du coup ‐ fort paradoxale: elle peut être source dʹempathie, de conformisme,
mais aussi de rivalité. Donnons encore un exemple simple, même banal, dʹune rivalité qui naît de la
mimésis. Imaginons deux bambins dans une pièce pleine de jouets identiques. Le premier prend un
jouet, mais il ne semble pas fort intéressé par lʹobjet. Le second lʹobserve et essaie dʹarracher le jouet à
son petit camarade. Celui‐là nʹétait pas fort captivé par la babiole, mais ‐ soudain ‐ parce que lʹautre est
intéressé cela change et il ne veut plus le lâcher. Des larmes, des frustrations et de la violence
sʹensuivent. Dans un laps de temps très court un objet pour lequel aucun des deux nʹavait un intérêt
particulier est devenu lʹenjeu dʹune rivalité obstinée. Il faut noter que tout dans ce désir trop partagé
pour un objet impartageable est imitation, même lʹintensité du désir dépendra de celui dʹautrui. Cʹest
ce que Girard appelle la rivalité mimétique, étrange processus de ʹfeedback positifʹ qui sécrète en
grandes quantités la jalousie, lʹenvie et la haine.
Conclusion
Si lʹimitation est souvent dangereuse pour les singes il ne doit pas y en aller autrement pour les
humains. Souvent les singes ne risquent pas de se bagarrer à mort pour de la nourriture, des
partenaires, un territoire, etc. parce quʹil existe chez eux des freins instinctifs à la violence, des
rapports de domination (des ʹdominance patternsʹ). Chez les hommes, nous le savons, ces freins
instinctuels nʹexistent plus. La violence intraspécifique, la ʹguerre de tous contre tousʹ pour reprendre
le mot de Hobbes, a du jouer un rôle important dans lʹhominisation. Comme le disait déjà Jacques
Monod :
« Dominant désormais son environnement, lʹHomme nʹavait devant soi dʹadversaire sérieux que lui‐même. La lutte
intraspécifique directe, la lutte à mort, devenait des lors lʹun des principaux facteurs de sélection dans lʹespèce humaine.
Phénomène extrêmement rare dans lʹévolution des animaux. […] Dans quel sens cette pression de sélection devait‐elle
pousser lʹévolution humaine ? » (Monod, 1970).
Comment cet obstacle formidable quʹoppose la violence intraspécifique à la création de toute société
humaine a été soulevé? Voilà une question importante. Voilà la question qu’a dû affronter René
Girard après avoir découvert l’ambiguïté de la mimésis. Il faut espérer que les recherches
interdisciplinaires sur lʹhomme vont scruter le problème. Et on ne peut pas ne pas le rencontrer sur sa
route si lʹon contemple vraiment la nature extrêmement paradoxale de lʹimitation humaine: source
dʹintelligence, dʹempathie, mais aussi de rivalité, de destruction.
Notes
(1) Aujourdʹhui cela nʹest plus une question. On se demande désormais comment les neurones miroirs opèrent
chez lʹhomme et en quoi cela est différent des autres animaux. Voir entre autres : Buccino, G., Lui, F., Canessa,
N., Patteri, I., Lagravinese, G., Benuzzi, F., Porro, C.A., and Rizzolatti, G. (2004) Neural circuits involved in
the recognition of actions performed by nonconspecifics: An fMRI study. J Cogn. Neurosci. 16: 114‐126.
8. (2) ʺThe human mind demonstrates a greater development of imitative phenomena throughout the lifespan, both
quantitatively and qualitatively.ʺ (Garrels, 2004)
Shirley Fecteau: ʺCeci montre que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature.
Lʹactivation est toutefois plus réduite que celle observée chez les adultes, ce qui indique que ces réseaux,
probablement en place dès la naissance, continuent de se développer dans des stades ultérieurs de lʹenfance.ʺ
Interview sur le forum ʹonlineʹ de lʹUniversité de Montréal :
http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/ArchivesForum/2004‐2005/041213/article4195.htm
(3) ʺIt is clear that there is no place in Freudʹs theory of early infancy for imitative self‐other reciprocity.ʺ
(Trevarthen, Kokinaki, & Fiamenghi, 1999, p. 155).
(4) Voir René Girard (1978, p. 17).
(5) Voici ce que disent Wohlschlager et Bekkering :
The goal‐directed theory of imitation allows imitators to learn from models even if the differences in motor skills
or in body proportions are so huge that the imitator is physically unable to make the same movement as the
model. Whatever movement the imitator uses, the purpose of learning by imitation can be regarded as being
fulfilled as soon as he reaches the same goal as the model. (Wohlschlager & Bekkering, 2002, p. 104).
Il est aussi intéressant de noter ‐ entre parenthèses ‐ que cette hypothèse récente semble aller un peu à lʹencontre
de la théorie ʹmémétiqueʹ de Richard Dawkins (1976 The Selfish Gene). Dawkins a forgé une théorie assez
fascinante de la culture en tenant compte de lʹimportance de lʹimitation et en extrapolant le schème Darwinien
vers le domaine des idées. La tentation est grande, en effet, pour un biologiste de comparer la sélection des idées à
lʹévolution Darwinienne. Six ans avant le fameux livre de Dawkins le prix Nobel français Jacques Monod
écrivait déjà à la fin de son livre Le Hasard et la Nécessité sous le titre ʹla sélection des idéesʹ:
Il est tentant, pour un biologiste, de comparer lʹévolution des idées à celle de la biosphère. Car si le Royaume abstrait
transcende la biosphère plus encore que celle‐ci lʹunivers non vivant, les idées ont conservé certaines des propriétés des
organismes. Comme eux elles tendent à perpétuer leur structure et à la multiplier, comme eux elles peuvent fusionner,
recombiner, ségréger leur contenu, comme eux enfin elles évoluent et dans cette évolution la sélection, sans aucun doute, joue
un grand rôle. (p. 181).
Mais ajoute Monod : « Je ne me hasarderai pas à proposer une théorie de la sélection des idées. ʺ Chez Dawkins
lʹimitation, la reproduction porte sur les ʹidéesʹ sur des unités dʹinformation (ʹmèmesʹ), des représentations en
somme. Les recherches toutes récentes nous montrent ‐ au contraire ‐ que lʹimitation humaine porte dʹabord sur
des intentions. Dans un cadre philosophique on peut dire que Meltzoff et autres dégagent définitivement la
mimesis de son ancien contexte dʹidéalisme platonicien (et ce platonisme ‐ dʹaucuns ont pu le remarquer ‐
semble toujours là chez un Dawkins qui parle dʹidéosphère, un peu comme Monod qui parlait du ʹRoyaume
abstrait des idéesʹ, ce qui implique toujours la vieille conception platonicienne ‐ un peu mythique, il faut
lʹavouer ‐ selon laquelle les idées ont une existence indépendante des hommes).
Sources
Bushman, B. and Huesmann, L. (2001) ʺEffects of televised violence on aggressionʺ, in D.G. Singer & J.L.
Singer (ed.) Handbook of children and the media, Thousand Oaks: Sage, pp. 223‐254
Dawkins, Richard, (1976) The Selfish Gene, Oxford University Press.
Garrells, Scott R., (2004) ʹImitation, Mirror Neurons, & Mimetic desireʹ
http://www.covr2004.org/garrelspaper.pdf
Girard, René, (1961) Mensonge Romantique et Vérité Romanesque (Paris : Grasset), 1972) La violence et le
sacré (Paris: Grasset),
(1978) Des Choses cachées depuis la fondation du monde avec Jean‐Michel Oughourlian et Guy Lefort
(Paris: Grasset).
Hurley, S. & Chater, N. (2002). Perspectives on imitation: from cognitive neuroscience to social science.
Royaumont Abbey, France, 24‐26 May.
Nadel, J. & Butterworth, G. (1999). Imitation in Infancy. Cambridge University Press. ‐ Meltzoff, A. &
Decety, J. (2003). What imitation tells us about social cognition: a rapprochement between developmental