1. l’Action
universitaire ❚ LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE ❚ N°250 ❚ Juillet-Aôut 2005 ❚ 2 Euros ❚
❚ Travail salarié et études, ATTAC contre l'école
Un passeport pour la réussite Avec plus d'un tiers de ses adhé-
rents (1) dans l'éducation natio-
Par Olivier Vial nale, ATTAC a lancé une vérita-
C
ble OPA sur l'Ecole. Afin de faire
ertaines idées reçues ont la la caricature misérabiliste présen- barrage à " la marchandisation et
vie dure, comme celle tée par l’UNEF. à l'offensive libérale contre l'éco-
consistant à prétendre que le tra- le", la nébuleuse antimondialiste
vail pendant les études est un obs- Bien entendu, plus les activités tente d'infiltrer les salles des
tacle à la réussite des étudiants. sont en lien avec les études suivies profs pour y répandre son idéo-
,plus elles sont valorisées par les logie marxiste et anti-libérale.
Une étude (1) réalisée par deux étudiants et leurs futurs
chercheurs et publiée en 2004 employeurs, mais le fait d'avoir Le manifeste de l'association
dans la revue « Economie et sta- exercé des petits boulots même annonce clairement la couleur :
tistique », permet, enfin, de faire sans rapport direct avec ses étu- "nous souhaitons oeuvrer à ce
taire cette rumeur. des, est aussi apprécié par les que les esprits conditionnés par
recruteurs qui y voient le signe près d'un quart de siècle de
Une pratique habituelle
d’un tempérament volontaire et bourrage de crâne libéral recom-
Le travail pendant l’année scolaire d’une bonne organisation. mencent à fonctionner libre-
est, en réalité, une pratique très Un choix réfléchi ment". Au vue des thèses avan-
courante pour les étudiants. Ils ne cées par l'organisation et de cel-
sont que 5 % à n’avoir jamais tra- Les raisons qui amènent un étu- les enseignées dans nos lycées,
vaillé dans une entreprise ou une diant à travailler pendant ses étu- on est en droit de se demander
administration. 80 % des étu- des sont multiples. Bien entendu, qui est réellement à l'origine de
diants sortis de l'enseignement le désir de gagner un peu d’argent ce bourrage de crâne ?
supérieur en 1998 ont « signé au pour financer ses études ou se
moins un contrat de travail qui faire plaisir occasionnellement est En France, l'enseignement de l'é-
n’est pas un stage, c'est-à-dire de une des premières explications conomie est assez différent de
leur propre initiative » pendant qui vient à l’esprit. Les auteurs de celui qui est pratiqué, sous le
leurs études. L’exercice d’une acti- cette étude remarquent que « sou- même vocable, dans les autres
vité rémunérée est donc largement vent partiel ou complémentaire au pays de la planète, sans doute
répandu et même valorisé par les début, ce financement par l’activi- pour protéger les élèves des
étudiants. Ils considèrent ainsi que té professionnelle prend une part risques de la mondialisation.
ce travail leur a apporté des com- de plus en plus importante dans
pétences, des réseaux de relations les ressources de l’étudiant au fur Largement influencés par des
professionnelles ou tout au moins et à mesure qu’il avance dans ses gourous néo-marxistes ou par
une expérience méritant d'être études ». Dans la mesure où les ceux de l'école de la régulation,
signalée dans leur CV. La réalité effectifs de deuxième cycle vont (suite page 3)
est, une nouvelle fois, très loin de continuer à augmenter, le nombre
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Directeur de la publication : J. Rougeot - CPPAP 0507 G 79428 - dépôt légal troisième trimestre 2005 - Mensuel
L’action universitaire - page 1
2. d’étudiants « travailleurs » très significativement sur la proba- ces humaines. Les auteurs expli-
devraient lui aussi croître. Il est bilité d’avoir un emploi régulier : quent ce phénomène par un senti-
donc important de cesser de faire elle est plus élevée dans les filières ment de lassitude vis-à-vis de sa
la politique de l’autruche comme générales que professionnelles et formation universitaire. Dans ce
le fait la gauche étudiante en niant dans les spécialités tertiaires, lett- cas, les étudiants arbitrent en
cette évidence. res, langues, droit, communica- faveur de leurs activités salariées
tion… (qui semblent mieux correspondre
Le besoin de financement n’est
à leurs attentes) au détriment de
cependant pas la seule motivation.
Cette stratégie « compensatoire » leurs études.
Avec la massification de l’enseigne-
explique que le travail en cours
ment supérieur, certains des Mieux concilier travail et
d’études soit, d’ailleurs, plus déve-
bacheliers qui entrent à l’universi-
loppé dans les filières et les spécia- études
té n’ont parfois qu’un projet pro-
lités où les diplômés connaissent
fessionnel et académique très flou.
le plus de difficultés d’insertion à La question du travail pendant les
« Celui-ci va s’affirmer, en fonction
la fin de leurs études. études doit aujourd’hui être posée
de leur réussite, mais aussi par
aux différents partenaires de la vie
tâtonnements et choix successifs Le travail perturbe-t-il les étudiante (CROUS, universités,
entre les différentes filières de for-
études ? écoles …). Des solutions doivent
mation qui s’offrent à eux et le cas
être proposées afin de mieux
échéant, la recherche d’activités
Moins de 16 % des étudiants concilier travail et études. De nom-
professionnelles partielles. » Ainsi,
jugent que ce travail a perturbé breuses pistes existent : généralisa-
plus de 25 % des jeunes qui ont
leurs études. De nombreux travaux tion des polycopiés de cours,
quitté le système d’enseignement
de psychologie, de sociologie et meilleure utilisation des nouvelles
supérieur en 1998, déclarent avoir
d’économie ont été réalisés sur le technologies comme support
abandonné leurs études parce
lien entre travail étudiant et pertur- pédagogique, gestion plus souple
qu’ils avaient trouvé un emploi.
bation des études notamment aux des horaires, généralisation des
Etats-Unis, où le travail en cours emplois destinés aux étudiants au
Les différentes études qui abordent
d’études est largement développé. sein des universités, des restau-
les motivations et les stratégies
Il en ressort un large consensus rants universitaires, des biblio-
relatives aux choix des étudiants
sur le « fait qu’une activité, lors- thèques.
permettent de mieux comprendre
qu’elle ne représente pas un inves-
certaines de leurs décisions en la
tissement trop important, ne gêne Par dogmatisme, la gauche univer-
matière. De façon consciente ou
pas outre mesure le déroulement sitaire a toujours bloqué ces réfor-
inconsciente, les étudiants évaluent
des études. » Certaines analyses mes, préférant le tout assistanat
la qualité de leur diplôme, notam-
montrent également que l’exercice avec son projet de sous RMI jeunes
ment son caractère professionnali-
d’une activité professionnelle peut (l’allocation d’autonomie univer-
sant. A partir de cette perception,
modifier les comportements et selle). Les attentes des étudiants
ils mettent en œuvre des stratégies
augmenter l’efficacité du temps sont très différentes. Ils aspirent à
visant à optimiser leur temps de
alloué aux études. une formation leur garantissant
formation. En effet, dans un
une insertion professionnelle réus-
contexte de baisse de rendement
Les auteurs notent d'ailleurs que sie. Le fait d’avoir travaillé pendant
de l’éducation et de déclassement
contrairement à ce que l'on pour- ses études est indéniablement un
important des diplômés à la sortie
rait croire, le taux d'échec ayant plus au moment de la recherche
du système éducatif « les jeunes,
entraîné un abandon d'études d’emploi. Il est donc urgent de
sans réduire la durée globale de
pour les étudiants salariés est plus mettre en place des dispositifs per-
leurs études, peuvent avoir intérêt
fort dans les filières où l'investisse- mettant de concilier dans de bon-
à consacrer une partie de leur
ment en temps de travail est le nes conditions ces deux activités.
temps scolaire à d’autres activités
plus faible. Ainsi, les élèves ingé-
pour compenser une baisse de
nieurs, les étudiants en médecine
rendement du diplôme. » 1) Catherine BEDUWE et Jean François
ou en DUT sont relativement
A niveau de formation donné, la GIRET, “le travail en cours d’études a-t-il
moins nombreux à arrêter leurs
filière suivie et la spécialité des une valeur professionelle “ Economie et S
études du fait de leur activité que
études influent très fortement et tatistique, n° 378 -379, 2004
les étudiants de lettres ou de scien-
page 2 - L’action universitaire
3. ❚ Conditions sociales des étudiants ( suite de la page 1)
L’UNEF bidouille les chiffres les cours d'économie aux lycées
ressemblent trop souvent à des
par Arthur Jean
réquisitoires anti-entreprises.
Pour sa pré-rentrée médiatque, l’augmentation de 1,5 % des
l’UNEF a présenté une enquête bourses représente pour un bour- Les premières victimes de ce
sur la situation sociale des étu- sier échelon 5 (catégorie d’étu- dogmatisme sont les élèves qui
diants. Plus proche du bidouillage diants les plus en difficultés) une payeront très cher leur mécon-
politique que de l’analyse sociolo- hausse de 53 euros. naissance de l'entreprise au
gique, cette enquête conclut à la On est loin de la prétendue pau- moment de chercher leur pre-
« paupérisation des étudiants ». périsation des étudiants puisque mier emploi.
Leur pouvoir d’achat aurait ainsi l’augmentation des bourses même
diminué de plus de 5 % cette si elle est en pourcentage plus fai- Un sondage publié par « Valeurs
année. ble que l’aug- Actuelles » et réalisé par l'IFOP
mentation des pour le compte d'ETHIC témoi-
Formée à la gne du profond divorce qui exis-
dépenses citées
manipulation te entre les Français et les pro-
précédemment
politique, l’UNEF fesseurs sur cette question.
reste bien supé-
s’essaie mainte-
rieure en valeur
nant à la manipu- En effet, 93 % des Français sou-
absolue.
lation statistique. haitent que l'on parle de l'entre-
Tout au long de Le différentiel prise aux enfants. Ils ne sont que
son restant dans la 8 % à faire confiance aux ensei-
« enquête », poche de cet « gnants pour remplir cette mis-
aucun ordre de étudiant type » sion. Alors qu'ils estiment à plus
grandeur n’est étant de 33,5 de 54 % que ce sont les chefs
jamais présenté, « ces apprentis euros. d'entreprises qui sont les mieux
sociologues » se contentent de placés pour faire partager leurs
jouer avec des pourcentages sans Les factures des étudiants se
réglant avec des euros expériences et ouvrir un peu
présenter de chiffres en valeur l'Ecole au monde de l'entreprise.
absolue. « absolus » et non avec des pour-
centages d’euros, la démonstration
L’UNI a réparé cet oubli, et a de l’UNEF tombe à l’eau. Quelques initiatives favorisant ce
refait les calculs de l’UNEF avec rapprochement ont été lancées
ces chiffres. Le résultat est très Malheureusement, même avec une depuis 2002 (avec notamment la
différent. ficelle aussi grosse, nombreux signature d’une charte Entreprise
furent les journalistes qui ont Ecole). Ces mesures de bon sens,
En effet, si l’on prend l’exemple souhaitées, comme l’atteste le
mordu à l’hameçon et ont repris
d’un étudiant type (selon l’UNEF) sondage de l’IFOP, par une très
en écho ces mauvais chiffres. Le
qui est inscrit en licence, boursier forte majorité de Français se
journal «Le Monde», allant jusqu’à
échelon 5, affilié à la sécurité heurtent à une vive résistance
consacrer une partie de sa une
sociale étudiante et qui va très des syndicats, mais aussi des
ainsi qu’une pleine page à cette
régulièrement au restaurant uni- professeurs affiliés à ATTAC.
farce statistique.
versitaire (150 fois par an selon
les estimations de l’UNEF), l’aug- Afin d’éviter que cette manipula-
mentation annuelle des droits tion statistique devienne un des Matthieu Levrault
d’inscription, de la sécurité socia- marroniers de la rentrée étudian-
le étudiante et du prix du ticket te, Gilles de Robien a annoncé la
restaurant universitaire ne repré- mise en place d’un groupe d’étu-
sente que 19,5 euros par an, soit de en collaboration avec l’INSEE (1) L’association revendique 36 000
1,6 euros par mois. pour créer un véritable indice des membres, dont environ 12 000 dans
l’éducation
prix étudiants.
Alors que dans le même temps,
page 3 - L’action universitaire
4. Vient de paraître
Conflits actuels n°15 - 2005-1 - 16 euros - 224 pages - ISSN 1283-1255
Pour un mutazilisme du XXIe siècle ❚ L’identité de l’islam ❚ Islam et philo-
c
5-1
sophie ❚ L’islam et l’Europe ❚ L’islam et l’occident au XXe siècle ❚
onflits actuels
Numéro 15 - 200
Questions théologiques ❚ Origines de l’islam:: le point sur la recherche ❚ Revue d’étude
politique
Le Jihad comme anti-dialogue ou le trilogue comme anti-jihad ❚
ASPECTS DE
1
ro 15 - 2005 -
Intelligence et dureté : aspects de l’Islam
L’ISLAM
On parle beaucoup de l’Islam. L’évolution de la société française et l’ac-
8e année - Numé
tualité internationale en font l’un des sujets les plus fréquemment évo-
qués par les hommes politiques, les médias, les citoyens eux-mêmes.
Qu’il s’agisse de l’intrusion de la religion musulmane dans le paysage
culturel français, de la future entrée de la Turquie dans l’Union euro-
péenne, du terrorisme islamiste dans le monde, s’opposent quelques
thèses rudimentaires sur la nature des « valeurs » musulmanes et sur Jean Alcader ❚ Gu
illaume Bergerot
leur degré de compatibilité avec l’occident, la démocratie, le judaïsme Remi Brague ❚
Jean-Paul Charna
❚ Christophe Beyele
r❚
Jacques Frémeaux y ❚ Malek Chebel
ou le christianisme. Mais il n’est pas sûr que l’on sache très bien de Lenôtre ❚ Kostas Ma
❚ Michel De Jae
ghere ❚ Maxime
❚
vrakis ❚ Jean Salette
quoi l’on parle. À croire même, parfois, que l’on nous donne à enten- ❚ Sadek Sellam
dre que ce que l’on souhaite !
c
Centre d’études et
de diffusion universitair
es
Par une série d’explorations thématiques, ce 15e numéro de Conflits
actuels entre dans le contenu même, dans l’esprit de l’Islam, dans son intelligence tout
comme dans sa dureté. Car jusqu’ici, du fait de notre position d’extériorité, nous avons surtout étudié les
relations de la culture islamique avec nous et pas sa substance. Ainsi, l’on entend dire tantôt que l’Islam est
une religion fondamentalement « conquérante », tantôt qu’elle est une religion « d’amour et de tolérance ».
Mais ces définitions sont superficielles, car on ne prend généralement pas la peine de préciser ce que l’Islam
entend ou pourrait bien entendre par « tolérance », ni ce qu’il entend par djihad. Après tout, les deux pour-
raient n’être pas contradictoires. Tenter de définir l’Islam et d’en cerner l’« essence » ne revient pas à présup-
poser que cette religion soit incapable d’évolution -comme si nous la figions dans une sorte d’« idée plato-
nicienne ». Non, car la nature d’une doctrine, comme celle d’un être vivant, peut contenir les germes de son
devenir, les principes de son développement, les ressorts de son dynamisme. Mais on ne peut pas non plus
considérer que l’Islam soit le simple produit de son évolution historique. Il comporte nécessairement
quelques principes intangibles, qu’il doit être impossible de nier sans nier l’Islam.
Conflits actuels est disponible sur commande chez les libraires ou directement auprès de la revue
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