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Ondes mobiles et risques sanitaires gabriel boudard – janvier 2014
1. Ondes mobiles et risques sanitaires : l’opinion publique est-elle
équipée pour un débat ? - Gabriel Boudard – janvier 2014
Alors que les impacts des ondes électromagnétiques sur la santé sont de plus en plus fréquemment
évoqués dans les médias, l’opinion publique semble tarder à s’emparer du sujet. Cette situation
nous interroge sur la capacité et les moyens donnés à la société civile pour qu’elle puisse prendre
part à des débats sur les questions sanitaires et plus généralement sur les questions éthiques.
Fin octobre 2013, l’Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du
travail (ANSES) a rendu son avis sur « les effets sanitaires
des technologies de communication sans fil et autres
applications radiofréquences »1
. L’agence déclare que
les risques présupposés des ondes radios ne sont pas
avérés et qu’aucune nouvelle disposition ne sera prise
pour limiter l’exposition des populations à celles-ci.
Cette annonce a été largement reprise par les médias nationaux provoquant la colère d’acteurs déjà
positionnés sur la question, qu’ils s’agissent d’associations, « Robin des toits », « Priartem2
», de
politiques comme Michèle Rivasi et Laurence Abeille3
(EE-LV) ou encore de scientifiques comme le
cancérologue Dominique Belpomme4
.
Un sujet complexe scientifiquement… et politiquement
Les questionnements scientifiques sur les ondes électromagnétiques foisonnent : Quels sont les
impacts supposés sur les brins d’ADN, la barrière hémato-encéphalique, la manifestation de
gliomes ? L’hypersensibilité aux ondes (EHS)5
est-elle avérée… ?
Toutes ces questions qui peuvent impacter les limites maximales d'exposition autorisées par la loi,
sont parasitées par de nombreux intérêts, financiers et lobbyistes. Dans le contexte économique
actuel, le poids des opérateurs télécoms, tant capitalistique qu’en termes d’emplois, rend délicate
toute décision tranchée de la part du gouvernement. Celui-ci doit en effet veiller à la santé et à la
sécurité des Français, comme à la compétitivité du pays et à son niveau d’emploi.
Pourtant cette partie de billard à trois bandes : étatique, scientifique et économique n’est pas
nouvelle. Des sujets aussi complexes ont déjà été traités par la société civile : tabac, alcool, amiante...
Alors pourquoi la société ne s’empare-t-elle pas d’un débat sur les ondes mobiles ? Plusieurs pistes
de réponses s’offrent à nous.
1
Radiofréquences, téléphonie mobile et technologies sans fils - ANSES - 23 octobre 2013
2
Radiofréquences et santé : Assez attendu. Le courage, c’est maintenant !, Priartem, 21 octobre 2013
3
Ondes, wi-fi, antennes : «On est donc incapable d’agir quand il est encore temps ?» , Marie Piquemal,
Libération, 31 janvier 2013
4
Foire bio de Gorcy : en lutte contre le cancer, Sébastien BONETTI, le républicain lorrain 17 octobre 2013
5
Hypersensibilité électromagnétique : Fait ou fiction ? - Stephen J. Genuis Christopher T. Lipp - 2011
Crédit photo 24matins
2. 1- Le désengagement progressif de l’état
Pris entre les intérêts des citoyens et ceux des entreprises, l’Etat ne semble pas pressé d’engager un
véritable débat public sur les ondes mobiles et ce, en dépit des risques sanitaires qu’elles pourraient
représenter. Cette situation n’est pas nouvelle. Concernant le tabac, les instances publiques n’ont
pas souhaité interdire la vente de cigarettes alors qu’elles reconnaissent leur caractère cancérigène.
Elles ont préféré encadrer la consommation (espace non-fumeur, interdiction aux mineurs etc.). En
d’autres termes, plutôt que d’édicter une loi de nature prohibitive, qui s’oppose aux industriels, l’état
a transféré sa responsabilité et son travail de gestion du risque vers l’individu.
Cette tendance semble s’illustrer dans les conclusions de l’ANSES, qui adressent la plupart de ses
recommandations aux utilisateurs/consommateurs. Ainsi, elle préconise d’utiliser des kits mains
libres et de « réduire l’exposition des enfants en incitant à un usage modéré du téléphone mobile ».
D’autres recommandations sont destinées aux industriels afin qu’ils améliorent la signalisation des
émissions d’ondes de leurs produits et infrastructures. Le Grenelle des ondes de 2009 avait déjà
abouti à des recommandations du même type6
.
2 - Les limites de la prévention
On a longtemps cru qu’informer les citoyens sur les risques auxquels ils s’exposent (tabac, mauvaise
alimentation… et peut être demain les ondes ?) suffirait à changer les comportements. Pourtant une
étude7
publiée dans le bulletin de veille scientifique – santé – environnement – travail, a indiqué que
le surcroît d’informations tendrait à renforcer le sentiment d’impuissance et conforterait finalement
les citoyens dans leurs habitudes et les inciterait à une certaine forme d’acceptation vis-à-vis des
risques encourus.
3 - La place du téléphone dans notre société
Le téléphone mobile qui s’apparentait à un gadget au début des années 90 est devenu en moins de
20 ans un objet aussi populaire qu’indispensable (6,8 milliards d’abonnés dans le monde). Cette
donne a contraint les acteurs les plus virulents à adapter leur discours. Ainsi, l’association « Robin
des toits » qui, en 2009 contraignait Bouygues Telecom à démonter des antennes8
, a demandé en
2013 à ce que les opérateurs multiplient le nombre de leurs relais afin d’en réduire la puissance9
. Il
semble bien difficile de protéger le citoyen tout en évitant d’aller à l’encontre des besoins du
consommateur…
Des citoyens / consommateurs désarmés pour un débat
Dans nos sociétés démocratiques, régies par l’économie de marché, les questions sanitaires et
éthiques s’adressent autant au citoyen qu’au consommateur. Or, si des actions de prévention sont
réalisées pour informer le public, rien n’est fait pour l’aider à résister aux moyens marketings
colossaux déployés par les firmes.
Pour qu’un débat public ait réellement lieu, il ne convient donc plus seulement d’alerter sur les
risques que présentent les produits. Il faut également donner les moyens au citoyen de
6
Grenelle des ondes – proposition d’orientations
7
Des effets paradoxaux de la communication sur les risques de santé environnementale : «Ce qui ne tue pas
mon déni le renforce» Jean-Marie RAMBAUD - La communication dans la gouvernance des risques sanitaires :
intérêts et limites - octobre 2007 à février 2008
8
Antennes-relais de Téléphonie Mobile : le Jugement de la Cour d'Appel de Versailles - 04/02/2009
9
"Multiplier le nombre d'antennes-relais pour être moins exposé aux ondes ?" - France Info – 27 aout 2013
3. déconstruire les arguments utilisés par ceux qui les font accepter au consommateur. En cela un
travail de diffusion de la culture scientifique et technique, notamment en sciences sociales :
éthique, sociologie, marketing apparait comme un prérequis nécessaire. L’enjeu consiste à aider le
public à arbitrer sciemment entre ses priorités de consommateur et ses priorités de citoyen,
aujourd’hui sur les ondes mobiles et demain avec les technologies NBIC.