Un dossier de 8 pages consacré aux voyages qui ont du sens, des nouvelles manières de voyager : "Porteuses de valeurs plus respectueuses de l’environnement, des cultures et des hommes, elles séduisent chaque année davantage de candidats."
1. Untempspourvivre
ictusvoyages
L’agence Ictus voyages
organise des marches
spirituelles :
des randonnées ponctuées
de temps de prière
et de découverte des sites.
Voyager
autrementLoin des sentiers battus et par-
fois encombrés du tourisme,de
nouvelles manières de voyager
se développent. Porteuses de
valeurs plus respectueuses
de l’environnement, des
cultures et des hommes,
elles séduisent chaque année
davantage de candidats.
par Éric Hahn
illustrations robin
H
uit mois après
son escapade de
trois semaines
en Équateur,
Chantal, 50 ans,
se dit encore chamboulée par
son premier voyage solidaire.
« Une expérience de partage
et d’échange extraordinaire en
dépit de la barrière de la langue.
Non seulement avec les enfants
dont je m’occupais, mais aus-
si avec la population locale et
les autres voyageurs de mon
groupe. Une immersion loin de
mon quotidien, où je me suis
retrouvée tous les jours confron-
tée à mes émotions. J’ai hâte de
recommencer ! » Comme elle,un
nombre croissant de touristes
aspirent à voyager autrement.
Lassés par le tourisme de masse
qui, de 25 millions de voyageurs
dans le monde en 1950,a franchi
le milliard en 2012 et s’élèvera à
1,6 milliard à l’horizon 2020.
Désormais, le consommateur
souhaite davantage être acteur
de ses loisirs, d’où l’engoue-
ment pour des voyages « sur
mesure », mais aussi et surtout
en faveur de formules porteuses
de sens. « On se met en route
pour faire des rencontres, mais
aussi pour découvrir le sens de
la vie en général et de sa vie en
particulier, souligne Gaële de La
Brosse, journaliste, éditrice et
38 → N°6909 → 30 avril 2015
2.
VolontairespourlaNature
ECOTOURS
vie de famille
L’association
Volontaires pour
la nature mise
sur l’écovolon-
tariat. Les bénévoles
peuvent aider
à la protection
des animaux
(en haut)
ou à la garde
des troupeaux,
animatrice du réseau Chemins
d’Étoiles dédié à l’itinérance.
Le voyage élimine nos scories,
rabote notre être,le dépouille du
superflu pour lui permettre de
se reconnecter avec l’essentiel. »
Ainsi ont fleuri en France depuis
une quinzaine d’années, dans
la mouvance d’une démarche
initiée par le monde associatif,
des offres de tourisme durable,
solidaire, équitable, écorespon-
sable,spirituel…Desqualificatifs
recouvrant des réalités quelque
peu différentes mais qui, toutes,
témoignent d’attentes nouvelles.
Les professionnels, saisissant cet
intérêt des Français pour un tou-
risme alternatif, se positionnent
placer l’homme au cœur du
voyage, insister sur la rencontre
etl’échangeréciproqueentrevisi-
teurs et visités. » Depuis dix ans,
Double Sens emmène ainsi de
petitsgroupesdequatreàsixper-
sonnes au Bénin, à Madagascar,
au Cambodge… non pas sim-
plement en voyage mais en mis-
sion. « Nos clients consacrent au
moins la moitié de leur temps
sur place à divers projets : éduca-
tion à l’hygiène,cours d’informa-
tique, soutien scolaire, aide à la
viequotidiennedesenfantsdans
desorphelinats,àlaconstruction
de sanitaires, de porcheries…
Des projets décidés en concerta-
tion avec les populations, selon
leursbesoins,etencadréspardes
autochtones pour que les retom-
bées économiques locales soient
le plus profitables possible. »
L’ailleurs près
de chez soi
Carlàrésidebienl’intérêtdutou-
risme équitable.Et nul besoin de
partir à l’autre bout du monde
pour répondre à cette attente.
« On peut se mettre en marche
vers l’ailleurs à la porte de chez
soi, précise Gaële de La Brosse.
À condition d’adopter les ver-
tus du voyageur et notamment
d’appréhender ces contrées
familières avec un regard neuf,
comme si on les découvrait pour
la première fois. » Afin d’élargir
et de démocratiser le tourisme
alternatif, Ecotours, spécialisé
dans les destinations sud-améri-
caines, a diversifié ses offres en
directiondel’Europe(Roumanie,
Bulgarie, Espagne…) mais aussi
de la France. « Nous proposons,
par exemple, de découvrir la
Bretagne autrement, indique
David Rosemberg, son direc-
teur. En privilégiant des héber-
gements responsables vis-à-vis
de l’environnement et souvent
en lien avec l’agritourisme ; en
allant à la rencontre de marins-
pêcheursartisanaux,d’unpatron
de conserverie de sardines à
de plus en plus nombreux sur
ce créneau. Opportunisme
marketing ou sincère prise de
conscience ?« Sansdoutecertains
surfent-ils sur la vague, constate
Aurélien Seux, cofondateur de
l’agence Double Sens et acteur
engagé dans le voyage solidaire.
Mais mieux vaut positiver et se
dire que toute démarche allant
dans le bon sens, même limitée,
est bienvenue si elle contribue
à développer un tourisme plus
intelligent. »
AurélienSeuxsaitdequoiilparle.
En2006,avecsonamietcomplice
Antoine Richard, il s’est lancé
dans une démarche solidaire et
responsable. « Nous souhaitions
Déchargement de
sardines pour une
petite conserverie
bretonne,
N°6909 → 30 avril 2015 → 39
3. vie de famille
voyager autrement
La dimension
écologique
séduit de
plus en plus
Les membres de
la famille Pujol ont
choisi de voyager
solidaire avec
l’agence Double
Sens : sur l’île
de Koh Phdao
(Cambodge),
au milieu
du Mékong,
ils ont participé
à la construction
d’une porcherie.
taille humaine ; en s’initiant à la
culture locale… Parce que nous
voulons faire du tourisme un
outil de préservation des activi-
tés traditionnelles et un facteur
de lien social. »
La dimension écologique du
voyage emporte également l’ad-
hésion d’un nombre croissant
de touristes. Volontaires pour la
nature propose ainsi différents
types de missions, allant de l’en-
tretien de marais ou de forêts à
la revégétalisation des berges de
coursd’eau,enpassantparlapro-
tection des phoques en baie de
Somme… Ces activités ne néces-
sitent pas de compétences parti-
culières et reposent sur le prin-
cipe du donnant/donnant. « En
échanged’unmi-tempsdetravail,
les volontaires bénéficient d’ani-
mations encadrées, par exemple
par des botanistes ou des natu-
ralistes, explique Marion Tucci,
administratrice de l’association.
La participation reste en général
modique, de l’ordre de 60 € par
semaine pour couvrir les frais
de nourriture. L’hébergement,
et c’est là aussi l’un de nos outils
d’éducation écoresponsable,
s’organise en pleine nature, sous
tente, avec des toilettes sèches et
des douches solaires de manière
à limiter au maximum l’impact
environnemental. »
Dans l’esprit du « Wwoofing »,
mouvement né en Angleterre
en 1971 et dont le réseau de
fermes biologiques s’étend dans
une trentaine de pays, l’associa-
tion de Marion Tucci met aussi
en relation des volontaires avec
desagriculteurs-éleveurs.Leprin-
cipe ? Vivre au minimum deux
semaines sur une exploitation,
nourrietlogé,toutenparticipant
quelques heures par jour aux
activités de la ferme. Pour aider
à soigner les animaux, encadrer
lanaissancedespetitsouassurer
la garde du troupeau en alpage,
en zones de présence du loup.
Cheminement spirituel
Au voyage solidaire ou à l’enga-
gement écoresponsable,d’autres
préfèrent la marche et le chemi-
nementspirituelpourdonnerdu
sensàleursvacances.« Nouspro-
posons bien sûr des pèlerinages
vers des lieux de tradition chré-
tienne, précise Thierry Sanson,
directeur d’Ictus Voyages. Mais
pas seulement.Partir de chez soi,
quitter ses habitudes et ses cer-
titudes pour cheminer dans un
désert,admirer au rythme de ses
paslabeautédespaysages,goûter
le silence, constitue déjà, en soi,
un cheminement spirituel.Cette
expérience,au-delà des gens très
engagés dans l’Église, touche
particulièrement les « recom-
mençants » qui vivent parfois
une relation un peu blessée avec
l’institution et redécouvrent là
de quoi nourrir leur intériorité ».
Autre « spécialité » d’Ictus, les
voyages culturels à la rencontre
des grandes civilisations, y com-
pris dans leur dimension reli-
gieuse,quitémoignentdelagran-
deurdel’hommeetdelarichesse
del’humanité.Uneinvitationàla
tolérance.« L’autre nous révèle à
nous-même, précise Gaële de La
Brosse, et se connaître soi-même
pousseàdécouvrirlesautres,ren-
dantplusfructueuxcesmoments
de partage. » Même si, ces der-
nières années, l’environnement
géopolitiquenefavoriseguèreles
échanges. Épidémies en Afrique
de l’Ouest, printemps arabes,
conflits et terrorisme dans les
pays du Maghreb ou du Proche-
Orientont,eneffet,plutôtdequoi
fairefuirlesvoyageurspotentiels.
Nombre de voyagistes,sans pour
autant abandonner certaines
destinations à l’écart des zones
sensibles, ont dû réduire la voi-
lure en Afrique pour dévelop-
per de nouvelles destinations.
Madagascar,dans l’océan Indien,
a ainsi bénéficié de ce repli stra-
tégique, mais aussi l’Amérique
du Sud et l’Asie. Ictus Voyages,
pour sa part, s’est vu contraint
de rayer de sa brochure ce qui
faisait son « cœur de métier ».
« Le découpage géographique de
nos activités, en 1994, n’a plus
grand-chose à voir avec celui de
2010, déplore Thierry Sanson.
Toutes les destinations du
monde arabe sont quasiment
fermées, de même que nombre
de déserts qui nous permet-
taient de proposer de magni-
fiques expériences spirituelles
à la source même de notre foi. »
L’agence se redéploie donc vers
le monde orthodoxe : la Grèce,
Chypre, l’Arménie, la Russie. Et
réinvente de nouveaux voyages
en se réappropriant des person-
nages forts du christianisme
comme saint François d’Assise,
à découvrir au cours d’une
marche de huit jours en Italie,
à l’écart des sentiers battus. f
Doublesens
40 → N°6909 → 30 avril 2015
4.
par Éric Hahn
Des voyageurs
en quête de sens
S
amedi, 14 heures.Au 84,quai
de Jemmapes, qui longe à Paris
le canal Saint-Martin,une quin-
zaine de personnes se présentent à
l’entrée de La Ruche, un espace
collaboratif abritant l’agence de
voyages solidaires Double Sens.Parmi
eux, d’éventuels futurs clients venus
se renseigner, mais aussi des anciens,
présents pour témoigner.Comme
Étienne, 43 ans, parti l’été dernier
avec Charlotte et leurs trois fils au
Cambodge, sur une île du Mékong,
pour aider une famille à construire
une porcherie. « Depuis quelques
années déjà, nous pratiquions des
vacances en mode randonnée,de
préférence hors des sentiers battus,
à la rencontre de nouvelles cultures.
Nous avons eu envie d’aller plus loin,
de nous rendre vraiment utiles. »
Un projet immédiatement plébis-
cité par Quentin, 16 ans,et ses deux
plus jeunes frères, tous engagés dans
le mouvement scout. « Apporter
ma modeste contribution à des
gens qui n’ont pas la chance d’être
gâtés comme nous s’est avéré une
expérience incroyable sur le plan
humain »,souligne l’adolescent
enthousiaste.« Personne n’a râlé
parce qu’il faisait trop chaud,que
c’était fatigant,que nous n’avions ni
eau courante ni électricité ni Internet,
enchaîne Étienne.Cette parenthèse
loin de notre quotidien parisien
bruyant et stressant nous a permis de
nous retrouver,de partager des émo-
tions extrêmement fortes,mais aussi,
je l’espère,de laisser une trace utile
de notre passage. » Sabine 31 ans,
enseignante-chercheuse en psycho-
logie sociale,envisage de partir avec
Matthieu,son mari.Une première
expérience d’un mois à Madagascar
il y a dix ans,à l’initiative d’une reli-
gieuse,pour s’occuper d’enfants des
rues,lui a inoculé le virus du voyage
solidaire.« Voyager n’a de sens que
si l’on peut prendre le temps de créer
du lien.Les missions de l’agence me
semblent répondre à cette exigence.
Surtout,elles s’inscrivent dans
la durée,avec des voyageurs qui se
succèdent tout au long de l’année
pour un véritable suivi de l’aide. »
Ayant déjà vécu cette situation,Sabine
sait qu’il est toujours difficile de
revenir d’un tel voyage.Habité,parfois,
du sentiment d’abandonner ceux
que l’on était venu aider.« Mais quand
on sait que d’autres vont prendre
le relais,on relativise ! » Pour autant,
l’expérience reste intense et personne
n’en sort indemne.« Je suis revenue
transformée,confirme Chantal,partie
en juillet dernier s’occuper d’enfants
en Équateur.Il y a un tel décalage
par rapport à notre propre culture,
notre soif de consumérisme.Pourtant,
là-bas,chaque jour,j’ai eu l’impression
d’être à ma place,de servir à quelque
chose.Je me suis aussi sentie nour-
rie de partage et d’amour,car nous
recevons autant que nous donnons. »
« Nous redécouvrons notre pays et
notre façon de vivre avec un regard
presque étranger,renchérit Sabine.
Retourner au supermarché m’a paru
inacceptable.L’expérience amène
forcément à prendre de la distance. »
Une prise de conscience qui se traduit
souvent par la volonté de continuer
à aider les populations sur place.En
soutenant l’association Frères de sens
créée par d’anciens voyageurs ou en
réitérant l’expérience.20 % des clients
de Double Sens repartent au moins
une fois.Pour un voyage humanitaire ?
« Non,pour un voyage humain,tout
simplement »,répond Valérie,revenue
enchantée du Bénin avec son mari et
leurs trois enfants de 5,8 et 11 ans.f
Depuis dix ans, l’agence Double Sens s’est développée
autour d’un maître mot : l’échange. Une vertu plébis-
citée par ses clients, qui en redemandent.
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5.
vie de famille
voyager autrement
Nul besoin de partir loin pour voyager solidaire.
La cité phocéenne vous en offre l’occasion…
Visiter Marseille
avec ses habitants
S
éjourner chez l’habitant,
consommer des produits
locaux, aider à la sauvegarde du
patrimoine industriel et naturel…
Bienvenue dans les quartiers nord de
Marseille avec la coopérative Hôtel
du Nord* ! Loin des faits divers qui
font la une des médias,l’occasion
de plonger dans les histoires de vie
d’une population lasse d’être stigma-
tisée,qui travaille et crée à l’Estaque
ou à Saint-Antoine. Alors,une fois les
incontournables accomplis – Notre-
Dame-de-la-Garde, la cathédrale de la
Major, le MucEM… –, prenez la navette
au Vieux-Port, direction l’Estaque.
De là s’offre une vue splendide sur la
baie scintillante et la Bonne-Mère…
et l’embarras du choix pour se loger :
une bastide,une cité ouvrière,une
villa fleurie…Quarante habitants
des quartiers nord vous ouvrent leur
porte et,mieux encore,vous guident
à travers leur quartier.Sur les hau-
teurs de Mourepiane,Michèle Rauzier
accueille ses hôtes dans sa superbe
bastide.Une villa achetée par son
père,Italien sans le sou envoyé par
sa famille pour travailler dans les
tuileries.« Il y a un siècle,Marseille
construisait les toits du monde entier,
raconte notre guide enthousiaste.
Vingt-sept tuileries employaient
6 000 ouvriers dans le bassin de Séon,
que l’on surplombe ici.La randonnée
débute par les hautes demeures : Lou
Castelet,ses serres et rocailles,la villa
Marie,la coquette villa Eugénie.Puis
se poursuit rue Poussardin,où les logis
de maîtres côtoient de petites maisons
de pêcheurs et d’ouvriers des années
1930.« Ces derniers utilisaient les
rebus de tuiles pour bâtir leurs murs,
indique Michèle. Regardez,on en voit
encore les traces partout. » Au fil des
rues,en suivant la généalogie d’une
famille et l’urbanisme,c’est l’histoire
de Marseille qui s’écrit.« Mon père,
jeune Piémontais plein de courage,
épousa ma mère,fermière à deux pas
d’ici,se forma,acheta un bar au vil-
lage de Saint-Henri,là,juste derrière…
puis s’offrit la bastide ! » détaille notre
hôtesse.Férue de patrimoine,elle se
bat avec l’association Cap Nord pour
éviter que les tours des promoteurs
ne défigurent la corniche,au détri-
ment des quartiers ouvriers célébrés
au cinéma par Robert Guédiguian.
Faisant sienne la formule d’Henri
Bosco : « Le premier monument de
Marseille,c’est sa population ! » f
* De 25 à 70 € la chambre.
Rens. : hoteldunord.coop
Par muriel fauriat
Au programme des balades
urbaines organisées par
Hôtel du Nord, la « Route
Nougaret » fait découvrir
la nouvelle route d’Aix tracée
par l’architecte Nougaret
avant la Révolution française.
ArchivesHôtelduNord/DominiquePoulain
42 → N°6909 → 30 avril 2015
6. À Hilionoudo,
les voyageurs
rencontrent
un ferronnier
fabriquant
des clochettes
destinées
aux troupeaux.
D
ans les ruelles de Chania
(la Canée), le nez levé sur les
façades élégantes où le bois
se mêle à la pierre, le regard d’Anne,
64 ans, infirmière à Nantes,est attiré
par l’architecture intérieure en arche,
caractéristique des maisons des riches
familles turques. L’important pour
elle : prendre le temps de flâner,au
rythme de cette île au charme discret.
Sur le port tout proche,le minaret
rappelle que la ville au nord-ouest
de la Crète, la plus grande île grecque,
a connu l’invasion ottomane de
la fin du XVIIe
siècle au début du
XIXe
. Reconvertie en lieu d’exposition,
la mosquée est en rénovation,
à l’image de nombreux édifices
de la ville. Comme la majorité des
neuf participants au séjour organisé
par Tourisme et Développement
solidaire (TDS)(1), Michel est jeune
retraité. Il travaillait dans la construc-
tion et est sensible à la rénovation
soignée des bâtiments de l’arsenal
qui, les pieds dans l’eau,dominent
le petit port. « Avec un voyagiste
classique, on ne voit pas le pays.
On le traverse. Là, c’est différent.
On prend le temps de faire connais-
sance avec les spécificités du lieu »,
commente Nicole, 62 ans,alerte
ex-institutrice. « Je retrouve avec TDS
un esprit de développement écono-
mique local », confie son époux,
Jean-François, 60 ans, responsable de
développement régional à la
chambre
d’agriculture du Maine-et-Loire.
Tous les participants viennent
de la région (l’association TDS est
basée à Angers) et partagent des
valeurs communes : intérêt pour
les coutumes locales,prise en compte
des problèmes économiques
rencontrés par leurs hôtes.
Un même état d’esprit
« Nous avons le même état
d’esprit », confirme Gilberte, 65 ans,
professeur d’anglais à la retraite
et épouse de Michel. Les voyageurs
emboîtent le pas de Georg, notre
guide, attentifs à ses explications.
Allemand, Georg vit en France après
une longue parenthèse en Crète
où il organisait des randonnées.
Il connaît chaque parcelle de l’île
aux mille trésors dont le secret
de longévité de ses habitants réside,
paraît-il, dans le régime crétois
– beaucoup d’huile d’olive, légumes
et fruits frais, fromage de brebis,
miel… – et la douceur de vivre en
plus. Georg s’emploie depuis quinze
ans à soutenir la vie du village alpin
d’Agios Johannis, à l’extrême sud,
déserté par les jeunes, où vivent des
bergers. Le hameau de quinze habi-
tants a trouvé un nouveau souffle
À la découverte
de la Crète authentique
Rencontrer les habitants, s’informer sur
leur us et coutumes, partager leur table…
Tourisme et Développement solidaire
donne la priorité aux voyageurs curieux.
par patricia labiano
Repas à la table de la famille Karaiskakis.
Visite des ruines du pressoir de l’ancienmonastère de Gavalochori.
N°6909 → 30 avril 2015 → 43
7.
vie de famille
voyager autrement
Faut-il se fier aux labels ?
grâce aux touristes de passage
attirés par la beauté sauvage du lieu.
Il est prévu que notre groupe
y fasse halte dans le gîte d’étape des
frères Nikoloukadis. Pour trois nuits,
nous avons au préalable élu domi-
cile à Tsivaras, petit village perché
surplombant la mer, à une trentaine
de kilomètres à l’est de Chania, chez
Kostas, le pope (prêtre orthodoxe).
Au programme : des minirandon-
nées alentour pour découvrir
l’artisanat local dans le petit village
de Kalyves et sa jolie plage de sable ;
Hilionoudo, où l’on fabrique les clo-
chettes des chèvres et des moutons ;
Un nombre croissant d’agences
de voyages et de tour-opérateurs
se revendiquent responsables et
solidaires. Mais comment être sûr
que le professionnel auquel vous
vous adressez répond bien aux
critères de respect de l’environnement
et de l’homme ? Deux labels peuvent
vous y aider : celui délivré par ATR (1)
(Agir pour un tourisme responsable)
et celui accordé par l’Ates (2)
(Association de tourisme équitable
et solidaire). Ils garantissent que
les pratiques de ses membres sont
« responsables » (préservent
l’environnement et la culture locale)
et/ou « solidaires » (financent avec
une partie de l’argent du séjour
des projets librement choisis
par les associations locales).
L’ATR a transposé il y a dix ans
les règles du
développement durable
au tourisme : respect
et valorisation
du patrimoine culturel
et naturel, information claire des
voyageurs recherchant authenticité,
qualité et respect des personnes et
des sites, impact environnemental
limité… Le cahier des charges,
confié le 1er
janvier 2015 à l’organisme
de certification Ecocert, intègre
de nouveaux critères comme
le réchauffement climatique.
L’Ates, pour sa part, délivre depuis
peu un label à l’issue d’un
audit aux critères exigeants,
mené par un comité
composé de voyagistes, de
structures comme l’Unat
(figure de proue du tourisme
social et solidaire en France) et de la
plate-forme du commerce équitable.
De petites structures apportent
elles aussi une réelle aide à
la population locale (Ecotours,
Double Sens, Croq’Nature…)
bien que n’affichant aucun label.
Jean-Luc Gantheil, directeur de
Croq’Nature, pionnier du tourisme
solidaire et ex-membre de l’Ates, fait
désormais cavalier seul après
avoir vu s’effondrer les demandes
de séjour au Niger, au Mali, en Algérie,
au Maroc et en Tunisie. « Il a fallu
développer de nouvelles destinations
pour ne pas mettre la clé sous
la porte et continuer à soutenir
financièrement les populations
de ces pays en souffrance. Répondre
aux grilles d’évaluation de l’Ates pour
obtenir le label m’aurait pris trois
semaines à plein temps. C’était
impossible ! » Les voyageurs ont
néanmoins accès à un rapport
détaillé et chiffré sur son site
(voir carnet d’adresses). D’ailleurs,
avant de réserver la destination de
vos rêves, faites-vous toujours préciser
le pourcentage du prix du séjour
reversé à la population locale,
la nature des projets et les pratiques
environnementales en vigueur
(déchets, énergie, émission de CO2
).
PATRICIA LABIANO
(1) www.tourisme-responsable.org
(2) www.tourismesolidaire.org
Galavahori, où France, professeur
de maths à la retraite, admire
la dentellière à ses fuseaux.
À 56 ans, Kostas Karaiskakis vient
de passer le relais de sa charge
de pope à son fils Stélios, 34 ans.
Ils portent la même tunique sombre
traditionnelle. Stélios, sa femme
Dimitra et leurs deux petites filles
vivent sous le même toit que ses
parents et sa grand-mère paternelle
qui aide Eleni, l’épouse de Kostas,
aux fourneaux. Recevoir des hôtes
dans la maison familiale(2),
bâtie de leurs mains, permet
de compléter leurs revenus.
Produits maison
À table, est servie la viande d’agneau
de petits éleveurs voisins, l’huile
d’olive, le vin et le pain faits maison,
la salade grecque préparée avec les
légumes du jardin. Le pope produit
près de 200 litres chaque année
d’un vin de couleur ambrée aux
accents ensoleillés. De quoi en faire
profiter amis et hôtes de passage.
C’est à regret que l’on quitte
la famille Karaiskakis pour
reprendre la route. Direction : le sud
par autobus local au son entraînant
de la musique grecque. Les champs
d’oliviers laissent peu à peu la place
aux massifs pierreux où l’herbe se
fait rare, et aux sapins. Puis, la lande
plonge en pente abrupte dans
la mer. L’aventure se termine là pour
moi et je laisse, à regret, la petite
troupe poursuivre une escapade
où l’on prend le temps de goûter à
des lieux aussi sereins que les eaux
paisibles qui bordent l’île. f
(1) À la découverte des villages tradition-
nels de l’ouest de la Crète, circuit itiné-
rant de douze jours, randonnée facile,
1 190 € sans le vol. Tourisme et
44 → N°6909 → 30 avril 2015
randonnées
et découverte
de l’artisanat
local
8. Croq’ Nature
Vietnam et Cuba
Circuit de onze jours chez
les Thaïs blancs, au Vietnam,
avec immersion dans les us
et coutumes locales, à partir
de 1 800 € tout compris.
En partenariat avec Terre
et humanisme, l’association
de Pierre Rahbi qui forme
des agriculteurs à l’agroécologie,
Croq’Nature lance aussi un
séjour solidaire et bio à Cuba.
< Rens. : www.croqnature.org
La Balaguère (ATR)
Inde
Séjour en liberté de dix jours
alliant la marche à pied
(randonnée facile) et
l’immersion dans un village
au sud de l’Inde,au Karnataka,
pour permettre aux populations
des régions choisies de rester
vivre sur place,dans leurs
villages,et d’élever leur niveau
de vie grâce au tourisme
de randonnée douce. Village
« Ways »,Kerala,à partir de
795 €,hors vol (à partir de 720 €).
Albanie
Balade découverte facile
de douze jours sur cette terre
insolite des Balkans restée un
demi-siècle fermée au tourisme.
Soutenez sa population tout
en découvrant son patrimoine
architectural,en explorant
ses paysages montagneux aux
pics acérés,les rivages de la mer
Ionienne et ses jolies plages.
À partir de 1 395 €,vol compris
(excepté : déjeuner du 1er
jour
et dîner du dernier jour,entrées
dans les sites et musées,
boissons,pourboires d’usage,
frais d’inscription,assurance).
< Rens. : www.labalaguere.com
Double Sens
Bénin
Mission de deux semaines à
Ouidah, Abomey ou Natitingou.
Dix jours (2 X 5) d’intervention
(à raison de 4 à 6 h/j) en
matière d’animation socio-
éducative auprès d’enfants,
de soutien scolaire, de cours
d’informatique, de prévention
sanitaire… et quatre jours
(2 X 2) d’excursions dans le sud
entre mer et lagune (Ganvié,
la Venise de l’Afrique) ou
dans le nord, en pays Somba.
À partir de 1 990 € (vol inclus).
< Rens. : www.doublesens.fr
Ecotours
Italie
Trois jours dans les hauteurs du
parc national du Cilento, à trois
heures de Naples, chez Isabella
et Caesare. Pour se ressourcer,
manger bio, boire local, monter
à cheval dans les champs
d’oliviers, sortir les chèvres
le matin, découvrir les villages
alentour, apprendre à cuisiner
un bon plat italien…
À partir de 250 € en 1/2 pension,
vol non inclus.
< Rens. : www.ecotours.fr
Ictus Voyages
Trek en Galilée (Israël)
De Nazareth au lac de Tibériade,
en passant par le mont
des Béatitudes,Tabgha,
Capharnaüm…une semaine
de marche à travers plaines,
canyons et champs d’oliviers,
au cœur des Évangiles
et à la suite du Christ.
À partir de 1 393 €,vol inclus.
< Rens. : www.ictusvoyages.com
Volontaires
pour la nature
France
Mission de deux semaines ou
plus au village des tortues de
Gonfaron (Var). Participation
aux travaux de sauvegarde et
d’études, nourrissage et soins
aux tortues, entretien des
locaux, information du public.
À partir de 18 ans. Prise
en charge totale par le centre
de la nourriture, du logement
et de l’assurance.
< Rens. :
www.volontairesnature.org
Bastina
Croatie
Séjour immersif à Pakostane
en Croatie,à la découverte
de la réserve ornithologique
de Vransko Jezero,des parcs
nationaux de la rivière Krka
ou Paklenica dans la montagne
de Velebit,des îles de Vrgada
et Zizanje.Vous goûtez
aux produits du terroir
avec un atelier de cuisine croate
et un repas à la ferme.
Hébergement chez l’habitant.
À partir de 575 € les 8 j./pers.,
en demi-pension,excursions
et vol compris.
< Rens. : www.bastina.fr
N°6909 → 30 avril 2015 → 45