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La Nouvelle Zélande ou le pays de l´extrême contradiction


      La Nouvelle-Zélande, ses montagnes, ses glaciers et ses lacs, ses millions de
moutons, ses forêts primaires et ses plages de sable noir.

Cette contrée isolée du Pacifique sud, au-delà du 45ème parallèle, fait rêver chaque
année de plus en plus de jeunes du monde entier.

Grâce au programme «Working Holiday Visa» 1(visa d´immigration temporaire
permettant à des jeunes âgés entre 18 et 30 ans de voyager et travailler dans un pays
pour une durée de 1 an), ils sont de plus en plus nombreux ; européens, sud-américains,
ou encore asiatiques, à tenter l´aventure néozélandaise.

Dans le contexte de crise mondiale et globale, le pays des All-Blacks fait office de
destination de rêve pour ces jeunes expatriés en quête de liberté et de réussite
socioprofessionnelle.

Nourris par l´imaginaire féerique du « Seigneurs des Anneaux », des reportages sur les
merveilles naturelles du pays, des spots publicitaires vantant le tourisme de nature et
d´aventure, ou encore par la valorisation de la culture maorie (dont le Haka d´avant
match de rugby est devenu le symbole de tout un pays), ces jeunes du monde entier
arrivent sur le sol néozélandais plein d´espoir et de projets.

        Pourtant, beaucoup de choses ont changé depuis que les premiers polynésiens
ont débarqué sur Aotearoa : le pays du long nuage blanc. Ayant accosté vers 1200
ap.J.-C, sur les côtes vierges du cap Renga, les tahitiens venus depuis les îles de la
société vont s´acclimater et peupler ces îles dont le règne végétal n´avait jusque là,
permis que quelques espèces d´oiseaux.

La venue du capitaine James Cook, près de 500 ans plus tard, va ouvrir la porte à une
colonisation britannique de ces terres vierges du grand sud. Composés de volontaires
des îles de Grande-Bretagne et d´anciens forcenés venus d´Australie, ces groupes de
colons vont s´installer sur les deux îles de Aotearoa.

Reproduisant le mode de vie Anglo-saxon, ces pionniers vont par le nombre et par la
force, remplacer le système de vie traditionnel polynésien. Les maoris, pourtant réputés
comme de grands guerriers, vont peu à peu se faire englober dans le modèle colonial
britannique qui s´appuie sur la suprématie militaire et la promesse d´avantages
économiques et de partage des terres (Traité de Waitangi, 6 février 1840).




1
    «ndt». Visa Vacances/Travail
Les premières grandes fermes d´élevage ovin et bovin voient le jour. Les forêts
primaires de Kauri ou de Fern-tree2 vont progressivement être remplacées par des
prairies. Le paysage de la Nouvelle-Zélande se modifie sous l´action de l´homme dit
civilisé.

Aujourd´hui, les jeunes arrivent des quatre coins du monde dans les aéroports
internationaux d’Auckland et de Christchurch. Si beaucoup choisissent de débuter leur
voyage par l´île du nord (appelée île de feu par les maoris), c´est surtout dans l´île du
sud (île de Jade) que se retrouvent les jeunes en quête de tourisme de nature et
d´aventure.

        Dans cette île de jade, traversée en son milieu par le massif montagneux des
Alpes néozélandaises, la population ne s´élève qu´à 1 million d´habitants, soit un peu
plus de 6 habitants/km2. Bordée par la mer de Tasman sur sa « West-coast » et par
l´océan Pacifique sur la « East coast », elle compte en plus de ses richesses naturelles,
des activités économiques qui attirent cette jeunesse en éveil.

La région du Canterburry et du Central Otago, regroupent les plus grandes fermes
d´élevage de moutons (dont l´agneau est consommé dans le monde entier) et de fermes
laitières qui place la Nouvelle-Zélande à la 1ère position mondiale en tant
qu´exportateur de lait.

Au delà des chiffres, et pour tenter de percer sur le terrain, les travers de la campagne
100% pure New Zealand, nous avons rencontré deux jeunes français qui ont travaillé
dans des « fermes-types » d´élevage bovin et ovin.

Rodolphe- 23 ans- Parisien, en NZ depuis 7 mois :

« Honnêtement je n´ai jamais vu ça ! Je bosses dans une ferme de 7200 vaches laitières.
Nous sommes 6 jeunes, tous en « Working Holiday Visa » à s´occuper de la traite, du
nettoyage et de nourrir les vaches. Les conditions de vie des bêtes, vont à l´encontre de
toute éthique animale. Il n´y a aucun système de traitement des déjections et tout fini,
par écoulement dans la rivière voisine. On rajoute sans cesse des antibiotiques dans leur
nourriture et le pire, c´est qu`après une nuit d´effort (sur demande d´heures
supplémentaires par le patron) j´ai aidé à mettre bas une vache avec tout l´effort affectif
que cela demande. Le lendemain, j´apprends que le veau a été exécuté et brulé dans le
fond de l´exploitation pour raison d´insuffisance de place et de nourriture.

Je crois que je vais m´en aller de cette ferme, j´espère retrouver autre chose, de plus
humain… »




2
    «ndt». Arbres fougères
Delphine- 26 ans- grenobloise, en NZ depuis 5 mois :

« Moi je suis venu ici parce que je suis bergère dans les
Alpes et que la Nouvelle-Zélande ça a toujours été un
rêve et aussi car je voulais développer mon anglais.
Pour ce qui est de l´anglais après 4 mois avec les
fermiers, ça va mieux. Mais pour ce qui est des
moutons, j´ai hâte de retrouver les miens. Parce que si
ça parait beau sur les cartes postales, les moutons qui
broutent dans les vertes prairies avec en décor de fond
les montagnes enneigées, en réalité les fermiers ils en
ont tellement des moutons, qu´ils ne s´en occupent pas.

A la pointe de la technologie en matière agricole, ils ont fait baguer les moutons qui
sont géo positionnés sur ordinateur avec repérage satellite. Ils ne les soignent pas quand
ils se blessent. Pour eux, peu importe s´il en manque une dizaine lors de la tonte (pour la
précieuse laine de Mérinos) ou pour l´envoi à l´abattoir. Je les ai engagés à recruter des
équipes de bergers, car il y a plein de jeunes bergers qui sont en voyage ici. Mais quand
je leur dit ça ils me prennent pour une extra-terrestre. Du coup j´ai fait mon sac à dos et
j´ai repris la route et je vais serrer le budget d´ici mon billet de retour. »

       La condition des jeunes expatriés n´est pas toujours facile. Peu de droits les
protègent et leur statut ne pèserait pas lourd en cas d´un procès avec un natif de l´île.

Le gouvernement kiwi (terme qui désigne à la fois l´oiseau endémique, symbole du
pays, le fruit et le néozélandais natif du pays) ouvrirait donc ses frontières pour avoir
une main d´œuvre pas chère et peu regardante sur les conditions de travail ?

       Justement, nous sommes allés faire un tour à Motueka, au bord de la baie de
Tasman, dans le nord de l´île du sud, plus grosse région productrice de fruits et légumes
notamment de kiwis (le fruit !). Dans cette ville-rue, caractéristique de l´organisation
urbaine Anglo-saxonne, nous voyons beaucoup de voyageurs, de cafés, de pubs et aussi
bon nombre de visages polynésiens, uniquement des hommes, qui se déplacent en
groupe dans la rue principale.

Le soir, nous trouvons un espace de camping à quelques kilomètres de la ville et nous
tombons sur un groupe de jeunes qui voyagent en van aménagé. Autour d´un grand feu,
ces jeunes venus ici pour travailler dans le ramassage des fruits et des légumes,
partagent un grand repas composé de pain et de viandes dénichés dans les poubelles du
supermarché de la ville.
Julien- 28 ans, breton des côtes d´Armor en NZ depuis 7 mois :

« Tout est tellement cher ici ! La viande c´est hors de prix. Le gigot d´agneau, il est
presque deux fois plus cher qu´en France. Le vin, ils sont producteurs, la moins bonne
bouteille coute 9$nz (7 Euros). C´est pas facile. Du coup, on fait ce qu´on appelle du
« Dumpster-diving », on récupère ce que les supermarchés jettent au jour de la date de
péremption. Mais au moins, c´est pas comme en France, ils ne mettent pas de l´acide ou
de la javel dessus pour rendre la nourriture impropre à la consommation. La Nouvelle-
Zélande est un pays vert aux yeux du monde, mais lorsque l´on s´en rapproche pour y
voir sans lunettes et bien le vert est plus artificiel que naturel »




Un peu plus loin, je rejoins Cyril, 29 ans, Bigourdan en NZ depuis 9 mois. Après avoir
sympathisé, il accepte de se livrer à moi sur ses conditions de travail :

« Franchement, heureusement qu´ils sont là tous les potes. Qu`à nous tous on se serre
les coudes et on se remonte le moral. Je viens d´achever le ramassage des kiwis. Même
si c´est l´été, il ne fait pas bien chaud le matin quand on commence. Mais ça c´est
normal. C´est là qu’on se rend compte ce que c´est l´agriculture. Non ce qui est terrible
c´est ce qu´on a fait cette semaine. Moi j´ai accepté parce que j´ai besoin d´argent, mais
les autres ils ont refusé. Je me suis retrouvé uniquement avec les Samoans, car tous les
polynésiens qui bossent ici ils viennent des îles Samoa. Tout a été fait « au black » j´ai
été payé un peu plus que la normal.

On a injecté des sortes d´antibiotiques à tous les kiwis de l´exploitation avant de les
ramasser. Un événement a retardé leur croissance et du coup comme les commandes
étaient déjà passées, il a fallu les livrer quand même. Je ne sais pas ce que je leur ai
injecté. Mais quand j´y pense, je m´en veux.
Et dire que tous les consommateurs du monde entier, peut-être même mes parents, vont
en manger en pensant qu´ils sont supers bons ces kiwis puisqu´ils viennent de Nouvelle-
Zélande. J´ai dit à tous les potes de ne pas en manger. Surtout pas…

Et quand je pense à tous ces mecs des Samoa. Eux, ils n´ont pas le choix. Avant la
saison des récoltes, les « contractors »3 ou directement les patrons de ferme, ils vont là
bas, ils enrôlent autant de travailleurs qui leur en faut, ils les ramènent en Nouvelle-
Zélande et ils ne les paient qu´une fois la saison finie et qu´ils sont de retour chez eux.
Ils prétextent un peu comme pour les maoris, qu´ils vont tout dépenser dans l´alcool.
Mais je sens bien que c´est une fausse excuse. C´est surtout pour qu´ils ne puissent rien
dire sous peine de se faire renvoyer sans un sou … »

        Nous dormirons ce soir là sous un ciel tapissé d´étoiles. Contemplant la
constellation de la Croix du Sud, sans aucune pollution visuelle de grandes villes ou
d´industries, je médite en me disant que bien souvent, ce n´est pas la pollution que l´on
voit qui est la plus grave et la plus douloureuse pour la Terre.

Le lendemain, à 5 h 30 a.m, le campement se vide et chaque van et ses occupants
reprennent la route des champs où la récolte des pommes a commencé.

Pour notre part, nous faisons route vers le célèbre « Abel Tasman National Park ».
Ayant entendu parler de sa magie depuis la France, nous décidons de louer un kayak
pour découvrir le parc, coté mer.

Nous prenons la mer à marée basse dans la baie de Marahau et longeons la côte vierge
et sauvage. Nous découvrons des plages de sable blanc et des forêts tropicales
plongeants dans une eau turquoise.

        Notre expérience de « Slow Travel » maritime, à la seule force des rames, nous
permet de prendre conscience de la façon dont est géré ce parc naturel et l´organisation
touristique qui en découle. Sans interruption, des « water-taxis » font des allers/retours
pour déverser des flots de touristes sur les plages. Les hors bords du D.O.C (Department
Of Conservation) frôlent notre embarcation, semant le remous dans l´eau, immaculée de
phytoplancton transparent, et effraye les familles de lions de mer qui jouent sur les
récifs de petits ilots du parc maritime.

       Prétextant une vigilance sans faille de leur parc et une sécurité pour les touristes,
ces employés de l´institution nationale de conservation et de protection de la
biodiversité, quadrillent de façon militaire leur zone et utilisent sans ménagement leurs
bateaux, très gourmands en hydrocarbures. Ces rejets d´essence dans la mer, s´ajoutant
à ceux des centaines de « water-taxis » participent à la pollution de ce site naturel.




3
    «ndt». Agence de placement de travailleur agricole qui perçoit en moyenne 8% du salaire .
La liberté d´action sur la zone du parc est très contrôlée et encadrée. Mettant en
avant le tourisme de nature et d´aventure, ce trek à l´instar de plusieurs en Nouvelle
Zélande, place le touriste dans une logique d´assistanat (sentier aménagé, interdiction de
sortit du chemin…).

L´ « Abel tasman », la plus empruntée des fameuses « 9 greats walks of New Zealand»4,
représente un véritable budget pour le marcheur (24 $nz pour une nuit en refuge et
12 $nz pour une nuit sous la tente). Les nuits en refuge et les places de tentes étant
limitées, le trek se réserve souvent plusieurs semaines à l´avance en haute saison. Un
garde du parc contrôle votre réservation à l´entrée du chemin en guise de laissez-passer.

Il en est de même pour les 9 plus belles randonnées de Nouvelle-Zélande.

Limiter par l´argent le nombre d´entrées dans un parc naturel, effectuer une sélection sur
une base monétaire des randonneurs assoiffés d´aventure et de nature ; Assister plutôt
que responsabiliser les touristes, tels semblent être les pratiques touristiques du pays
kiwi et de sa puissante organisation qu´est le « Department Of Conservation ».

       Ayant entendu que de nombreuses initiatives écologiques se créaient dans la
région voisine de la « Golden Bay », nous prenons la route de Takaka.

Dans la petite bourgade de 2000 habitants, chef lieu de la région, de nombreux artistes
et acteurs d´initiatives innovantes sont venus s´installer. Un restaurant de cuisine
« vegan »5, un jardin communautaire où chaque personne aidant un temps au potager
reçoit un repas gratuit, un marché dominical qui promeut auprès des touristes et des
voyageurs, des spécialités produites localement, notamment par les deux communautés
de la région.6

Quelques acteurs locaux qui dynamisent la commune et contribuent à donner une image
positive de la région. Pourtant, malgré le climat serein qui règne dans cette région,
enclavée du reste du pays par le parc d´ « Abel Tasman », le « Kahaurangi national
Park», les habitants se réunissent de plus en plus souvent pour s´organiser et se défendre
face aux menaces d´ouverture du marché des terrains de l´état aux investisseurs et
compagnies d´extraction internationales.

Daphnée-38 ans, résidente en Nouvelle-Zélande depuis 15 ans, gérante du camping
Hang dog, accueillant des escaladeurs du monde entier :

« Quand on est arrivés ici, on était idéalistes et pleins de motivations pour créer une
région laboratoire du développement durable. On avait tous voyagé dans le monde

4
  «ndt». Les 9 plus belles marches de Nouvelle-Zélande. ( http://www.doc.govt.nz/parks-and-
recreation/tracks-and-walks/great-walks/)
5
 «nda». Mode de vie fondé sur le refus de la cruauté envers les animaux. Régime alimentaire excluant les
œufs et les produits laitiers en plus des restrictions végétariennes.
6
    «nda». Rainbow community and Tui community.
entier et on s´est retrouvés ici avec nos expériences et nos savoir-faire et on a tenté de
réfléchir tous ensemble au développement que l´on voulait pour notre région. Faut dire
que les anciens gouvernements nous ont bien aidé et à l´époque les politiques
d´immigration déclenchaient presque le S.O.S. pour que des gens viennent s´installer
ici. Mais aujourd´hui, on est bien conscient, notre gouvernement veut se placer dans les
hautes sphères de l´exportation et surtout en matières premières dont « Papatuanuku »
(la Mère-Terre des Maoris) regorge et n´a jamais été violée. On conteste et on s´oppose
mais on espère que le gouvernement ne restera pas insensible à nos protestations.
Pourtant comme beaucoup dans la région, quand j´entends chanter le « bell-bird » le
matin dans mon jardin, je me dis qu´ici, dans la « Golden Bay », c´est le paradis et que
lorsqu´on passe le col qui nous ramène sur Motueka, c´est un autre monde ».

De nombreuses pétitions et sites internet, s´opposant à ce projet de loi qui pourrait avoir
des conséquences irréversibles pour Aotearoa, circulent et font polémique à travers la
jeunesse éclairée du pays.

       Notre chemin, lui ne s´arrêtera pas à cette région et refranchissant le col, nous
prenons la direction du grand sud et des hautes chaines de montagnes des Alpes
néozélandaises. Passant sous les versants du Mt Aoraki/Cook (3874 m), et par les
grands lacs de Tekapo et Pukaki, nous arrivons à Queenstown, ville majeure du
Queenstown-Lake district.




       Queenstown, 11 000 habitants en période basse, plus du triple en haute saison est
nichée au bord du lac Wakatipu (3ème plus grand de Nouvelle-Zélande). Entourée de
montagnes vertigineuses tel le massif des « Remarkables », et encadrée par deux parcs
nationaux (« Mt Aspiring et Fjordland National Park »), Queenstown est reconnue
comme la plus grande station de sports d´hiver de l´hémisphère sud et fait aussi office
de capitale du tourisme d´aventure.

        Si la ville découpée en petites ruelles et bordée par le lac revêt un charme tout à
fait helvétique, il est très difficile de trouver dans les multiples agences de voyages ou
dans les nombreux « Backpackers »7, des prestations de tourisme responsable.

Saut à l´élastique, tour de hors-bord sur la rivière creusée pour l´activité, « skydiving »
(saut en parachute depuis un avion), tour d´hélicoptère pour aller contempler les fjords
du grand sud depuis le ciel ; promesses de sensations fortes et de souvenirs « in vitam
aeternam »8 notamment grâce au film de votre expérience vendu avec le package.

        Un tourisme d´adrénaline plutôt que de nature, la mise en avant d´infrastructures
et de moyens de locomotion très gourmands en hydrocarbures et dénaturant le paysage
naturel plutôt que la valorisation du « Slow Travel »9 et de moyens de déplacements
écologiques.

Queenstown, avec ses boutiques de luxe et ses hôtels plus étoilés que la croix du sud,
fait figure de station balnéaire haut de gamme prisée par les familles bourgeoises du
Pacifique sud.

Des familles australiennes et kiwis venant découvrir les plaisirs de la neige, des
fonctionnaires ou riches entrepreneurs de Nouvelle Calédonie ou de Polynésie française
venus retrouver ici les plaisirs du froid et respirer l´ambiance de la station de ski. Des
touristes de passage, en van ou camping-car aménagé, qui dans leur tour de l´île du sud
ne peuvent omettre la petite suisse kiwi.

L´énorme activité touristique fait aussi de Queenstown un pôle d´attractivité pour un
grand nombre de jeunes en « Working Holiday Visa » en quête de travail.

Jenny- 23 ans, lilloise en Nouvelle Zélande depuis 3 mois :

 « Ça me rappelle un peu les saisons dans les Alpes, sauf que pour le coup on est dans la
position des étrangers qui viennent bosser. On a beau avoir des diplômes et de
l´expérience, on se démène et on est content de décrocher un job pour pouvoir vivre ici.
Avec mon copain on a un loyer de plus de 200 $nz par semaine, sans compter le
chauffage. La nourriture est très chère. Envisager une journée de ski, c´est impensable.
Entre le forfait, l´équipement et le transport, c´est 1/5 de mon salaire du mois.



7
    «ndt». Auberges de jeunesse

8
    «ndt». Jusqu´à la fin des jours
9
  Le “slow travel” est la branche des voyages du mouvement Slow, originaire d´Italie, qui propose de
ralentir le rythme pour mieux apprécier toute l’expérience touristique.
Mais au moins, ça nous fait vivre ce que vivent chaque jour tous les étrangers qui
bossent ou cherchent du boulot en Europe. On se fait même engouler quand on parle en
français avec ma collègue de travail. Ici c´est nous les immigrés et franchement c´est
pas facile à vivre au quotidien ».

« Housekeeper »10, plongeur ou commis de cuisine, serveur ou ramasseur de verres.
Jardiniers pour les parcs publics de la ville, employé au ramassage ou au tri des déchets,
tous les jobs qui font que la ville et l´industrie touristique puisse mener leur marche en
avant, sont assurés par ces jeunes du monde entier venus ici en visa Vacances/Travail et
se retrouvent à travailler et tenter d´économiser pour escompter se payer la suite des
vacances.

         Pourtant, en se baladant en fin de journée dans le centre ville et au bord du lac,
je croise beaucoup de jeunes qui se rassemblent pour jouer de la musique. D´autres
reviennent un frisbee à la main du parcours de « disc-golf »11 située dans le jardin
botanique.

 D´autres encore s´amusent à escalader et palabrer dans les arbres centenaires comme
devaient le faire les premiers maoris qui ont découvert ce site dont Rudyard Kipling dira
qu´il représente « la huitième merveille du Monde ».

Sur mon parcours, je suis soudain arrêté par un rythme d´accordéon venant d´un petit
parking avec vue sur le lac où viennent se garer les voitures des clients du prestigieux et
plus vieil hôtel de la ville.

 Je découvre une petite crêperie authentique où il règne une joyeuse ambiance musicale
et un brin d´humeur vagabonde. Démonstrations et cours de jonglage, matchs de
pétanque, coin jeux et livres de voyage, danses traditionnelles celtiques, échange de
bons plans et tuyaux pour trouver un appartement, un travail ou prévoir un événement
culturel.

Tous les jeunes de la ville semblent se rassembler ici, en mangeant une crêpe ou une
galette de « La Bonne Francinette ».

Paulo-27 ans, nantais en Nouvelle-Zélande depuis 7 mois :

« Je travaille à la fois comme housekeeper à mon backpacker en échange de mon
hébergement et le soir comme plongeur dans un pub pour financer la suite de mon
voyage. Ici à la crêperie « La Bonne Francinette », on se retrouve tous autour d´un café
et une crêpe, il y a des jeunes des cinq continents. Ça parle plusieurs langues, ça joue de
la musique, ça échange des idées, ça partage ses points de vues et ses expériences. On
refait le monde en quelque sorte, dans une atmosphère toujours conviviale. Et dans ce


10
     «ndt». Femme ou homme de ménage dans un hôtel ou un backpacker.
11
     Sur le même principe qu´un parcours de golf, le joueur doit placer son frisbee dans un embut.
coin de la planète, immergés dans une nature digne des premiers matins du monde, on y
croit vraiment. ».

         Derrière le comptoir coloré du stand de crêpes, entourée de photos de
différentes régions françaises, je retrouve Sundari, les joues rougies par la chaleur des
biligs12 préparant une crêpe goût « sugar and lemon »13.




Sundari, 24 ans, antiboise en Nouvelle-Zélande depuis 6 mois – Co-créatrice de la
crêperie « la Bonne Francinette » :

« Avec mon copain, après avoir voyagé en vélo dans différents coins de l´île du sud, et
au vu des différentes possibilités de travail, on s´est dit que le mieux c´était de devenir
nos propres patrons.

On s´est bien renseigné sur la législation du pays en matière de création d´entreprise et
on a présenté notre dossier aux services de la ville. Ça n´a pas été facile mais ils nous
ont autorisé à ouvrir notre petite crêperie dans le CBD14 de Queenstown.

On a une carte simple mais uniquement de produits frais et on essaye pleins de goûts
innovants avec une crêpe et une galette du jour. On s´adapte au standard gustatif de
notre clientèle anglo-saxonne, mettant aussi en avant les vertus saines de nos produits
comme la farine de sarrasin qui ravit bon nombre de clients « gluten free »15.

On a crée tout notre petit business nous même. A part les biligs qui sont du matériel
professionnel (marque Krampouz, certifiée Bretagne) tout le reste a été déniché dans


12
   Terme original breton qui désigne les plaques en fonte sur lesquelles sont cuites les galettes et les
crêpes.
13
   «ndt». Sucre et citron.
14
   «ndt». Central Business District : Quartier d´affaires.
15
   «ndt». Personne présentant une intolérance ou une allergie au Gluten.
des « hospitality shops »16, recustomisé et mis en décoration par nos soins. Plus que le
recyclage, on essaye aussi de se différencier par rapport aux autres restaurants de la
ville, notamment sur notre empreinte écologique. On minimise au maximum nos
déchets, en ne donnant pas de couverts en plastique ni de boites en polystyrène.

Tous ces petits détails, ça nous permet d´économiser sérieusement sur nos coûts
réguliers et en plus ça crée une atmosphère de respect et fait prendre conscience aux
gens qu´on peut faire de bonnes choses avec un peu de créativité et de volonté.

Plus qu´une simple crêperie, on a voulu créer un lieu de rencontres et de partage
d´idées. Tous les amis ; musiciens, peintres, chanteuses, dessinateur, jongleur, dj …
peuvent ici s´exprimer et c´est grâce à eux que « la Bonne Francinette » est un lieu de
joie et de bonne humeur communicative ».

        Un petit village gaulois dans ce grand sud de la planète qui fait la promotion de
la culture française et ravi les enfants océaniens qui après une journée de ski sont si
contents de pouvoir manger une grande et bonne crêpe.

       Le moment est venu de retourner sur Christchurch pour boucler la boucle de
notre voyage. Dans la ville encore détruite depuis les deux tremblements de terre de
2011, nous sommes surpris de découvrir pleins d´initiatives pour occuper la rue.

Ces « Gap filler »17 ont installé ici un piano en libre service, là une bibliothèque à ciel
ouvert, de ce coté- ci un café uniquement construit en palettes, de ce coté-là un terrain
de BMX… Pourtant au dessus de ce terrain de jeux pour petits et grands, un immense
panneau publicitaire annonce: « ici, prochainement ouverture d´un centre commercial ».

        Cette ville représente bien l´extrême contradiction du pays kiwi, qui appelle sans
cesse son peuple et tous les immigrés à créer des initiatives innovantes et à se mobiliser
pour le développement du pays. Initiatives et bonne volonté qui peuvent être du jour au
lendemain balayées ou muselées par l´état et ses puissantes institutions. Que ce soit
dans les domaines de l´agriculture vivrière, de l´élevage, du tourisme et de l´hospitalité,
la Nouvelle-Zélande, en ces temps de crise mondiale et de surpopulation fait office de
contrée d´espoir et de pouponnière de solutions écologiques et doit reprendre son destin
en main.




16
     «ndt». Magasins d´articles de seconde main souvent gérés par une association comme l´armée du salut.
17
  Collectif prônant l´occupation de la rue par des activités et animations culturelles.
(http://www.gapfiller.org.nz/ )
En remontant dans l´avion, je me dis que même si le nuage n´est pas vraiment
tout blanc au dessus de Aotearoa, il y souffle encore une brise d´espérance et un vent
d´innovation.

        Et si l´anticyclone écologique néozélandais veut se propager au reste du monde,
il faudra qu´il compte et collabore avec tous ces jeunes du monde entier venus pour
apprendre, échanger et partager.

        Si tous ces enfants du voyage pouvaient rentrer au pays, enchantés par leur
expérience 100 % pure en Nouvelle-Zélande, ils ne tarderaient pas à se faire messagers
d´un modèle et d´une conscience nouvelle. Ils apporteraient ainsi au vieux continent un
élan de renouveau et de jeunesse et forts de leurs expériences, ils commenceraient la
lutte pour prendre en main leur avenir et celui de la Terre.




                                                                      Maxime Giordano

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La nouvelle zélande ou le pays de l´éxtreme contradiction

  • 1. La Nouvelle Zélande ou le pays de l´extrême contradiction La Nouvelle-Zélande, ses montagnes, ses glaciers et ses lacs, ses millions de moutons, ses forêts primaires et ses plages de sable noir. Cette contrée isolée du Pacifique sud, au-delà du 45ème parallèle, fait rêver chaque année de plus en plus de jeunes du monde entier. Grâce au programme «Working Holiday Visa» 1(visa d´immigration temporaire permettant à des jeunes âgés entre 18 et 30 ans de voyager et travailler dans un pays pour une durée de 1 an), ils sont de plus en plus nombreux ; européens, sud-américains, ou encore asiatiques, à tenter l´aventure néozélandaise. Dans le contexte de crise mondiale et globale, le pays des All-Blacks fait office de destination de rêve pour ces jeunes expatriés en quête de liberté et de réussite socioprofessionnelle. Nourris par l´imaginaire féerique du « Seigneurs des Anneaux », des reportages sur les merveilles naturelles du pays, des spots publicitaires vantant le tourisme de nature et d´aventure, ou encore par la valorisation de la culture maorie (dont le Haka d´avant match de rugby est devenu le symbole de tout un pays), ces jeunes du monde entier arrivent sur le sol néozélandais plein d´espoir et de projets. Pourtant, beaucoup de choses ont changé depuis que les premiers polynésiens ont débarqué sur Aotearoa : le pays du long nuage blanc. Ayant accosté vers 1200 ap.J.-C, sur les côtes vierges du cap Renga, les tahitiens venus depuis les îles de la société vont s´acclimater et peupler ces îles dont le règne végétal n´avait jusque là, permis que quelques espèces d´oiseaux. La venue du capitaine James Cook, près de 500 ans plus tard, va ouvrir la porte à une colonisation britannique de ces terres vierges du grand sud. Composés de volontaires des îles de Grande-Bretagne et d´anciens forcenés venus d´Australie, ces groupes de colons vont s´installer sur les deux îles de Aotearoa. Reproduisant le mode de vie Anglo-saxon, ces pionniers vont par le nombre et par la force, remplacer le système de vie traditionnel polynésien. Les maoris, pourtant réputés comme de grands guerriers, vont peu à peu se faire englober dans le modèle colonial britannique qui s´appuie sur la suprématie militaire et la promesse d´avantages économiques et de partage des terres (Traité de Waitangi, 6 février 1840). 1 «ndt». Visa Vacances/Travail
  • 2. Les premières grandes fermes d´élevage ovin et bovin voient le jour. Les forêts primaires de Kauri ou de Fern-tree2 vont progressivement être remplacées par des prairies. Le paysage de la Nouvelle-Zélande se modifie sous l´action de l´homme dit civilisé. Aujourd´hui, les jeunes arrivent des quatre coins du monde dans les aéroports internationaux d’Auckland et de Christchurch. Si beaucoup choisissent de débuter leur voyage par l´île du nord (appelée île de feu par les maoris), c´est surtout dans l´île du sud (île de Jade) que se retrouvent les jeunes en quête de tourisme de nature et d´aventure. Dans cette île de jade, traversée en son milieu par le massif montagneux des Alpes néozélandaises, la population ne s´élève qu´à 1 million d´habitants, soit un peu plus de 6 habitants/km2. Bordée par la mer de Tasman sur sa « West-coast » et par l´océan Pacifique sur la « East coast », elle compte en plus de ses richesses naturelles, des activités économiques qui attirent cette jeunesse en éveil. La région du Canterburry et du Central Otago, regroupent les plus grandes fermes d´élevage de moutons (dont l´agneau est consommé dans le monde entier) et de fermes laitières qui place la Nouvelle-Zélande à la 1ère position mondiale en tant qu´exportateur de lait. Au delà des chiffres, et pour tenter de percer sur le terrain, les travers de la campagne 100% pure New Zealand, nous avons rencontré deux jeunes français qui ont travaillé dans des « fermes-types » d´élevage bovin et ovin. Rodolphe- 23 ans- Parisien, en NZ depuis 7 mois : « Honnêtement je n´ai jamais vu ça ! Je bosses dans une ferme de 7200 vaches laitières. Nous sommes 6 jeunes, tous en « Working Holiday Visa » à s´occuper de la traite, du nettoyage et de nourrir les vaches. Les conditions de vie des bêtes, vont à l´encontre de toute éthique animale. Il n´y a aucun système de traitement des déjections et tout fini, par écoulement dans la rivière voisine. On rajoute sans cesse des antibiotiques dans leur nourriture et le pire, c´est qu`après une nuit d´effort (sur demande d´heures supplémentaires par le patron) j´ai aidé à mettre bas une vache avec tout l´effort affectif que cela demande. Le lendemain, j´apprends que le veau a été exécuté et brulé dans le fond de l´exploitation pour raison d´insuffisance de place et de nourriture. Je crois que je vais m´en aller de cette ferme, j´espère retrouver autre chose, de plus humain… » 2 «ndt». Arbres fougères
  • 3. Delphine- 26 ans- grenobloise, en NZ depuis 5 mois : « Moi je suis venu ici parce que je suis bergère dans les Alpes et que la Nouvelle-Zélande ça a toujours été un rêve et aussi car je voulais développer mon anglais. Pour ce qui est de l´anglais après 4 mois avec les fermiers, ça va mieux. Mais pour ce qui est des moutons, j´ai hâte de retrouver les miens. Parce que si ça parait beau sur les cartes postales, les moutons qui broutent dans les vertes prairies avec en décor de fond les montagnes enneigées, en réalité les fermiers ils en ont tellement des moutons, qu´ils ne s´en occupent pas. A la pointe de la technologie en matière agricole, ils ont fait baguer les moutons qui sont géo positionnés sur ordinateur avec repérage satellite. Ils ne les soignent pas quand ils se blessent. Pour eux, peu importe s´il en manque une dizaine lors de la tonte (pour la précieuse laine de Mérinos) ou pour l´envoi à l´abattoir. Je les ai engagés à recruter des équipes de bergers, car il y a plein de jeunes bergers qui sont en voyage ici. Mais quand je leur dit ça ils me prennent pour une extra-terrestre. Du coup j´ai fait mon sac à dos et j´ai repris la route et je vais serrer le budget d´ici mon billet de retour. » La condition des jeunes expatriés n´est pas toujours facile. Peu de droits les protègent et leur statut ne pèserait pas lourd en cas d´un procès avec un natif de l´île. Le gouvernement kiwi (terme qui désigne à la fois l´oiseau endémique, symbole du pays, le fruit et le néozélandais natif du pays) ouvrirait donc ses frontières pour avoir une main d´œuvre pas chère et peu regardante sur les conditions de travail ? Justement, nous sommes allés faire un tour à Motueka, au bord de la baie de Tasman, dans le nord de l´île du sud, plus grosse région productrice de fruits et légumes notamment de kiwis (le fruit !). Dans cette ville-rue, caractéristique de l´organisation urbaine Anglo-saxonne, nous voyons beaucoup de voyageurs, de cafés, de pubs et aussi bon nombre de visages polynésiens, uniquement des hommes, qui se déplacent en groupe dans la rue principale. Le soir, nous trouvons un espace de camping à quelques kilomètres de la ville et nous tombons sur un groupe de jeunes qui voyagent en van aménagé. Autour d´un grand feu, ces jeunes venus ici pour travailler dans le ramassage des fruits et des légumes, partagent un grand repas composé de pain et de viandes dénichés dans les poubelles du supermarché de la ville.
  • 4. Julien- 28 ans, breton des côtes d´Armor en NZ depuis 7 mois : « Tout est tellement cher ici ! La viande c´est hors de prix. Le gigot d´agneau, il est presque deux fois plus cher qu´en France. Le vin, ils sont producteurs, la moins bonne bouteille coute 9$nz (7 Euros). C´est pas facile. Du coup, on fait ce qu´on appelle du « Dumpster-diving », on récupère ce que les supermarchés jettent au jour de la date de péremption. Mais au moins, c´est pas comme en France, ils ne mettent pas de l´acide ou de la javel dessus pour rendre la nourriture impropre à la consommation. La Nouvelle- Zélande est un pays vert aux yeux du monde, mais lorsque l´on s´en rapproche pour y voir sans lunettes et bien le vert est plus artificiel que naturel » Un peu plus loin, je rejoins Cyril, 29 ans, Bigourdan en NZ depuis 9 mois. Après avoir sympathisé, il accepte de se livrer à moi sur ses conditions de travail : « Franchement, heureusement qu´ils sont là tous les potes. Qu`à nous tous on se serre les coudes et on se remonte le moral. Je viens d´achever le ramassage des kiwis. Même si c´est l´été, il ne fait pas bien chaud le matin quand on commence. Mais ça c´est normal. C´est là qu’on se rend compte ce que c´est l´agriculture. Non ce qui est terrible c´est ce qu´on a fait cette semaine. Moi j´ai accepté parce que j´ai besoin d´argent, mais les autres ils ont refusé. Je me suis retrouvé uniquement avec les Samoans, car tous les polynésiens qui bossent ici ils viennent des îles Samoa. Tout a été fait « au black » j´ai été payé un peu plus que la normal. On a injecté des sortes d´antibiotiques à tous les kiwis de l´exploitation avant de les ramasser. Un événement a retardé leur croissance et du coup comme les commandes étaient déjà passées, il a fallu les livrer quand même. Je ne sais pas ce que je leur ai injecté. Mais quand j´y pense, je m´en veux.
  • 5. Et dire que tous les consommateurs du monde entier, peut-être même mes parents, vont en manger en pensant qu´ils sont supers bons ces kiwis puisqu´ils viennent de Nouvelle- Zélande. J´ai dit à tous les potes de ne pas en manger. Surtout pas… Et quand je pense à tous ces mecs des Samoa. Eux, ils n´ont pas le choix. Avant la saison des récoltes, les « contractors »3 ou directement les patrons de ferme, ils vont là bas, ils enrôlent autant de travailleurs qui leur en faut, ils les ramènent en Nouvelle- Zélande et ils ne les paient qu´une fois la saison finie et qu´ils sont de retour chez eux. Ils prétextent un peu comme pour les maoris, qu´ils vont tout dépenser dans l´alcool. Mais je sens bien que c´est une fausse excuse. C´est surtout pour qu´ils ne puissent rien dire sous peine de se faire renvoyer sans un sou … » Nous dormirons ce soir là sous un ciel tapissé d´étoiles. Contemplant la constellation de la Croix du Sud, sans aucune pollution visuelle de grandes villes ou d´industries, je médite en me disant que bien souvent, ce n´est pas la pollution que l´on voit qui est la plus grave et la plus douloureuse pour la Terre. Le lendemain, à 5 h 30 a.m, le campement se vide et chaque van et ses occupants reprennent la route des champs où la récolte des pommes a commencé. Pour notre part, nous faisons route vers le célèbre « Abel Tasman National Park ». Ayant entendu parler de sa magie depuis la France, nous décidons de louer un kayak pour découvrir le parc, coté mer. Nous prenons la mer à marée basse dans la baie de Marahau et longeons la côte vierge et sauvage. Nous découvrons des plages de sable blanc et des forêts tropicales plongeants dans une eau turquoise. Notre expérience de « Slow Travel » maritime, à la seule force des rames, nous permet de prendre conscience de la façon dont est géré ce parc naturel et l´organisation touristique qui en découle. Sans interruption, des « water-taxis » font des allers/retours pour déverser des flots de touristes sur les plages. Les hors bords du D.O.C (Department Of Conservation) frôlent notre embarcation, semant le remous dans l´eau, immaculée de phytoplancton transparent, et effraye les familles de lions de mer qui jouent sur les récifs de petits ilots du parc maritime. Prétextant une vigilance sans faille de leur parc et une sécurité pour les touristes, ces employés de l´institution nationale de conservation et de protection de la biodiversité, quadrillent de façon militaire leur zone et utilisent sans ménagement leurs bateaux, très gourmands en hydrocarbures. Ces rejets d´essence dans la mer, s´ajoutant à ceux des centaines de « water-taxis » participent à la pollution de ce site naturel. 3 «ndt». Agence de placement de travailleur agricole qui perçoit en moyenne 8% du salaire .
  • 6. La liberté d´action sur la zone du parc est très contrôlée et encadrée. Mettant en avant le tourisme de nature et d´aventure, ce trek à l´instar de plusieurs en Nouvelle Zélande, place le touriste dans une logique d´assistanat (sentier aménagé, interdiction de sortit du chemin…). L´ « Abel tasman », la plus empruntée des fameuses « 9 greats walks of New Zealand»4, représente un véritable budget pour le marcheur (24 $nz pour une nuit en refuge et 12 $nz pour une nuit sous la tente). Les nuits en refuge et les places de tentes étant limitées, le trek se réserve souvent plusieurs semaines à l´avance en haute saison. Un garde du parc contrôle votre réservation à l´entrée du chemin en guise de laissez-passer. Il en est de même pour les 9 plus belles randonnées de Nouvelle-Zélande. Limiter par l´argent le nombre d´entrées dans un parc naturel, effectuer une sélection sur une base monétaire des randonneurs assoiffés d´aventure et de nature ; Assister plutôt que responsabiliser les touristes, tels semblent être les pratiques touristiques du pays kiwi et de sa puissante organisation qu´est le « Department Of Conservation ». Ayant entendu que de nombreuses initiatives écologiques se créaient dans la région voisine de la « Golden Bay », nous prenons la route de Takaka. Dans la petite bourgade de 2000 habitants, chef lieu de la région, de nombreux artistes et acteurs d´initiatives innovantes sont venus s´installer. Un restaurant de cuisine « vegan »5, un jardin communautaire où chaque personne aidant un temps au potager reçoit un repas gratuit, un marché dominical qui promeut auprès des touristes et des voyageurs, des spécialités produites localement, notamment par les deux communautés de la région.6 Quelques acteurs locaux qui dynamisent la commune et contribuent à donner une image positive de la région. Pourtant, malgré le climat serein qui règne dans cette région, enclavée du reste du pays par le parc d´ « Abel Tasman », le « Kahaurangi national Park», les habitants se réunissent de plus en plus souvent pour s´organiser et se défendre face aux menaces d´ouverture du marché des terrains de l´état aux investisseurs et compagnies d´extraction internationales. Daphnée-38 ans, résidente en Nouvelle-Zélande depuis 15 ans, gérante du camping Hang dog, accueillant des escaladeurs du monde entier : « Quand on est arrivés ici, on était idéalistes et pleins de motivations pour créer une région laboratoire du développement durable. On avait tous voyagé dans le monde 4 «ndt». Les 9 plus belles marches de Nouvelle-Zélande. ( http://www.doc.govt.nz/parks-and- recreation/tracks-and-walks/great-walks/) 5 «nda». Mode de vie fondé sur le refus de la cruauté envers les animaux. Régime alimentaire excluant les œufs et les produits laitiers en plus des restrictions végétariennes. 6 «nda». Rainbow community and Tui community.
  • 7. entier et on s´est retrouvés ici avec nos expériences et nos savoir-faire et on a tenté de réfléchir tous ensemble au développement que l´on voulait pour notre région. Faut dire que les anciens gouvernements nous ont bien aidé et à l´époque les politiques d´immigration déclenchaient presque le S.O.S. pour que des gens viennent s´installer ici. Mais aujourd´hui, on est bien conscient, notre gouvernement veut se placer dans les hautes sphères de l´exportation et surtout en matières premières dont « Papatuanuku » (la Mère-Terre des Maoris) regorge et n´a jamais été violée. On conteste et on s´oppose mais on espère que le gouvernement ne restera pas insensible à nos protestations. Pourtant comme beaucoup dans la région, quand j´entends chanter le « bell-bird » le matin dans mon jardin, je me dis qu´ici, dans la « Golden Bay », c´est le paradis et que lorsqu´on passe le col qui nous ramène sur Motueka, c´est un autre monde ». De nombreuses pétitions et sites internet, s´opposant à ce projet de loi qui pourrait avoir des conséquences irréversibles pour Aotearoa, circulent et font polémique à travers la jeunesse éclairée du pays. Notre chemin, lui ne s´arrêtera pas à cette région et refranchissant le col, nous prenons la direction du grand sud et des hautes chaines de montagnes des Alpes néozélandaises. Passant sous les versants du Mt Aoraki/Cook (3874 m), et par les grands lacs de Tekapo et Pukaki, nous arrivons à Queenstown, ville majeure du Queenstown-Lake district. Queenstown, 11 000 habitants en période basse, plus du triple en haute saison est nichée au bord du lac Wakatipu (3ème plus grand de Nouvelle-Zélande). Entourée de montagnes vertigineuses tel le massif des « Remarkables », et encadrée par deux parcs nationaux (« Mt Aspiring et Fjordland National Park »), Queenstown est reconnue
  • 8. comme la plus grande station de sports d´hiver de l´hémisphère sud et fait aussi office de capitale du tourisme d´aventure. Si la ville découpée en petites ruelles et bordée par le lac revêt un charme tout à fait helvétique, il est très difficile de trouver dans les multiples agences de voyages ou dans les nombreux « Backpackers »7, des prestations de tourisme responsable. Saut à l´élastique, tour de hors-bord sur la rivière creusée pour l´activité, « skydiving » (saut en parachute depuis un avion), tour d´hélicoptère pour aller contempler les fjords du grand sud depuis le ciel ; promesses de sensations fortes et de souvenirs « in vitam aeternam »8 notamment grâce au film de votre expérience vendu avec le package. Un tourisme d´adrénaline plutôt que de nature, la mise en avant d´infrastructures et de moyens de locomotion très gourmands en hydrocarbures et dénaturant le paysage naturel plutôt que la valorisation du « Slow Travel »9 et de moyens de déplacements écologiques. Queenstown, avec ses boutiques de luxe et ses hôtels plus étoilés que la croix du sud, fait figure de station balnéaire haut de gamme prisée par les familles bourgeoises du Pacifique sud. Des familles australiennes et kiwis venant découvrir les plaisirs de la neige, des fonctionnaires ou riches entrepreneurs de Nouvelle Calédonie ou de Polynésie française venus retrouver ici les plaisirs du froid et respirer l´ambiance de la station de ski. Des touristes de passage, en van ou camping-car aménagé, qui dans leur tour de l´île du sud ne peuvent omettre la petite suisse kiwi. L´énorme activité touristique fait aussi de Queenstown un pôle d´attractivité pour un grand nombre de jeunes en « Working Holiday Visa » en quête de travail. Jenny- 23 ans, lilloise en Nouvelle Zélande depuis 3 mois : « Ça me rappelle un peu les saisons dans les Alpes, sauf que pour le coup on est dans la position des étrangers qui viennent bosser. On a beau avoir des diplômes et de l´expérience, on se démène et on est content de décrocher un job pour pouvoir vivre ici. Avec mon copain on a un loyer de plus de 200 $nz par semaine, sans compter le chauffage. La nourriture est très chère. Envisager une journée de ski, c´est impensable. Entre le forfait, l´équipement et le transport, c´est 1/5 de mon salaire du mois. 7 «ndt». Auberges de jeunesse 8 «ndt». Jusqu´à la fin des jours 9 Le “slow travel” est la branche des voyages du mouvement Slow, originaire d´Italie, qui propose de ralentir le rythme pour mieux apprécier toute l’expérience touristique.
  • 9. Mais au moins, ça nous fait vivre ce que vivent chaque jour tous les étrangers qui bossent ou cherchent du boulot en Europe. On se fait même engouler quand on parle en français avec ma collègue de travail. Ici c´est nous les immigrés et franchement c´est pas facile à vivre au quotidien ». « Housekeeper »10, plongeur ou commis de cuisine, serveur ou ramasseur de verres. Jardiniers pour les parcs publics de la ville, employé au ramassage ou au tri des déchets, tous les jobs qui font que la ville et l´industrie touristique puisse mener leur marche en avant, sont assurés par ces jeunes du monde entier venus ici en visa Vacances/Travail et se retrouvent à travailler et tenter d´économiser pour escompter se payer la suite des vacances. Pourtant, en se baladant en fin de journée dans le centre ville et au bord du lac, je croise beaucoup de jeunes qui se rassemblent pour jouer de la musique. D´autres reviennent un frisbee à la main du parcours de « disc-golf »11 située dans le jardin botanique. D´autres encore s´amusent à escalader et palabrer dans les arbres centenaires comme devaient le faire les premiers maoris qui ont découvert ce site dont Rudyard Kipling dira qu´il représente « la huitième merveille du Monde ». Sur mon parcours, je suis soudain arrêté par un rythme d´accordéon venant d´un petit parking avec vue sur le lac où viennent se garer les voitures des clients du prestigieux et plus vieil hôtel de la ville. Je découvre une petite crêperie authentique où il règne une joyeuse ambiance musicale et un brin d´humeur vagabonde. Démonstrations et cours de jonglage, matchs de pétanque, coin jeux et livres de voyage, danses traditionnelles celtiques, échange de bons plans et tuyaux pour trouver un appartement, un travail ou prévoir un événement culturel. Tous les jeunes de la ville semblent se rassembler ici, en mangeant une crêpe ou une galette de « La Bonne Francinette ». Paulo-27 ans, nantais en Nouvelle-Zélande depuis 7 mois : « Je travaille à la fois comme housekeeper à mon backpacker en échange de mon hébergement et le soir comme plongeur dans un pub pour financer la suite de mon voyage. Ici à la crêperie « La Bonne Francinette », on se retrouve tous autour d´un café et une crêpe, il y a des jeunes des cinq continents. Ça parle plusieurs langues, ça joue de la musique, ça échange des idées, ça partage ses points de vues et ses expériences. On refait le monde en quelque sorte, dans une atmosphère toujours conviviale. Et dans ce 10 «ndt». Femme ou homme de ménage dans un hôtel ou un backpacker. 11 Sur le même principe qu´un parcours de golf, le joueur doit placer son frisbee dans un embut.
  • 10. coin de la planète, immergés dans une nature digne des premiers matins du monde, on y croit vraiment. ». Derrière le comptoir coloré du stand de crêpes, entourée de photos de différentes régions françaises, je retrouve Sundari, les joues rougies par la chaleur des biligs12 préparant une crêpe goût « sugar and lemon »13. Sundari, 24 ans, antiboise en Nouvelle-Zélande depuis 6 mois – Co-créatrice de la crêperie « la Bonne Francinette » : « Avec mon copain, après avoir voyagé en vélo dans différents coins de l´île du sud, et au vu des différentes possibilités de travail, on s´est dit que le mieux c´était de devenir nos propres patrons. On s´est bien renseigné sur la législation du pays en matière de création d´entreprise et on a présenté notre dossier aux services de la ville. Ça n´a pas été facile mais ils nous ont autorisé à ouvrir notre petite crêperie dans le CBD14 de Queenstown. On a une carte simple mais uniquement de produits frais et on essaye pleins de goûts innovants avec une crêpe et une galette du jour. On s´adapte au standard gustatif de notre clientèle anglo-saxonne, mettant aussi en avant les vertus saines de nos produits comme la farine de sarrasin qui ravit bon nombre de clients « gluten free »15. On a crée tout notre petit business nous même. A part les biligs qui sont du matériel professionnel (marque Krampouz, certifiée Bretagne) tout le reste a été déniché dans 12 Terme original breton qui désigne les plaques en fonte sur lesquelles sont cuites les galettes et les crêpes. 13 «ndt». Sucre et citron. 14 «ndt». Central Business District : Quartier d´affaires. 15 «ndt». Personne présentant une intolérance ou une allergie au Gluten.
  • 11. des « hospitality shops »16, recustomisé et mis en décoration par nos soins. Plus que le recyclage, on essaye aussi de se différencier par rapport aux autres restaurants de la ville, notamment sur notre empreinte écologique. On minimise au maximum nos déchets, en ne donnant pas de couverts en plastique ni de boites en polystyrène. Tous ces petits détails, ça nous permet d´économiser sérieusement sur nos coûts réguliers et en plus ça crée une atmosphère de respect et fait prendre conscience aux gens qu´on peut faire de bonnes choses avec un peu de créativité et de volonté. Plus qu´une simple crêperie, on a voulu créer un lieu de rencontres et de partage d´idées. Tous les amis ; musiciens, peintres, chanteuses, dessinateur, jongleur, dj … peuvent ici s´exprimer et c´est grâce à eux que « la Bonne Francinette » est un lieu de joie et de bonne humeur communicative ». Un petit village gaulois dans ce grand sud de la planète qui fait la promotion de la culture française et ravi les enfants océaniens qui après une journée de ski sont si contents de pouvoir manger une grande et bonne crêpe. Le moment est venu de retourner sur Christchurch pour boucler la boucle de notre voyage. Dans la ville encore détruite depuis les deux tremblements de terre de 2011, nous sommes surpris de découvrir pleins d´initiatives pour occuper la rue. Ces « Gap filler »17 ont installé ici un piano en libre service, là une bibliothèque à ciel ouvert, de ce coté- ci un café uniquement construit en palettes, de ce coté-là un terrain de BMX… Pourtant au dessus de ce terrain de jeux pour petits et grands, un immense panneau publicitaire annonce: « ici, prochainement ouverture d´un centre commercial ». Cette ville représente bien l´extrême contradiction du pays kiwi, qui appelle sans cesse son peuple et tous les immigrés à créer des initiatives innovantes et à se mobiliser pour le développement du pays. Initiatives et bonne volonté qui peuvent être du jour au lendemain balayées ou muselées par l´état et ses puissantes institutions. Que ce soit dans les domaines de l´agriculture vivrière, de l´élevage, du tourisme et de l´hospitalité, la Nouvelle-Zélande, en ces temps de crise mondiale et de surpopulation fait office de contrée d´espoir et de pouponnière de solutions écologiques et doit reprendre son destin en main. 16 «ndt». Magasins d´articles de seconde main souvent gérés par une association comme l´armée du salut. 17 Collectif prônant l´occupation de la rue par des activités et animations culturelles. (http://www.gapfiller.org.nz/ )
  • 12. En remontant dans l´avion, je me dis que même si le nuage n´est pas vraiment tout blanc au dessus de Aotearoa, il y souffle encore une brise d´espérance et un vent d´innovation. Et si l´anticyclone écologique néozélandais veut se propager au reste du monde, il faudra qu´il compte et collabore avec tous ces jeunes du monde entier venus pour apprendre, échanger et partager. Si tous ces enfants du voyage pouvaient rentrer au pays, enchantés par leur expérience 100 % pure en Nouvelle-Zélande, ils ne tarderaient pas à se faire messagers d´un modèle et d´une conscience nouvelle. Ils apporteraient ainsi au vieux continent un élan de renouveau et de jeunesse et forts de leurs expériences, ils commenceraient la lutte pour prendre en main leur avenir et celui de la Terre. Maxime Giordano