Le manuel du généraliste 2 hepato gastro-enterologie
Le manuel du généraliste 2 la pratique de l'irm
1.
2.
3. Bases physiques de la résonance magnétique nucléaire
(RMN)
J Bittoun : Maître de conférences des Universités, Praticien hospitalier
I Idy-Peretti : Maître de conférences des Universités, Praticien hospitalier
Centre inter-établissement de résonance magnétique (CIERM). Hôpital de Bicêtre, 94275 Le KremlinBicêtre Cedex France
Résumé
L'utilisation médicale de la résonance magnétique nucléaire (RMN) est relativement
récente et la plupart des médecins ne sont pas familiarisés avec ses principes de base. La
première partie de ce chapitre a pour but de décrire le phénomène en définissant les
termes utilisés pour le caractériser. Les mécanismes mis en jeu à l'échelle des atomes
seront abordés dans une seconde partie.
DESCRIPTION DU PHÉ NOMÈNE DE RÉ SONANCE
MAGNÉ TIQUE NUCLÉ AIRE
Le type de description est une expérience de RMN dite par impulsions [3] sur un
échantillon chimique et nous laisserons de côté les premières méthodes employées qui
n'ont pas d'application médicale. Ce que nous décrivons dans ce chapitre, à propos d'un
échantillon, pourra être transposé, en utilisation diagnostique de la RMN, à un patient ou
un organe ou, plus exactement, à un élément de volume d'un organe. Les termes
magnétisme, nucléaire et résonance sont successivement explicités dans les paragraphes
suivants.
Magnétisme
4. Un barreau de fer placé dans le champ magnétique d'un électroaimant acquiert une
aimantation. Cette notion ne sera pas développée ici sur le plan de la physique théorique ;
il sera simplement fait référence à la connaissance empirique, que chacun possède, des
barreaux aimantés. On retiendra toutefois les deux caractéristiques principales de
l'aimantation : son intensité et son orientation.
L'intensité de l'aimantation est facilement mise en évidence par la capacité de l'aimant à
déplacer des objets de fer plus ou moins lourds.
L'orientation de l'aimantation est à l'origine de l'utilisation d'une aiguille aimantée pour
indiquer le nord magnétique terrestre dans une boussole. De ce fait, l'orientation de
l'aimantation est habituellement représentée par le pôle nord et le pôle sud de l'aimant.
Ces deux caractéristiques ne peuvent être traitées mathématiquement que par un vecteur
dont la longueur (ou plus exactement le module) et la direction représentent
respectivement l'intensité et l'orientation de l'aimantation (fig. 1). Ce vecteur est appelé
moment magnétique [8]. Dans le cas du barreau aimanté, l'apparition d'un moment
magnétique est due aux électrons des atomes de fer. On parle alors de magnétisme
électronique [7].
Magnétisme nucléaire
Les noyaux de certains atomes peuvent aussi être à l'origine de propriétés magnétiques.
Ainsi l'eau, placée dans un champ magnétique intense, noté
, acquiert une aimantation
due aux noyaux de ses atomes d'hydrogène. L'intensité et la direction de cette aimantation
à l'équilibre, c'est-à-dire en l'absence de perturbation extérieure, sont représentées par un
vecteur moment magnétique noté
. L'expression magnétisme nucléaire fait référence
au rôle des noyaux atomiques dans l'apparition de l'aimantation et n'a pas de rapport avec
les phénomènes de radioactivité.
L'aimantation d'origine nucléaire présente des différences notables avec l'aimantation du
barreau de fer : elle est beaucoup plus faible et ne persiste pas en dehors du champ
magnétique.
Des éléments tels que le phosphore 31 et le sodium 23 peuvent être à l'origine d'une
aimantation nucléaire (voir infra). Cependant, la majorité des applications médicales de la
RMN porte sur les propriétés magnétiques des noyaux d'hydrogène des molécules d'eau et,
à un moindre degré, des lipides composant les tissus biologiques.
Au cours d'une expérience de RMN, l'échantillon est tout d'abord placé dans un champ
magnétique noté
. Il acquiert alors une aimantation nucléaire qui, à l'équilibre, est
représentée par le vecteur
parallèle à
. Le phénomène de résonance magnétique
nucléaire permet de mesurer les caractéristiques de cette aimantation.
Résonance magnétique nucléaire
Il est plus simple, en physique, de mesurer une aimantation variable dans le temps qu'une
aimantation statique. En pratique, il est difficile de mesurer l'aimantation nucléaire
lorsqu'elle est, à l'équilibre, parallèle au champ magnétique.
La première étape de la mesure consiste donc à incliner l'aimantation nucléaire par rapport
à la direction du champ magnétique principal afin de la placer hors équilibre. Pour cela, il
faut apporter une certaine énergie (de même qu'il faut fournir de l'énergie à une aiguille de
boussole pour l'écarter de sa position d'équilibre). Dans le cas de l'aimantation nucléaire
cette énergie est transmise sous forme d'ondes électromagnétiques semblables à celles
utilisées en radio-communication (1). De plus, le transfert d'énergie ne se produit que pour
une fréquence bien déterminée.
Il est analogue en cela au transfert de l'énergie vibratoire d'un son à un verre de cristal par
5. exemple : celui-ci, soumis à un léger choc, émet une vibration sonore à une fréquence qui
le caractérise et appelée pour cette raison sa fréquence propre ; on peut aussi le faire
vibrer, voire le casser, sans le toucher, en émettant un son à sa fréquence propre, alors
qu'un son émis à une fréquence différente ne provoque aucune vibration.
Tous les phénomènes de transfert d'énergie à fréquence déterminée se traitent en
physique par des équations similaires et sont regroupés sous le terme général de
phénomènes de résonance [2]. Il sont caractérisés par la fréquence à laquelle ils se
produisent, appelée fréquence de résonance, et par l'énergie transférée.
Fréquence de résonance de l'aimantation nucléaire
La fréquence de résonance fo d'un moment magnétique nucléaire est proportionnelle à
l'intensité Bo du champ magnétique environnant. Cette proportionnalité est exprimée par la
relation de Larmor :
La constante γ est appelée rapport gyromagnétique (cette expression est explicitée dans la
seconde partie de ce chapitre).
Le coefficient γ/2 dépend de la nature des noyaux à l'origine de l'aimantation. Ainsi, pour
le noyau d'hydrogène constitué d'un seul proton, ce coefficient vaut 42,58 mégahertz par
tesla. Cela signifie que pour basculer l'aimantation d'un ensemble de noyaux d'hydrogène
dans un champ de 1 tesla (environ 20 000 fois le champ magnétique terrestre), on doit
utiliser une onde de 42,58 mégahertz (ou millions de cycles par seconde). Il s'agit d'ondes
situées dans la bande des ondes courtes dans le domaine des radiofréquences. La relation
de Larmor permet de déduire que, pour un champ de 0,5 tesla (intensité utilisée sur de
nombreux appareils d'imagerie par RMN), la fréquence de résonance des noyaux
d'hydrogène est égale à 21,29 mégahertz.
Caractérisation de l'énergie transférée
Le transfert d'énergie se traduisant par un basculement du moment magnétique nucléaire
par rapport à sa position initiale, il est habituel de quantifier l'angle parcouru plutôt que
l'énergie transférée elle-même. Cet angle est proportionnel à l'intensité de l'onde et à la
durée de son émission. Les intensités utilisées en imagerie par résonance magnétique
(IRM) permettent des durées d'émission très brèves, de l'ordre de la milliseconde. Il s'agit
alors d'impulsions de radio-fréquence, parfois aussi appelées impulsions d'excitation. Ainsi,
on parle d'impulsions de 30°, 90° ou 180°, selon que, à la fin de l'impulsion, l'aimantation
a été basculée de 30°, 90° ou 180° (fig. 2). On utilise le plus souvent des impulsions de
90°, ou des impulsions de 180°. Les méthodes d'imagerie rapide apparues plus récemment
utilisent aussi des angles inférieurs à 90°. Les systèmes d'émission de l'onde d'excitation,
désignés par le terme de bobines d'émission, sont décrits dans un autre chapitre.
En résumé, après avoir placé l'échantillon à étudier dans un champ magnétique intense,
une impulsion de radiofréquence permet d'incliner l'aimantation nucléaire par rapport à sa
position d'équilibre. Cette aimantation est ensuite mesurée lors de son retour à l'équilibre.
Signal de résonance magnétique nucléaire
Retour à l'équilibre de l'aimantation nucléaire
Une aiguille de boussole, écartée de sa position d'équilibre par une force quelconque, y
revient rapidement sitôt que cesse la contrainte. De même, l'aimantation nucléaire à la fin
de l'impulsion d'excitation revient à sa position d'équilibre parallèle au champ
.
Cependant, l'analogie s'arrête là, car le retour de l'aimantation nucléaire se fait selon une
évolution complexe, dont la description nécessite la définition de trois paramètres d'intérêt
6. capital en RMN.
Il est important, pour décrire ce retour à l'équilibre, de définir deux composantes de
l'aimantation nucléaire dans un repère Oxyz dont l'axe Oz est parallèle au champ
magnétique, et dont le plan Oxy représente un plan perpendiculaire à
appelé parfois
plan de mesure. A chaque instant de son évolution, le vecteur moment magnétique peut
être décrit par sa projection sur la direction de
, appelée composante longitudinale
notée Mz, et sa projection sur le plan perpendiculaire à
transversale notée Mxy (fig. 3).
, appelée composante
A l'équilibre, la composante transversale est nulle, et la composante longitudinale a une
valeur maximale
. Après une impulsion de 90° la composante longitudinale est nulle, et
la composante transversale est maximale. Le retour à l'équilibre à partir de cette position
peut être décomposé en deux mouvements élémentaires dits de précession et de
relaxation.
Le mouvement de précession libre. Sitôt écarté de sa position d'équilibre, le
vecteur moment magnétique est animé d'un mouvement de rotation autour du champ
magnétique Bo. Ce mouvement de rotation est désigné sous le terme de précession.
L'adjectif libre que l'on ajoute souvent fait référence à l'arrêt de la contrainte que
représente l'impulsion d'excitation. La fréquence de ce mouvement de précession est
égale à la fréquence de résonance de l'aimantation, donnée par la relation de Larmor.
Cela signifie que l'aimantation due aux noyaux d'hydrogène dans un champ de 1 tesla,
une fois inclinée par rapport à la direction de
, tourne autour de celle-ci à raison de
42,58 millions de tours par seconde.
La relaxation de l'aimantation nucléaire représente son retour proprement dit à la
position d'équilibre. Ce retour correspond à la disparition de l'aimantation transversale
et à la récupération de l'aimantation longitudinale. Il semble a priori absurde de séparer
conceptuellement ces deux événements simultanés. Cependant, cette distinction est
nécessaire : dans les tissus biologiques en particulier, le moment magnétique ne garde
pas un module constant lors de son retour à l'équilibre, de sorte que l'aimantation
transversale disparaît plus vite que ne réapparaît l'aimantation longitudinale (fig. 4).
La relaxation de l'aimantation nécessite donc la définition de deux durées
caractéristiques : l'une pour la récupération de l'aimantation longitudinale, l'autre pour
la disparition de l'aimantation transversale.
Le temps de relaxation longitudinale T1. Après l'impulsion de radiofréquence, le retour de
l'aimantation longitudinale vers sa valeur d'équilibre est décrit par la courbe et l'équation
de la figure 5. Ce type d'évolution se retrouve dans nombre de phénomènes physiques.
C'est en particulier l'évolution d'une substance visco-élastique qui reprend sa forme
d'origine après qu'on l'a déformée : le mouvement est d'abord rapide, puis ralentit
d'autant que la position d'équilibre est proche. Le temps de relaxation longitudinale T1 peut
être défini comme le temps que mettrait l'aimantation longitudinale pour revenir à
l'équilibre en conservant sa vitesse initiale tout au long de sa remontée. En fait, cette
vitesse décroissant, l'aimantation longitudinale n'a récupéré que 63 % de sa valeur
d'équilibre Mo, après un temps égal à T1. Le temps T1 ne représente pas le temps de retour
à l'équilibre de l'aimantation longitudinale (comme son nom pourrait le laisser croire) mais
une constante de temps permettant de caractériser la vitesse de ce retour. En théorie, le
temps de récupération de l'aimantation longitudinale est infini.
Le temps de relaxation transversale T2. La décroissance de l'aimantation transversale se
fait selon une loi exponentielle, caractérisée par le temps de relaxation transversale T2
(fig. 6). C'est le temps que mettrait l'aimantation transversale pour disparaître, si sa
vitesse de décroissance était constante à partir de la fin de l'impulsion.
En fait, la vitesse de décroissance diminue régulièrement et, après un temps T2,
l'aimantation transversale atteint environ 37 % de sa valeur initiale. Le temps T2 ne
représente donc pas la durée totale (en théorie infinie) de disparition de l'aimantation
transversale, mais une constante de temps caractérisant la rapidité de cette décroissance.
Au total la combinaison des mouvements de précession et de relaxation résulte en un
retour à l'équilibre de l'aimantation décrit par la figure 4. Le temps de relaxation
longitudinale T1, caractérisant l'évolution de la composante longitudinale Mz, est
généralement supérieur au temps de relaxation transversale T2, caractérisant la vitesse de
décroissance de la composante transversale Mxy. L'évolution de l'aimantation, pendant ce
7. retour, permet sa mesure, par la détection du signal de résonance magnétique nucléaire.
Détection du signal de résonance magnétique nucléaire
Pour comprendre la méthode de détection de l'aimantation nucléaire, il faut se référer à
certaines expériences élémentaires sur les courants électriques induits. Dans ces
expériences, un barreau aimanté est placé devant une bobine de fil métallique (ou
solénoïde) connectée aux bornes d'un ampèremètre. Si l'aimant est fixe devant la bobine,
on ne mesure aucun courant. Si par contre l'aimant est mis en mouvement, il apparaît
dans la bobine un courant d'autant plus intense que le mouvement est plus rapide. Ce
courant est donc induit par les variations du flux magnétique de l'aimant dans la bobine.
En RMN, l'aimantation nucléaire, après une impulsion de 90°, peut être comparée à un
aimant tournant à très grande vitesse, en raison de son mouvement de précession. Une
bobine placée au voisinage de l'échantillon, perpendiculairement au champ
, est donc
parcourue par un courant induit que l'on peut mesurer après amplification. Le système de
détection, généralement appelé bobine de réception, est décrit dans un autre chapitre. Le
courant induit, appelé signal de précession libre ou signal de RMN, transporte des
informations sur l'aimantation nucléaire. C'est par la mesure de ses paramètres que l'on
peut accéder à ces informations (2).
Paramètres caractéristiques du signal de RMN
La figure 7 montre un signal de précession libre tel qu'on peut l'obtenir après une
impulsion de 90° émise sur un échantillon homogène, placé dans un champ magnétique
uniforme. Les oscillations sont dues au fait que le vecteur aimantation est alternativement
positif et négatif par rapport à la bobine. De plus, cette oscillation est amortie puisque la
composante transversale de l'aimantation, qui est la seule à induire un courant dans la
bobine, décroît rapidement.
Les principaux paramètres de ce signal susceptibles de contenir une information sont sa
fréquence, son amplitude, sa durée et sa phase.
Fréquence. Elle représente le nombre d'oscillations ou cycles par unité de temps.
Elle est égale à la fréquence de précession et, d'après la relation de Larmor, permet de
mesurer l'intensité du champ magnétique. Une mesure précise de cette fréquence
donne des informations sur l'environnement moléculaire des atomes ; c'est le principe
de la spectroscopie. En imagerie, la fréquence du signal sert à sa localisation.
Il est à noter qu'un signal de fréquence aussi élevée pose certains problèmes lors de
son analyse informatique. Un dispositif électronique permet de diminuer la fréquence
du signal en le comparant à une oscillation de référence. Cela équivaut à observer
l'aimantation en tournant, dans le même sens, à une certaine vitesse angulaire de
[3]
référence, d'où la notion de repère tournant
utilisée pour décrire
mathématiquement le signal ainsi obtenu. Par exemple, si la vitesse du repère tournant
est égale à la vitesse de précession, alors l'aimantation paraît fixe et le signal à
analyser est une simple décroissance exponentielle, sans oscillation.
Amplitude. Le signal étant une oscillation amortie, on peut le délimiter à l'intérieur
d'une enveloppe, formée par l'évolution de ses limites supérieure et inférieure au cours
du temps. L'amplitude du signal peut être quantifiée par celle de l'enveloppe
immédiatement après l'impulsion de 90°. Cette grandeur est proportionnelle au module
de l'aimantation transversale. Si l'impulsion de 90° est émise sur une aimantation à
l'équilibre, c'est un vecteur de module M0 qui se trouve « basculé » dans le plan
transversal et que l'on mesure par l'intensité du signal à son origine. Cette mesure
permet en imagerie de représenter la quantité relative de noyaux d'hydrogène par
unité de volume notée
. Différentes séquences d'impulsion permettent de modifier
l'intensité de l'aimantation longitudinale avant l'impulsion de 90°, en fonction des
temps de relaxation que l'on peut alors mesurer indirectement.
Durée. L'aimantation longitudinale, parallèle au champ
, ne peut précesser.
Seule la composante transversale précesse, induisant un courant dans la bobine de
réception. La durée du signal est donc déterminée par la persistance de l'aimantation
transversale qui, en théorie, est infinie. En pratique, l'intensité du courant induit décroît
rapidement au-dessous de la précision de mesure du système de détection. Il est alors
8. impossible de définir la durée du signal, indépendamment du système de détection.
Une constante de temps, représentative de la vitesse de décroissance de l'aimantation
transversale, est donc mieux adaptée : lorsque le champ magnétique est parfaitement
uniforme sur l'ensemble de l'échantillon, il s'agit du temps de relaxation transversale
T2. Certains facteurs peuvent provoquer une décroissance plus rapide du signal, en
particulier, une non-uniformité du champ magnétique. En effet, une variation spatiale
de l'intensité du champ magnétique se traduit, en vertu de la relation de Larmor, par
une variation en fréquence de précession. Les moments magnétiques des différents
éléments de volume de l'échantillon ne sont parallèles qu'au début de la précession
libre, puis en raison de vitesses de précession différentes, se dispersent dans le plan de
mesure. La résultante mesurée par la bobine pour l'ensemble de l'échantillon décroît
alors plus vite que chacun des vecteurs. La décroissance du signal est alors caractérisée
par le paramètre T2* (lire T2 étoile), plus court que le paramètre T2 de l'échantillon. Les
flux et la diffusion sont aussi des causes de l'accélération de la décroissance du signal.
Phase du signal. Représentée par la position des cycles à l'intérieur de leur
enveloppe, elle permet de connaître, à chaque instant, la position angulaire de
l'aimantation transversale de l'échantillon. En imagerie, seule la position angulaire
relative des aimantations des différents éléments de volume contient une information.
Mesure des paramètres du signal après transformation de Fourier
Les paramètres que nous venons de décrire ne sont mesurés qu'après traitement du signal
par la transformation mathématique de Fourier [3]. Celle-ci permet de représenter
l'information non en fonction du temps, mais en fonction de la fréquence. La figure 8
montre la transformée de Fourier (TF) du signal de la figure 7. Il s'agit d'un pic dont la
forme est fonction des paramètres du signal.
La TF du signal donne les mêmes informations que le signal lui-même, mises sous une
forme différente. Elle permet donc, en particulier, de mesurer les mêmes paramètres.
Fréquence. La TF étant une fonction de la fréquence, la position du pic sur l'axe
des abscisses donne directement la fréquence du signal. Cette représentation est
particulièrement avantageuse lorsqu'un signal est la somme de plusieurs signaux de
fréquences différentes. Chaque composante est alors représentée par un pic dont la
position permet de connaître la fréquence. Cette propriété est à la base de la formation
d'une image par RMN.
Amplitude. Le pic correspondant à la fréquence du signal de précession libre
délimite avec l'axe des fréquences une surface proportionnelle à l'amplitude du signal.
En fait, lorsque le signal est la somme d'un grand nombre de fréquences comme en
imagerie, les pics correspondant à ces différentes fréquences sont trop proches pour
être distingués les uns des autres. On obtient alors une courbe continue, dont la
hauteur en chaque point représente l'amplitude du signal pour la fréquence considérée.
En IRM, cette hauteur est convertie en image à partir d'une échelle de gris.
Durée. Les propriétés mathématiques de la transformation de Fourier montrent
que la largeur d'un pic est d'autant plus petite que la décroissance du signal est lente.
En RMN, la largeur du pic est inversement proportionnelle à T2, si le champ magnétique
est parfaitement uniforme, à T2* dans le cas contraire.
Phase. En spectroscopie, la phase du signal détermine la forme du pic. Des
corrections mathématiques de la phase sont en général effectuées pour obtenir un pic
semblable à celui de la figure 8.
En résumé, une expérience de RMN consiste à mesurer les caractéristiques de
l'aimantation nucléaire apparue dans un échantillon ou dans des tissus biologiques, placés
dans un champ magnétique intense. La mesure de ces caractéristiques se fait après avoir
basculé l'aimantation à l'aide d'une onde de radiofréquence. La précession du moment
magnétique nucléaire permet de recueillir un signal dans une bobine de réception. Après
transformation de Fourier, l'analyse du signal fait apparaître trois paramètres
fondamentaux : la fréquence, l'amplitude et la durée du signal.
Une compréhension plus profonde du phénomène nécessite une étude des mécanismes
physiques de la résonance magnétique à l'échelle des noyaux atomiques.
Seule la physique quantique permet de traiter sous tous ses aspects l'interaction entre un
noyau atomique et un champ magnétique ou des ondes électromagnétiques. Cependant,
nous ne pouvons dans ce bref article en exposer les équations. C'est pourquoi nous
présentons ici des analogies classiques des phénomènes quantiques qui, sans décrire toute
9. la réalité physique, permettent de l'entrevoir. Les lecteurs désireux d'étudier les
phénomènes plus fondamentaux pourront consulter les ouvrages cités en référence. Enfin,
dans un souci de simplification, nous nous limitons à l'étude du noyau d'hydrogène, dont la
structure est aussi simple que possible puisqu'il est constitué d'un seul proton.
Origine nucléaire de l'aimantation macroscopique à l'équilibre
Composante longitudinale
Une particule élémentaire, telle que le proton, est caractérisée par la valeur de sa charge
électrique et de sa masse. En physique quantique, une grandeur supplémentaire intervient
: le spin . Bien que purement quantique, cette grandeur est souvent assimilée à la rotation
de la particule sur elle-même (d'où l'origine du terme : to spin signifie tourner en anglais).
Toute rotation étant caractérisée par un axe, un sens et une vitesse, le spin est représenté
par un vecteur S, appelé moment cinétique de spin. Or, la rotation d'une charge électrique
provoque l'apparition d'un moment magnétique [8]. Au vecteur est donc associé un
moment magnétique
, qui lui est directement proportionnel. Le coefficient de
proportionnalité entre le moment cinétique de spin de la particule et son moment
magnétique est le coefficient γ, appelé pour cette raison rapport gyromagnétique, que
nous avons vu précédemment dans la relation de Larmor. Dans la suite de cet exposé, le
terme « spin » désigne le spin lui-même et son moment magnétique associé. En raison de
son moment magnétique, le proton peut, par certains aspects, être comparé à une aiguille
de boussole. Le comportement quantique du proton introduit toutefois d'importantes
restrictions à cette comparaison, en particulier en présence d'un champ magnétique :
une aiguille de boussole est parfaitement parallèle à la direction nord-sud du
champ magnétique. Par une contrainte mécanique, on peut la forcer à pointer dans une
direction quelconque ; cette aiguille a une énergie d'autant plus grande qu'elle est
éloignée de sa position d'équilibre, puisque la contrainte est plus forte ;
un moment magnétique quantique, par contre, n'est pas strictement parallèle au
champ magnétique
. On le caractérise par sa projection sur la direction de
. Celleci est identique pour tous les noyaux d'hydrogène mais peut être négative ou positive.
Les spins se répartissent donc en deux populations : ceux dont la projection est de
même sens que le champ magnétique
, que nous qualifierons de parallèles, et ceux
dont la projection est inversée par rapport à B0, que nous qualifierons d'antiparallèles.
Par analogie avec l'aiguille de boussole, on peut admettre que les spins antiparallèles ont
une énergie supérieure à celle des spins parallèles. Les deux populations de spins
correspondent donc à deux niveaux d'énergie [7] (fig. 9). On montre que ces deux
populations sont approximativement égales. Il n'existe qu'une différence infime, en faveur
des protons ayant un spin parallèle (en pratique inférieure à un spin sur un million). Etant
donné que chaque spin antiparallèle compense un spin parallèle, la composante
longitudinale de l'aimantation macroscopique d'un ensemble de spins ne peut être due qu'à
cette différence infime. Elle est donc aussi de même sens que le champ magnétique
.
Composante transversale
Notons tout d'abord que la seule connaissance de la projection d'un vecteur sur un axe ne
permet pas de connaître la position du vecteur autour de l'axe. On admet que les moments
magnétiques nucléaires forment un angle constant avec
de telle sorte qu'ils se
répartissent aléatoirement sur deux cônes opposés par le sommet, l'un pour les spins
parallèles, l'autre pour les spins antiparallèles (fig. 10). Il n'apparaît donc pas de direction
privilégiée dans le plan perpendiculaire au champ
transversales est nulle.
, et la somme des composantes
Au total, la disposition des spins à l'équilibre permet d'expliquer que l'aimantation
macroscopique a une composante longitudinale de même sens que le champ magnétique,
et une composante transversale nulle.
10. Origine nucléaire de la résonance magnétique
Précession des spins nucléaires
Nous avons vu, dans la première partie de cet exposé, qu'une fois écarté de sa position
d'équilibre, un moment magnétique nucléaire précesse autour de la direction du champ
magnétique. En ce domaine, les équations de la physique quantique aboutissent à un
résultat similaire
[6]
. On en déduit que chaque spin nucléaire précesse autour de
à la
fréquence donnée par la relation de Larmor : f0 = (γ/2
) B0. L'ensemble des spins
tournant à la même vitesse, les deux cônes sur lesquels ils se répartissent tournent euxmêmes à cette vitesse.
Si l'on veut faire basculer les spins en leur communiquant une énergie, il faut les faire
précesser autour d'une direction perpendiculaire à
. On peut ajouter un champ
magnétique perpendiculaire à
, d'intensité infiniment plus faible, et fixe dans le plan
transversal. Mais alors, ce deuxième champ a une action négligeable sur les spins, qui,
eux, tournent à très grande vitesse. Par contre, si ce champ additionnel tourne à la même
vitesse que chacun des spins, alors il peut modifier leur état. Le champ magnétique
tournant que l'on note
, est fourni par l'onde électromagnétique.
Nature des ondes électromagnétiques
Une onde électromagnétique correspond à la propagation conjointe d'un champ électrique
et d'un champ magnétique oscillants. Seule nous intéresse, en RMN, la partie magnétique
de l'onde. Par conséquent, émettre une onde électromagnétique de fréquence f0 dans un
volume consiste à établir en chaque point de ce volume un champ magnétique oscillant à
cette même fréquence. Or, il est impossible physiquement de discerner l'oscillation d'une
grandeur vectorielle de l'action conjuguée de deux vecteurs tournant en sens inverse à la
même fréquence. La figure 11 montre en effet que les composantes opposées de ces
deux vecteurs s'annulent, et que leurs composantes parallèles s'additionnent. La somme
aboutit donc à une oscillation sur le seul axe où les composantes s'additionnent.
Réciproquement, un champ magnétique oscillant d'amplitude 2 × B1 est équivalent à deux
champs de module B1 tournant dans des sens opposés.
Or, le champ magnétique tournant à très grande vitesse dans le sens opposé à celui des
spins a un effet négligeable. Par contre, le champ, noté
, tournant dans le même sens
que les spins a un effet maximal lorsqu'il est fixe par rapport à l'ensemble des moments
magnétiques de chacun des protons. On retrouve alors naturellement que la condition de
résonance est une égalité des fréquences de précession des spins nucléaires et de l'onde
d'excitation.
Evolution des spins à la résonance
Le champ magnétique tournant
agit sur les composantes longitudinale et transversale
de l'aimantation macroscopique par deux mécanismes différents à l'échelle des noyaux
atomiques.
Variation de la composante longitudinale. Cet effet est lié à une modification de la
répartition des spins sur les deux niveaux d'énergie. Lors de l'émission d'une impulsion
de 90°, le champ
tournant provoque la transition d'un certain nombre de spins
parallèles vers l'état antiparallèle, jusqu'à ce que les deux populations soient égales. La
direction parallèle n'est alors plus privilégiée, et l'aimantation longitudinale disparaît.
est prolongée, la population antiparallèle devient majoritaire et
Si l'action du champ
l'aimantation macroscopique est antiparallèle, ce qui se produit lors de l'émission d'une
11. impulsion de 180°.
Variation de la composante transversale. A l'état d'équilibre, les moments
magnétiques des noyaux sont disposés de manière aléatoire sur la surface des cônes de
rotation. Lors d'une impulsion de 90°, le champ
provoque une mise en phase des
spins, c'est-à-dire un regroupement de la moyenne des spins autour d'une direction
privilégiée (fig. 12). Les composantes transversales des aimantations nucléaires ne se
compensant plus parfaitement, il apparaît une composante transversale de
l'aimantation macroscopique qui, à la fin de l'impulsion de 90°, a pour module M0. Si
l'excitation se poursuit au-delà de l'impulsion de 90°, le champ
crée de nouveau un
désordre qui fait décroître l'aimantation transversale jusqu'à une valeur nulle pour une
impulsion
de
180°.
Tous les angles intermédiaires sont obtenus par une combinaison des transitions d'un
niveau d'énergie à l'autre et de la mise en phase plus ou moins efficace des spins par le
champ
. Ces deux mécanismes nucléaires de variation de l'aimantation
macroscopique se retrouvent à l'arrêt de l'impulsion, et sont à l'origine des
phénomènes de relaxation.
Origine nucléaire des mécanismes de relaxation
Relaxation longitudinale
Après une impulsion de 90°, les moments magnétiques nucléaires sont répartis de manière
égale sur les deux niveaux d'énergie magnétique. Le retour à l'équilibre signifie donc qu'un
certain nombre de spins reviennent de l'état antiparallèle à l'état parallèle, jusqu'à ce que
les populations retrouvent leur répartition correspondant à l'équilibre, momentanément
rompu par l'impulsion d'excitation. La transition des moments magnétiques nucléaires vers
l'état parallèle n'est pas spontanée. Elle doit être induite par l'oscillation d'un champ
magnétique à la fréquence de résonance. Or en l'absence du champ
d'excitation,
l'oscillation d'un champ magnétique ne peut être fournie que par les mouvements des
molécules environnantes [4].
Dans les milieux liquides, et en particulier dans les tissus biologiques, ces mouvements
sont d'autant plus efficaces qu'ils sont lents. Cela explique que les molécules de lipides,
beaucoup plus volumineuses que les molécules d'eau, et qui de ce fait ont des
mouvements moins rapides, induisent plus de retour de l'état antiparallèle à l'état parallèle
et provoquent un retour plus rapide de l'aimantation longitudinale macroscopique. En
d'autres termes, les protons dans un environnement lipidique ont un temps T1 plus court
que ces mêmes protons dans un environnement aqueux. Ces échanges entre les spins
nucléaires et le milieu environnant expliquent le terme de temps de relaxation spin-réseau
utilisé aussi pour désigner le temps T1.
Relaxation transversale
L'impulsion de 90° a pour effet, en particulier, de mettre en phase les spins nucléaires
autour d'une direction privilégiée. Le mouvement inverse de déphasage est un retour à
une répartition homogène des spins sur les cônes autour du champ magnétique principal,
aboutissant de ce fait à une disparition de l'aimantation transversale de l'échantillon.
Notons que seul intervient dans le temps T2 le déphasage dû aux caractéristiques physicochimiques de l'échantillon. Le déphasage dû à la non-uniformité du champ magnétique
intervient dans le paramètre T2*.
Un déphasage ne peut se produire entre les spins que s'ils diffèrent par leur vitesse de
précession, c'est-à-dire, d'après la relation de Larmor, par l'intensité du champ
magnétique local. Dans un solide, chaque noyau est soumis à un champ local égal au
champ principal B0, légèrement modifié par les propriétés magnétiques des spins
environnants. Pour cette raison, les vitesses de précession diffèrent d'un spin nucléaire à
l'autre, provoquant un déphasage rapide, d'où un temps T2 extrêmement court. Dans un
liquide très fluide tel que l'eau, les mouvements rapides des molécules dans le milieu font
que chaque spin « voit » la moyenne des variations locales [1]. Cette moyenne étant à peu
près équivalente en tout point d'un liquide homogène, les vitesses de précession diffèrent
donc très peu et le déphasage des spins après une impulsion de 90° est lent. Le temps T2
13. Fig 1 :
L'aimantation d'une aiguille de boussole ou d'un barreau aimanté est caractérisée par son
intensité et son orientation. L'intensité peut être mise en évidence par la capacité de l'aimant à
attirer des objets de fer plus ou moins lourds. Son orientation, à l'origine de l'utilisation d'une
aiguille aimantée pour indiquer une direction, est définie par les positions du pôle nord et du
pôle sud de tout aimant. L'entité mathématique nécessaire pour décrire une telle grandeur est
un vecteur, appelé, pour ce qui concerne l'aimantation, vecteur moment magnétique. Le module
du vecteur, schématisé par sa longueur, est égal à l'intensité de l'aimantation ; la direction du
vecteur décrit celle de l'aimantation.
Fig 2 :
14. Fig 2 :
L'aimantation nucléaire, représentée sur la figure par le vecteur moment magnétique
,
, est beaucoup plus faible que l'aimantation
apparue en présence d'un champ magnétique
d'un barreau aimanté. Sa mesure est plus aisée lorsqu'elle est écartée de sa position d'équilibre.
Le phénomène de résonance magnétique nucléaire consiste à communiquer une énergie à
l'échantillon, afin de placer l'aimantation hors de sa position d'équilibre. Cette énergie est
transférée au moyen d'une onde électromagnétique. Le basculement de l'aimantation est
obtenu pour une fréquence fo de l'onde électromagnétique, donnée par la relation de Larmor et
située dans le domaine des radio-fréquences (c'est-à-dire les fréquences utilisées en radiocommunication). L'énergie transférée détermine l'angle parcouru par l'aimantation pendant
l'émission radiofréquence. Celle-ci étant de durée brève (de l'ordre de la milliseconde), elle est
appelée impulsion de radiofréquence. C'est ainsi qu'une impulsion de 30°, de 90° ou 180°
bascule l'aimantation d'équilibre respectivement de 30°, 90° ou 180°. Pour une durée fixée de
l'impulsion, l'angle de basculement est proportionnel à l'intensité de l'émission.
Fig 3 :
15. Fig 3 :
A chaque instant, l'aimantation est décrite dans un repère orthonormé Oxyz dont l'axe Oz est
parallèle au champ magnétique
. L'origine du vecteur moment magnétique est placée au
centre O du repère. Deux composantes sont généralement considérées, toutes deux ayant une
origine commune avec l'aimantation totale :
- la composante longitudinale (parallèle à
vecteur
) notée Mz, est représentée par la projection du
sur l'axe Oz.
- la composante transversale (perpendiculaire à
projection du vecteur
Fig 4 :
sur le plan transversal Oxy.
) notée Mxy, est représentée par la
16. Fig 4 :
Après une impulsion de 90°, l'aimantation se trouve dans la position représentée par le vecteur
sur cette figure. A l'arrêt de l'excitation, elle retourne vers sa valeur d'équilibre
, parallèle
au champ magnétique. Son extrémité décrit une trajectoire représentée par la spirale. Cette
trajectoire n'est pas située sur une sphère, car le module du moment magnétique n'est pas
constant : la décroissance de l'aimantation transversale est plus rapide que la croissance de
l'aimantation longitudinale. C'est pourquoi deux paramètres temporels sont nécessaires à la
description de ce mouvement ; le temps de relaxation transversale T2 caractérise la vitesse de
décroissance de l'aimantation transversale, tandis que le temps de relaxation longitudinale T1
caractérise la vitesse de croissance de l'aimantation longitudinale. Dans les tissus biologiques, le
temps T2 est de l'ordre du dixième de seconde, alors que le temps T1 est de l'ordre de la
seconde. Ces deux paramètres varient suivant la nature du tissu, et sont à l'origine de la
richesse des contrastes en imagerie.
Fig 5 :
Fig 5 :
17. La croissance de l'aimantation longitudinale est décrite par l'équation et la courbe ci-dessus.
L'écart entre la valeur de l'aimantation longitudinale à un instant quelconque et sa valeur à
l'équilibre Mo décroît exponentiellement au cours du temps. Cela signifie que la durée théorique
de récupération de l'aimantation longitudinale est infinie. On ne peut donc pas définir la durée
totale du retour à l'équilibre. Le temps T1 est défini comme la constante de temps de
l'exponentielle. On peut lui donner une interprétation graphique simple : si la croissance de
l'aimantation était constante après l'impulsion (courbe en tirets), la durée totale du retour à
l'équilibre serait égale à T1. Comme la vitesse de croissance diminue progressivement, après un
temps T1, l'aimantation longitudinale n'a récupéré que 63 % de sa valeur d'équilibre.
Fig 6 :
Fig 6 :
La décroissance de l'aimantation transversale est exponentielle. La durée totale de décroissance
est donc, en théorie, infinie. Dans la réalité expérimentale, l'aimantation est considérée comme
nulle sitôt qu'elle devient inférieure à la précision du système de mesure. Il n'est donc pas
question de définir la durée totale de disparition de l'aimantation transversale. Le paramètre T2
est défini comme la constante de temps de la décroissance exponentielle. Son interprétation
graphique est simple : elle représenterait le temps total de disparition de l'aimantation
transversale si sa vitesse de décroissance était constante, à partir de sa position de départ
(courbe en tirets). Comme cette vitesse est elle-même décroissante, il persiste 37 % de
l'aimantation de départ après une durée égale à T2.
Fig 7 :
18. Fig 7 :
La précession rapide de l'aimantation devant une bobine dite bobine de réception (voir fig. 4)
fait circuler dans celle-ci un courant induit suivant une évolution décrite par la courbe ci-dessus
(trait plein). Il s'agit d'une oscillation amortie à l'intérieur d'une enveloppe représentée par les
courbes en tirets. Ce courant, appelé signal de précession libre, contient des informations sur
les propriétés magnétiques de l'échantillon étudié :
- l'oscillation est due à la précession de l'aimantation ; sa fréquence est donc proportionnelle à
l'intensité Bo du champ magnétique environnant, en vertu de la relation de Larmor ;
- l'amplitude maximale du signal, représentée par la hauteur de l'enveloppe à la fin de
l'impulsion d'excitation, c'est-à-dire au tout début de la précession libre, est proportionnelle à
l'intensité de l'aimantation, que l'on peut alors mesurer ;
- la décroissance du signal est due à la décroissance de l'aimantation transversale. La vitesse de
décroissance permet donc de mesurer le paramètre T2, si le champ est parfaitement uniforme ;
- la phase du signal, c'est-à-dire la position temporelle des maxima et des minima du signal
pour une enveloppe donnée, fournit une information sur la direction de l'aimantation dans le
plan de mesure.
Fig 8 :
19. Fig 8 :
La transformation de Fourier est une opération mathématique permettant de modifier la
présentation de l'information. Appliquée au signal de précession libre, elle permet donc de
mesurer les mêmes paramètres. Ainsi, la transformée de Fourier du signal de la figure 7 se
présente sous la forme d'un pic dont la position est fonction de la fréquence du signal,
délimitant avec l'axe des abscisses une surface proportionnelle à l'intensité du signal, et dont la
largeur est inversement proportionnelle à la durée caractéristique de la décroissance du signal.
La phase du signal à l'instant 0 se traduit par une modification de la forme du pic de sorte qu'en
spectroscopie on traite le signal ou sa transformée, afin d'obtenir un pic semblable à celui de la
figure, appelé pic d'absorption.
Fig 9 :
Fig 9 :
les spins se répartissent sur deux niveaux d'énergie
En présence d'un champ magnétique
magnétique représentés sur le diagramme de cette figure. Seules sont représentées sur la
partie gauche de la figure les projections des moments magnétiques sur la direction de
projection parallèle à
. Une
représente une énergie inférieure à celle d'une projection antiparallèle.
mais forment avec lui un
Les spins eux-mêmes ne sont pas orientés dans la direction de
angle constant. De plus, chaque moment magnétique nucléaire précesse à la fréquence de
. Vis-à-vis du système de détection, les spins sont indiscernables. C'est
Larmor autour de
pourquoi on les représente avec une origine commune, formant les deux cônes décrits par la
figure 10.
20. Fig 10 :
Fig 10 :
L'aimantation macroscopique trouve son origine à l'échelle de l'atome, dans les moments
magnétiques nucléaires, eux-mêmes liés aux spins. En présence d'un champ magnétique, ceuxci sont représentés à la surface de deux cônes opposés par le sommet. Le sens du champ
magnétique permet de définir un cône supérieur formé par les spins dont la projection sur le
champ est parallèle à celui-ci, et un cône inférieur formé par les spins dits antiparallèles. A
l'équilibre, la population du cône supérieur est légèrement majoritaire par rapport à celle du
cône inférieur. De plus, sur chaque cône, les spins se répartissent de manière homogène dans
toutes les directions. Au total, la composante longitudinale de l'aimantation nucléaire
macroscopique est de même sens que le champ magnétique, et la composante transversale est
nulle.
Fig 11 :
Fig 11 :
21. Cette figure illustre un important principe physique : il est impossible de discerner
physiquement un vecteur oscillant et deux vecteurs égaux en module, tournant à la même
et
de module
vitesse en sens opposés. Les deux vecteurs tournants (à droite de l'égalité)
V peuvent chacun se décomposer en deux composantes, respectivement (V1x, V1y) et (V2x, V2y).
A chaque instant, les composantes en x s'annulent, alors que les composantes en y, de même
sens, s'additionnent. L'effet global des deux vecteurs est alors équivalent au point O, à l'effet
d'une oscillation d'amplitude 2V, parallèle à l'axe Oy. En RMN, on applique un champ
magnétique oscillant. Selon l'équivalence illustrée par cette figure, cette oscillation peut être
interprétée comme l'effet, en chaque point de l'échantillon, de deux champs magnétiques
tournant en sens opposés. L'un de ces deux vecteurs tourne dans un sens opposé à celui des
, suit les
spins et a un effet négligeable, l'autre, appelé champ magnétique tournant et noté
spins dans leur mouvement de précession, et est responsable du phénomène de résonance.
Fig 12 :
Fig 12 :
L'action d'une impulsion de 90° s'interprète par deux effets conjugués : d'une part, il y a
égalisation des populations des deux cônes, ce qui explique l'annulation de l'aimantation
longitudinale de l'échantillon ; d'autre part, les aimantations se regroupent autour d'une
direction privilégiée, provoquant l'apparition d'une aimantation transversale macroscopique. Le
retour à l'équilibre se traduit par le retour à une répartition inégale des spins en faveur du cône
supérieur, et par la dispersion des spins sur chacun des cônes jusqu'à ce que, de nouveau, la
composante longitudinale soit maximale, et la composante transversale nulle. Ce modèle ne
rend pas compte de tous les aspects quantiques du comportement des spins, mais permet
d'expliquer que les temps de relaxation longitudinale et transversale ne sont généralement pas
égaux.
(1) Une onde électromagnétique est constituée par un champ magnétique et un champ
électrique oscillant dans des directions perpendiculaires. En RMN, seul le champ
22. magnétique de cette onde est utilisé, et la valeur du champ électrique est minimisée.
(2) Le signal de précession libre est désigné dans de nombreuses publications par les
initiales FID, de sa traduction anglaise : Free Induction Decay.
24. ¶
méthode de codage par la fréquence. C’est à l’équipe de Richard
Ernst que l’on doit le codage par la phase en 1975 [2] et à
l’équipe de Peter Mansfield que l’on doit l’excitation sélective
en 1974 [3]. Il n’est donc pas étonnant que ces trois auteurs
aient obtenu un prix Nobel : en 1991, Richard Ernst obtint le
prix Nobel de chimie pour les progrès considérables qu’il a
apportés à la spectroscopie par RMN avec une mention particulière pour l’invention du codage par la phase ; Peter Mansfield
et Paul Lauterbur se sont eux partagé le prix Nobel de médecine
et physiologie en 2003 pour l’invention de l’IRM. Le nom de
Damadian est souvent cité dans la mesure où cet auteur a été
l’un des premiers à déposer un brevet pour la construction d’un
appareil d’imagerie par RMN en 1972 ; toutefois, la méthode de
profilage du champ magnétique qu’il proposait a très vite été
oubliée car elle fournissait en un temps très long des images de
qualité médiocre. On peut toutefois garder au crédit de Damadian l’intérêt qu’il a suscité pour les applications médicales de
l’IRM lorsqu’il a démontré que le paramètre T1 était augmenté
dans les tumeurs malignes [4]. Deux autres auteurs devraient être
cités pour leur contribution certes moindre mais très importante
tout de même pour l’histoire de l’IRM : S. Ljunggren [5] et T.
Twieg [6] pour leur description de l’IRM dans le formalisme du
plan de Fourier qui a fait exploser le nombre des méthodes de
localisation en facilitant considérablement leur conception. Il
est à noter toutefois que la première méthode qui soit sortie du
cadre codage-phase/codage-fréquence des acquisitions traditionnelles, l’imagerie dite « échoplanar », a été inventée par Peter
Mansfield en 1977 [7], c’est-à-dire bien avant que le formalisme
du plan de Fourier ne soit publié. Les autres méthodes d’imagerie rapide telles que l’imagerie dite « spirale », « RARE », ... sont
apparues dans la foulée de ce formalisme et ne se conçoivent
aisément qu’à travers lui. Ce formalisme constitue une section
importante de cet article.
Signification de l’image en imagerie
par résonance magnétique
Si le radiologue peut sans problème oublier comment a été
construite l’image qu’il est en train d’interpréter, il devrait
garder à l’esprit ce qu’elle représente, ce qu’elle signifie, ce qu’il
est en train de décrire, d’où l’importance des quelques lignes
qui suivent. Comme l’image de tomodensitométrie (TDM),
l’IRM est obtenue par des calculs. Elle est donc par nature
numérique au contraire d’autres images numériques comme
celles fournies par la radiographie numérique qui transforme en
nombres l’image radiante, par nature analogique, formée dès la
sortie du patient. Le numérique implique une discrétisation de
l’espace, c’est-à-dire que le volume d’intérêt, qui peut être par
exemple une section de la tête ou de l’abdomen, est divisé en
petits éléments de volume appelés « voxels » (Fig. 1). Le voxel
est par définition l’élément de volume dans lequel est effectuée
une mesure physique avec pour résultat un nombre dans
l’ordinateur. Sur l’image finale, ce nombre devient un pixel qui
est donc la représentation sur un écran du voxel considéré.
Toutes les méthodes d’imagerie numérique peuvent s’interpréter
de cette manière et la seule différence tient alors à la mesure
effectuée. En scintigraphie, il s’agit de mesurer dans chaque
voxel la radioactivité d’un traceur injecté. En TDM, c’est le
coefficient d’atténuation aux rayons X, ou une grandeur qui lui
est fortement corrélée, que l’on mesure. En IRM, c’est l’intensité
de l’aimantation nucléaire de chaque voxel. Ce peut être
l’aimantation d’équilibre M0 proportionnelle à la densité de
protons ; ce peut être aussi une aimantation mesurée lors de son
retour à l’équilibre, fonction plus complexe de la densité de
protons pondérée par les temps de relaxation T1 et T2 du tissu
contenu dans le voxel. Dans tous les cas, cette aimantation est
caractérisée par une intensité ou module, et par une phase c’està-dire l’angle formé, à un instant référence, par la projection de
l’aimantation dans le plan perpendiculaire au champ magnétique. L’imagerie de phase est utilisée dans quelques applications
de recherche et seule est considérée ici l’imagerie représentant
le module de l’aimantation auquel est proportionnel le signal de
RMN détecté. C’est la raison pour laquelle, lorsque l’on décrit
une image, on emploie les termes relatifs d’hypersignal pour
10011
Figure 1. Imagerie par résonance magnétique. Toute image numérique
représente la mesure d’un paramètre dans un élément de volume appelé
voxel. Le résultat de cette mesure est numérisé puis représenté par un
niveau de gris ou de couleur dans un pixel correspondant. En IRM, la
grandeur mesurée est l’intensité de l’aimantation créée au sein des tissus
par le champ magnétique principal. Cette aimantation est mesurée par
l’intermédiaire d’un signal de RMN, d’où les termes d’hypersignal ou
d’hyposignal employés pour décrire les images.
décrire les voxels dont l’aimantation est plus intense et d’hyposignal pour décrire ceux dont l’aimantation est plus faible.
Lorsqu’un adjectif est nécessaire, on emploie de même respectivement les termes hyperintense et hypo-intense. Quelle que
soit l’image observée en IRM, elle est donc la distribution d’une
aimantation nucléaire dans le volume d’intérêt, mesurée par
l’intermédiaire d’une intensité de signal RMN.
Considérations générales sur la localisation
des ondes électromagnétiques
Il est certainement plus aisé de comprendre la signification de
l’image que la manière dont elle est obtenue et ce en raison
d’une loi générale de la physique : on ne peut localiser un
rayonnement qu’avec une précision égale à sa longueur d’onde.
Comme décrit dans le précédent chapitre, la mesure de l’aimantation nucléaire dans chaque voxel utilise le domaine des
radiofréquences du spectre électromagnétique. Comme tous les
phénomènes ondulatoires, les ondes électromagnétiques peuvent se caractériser par leur longueur d’onde, inversement
proportionnelle à la fréquence de la source émettrice. Les rayons
X et c constituent une extrémité de ce spectre vers les très
hautes fréquences et les très petites longueurs d’ondes, de
l’ordre de la fraction de nanomètre. Dans une région intermédiaire du spectre se trouve le domaine qui nous est le plus
connu : la lumière avec une longueur d’ondes de l’ordre du
micromètre. À l’opposé des rayons X et c sur le spectre, on
trouve les ondes radiofréquences, précisément celles que l’on
utilise en IRM, avec une longueur d’onde d’environ 5 m dans
un champ de 1,5 tesla (environ 60 MHz). D’après le principe
physique précédemment énoncé, les différentes ondes se
propagent dans l’espace où elles peuvent être localisées avec une
précision égale à leur longueur d’onde. Il est ainsi logique que
la structure des molécules, dont la taille caractéristique est la
fraction de nanomètre, soit explorée par la diffraction des
rayons X. On trouve là aussi l’origine de la limitation à l’ordre
du micromètre des structures observées en microscopie optique.
C’est pour cette même raison que les ondes radiofréquences ne
peuvent pas être localisées dans l’espace avec une précision
millimétrique et qu’il sera plus difficile d’expliquer la formation
d’une image en résonance magnétique qui utilise les radiofréquences que la formation d’une image par rayons X basée sur
la notion de trajectoire en ligne droite des rayons X. En IRM,
tout le volume contenu dans une antenne est « vu » comme un
seul point et il ne sera pas possible d’envoyer une onde
radiofréquence sur un voxel particulier de quelques millimètres
cubes ni même de déterminer qu’un signal vient de ce même
voxel à la résonance.
Une analogie dans le domaine des ondes sonores permet
assez aisément de comprendre le problème posé par les
25. ¶
B(x) = B0
B(x) = Gx × x
x
B(x) = B0 + Gx × x
x
x
Gx ≈ 10 mT/m
Figure 2. Localisation par la fréquence. La précision sur la localisation
d’un phénomène ondulatoire étant de l’ordre de grandeur de la longueur
d’onde émise, il est impossible de discriminer spatialement des verres
identiques placés dans un espace plus restreint que la longueur d’onde
utilisée : pour le son qu’ils émettent, de l’ordre de 50 cm. Pour contourner
cette loi physique, on peut remplir les verres de quantités différentes de
liquide, créant ainsi une différence de fréquence entre les verres. La
localisation se fait alors, non pas par la reconnaissance de l’origine du son
mais en établissant une relation simple entre la position d’un élément de
volume et sa fréquence de résonance. C’est cette idée qui a été mise en
œuvre dans le codage par la fréquence en IRM.
radiofréquences en IRM : la localisation du son provenant de
trois verres de cristal. On peut en effet aisément localiser le son
provenant d’un des trois verres de cristal s’ils sont situés à plus
de 3 m les uns des autres ; en revanche, si les verres sont situés
dans un espace restreint de 20 cm par exemple, le son provenant de chaque verre a pour nous la même origine spatiale. Aux
fréquences émises par un verre, la longueur de l’onde sonore est
en effet de l’ordre de 50 cm. Il est donc possible de discriminer
spatialement deux verres situés à plus de 50 cm alors qu’il est
impossible de les distinguer dans un espace inférieur à 50 cm.
En IRM, le problème est encore plus crucial puisque l’image
anatomique requiert une résolution inframillimétrique quand
les longueurs d’onde utilisées sont de plusieurs mètres. Il faut
donc utiliser une autre méthode pour parvenir à localiser
chaque voxel avec une antenne située autour du patient. Le
codage par la fréquence proposé par Lauterbur consiste, dans
l’analogie sonore, à remplir les verres de quantités différentes de
liquide avec, par exemple, un verre plein à gauche, un verre
vide à droite et un verre à moitié plein au centre (Fig. 2). La
hauteur de la note émise étant fonction de la quantité de
liquide, il serait alors facile de reconnaître le verre de gauche
parce qu’il émet une note basse, le verre du milieu parce qu’il
émet une note intermédiaire et le verre de droite parce qu’il
émet une note haute. Dans ce cas, ce ne sont plus les oreilles
qui localisent l’origine du son mais le cerveau : il faut en effet
avoir mémorisé la relation entre la hauteur de note (c’est-à-dire
la quantité de liquide) et la disposition spatiale pour pouvoir
localiser un verre. Le cerveau trouve son équivalent en IRM
dans laquelle c’est l’ordinateur qui connaît la clé du codage
entre l’espace et la fréquence, devenant alors, de même qu’en
tomodensitométrie, partie intégrante du dispositif de formation
de l’image par résonance magnétique. Mais il est nécessaire pour
cela d’établir une relation simple entre la distance et la fréquence de résonance en RMN.
Gradients de champ magnétique
La relation de Larmor indique que la fréquence de résonance
en RMN est proportionnelle, pour un noyau donné, à l’intensité
du champ magnétique :
f=
γ
2π
B
Pour créer l’aimantation à l’intérieur des tissus examinés, un
champ magnétique intense est nécessaire. Il s’agit de celui
délivré par l’aimant principal, noté B0, de l’ordre du tesla que
l’on appelle régulièrement champ polarisateur car c’est lui qui
crée la polarisation Nord-Sud magnétique des tissus. Ce champ
Figure 3. Gradient de champ magnétique. La fréquence de résonance
en RMN étant proportionnelle à l’intensité du champ magnétique, il suffit
d’appliquer une variation linéaire de champ magnétique dans l’espace
pour créer une variation linéaire de la fréquence de résonance avec la
position le long d’une direction. Le champ polarisateur B0 sert à créer
l’aimantation dans les tissus alors que le champ appliqué sous forme de
gradient par des bobines particulières insérées dans l’aimant principal
permet la localisation. Le champ magnétique créé en chaque point est
donc la somme du champ polarisateur et du champ « localisateur ».
L’échelle n’est pas respectée sur ce schéma, car le champ uniforme B0 de
l’aimant est de l’ordre de 1 T alors que le gradient Gx est de l’ordre de
10 mT/m.
doit être aussi uniforme que possible de manière à ne pas créer
de distorsions de l’image, de sorte que la fréquence de résonance est généralement uniforme au millionième près sur
l’ensemble du volume exploré. Pour localiser un voxel à
l’intérieur de ce volume, il est donc nécessaire d’ajouter un
champ variable dans l’espace. La relation la plus simple étant la
proportionnalité, on choisit d’introduire dans l’aimant des
bobines qui établissent un champ magnétique dont l’intensité
est proportionnelle à la distance dans une direction donnée
(Fig. 3). Il existe alors un gradient de champ magnétique, de
même qu’il existe un gradient de température dans une pièce
dont les fenêtres sont ouvertes ou un gradient de concentration
du sodium dans la corticale rénale. Par définition, un gradient
est en effet une variation orientée dans l’espace d’une grandeur
scalaire, c’est-à-dire quantifiable par un simple nombre. En
réalité, lorsque l’on dit « gradient de champ magnétique », on
devrait dire « gradient de l’intensité du champ magnétique »
dans la mesure où c’est l’intensité du champ magnétique qui
varie dans une direction donnée. Le gradient étant défini par
l’accroissement de la grandeur par unité de distance, les
gradients de champ magnétique utilisés en IRM sont aussi
constants que possible dans l’espace de sorte que l’accroissement par unité de distance soit constant. En présence d’un tel
gradient constant, l’intensité du champ magnétique varie
linéairement avec la distance, c’est-à-dire proportionnellement à
la longueur le long de la direction du gradient.
Étant donné que notre espace a trois dimensions, il est
nécessaire de disposer de trois systèmes de bobines pour établir
un gradient Gx, Gy ou Gz correspondant à une variation linéaire
du champ magnétique respectivement dans la direction x, y
ou z (Fig. 4). Le gradient étant une variation d’intensité de
champ magnétique par unité de distance, il s’exprime en teslas
par mètre (T/m). Les intensités employées en imagerie sont de
l’ordre du mT/m, voire de la dizaine de mT/m pour les méthodes ultrarapides.
On pourrait s’étonner qu’une variation de quelques milliteslas
dans un tunnel de gradient de l’ordre du mètre où règne un
champ de l’ordre du tesla autorise une localisation inframillimétrique. Cependant, il faut se souvenir que le rapport gyromagnétique, défini dans un précédent article, est pour le noyau
d’hydrogène de 42,58 MHz/T. Ceci signifie que pour un accroissement extrêmement faible de 1 µT, on a encore une différence
de fréquence de 42,58 Hz, ce que les méthodes physiques
permettent aisément de détecter. Dès lors, et pour la première
fois, la taille des détails que l’on peut résoudre par une méthode
d’imagerie est totalement indépendante de la longueur d’onde
utilisée et Lauterbur en a conçu une méthode de microscopie
obtenant des images avec une résolution qui pouvait aller
26. ¶
GZ
z
δBz
Gz =
δz
Gy =
y
Gr
δBz
δy
B0
Gx =
δBz
δx
x
Figure 4. Gradient de champ magnétique. Notre espace ayant trois
dimensions, la localisation de chaque voxel nécessite l’application de trois
gradients Gx, Gy et Gz codant l’espace respectivement dans les directions
x, y et z. Il faut bien distinguer la direction du champ magnétique qui est
toujours, par convention, selon l’axe z et la direction du gradient, c’està-dire la direction dans laquelle varie l’intensité de champ, qui peut être
quelconque.
jusqu’à la dizaine de micromètres. La limite de résolution
spatiale n’est plus cette fois la longueur d’onde mais le mouvement des molécules d’eau pendant la mesure puisqu’il est
illusoire de localiser au micromètre près des molécules d’eau qui
se déplacent de 10 µm pendant le temps minimal qu’il faut
pour acquérir un signal. Cependant, il n’existait plus d’obstacle
à réaliser des images avec la résolution au moins millimétrique
exigée par les cliniciens pour leur diagnostic anatomique. On
comprend également que pour une résolution en fréquence
donnée, un plus fort gradient permet de distinguer une plus
petite distance.
Composition des gradients
On pourrait penser naïvement que lorsqu’on applique
simultanément les trois gradients Gx, Gy et Gz, la relation en x,
y et z de la fréquence permet de localiser tout voxel dans les
trois dimensions de l’espace. Cela est faux car différentes
combinaisons de x, y et z peuvent donner la même fréquence.
Mathématiquement, cela traduit le fait que les gradients, en
tant que vecteurs, s’additionnent lorsqu’ils sont appliqués
simultanément et aboutissent à l’établissement d’un gradient
résultant G r (Fig. 5), somme des gradients imposés par les
différents systèmes de bobines. La fréquence est alors proportionnelle à la distance le long de ce gradient résultant Gr. Cela
signifie que si l’on se déplace sur un plan perpendiculaire au
gradient, la fréquence reste constante et il n’est pas possible de
distinguer un point d’un autre. En d’autres termes, un gradient
définit l’ensemble des plans qui lui sont perpendiculaires et il
n’est possible de distinguer deux points que s’ils appartiennent
à deux plans distincts de cet ensemble. Il en résulte :
• que l’on ne peut localiser un signal par sa fréquence de
résonance que dans une seule direction à la fois, quel que soit
le nombre de composantes de gradient appliquées ;
• que la direction de localisation peut être quelconque dans la
mesure où l’on peut additionner des valeurs différentes de Gx,
Gy et Gz en envoyant des courants différents dans les bobines
correspondantes.
Pour former l’image d’un objet tridimensionnel, il est alors
nécessaire d’appliquer les gradients non pas simultanément
mais successivement ou du moins selon des principes différents
de localisation de sorte que l’on peut aisément distinguer les
modifications de signal induites successivement par la distance
le long de x, le long de y ou le long de z.
Ces différents principes de localisation peuvent être expliqués
de deux manières indépendantes qui sont exposées dans les
paragraphes suivants en deux parties bien distinctes qui, en
Gx
Figure 5. Composition vectorielle des gradients de champ magnétique. Les gradients étant des grandeurs vectorielles, l’application simultanée de gradients dans plusieurs directions (ici Gx et Gz) aboutit à la
sommation des différentes composantes en un gradient résultant Gr. Ce
gradient détermine ainsi une famille de plans qui lui sont perpendiculaires : sur chaque plan, le champ magnétique est uniforme et les points sont
indiscernables par leur fréquence de résonance alors que celle-ci croît
proportionnellement à la distance le long du gradient Gr d’un plan à
l’autre.
pratique, peuvent être lues indépendamment l’une de l’autre. La
première partie s’attache à décrire les phénomènes physiques
mis en jeu par chacun des trois principes de localisation utilisés
dans la méthode d’imagerie dite « par transformation de Fourier
bidimensionnelle (TF2D) » avant d’examiner comment ils se
combinent pour aboutir à la formation d’images d’un organisme tridimensionnel comme le corps humain. La seconde
partie permet de revoir les mêmes principes et méthodes mais
à partir du formalisme de Fourier issu, lui, des équations
décrivant les phénomènes physiques.
“
Point fort
Les ondes radiofréquences utilisées en IRM étant de
grande longueur d’onde, elles ne peuvent pas être
localisées avec la précision inframillimétrique nécessaire
au diagnostic radiologique. La formation de l’image se fait
donc au moyen de gradients de champ magnétique,
variation spatiale de l’intensité du champ magnétique le
long d’une direction. La fréquence de résonance en RMN
étant proportionnelle à l’intensité du champ magnétique,
il existe alors une simple proportionnalité entre la
fréquence de résonance d’un voxel et sa position le long
de la direction du gradient. Pour localiser un voxel dans les
trois directions de l’espace, il faut donc disposer de trois
bobines de gradient qui établissent un gradient
respectivement Gx, Gy et Gz dans les directions x, y et z.
Toutefois, l’application simultanée de gradients dans
plusieurs des trois directions aboutit, par composition
vectorielle, à des gradients obliques qui permettent de
localiser l’espace dans la direction du gradient résultant.
Pour localiser un voxel dans les trois dimensions de
l’espace, il est alors nécessaire d’appliquer les gradients
non pas simultanément mais successivement selon les
méthodes décrites dans les paragraphes suivants.
27. ¶
■ Approche physique
de la formation de l’image
f
A
Principes de localisation spatiale du signal
On distingue d’une part les méthodes de sélection (parmi
lesquelles seule sera exposée l’excitation sélective) qui permettent d’isoler au sein de l’organisme la portion de volume que
l’on veut examiner et les méthodes de codage qui permettent de
décoder, a posteriori, l’information spatiale contenue dans un
signal global.
B
∆f
f0
Excitation sélective
On peut comprendre facilement l’excitation sélective si l’on
se réfère de nouveau à l’exemple des trois verres que l’on fait
résonner. Les verres étant toujours dans un espace restreint, il
s’agit d’en faire résonner un seul non pas en le percutant mais
en émettant une note à sa fréquence de résonance comme une
cantatrice peut le faire. On sait que le verre ne résonne que si
la note émise, par la cantatrice, correspond à celle que le verre
émet lorsqu’on le percute ou fréquence propre du verre. En
raison de la longueur d’onde des fréquences vocales et de la
faible distance entre les verres, si les trois verres sont identiques
il est impossible de diriger l’onde sonore spécifiquement sur un
verre ; il est seulement possible de les faire vibrer tous en
émettant une note à leur fréquence propre commune ou de
n’en faire vibrer aucun si la fréquence est différente. En
revanche, si les verres contiennent des quantités différentes de
liquide, alors ils résonnent pour des fréquences différentes et il
suffit d’émettre la note correspondant à l’un des verres pour le
faire résonner sélectivement.
Selon la même logique en IRM, le volume situé dans
l’antenne est indiscernable vis-à-vis de celle-ci et résonne tout
entier à l’émission d’impulsions à la fréquence de résonance.
L’excitation sélective en IRM consiste à appliquer un gradient
pendant l’impulsion radiofréquence (Fig. 6). Ce gradient définit
alors une famille de plans perpendiculaires à sa direction,
chaque plan ayant une fréquence de résonance différente. D’un
autre côté, l’impulsion radiofréquence émise représente non pas
une fréquence isolée (ce qui, selon les lois de la physique,
nécessiterait une excitation de durée infinie) mais excite une
bande de fréquence généralement de l’ordre du kHz pour une
impulsion de l’ordre de la milliseconde de sorte que l’impulsion
excite une pile de plans, c’est-à-dire « une tranche ». Fait
remarquable en imagerie médicale, cette méthode de sélection
d’une coupe ne nécessite aucun déplacement mécanique de tout
ou partie de l’appareil d’IRM. Certes, la table d’examen est
positionnée de sorte que la région d’intérêt (tête, abdomen, etc.)
soit située au centre de l’aimant mais à partir de là, tous les
autres paramètres sont déterminés par les courants envoyés dans
les bobines radiofréquences et les bobines de gradients, sous la
commande du logiciel d’acquisition ; cette méthode a toutes les
apparences d’une « sélection logicielle de coupe » à ceci près
qu’elle utilise la sélectivité de tout phénomène de résonance en
physique. Les paramètres de la coupe sont de la même manière
totalement contrôlés par l’ordinateur à partir des consignes
entrées à la console d’acquisition.
Ainsi, l’orientation de la coupe est déterminée par la direction
du gradient appliqué : un gradient unique appliqué sur l’un des
trois axes du corps fournit une coupe perpendiculaire à sa
direction, c’est-à-dire transverse pour un gradient inférosupérieur, frontale pour un gradient antéropostérieur ou sagittale
pour un gradient droite-gauche. De plus, l’application simultanée d’un gradient dans deux dimensions permet de sélectionner
une coupe en simple obliquité, c’est-à-dire une coupe contenant
l’un des trois axes du corps (la troisième dimension). Enfin,
l’application simultanée des trois gradients permet, en fonction
des intensités dans chaque composante, de sélectionner des
coupes d’obliquité quelconque. Cette capacité de visualiser des
coupes d’orientation quelconque a été pour une bonne part la
motivation initiale du développement industriel de l’IRM au
début des années 1980, à une époque où le scanner donnait
encore des images de qualité supérieure mais dans une orientation essentiellement transverse.
z
GZ
Figure 6. Excitation sélective en IRM. Le principe d’excitation sélective
consiste à appliquer un gradient de champ magnétique pendant l’impulsion radiofréquence. Chaque plan perpendiculaire au gradient possède
une fréquence de résonance supérieure à celle des plans situés en amont
et inférieure à celle des plans situés en aval par rapport au sens du
gradient. L’impulsion d’excitation contient une certaine bande de fréquence de largeur Df centrée sur la fréquence de résonance f0. La droite A,
représentant une certaine intensité de gradient, associe une tranche à
cette bande de fréquence. Les caractéristiques du gradient et de l’impulsion déterminent les paramètres de la coupe : l’orientation de la coupe est
perpendiculaire à la direction du gradient ; l’épaisseur de coupe est
inversement proportionnelle à l’intensité du gradient : la droite B qui
représente un gradient plus faible sélectionne une tranche plus épaisse. Le
niveau de coupe est déterminé par la fréquence centrale de l’émission de
radiofréquence : en augmentant la fréquence d’émission, on excite une
tranche plus éloignée dans la direction du gradient. À la fin de l’impulsion,
l’aimantation de la tranche sélectionnée est basculée dans le plan de
mesure et induit un signal dans la bobine de réception ; l’aimantation des
autres tranches ne donne aucun signal.
L’orientation du gradient, et donc de la coupe, étant choisie,
le niveau de la coupe est déterminé par la fréquence porteuse
de l’impulsion radiofréquence : on éloigne la coupe dans le sens
du gradient en augmentant la fréquence émise. La grande
sélectivité de la méthode d’excitation sélective a permis l’apparition de l’acquisition multicoupes [8] : l’acquisition de deux
signaux successifs nécessitant un certain délai de récupération
de l’aimantation entre les deux impulsions d’excitation sur une
même coupe, il est possible d’utiliser ce délai pour exciter une
coupe voisine et en acquérir un signal, puis une troisième
coupe, et ainsi de suite avant de revenir à la première coupe
lorsque la récupération a duré le temps que l’on souhaitait.
L’acquisition multicoupes a été la première accélération de
l’acquisition car avant elle, l’acquisition d’une coupe durait
plusieurs minutes et après elle, dans le même temps, il était
possible d’acquérir simultanément une à plusieurs dizaines de
coupes.
Enfin, le principe de l’excitation sélective permet également
de contrôler de manière « logicielle » l’épaisseur de coupe. On
montre en particulier que le spectre de l’impulsion radiofréquence est d’autant plus étroit que la durée de l’impulsion est
longue. Cependant, une bande d’excitation trop étroite deviendrait en particulier sensible aux hétérogénéités de champ
magnétique et créerait des distorsions que l’on évite en fixant
la bande d’émission radiofréquence à une valeur optimale. C’est
alors l’intensité du gradient qui permet de contrôler l’épaisseur
de coupe, celle-ci étant inversement proportionnelle à celle-là.
On retrouve ici le fait que l’augmentation de l’intensité du
gradient permet d’améliorer la résolution spatiale et de diminuer, avec l’épaisseur de coupe, les effets de volume partiel.
28. ¶
“
Point fort
TF
La technique d’excitation sélective consiste à appliquer un
gradient de champ magnétique pendant l’impulsion de
radiofréquence. La direction et l’intensité du gradient
permettent respectivement de déterminer l’orientation et
l’épaisseur de la coupe ; la fréquence de l’impulsion
permet de choisir le niveau de coupe. À la fin de
l’impulsion radiofréquence, seule la coupe sélectionnée
est entrée en résonance et les aimantations de ses
différents éléments de volume sont basculées dans le plan
de mesure, alors que, de part et d’autre l’aimantation reste
parallèle au champ magnétique. Le signal recueilli à la fin
d’une telle impulsion provient donc d’une seule coupe. La
suite de la discrimination spatiale nécessite une
localisation dans les deux dimensions de la coupe obtenue
par les méthodes de codage par la fréquence et par la
phase.
Figure 7. Codage par la fréquence. L’analogie du codage par la fréquence avec l’exemple des verres consiste à faire vibrer les trois verres en
même temps. S’ils sont remplis de quantités différentes de liquide, le son
produit est alors un accord dans lequel un musicien pourrait distinguer les
trois notes correspondant aux trois verres. En IRM c’est la transformation
de Fourier (TF) qui permet de séparer les fréquences contenues dans un
signal global.
B(x) = B0 + Gx × X
Méthodes de codage spatial
Contrairement aux méthodes sélectives, les méthodes de
codage permettent d’acquérir simultanément les signaux de
plusieurs coupes d’un volume ou de plusieurs voxels d’une
coupe et de rapporter ensuite à chaque voxel sa contribution au
signal par le traitement mathématique de celui-ci. Les deux
méthodes de codage spatial utilisées en imagerie par TF2D sont
le codage par la fréquence, inventé par Lauterbur en 1973 [1], et
le codage par la phase, proposé par Ernst et publié par son
équipe en 1975 [2]. À partir d’un même objet, les deux méthodes aboutissent aux mêmes résultats mais selon des protocoles
différents que les paragraphes suivants tentent d’expliquer.
x
Acquisition
S(t)
b
Codage par la fréquence
On peut reprendre une dernière fois l’analogie des verres mais
en supposant qu’on les fait résonner en les percutant simultanément (Fig. 7). Si les verres sont identiques, alors les trois
verres émettent la même note et il n’est pas possible de les
distinguer. En revanche, si les verres contiennent des quantités
différentes de liquide, alors le son émis par l’ensemble est un
accord au sein duquel un musicien saurait distinguer les notes.
De la sorte, si l’on recommence l’expérience en ôtant par
exemple le verre du milieu, le musicien peut repérer que la note
de hauteur intermédiaire a disparu de l’accord d’où il peut
déduire que c’est le verre du centre qui a été ôté, aboutissant
ainsi à une localisation spatiale des verres à partir d’un son qui,
comme on l’a vu plus haut, n’est pas localisable par lui-même.
L’analogie en IRM vient tout naturellement à l’aide d’un objet
linéaire tel qu’une frite (Fig. 8) dont, par définition, tous les
voxels sont alignés le long d’une direction. Le codage par la
fréquence consiste alors à appliquer un gradient de champ
magnétique pendant l’acquisition du signal. Chaque voxel est
de ce fait caractérisé par une fréquence de résonance différente
et le signal obtenu est la somme de l’ensemble de ces signaux
élémentaires. En analysant ce signal par lui-même, il est
impossible d’y discerner la contribution de chaque voxel. En
revanche, comme l’oreille du musicien, la transformation de
Fourier a la capacité de séparer, à partir d’un signal donné, les
différentes composantes fréquentielles qu’il contient, en
donnant l’amplitude de chacune sous forme d’un spectre
fréquentiel du signal. Étant donné la relation de proportionnalité entre fréquence et distance établie par le gradient, on en
déduit que la simple transformée de Fourier d’un signal acquis
en présence d’un gradient pour un objet linéaire représente
l’image de ce dernier. À partir du seul principe de codage par la
fréquence, Lauterbur a pu construire l’image de deux tubes en
utilisant les algorithmes de reconstruction des coupes en TDM.
En effet, chaque gradient fournissant un codage dans une seule
direction, l’acquisition d’une coupe ou d’un volume en présence
de ce gradient donne, après transformation de Fourier, la
a
Temps
TF
S(f)
f(x) =
γ
.(B0 + Gx × X)
2π
c
Fréquence
Figure 8. Codage par la fréquence. Il permet de faire de manière simple
l’image d’un objet linéaire tel qu’une frite. Il suffit pour cela d’appliquer un
gradient pendant l’acquisition du signal (a). Celui-ci est alors un mélange
des signaux élémentaires émis par les différents voxels, au sein duquel il
est impossible de distinguer ce qui revient à chaque voxel (b). La transformation de Fourier (TF) permet de séparer les composantes fréquentielles au sein du signal global fournissant ainsi l’image de l’objet linéaire (c).
.
projection de ce volume ou coupe le long de la direction du
gradient. À partir de projections obtenues en faisant tourner la
direction du gradient, en utilisant les mêmes algorithmes de
rétroprojection-filtrage que ceux utilisés par Hounsfield pour
réaliser les premières images de TDM quelques années plus tôt,
Lauterbur a pu reconstruire l’image de deux tubes d’eau. Ce
n’est que quelques années plus tard en 1975 que Ernst a
proposé le codage par la phase, directement inspiré des méthodes de spectroscopie multidimensionnelle utilisées en chimie
pour analyser les structures moléculaires et qui lui ont valu,
entre autres inventions, le prix Nobel de chimie en 1991.
Codage par la phase
Des trois principales méthodes de discrimination spatiale, le
codage par la phase est certainement la plus complexe. En
particulier, il n’existe plus d’analogie avec la résonance de trois
verres que l’on essaierait de discriminer. Il faudrait par exemple
29. ¶
“
Point fort
Le codage par la fréquence est la méthode la plus simple à
appréhender, surtout dans le cas d’un objet linéaire
comme une frite. Le codage par la fréquence consiste à
appliquer un gradient pendant l’acquisition du signal. Les
voxels de l’objet linéaire au moment de la précession libre
émettent des signaux de fréquences différentes, fonction
de leur position. Le signal est alors un mélange de
fréquences que la transformation de Fourier permet de
décoder, fournissant alors l’image de l’objet linéaire. Dans
le cas d’un objet pluridimensionnel, le gradient ne codant
que dans une seule direction, la transformation de Fourier
du signal fournit non pas l’image mais une projection de
l’objet le long de la direction du gradient. La méthode de
codage par la phase est utilisée pour distinguer les voxels
dans une direction perpendiculaire à celle du codage par
la fréquence.
imaginer que l’on filme à très grand ralenti et en microcinéma
la paroi des verres en vibration. L’analyse du film obtenu image
par image permettrait, en observant les allers et retours de la
paroi, de recalculer la fréquence de chaque verre. Bien entendu,
ce film ne permettrait nullement à l’oreille de reconnaître les
sons mais un ordinateur pourrait l’analyser et reconstituer, à
partir des séries d’images, le son que les verres ont produit au
moment de l’expérience. Il ne s’agit donc pas d’une analogie
simple mais elle illustre bien le principe du codage par la
phase : reconstituer point par point le signal que l’on aurait
obtenu en continu en présence d’un gradient, au moyen du
codage par la fréquence. Pour le comprendre, il est plus simple
de considérer deux éléments de volume isolés à l’intérieur d’une
bobine radiofréquence d’un appareil d’IRM et de regarder dans
un premier temps ce que donne le codage fréquence pour ces
deux voxels afin de retrouver comment le codage par la phase
reconstitue la même information selon un protocole d’acquisition différent.
Étant à l’intérieur d’une bobine de taille très inférieure à la
longueur d’onde utilisée, les deux éléments de volume ne
peuvent être discernés et à chaque instant, la bobine n’est
sensible qu’à la somme des aimantations des deux éléments de
volume (Fig. 9). Après une impulsion radiofréquence de 90°, les
deux aimantations sont parallèles et l’antenne mesure une
aimantation dont l’intensité est la somme algébrique des
intensités d’aimantation des deux éléments de volume (Fig. 10).
En présence d’un gradient de champ magnétique nécessaire au
codage par la fréquence pendant l’acquisition, les deux aimantations, subissant des champs magnétiques différents, précessent
à des fréquences différentes. Dès lors, elles prennent des
orientations différentes au cours du temps (déphasage).
L’antenne cette fois ne détecte plus la somme algébrique des
deux aimantations mais leur somme vectorielle, c’est-à-dire la
diagonale du parallélogramme formé en prenant les deux
aimantations pour les deux côtés (Fig. 10). On réalise bien alors
que la somme des aimantations subit des modulations liées au
déphasage des aimantations en présence du gradient. Ce qui est
remarquable, c’est que la somme de vecteurs tournant à des
vitesses angulaires constantes est liée de manière univoque au
module et à la position de départ ou phase de chacun des
vecteurs à chaque fréquence. En d’autres termes, un ensemble
de vecteurs tournant à des fréquences constantes mais différentes, à partir de positions angulaires différentes mais bien
définies, donnent au cours de leur rotation une somme parfaitement déterminée et réciproquement, cette somme ne peut
correspondre qu’à une seule combinaison de tels vecteurs
tournants. La moindre modification de module ou de phase
d’un ou plusieurs des vecteurs conduirait nécessairement à une
modification de la somme. Cette relation est donc de type
mathématique et c’est effectivement celle qui relie une fonction
Figure 9. Déphasage des aimantations en présence d’un gradient. Pour
comprendre le principe de codage par la phase, il est plus simple de
l’expliquer à partir de l’exemple simple de deux voxels situés dans un
appareil d’IRM. En faisant abstraction du champ magnétique polarisateur,
et en ne tenant compte que du gradient appliqué, les voxels ont des
vitesses de précession opposées qui induisent un déphasage des aimantations.
Figure 10. Codage par la fréquence. Lors du codage par la fréquence,
la précession des aimantations à des fréquences différentes produit une
modulation du signal qui permet à la transformation de Fourier (TF) de
séparer les composantes provenant de chacun des voxels.
à sa transformée de Fourier. La transformation de Fourier, dont
le principe est détaillé dans la deuxième partie de ce chapitre, a
donc la capacité de retrouver chacun des vecteurs tournants
d’un ensemble à partir des variations de leur somme induite par
leur rotation. Pour l’exemple des deux voxels isolés, à partir des
variations d’aimantation engendrées par la rotation à des
fréquences différentes des deux éléments de volume, la transformation de Fourier permet de déterminer précisément d’une
part qu’il existe deux éléments de volume, d’autre part de
retrouver la fréquence des aimantations de chacun de ces
éléments de volume ainsi que le module et la phase à l’instant
0 de chaque aimantation.
Il est bien évident que toute autre méthode qui permettrait
d’obtenir expérimentalement cette même variation de la somme
des deux aimantations permettrait de la même manière à la
transformation de Fourier de mesurer chacune d’elles.
C’est précisément ce que fait le codage par la phase. Supposons qu’après l’impulsion 90° qui projette les deux aimantations
parallèles dans le plan de mesure, on applique un gradient non
pas de manière continue mais en une simple impulsion de
quelques millisecondes (Fig. 11). Les aimantations se déphasent
alors tant que le gradient est appliqué puis se figent dans leur
position relative dans la mesure où leur fréquence redevient
identique en l’absence de gradient. On peut alors mesurer un
signal qui ne sera plus modulé mais dont l’amplitude dépend de
l’état de déphasage atteint. On mesure ainsi un point et un seul
de la modulation que l’on aurait obtenue en codage par la
fréquence en appliquant un gradient continu. Ce point ne suffit
pas à la transformation de Fourier pour distinguer les aimantations et il faut en acquérir d’autres. Après avoir laissé les
aimantations retourner vers leur position d’équilibre, on répète
l’expérience en appliquant une nouvelle impulsion radiofréquence après laquelle les aimantations sont de nouveau parallèles dans le plan de mesure. On applique alors une nouvelle