La vitesse est à la base des transports (Ollivro, 2000 ; 2006) : de nos jours, qu’il s’agisse du tramway, du train, de l’automobile ou de l’avion, leur utilisation est conditionnée par cette idée qu’ils nous font gagner du temps avec aisance (Gosling, 2010). Du fait de son développement démocratique, l’automobile en constitue l’exemple le plus illustratif ; plus encore, ce mode de transport se désolidarise des autres par son caractère individuel.
Pour autant, si l’automobile est assimilée à un objet de vitesse (à tort ?), cette communication entend mettre en évidence la lenteur qu’exprime l’automobilisme – à cette occasion, nous reprenons à notre compte l’idée défendue par Ivan Illich (1973) selon laquelle l’automobile, ramenée à toutes les dépenses qu’elle occasionne, ne roulerait qu’à la moyenne de 6km/h. L’automobile au sens de véhicule à moteur, pour faire usage de sa vitesse, requiert nécessairement un réseau routier viable et entretenu : c’est ce que Bruno Latour appelle les « moteurs immobiles de la mobilité » (Latour, 2009). De plus, elle nécessite l’apprentissage d’une culture qui s’élabore par l’intermédiaire d’acteurs et d’actant qu’il s’agisse des pouvoirs publics, des associations automobiles, des littératures automobiles, etc. Enfin, les pratiques de mobilité que permet l’automobile sont astreintes à une éclosion progressive : le tourisme automobile s’est constitué au fil des ans par exemple. Ces trois éléments, indissociables de l’automobile, sont réunis sous le terme d’ « automobilisme » (Flonneau, 2008). Ils constituent un système logique et cohérent qui permet aux conducteurs de faire usage de la vitesse.
Pour faire état de cette lenteur, nous nous proposons d’utiliser l’approche historienne et de remonter au début de l’automobile et de l’automobilisme. Pour cela, nous nous appuyons sur notre thèse de doctorat consacrée à l’essor du système automobile dans le département du Rhône et la région de Québec entre 1919 et 1961 (Faugier, 2013). A travers ce travail, nous analysons diverses sources telles que les revues des clubs automobiles, les sources gouvernementales relatives à l’élaboration du réseau routier et à la normalisation, les guides touristiques, les sources statistiques et l’iconographie.
On peut dès lors se demander dans quelle mesure l’installation de l’automobilisme fait-il preuve de lenteur dans le Rhône et la région de Québec au cours du XXe siècle ? En reprenant les trois thématiques évoquées précédemment – le réseau routier, la culture automobile et les pratiques –, nous montrerons la lenteur avec laquelle se développe l’automobilisme pour permettre à l’automobile d’exercer la vitesse. Nous conclurons en proposant une définition de la vitesse en regard de l’historiographie et une réflexion globale sur ce concept (Studeny, 1990 ; Guigueno 2009 & 2010).
« La vitesse n’est que lenteur » : l’exemple de l’automobilisme
1. « La vitesse n’est que lenteur » :
l’exemple de l’automobilisme
Etienne Faugier, Institut d’histoire,
Université de Neuchâtel
2. « Aimons la vitesse […] mais vérifions
toujours nos freins. »
3. Réflexion Illichéenne
• « L’Américain type consacre plus de 1500 heures par an à
sa voiture : il y est assis, en marche ou à l’arrêt, il travaille
pour la payer, pour payer l’essence, les pneus, les
péages, l’assurance, les contraventions et les impôts. Il
consacre quatre heures par jour à sa voiture, qu’il s’en
serve, s’en occupe ou travaille pour elle. Et encore, ici ne
sont pas prises en compte toute ses activités orientées
par (p.22) le transport : le temps passé à l’hôpital, au
tribunal ou au garage, le temps passé à regarder à la
télévision la publicité automobile, le temps passé à
gagner de l’argent pour voyager pendant les vacances,
etc. A cet Américain, il faut donc 1500 heures pour faire
10 000 km de route, six kilomètres lui prennent une
heure. »
• Energie et équité (1973)
4. • Instaurer un réseau viable et entretenu : les
immobiles de la mobilité
Itinéraire de route :
• Le long apprentissage de la culture automobile
• Se pratiquer à l’automobile : les usages de
l’automobilisme
11. Conclusion
• L’automobile va vite grâce à son
système lentement développé
(Un demi-siècle environ).
• La vitesse de l’automobilisme
varie selon l’espace-temps
spécifique à la société.
• Elle est la source
d’uniformisation des territoires
• La vitesse n’exclut pas la lenteur
de la mobilité (tourisme,
insertion de l’automobilisation au
sein de la société
12. Ce diaporama a servi de support à la
communication d'Étienne FAUGIER à
l'occasion du 12e
colloque Doc'Géo, qui
s'est déroulé à Pessac (Gironde) les 9 et
10 octobre 2014.
Ce document est mis à
disposition sous les termes
de la licence ouverte, dont le
texte est disponible sur le site
de la mission ETALAB.
« La vitesse n’est que
lenteur » : l’exemple de
l’automobilisme