Contexte et solutions juridiques de la crise en France et en Italie
1. France - Italie : kit de survie
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Perceptions et solutions
face à la crise
Jeudi 25 septembre, 2014
Aspects juridiques
Lionel Lesur, McDermott Will & Emery, Partner, Avocat aux Barreaux
de Paris et de Rome
2. Le Droit : une source de problèmes mais aussi de
solutions des deux côtés des Alpes ? (1/5)
▪ Points de départ de nos constats et réflexions :
– Ressenti de nos clients (entreprises, notamment
internationales, entrepreneurs et investisseurs)
– Nature des principaux dossiers qu’ils nous confient
actuellement / sur quoi nous sollicitent-ils ?
▪ Un premier sentiment quasi unanime :
– l’environnement politique et économique actuel est, en
général, peu favorable à l’investissement (notamment
étranger), et, donc, à la croissance, à l’embauche, etc.,
mais chaque secteur dispose de sa propre dynamique
(e.g., luxe vs. automobile)
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3. Le Droit : une source de problèmes mais aussi de
solutions des deux côtés des Alpes ? (2/5)
▪ Un second sentiment plus contrasté :
– l’environnement juridique inquiète encore mais sa
perception s’améliore peu à peu.
– Il est urgent de continuer les efforts en ce sens
▪ Si le Droit, qui est souvent un facteur de réaction,
ne peut pas être le principal moteur de la reprise,
il en est l’un des instruments essentiels
– NB: le Droit est au « service » de l’Economie et du bien-être
commun
– NB: Plus de 50% des lois proviennent aujourd’hui de l’UE
→ marge de manoeuvre limitée au niveau national
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4. Le Droit : une source de problèmes mais aussi de
solutions des deux côtés des Alpes ? (3/5)
▪ Analyse de la situation juridique et fiscale et approche
des réformes nécessaires similaires dans les 2 pays :
– Droit - trop - complexe …
– Qui ne favorise pas - assez - :
▪ l’attractivité des 2 pays et la compétitivité de leurs entreprises,
▪ l’accès au financement pour les entreprises, et, donc, in fine,
▪ la reprise de la croissance/la création de richesse et la réduction
du chômage (i.e., traiter en même temps chômage et déficits
publics qui doivent être contenus pour permettre une réduction
de la pression fiscale, corollaire indispensable à la reprise)
– Le Droit doit donc être simplifié et assoupli
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5. Le Droit : une source de problèmes mais aussi de
solutions des deux côtés des Alpes ? (4/5)
▪ Les deux textes fondamentaux déjà adoptés des 2
côtés des Alpes présentent plusieurs points communs
– Les 35 mesures du Pacte français pour la croissance, la
compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012
– Les 10 points clés du decreto “Sblocca Italia” du 12
septembre 2014
▪ Favoriser l’accès au financement pour les entreprises dont le
financement de l’export pour encourager leur internationalisation,
▪ Maintenir nos infrastructures (énergie, réseaux, ports),
▪ Favoriser les technologies et les usages numériques, etc.
→ Cela va dans le bon sens !
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6. Le Droit : une source de problèmes mais aussi de
solutions des deux côtés des Alpes ? (5/5)
→ Quelques exemples plus précis, par grande « matière »
juridique (fiscal inclus) :
▪ des principaux problèmes/freins juridiques identifiés ;
▪ des solutions récemment apportées (efficacement ?) ; et
▪ d’autres pistes de réflexion / réformes potentielles qui pourraient
être opportunes pour contribuer à améliorer la situation
économique et sociale des deux côtés des Alpes
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7. Le financement des entreprises (1/3)
▪ Difficulté majeure pour les entreprises, notamment
à court terme (i.e., trésorerie)
– Banques aux réserves importantes ayant, pourtant,
établi de - trop - lourdes contraintes pour permettre aux
entreprises d’accéder aux financements en temps utile
▪ Solutions françaises :
– La Banque Publique d’Investissement (BPI) :
▪ 3 domaines d’intervention principaux : l’innovation, la garantie
des financements bancaires et l’intervention en fonds propres…
▪ pour remplir 3 missions principales : pallier les défaillances de
marché pour soutenir les entreprises, surtout les PMEs (en
conformité avec les règles EU), investir dans les secteurs
stratégiques d’avenir et développer les territoires
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8. Le financement des entreprises (2/3)
– Le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi
▪ Objectif : financer l’amélioration de la compétitivité des
entreprises, notamment en matière d’investissement, recherche,
innovation, recrutement, prospection de nouveaux marchés,
transition écologique et énergétique, reconstitution du BFR, etc.
▪ Accessible à toutes les entreprises françaises, le CICE permet
de réaliser une économie d’impôt substantielle
– Mise en place d’une garantie pour apporter plus de
500M€ de trésorerie aux PMEs
▪ Exigences en matière de garantie (cautions) des banques
souvent démesurées en pratique et bloquant l’accès au crédit (y
compris à court terme)
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9. Le financement des entreprises (3/3)
– Accélération des délais de paiement (Loi Hamon de
2014) :
▪ Fixation à 30 jours maximum du délai d’acceptation de toute
livraison, qui fait courir le point de départ des délais de paiement
(inchangés : 45 jours fin de mois ou 60 jours date de facture)
▪ Elargissement des pouvoirs de contrôle de la DGCCRF et
sanctions alourdies
▪ Première solution italienne :
– Decreto legge 35/2013 (transposition EU)
▪ Permet le paiement des dettes de l’administration publique à
l’égard des sociétés, soit 40 milliards d’euros ! A ce jour, environ
la moitié a déjà été payée aux entreprises créancières.
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10. La fiscalité (1/3)
▪ Un environnement fiscal français
– certes complexe …
– mais qui a tendance à se stabiliser (élément
fondamental pour attirer les investisseurs et capitaux
étrangers – cf. incertitudes sur la taxation à 75%)
▪ La législation offre en outre :
– des leviers d’optimisation permettant d’accommoder nos
clients (à 1ère vue « contre » l’intérêt de l’Etat ?) ;
▪ NB: Attention aux idées reçues, il n’est pas « anormal » que Total
ne paie pas d’impôts en France (cf. bénéfices réalisés à
l’étranger, compensation avec l’activité « retail » en France,
remontée des dividendes, etc.). Moins « normal » pour Google ?
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11. La fiscalité (2/3)
– L’instrument du crédit Impôt-recherche est essentiel pour
attirer les investisseurs et maintenir l’innovation en France
(pour 100€ investis, l’Etat donne 100€)
→ Il ne faut pas y toucher !
▪ Forte nécessité de baisser la fiscalité sur les
entreprises ? :
– Taux d’IS trop élevé (taux de base de 33,33%, voire
38% pour les grandes entreprises)
→ Le baisser (< 30%) pour regagner de la compétitivité et attirer des
entreprises étrangère, comme l’ont fait l’Irlande et, dans une
moindre mesure, le Luxembourg) pour se relancer ?
– Impôts fonciers, etc.
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12. La fiscalité (3/3)
▪ Est-il opportun de baisser :
– la fiscalité directe (IR et/ou ISF) sur les personnes (afin
d’éviter la fuite des cerveaux et hauts revenus) ; et/ou
– indirecte (cf., taux de TVA normal passé de 19,6% à
20% et taux intermédiaire de 7% à 10%) ?
▪ Nécessité d’intensifier la lutte contre la fraude
fiscale et de favoriser le rapatriement des capitaux
situés à l’étranger (amnistie? totale, partielle ?)
▪ Mais toujours difficile d’apprécier les effets a priori
– NB: la baisse de la TVA dans la restauration n’a
probablement pas créé d’emplois…
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13. Droit social et cotisations sociales (1/4)
▪ Un droit difficilement lisible …
– Une page de plus par semaine dans le Code du travail
entre 2012 et 2014 !
→ Fluidifier le marché du travail passe par une simplification des
règles et, probablement, par une plus large utilisation des accords
collectifs.
▪ et trop rigide qui effraie employeurs&investisseurs
– Cf. revoir la flexibilité du temps de travail (35h, travail le
dimanche et le soir, etc.) afin d’adapter le modèle social
à la concurrence mondiale (NB: certains travaillent 50h)
– Négocier le temps de travail à la carte selon les besoins
de chaque secteur voire même chaque entreprise
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14. Droit social et cotisations sociales (2/4)
▪ Un coût du travail trop élevé qui explique la peur
d’embaucher de certains patrons (d’autant qu’il
est difficile de licencier) confrontés à une
concurrence internationale (cf. délocalisations)
– Le récent « Pacte de responsabilité » (amorcé par les
allègements Fillon) envisage de diminuer le coût du
travail et les contraintes administratives pesant sur les
entreprises afin d’accélérer la création d’emplois
– L’allègement des cotisations patronales semble
nécessaire (y compris pour limiter le travail au noir et la
perte de rentrée fiscale liée) mais avec quel effet réel ?
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15. Droit social et cotisations sociales (3/4)
▪ Créations d’emplois en résultant incertaine (au mieux on éviterait
des destructions?) car une entreprise peut préférer reconstituer
ses réserves, rembourser une dette ou investir (NB: ce sont
plutôt les commandes qui créent de l’emploi).
▪ Impossibilité de contrôler la réalité des embauches et d’établir un
pacte « binding » (cf. difficulté du suivi des embauches avec les
périodes d’essai et d’imposer une durée d’emploi minimum, qui
irait, en outre, contre le désir de flexibilité), ce qui explique le
difficile dialogue actuel entre le Gouvernement et le Medef
▪ Le coût d’une telle mesure – probablement élevé - est complexe
à évaluer (et dépend également des salaires concernés),
d’autant qu’elle aurait des répercussions annexes puisque les
cotisations patronales financent la sécurité sociale et les retraites
▪ En parallèle, la réduction de la dette pour retrouver de la marge
de manoeuvre semble donc en tout état de cause indispensable.
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16. Droit social et cotisations sociales (4/4)
▪ Un droit trop favorable aux salariés, notamment
« à la sortie » ?
– Cf. effet « pervers » des ruptures conventionnelles,
notamment sur le coût global du mécanisme
d’assurance chômage
– Au-delà, n’est-il pas nécessaire de modifier les règles
de ce mécanisme, y compris dans le contrôle de son
application (cf. influence sur la cohésion sociale) ?
– Surreprésentation en outre des salariés dans les TPEs
(cf. élections dès le 11ème salarié – bien trop lourd)
– Lenteur de la consultation du CE dans les deals de M&A
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17. Droit des sociétés – droit contractuel (1/3)
▪ Les récentes mesures de facilitation de la création
d’entreprises (y compris individuelles) et de
simplification du droit des société (cf. loi 2014)
vont dans le bon sens et doivent être poursuivies
▪ Certains textes sont également particulièrement
utiles pour protéger les « faibles » des éventuels
abus des « forts » tentés de profiter de la crise (cf.
pratique restrictives unilatérales - article L. 442-6
du Code de commerce, repris à l’article 32 de la
loi italienne n°27/2012)
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18. Droit des sociétés – droit contractuel (2/3)
▪ La pratique juridique commerciale répond aussi à
la crise :
– e.g., insertion de clauses dites de « hardship » dans les
contrats :
▪ Pratique développée par les juristes pour remédier au fait que,
contrairement au droit anglo-saxon, le droit français (également
bien moins souple que le droit italien) ne permet pas, la révision
des clauses d’un contrat - notamment le prix – compte tenu d’un
changement significatif des circonstances économiques par
rapport à celles en vigueur à la date de conclusion du contrat
▪ La procédure de renégociation doit être détaillée
▪ Les modalités de sortie doivent également être prévues pour le
cas où les parties ne parviennent pas à un accord
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19. Droit des sociétés – droit contractuel (3/3)
▪ Les tribunaux ne devraient-il pas le faire
également ?
– e.g., assouplir la règle de la rupture brutale des relations
commerciales établies / diminuer le délai de préavis afin
d’être plus proche de la réalité économique dans un
contexte de crise ?
– Plus généralement, rendre des décisions au fond plus
rapidement (NB: la lenteur de la justice italienne a
souvent un effet direct sur le coût de l’emprunt dans les
financements de projet, les banques factorisant le risque
de contentieux → adoption des mesures du 29 /08/2014
visant, notamment, à accélérer les procès civils)
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20. Droit de la concurrence (1/2)
▪ Un dogme à assouplir en cas de crise ?
– Réforme des aides d’Etat
▪ Aux banques dans le contexte de crise (1er août 2013)
▪ Aller au-delà ? : projet à l’étude de modification des lignes
directrices de la Commission afin d’autoriser le soutien
temporaire à la restructuration des PMEs en simplifiant l’octroi de
fonds publics tout en réduisant les distorsions de concurrence.
Moyen : favoriser les mesures qui faussent moins la concurrence
(prêts et garanties) plutôt que les aides structurelles (subventions
directes ou apports en capitaux)
– Contrôle des concentrations : assouplir les critères de la
failing firm defence pour éviter à tout prix la faillite d’une
entreprise qu’un concurrent serait prêt à racheter ?
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21. Droit de la concurrence (2/2)
▪ Il est possible de dire que la Commission EU y a prêté une
certaine attention, tout au plus, cependant, très limitée (cf. affaire
Aegean/Olympic II - décisions en 2011 et 2013 – et affaire
Nynas/sheel en 2013). Sa pratique ne révèle absolument pas
l’assouplissement significatif que beaucoup appelaient de leurs
voeux.
▪ Les autorités nationales de concurrence semblent y avoir été un
peu plus sensible, notamment l’autorité italienne (et britannique)
en 2008, dans l’affaire CAI/Alitalia/Airone, même si l’examen de
cette opération s’est inscrit dans un cadre législatif très
spécifique (loi probablement adoptée pour faire échapper Alitalia
aux mains d’Air France)
– Cartel de crise : notion restée théorique, les conditions
d’application restant très - trop ? - difficiles à réunir
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22. Une liste de « matières » juridiques non-exhaustive
(1/2)
▪ Financement de la Sécurité Sociale et des
retraites, Assurance maladie
▪ Poids de la dette, notation et taux d’intérêts
▪ Contraintes administratives (réforme : le silence
de l’administration vaut acceptation, une même
information peut désormais être donnée une seule
fois à l’administration, etc.)
▪ Régulation sectorielle et réflexe protectionniste
(cf. Décrets « Alstom » en France et « anti-EDF »
en Italie dans l’affaire Edison) : une bonne idée ?
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23. Une liste de « matières » juridiques non-exhaustive
(2/2)
▪ Mesures sectorielles/spécifiques nécessaires ou
utiles ? (e.g., immobilier, zones d’investissement
prioritaires pour maintenir le tissu économique
régional)
▪ Sentiment d’inégalité public vs. privé, d’une
corporation à une autre (cf. difficultés d’envisager
la fin de certains avantages…)
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24. Eléments de conclusion (1/5)
▪ Difficulté à mesurer l’impact des réformes
structurelles en cours ou envisagées/suggérées
mais elles sont indispensables dans les 2 pays
▪ On y entend les mêmes mots (aides aux
entreprises, réforme du marché du travail, de
l’Etat avec des coupes dans les dépenses
publiques, baisse des impôts, etc.).
▪ Si les maux sont similaires, du moins souvent
(chômage élevé, problème de compétitivité, etc.),
des différences doivent également être notées :
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25. Eléments de conclusion (2/5)
▪ La balance commerciale de l’Italie est excédentaire et son déficit
public inférieur aux « fameux » 3%, de sorte qu’elle dispose donc de
plus de marge de manoeuvre pour baisser les impôts
▪ La popularité de Renzi est, en outre, supérieure à celle d’Hollande de
sorte qu’il pourrait lui être moins difficile de réformer ?
▪ Un tissu industriel régional bien plus dense en Italie avec un degré
de décentralisation beaucoup plus important (pouvoir des régions de
légiférer qui impacte – négativement – des projets transrégionaux)
▪ Le droit n’est certainement pas l’unique cause des
problèmes et doit, avant tout, être vu comme un
vecteur de la volonté politique et des choix
économiques effectués, afin de répondre à la
crise
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26. Eléments de conclusion (3/5)
▪ En outre le rôle de l’UE, qui limite fortement la
marge de manoeuvre au niveau national, ne doit
pas être sous-estimé et il sera intéressant de voir
comment, alors que l'Italie s’apprête à prendre la
présidence du Conseil de l’UE (et a annoncé
vouloir stimuler l’emploi et la croissance grâce
aussi à la BCE dirigée par Mario Draghi), celle-ci
se positionnera vis-à-vis de l’axe franco-allemand
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27. Eléments de conclusion (4/5)
▪ Plusieurs signes/éléments positifs malgré ce
climat quelque peu morose :
– Les investisseurs restent attirés par la France : main
d’oeuvre qualifiée, technologie, qualité de l’éducation,
– La vieille Europe = une économie tertiaire et innovante –
il faut l’admettre ? Certainement ! et l’accompagner
▪ Transports, tourisme, culture
▪ Secteurs stratégiques d’avenir (cf. BPI) : conversion numérique,
écologique et énergétique de l’industrie et l’économie sociale et
solidaire
– Le monde change = autant d’opportunités à saisir !
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28. Eléments de conclusion (5/5)
– Ne pas sous-estimer, en outre, l’importance des
comportements individuels dans la sortie de crise
(épargne, mécontentement, fuite des talents et des
richesses, le bon vivre à la française) :
▪ Tout ne va pas si mal ! – le positive thinking à l’américaine, plutôt
que l’« autoflagellation à l’italienne » !, est fondamental afin de
prendre des risques
▪ Tout “cadeau” fiscal aux entreprises ou aux personnes physiques
ne peut avoir un effet positif que si l’économie ainsi réalisée est
réinvestie
– Enfin, l’amitié franco-italienne et les liens ténus entre les
2 pays à plusieurs égards, dont économique, constituent
surement un élément clé de notre « kit de survie » !
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