1. Bonjour. Je suis très heureux d'être ici. Je suis entre le chaud d’été au Brésil et la
belle neige d'ici. Je vais faire une petite présentation en deux parties. La première
partie sera un résumé de mon expérience de vie professionnelle et académique.
Ensuite, je parlerai de la question centrale d'intervention scolaire et sociale et ce
sera le moment de montrer la pertinence de mon expérience pour le poste.
J'ai choisi une forme spéciale pour cette présentation : je vais raconter une
histoire, un peu comme une pièce de théâtre.
Le rideau s'ouvre. Sur la scène il y a une fenêtre, des livres et des
coquillages. À gauche, un immense miroir et à droite, un petit arbre.
J'entre sur la scène. C'est ma vie. Je marche sur la scène. J’arrête devant
un immense miroir, et la lumière s'éteint. Il ne reste seulement le reflet
de mon visage dans le miroir, un grand choix s'offre alors à moi : le
théâtre.
Quand je vous parle, je parle d'un lieu. Je suis Brésilien. J'ai grandi dans une
petite ville de Bahia, qui s’appelle Valente au nord-est du Brésil. C'est une région
très sèche et pauvre. Ma mère est d'origine portugaise (la colonisation), mon
père est d'origine arabique (les esclaves du nord d’Afrique) et indigène (l'histoire
de destruction des autochtones du Brésil). Je suis donc multiculturel.
Ensuite, je suis parti dans la ville de Salvador où j'habite encore aujourd'hui. J'ai
fait un baccalauréat en enseignement du théâtre, j'ai fait ma maîtrise en arts de
la scène sur les impacts du théâtre dans les écoles et j'ai terminé mon doctorat
sur la médiation théâtrale dans les écoles.
Sur la scène, toute la lumière se dirige maintenant sur les coquillages. Je
marche rapidement. Je prends les coquillages dans mes mains et
j'écoute.
Une professeure parle:
2. J’étais cette professeure qui regarde parfois l’élève, qui le traite durement et qui a
besoin de leur faire la morale. Alors, je me suis reconnu dans les paroles du
professeur de mathématiques et dans celles de la professeure de portugais. J’ai
pleuré car ce qui se passe aujourd’hui au collège me fait mal. Je suis comme l’une
des professeurs, comme celle de littérature, qui veut démissionner.
J'ai travaillé comme coordinateur général du projet théâtral «Prends Bien Soin de
Moi» pendant 7 ans. Ce projet avait pour objectif la diminution de la violence
dans les écoles publiques, principal problème dans les écoles au Brésil. J'ai vu la
transformation de l'ambiance, de la méthodologie et de la convivialité grâce à la
pratique du théâtre. Plusieurs actions liées au spectacle ont été développées
avant, pendant et après le projet, et ce avec tous les élèves et les professeurs de
l'école.
J 'écoute.
Une élève parle :
[ …] j’aimerais dire que cette pièce m’a beaucoup touchée. Je fais partie de ces
élèves qui casse des chaises, qui font des graffitis sur les murs, d’ailleurs, j’ai eu
une suspension et trois avertissements parce que j’avais manqué de respect
envers une fonctionnaire. Je voudrais dire que cette pièce m’a touchée, qu’à
partir de maintenant, je ne vais plus faire ça.
La transformation par le théâtre, c'est ma vie. J'ai travaillé aussi pendant deux
ans comme directeur de théâtre du gouvernement provincial. J'étais responsable
des programmes de théâtre pour 400 villes. C'est ma grande expérience de
politique culturelle.
Je cours et j’arrête devant le petit arbre. Un deuxième choix se présente :
l'école. La vie m'a envoyé pour former des professeurs. Je lis un texte
qu'une étudiante a écrit :
3. - Merci professeur. Cette session, j'ai beaucoup aimé fait des projets éducatifs
dans la communauté pauvre de la ville de Maragojipe. L'Université m'a donné
l'opportunité de voyager avec vous et de connaître les écoles d'ailleurs. Grâce à
ce stage, je peux désormais m'affirmer en tant que professeur de théâtre.
– Un autre étudiant a dit : j'ai peur des écoles de banlieue. Elles sont très
violentes. Mais vous, vous m'avez encouragé à voir un autre coté de cette réalité.
Quand un enfant d'une dizaine d'années m'a dit : merci, cher prof, quand sera la
prochaine leçon de théâtre? J'ai découvert qu'après tout, tous ces enfants sont
d'abord humains.
J'étais professeur du cours d’enseignement de théâtre pendant 6 ans à
l'Université fédérale de Bahia. Chaque session, j'étais responsable des stages, de
la méthodologie de recherche, de la pédagogie du théâtre, de la création
artistique, etc.
Ensuite, je suis parti en région pour enseigner à l'Université provinciale de Bahia
pendant 4 ans, cela dans environ 10 villes différentes. J'ai donné le cours d'Arts et
Éducation pour les étudiants du bacc. en enseignement primaire. Dans chaque
ville, j'ai fait plusieurs activités dans les écoles et dans la communauté.
Parallèlement, j'ai développé plusieurs formations pour les enseignants dans les
villes, les organismes sans but lucratif, les entreprises et institutions nationaux.
Toute la scène est pleine de lumière. Je marche pour faire face au public.
Un troisième choix : le social.
Je suis un activiste social et culturel depuis 15 ans. J'ai déjà passé par plusieurs
institutions où j'ai aidé à développer des programmes pour les enfants, les jeunes
et les gens défavorisés.
J'étais professeur de théâtre et metteur en scène dans plusieurs contextes : dans
4. un hôpital avec 45 femmes cancéreuses pendant 5 ans; dans les communautés
populaires de Salvador avec plusieurs clientèles différentes; comme coordinateur
du réseau brésilien des Arts et de l'Éducation.
Sur la scène, les livres commencent à parler. Ils me demandent : Vous
êtes prêt pour parler au monde?
– Oui. Je suis prêt.
C'est le quatrième choix : la production des connaissances. J’ouvre les
livres rapidement sur la scène.
Il y a le premier livre : «Les Droits de l'homme dans la lutte contre la violence:
action auprès des adolescents et des jeunes» publié par l'Unicef.
Le deuxième : « Prends Bien Soin de Moi: Théâtre, l´Affection et la Violence dans
les Écoles » qui parle de la réception du théâtre avec les élèves.
Le troisième : «Cahier de Formation du Public : activités en arts scéniques » avec
les exercices de théâtre pour développer la pratique d’appréciation dans les
écoles.
À ce jour, j'ai déjà écrit plusieurs articles sur les arts, l'éducation et le théâtre. J'ai
créé aussi deux sites Internet. Le premier en portugais (medicaoteatral.com) pour
parler de la médiation théâtrale et de la recherche au Québec. Le deuxième
(artstransform.com) en français que je suis en train d'utiliser pour publier les
textes, les sites de groupes et réseaux liés aux arts et les transformations
sociales.
Encore sur la scène, je laisse les livres. Je marche et je regarde la
fenêtre. Il est là, devant moi, mon prochain choix : Le Québec. L'eau est
ma première image du Québec.
C'est le théâtre qui m'a aidé à arriver au Québec. L'année dernière, j'ai gagné un
prix culturel et une bourse d'études pour venir ici. Pendant six mois, j'ai fait de la
5. recherche sur les activités que la Maison Théâtre fait avec les écoles; sur les
actions de Culture pour tous et sur la pratique du Groupe Théâtre des Petites
Lanternes, à Sherbrooke.
J'en ai profité pour échanger mes expériences comme chercheur et professeur de
théâtre. J'ai donné quelques ateliers à Sherbrooke et à Montréal et aussi j'ai
participé à des congrès, des rencontres et des séminaires.
Toute la scène s'assombrit. Un seul rayon de lumière entre par la fenêtre.
C'est le quotidien.
Quand j'ai habité à Montréal quelques mois, j'ai vu un jeune grimpé dans un
arbre pour revendiquer.
Il disait: je suis tanné de la discrimination dans ma classe.
Une autre situation est celle des jeunes de Montréal-Nord qui ont manifesté
bruyamment dans la rue. Ils exprimaient leur colère envers les policiers.
Le journal écrivait aussi :
«C'est la consternation à une école primaire, au lendemain d'actes de vandalisme
perpétrés dimanche dans cet établissement de Montréal-Nord. Trois jeunes âgés
respectivement de 14, 15 et 16 ans font face à des accusations d'entrée par
effraction, de vol, de méfaits et de complot».
Avant de partir du Brésil pour venir ici, j'ai beaucoup entendu parlé du suicide de
Marjorie, cette illustration tristement célèbre de la souffrance chez les jeunes.
Cela m’amène à me poser la question suivante : Quelle relation y a-t-il entre
l’école, la communauté et la violence?
J'ai entendu dire qu'en 2011, le taux de décrochage scolaire au Québec est
encore de 17%. Pourquoi les jeunes abandonnent-ils l'école?
Au Québec, entre 10 et 15% des élèves se disent victimes d'intimidation.
Depuis 2002, je travaille pour trouver les causes et les conséquences de la
violence dans les écoles. Je sais que le théâtre est primordial pour aider à
améliorer cette situation.
6. Quand j'ai appris
– que le projet «Prends Bien Soins de Moi» a fait diminuer les actes de
vandalisme de 30% dans chaque école;
– que 100% des jeunes en situation d’extrême pauvreté ayant participé à un
projet avec moi ont fini leurs études secondaires;
– que les professeurs qui ont fait une formation avec moi me disent que les
enfants étaient plus unis après les leçons d'art dramatique;
Alors je sais que le théâtre peut faire de grandes choses, et qu'il a définitivement
sa place au sein d'un programme d'éducation pour tous les jeunes d'ici et
d'ailleurs. Il est donc primordial d'enseigner le théâtre dans la formation des
futurs enseignants.
En se sens, le Nouveau Programme d’éducation du Québec dit : «La formation en
art dramatique sollicite de la part de l’élève un engagement sur le plan
psychomoteur, affectif, social, cognitif et culturel».
De la fenêtre, j’entends un élevé qui dit :
- Oui, oui. C'est vrai. Je peux créer des œuvres dramatiques, les interpréter et les
apprécier.
J'entends un enseignant de théâtre qui dit :
Selon le Nouveau Programme de formation de l'école québécoise, la classe d’art
dramatique est un lieu dynamique, l’enseignant est un guide, un expert, un
animateur et un passeur culturel et l’élève est acteur et responsable de ses
apprentissages.
Le programme invite à une nouvelle façon d'enseigner. Il demande un
professionnel préparé qui vise l'autonomie des élèves et le développement de
plusieurs compétences, comme celles d'Exercer son jugement critique; de Mettre
en œuvre sa pensée créatrice; d'Actualiser son potentiel; de Coopérer; de
7. Résoudre des problèmes; etc.
Quand j'ai choisi le Québec pour fait ma recherche, c'était spécialement pour la
qualité de la formation en théâtre de l'UQAM.
Je me souviens que quelqu'un m'a demandé: pourquoi le Québec? Tu peux aller
en France. J'ai répondu qu'aujourd'hui le Québec développe davantage la pratique
du théâtre.
Le programme de «culture, toute une école», la formation en art dramatique dans
les écoles, les organismes culturels, la politique de plusieurs villes pour
développer les arts, etc. J'ai été très heureux lorsque j'ai constaté que le
gouvernement valorisait grandement des gens comme citoyens culturels.
L'École Supérieure du Théâtre est aujourd’hui une référence pour la formation en
théâtre, principalement pour former de nouveaux enseignants en théâtre. Je sais
que les cours offerts sont d'une belle diversité et que la pratique et la théorie sont
intimement liées. De plus, les stages en contexte sont structurés et préparent
bien les futurs enseignants à la réalité scolaire.
Le cours d'intervention scolaire et sociale s'intègre assurément dans le
programme de formation des futurs enseignants pour trois raisons :
- il assure le lien entre l’école et la communauté,
- il tient compte de la réalité multiculturelle québécoise,
particulièrement montréalaise,
- il fait la jonction entre la pédagogie du théâtre et la transformation
sociale
Je suis confiant que mon expérience peut enrichir ce nouveau cours. Je vous ai
fait un résumé de ma vie et de mes domaines dans l'enseignement du théâtre,
dans l'expérience culturelle et sociale. Aujourd'hui, au Québec, je participe aussi à
un groupe d'étude sur la Médiation culturelle avec l'UQAM, sur les processus
créatifs au Théâtre des Petites Lanternes à Sherbrooke, dans le secteur culturel
du Centre des études sur le Brésil-CERB de l'UQAM aussi. Je contribue
actuellement à la mise en relation du ministère de la Culture du Brésil avec le
gouvernement du Québec, ainsi qu'à une entente entre l'Université fédérale de
8. Bahia et l'UQAM. Je suis déjà engagé dans les plusieurs actions au Québec.
Je m'éloigne de la fenêtre. C'est tout clair. Plusieurs enfants entrent sur
la scène. Ils prennent toute la place. Chacun se présente : je suis Chinois,
Québécois, Latino, moi Africaine, et moi Haïtienne; Égyptienne, etc.
Wow! C'est la grande immigration de 50 000 personnes chaque année.
Je les invite au centre de la scène: Venez ici avec moi!
Je prends le petit arbre dans mes mains, il symbolise l'école. Tous les enfants le
touche.
- Écoutez tout le monde. L'arbre vous parle! Il dit : prenez bien soin de moi!
À ce moment, une personne du public m’appelle et me demande:
- Qui êtes-vous?
- Je suis un artiste-professeur.
- Vous êtes prêt pour enseigner à l'UQAM?
- Oui. C'est mon expertise, l'intervention scolaire et sociale.
-Quelle est la principale responsabilité d'un enseignant de théâtre?
- Pour moi, c'est d'écouter les élèves. Le cours de théâtre est un espace pour
s'écouter les uns les autres.
Tous les enfants sont en cercle. Il y a un enfant spécial qui vient me
rencontrer. Il me dit : vous devez sortir de la scène, on va commencer le
spectacle. On va faire tout ce que vous nous avez enseigné.
Je sors. Sur la scène, que des enfants. Dans le public, un parent pleure. Il
regarde son fils qui a eu tellement de difficulté dans leur pays. Mais
aujourd'hui, il sourit. Quelque chose a changé; la scène transforme les
gens.
Merci.