1. l’Action
universitaire ❚ LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE ❚ N°232 ❚ décembre 2003 ❚ 2 Euros ❚
❚ Situation des universités
Audition de l’UNI
La commission des affaires cultu- une carrière dans la recherche, est un véritable problème aujour-
relles du sénat, présidé par mais à une insertion profession- d'hui.
Jacques Valade a auditionné l’UNI nelle et à ce que l'université les y Le dernier phénomène positif
le 3 décembre dernier. prépare. dans le contexte actuel est le bud-
Le deuxième relève de l'échec de la get. C'est la première fois que le
M. Olivier Vial (Délégué natio- démocratisation. Il convient de rétablir budget consacré à l'enseignement
nal de l’UNI) - Depuis quelques l'égalité des chances au travers de ces supérieur augmente aussi rapide-
semaines, l'université est revenue réformes. ment ce qui constitue un début de
à la Une des médias. Même si le Le contexte démographique est rattrapage.
mouvement de contestation
n'est pas aussi important que L’insertion professionnelle
ses retombées médiatiques.
La première préoccupation des
L’harmonisation européen- étudiants en France concerne
ne des diplômes leur insertion professionnelle. Les
dernières enquêtes d'opinion
L'université française est par auprès des étudiants l'ont bien
essence une université à voca- montré, même les étudiants des
tion européenne, voir internatio- grandes écoles commencent à
nale, comme tout ce qui concer- s'inquiéter. En période de crois-
ne la culture et le savoir. La tra- sance économique, ils n'ont
dition française est respectée aucune difficulté à s'insérer. Dès
dans ce processus. Un sondage a lors que la situation devient un
montré que 87 % des étudiants peu plus tendue, ils sont les pre-
étaient favorables à des diplômes mières victimes, notamment les
européens. plutôt favorable, avec une stabili- étudiants venant de l'université.
sation des effectifs étudiants, ce Les statistiques en témoignent.
Dans le contexte européen, l'université qui va permettre dans les prochai- Les étudiants choisissent depuis
va devoir se réformer. Elle doit faire nes années d'agir à flux constants quelques années des filières pro-
face à deux faiblesses majeures. et d'avoir des marges de manoeu- fessionnalisantes courtes et sélec-
La massification de l'université a vre pour initier des réformes. tives. 4 étudiants sur 10 sont
été mal digérée et les réformes Cette démographie est différente inscrits dans des filières sélec-
n'ont pas été suffisamment selon les filières. Les sénateurs ont tives, tels les IUT, les classes
menées. La majorité des 2,2 beaucoup travaillé sur la désaffec- préparatoires aux grandes éco-
millions d'étudiants n'aspire pas à tion des filières scientifiques, qui les et les BTS.
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Directeur de la publication : J. Rougeot - CPPAP 51358 - dépôt légal troisième trimestre 2003
L’action universitaire - page 1
2. La cause en est l'échec massif en très bien de manière souple (IUT, moyenne.
premier cycle universitaire. Le IUP, écoles...) et notamment à Une telle politique peut donner un
taux d'échec en DEUG est très garantir les diplômes de sortie écho aux revendications commu-
important et varie selon les bacca- existants. Des réglages sont à envi- nautaristes qui commencent à
lauréats d'origine. Les étudiants sager. Certaines écoles de com- exister dans l'université depuis
titulaires d'un bac professionnel merce ou de gestion sont un peu deux ans. Il existe de meilleurs
au bout de cinq d'études n'obtien- inquiètes pour leur intégration exemples qui permettent d'avoir
nent le DEUG qu'à moins de 17 dans le modèle LMD. une véritable démocratisation.
%. C'est un gâchis humain et Il faut être capable de concilier à Sciences-Po Aix-en-Provence a
financier. la fois les parcours diversifiés des ainsi mis en place des classes pré-
Ce sentiment d'échec universitaire étudiants et la lisibilité du cursus paratoires pour les étudiants défa-
est souvent renforcé par un senti- et des compétences pour les vorisés afin de les préparer au
ment d'échec dans l'insertion pro- employeurs. concours d'entrée. De même,
fessionnelle de certaines filières L'orientation doit se faire tout au l'ESSEC suit des étudiants de clas-
chez les étudiants. La majorité des long des cycles universitaires. Elle ses sociales défavorisées pour les
filières universitaires connaissent permettrait ainsi aux étudiants de aider dans leur préparation au
des problèmes d'insertion profes- choisir leur orientation en concours.
sionnelle. C'est un véritable chan- connaissance de cause, lorsqu'ils
tier à ouvrir. La loi permet déjà optent pour des filières où l'inser- Le rapport pour avis du Sénat pro-
d'avoir des comptes-rendus d'in- tion professionnelle est très limi- pose de mieux employer les
sertion professionnelle à la fin du tée. locaux universitaires notamment
diplôme et il existe d'autres possi- durant l'été. L'UNI demande plutôt
bilités qui ne sont pas mis en Promouvoir l’égalité des la création de vraies classes prépa-
place pour l'instant. chances ratoires d'été dans ces universités
pour tous les étudiants qui souhai-
Ces difficultés ont conduit à un Le deuxième point tend à prendre tent préparer des concours. La
éloignement progressif de l'univer- en compte le nombre d'étudiants majorité des étudiants qui rentrent
sité et de l'entreprise qui a pour et à envisager les mécanismes qui dans ces écoles font du bachotage
conséquence une forme de permettent de promouvoir une durant les trois mois d'été dans
méfiance. Certains troisièmes véritable égalité des chances. des préparations payantes privées.
cycles universitaires forment des Pour l'UNI, il existe un contre- Il serait plus utile de créer des
étudiants avec de fortes compéten- exemple, celui de Sciences-Po qui classes préparatoires pour tous les
ces mais les directeurs des res- a mis en place les conventions étudiants qui le souhaitent,
sources humaines leur préfèrent ZEP et un début de discrimination publiques et gratuites, notamment
encore des étudiants d'écoles positive. avec le concours des grandes éco-
même s'ils sont de moins bon Au bout de trois ans, c'est un les.
niveau. Quelles solutions peuvent échec hormis pour les statistiques
être apportées ? La réforme LMD de Sciences-Po car cela n'a rien Le deuxième point qui peut favo-
va permettre notamment la multi- changé dans les ZEP. On constate riser l'égalité des chances est l'aide
plication des parcours, en favori- déjà de nombreux dérapages. sociale. Le plan social mis en place
sant les réorientations en cours de Ont été instaurées à Paris des par le ministre Jack Lang vient à
cycle et les parcours plus profes- bourses spécifiques pour les étu- son terme. Ce plan a consisté en
sionnalisants. diants de Sciences-Po prises sur une multiplication de couches ; à
La Conférence de Berlin qui s'est les bourses de mérite. Un quota a chaque rentrée universitaire une
tenue en septembre dernier a été fixé pour les étudiants venant nouvelle mesure était annoncée.
insisté sur cette question. Ce pro- de ZEP qui a conduit à écarter des L'aide sociale aux étudiants est
blème est européen. Les étudiants boursiers échelon 5 sur aujourd'hui difficilement gérable.
Britanniques ont ainsi mis en critères sociaux ayant obtenu la Il faut une simplification adminis-
place une table ronde sur la pro- mention bien au baccalauréat. Car trative qui se fasse sur la base de
fessionnalisation des études. la bourse était fléchée pour un l'aide sociale sans se confond-
Au delà de ces nouvelles filières, il étudiant de Sciences-Po boursier re avec l'aide familiale. Il s'agit
faut veiller à intégrer les filières échelon 0 mais n'ayant obtenu le d'aider les étudiants sur critè-
professionnelles qui fonctionnent baccalauréat qu'avec tout juste la res sociaux.
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3. Un plan ambitieux a été lancé gnement supérieur est illustrée par cru comprendre que sur le fond
à propos du logement social la relation qui existe actuellement vous n'êtes pas contre l'autonomie.
étudiant, qui dépend du entre le CNOUS et les CROUS. Le Je voudrais connaître votre opi-
CNOUS et des CROUS. Il s'agit CNOUS exerce en principe un nion sur le contenu de ce que peut
là d'une très faible partie du contrôle sur les CROUS, qui sont être l'autonomie, c'est-à-dire plus
problème. On dénombre seule- autonomes. Depuis six ans, quatre concrètement les problèmes de
ment 150 000 logements CROUS sont totalement hors globalisation budgétaire, de fonc-
sociaux étudiants pour 2 200 contrôle. tionnement et de management des
000 étudiants. Plus de 800 En l'absence d'un pouvoir d'éva- universités, la dévolution patrimo-
000 étudiants se logent par luation et de coercition fort, de tel- niale, la contractualisation avec un
leurs propres moyens. Même les dérives sont possibles. Certes, certain nombre de tiers dont les
s'ils disposent des moyens il existe dans l'enseignement supé- collectivités territoriales et l'évalua-
financiers pour se loger, ils rieur des organismes comme le tion. Il me semble qu'au travers de
rencontrent d'énormes difficul- Conseil national de l'évaluation. cette autonomisation possible,
tés pour trouver un logement. Cependant, les rapports de ce notamment en matière de contrac-
Sur cette question, il faut pren- conseil sont souvent sans effet. tualisation, une réponse pourrait
dre en compte la mobilité des Pour conclure, je dirais que l'har- être apportée à un des grands sou-
étudiants, notamment dans la monisation européenne des diplô- cis des étudiants, celui de l'inser-
perspective de la mise en place mes est voulue par les étudiants, tion professionnelle. Cette inser-
du système LMD. Il serait utile de que l'insertion professionnelle est tion se fait d'autant plus facilement
traiter le problème avant qu'il ne importante et qu'un cap historique qu'il y a une connaissance de l'en-
devienne criant. est à passer du fait de cette stabili- vironnement à la fois économique
sation démographique. et actif des régions dans lesquelles
L’autonomie des établissements se trouvent les universités.
Extrait du débat
La question de l'autonomie des M. Olivier Vial - Certes, en
universités constitue un projet matière d'orientation, des avancées
M. Jean-Léonce Dupont, rap-
récurrent. L'UNI n'est pas favorable ont été réalisées. Le ministre en a
porteur pour avis du budget de
à ce que cette réforme arrive tout d'ailleurs annoncé une nouvelle au
l'enseignement supérieur au nom
de suite. Les réformes dans l'ensei- niveau européen pour prendre en
de la commission des affaires cul-
gnement supérieur français sont compte le processus LMD qui est
turelles - Je voudrais vous remer-
possibles dès lors qu'on prend le la création d'une agence européen-
cier pour l'ensemble des propos
temps de les expliquer. ne d'orientation.
tenus. Le système d'harmonisation
Le projet de loi sur l'autonomie ne Je ne suis pas défavorable à l'auto-
des diplômes est objectivement ce
concernait pas véritablement les nomie des universités. Il ne s'agit
vers quoi il faut tendre.
étudiants, ni les professeurs. Les pas d'une question urgente.
S'agissant du problème de l'échec
questions de l'échec en premier L'autonomie doit permettre à l'uni-
dans les premiers cycles universi-
cycle, de la professionnalisation ne versité d'être mieux intégrée dans
taires, deux éléments intéressants
figuraient pas dans cette loi. Les son espace, et notamment d'ac-
sont mis en place : un travail plus
dispositions étaient essentiellement cueillir les représentants des col-
fin sur l'orientation après le bacca-
d'ordre technique pour améliorer lectivités territoriales, des entrepri-
lauréat, et le développement de
la vie de certains présidents d'uni- ses locales... Les avant-projets
modules de culture générale à l'u-
versité. actuels ne sont pas forcément
niversité, qui devrait permettre
Or toutes les garanties ne sont pas assez réceptifs à cette question. La
aux étudiants de se former sur une
réunies aujourd'hui pour un ren- place des collectivités territoriales
longue période et d'avoir une
forcement des pouvoirs des prési- y est subsidiaire. Les missions du
mobilité plus importante entre
dents d'université. Une obligation conseil d'orientation stratégique
cycles.
préalable serait un vrai pouvoir qui est créé ne sont pas vraiment
J'aurai plutôt un complément de
d'évaluation, qui pourrait être définies. L'instauration d'une ou
question sur la deuxième partie de
quelquefois coercitive. deux places dans les conseilsd'ad-
votre exposé. Vous dites qu'il ne
L'absence d'une politique d'évalua- ministration des universités pour
faut pas entreprendre trop de
tion et de coercition dans l'ensei- ces représentants serait sans doute
réformes en même temps. J'ai bien
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4. plus simple à mettre en place. On certains que leurs chances de Un fléchage très fort des diplômes
peut avoir aujourd'hui dans bien réussite sont vraiment trop faibles est nécessaire avec une véritable
des secteurs de véritables logiques compte tenu du baccalauréat d'ori- information dès le début. Nous
de sites avec tous les acteurs de la gine. Ceci pose le problème de avions pensé à l'idée de contrat
vie économique et politique locale, préparer l'orientation vers le supé- symbolique, c'est-à-dire faire
notamment par le biais de la créa- rieur dès le second cycle du prendre conscience à l'étudiant de
tion de fondations. second degré. ses chances de réussite à la fois en
Dès lors qu'il existe un cadre d'é- Je voudrais rappeler que la loi termes d'obtention de diplôme et
valuation coercitif, nous ne som- Haby prévoyait, dans ses disposi- d'insertion professionnelle. Il est
mes pas défavorables au budget tions sur le second cycle, des bac- important de bénéficier d'une
global. Cela permettra plus de sou- calauréats avec des épreuves véritable information pour lever
plesse. Nous ne sommes égale- optionnelles qui ouvraient telle ou certaines incertitudes. Ainsi, un
ment pas hostiles au renforcement telle filière en fonction des choix des grands quiproquos concerne
des pouvoirs dans le cadre de la d'orientation de l'étudiant. la filière économie à l'université.
contractualisation. Ce sont des Etes-vous satisfaits des services Plus de la moitié des étudiants qui
mesures techniques qui peuvent d'orientation et d'information tels s'inscrivent dans cette filière veu-
être mises en place de manière qu'ils existent dans l'enseignement lent faire du commerce. Face au
simple par voie réglementaire. supérieur ? Avez-vous sur ce contenu des études, ils se posent
point des propositions à faire pour des questions sur leur formation
M. Jacques Legendre - Le une véritable orientation qui com- professionnelle.
véritable scandale est celui du très mencerait dans le second cycle du
faible taux de réussite à l'universi- second degré et qui se poursui- M. le Président - Il en est de
té de certains bacheliers qui s'en- vrait dans l'enseignement supé- même pour la filière STAPS.
gagent dans des filières dans les- rieur ? La plupart des étudiants Combien d'étudiants s'y engagent
quelles ils n'ont manifestement accordent une grande importance alors que les débouchés ne sont
guère de chances de réussir. à leur insertion professionnelle. pas nombreux ! La carence se
Je ne pense pas qu'on puisse rai- situe au niveau de l'information.
sonner en ne considérant l'orien- Au prétexte que l'université et tou-
tation dans l'enseignement supé- M. Olivier Vial - Je suis tout à tes ses filières sont ouvertes, on
rieur qu'après le baccalauréat. La fait d'accord avec vos propos. laisse s'engouffrer des filles et des
cause de départ se situe au niveau L'orientation se prépare en amont. garçons dans des domaines où la
d'un mauvais choix de filière par L'UNI avait proposé il y a deux ans sortie n'est que négative, même
rapport au baccalauréat obtenu. la création d'une véritable agence s'ils font de très bonnes études.
Est-ce que vous seriez prêt à nationale de l'orientation, indé-
considérer que tous les baccalau- pendante du ministère. Elle pour-
réats n'ouvrent pas le droit à tou- rait avoir vocation à donner l'in-
tes les filières universitaires ? Si formation mais aussi à évaluer les
tout bachelier a vocation à entrer filières en fonction de leur taux de
dans l'enseignement supérieur, il réussite en termes d'orientation
est important de laisser aux uni- professionnelle ou autres pour
versités la possibilité d'indiquer à donner une information complète.
l’Action Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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