Conservation des documents au sein d'une association
François fillon avis de tempête sur la sécurité sociale
1. EN ATTENDANT H5N1
le blog de Christian Lehmann
Qui c'est le monsieur?
Christian LEHMANN Médecin généraliste depuis 28 ans, romancier, Christian Lehmann est notamment l’auteur
du best-seller No Pasaran Le jeu ( Ecole des Loisirs) , de la Folie Kennaway (Rivages Noir), Une éducation
anglaise (L'Olivier) et Patients si vous saviez (Robert Laffont) ainsi que Les Fossoyeurs...notre santé les intéresse
( Privé-Michel Lafon). www.christianlehmann.fr Il fut en 2007 l'un des initiateurs de l'appel contre les franchises
sur les soins. En 2012, il publie chez Casterman ( avril ) le premier tome de l'adaptation en bande dessinée de
"No Pasaran, le jeu", et à l'Ecole des Loisirs ( octobre) "No Pasaran, Endgame", la conclusion de la trilogie.
D'après nos sources, conscient que le ridicule peut tuer, il préfèrerait se tirer une balle dans le testicule gauche
plutôt qu'être nommé Chevalier des Arts et des Lettres par Frédéric Mitterrand sous le règne de Nicolas Sarkozy.
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22/11/2016
François Fillon: Avis de tempête sur la Sécurité Sociale
3. Fillon. Le châtelain, le catho, le réac. Le taiseux, le pessimiste, l’austéritaire. Ce
sera ( très probablement) Fillon. Hier moqué, il est aujourd’hui la coqueluche
des média. Les ondes bruissent de tous ses conseillers, tous ses supporters
libéraux venus vanter ses réformes à venir, ses réformes d’avenir : Thatcher, le
retour.
Fillon, je le vois venir depuis longtemps. Il était premier ministre de Nicolas
Sarkozy quand celui-ci a mis en place les franchises sur les soins, que j’ai
combattues à l’époque aux côtés de Martin Winckler puis de Bruno-Pascal
Chevalier. La pétition contre les franchises sur les soins a été relayée partout, a
été signée par plus de 350.000 personnes. Avec le succès que l’on sait… Il
n’empêche. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour combattre. Cela permet de se
compter, de faire reculer en partie l’adversaire, de le forcer à se dévoiler.
Et c’est ce que fit Fillon à l’époque, Fillon qui soutenait totalement Sarkozy sur
ce dossier. L’agité du bocal alignait les vannes foireuses sur les patients
irresponsables qu’il fallait pénaliser, en anonnant son bréviaire d’assureur de
mobylettes : « Nous parlons d’assurance-maladie… Y a-t-il une seule
assurance sans franchise ? » Escamotant le mot « solidaire », Sarkozy traitait
la protection sociale comme une simple question d’assurance commerciale.
Fillon n’était pas en reste : « Comment comprendre que le paiement d’une
franchise soit insupportable dans le domaine de la santé alors qu’une charge de
plusieurs centaines d’euros par an pour la téléphonie mobile ou l’abonnement
internet ne pose pas de question ? »
Pour Fillon, la téléphonie mobile et la santé, même combat. Et sa proposition
était plus radicale encore que celle finalement retenue par Sarkozy : il s’agissait
de mettre en place une franchise globale, universelle, sur l’ensemble des
dépenses de santé, un seuil en-dessous duquel l’assurance-maladie ne
rembourserait rien du tout ( à la différence du complexe système actuel ou un
euro est retenu sur chaque consultation, et 50 centimes d’euro sur chaque boîte
de médicament, à hauteur de 50 euros).
4. Un tel système, toujours envisagé par François Fillon aujourd’hui, revient à
écarter du remboursement par l’Assurance-Maladie une forte proportion de
Français dont les dépenses n’atteignent pas 200 euros par an. Les inconvénients
socio-économiques de cette mesure sautent aux yeux : les jeunes, les bien
portants, continueraient à se voir ponctionner des cotisations d’assurance-
maladie sur leurs revenus… sans bénéficier du moindre remboursement. Quel
meilleur moyen pour détruire complètement l’adhésion déjà fragilisée à un
système d’assurance-maladie solidaire, pour pousser les Français dans les bras
de l’assurance privée. Sous la pression de l’opinion publique, Sarkozy avait
reculé, mais ses lieutenants expliquaient bien que ce ne serait que partie remise.
Et revoilà Fillon en selle, et revoilà sa franchise médicale universelle. Interviewé
dans le Quotidien du médecin en novembre 2015 sur les avantages de cette
mesure, il répond :
« D’abord, cela simplifierait le labyrinthe actuel des tickets modérateurs de
taux différents, de la participation forfaitaire de un euro ou des franchises qui
existent. Ensuite, ce système contribuerait à la responsabilisation des assurés. »
Et il enchaîne :
« Je propose aussi de centrer l’assurance-maladie sur un panier de soins de
base. Il ne s’agit pas de faire une médecine à deux vitesses mais de bien répartir
les rôles entre ce qui doit être couvert par la solidarité et l’assurance-maladie et
ce qui incombe aux choix individuels et aux organismes complémentaires. »
Plus récemment, dans son programme 2017, Fillon précise : il s’agit de réserver
l’assurance-maladie solidaire à la prise en charge des affections de longue durée
et des hospitalisations, et de laisser « le petit risque », les « consultations
courantes », aux mains de l’assurance privée.
A ce stade, un petit rappel. En 2007, dans le magazine Challenges, Denis
Kessler, ancien vice-président du MEDEF, ancien président du Siècle et ex-
directeur chez AXA, avait salué le programme de Nicolas Sarkozy dans
une chronique révélatrice et incendiaire aujourd’hui disparue du site du
magazine très libéral, dont je cite le plus éclairant :
« Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la
Résistance. (…) Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y
emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement
peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées,
d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique,
régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme…
A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce
programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a
5. été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit
aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du
Conseil national de la Résistance ! »
Défaire le programme du Conseil National de la Résistance, c’est détruire le
droit du travail, mais détruire aussi l’Assurance-Maladie solidaire, dont
l’existence met à mal l’appétit de gain des assureurs. Pour Kessler, inventeur des
concepts de « riscophilie » et de « riscophobie », la peur de la maladie peut
générer des dividendes conséquents pour les assureurs si et seulement si, les
Français vivent dans la terreur des conséquences financières d’un problème de
santé. Le programme de François Fillon va dans ce sens. En diminuant la part
des dépenses de santé prises en charge par la solidarité nationale à travers la
« Sécurité Sociale », il offre les soins médicaux et paramédicaux courants aux
assurances complémentaires, et augmente la compétitivité de la France à
l’international en diminuant fictivement les charges sociales.
( Fictivement, parce que les Français se retrouvent contraints de cotiser à une
complémentaire, voire à une surcomplémentaire)
Qui plus est, pour diminuer encore le coût de la protection solidaire, il suffit de
restreindre petit à petit le périmètre des affections de longue durée. C’est ce que
fit Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat, en faisant disparaître de la liste
des affections de longue durée prises en charge à 100% l’hypertension sévère.
Du jour au lendemain, au prétexte que l’hypertension artérielle sévère n’était pas
une maladie mais un facteur de risque de maladie, les soins, les examens
complémentaires, les médicaments de l’hypertension artérielle sévère ne furent
6. plus pris en charge. En clair, cela signifie que les patients hypertendus sévères
doivent assurer la charge de leurs soins tant que ne sont pas survenues les
complications quasiment inéluctables d’une maladie insuffisamment soignée.
Autrement dit : vous ne serez pris en charge qu’une fois que sera survenu
l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral. Dans un pays où
l’espérance de vie d’un ouvrier est de 7 ans inférieure à celle d’un cadre, cela
revient à aggraver le risque de ceux qui, pour cause de contraintes financières,
ne pourront payer l’intégralité des soins de prévention nécessaire. Au-delà du
caractère choquant de cette mesure, sa débilité saute aux yeux sur le plan
financier. Le coût pour la collectivité de la prise en charge d’un accident
vasculaire cérébral étant largement supérieur à celui de la prise en charge
préventive.
A ce stade, je voudrais faire une incise. Nous ne vivons pas le deuxième
quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais le premier ( et unique) quinquennat de
François Hollande, adversaire auto-proclamé de la Finance. Parmi les
innombrables réformes du Président Normal, j’avais raté la dépénalisation du
cannabis, seule explication possible à la pétition proprement stupéfiantesignée
récemment par une soixantaine d’artistes proches des communicants de l’Elysée.
Alors que le Président recueille 96% d’insatisfaits ( soit, d’après un calcul au
doigt levé, plus de 49.3 millions de mécontents), les artistes hollandolâtres
s’élèvent contre le « Hollande-bashing » en énumérant une liste de Prévert de
magnifiques réformes du quinquennat, parmi lesquelles, en santé : « la
complémentaire santé pour tous, la généralisation du tiers payant ». Il est
intéressant que les deux « réformes » soient liées, tant elles découlent, sous un
vocabulaire orwellien, du même objectif : vendre la santé aux assureurs, en
mettant les soignants sous leur dépendance financière et en forçant les salariés à
cotiser à une complémentaire aux acquets. Si la complémentaire pour tous a été
mise en place, avec d’amères surprises au final pour les assurés, le tiers-payant
généralisé est une annonce vide de sens, dans la mesure où le projet totalement
virtuel s’est heurté dès le départ à une impossibilité technique : les assureurs
désiraient être en lien informatique direct avec les professionnels de santé sans
passer par l’Assurance-maladie, et les solutions informatiques bancales promises
à de multiples reprises par leurs représentants de commerce proches du pouvoir
socialiste ( autrefois affublés du doux nom de « mutualistes ») se sont révélées
poudre aux yeux et élixir d’huile de serpent.
Rappelons que du temps où ils étaient dans l’opposition, Hollande et sa clique
( Marisol Touraine, Catherine Lemorton, etc…) n’avaient pas eu de mots assez
durs à l’encontre du bilan santé de Nicolas Sarkozy : ses franchises sur les soins
étaient intolérables, son détricotage des ALDs était une honte et un non-sens
médical. Une fois au pouvoir, faut-il le rappeler, les socialistes ont maintenu les
franchises sur les soins ( allant jusqu’à projeter de les prélever directement sur le
compte bancaire des assurés), la pénalisation des diabétiques, la
7. responsabilisation des cancéreux. Marisol Touraine n’est jamais revenue sur la
sortie de l’hypertension artérielle sévère du périmètre des ALD.
En un mot comme en cent, le cap est resté le même. La révolution voulue par
Kessler, la destruction des acquis sociaux du pacte de 45 voulue par les Maîtres
des Forges, s’est poursuivie, portée par d’autres visages malhonnêtes, parée
d’éléments de langage différents. Mais elle s’est poursuivie. Et arrivant demain
au pouvoir, Fillon n’aurait qu’à reprendre la suite, qu’à accélérer le mouvement,
sans dévier.
Qui plus est, nul doute qu’il saura s’adresser aux médecins, aux soignants
meurtris par le désaveu constant et le mépris affiché de Marisol Touraine et de
son cabinet pour trouver les paroles de réassurance nécessaires.
« La loi HPST était une loi nécessaire, notamment pour l’hôpital et l’association
des cliniques au service public. Je ne regrette pas la création des ARS. Mais leur
mise en œuvre s’est accompagnée d’une intervention administrative tatillonne et
trop centralisée. Je veux faire des ARS un outil de modernisation associant
étroitement les professionnels de santé, dans l’esprit de liberté et de
responsabilité qui est le cœur de la réforme que je propose. »
Ou encore :
« Mon objectif est de garantir aux médecins de ville une juste rémunération à
laquelle ils ont droit du fait de leurs études, de leurs responsabilités et de leur
dévouement. Ne restons pas figés sur le paiement à l’acte mais développons en
complément des modes de rémunération correspondant à des objectifs partagés
en termes de santé publique. Je redis qu’un système de nature à garantir
l’équilibre financier de l’assurance-maladie est le plus à même d’offrir aux
médecins cette juste rémunération. »
Il parlera du joug croissant d’une administration que son camp a contribué à
mettre en place, il promettra des améliorations des conditions de travail des
médecins en échange d’une main de fer sur les dépenses de santé. Et certains de
ceux qui ont hurlé le plus fort contre les réseaux de soins que voulaient mettre
en place le pouvoir socialiste et les « mutuelles », se retrouveront demain invités
à contracter avec les mêmes assureurs pour obtenir le règlement des soins de
leurs patients.
Hollande aura été le trait d’union entre Sarkozy et Fillon, le concierge à qui on
laisse les clés le temps d’une course. En toute franchise : un quinquennat pour
rien.
8. Christian Lehmann
18:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
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