4. Tableau 1.
Critères de classification du lupus systémique.
Critères
Description complémentaire
Éruption malaire en aile de papillon
Érythème malaire fixe, plan ou en relief, tendant à épargner le sillon nasolabial
Éruption de lupus discoïde
Placards érythématheux surélevés avec des squames kératosiques adhérentes et des bouchons cornés
folliculaires
Cicatrices atrophiques pouvant apparaître sur des lésions anciennes
Photosensibilité
Éruption cutanée résultant d’une réaction inhabituelle au soleil, à l’interrogatoire du patient ou
observée par un médecin
Ulcérations buccales ou nasopharyngées
Ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement douloureuses, observées par un médecin
Polyarthrite non érosive
Arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par douleur,
augmentation de volume, ou épanchement articulaire
Pleurésie ou péricardite
Pleurésie : épanchement pleural patent ou histoire convaincante de douleurs pleurales ou frottement
pleural entendu par un clinicien
Péricardite : documentée sur un ECG ou frottement péricardique ou mise en évidence de l’épanchement
Atteinte rénale
Protéinurie supérieure ou égale à 0,5 g/j ou supérieure à trois croix en l’absence de quantification
possible, ou cylindres urinaires (globules rouges, hémoglobine, leucocytes, cellules tubulaires ou mixtes)
Atteinte neurologique
Convulsions : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale,
acidose, déséquilibre électrolytique)
Psychose : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale,
acidose, déséquilibre électrolytique)
Atteinte hématologique
Anémie hémolytique avec hyper-réticulocytose
Leucopénie (inférieure à 4 000 leucocytes/mm3 ) trouvée à au moins deux reprises
Lymphopénie (inférieure à 1 500 lymphocytes/mm3 ) à au moins deux reprises
Thrombopénie (inférieure à 100 000 plaquettes/mm3 ) en l’absence de cause médicamenteuse
Désordre immunologique
Anticorps anti-ADN positif
Présence d’anticorps anti-Sm
Présence d’anticorps antiphospholipides (taux sérique anormal d’Ig ou IgM anticardiolipine), présence
d’un anticoagulant circulant lupique ou fausse sérologie syphilitique positive depuis au moins 6 mois et
confirmée par la négativité du test de Nelson ou du FTA
Présence de facteurs antinucléaires à un titre
anormal en l’absence de médicaments inducteurs
Titre anormal d’anticorps antinucléaires en immunofluorescence ou technique équivalente à n’importe
quel moment de l’évolution, en l’absence de médicaments inducteurs
Quatre critères simultanés ou successifs sont nécessaires pour poser le diagnostic avec une sensibilité de 95 % et une spécificité de 75 %.
ECG : électrocardiogramme ; Ig : immunoglobuline ; FTA : Fluorescent Treponemal Antibody Test ; ADN : acide désoxyribonucléique.
Tableau 2.
Critères de classification du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif.
Symptômes oculaires
Réponse positive à au moins une des questions suivantes :
¸
Avez-vous eu les yeux secs de facon quotidienne, gênante et persistante depuis plus de 3 mois ?
Avez-vous la sensation récidivante d’avoir du sable ou du gravier dans les yeux ?
Utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois/j ?
Symptômes buccaux
Réponse positive à au moins l’une des questions suivantes :
Avez-vous eu quotidiennement une sensation de bouche sèche depuis plus de 3 mois ?
Avez-vous eu à l’âge adulte un gonflement des glandes salivaires persistant ou récidivant ?
Utilisez-vous souvent des liquides pour vous aider à avaler des aliments solides ?
Atteinte oculaire
Signes objectifs d’atteinte oculaire définis par une réponse positive à au moins l’un des deux tests suivants
Test de Schirmer (inférieur ou égal à 5 mm en 5 min)
Test au rose bengale supérieur ou égal à 4 (score de Van Lijsterveld)
Atteinte buccale
Atteinte objective et évidente des glandes salivaires définie par au moins un test positif parmi les trois suivants :
Scintigraphie salivaire montrant une captation retardée, une concentration réduite ou une sécrétion réduite du traceur
Sialographie parotidienne montrant des ectasies canaliculaires sans signes d’obstruction
Débit salivaire sans stimulation inférieur ou égal à 1,5 ml en 15 min
Données histopathologiques
Score focal ≥ 1 sur la biopsie des glandes salivaires accessoires. Le score focal est défini par le nombre de foyers sur 4 mm2
de tissu glandulaire. Un foyer est défini par l’agglomération d’au moins 50 cellules mononuclées
Autoanticorps
Présence d’au moins un type des anticorps sériques suivants nécessaire :
Anti-SSA (Ro)
Ou anti-SSB (La)
Critères d’exclusion
Antécédent de radiothérapie cervico-faciale
Infection par le virus de l’hépatite C ou le VIH
Lymphome préexistant
Sarcoïdose
Réaction du greffon contre l’hôte (GVH)
Prise d’anticholinergique (après une période dépassant 4 fois la demi-vie du médicament)
Le diagnostic de syndrome de 4 des 6 critères sont présents, dont au moins le critère histopathologique (critère V) ou le critère autoanticorps (critère VI)
Sjögren primaire est défini
Si 3 critères des 4 critères objectifs sont présents (critères III, IV, V, VI)
lorsque :
Le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire est porté devant la présence de l’item I ou II associé à 2 des
items (III, IV ou V)
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; GVH : Graft Versus Host Disease.
5. Tableau 3.
Critères de classification des myosites inflammatoires primitives.
Critères cliniques
Critères d’inclusion
Début généralement après 18 ans (postpuberté), début peut survenir chez l’enfant dans la DM et dans les myosites non-spécifiques
Caractéristiques du déficit moteur : bilatéral, symétrique, proximal > distal, fléchisseurs de nuque > extenseurs de nuque
Rash caractéristique de DM : éruption liliacée (± œdémateuse) des paupières supérieures, signe de la manucure, éruption érythématosquameuse de la face
d’extension des MCP et IPP, coude, genoux (papules et signes de Gottron), érythème des zones photosensibles
Critères d’exclusion
Déficit moteur évocateur de myosite à inclusions [4] : déficit asymétrique et sélectif, touchant préférentiellement les biceps, cubitaux antérieurs et
fléchisseurs des doigts, quadriceps et tibiaux antérieurs
Déficit des muscles oculomoteurs, dysarthrie isolée, atteinte préférentielle des extenseurs de nuque par rapport aux fléchisseurs de nuque.
Myopathie toxique, endocrinopathie (hypo- ou hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie), amylose, histoire familiale de dystrophie musculaire ou de
neuropathie motrice proximale)
Élévation des enzymes musculaires (CPK)
Autres critères paracliniques
Électromyographie
Critères d’inclusion
Abondance de l’activité de fibrillation de repos
Nombreux potentiels spontanés provenant de fibres musculaires isolées, potentiels de fibrillation, potentiels lents de dénervation, salves
pseudomyotoniques
Lors de la contraction volontaire : réduction de la durée, et accessoirement de l’amplitude des potentiels d’unité motrice (PUM), présence d’indentations
sur les phases montantes et descendantes des PUM
Critères d’exclusion
Salves myotoniques suggérant une dystrophie myotonique ou une chanelopathie
Analyse morphométrique montrant une augmentation de la durée ou de l’amplitude des PUM
Diminution du recrutement des PUM
IRM musculaire
Présence d’hypersignaux intramusculaires (œdème) diffus ou focaux, en séquence gadolinium, fat-sat T2 ou STIR
Autoanticorps spécifiques des myosites dans le sérum
Biopsie musculaire
Infiltrat inflammatoire T endomysial entourant et envahissant des fibres musculaires non nécrotiques (tunnellisation myocytaire)
Lymphocytes T CD8+ entourant mais sans envahissement, des fibres musculaires non nécrotiques ou expression myocytaire diffuse du complexe MHC-I
Atrophie périfasciculaire
Dépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans les capillaires musculaires, ou réduction de la densité capillaire, ou inclusions tubuloréticulaires
dans les cellules endothéliales en microscopie électronique, ou expression du MHC-I par les fibres périfasciculaires
Infiltrat inflammatoire T périvasculaire, périmysial
Infiltrats inflammatoires dispersés T CD8+ entourant mais sans envahissement, des fibres musculaires non nécrotiques
Nécrose musculaire prédominante sur le plan histologique. Les cellules inflammatoires sont rares sans infiltrat périmysial ou périvasculaire net. Des dépôts
du complexe d’attaque membranaire MAC dans les capillaires musculaires ou des capillaires en tuyau de pipe en microscopie électronique sont possibles,
en règle sans inclusions tubuloréticulaires dans les cellules endothéliales
Vacuoles bordées, fibres rouges déchiquetées (RRR), fibres cytochrome oxydase négatives, suggérant une myosite à inclusions
Dépôts du complexe d’attaque membranaire MAC dans le sarcolemme de fibres musculaires non-nécrotiques, et autres éléments en faveur d’une
dystrophie musculaire en immunopathologie
DM : dermatomyosite ; CPK : créatine phosphokinase ; IRM : imagerie par résonnance magnétique ; PUM : potentiels d’unité motrice ; STIR : short TI inversion-recovery ; RRR :
ragged red fibers ; MAC : complexe d’attaque membranaire ; MHC : major histocompatibility complex.
“ Point fort
Les critères de classifications des connectivites sont utilisés
en recherche clinique pour constituer des séries homogènes de patients, il ne s’agit donc pas à proprement parler
de critères diagnostiques.
Critères de classification des myosites
inflammatoires primitives
Différents groupes de critères sont utilisés. Les anciens critères
de Bohan et Peter, qui dataient de 1975, sont progressivement
remplacés par les critères de l’European Neuromuscular Centre [3] ,
qui ont été présentés en 2003 (Tableau 3).
Les différents types de myosite inflammatoire sont définis en fonction de combinaison des critères précédents
(Tableau 4) [4] .
Critères de classification du lupus systémique
Les critères actuellement utilisés sont ceux publiés de
l’American College of Rheumatology, qui ont été révisés en 1997
(Tableau 1) [1] .
Critères de classification du syndrome
de Gougerot-Sjögren primitif
Les critères actuellement utilisés sont ceux proposés en 2002
par le groupe de consensus américano-européen (Tableau 2) [2] .
Critères de classification de la sclérodermie
systémique
Les principaux critères de classification de la sclérodermie
systémique sont ceux, déjà anciens, de l’American College of
Rheumatology (Tableau 5) [5] .
Ces critères étant peu sensibles, il a été plus récemment proposé de distinguer plusieurs sous-types de sclérodermie systémique, en particulier pour les formes débutantes
(Tableau 6) [6] .
6. Tableau 4.
Différents types de myosite inflammatoire.
Polymyosite
Polymyosite certaine
Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané
Élévation des enzymes musculaires CPK
Critères de biopsie musculaire incluant a, et excluant c, d, h, i
Polymyosite probable
Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané
Élévation des enzymes musculaires CPK
Autres critères paracliniques (1 des 3)
Critères de biopsie musculaire incluant b, et excluant c, d, g, h, i
Dermatomyosite
Dermatomyosite certaine
Tous les critères cliniques
Critères de biopsie musculaire incluant c
Dermatomyosite probable
Tous les critères cliniques
Critères de biopsie musculaire incluant d ou e, ou élévation des enzymes musculaires CPK, ou autres critères
paracliniques (1 des 3)
Dermatomyosite amyopathique
Rash typique de DM : érythème liliacé héliotrope des paupières, signe de la manucure, papules de Gottron
Biopsie cutanée objectivant une réduction de la densité capillaire, des dépôts de MAC dans les artérioles et
capillaires de la jonction dermo-épidermique
Pas de déficit moteur musculaire
Taux normaux de CPK
EMG Normal
Biopsie musculaire, si elle est faite, montrant l’absence de critères caractéristiques de DM certaine ou probable
Dermatomyosite possible sine dermatitis
Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané
Élévation des enzymes musculaires CPK
Autres critères paracliniques (1 des 3)
Critères de biopsie musculaire incluant c ou d
Myosite non spécifique
Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané
Élévation des enzymes musculaires CPK
Autres critères paracliniques (1 des 3)
Critères de biopsie musculaire incluant e ou f, et excluant les autres critères
Myopathie nécrosante dysimmunitaire
Tous les critères cliniques à l’exception du rash cutané
Élévation des enzymes musculaires CPK
Autres critères paracliniques (1 des 3)
Critères de biopsie musculaire incluant g, et excluant les autres critères
Myosite à inclusions
cf. [4]
DM : dermatomyosite ; CPK : créatine phosphokinase ; EMG : électromyogramme ; MAC : complexe d’attaque membranaire.
Tableau 5.
Critères de classification de la sclérodermie systémique.
Critère majeur
Sclérodermie proximale : modification sclérodermique typique de la peau (tendue, épaissie, indurée, ne prenant pas le godet),
touchant la face, le cou, le tronc ou la partie proximale des membres supérieurs ou inférieurs
Critères mineurs
Sclérodactylie
Cicatrice déprimée d’un doigt ou ulcération de l’extrémité d’un doigt
Fibrose pulmonaire des bases
Le diagnostic de sclérodermie systémique est posé devant un critère majeur ou deux critères mineurs.
Tableau 6.
Sous-types de sclérodermie systémique, en particulier pour les formes débutantes.
Sclérodermies systémiques
limitées (lSSc)
Phénomène de Raynaud documenté objectivement
+
- soit une anomalie à la capillaroscopie (dilatation capillaire et/ou zone avasculaire)
- soit présence d’Ac spécifiques de sclérodermie
Si le phénomène de Raynaud est uniquement subjectif, l’association d’anomalies capillaroscopiques et d’autoanticorps à
un titre > 1/100 est nécessaire pour définir la sclérodermie limitée
Sclérodermies systémiques
cutanées limitées (lcSSc)
Si la sclérose cutanée ne remonte pas au-dessus des coudes et des genoux et épargne le tronc
Sclérodermies systémiques
cutanées diffuses (dcSSc)
Si la sclérose cutanée remonte au-dessus des coudes ou des genoux ou atteint le tronc
ISSc : sclérose systémique cutanée limitée ; IcSSc : sclérodermie systémique à extension cutanée limitée ; dcSSc : sclérodermie cutanée diffuse ; Ac : anticorps.
7. Tableau 7.
Critères de classification du syndrome de Sharp.
Critères majeurs
Présence d’anticorps anti-RNP à un taux élevé
Phénomène de Raynaud
Critères mineurs
Synovite
Myosite
Doigts boudinés
[2]
[3]
Le diagnostic est posé avec deux critères majeurs et deux critères mineurs.
Critères de classification du syndrome
de Sharp
[4]
Même si différents jeux de critères existent, ceux habituellement utilisés ont été proposés par Kahn (Tableau 7) [7] .
[5]
Références
[1]
Hochberg MC. Updating the American College of Rheumatology revised criteria for the classification of systemic lupus erythematosus.
Arthritis Rheum 1997;40:1725.
[6]
[7]
Vitali C, Bombardieri S, Jonsson R, Moutsopoulos HM, Alexander EL, Carsons SE, et al., European Study Group on Classification
Criteria for Sjogren’s Syndrome. Classification criteria for Sjogren’s
syndrome: a revised version of the European criteria proposed by
the American-European Consensus Group. Ann Rheum Dis 2002;61:
554–8.
Hoogendijk JE, Amato AA, Lecky BR, Choy EH, Lundberg IE, Rose MR, et al. 119th ENMC International Workshop: Trial design in adult idiopathic inflammatory myopathies,
with the exception of inclusion body myositis. 10-12 October
2003, Naarden, The Netherlands. Neuromuscul Disord 2004;14:
337–45.
Griggs RC, Askanas V, DiMauro S, Engel A, Karpati G, Mendell JR, et al. Inclusion body myositis and myopathies. Ann Neurol
1995;38:705–13.
Subcommittee for Scleroderma Criteria of the American Rheumatism
Association Diagnostic and Therapeutic Criteria Committee. Preliminary criteria for the classification of systemic sclerosis (scleroderma).
Arthritis Rheum 1980;23:581–90.
LeRoy EC, Medsger Jr TA. Criteria for the classification of early
systemic sclerosis. J Rheumatol 2001;28:1573–6.
Kahn MF, Appelbom T. Syndrome de Sharp et connectivite mixte. In:
Kahn MF, Peltier AP, editors. Maladie systémique. Paris: Flammarion;
1991. p. 545-46.
9. au cours de son exercice. La première étape est la confirmation
du diagnostic. Cette prise en charge initiale du patient atteint de
LES est ainsi souvent assurée en ambulatoire. Compte tenu de la
rareté de la maladie et de l’impact pronostique de la précocité de
la prise en charge, il est préférable de faire confirmer le diagnostic
par un collègue hospitalier ayant l’expérience du LES (centres de
référence, centres de compétences, et leurs réseaux de correspon¸
dants). Les recommandations francaises relatives au diagnostic
et au traitement du lupus systémique sont synthétisées dans un
protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) dédié [1] .
Manifestations dermatolologiques
Les manifestations dermatologiques, fréquentes et variées
(Fig. 1), ont un intérêt diagnostique majeur. On distingue les
lésions suivantes.
Lésions lupiques « spécifiques »
Certaines lésions lupiques sont dites « spécifiques » du fait d’une
histologie évocatrice de lupus. Elles prédominent sur les zones
exposées en raison de leur fréquente photosensibilité.
Lésions aiguës
“ Point important
Le lupus systémique est une maladie polymorphe, qui
touche surtout, mais pas exclusivement, la femme en
période d’activité ovarienne.
Signes cliniques et éléments
du diagnostic
Les atteintes organiques sont multiples. Elles sont résumées
dans le Tableau 1 [2] .
Manifestations générales
Les signes généraux sont la fièvre, l’asthénie, l’amaigrissement,
avec parfois une splénomégalie ou des adénopathies périphériques lors des poussées marquées.
Tableau 1.
Fréquence relative des manifestations cliniques du lupus au stade initial et au cours de l’évolution de la maladie sur 1 000 patients (d’après
Cervera [2] ).
Stade
initial (%)
Au cours de
l’évolution (%)
Rash malaire
40
58
Lupus discoïde
6
10
Ulcérations orales
11
24
Photosensibilité
29
45
Arthrites
69
84
Sérites (pleurésie,
péricardite)
17
36
Néphropathie
16
39
Atteinte neurologique
12
27
Syndrome de Raynaud
18
34
Livedo reticularis
5
14
Myosite
4
9
Fièvre
36
52
Atteinte pulmonaire
3
3
Syndrome sec
5
16
Adénomégalie
7
12
Chorée
1
2
Thromboses
4
14
Thrombopénie
9
22
Anémie hémolytique
4
8
Les lésions aiguës, d’évolution parallèle à celle des poussées de
LES, sont les suivantes :
• l’érythème en « loup » ou vespertilio, plus ou moins squameux,
typique par sa localisation, sur les joues et le nez, respectant
relativement les sillons nasogéniens, s’étendant souvent sur le
front, les orbites, le cou dans la zone du décolleté. L’œdème,
parfois important, peut gêner l’ouverture des yeux. L’atteinte
est parfois diffuse, avec des lésions morbilliformes, papuleuses,
eczématiformes ou bulleuses. Sur le dos des doigts, les lésions
lupiques atteignent surtout les zones interarticulaires ;
• les lésions buccales érosives de lupus aigu doivent être recherchées.
Toutes ces lésions ont une évolution parallèle à celle des poussées systémiques. Elles régressent sans cicatrice en dehors d’une
possible hyperpigmentation séquellaire chez le sujet à peau pigmentée.
Lésions subaiguës
Les lésions subaiguës, dont l’évolution est indépendante des
poussées de LES, sont fortement associées à la présence d’anticorps
anti-SSA/Ro (7 % à 21 % des LES). Elles prédominent dans la moitié
supérieure du corps et sont de type annulaire ou psoriasiforme. Les
lésions disparaissent le plus souvent sans cicatrice avec parfois une
hypochromie séquellaire. Le lupus érythémateux cutané subaigu
peut être induit par des médicaments.
Lésions chroniques
Les lésions chroniques (laissant des cicatrices) comprennent :
• le lupus discoïde, le plus fréquent (10 % à 20 % des LES) : plaques
bien limitées associant trois lésions élémentaires : érythème parcouru de fines télangiectasies, squames plus ou moins épaisses
s’enfoncant en clou dans les orifices folliculaires, atrophie cica¸
tricielle définitive. Elles sont souvent multiples et symétriques,
surtout localisées au visage sur l’arête du nez, les pommettes,
avec parfois une disposition en « aile de papillon », les régions
temporales et l’ourlet des oreilles, et sur le cuir chevelu avec alopécie cicatricielle définitive. L’atteinte palmoplantaire peut être
érosive, très douloureuse, particulièrement résistante aux traitements, invalidante sur le plan fonctionnel, gênant la marche en
cas de lésions plantaires et empêchant toute activité manuelle
en cas de lésions palmaires. L’atteinte unguéale est rare, à
l’origine de dystrophies pseudolichéniennes. Les lésions buccales simulent un lichen cliniquement et histologiquement ;
• le lupus tumidus : un ou plusieurs placards nettement saillants,
arrondis ou ovalaires, de teinte rouge violacé, à bords nets
comme « tracés au compas », de consistance œdémateuse, sans
hyperkératose folliculaire visible à l’œil nu ;
• le lupus engelure : simule cliniquement des engelures, persistant cependant au-delà de la saison froide ;
• la panniculite : nodules ou plaques infiltrées de taille variable,
évoluant vers une lipoatrophie en cupule permettant un diagnostic rétrospectif ;
• les lésions lupiques non spécifiques :
◦ lésions vasculaires secondaires à une atteinte vasculaire
inflammatoire (lésions urticariennes) ou thrombotique
(livedo, nécrose cutanée extensive),
◦ lésions non vasculaires : l’alopécie diffuse (non cicatricielle
contrairement à l’atteinte discoïde) est la plus fréquente,
contemporaine des poussées de LES ou survenant 3 mois
après, pouvant donner un cuir chevelu clairsemé, disparaissant progressivement après traitement.
10. A
B
C
D
Figure 1. Principales manifestations dermatologiques du lupus systémique.
A. Lupus érythémateux aigu (atteinte digitale), caractérisé par l’atteinte préférentielle des régions interarticulaires.
B. Lupus érythémateux subaigu, caractérisé par son aspect annulaire à contours polycycliques avec un centre hypopigmenté.
C. Lupus discoïde avec atrophie cicatricielle.
D. Lupus érythémateux aigu (vespertilio), caractérisé par son aspect érythémateux, maculopapuleux et squameux, plus ou moins œdémateux, à bordure
émiettée.
“ Point important
Les manifestations dermatologiques sont très fréquentes
au cours du lupus systémique. Elles sont polymorphes, et
peuvent ou non témoigner d’une poussée de la maladie.
Manifestations rhumatologiques
Les manifestations articulaires sont fréquentes (plus de 80 % des
cas) et souvent inaugurales. Il s’agit le plus souvent :
• d’arthralgies ;
• d’arthrites vraies :
◦ aiguës, le plus souvent polyarthrite touchant surtout les
petites articulations des mains (métacarpophalangiennes,
interphalangiennes proximales), les poignets, les genoux et
les chevilles, parfois associées à des ténosynovites (le plus
souvent des fléchisseurs),
◦ chroniques, beaucoup plus rarement (polyarthrites ou plus
rarement oligoarthrites), habituellement non destructrices,
◦ rares, arthropathies déformantes liées à des lésions capsulaires et ligamentaires se traduisant par des subluxations
réductibles des doigts appelées rhumatisme de Jaccoud.
Les manifestations osseuses, généralement plus tardives que les
atteintes articulaires, sont de deux types :
• ostéonécroses aseptiques, touchant les têtes épiphysaires
surtout des fémurs et des humérus. Elles peuvent être asymptomatiques, découvertes systématiquement lors d’une IRM. Elles
peuvent être liées à la corticothérapie, ou au lupus per se,
notamment en cas de syndrome des antiphospholipides ;
• ostéopathie fragilisante (ostéoporose) parfois fracturaire, secondaire à une corticothérapie et à d’autres facteurs (carence
en vitamine D, apport insuffisant en calcium, réduction de
l’activité physique, ménopause précoce induite par un immunosuppresseur).
Concernant les manifestations musculaires, les myalgies diffuses
sont assez fréquentes alors qu’une myosite confirmée histologiquement est beaucoup plus rare.
“ Point important
Les manifestations articulaires sont très fréquentes au cours
du lupus systémique. Bien qu’invalidantes, ces manifestations n’occasionnent que rarement la survenue d’un
rhumatisme déformant (à la différence de la polyarthrite
rhumatoïde non traitée).
11. Manifestations rénales
L’atteinte rénale survient souvent lors des premières années. La
fréquence de cette atteinte rénale est estimée par les paramètres
biologiques usuels à 40 % des patients.
Le plus souvent, les manifestations cliniques initiales de cette
atteinte rénale sont assez pauvres, et c’est la surveillance systématique des urines, par recherche d’une protéinurie, au minimum
à chaque consultation par bandelette urinaire, qui permet de la
révéler. Plus rarement, certains signes cliniques (asthénie importante, œdème des membres inférieurs, hypertension artérielle)
motivent la réalisation d’une bandelette urinaire et d’examens
biologiques.
Classiquement, l’atteinte rénale survient dans les premières
années et revêt une importance pronostique majeure. Elle peut
aussi être tardive : la recherche répétée d’une protéinurie s’impose
tout au long de l’évolution. La biopsie, réalisée par voie percutanée ou transjugulaire, est indiquée devant une protéinurie
supérieure à 0,5 g/j. L’étude histologique montre des anomalies
principalement glomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles et
parfois vasculaires. Les lésions actives, susceptibles de régresser
sous traitement, sont distinguées des lésions inactives, irréversibles. La classification de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS)/International Society of Nephrology reconnaît six classes.
L’évolutivité du lupus tend à diminuer quand la néphropathie
aboutit, malgré le traitement, à une insuffisance rénale terminale,
cette éventualité étant devenue assez rare. Les taux de survie en
hémodialyse sont bons et les récidives de néphropathie lupique
après transplantations rares.
“ Point important
• Les manifestations rénales sont assez fréquentes au
cours du lupus (environ 40 % des patients). Il existe six
classes de néphropathies lupiques, de pronostic différent.
La recherche répétée d’une protéinurie (à l’aide d’une
simple bandelette urinaire) s’impose tout au long de
l’évolution.
• La biopsie, réalisée par voie percutanée ou transjugulaire, est indiquée devant une protéinurie supérieure à
0,5 g/j.
Manifestations neuropsychiatriques
Les manifestations neurologiques sont fréquentes, mais extrêmement hétérogènes dans leur expression clinique : 19 syndromes
ont été définis par le collège américain de rhumatologie (12 syndromes neurologiques centraux et sept syndromes neurologiques
périphériques).
Parmi les atteintes centrales les plus sévères, on distingue schématiquement :
• crises comitiales (15 %) de tous types, dépourvues de signification péjorative quand elles sont isolées (associées à la présence
d’anticorps antiphospholipides). Elles peuvent précéder les
autres manifestations systémiques de plusieurs années, posant
alors le problème d’un lupus induit par les anticomitiaux ;
• manifestations focales dominées par les accidents vasculaires cérébraux constitués ou transitoires, essentiellement
ischémiques et fortement associés à la présence d’anticorps
antiphospholipides. En l’absence de traitement, ils comportent
un risque majeur de récidive à court ou à moyen terme ;
• manifestations diffuses : troubles mnésiques et cognitifs fréquents, mais généralement mineurs, troubles de conscience
d’importance variable.
De nombreux syndromes psychiatriques, parfois graves et révélateurs et pouvant comporter un risque suicidaire, ont été rapportés.
L’expression psychiatrique la plus typique du neurolupus se
manifeste précocement dans l’histoire de la maladie, est parfois
révélatrice du lupus, et peut associer syndrome hallucinatoire,
syndrome délirant et syndrome confusionnel chez un sujet
jeune ayant éventuellement d’autres signes de poussée lupique.
Des syndromes catatoniques, des troubles de la personnalité ou
obsessionnels compulsifs ont été également décrits. Les manifestations directement liées au LES doivent être distinguées des
complications psychiatriques de la corticothérapie et des états
anxiodépressifs de rencontre. Une éventuelle induction du lupus
par les traitements psychotropes, en particulier phénothiazines,
est évoquée quand les troubles psychiques précèdent de longue
date les autres manifestations du LES. Attribuer des troubles
psychiatriques au LES peut être difficile, en particulier lorsque
les symptômes sont exclusivement psychiatriques. La symptomatologie est peu typique. L’origine iatrogène des troubles
psychiatriques est à évoquer de principe en sachant que ces
manifestations surviennent dans les 15 premiers jours de traitement dans plus de 50 % des cas. Les éléments en faveur de
l’imputabilité des corticoïdes dans les troubles psychiatriques
sont principalement la dose utilisée (plus de 0,5 mg/kg par
jour d’équivalent prednisone) et la chronologie (instauration
du traitement ou augmentation récente des doses). Les doses
supérieures à 60 mg/j s’associent à des troubles psychologiques
chez 30 % à 57 % des patients. Les symptômes psychotiques
comme les hallucinations visuelles ou auditives et les épisodes maniaques sont beaucoup moins fréquents que l’anxiété,
l’insomnie ou l’irritabilité. Les autres traitements utilisés dans
le LES ne sont qu’exceptionnellement associés à des manifestations psychiatriques isolées : chloroquine ou mycophénolate
mofétil.
Manifestations cardiaques
L’atteinte des trois tuniques est possible :
• péricardite ;
• myocardite ;
• valvulopathie mitrale ou aortique à type d’épaississement diffus
ou localisé (endocardite de Libman-Sacks), fortement associée
à la présence d’antiphospholipides (APL) ;
• insuffisance coronarienne rare, résultant de thromboses dans
le cadre d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) et/ou
d’une athérosclérose accélérée par la corticothérapie prolongée
et/ou par un contrôle insuffisant du LES.
“ Point important
La péricardite est une manifestation clinique fréquente
du lupus systémique. Elle ne doit pas être confondue
avec les autres causes de douleurs thoraciques, en particulier l’embolie pulmonaire, qui doit être d’autant plus
facilement évoquée qu’il existe des anticorps antiphospholipides associés.
Manifestations vasculaires
On distingue les manifestations vasculaires suivantes :
• le phénomène de Raynaud fréquent (35 %), mais rarement
compliqué ;
• l’hypertension artérielle souvent présente en cas de glomérulopathie grave, de forte corticothérapie, voire de microthromboses intrarénales ;
• les thromboses veineuses, artérielles, ou microvasculaires, parfois révélatrices, fortement associées à la présence d’anticorps
antiphospholipides et spontanément récidivantes dans le cadre
d’un SAPL :
◦ les atteintes veineuses concernant surtout les veines profondes des membres, mais avec une relative prédominance
pour les sièges atypiques (veines sus-hépatiques, surrénaliennes, membres supérieurs, etc.),
12. ◦ les atteintes artérielles affectant principalement les vaisseaux
intracrâniens, mais comportant aussi des infarctus viscéraux
de gravité variable.
Manifestations respiratoires
Les manifestations respiratoires peuvent toucher tous les
compartiments du système respiratoire (plèvre, parenchyme pulmonaire, voies aériennes, circulation pulmonaire et muscles respiratoires), mais les atteintes pleurales dominent. On distingue :
• l’atteinte pleurale avec ou sans épanchement (pleurite
« sèche »), manifestation respiratoire la plus fréquente. Elle peut
être asymptomatique ou donner une douleur thoracique, une
toux sèche, de la fièvre et une dyspnée. Une pleurésie est
observée dans 25 % des cas, uni- ou bilatérale, exsudative et
lymphocytaire (devant faire éliminer une embolie pulmonaire
et/ou une infection) ;
• plus rarement, l’hypertension pulmonaire : sa prévalence est
estimée entre 2,8 % et 14 % au diagnostic en fonction des séries
et des critères diagnostiques. Dans les séries où le diagnostic
d’hypertension pulmonaire (HTP) est porté après cathétérisme
droit, il s’agit, pour la moitié des cas, d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) alors qu’une cause secondaire est
identifiée pour l’autre moitié : postembolique, cause cardiaque
gauche. L’HTAP est une complication grave du LES [3] ;
• les atteintes pulmonaires parenchymateuses de traduction clinique inconstante : toux, dyspnée, parfois hémoptysie ou
anomalies auscultatoires. La survenue d’une pneumopathie au
cours d’un LES traité impose d’écarter une origine infectieuse,
notamment tuberculeuse. Ces atteintes parenchymateuses
peuvent être :
◦ pneumopathies interstitielles diffuses chroniques, râles crépitants à l’auscultation, l’hippocratisme digital y est rare,
◦ pneumopathie lupique aiguë,
◦ hémorragie intra-alvéolaire (HIA),
◦ le syndrome des poumons rétractés ou shrinking lung syndrome, rare, mais caractéristique du LES. Sa physiopathologie
est complexe et encore mal élucidée, combinant vraisemblablement une atteinte du nerf phrénique, des adhérences pleurales et une myosite diaphragmatique. L’atteinte diaphragmatique est souvent bilatérale et responsable d’une dyspnée
progressive, avec orthopnée, et des douleurs bibasales d’allure
pleurale. Une fièvre et une toux sont plus rares. L’examen
clinique peut mettre en évidence une diminution de murmure vésiculaire des bases, une diminution de l’ampliation
thoracique ou une respiration abdominale paradoxale.
Manifestations hépato-gastro-entérologiques
Les manifestations hépato-gastro-entérologiques sont rarement
spécifiques de la maladie, plus souvent conséquence des traitements : hépatomégalie, dysphagie, douleurs abdominales, parfois
accompagnées de nausées, voire de vomissements. Elles relèvent
de causes variées (ulcère gastroduodénal, péritonite, infarctus
mésentérique, pancréatite, etc.). L’approche diagnostique doit
donc être indépendante de la maladie lupique. Une corticothérapie est susceptible de gommer les signes péritonéaux. Certaines
manifestations sont toutefois liées à l’activité spécifique de la
maladie :
• ascite dans le cadre d’une sérite, témoignant de l’activité de la
maladie lupique ;
• pancréatite aiguë pouvant survenir au cours d’une poussée
lupique inaugurale, notamment dans les formes pédiatriques ;
• entérite ou « vascularite » mésentérique lupique ;
• thromboses des vaisseaux digestifs dans le cadre du SAPL : syndrome de Budd-Chiari, thrombose mésentérique ou porte ;
• hépatopathie : hépatite lupique dont l’individualisation est discutable ;
• stéatohépatite (corticoïdes), hépatite médicamenteuse (acide
acétylsalicylique, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS],
statines, méthotrexate, azathioprine, léflunomide, etc.), cholestase, atteinte vasculaire (foie cardiaque, péliose, hyperplasie
nodulaire régénérative, artérite, etc.).
Manifestations ophtalmologiques
On distingue :
• les atteintes oculaires diverses : rétinite dysorique latente et
aspécifique, neuropathie optique, thrombose artérielle ou veineuse rétinienne, uvéites, épisclérites, sclérites ;
• l’association à un syndrome sec oculaire dans le cadre d’un
syndrome de Gougerot-Sjögren ;
• le risque de toxicité oculaire des amino-4-quinoléines pratiquement nul quand les règles de prescription et de surveillance sont
respectées.
Anomalies biologiques
Protéines de l’inflammation
Les poussées comportent généralement une élévation du fibrinogène et de l’orosomucoïde alors qu’une baisse de l’haptoglobine
traduit une hémolyse associée. La C reactive protein (CRP) reste
peu élevée, sauf en cas de sérite (péricardite, pleurite, etc.) ou
d’infection concomitante. Une hypergammaglobulinémie polyclonale isolée peut entraîner une élévation durable de la vitesse
de sédimentation (VS) dans un lupus calme, notamment en cas
de syndrome de Gougerot-Sjögren associé.
“ Point important
Sauf sérite (péricardite, pleurite.) ou infection concomitante, la CRP reste peu élevée en cas de poussée lupique. Le
diagnostic de poussée de lupus systémique ne doit donc en
aucun cas être réfuté devant la normalité de ce paramètre.
Manifestations hématologiques
Les manifestations hématologiques peuvent concerner les trois
lignées :
• une anémie inflammatoire accompagne les poussées marquées. Une anémie hémolytique auto-immune à test de
Coombs positif immunoglobuline G (IgG)-complément
(5-10 %), souvent corticosensible, est parfois révélatrice. Les
autres causes d’anémie (carence martiale, insuffisance rénale,
érythroblastopénie, hypothyroïdie associée, microangiopathie
thrombotique, syndrome d’activation macrophagique, etc.)
sont plus rares ;
• une leucopénie modérée, résultant d’une lymphopénie T et parfois d’une neutropénie est fréquente ;
• une thrombopénie périphérique (15 % à 25 %) accompagne
parfois les poussées et peut précéder le LES. Souvent latente, parfois responsable d’un simple purpura, rarement d’hémorragies
viscérales, cette thrombopénie, liée à la présence d’anticorps
antiplaquettaires, n’est pas toujours corticosensible ;
• les troubles de l’hémostase sont dominés par la présence d’un
anticoagulant circulant de type lupique (25 %).
Anomalies sérologiques
Les anomalies sérologiques sont dominées par la présence de
facteurs antinucléaires (FAN).
Les FAN sont généralement dépistés par immunofluorescence
indirecte sur cellules Hep2. Leur présence à titre élevé est pratiquement constante au cours du LES, mais elle est peu spécifique, car
également retrouvée dans d’autres connectivites, certaines hépatopathies et hémopathies, voire chez certains sujets sains. Au
cours du LES, divers aspects de fluorescence sont possibles :
• homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supérieur à
1/500 ;
• périphérique : rare, mais plus spécifique ;
13. • moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un ou plusieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’observe aussi
dans d’autres connectivites ;
• nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclérodermie.
La présence de FAN ne constituant qu’un test d’orientation, il
est indispensable de préciser leur spécificité.
La recherche d’anticorps anti-acide désoxyribonucléique (ADN)
bicaténaire (ou natif) par le test radio-immunologique de Farr,
immunofluorescence sur Crithidia luciliae ou test enzyme linked
immunosorbent assay (Elisa), est un examen moins sensible (70 % à
85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique du LES,
dont il constitue l’élément-clé du diagnostic biologique. En outre,
le test de Farr est bien corrélé à l’existence d’une atteinte rénale
grave et à l’évolutivité du LES.
Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléaires solubles (anticorps anti-extractible nuclear antigens [ENA] ou extrait de cellules
thymiques [ECT]) sont détectés par immunoprécipitation, Elisa
ou Blot. On en distingue divers types, parfois associés :
• anticorps anti-Sm, peu fréquents (20 %), mais hautement spécifiques ;
• anticorps anti-Ro/SSA, et anticorps anti-La/SSB plus rares,
dirigés contre des antigènes nucléaires et cytoplasmiques, rencontrés au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren et/ou du
LES, notamment dans le lupus subaigu et le lupus néonatal ;
• anticorps antiribonucléoprotéines (anti-RNP), présents dans
30 % des LES et constamment par définition dans le syndrome
de Sharp (une forme de connectivite mixte).
Divers autoanticorps distincts des FAN sont souvent rencontrés : facteur rhumatoïde (20 %), anticorps antihématies,
antiplaquettes, antilymphocytes, antipolynucléaires, anticorps
antiphospholipides.
L’hypocomplémentémie, fréquente, peut relever de deux mécanismes :
• une consommation du complément activé par les complexes
immuns, circulants ou tissulaires, entraînant lors des poussées
une chute du CH50 et des fractions C3 et C4, liée statistiquement aux atteintes rénales graves ;
• un déficit constitutionnel de l’une des fractions du complément.
“ Point important
La présence de facteurs antinucléaires (FAN) est pratiquement constante au cours du lupus systémique. La
recherche d’anticorps anti-ADN bicaténaire (ou natif) par
le test radio-immunologique de Farr, immunofluorescence
sur Crithidia luciliae ou test Elisa, est un examen moins sensible (70 % à 85 %) que l’étude des FAN, mais beaucoup
plus spécifique du LES, dont il constitue l’élément clé du
diagnostic biologique.
Situations particulières
au cours du lupus
Grossesse
Le risque de poussée lupique maternelle est important si la
maladie est évolutive au début de la grossesse ou s’il existe une
néphropathie. À l’inverse, la grossesse est autorisée si le lupus
est en rémission depuis plus de 6 mois, avec une fonction rénale
normale ou peu altérée.
Les risques pour le fœtus sont divers. La présence d’APL chez la
mère expose au risque d’avortements itératifs ou de mort fœtale.
Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, éruption
cutanée néonatale transitoire) est lié à la présence maternelle
d’anticorps anti-Ro/SSA. Enfin, les risques de prématurité, de
retard de croissance et de mortinatalité sont accrus chez les enfants
de mère lupique.
Lupus induits
Les lupus induits sont secondaires à l’administration prolongée
de certains médicaments, essentiellement isoniazide, phénothiazines, quinidine, certains anticonvulsivants, bêtabloqueurs,
minocycline, interféron ␣ et anti-tumor necrosis factor (TNF). Les
estroprogestatifs sont souvent responsables de poussées lupiques
et/ou de thromboses. Les lupus induits associent des signes
généraux d’importance variable et des manifestations rhumatologiques, pleuropulmonaires et/ou péricardiques. Les atteintes
cutanées, rénales et neurologiques sont rares, de même que la présence d’anticorps anti-ADN natif et d’une hypocomplémentémie.
L’arrêt du médicament inducteur fait généralement régresser les
manifestations cliniques en quelques semaines, la rétrocession des
anomalies biologiques étant plus lente.
Diagnostic
Des critères de classification ont été élaborés en 1982 par
l’Association américaine de rhumatologie [4] puis révisés en 1997
(Tableau 2) [5] . Il ne s’agit toutefois que d’une analyse statistique
établie à partir d’un recrutement rhumatologique et certains critères ont été certainement surévalués aux dépens d’autres. Cette
analyse peut donc ne pas s’appliquer à un patient donné et le
sens clinique du médecin doit toujours prévaloir. Plusieurs critères de classification du LES peuvent être observés dans un SAPL
réellement primaire.
“ Point important
Les critères de classification du lupus ne sont pas des critères diagnostiques. De fait, le sens clinique du médecin
doit toujours prévaloir.
Évolution et pronostic
Le LES évolue par poussées entrecoupées de périodes de
rémission. On oppose des formes bénignes ambulatoires, principalement cutanéoarticulaires et des formes viscérales graves.
L’activité de la maladie s’atténue après la ménopause. La surveillance biologique comporte des examens usuels dont la
recherche régulière d’une protéinurie et le dosage répété des
anticorps anti-ADN et du complément (CH50, C3, C4). La
réapparition d’anomalies immunologiques après une période de
normalisation fait statistiquement craindre une exacerbation clinique.
Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré, le taux
de survie à 10 ans étant d’environ 93 %. La maladie est plus
sévère en cas de début pédiatrique, chez les sujets à peau noire
et dans le sexe masculin. La mortalité résulte soit du LES ou d’un
SAPL associé, soit de complications favorisées par le traitement :
infections notamment opportunistes, athérosclérose accélérée et
néoplasies.
“ Point important
Le lupus est une maladie chronique qui évolue par poussées entrecoupées de périodes de rémission. Le plus
souvent, l’activité de la maladie s’atténue après la ménopause. La surveillance clinique et biologique doit être
réalisée régulièrement au cours du suivi de cette maladie.
14. Tableau 2.
Critères de classification du lupus proposés par l’American Rheumatism Association en 1982 révisés en 1997 (Hochberg) [5] .
1. Éruption malaire en « aile de papillon » : érythème malaire fixe, plan ou en relief, tendant à épargner le sillon nasolabial
2. Éruption de lupus discoïde : placards érythématheux surélevés avec des squames kératosiques adhérentes et des bouchons cornés folliculaires
Cicatrices atrophiques pouvant apparaître sur des lésions anciennes
3. Photosensibilité : éruption cutanée résultant d’une réaction inhabituelle au soleil, à l’interrogatoire du patient ou observée par le clinicien
4. Ulcérations buccales ou nasopharyngées : ulcérations orales ou nasopharyngées, habituellement douloureuses, observées par un clinicien
5. Polyarthrite non érosive : arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques, caractérisée par : douleur, augmentation de volume,
ou épanchement articulaire
6. Pleurésie ou péricardite :
– pleurésie : épanchement pleural patent ou histoire convaincante de douleurs pleurales ou frottement pleural entendu par un clinicien
– péricardite : documentée sur un ECG ou frottement péricardique ou mise en évidence de l’épanchement
7. Atteinte rénale : protéinurie supérieure ou égale à 0,5 g/j ou supérieure à 3 croix en l’absence de quantification possible ou cylindres urinaires (globules
rouges, hémoglobine, leucocytes, cellules tubulaires ou mixtes)
8. Atteinte neurologique :
– convulsions : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)
– psychose : en l’absence de cause médicamenteuse ou de désordres métaboliques (insuffisance rénale, acidose, déséquilibre électrolytique)
9. Atteinte hématologique :
– anémie hémolytique avec hyperréticulocytose
– leucopénie (inférieure à 4 000 leucocytes/mm3 ) trouvée à au moins deux reprises
– lymphopénie (inférieure à 1 500 lymphocytes/mm3 ) à au moins deux reprises
– thrombopénie (inférieure à 100 000 plaquettes/mm3 ) en l’absence de cause médicamenteuse
10. Désordre immunologique :
– anticorps anti-ADN positif
– présence d’anticorps anti-Sm. Fausse sérologie syphilitique positive depuis au moins 6 mois et confirmée par la négativité du test de Nelson ou du FTA
11. Présence de facteurs antinucléaires à un titre anormal en l’absence de médicaments inducteurs : titre anormal d’anticorps antinucléaire en
immunofluorescence ou technique équivalente à n’importe quel moment de l’évolution, en l’absence de médicaments inducteurs du lupus
ECG : électrocardiogramme ; ADN : acide désoxyribonucléique ; FTA : fluorescent treponemal antibody.
Traitement
Le lupus évolue par poussées entrecoupées de rémission. Ces
notions doivent toujours être présentes à l’esprit pour déterminer
la prise en charge thérapeutique du patient lupique. Le caractère
aigu de la maladie, lié à une atteinte organique précise et qui peut
avoir des conséquences graves, nécessite une intervention thérapeutique rapide et spécifique afin de contrôler la poussée de
la maladie (par exemple : atteinte du système nerveux central se
traduisant par des crises comitiales). Le caractère chronique du
lupus nécessite l’éducation du patient, des évaluations régulières
et la reconnaissance précoce des signes d’évolutivité. Des modifications adaptées du traitement permettent ainsi de prévenir ou
de contrôler les poussées évolutives à des stades très précoces (par
exemple, protection solaire, contraception adaptée).
Éducation du patient lupique
Souvent négligée à tort, l’éducation du malade et de sa famille
est un élément important de la prise en charge thérapeutique. Elle
porte en particulier sur les points suivants :
• connaissance des symptômes de la maladie, en précisant les
signes d’alarme qui doivent conduire à une consultation. Toute
modification ou aggravation de la symptomatologie doit motiver une consultation ;
• profil évolutif du LES qui doit être expliqué au patient et les
objectifs thérapeutiques qui en découlent. Le patient doit pouvoir reconnaître seul les signes cliniques avant-coureurs de la
poussée évolutive et consulter ;
• planification des examens de routine ;
• effets indésirables possibles des traitements prescrits, risques de
l’arrêt intempestif du traitement ;
• sensibilisation au respect du calendrier vaccinal ;
• nocivité du tabac : facteur de risque cardiovasculaire, interférence avec l’efficacité de l’hydroxychloroquine et augmentation de l’activité du LES ;
• mise en garde des risques d’une exposition au soleil. Protection
vestimentaire. Nécessité d’une photoprotection passive (évitement de l’exposition solaire directe ou indirecte) et active
(application toutes les 2 à 3 heures d’un écran solaire d’indice
très élevé sur les régions découvertes, y compris hors de la
période estivale) ;
• précision des règles de maniement et de surveillance d’un éventuel traitement par antivitamine K ;
• information diététique personnalisée : régime pauvre en sel et
limité en glucides en cas de corticothérapie ;
• encouragement quant à l’activité physique d’entretien quand
les circonstances le permettent. La grossesse devant être programmée, une contraception efficace est nécessaire et est
évoquée dès la première consultation. Elle est strictement
indispensable quand un traitement tératogène est administré
(cyclophosphamide, méthotrexate, thalidomide) ;
Un cadre associatif dédié est souvent utile, en particulier pour
aider certains malades à sortir de leur isolement.
Enfin le LES est une affection chronique qui ouvre les droits à
une prise en charge au titre des affections de longue durée (ALD
21).
Principales modalités thérapeutiques
Même si les indications sont à adapter à chaque cas, il est possible de dégager des grandes lignes thérapeutiques. Le LES étant
une maladie chronique, il justifie un traitement de fond : les antimalariques de synthèse. L’hydroxychloroquine (Plaquenil® ) est
employée à la dose de 400 mg/j si la fonction rénale est normale.
Le mode d’action des antimalariques est mal connu, mais leur
efficacité au long cours sur l’activité du LES est bien démontrée.
L’intensité du traitement des poussées est adaptée à la gravité
de la maladie.
Le traitement des poussées cutanéoarticulaires repose sur
l’aspirine, les autres AINS et les antimalariques de synthèse.
À l’inverse, une atteinte cutanée résistante aux antimalariques n’est pas une indication à la corticothérapie générale,
mais justifie une thérapeutique dédiée, notamment par le
thalidomide.
Le traitement des formes viscérales repose sur la corticothérapie. Dans les poussées graves, celle-ci est débutée par la
perfusion de 1 g de méthylprednisolone (Solu-Médrol® ) par voie
veineuse en 90 minutes après vérification de la kaliémie et de
15. l’électrocardiogramme (ECG). Ces « bolus » sont délivrés pendant 3 jours consécutifs, puis relayés par une corticothérapie
orale.
La prednisone (Cortancyl® ) est le corticoïde de référence.
La posologie est de 1 mg/kg par jour dans les formes graves
(glomérulonéphrite proliférative diffuse, thrombopénie, anémie
hémolytique) et de 0,5 mg/kg par jour dans les sérites. Les
mesures d’accompagnement visent à prévenir certains effets
secondaires, notamment l’accélération de l’athérogenèse. Une
diététique excluant le sodium et restreignant les apports glucidiques et caloriques est couplée à un strict contrôle des
paramètres tensionnels, glucidiques et lipidiques. Une supplémentation potassique est associée aux fortes doses de corticoïdes.
L’utilisation raisonnée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
a réduit les complications digestives. L’ostéoporose est atténuée
par l’adjonction de vitamine D, de calcium et de bisphosphonates. Les risques infectieux étant majorés par la corticothérapie,
le dépistage et le traitement des foyers bactériens latents sont
systématiques, ainsi que la prophylaxie d’une éventuelle anguillulose si le contexte le justifie. La vaccination antigrippale est
recommandée [6] .
La posologie d’attaque est prescrite pour une durée de 3 à 6
semaines. La régression, progressive, se fait par diminution de
10 % de la dose antérieure tous les 10 à 15 jours. Une corticothérapie d’entretien (0,10 à 0,20 mg/kg par jour) est souvent maintenue
plusieurs années, associée à l’hydroxychloroquine. Le sevrage
éventuel doit prendre en compte le risque potentiel d’insuffisance
surrénale.
L’emploi des traitements immunosuppresseurs est limité aux
formes viscérales graves ou corticodépendantes en raison de leurs
risques (hypoplasie médullaire et infections à court terme, stérilité
et oncogenèse possible à long terme) [7, 8] .
Divers agents sont utilisés : mycophénolate mofétil (Cellcept® )
2 à 3 g/j, cyclophosphamide (Endoxan® ) 0,5 à 0,8 g/m2 par voie
intraveineuse discontinue, azathioprine (Imurel® ) 2 à 3 mg/kg par
jour per os. Dans le traitement des glomérulonéphrites prolifératives, l’adjonction d’un immunosuppresseur à la corticothérapie
améliore le pronostic rénal. Le schéma traditionnel (perfusion
mensuelle de cyclophosphamide pendant 6 mois puis trimestrielle pendant 2 ans) tend à être remplacé par d’autres protocoles
relayant rapidement le cyclophosphamide par l’azathioprine ou le
mycophénolate mofétil, voire n’utilisant que ce dernier. La durée
de l’immunosuppression est de deux ans, voire plus. Enfin, le
méthotrexate est employé dans certaines formes articulaires résistantes.
(en particulier créatininémie, protéinurie, uricémie, transaminases, plaquettes, glycémie, anticorps anti-ADN et dosages du
complément en prenant en compte son élévation gravidique physiologique).
Contraception
La grossesse devant être programmée, une contraception efficace est indispensable. Les estroprogestatifs sont formellement
contre-indiqués en cas de poussée récente, d’atteinte viscérale
même éteinte, d’antécédent de thrombose ou de biologie antiphospholipide positive. Une corticothérapie fait souvent récuser
le stérilet en raison du risque infectieux et d’une efficacité peutêtre amoindrie. La contraception repose donc essentiellement
sur les micropilules progestatives, l’acétate de chlormadinone
(Luteran® ) ou l’acétate de cyprotérone (Androcur® ).
Surveillance clinique
et biologique du lupus
Le médecin généraliste, par sa connaissance de la symptomatologie lupique, doit reconnaître les signes avant-coureurs
d’une poussée lupique (arthralgies, éruption, etc.), ce qui permet
d’intervenir précocement.
La fréquence des consultations varie en fonction de la sévérité initiale, du type d’atteinte viscérale et/ou de la survenue
d’événements intercurrents. Un examen clinique est nécessaire
à chaque modification de traitement. De manière générale, la fréquence recommandée de l’examen clinique est tous les 3 à 6 mois
en période de quiescence, mais plus rapprochée, mensuelle, en cas
de lupus évolutif, notamment en cas d’atteinte viscérale grave.
L’examen clinique de suivi est identique à celui réalisé lors de
l’évaluation initiale. La fréquence des consultations est adaptée à
l’évolutivité clinique. Un bilan des complications et des atteintes
viscérales est réalisé à chaque consultation (recherche de protéinurie par bandelette urinaire au minimum à chaque consultation,
et à long terme tous les 3 mois).
Le praticien doit connaître les effets indésirables des traitements. Nous insisterons sur la surveillance ophtalmologique
nécessaire lors de la prescription d’antipaludéens de synthèse et
sur le rôle de la corticothérapie prolongée dans l’accélération de
l’athérogenèse, car le pronostic lointain du lupus est en grande
partie conditionné par le risque vasculaire.
Conclusion
“ Point important
La stratégie thérapeutique utilisée au cours du lupus systémique dépend du type d’atteintes cliniques observées.
Le lupus n’est plus une maladie mortelle puisque la survie à
20 ans dépasse maintenant 90 %. Dans l’immense majorité des
cas, il s’agit d’une affection bénigne permettant une vie normale
au prix d’un modeste traitement d’entretien. Le rôle du médecin
généraliste est primordial, aux côtés du médecin interniste, dans
la prise en charge de la maladie lupique.
Cas particuliers
Thrombopénie périphérique
Les thrombopénies sévères corticorésistantes sont traitées par
hydroxychloroquine, danazol ou dapsone, mais surtout splénectomie précédée d’une vaccination antipneumococcique. Les
perfusions de fortes doses d’immunoglobulines sont utiles dans
les situations d’urgence, mais leur effet est transitoire.
Références
[1]
[2]
[3]
Grossesse
Les risques de poussée lupique gravidique justifient pour certains l’introduction systématique d’une faible corticothérapie
ou sa majoration préventive. Aujourd’hui, l’hydroxychloroquine
est généralement poursuivie. La surveillance multidisciplinaire
porte notamment sur la pression artérielle, les données échographiques et vélocimétriques, et les contrôles biologiques répétés
[4]
[5]
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17. 3 j Chapter Title
1165
Robert A.S. Roubey
Syndrome
des antiphospholipides
Introduction
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est l’association de thromboses, de morbidité de la grossesse ou
d’avortement à des autoanticorps ayant une spécificité apparente pour les phospholipides anioniques. D’autres
manifestations cliniques comprennent une thrombopénie, un livedo réticulaire, une forme de cardiopathie
valvulaire (endocardite de Libman-Sacks), des ulcères cutanés et certains problèmes neurologiques non liés à
un accident vasculaire cérébral (AVC). Des anticorps antiphospholipides (aPL) sont produits par environ un
tiers des patients atteints de lupus érythémateux disséminé (LED), et environ un tiers de ceux-ci (10 à 15 %
des patients atteints de LED) ont une ou plusieurs manifestations cliniques du SAPL. Celui-ci peut également
se manifester comme un syndrome primaire en l’absence de lupus ou d’autres maladies auto-immunes. Le
SAPL primaire est une forme relativement fréquente de thrombophilie acquise dans la population générale,
responsable de 15 à 20 % des cas de thromboembolie veineuse, de près d’un tiers d’AVC chez des sujets de
moins de 50 ans et de 10 à 15 % d’avortements récurrents.
Étiologie et pathogénie
Les événements qui conduisent à la production d’aPL ne
sont pas connus. Il est probable que des facteurs génétiques
jouent un rôle. Un certain nombre de cas familiaux de
SAPL ont été signalés ; cependant, des gènes spécifiques
qui contribuent à la production d’aPL et au SAPL n’ont
pas encore été identifiés.
Bien que l’on ait cru initialement que les aPL étaient
dirigés contre des phospholipides anioniques, comme la
cardiolipine et la phosphatidylsérine, les principales cibles
de ces autoanticorps sont maintenant considérées comme
étant certaines protéines plasmatiques liant des phospholipides. Les deux principaux antigènes semblent être la β2
glycoprotéine I (β2-GPI) et la prothrombine. La β2-GPI
est une glycoprotéine plasmatique normale de fonction
physiologique inconnue. Le déficit constitutionnel de β2GPI n’est pas associé à un phénotype de la maladie. Cette
protéine peut interagir avec certaines autres molécules (par
exemple le facteur de coagulation XI, des lipoprotéines de
basse densité oxydées) et des cellules (par exemple les cellules endothéliales vasculaires, des monocytes, des cellules
apoptotiques). La prothrombine, bien sûr, joue un rôle clé
dans la coagulation du sang.
La recherche suggère que les aPL ne sont pas simplement
des marqueurs de cette affection, mais jouent un rôle important dans la physiopathologie de l’hypercoagulabilité et de
l’avortement. Par exemple, on a montré qu’un certain nombre d’anticorps monoclonaux et polyclonaux dirigés contre
la β2-GPI agissaient comme des facteurs procoagulants et
provoquaient des avortements dans des modèles animaux.
De nombreux mécanismes ont été proposés. Certains aPL
inhibent les voies normales de l’anticoagulation, en particulier celle de la protéine C. En outre, les aPL peuvent se lier
aux cellules endothéliales vasculaires ou aux monocytes du
sang et les activer, leur donnant un phénotype procoagulant,
notamment l’expression du facteur tissulaire et des molécules d’adhérence intercellulaire. Les modèles animaux suggèrent également que les effets pathologiques des aPL
nécessitent l’activation du système du complément.
Il est probable que les aPL sont des facteurs de risque
de thrombose, c’est-à-dire qu’ils causent ou contribuent à
un état d’hypercoagulabilité, mais ne sont pas eux-mêmes
le déclencheur immédiat d’un événement thrombotique.
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Figure 152.1 Livedo réticulaire.
Figure 152.2
Chez les individus avec aPL, les anticorps sont présents en
permanence dans la circulation, mais un événement thrombotique ne se produit que rarement, voire jamais, et dans
un site vasculaire particulier.
Fausse couche et morbidité
Tableau clinique
Les tableaux cliniques du SAPL sont variés et dépendent
de manifestations cliniques particulières.
Thrombose
La thrombose, manifestation clinique majeure du SAPL, a
été trouvée dans presque tous les sites vasculaires. Les sites
les plus courants de thrombose veineuse sont les veines
profondes et superficielles des membres inférieurs.
L’embolie pulmonaire survient dans près de la moitié des
cas de thrombose veineuse profonde. L’AVC est la forme
la plus courante de thrombose artérielle dans le SAPL. La
thrombose est probablement le processus physiopathologique responsable d’un certain nombre d’autres manifestations cliniques du SAPL (par exemple la thrombose et
l’infarctus placentaire entraînant une fausse couche, et une
thrombose des vaisseaux sanguins dermiques aboutissant à
des ulcères cutanés).
Livedo racémeux.
Le type d’avortement le plus étroitement associé aux aPL
est la mort fœtale survenant à partir de la fin du premier
trimestre. Des pertes plus précoces (gestation de moins de
10 semaines) surviennent également ; toutefois, l’association statistique est faible en raison de la forte incidence de
ces pertes précoces dans la population générale. Différents
types de morbidité de la grossesse sont également associés
aux aPL. Il s’agit notamment d’un retard de croissance
fœtale, d’oligoamnios, de prééclampsie et d’éclampsie, de
détresse fœtale, d’accouchement prématuré et d’événements thrombotiques maternels durant la période postpartum.
Manifestations cutanées
Les patients avec aPL ont souvent un livedo réticulaire, un
réseau de marbrures sous-cutanées de coloration bleurouge. Certains auteurs distinguent le livedo réticulaire
(figure 152.1) et le livedo racémeux (figure 152.2). Ce
dernier est plus ouvert, a un aspect de stries et pourrait
avoir une signification pathologique plus importante. Le
syndrome de Sneddon, l’association de livedo et d’AVC,
s’accompagne d’aPL dans de nombreux cas.
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Figure 152.3 Endocardite de Libman-Sacks.
Oreillette gauche
Septum interventriculaire
Ventricule
gauche
Oreillette
gauche
Végétations verruqueuses
de la valve mitrale
Des ulcères et des nécroses de la peau associés à des aPL
ont également été décrits.
patients avec et sans LED (figure 152.3). Ces végétations
peuvent emboliser, provoquant des événements ischémiques tels que des AVC.
Thrombopénie
Manifestations neurologiques
Chez les patients lupiques, une thrombopénie survient
chez environ 40 % des patients avec aPL et chez seulement
10 % des patients sans aPL. Les aPL sont également détectés chez environ un tiers des patients atteints de thrombopénie auto-immune chronique. La diminution des
plaquettes en cas de SAPL est généralement modérée,
n’entraînant pas d’hémorragie. Fait intéressant, le petit
nombre de plaquettes ne semble pas protéger les patients
atteints du SAPL contre les thromboses.
Comme indiqué, l’AVC est la manifestation neurologique
majeure du SAPL et sa répétition peut aboutir à une
démence due à de multiples infarctus. Des accidents ischémiques transitoires peuvent également se produire.
Certaines manifestations neurologiques qui ne sont pas
clairement liées à un AVC peuvent également accompagner des aPL, bien que les données factuelles soient moins
convaincantes que pour les AVC. Il s’agit notamment de
myélite transverse, de syndromes de type sclérose en plaques, de chorée et de dysfonctionnement cognitif.
Valvulopathie
Maladie « catastrophique »
Les végétations verruqueuses non infectieuses de l’endocardite de Libman-Sacks sont associées à des aPL chez des
Le SAPL « catastrophique » est caractérisé par des thromboses multiples survenant en quelques jours ou semaines,
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Encadré 152.1 Causes de thrombophilie
Démarche diagnostique
Héréditaires
Mutation de Leiden du facteur V
Mutation du gène de la prothrombine
Déficit en protéine C
Déficit en protéine S
Déficit en antithrombine
Hyperhomocystéinémie
Le diagnostic de SAPL repose sur la démonstration d’une
production persistante d’un ou plusieurs aPL chez un
patient ayant des antécédents de thrombose ou de fausses
couches à répétition. Le diagnostic de SAPL fondé sur
d’autres manifestations cliniques (en l’absence de thrombose ou de perte de grossesse) est plus controversé. Les
critères de consensus international pour la classification
définitive du SAPL sont utiles pour les essais cliniques,
mais ont peu d’utilité pratique dans les soins aux patients
individuels.
Acquises
Malignité, syndromes myéloprolifératifs
Traumatisme, chirurgie, cathéters vasculaires
Grossesse
Immobilisation
Contraceptifs oraux, hormonothérapie substitutive,
tamoxifène
Insuffisance cardiaque congestive
Maladies inflammatoires de l’intestin
Maladie de Behçet
Syndrome néphrotique
Syndromes d’hyperviscosité
généralement dans de petits vaisseaux qui approvisionnent
plusieurs organes importants (cœur, poumons, reins, cerveau, foie), aboutissant à un dysfonctionnement grave ou
à l’insuffisance d’un système d’organes. Des thromboses
des gros vaisseaux, comme une thrombose veineuse profonde, sont moins fréquentes. Plusieurs centaines de cas de
SAPL catastrophique ont été rapportés. Environ la moitié
des patients ont des antécédents de LED, de SAPL ou des
deux ; dans l’autre moitié, le syndrome catastrophique est
la première manifestation du SAPL. Le SAPL catastrophique est mortel dans près de 50 % des cas. Les principales
causes de décès sont cardiaques (infarctus du myocarde,
microthrombus du myocarde, bloc cardiaque) et pulmonaires (syndrome de détresse respiratoire aiguë, embolie).
Des événements déclenchants (par exemple infection,
intervention chirurgicale, traumatisme ou retrait d’un
médicament anticoagulant) sont identifiables dans de nombreux cas.
Diagnostic différentiel
Lorsque l’on envisage le diagnostic du SAPL chez un
patient atteint de thrombose, il est important de considérer
d’autres causes de thrombophilie (résumées dans l’encadré
152.1).
Des fausses couches à répétition devraient être évaluées
par un obstétricien spécialisé dans les risques élevés ou par
un endocrinologue de la reproduction et par un expert en
stérilité pour que des causes anatomiques, hormonales,
métaboliques et chromosomiques puissent être exclues.
Des troubles thromboemboliques héréditaires (voir l’encadré 152.1) peuvent également se compliquer de fausses
couches récurrentes.
Le SAPL catastrophique peut imiter plusieurs affections, notamment le purpura thrombotique thrombocytopénique et une vasculite lupique.
Tests de laboratoire pour les aPL
Anticorps anticardiolipine
Le test ordinaire des anticorps anticardiolipine convient
encore pour la détection en première ligne des aPL. La
persistance d’anticorps anticardiolipine de classe IgG
(immunoglobuline G) ou IgM, à titre moyen ou élevé, est
étroitement associée à des manifestations cliniques de
SAPL. Des résultats de tests positifs de manière transitoire
et des titres faibles d’anticorps sont plus difficiles à interpréter. Des anticorps anticardiolipine de classe IgA peuvent également accompagner un SAPL, mais c’est
relativement rare.
Lupus anticoagulant
Les anticoagulants lupiques sont des anticorps détectés sur
la base de leur activité inhibitrice sur la coagulation induite
par des phospholipides. La détection implique un ou plusieurs tests de dépistage. Les plus courants comprennent
le test de temps de céphaline activée, optimisé pour la
détection des anticoagulants lupiques (TCA lupus) et le
temps de venin de vipère Russell dilué (dRVVT, dilute
Russell viper venom time). Si l’un de ces tests est prolongé,
deux types de tests de dépistage sont effectués. Une étude
de mélange permet d’exclure un déficit en facteur de coagulation. Le mélange du plasma du patient avec un plasma
normal corrige une carence en facteur, mais pas un anticoagulant lupique. Le deuxième type de test de confirmation est la démonstration de la dépendance des
phospholipides, c’est-à-dire qu’un excès de phospholipides
corrige la prolongation du test de coagulation.
Dosage immunologique des anticorps dirigés
contre des protéines
Comme nous l’avons vu, la plupart des aPL sont dirigés
contre la β2-GPI et la prothrombine, et non contre les phospholipides chargés négativement. Chez les patients atteints
du SAPL, la plupart des anticorps détectés dans les tests
anticardiolipine sont spécifiques de la β2-GPI. Les dosages
des anticoagulants lupiques détectent certains anticorps
anti-β2-GPI et des anticorps contre la prothrombine.
Des trousses d’immunoessais pour le dosage des anticorps anti-β2-GPI sont disponibles et semblent être plus
21. j
Encadré 152.2 Recommandations quant
aux dosages des aPL
Tests de première ligne
Anticorps anticardiolipine (IgG, IgM)
Anticoagulant lupique
Tests de dépistage (par ex., TCA lupus, dRVVT)
Tests de confirmation
Mélange de plasmas
Démonstration de la dépendance aux phospholipides
Tests de deuxième ligne
Anticorps anticardiolipine (IgA)
Anticorps anti-β2-GPI (IgG, IgM, IgA)
Tests expérimentaux
Antiprothrombine, antiprothrombine-phosphatidylsérine
Non recommandé
Anticorps dirigés contre d’autres phospholipides
tests anticardiolipine classiques. À l’heure actuelle,
spécifiques des manifestations cliniques du SAPL que les
dosages des anticorps anti-β2-GPI sont considérés comme
des tests de deuxième ligne qui doivent être utilisés si le
test anticardiolipine initial et les tests des anticoagulants
lupiques sont négatifs ou non concluants. Des techniques
de dosage des anticorps antiprothrombine (certains utilisant une combinaison de prothrombine et de phosphatidylsérine) sont en cours d’élaboration.
Anticorps contre d’autres phospholipides
La recherche d’anticorps dirigés contre divers phospholipides (par exemple le phosphatidylinositol, l’acide phosphatidique, la phosphatidylcholine) est controversée. En
général, ces tests sont peu standardisés, et la signification
clinique de leurs résultats n’a pas été établie chez des
patients sans anticorps anticardiolipine, sans anticoagulant
lupique, et sans anti-β2 GPI.
Les recommandations pour les dosages d’aPL sont résumées dans l’encadré 152.2.
Soins et traitement
Traitement optimal
Prévention de la récurrence de thromboses
Une anticoagulation à long terme, plutôt qu’une immunosuppression, est le pilier de la thérapie. L’usage de warfarine avec une cible INR (international normalized ratio)
élevée de 3,0 à 4,0 a été recommandé précédemment. Plus
récemment, un essai randomisé a suggéré qu’un INR cible
de 2,0 à 3,0 était adéquat, et de nombreux experts dans le
domaine ont adopté cette recommandation. Une anticoagulation à de l’héparine non fractionnée ou de bas poids
moléculaire peut être appliquée à certains cas. En général,
l’anticoagulation se poursuit pour une période de temps
indéfinie. Bien sûr, à long terme, l’anticoagulation générale
comporte un risque important de complications hémorra-
giques, et la décision de lancer un tel traitement doit
être prise sur des bases individuelles ; il faut tenir compte
de l’âge du patient, de sa capacité d’observance thérapeutique et des comorbidités. Chez certains patients, les tests
de détection des aPL peuvent devenir négatifs après des
mois ou des années. Dans ces cas, on ignore s’il est prudent
de mettre fin à l’anticoagulation.
Prévention des fausses couches
Chez les femmes ayant eu une fausse couche liée à des aPL,
les chances de succès d’une grossesse ultérieure non traitée
ne sont que d’environ 20 %. Un traitement par aspirine à
faible dose, seul, augmente le taux de réussite de manière
significative, à environ 40 %. Le traitement par l’héparine
et l’aspirine à faible dose est encore plus efficace, augmentant les chances à environ 80 %.
Les candidates au traitement sont les femmes dont les
titres d’aPL sont moyens ou élevés et persistants avec des
antécédents d’une ou plusieurs fausses couches (gestation
de > 10 semaines) ou des antécédents de thrombose. Les
femmes ayant connu des fausses couches précoces (gestation de < 10 semaines) ou ayant de faibles titres d’aPL
risquent moins un avortement subséquent, et la décision
de traitement est plus difficile.
Pour les femmes avec un SAPL obstétrical sans antécédents de thrombose, les traitements typiques sont des
minidoses ou de faibles doses d’héparine non fractionnée
(5000 à 10 000 unités toutes les 12 h) ou des doses prophylactiques d’héparine de bas poids moléculaire.
L’anticoagulation est appliquée autour du moment de l’accouchement, mais est aussi recommandée durant la période
postpartum (6 semaines) pour prévenir la thrombose
maternelle.
aPL asymptomatiques
Sauf contre-indication, l’aspirine à faible dose est recommandée pour les personnes asymptomatiques produisant
des aPL, notamment les femmes ayant des antécédents
obstétricaux de SAPL et qui ne sont pas enceintes. Cette
recommandation n’est pas solidement basée sur des données probantes, mais l’aspirine à faible dose est de nature
à diminuer le risque de thrombose, a une faible incidence
d’effets indésirables et coûte peu.
Autres agents thérapeutiques
Chez les patients atteints de LED et produisant des aPL,
l’hydroxychloroquine semble réduire le risque de thrombose. Le rôle d’agents antiplaquettaires, tels que le clopidogrel, est inconnu dans le SAPL. Le traitement au
rituximab dans un petit nombre de cas de SAPL a donné
des résultats mitigés. Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ont été utilisées dans plusieurs cas de fausse
couche, réfractaires à l’héparine et l’aspirine. Cependant,
dans un petit essai randomisé, les IgIV ne se sont pas avérées bénéfiques. En plus d’abaisser la cholestérolémie, les
inhibiteurs de la HMG-CoA réductase (statines) ont un
22. j
certain nombre d’effets vasculaires bénéfiques. Dans des
modèles animaux de SAPL, les statines ont montré une
certaine efficacité.
Éviter les erreurs de traitement
Compte tenu des risques considérables de l’anticoagulation à long terme, il est particulièrement important d’identifier soigneusement les patients qui produisent clairement
des aPL et qui requièrent un tel traitement. Idéalement, la
présence des aPL, soit l’anticoagulant lupique ou un titre
moyen ou élevé d’anticardiolipine ou d’anticorps antiβ2-GPI, devrait être confirmée à deux reprises ou plus, au
moins à 2–3 mois d’intervalle. Des précautions doivent
également être prises pour assurer que la recherche des
anticoagulants lupiques soit complète et comprenne aussi
les tests de confirmation nécessaires. Un TCA de routine
prolongé seul n’est pas une preuve suffisante pour établir
la présence d’un anticoagulant lupique. Enfin, les dosages
d’anticorps dirigés contre des phospholipides multiples ne
sont pas recommandés et, s’ils sont effectués, leurs résultats
doivent être interprétés avec prudence. Comme dit plus
haut, la plupart de ces tests ne sont pas bien standardisés
et leur utilité, si les tests ordinaires antiphospholipides sont
négatifs, est discutable.
Futures directions
La recherche est en train d’éclairer rapidement les mécanismes immunologiques des aPL et la physiopathologie de
l’hypercoagulabilité associée. L’élucidation de ces mécanismes pourrait suggérer des approches thérapeutiques
efficaces, mais surtout beaucoup plus sûres qu’une anticoagulation totale. Par exemple, un agent tolérogène des lymphocytes B spécifiques de la β2-GPI a été développé et sera
peut-être en mesure de diminuer spécifiquement les taux
d’autoanticorps anti-β2-GPI.
Ressources supplémentaires
SAPL Foundation of America. Accessible à http : //apsfa.org. Consulté le
17 mars 2007.
Cette organisation à but non lucratif fournit des informations et un soutien
aux patients.
Antiphospholipid Syndrome Collaborative Registry (APSCORE).
Accessible à http://www.apscore.org. Consulté le 17 mars 2007.
APSCORE est un registre national lancé par les National Institutes of
Health. Le site web contient des informations pour les médecins et les
patients.
Hughes Syndrome Website. Accessible à http://www.hughes-syndrome.
org/overview.htm. Consulté le 17 mars 2007.
Ce site est une source d’intérêt général fournissant des renseignements sur
le syndrome des antiphospholipides.
Rare Thrombotic Disease Consortium. Accessible à http://www.rarediseasesnetwork.epi.usf.edu/rtdc/index.htm. Consulté le 21 mai 2007.
La section « Information pour les médecins » contient des commentaires
pertinents sur le syndrome des antiphospholipides en général et sur le type dit
« catastrophique ».
Données probantes
1. Crowther MA, Ginsberg JS, Julian J, et al. A comparison of two
intensities of warfarin for the prevention of recurrent thrombosis
in patients with the antiphospholipid antibody syndrome. N Engl
J Med 2003 ; 349 : 1133-8. PMID : 13679527.
Les auteurs décrivent un essai randomisé important de la warfarine
dans la prévention de la thrombose en cas de SAPL.
2. Derksen RHWM, Khamashta MA, Branch DW. Management of
the obstetric antiphospholipid syndrome. Arthritis Rheum 2004 ;
50 : 1028-39. PMID : 15077285.
Il s’agit d’une excellente revue basée sur des données probantes.
3. Miyakis S, Lockshin MD, Atsumi T, et al. International consensus
statement on an update of the classification criteria for definite
antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemost 2006 ; 4 :
295-306. PMID : 16420554.
Bien que les critères eux-mêmes soient d’une utilité clinique limitée,
cette déclaration de consensus résume un vaste corpus de données factuelles
sur les manifestations cliniques du SAPL.
24. ¶
Figure 2. Xérostomie.
Figure 1. Parotidite au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren
(SGS).
Manifestations glandulaires
L’ensemble des glandes exocrines est concerné, siège d’un
infiltrat de cellules lymphocytaires et plasmocytaires, avec, pour
terme évolutif une destruction parenchymateuse et la constitution d’un syndrome sec.
Cette inflammation glandulaire peut s’exprimer cliniquement
par la survenue d’épisodes de fluxion des glandes salivaires
principales (Fig. 1) : parotide et/ou sous-maxillaires, plus
rarement des glandes lacrymales. Ces tuméfactions peuvent être
chroniques, ou au contraire évoluer par poussées successives.
Elles sont parfois très volumineuses et douloureuses. Ces
épisodes de fluxion glandulaire sont un témoin d’évolutivité de
la maladie, et concernent 20 % à 40 % des patients [3, 4].
L’expression clinique du syndrome sec prédomine au niveau
buccal et ophtalmique, cependant, l’ensemble des glandes
exocrines peut être atteint. Ce syndrome sec est historiquement
le maître symptôme de la maladie, mais il est cependant
inconstant et très variable dans son intensité, parfois même
d’une latence clinique totale, n’étant dépisté que par les
explorations paracliniques appropriées. Il n’y a aucune relation
entre la sévérité de ce syndrome sec et l’évolutivité systémique
de la maladie appréciée sur le nombre et la gravité des manifestations extraglandulaires.
Kératoconjonctivite sèche
Le patient se plaint d’une sensation de corps étranger et de
sable intraoculaire, puis de photophobie, de brûlures ophtalmiques. Parfois, il décrit une baisse de l’acuité visuelle avec une
sensation de voile dans les yeux.
Les signes physiques s’observent dans les syndromes secs déjà
sévères : les conjonctives sont rouges et enflammées, la fréquence du clignement augmentée. Le matin, les culs-de-sac
palpébraux sont les sièges de sécrétions épaisses, collantes,
parfois purulentes. L’hyposécrétion lacrymale peut être la source
de complications ophtalmologiques : blépharites, ou plus graves,
heureusement rares : ulcération de la cornée ou perforation
cornéenne.
Explorations de la fonction lacrymale
Le test de Schirmer peut être réalisé au cabinet du médecin.
Il consiste à insérer dans le cul-de-sac conjonctival une bandelette de papier-filtre graduée. On considère qu’il existe une
hyposécrétion lacrymale si moins de 5 mm de la bandelette ont
été humectés par les larmes au bout de 5 minutes. Certains
facteurs intercurrents sont cependant susceptibles de causer un
déficit lacrymal transitoire (fièvre, déshydratation, etc.). La
spécificité de ce test est loin d’être parfaite.
Le test au rose Bengale, plus spécifique, réalisé par les
ophtalmologistes, permet de révéler les premières lésions de
kératoconjonctivite sèche par l’examen au biomicroscope après
instillation de ce colorant vital qui se fixe sur les cellules mortes
des zones sèches de la conjonctive et de la cornée. D’autres
colorants peuvent être utilisés, comme le vert de lissamine ou
la fluorescéine. Le temps de rupture du film lacrymal (break up
time), de réalisation facile, mesure la stabilité du film lacrymal.
Xérostomie
La xérostomie se manifeste par une sensation de bouche
sèche, pâteuse, gênant parfois l’élocution et la déglutition des
aliments secs. Elle oblige le patient à la prise répétée de gorgées
de liquides lors des repas, et même parfois la nuit. Cette
xérostomie est parfois douloureuse, responsable de brûlures
buccales et de glossodynies. À l’examen, les muqueuses jugales
sont ternes, vernissées, la langue dépapillée, lisse (Fig. 2). Caries
précoces, intolérance des prothèses, stomatite et candidose
buccale sont les principales complications de la bouche sèche.
Explorations de la xérostomie
Les explorations de la xérostomie sont en pratique au nombre
de trois : sialographie, scintigraphie, biopsie de glandes salivaires
accessoires.
La sialographie met en évidence les sialectasies, avec un
aspect microponctué ou pseudokystique de la glande. Il s’agit
cependant d’un examen invasif, de réalisation technique parfois
difficile. Elle est de plus en plus remplacée par la sialo-imagerie
par résonance magnétique (sialo-IRM) qui semble un examen de
grande sensibilité [5]. En pratique, elle est surtout réalisée dans
le cadre du bilan d’une parotidite ou d’une sous-maxillite.
La scintigraphie a l’avantage d’être un examen fonctionnel
capable d’apprécier la dynamique de la sécrétion salivaire. Les
résultats sont souvent exprimés en quatre stades de gravité
croissante selon la classification de Schall.
La biopsie de glandes salivaires accessoires est l’examen
primordial, apportant deux ordres de renseignements :
• l’importance des altérations glandulaires, de l’altération des
canicules salivaires, de la déplétion acineuse, de la fibrose
réactionnelle ;
• la mise en évidence de la lésion caractéristique de la maladie :
l’infiltration de la glande par des lymphocytes et plasmocytes
s’organisant en nodules ou follicules avec parfois de véritables
centres germinatifs [6]. Plusieurs classifications de ces aspects
anatomopathologiques ont été proposées, la plus utilisée est
celle de Chisholm en quatre stades qui ne prend en compte
que le degré de l’infiltration cellulaire inflammatoire : les
stades 3 et 4 sont très caractéristiques de la maladie, mais
non pathognomoniques (Fig. 3).
Atteintes des autres glandes endocrines
Le syndrome sec peut s’étendre à d’autres tissus : muqueuse
génitale, sécheresse de la peau, des voies aériennes supérieures
(xérorhinie, gorge sèche), des voies aériennes inférieures
(laryngotrachéite, syndrome obstructif des petites voies aériennes responsable de toux chroniques), des muqueuses digestives
(œsophagite et gastrite atrophique, insuffisance pancréatique
exocrine).