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N U M É RO 7




   La restauration
du capital naturel
en zones arides et
       semi-arides
   Allier santé des écosystèmes
    et bien-être des populations




          Comité Scientifique Français de la Désertification
            French Scientific Committee on Desertification
Les dossiers thématiques                                     Comité Scientifique Français de la Désertification
                  du CSFD numéro 7
                                                                            La création, en 1997, du Comité Scientifique Français de la
                Directeur de la publication                                 Désertification, CSFD, répond à une double préoccupation des
                      Marc Bied-Charreton                                   ministères en charge de la Convention des Nations Unies sur la lutte
                        Président du CSFD                                   contre la désertification. Il s’agit d’une part de la volonté de mobiliser
                       Professeur émérite de                                la communauté scientifique française compétente en matière de
                     l’Université de Versailles
           Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ, France)                         désertification, de dégradation des terres et de développement des
                Chercheur au Centre d’économie                              régions arides, semi-arides et subhumides afin de produire des
              et d’éthique pour l’environnement et                          connaissances et servir de guide et de conseil aux décideurs politiques
          le développement (C3ED-UMR IRD/UVSQ)
                                                                            et aux acteurs de la lutte. D’autre part, il s’agit de renforcer le
                                                                            positionnement de cette communauté dans le contexte international.
                               Auteurs
                                                                            Pour répondre à ces attentes, le CSFD se veut une force d’analyse et
                        Morgane Lacombe                                     d’évaluation, de prospective et de suivi, d’information et de
        Doctorante, Centre d’Écologie Fonctionnelle                         promotion. De plus, le CSFD participe également, dans le cadre des
 et Évolutive/ Centre National de la Recherche Scientifique
                                                                            délégations françaises, aux différentes réunions statutaires des
                   (CEFE/CNRS, France)
                mlacombe@frm-france.com                                     organes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la
                                                                            désertification : Conférences des Parties, Comité de la science et de la
                          James Aronson                                     technologie, Comité du suivi de la mise en œuvre de la Convention.
       Chercheur, Centre d’Écologie Fonctionnelle et
   Évolutive/ Centre National de la Recherche Scientifique
                                                                            Il est également acteur des réunions au niveau européen et
                   (CEFE/CNRS, France)                                      international.
                 james.aronson@cefe.cnrs.fr
                                                                            Le CSFD est composé d'une vingtaine de membres et d'un Président,
                   Avec la participation de                                 nommés intuitu personae par le ministère de l’Enseignement
                      Marc Bied-Charreton,                                  supérieur et de la Recherche et issus des différents champs
                          Président du CSFD                                 disciplinaires et des principaux organismes et universités concernés.
                                                                            Le CSFD est géré et hébergé par Agropolis International qui rassemble,
                   Édition et iconographie                                  à Montpellier et dans le Languedoc-Roussillon, une très importante
    Isabelle Amsallem (Agropolis Productions, France)                       communauté scientifique spécialisée dans l’agriculture, l’alimentation
                 agropolisproductions@orange.fr                             et l’environnement des pays tropicaux et méditerranéens. Le Comité
                                                                            agit comme un organe indépendant et ses avis n'ont pas de pouvoir
                  Conception et réalisation                                 décisionnel. Il n'a aucune personnalité juridique. Le financement de
             Olivier Piau (Agropolis Productions)                           son fonctionnement est assuré par des subventions du ministère des
                 agropolisproductions@orange.fr                             Affaires étrangères et européennes et du ministère de l’Écologie, du
                                                                            Développement et de l’Aménagement durables, la participation de ses
                                                                            membres à ses activités est gracieuse et fait partie de l'apport du
                                                                            ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

        Remerciements pour les illustrations                                Pour en savoir plus :
David A. Bainbridge (Professeur agrégé, Alliant International University,   www.csf-desertification.org
  États-Unis d’Amérique), Danièle Cavanna (Photothèque INDIGO de
   l’Institut de recherche pour le développement, IRD, France), Andre
  Clewell (Co-coordinateur, RNC Alliance), Jordi Cortina (Éditeur de la
revue Ecosistemas, Espagne), Angela Osborn (Directrice des commandes
 et des droits, Island Press, États-Unis d’Amérique), Christelle Fontaine
 (Assistante, CEFE/CNRS, France), Sue Milton (Professeur, University of
 Stellenbosch, University of Cape Town, Afrique du Sud), David Tongway
 (Membre honoraire, Commonwealth Scientific and Industrial Research
      Organisation [CSIRO Sustainable Ecosystems], chercheur invité,
    Australian national University, Australie), ainsi que les auteurs des
                différentes photos présentes dans le dossier.

     Impression : Les Petites Affiches (Montpellier, France)
          Dépôt légal : à parution • ISSN : 1772-6964
                   Imprimé à 1 500 exemplaires

       © CSFD/Agropolis International, mars 2008                               La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement
                                                                               La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement
                                                                                à la charge du Comité, grâce à l'appui qu'il reçoit des ministères français.
                                                                               à la charge du Comité, grâce à l'appui qu'il reçoit des ministères français.
Pour référence : Lacombe M., Aronson J., 2008. La restauration du capital
naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et             Les dossiers thématiques du CSFD sont téléchargeables librement
                                                                                    Les dossiers thématiques du CSFD sont téléchargeables librement
bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. N°7. Mars                                sur le site Internet du Comité.
                                                                                                      sur le site Internet du Comité.
2008. CSFD/Agropolis International, Montpellier, France. 36 pp.
Avant-propos




                                                    L’
                         Marc Bied-Charreton                       humanité doit dorénavant faire face à
                               Président du CSFD                   un problème d’envergure mondiale : la
               Professeur émérite de l’Université                  désertification, à la fois phénomène naturel et
          de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines                  processus lié aux activités humaines. Jamais la
           Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ           planète et les écosystèmes naturels n’ont été autant dégradés
                                                    par notre présence. Longtemps considérée comme un
                                                    problème local, la désertification fait désormais partie des
                                                    questions de dimension planétaire pour lesquelles nous
                                                    sommes tous concernés, scientifiques ou non, décideurs
                                                    politiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est
                                                    dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participer
                                                    la société civile, et dans un premier temps de lui fournir
                                                    les éléments nécessaires à une meilleure compréhension
                                                    du phénomène de désertification et de ses enjeux. Les
                                                    connaissances scientifiques doivent alors être à la portée
                                                    de tout un chacun et dans un langage compréhensible par
                                                    le plus grand nombre.
                                                    C’est dans ce contexte que le Comité Scientifique Français
                                                    de la Désertification a décidé de lancer une nouvelle série
                                                    intitulée « Les dossiers thématiques du CSFD » qui veut fournir
                                                    une information scientifique valide sur la désertification,
                                                    toutes ses implications et ses enjeux. Cette série s’adresse aux
                                                    décideurs politiques et à leurs conseillers du Nord comme
                                                    du Sud, mais également au grand public, aux journalistes
                                                    scientifiques, du développement et de l’environnement. Elle
                                                    a aussi l’ambition de fournir aux enseignants, aux formateurs
                                                    ainsi qu’aux personnes en formation des compléments
                                                    sur différents domaines. Enfin, elle entend contribuer à
                                                    la diffusion des connaissances auprès des acteurs de la
                                                    lutte contre la désertification, la dégradation des terres et
                                                    la lutte contre la pauvreté : responsables d’organisations
                                                    professionnelles, d’organisations non gouvernementales et
                                                    d’organisations de solidarité internationale.
                                                    Une douzaine de dossiers sont consacrés à différents thèmes
                                                    aussi variés que les biens publics mondiaux, la télédétection,
                                                    l’érosion éolienne, l’agro-écologie, le pastoralisme, etc., afin
                                                    de faire le point des connaissances sur ces différents sujets. Il
                                                    s’agit également d’exposer des débats d’idées et de nouveaux
                                                    concepts, y compris sur des questions controversées,
                                                    d’exposer des méthodologies couramment utilisées et des
                                                    résultats obtenus dans divers projets et enfin, de fournir des
                                                    références opérationnelles et intellectuelles, des adresses et
                                                    des sites Internet utiles.
                                                    Ces dossiers seront largement diffusés - notamment dans
                                                    les pays les plus touchés par la désertification - sous format
                                                    électronique à la demande et via notre site Internet, mais
                                                    également sous forme imprimée. Nous sommes à l’écoute
                                                    de vos réactions et de vos propositions. La rédaction, la
                                                    fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement
                                                    à la charge du Comité, grâce à l’appui qu’il reçoit des
                                                    ministères français. Les avis exprimés dans les dossiers
                                                    reçoivent l’aval du Comité.

                                                                                                                  1
Préface




C
          e dossier thématique n°7 du CSFD aborde,               végétales (pâturages, bois de feu, etc.). Aujourd’hui,
          dans une démarche de communication, de                 même ces besoins les plus élémentaires ne peuvent
          partage et de discussion, la présentation des          être satisfaits. Il est temps de concevoir, proposer
          éléments majeurs de l’approche que sous-               et promouvoir une approche alternative de gestion
tend cette locution ‘Restauration du capital naturel’            environnementale qui soit socio-économiquement
appliquée aux zones arides et semi-arides. L’objectif            équitable et écologiquement durable.
principal est (1) de participer à la promotion de cette
approche au sein des sociétés et des communautés                 La mise en place d’une telle approche requiert de
les plus touchées par les processus de dégradation               profondes modifications du comportement de nos
des espaces et des ressources qu’elles gèrent et (2)             sociétés (des acteurs de terrain aux politiques) vis-
convaincre les gouvernements et les décideurs des aides          à-vis de l’environnement naturel. Ces modifications
publiques et privées, d’inscrire leurs projets dans une          seront difficiles et ne pourront, seules, suffire à assurer
telle démarche.                                                  les besoins fondamentaux des populations si elles ne
                                                                 sont pas couplées à la restauration du capital naturel
Ce dossier résulte d’une compilation bibliographique des         déjà largement dégradé. En outre, faisant le constat
travaux scientifiques disponibles, relatifs à la restauration     que toute détérioration du capital naturel entraîne une
du capital naturel en zones arides et semi-arides. Ces           détérioration du capital humain et du capital sociétal, il
travaux, conduits déjà sur plusieurs décennies, ont permis       est proposé de promouvoir également la restauration du
de dégager concepts et définitions qui, pour la majorité          capital social, élément complémentaire indispensable à
de ceux présentés ici, sont adaptés de l’ouvrage édité           la réussite des projets de restauration du capital naturel.
par Aronson et al. (2007a) regroupant les contributions
de 71 scientifiques, gestionnaires et journalistes œuvrant        La restauration du capital naturel implique la facilitation
dans les domaines de l’écologie, de l’économie et de             du flux d’informations, du partage et de la communica-
l’économie écologique.                                           tion des concepts, en particulier scientifiques, sur lesquels
                                                                 repose cette approche. Les réponses à des interrogations
Plusieurs sites, disséminés en zones arides ou semi-             complémentaires abordées dans ce dossier, comme, par
arides à travers le monde, ont été choisis pour illustrer        exemple, qui doit investir pour restaurer le capital naturel
les concepts élémentaires de la restauration du capital          et le capital social ou comment assurer la surveillance et
naturel à travers des ‘visites virtuelles’ sur le terrain. Ces   le suivi écologique à long terme, sont proposées dans les
exemples proviennent de l’ouvrage rédigé par Clewell &           précédents dossiers thématiques du CSFD. La demande
Aronson (2007) destiné aux personnes impliquées, sur le          sociale en matière de restauration des écosystèmes
terrain, par les activités de cette profession émergente         dégradés étant faible alors que se poursuit la dégradation
qu’est la restauration écologique.                               des milieux et la perte de biodiversité, il est de ce fait
                                                                 urgent de se préoccuper de la préservation des ressour-
Ces zones climatiques extrêmes ont souvent été—et sont           ces génétiques nécessaires à la bonne concrétisation des
le plus souvent encore—le lieu de conflits sociaux pour           projets de restauration écologique.
l’accès aux ressources naturelles. Ces conflits, exacerbés
par une pauvreté extrême et des conditions de vie                                                                  Édouard Le Floc’h
précaires, sont majoritairement liés à une gestion inap-                                             ancien chercheur, CEFE/CNRS
propriée des ressources naturelles aussi primordiales                                                     ancien membre du CSFD
pour la vie des gens que sont l’eau, la terre, les ressources




 2                                                                        La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
Sommaire




4                                                       24
La restauration du capital naturel : une nécessité      Faut-il investir dans la RCN en zones arides ?
écologique et socio-économique
                                                        28
8                                                       Perspectives : vers une relation durable
Qu’est-ce que le capital naturel ?                      entre l’homme et l’environnement ?

14                                                      30
Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ?      Pour en savoir plus...

18                                                      35-36
Les bénéfices socio-économiques de la restauration du   Lexique - Acronymes et abréviations
capital naturel dans les zones arides                   utilisés dans le texte



Sommaire                                                                                                 3
La restauration du capital
naturel : une nécessité
écologique et socio-économique




L’
              empreinte       écologique de l’humanité
              est aujourd’hui largement supérieure à la
              capacité de charge de la Terre. Autrement
              dit, le taux de consommation des ressources
naturelles et le taux de dégradation environnementale et
d’émission des déchets issus de l’exploitation effrénée de
ces ressources sont supérieurs au taux de renouvellement
et d’absorption des écosystèmes. L’humanité a com-
mencé à grignoter ses réserves. Cette situation inédite
dans l’histoire de l’humanité, se traduit par l’apparition
conjointe de deux crises mondiales inextricablement
liées : l’une écologique, l’autre humanitaire.

La crise écologique :
le résultat d’un système économique

La crise écologique se traduit principalement par la perte
de la biodiversité, la réduction des espaces naturels et
l’érosion de la fonctionnalité des écosystèmes à une
échelle locale, régionale et globale (MEA, 2003). De ces
nouvelles conditions environnementales résultent, entre        et d’une modification en profondeur de nos modes de
autres, le réchauffement climatique ou la diminution           consommation (Aronson et al., 2007a). L’expérience
d’eau potable facilement accessible (Vitousek et al., 1997 ;   montre, en effet, que les projets de restauration
Wackernagel et al., 2002).                                     n’incorporant pas une modification des modes
                                                               d’exploitation des ressources restaurées, sont voués à
Il est aujourd’hui admis que les hommes—de par les             l’échec, les causes générant les même effets, c’est-à-dire
systèmes et structures économiques, sociaux et culturels       la surexploitation jusqu’à la dégradation de la ressource
auxquels ils appartiennent—sont responsables de                (Makhlouf, 1995).
cette dégradation (Makhlouf, 1995). Les conséquences
immédiates pour l’humanité sont l’exacerbation des             En milieu aride et semi-aride, l’exploitation jusqu’à
conflits pour l’acquisition des ressources et la perte des     la dégradation des terres est souvent le résultat de
biens et services naturels (p. ex. fourniture de bois,         conditions socio-économiques précaires. En effet, la
séquestration du carbone…). Or, ces biens et services ren-     satisfaction des besoins alimentaires de base est une
dus par les écosystèmes sont indispensables à la survie        priorité pour les hommes et les troupeaux.
et au développement de toute société. En conséquence,
une modification de nos comportements d’exploitation           La crise humanitaire : une dégradation
et de distribution des ressources naturelles s’impose.
                                                               de la biosphère au détriment des plus pauvres
Dans les contextes démographique et économique                 Les méthodes actuelles d’exploitation et de distribution
actuels, la seule conservation des ressources naturelles       des biens et services naturels sont le plus souvent
n’est pas suffisante pour assurer le minimum de biens et       réalisées au détriment des groupes de population les plus
services nécessaires aux hommes. En effet, l’état actuel       pauvres (MEA, 2005). La répartition inégale des richesses
du capital naturel au niveau mondial est déjà trop             qui en découle est, à son tour, un moteur de la dégradation
bas pour continuer à soutenir la plupart des systèmes          massive des écosystèmes. En effet, la nécessité pour
économiques des pays du Nord. La restauration                  les plus pauvres de se procurer le minimum vital se
écologique des écosystèmes dégradés est nécessaire.            réalise souvent par le biais de méthodes hautement
En revanche, celle-ci est vaine si elle n’est pas couplée      destructives pour l’environnement. La dégradation des
à la mise en place de systèmes d’exploitation durables         ressources naturelles qui en résulte, entraîne en retour



 4                                                                      La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
Zoom
                                                                                    L’empreinte écologique : impact de nos modes
                                                                                    de vie sur l’environnement

                                                                                    La notion d’empreinte écologique a été développée par William
                                                                                    Rees et Mathis Wackernagel de l’Université de Colombie-
                                                                                    Britannique au début des années 90 (Rees et Wackernagel,
                                                                                    1994).

                                                                                    Le calcul de l’empreinte écologique permet une estimation de
                                                                                    la quantité de capital naturel nécessaire au maintien du mode
                                                                                    de vie d’une population humaine définie. L’approche de calcul
                                                                                    repose sur une réinterprétation du concept de capacité de
                                                                                    charge en prenant en compte le contexte économique.

                                                Débitage à la tronçonneuse
                                           d’une grume géante près du port          La capacité de charge est définie par le nombre maximum
                                           à bois à San-Pédro, Côte d’Ivoire.       d’individus de la même espèce qui peut être maintenu
                                                        P Haeringer © IRD
                                                         .
                                                                                    indéfiniment dans un habitat donné comme, par exemple, la
                                                                                    taille d’une population humaine vivant dans une région isolée.
et rapidement une augmentation de la précarité de ces                               Mais si on prend en considération le caractère global de notre
populations. Dans les milieux dégradés des pays du Sud,                             économie à travers les échanges commerciaux, les différentes
les utilisateurs des ressources, déjà rares, ne peuvent pas                         régions habitées par l’homme ne peuvent plus être considérées
se permettre de « parier » sur des méthodes d’exploitation                          comme des unités indépendantes. La question de la quantité
plus durables alors qu’ils sont en concurrence directe                              d’individus qu’une région donnée peut supporter n’est donc plus
pour des réserves de plus en plus réduites.                                         pertinente pour les populations humaines. La question devient
                                                                                    alors quelle est la surface de terres et/ou de mer nécessaire pour
Ce cercle vicieux est en partie alimenté par la mondia-                             maintenir le flux de ressources correspondant à la consommation
lisation économique et l’accès à des ressources de                                  d’une population dans une région donnée. L’estimation de cette
plus en plus « lointaines ». On assiste, en effet, à un                             surface de terre et/ou de mer (peu importe où elle se trouve)
désintéressement des populations les plus riches pour les                           correspond à l’empreinte écologique de la population. C’est une
modes d’exploitation et leurs éventuelles conséquences                              mesure physique de la demande en capital naturel requis par
sur l’environnement. Un redressement de cette situation                             une population donnée.
est cependant possible à condition de :
                                                                                    Cette mesure a été popularisée depuis par l’Organisation
• Développer des méthodes d’évaluation économique                                   mondiale de protection de l’environnement (WWF) qui propose,
  des coûts et des bénéfices d’une approche alternative                             entre autres, à chacun de calculer son empreinte écologique
  d’exploitation, de conservation et de distribution des                            personnelle en ligne (www.wwf.fr/s_informer/calculer_votre_
  ressources naturelles.                                                            empreinte_ecologique) ainsi que des moyens pour la réduire.
• Responsabiliser l’utilisateur (individu ou groupe) de
  la ressource et lui procurer les moyens techniques et                             La notion d’empreinte écologique est un bon moyen de
  financiers lui permettant la mise en place de méthodes                            communication auprès du grand public pour mettre en évidence
  de gestion durable de cette ressource.                                            l’impact de nos modes de vie sur l’environnement et la précarité
• Assurer la redistribution équitable des ressources                                de notre situation sur la Terre. En effet, en 2001, l’empreinte
  permettant à l’utilisateur un retour par bénéfices                                écologique totale de l’humanité représentait déjà l’équivalent de
  directs.                                                                          1,20 planète (WWF, 2004) !
• Responsabiliser et informer les consommateurs au
  niveau international.



La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique                                                                  5
Pâturages extensifs sur sol brun vertique
                    développé sur schiste calcaire. L’érosion est due
                             au surpâturage. Nouvelle-Calédonie.
                                                  B. Bonzon © IRD




6   La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
C’est dans ce contexte que l’approche de restauration                               Aujourd’hui, le maintien des écosystèmes naturels
du capital naturel (RCN) apparaît comme un élément                                  est sacrifié en faveur de la croissance économique (de
clé de réponse à ces deux crises. En effet, cette nouvelle                          Groot, 1992), à savoir l’augmentation de la production
approche associe les objectifs de la restauration                                   (ou « taille » de l’économie) qui se traduit par une
écologique à ceux de l’amélioration du bien-être                                    élévation de la consommation (Daly et Farley, 2004). Ce
des populations humaines d’un point de vue socio-                                   choix politique repose en grande partie sur le fait que la
économique. La RCN sert ainsi de passerelle entre                                   conservation de la biodiversité, la lutte contre la pauvreté
les impératifs de (1) la conservation de la biodiversité                            ou le développement économique sont communément
et la protection de la santé des écosystèmes, (2) la                                perçus comme ayant des intérêts indépendants et
production locale à court terme, (3) le développement                               souvent conflictuels. Comme nous le verrons tout au
économique aux niveaux national et international et                                 long de ce dossier, la RCN vise à mettre en commun
(4) le développement économique local et durable                                    ces intérêts à priori différents. Elle associe restauration
(DELD).                                                                             écologique et développement durable afin de mettre en
                                                                                    synergie les bénéfices respectifs de ces deux approches.
La restauration du capital naturel :
                                                                                    Les régions menacées par la désertification corres-
 un élément clé de réponse                                                          pondent à environ 40 pour cent des terres disponibles.
Écologues, conservateurs de la nature et économistes                                Elles sont le plus souvent le lieu de pauvreté extrême
ont tous des vues différentes sur les objectifs de la                               (Requier-Desjardins et Caron, 2005). Une approche
restauration écologique ou du développement durable.                                visant à restaurer simultanément les écosystèmes
Un consensus sur la définition et l’interprétation de ces                           et la qualité de vie des populations locales est donc
termes clés est nécessaire pour informer les populations                            nécessaire en zones arides et semi-arides. Les notions
et leurs représentants sur les objectifs et les conséquences                        et concepts relatifs au capital naturel et à la pratique
des politiques en place et à venir.                                                 de sa restauration sont développés dans les prochains
                                                                                    chapitres.




      Zoom
  La désertification et ses conséquences
  pour les hommes
                                                                                      En parallèle, l’accroissement démographique et l’exacerbation
  La Convention des Nations Unis sur la lutte contre la                               de la précarité entraînent une exploitation accrue et non
  désertification (1994) définit le processus de désertification                      durable des biens et services naturels. Les pressions exercées
  comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-                      sur les écosystèmes créent un déséquilibre entre la demande
  arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi                    et la production de ces biens et services favorisant ainsi la
  lesquels les variations climatiques et les activités humaines ».                    désertification.

  De manière générale, les conditions climatiques imprévisibles                       Les causes et les processus responsables de la désertification
  (sécheresses récurrentes et irrégularité de la pluviométrie)                        sont cependant variables. Elles dépendent simultanément du
  couplées à la nécessité de satisfaire les besoins alimentaires                      contexte mondial (réchauffement climatique), régional (zone
  et énergétiques des populations locales sur le court terme                          géographique et politique) et local (mode d’exploitation et de
  (avec des pratiques inadaptées d’exploitation des ressources                        gestion des terres). Ainsi, la lutte contre la désertification doit
  naturelles) entraînent une forte dégradation environnementale.                      se traiter en termes de directives internationales, de politiques
  Celle-ci se traduit par une destruction du couvert végétal                          régionales et d’initiatives locales. Ces trois échelles (mondiale,
  (extension des superficies cultivées au détriment des espaces                       régionale et locale) sont étroitement dépendantes les unes
  pastoraux), une diminution de la fertilité, une modification des                    des autres (MEA, 2005). Il n’est pas superflu d’ajouter que la
  écosystèmes et une recrudescence des conflits autour de la                          résolution des problèmes à l’échelle locale doit être adaptée et
  gestion des ressources naturelles (Requier-Desjardins, 2007 ;                       spécifique à la demande exprimée (besoins, objectifs, valeurs)
  Requier-Desjardins et Caron, 2005).                                                 des populations locales.




La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique                                                                     7
Qu ’est-ce que
le capital naturel ?




L
          e capital naturel est un concept élaboré à
          la fin des années 70 (Jurdant et al., 1977) et
          développé, entre autres, par Costanza et Daly
          (1992). Ce concept est essentiel pour favoriser
la considération des problèmes environnementaux dans
les prises de décision économique. Le terme de capital
naturel permet aussi de mettre en évidence le rôle
limitant des ressources et des écosystèmes naturels dans
le développement socio-économique des populations et
des nations (Ekins et al., 2003). Pour bien comprendre le
sens du terme « capital naturel », expliquons tout d’abord
les différents types de capitaux qui existent.

Les différents types de capitaux
Il existe cinq types de capitaux (MEA, 2005) :

1. Le capital financier (monnaie et substituts)                   Le capital naturel renouvelable correspond à la structure
2. Le capital manufacturé (immeubles, routes et autres            et à la composition des écosystèmes naturels qui, à
  constructions humaines fixes)                                   travers leur fonctionnement, maintiennent le flux de
3. Le capital humain (efforts individuels ou collectifs et        biens et services naturels aux hommes. Le capital naturel
  compétences intellectuelles)                                    récupérable correspond au stock de ressources non
4. Le capital social (institutions, relations sociales,           vivantes qui sont continuellement recyclées à travers
  réseaux sociaux, croyances culturelles partagées et             leurs interactions avec les ressources vivantes sur de
  traditions)                                                     longues périodes de temps. Enfin, le capital naturel
5. Le capital naturel : métaphore économique qui                  cultivé correspond aux systèmes agro-écologiques de
  représente les stocks de ressources naturelles desquelles       production qui possèdent une capacité d’autorégulation
  dérivent les biens et services dont dépendent les               plus ou moins élevée selon leur mode de gestion.
  sociétés humaines. Le capital naturel peut être décliné
  en quatre types : (a) le capital naturel renouvelable           Actuellement, et depuis plusieurs décennies, le
  (espèces vivantes, écosystèmes), (b) le capital naturel         taux d’utilisation (dégradation) du capital naturel
  non renouvelable (pétrole, charbon, diamants), (c) le           est supérieur à son taux de renouvellement. Sa
  capital naturel récupérable (atmosphère, eau potable,           transformation en produits manufacturés détruit peu
  sols fertiles) et (d) le capital naturel cultivé (agriculture   à peu (et de plus en plus vite) les stocks de ressources
  et sylviculture).                                               naturelles et les biens et services qui en découlent.

Le capital naturel (définition de Daly et Farley, 2004)           La perte du capital naturel peut aussi entraîner la
consiste donc en l’ensemble des écosystèmes durables et           diminution consécutive du capital social et du capital
des paysages écologiques desquels les hommes dérivent             humain (Aronson et al., 2007a). Cette situation est
les services et produits (biens) qui améliorent leur bien-        particulièrement vraie en zones arides et semi-arides
être sans coût de production. Il est important de préciser        où la réduction constante des services naturels suite
que la totalité des stocks de capital naturel cultivé et          à la désertification favorise l’émigration et la perte
de capital manufacturé est dérivée du capital naturel             d’estime de soi ainsi que les conflits politiques (Requier-
renouvelable, récupérable ou non renouvelable.                    Desjardins et Caron, 2005).



 8                                                                         La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
La restauration du capital naturel : un élément de réponse au
                                                                       clivage disciplinaire et idéologique entre les sciences naturelles et
                                                                       les sciences sociales
                                                                                                                    D‘après Aronson et al., 2007b.



                                                                           Thèmes/            Environ-             Économie          Apport
                                                                            Visions         nementalisme              néo-            de le
                                                                                              extrême              classique       RCN pour
                                                                                                                      pure         pallier au
                                                                                                                                     clivage
                                                                                                                                   économie/
                                                                                                                                    écologie
                                                                                                                                   Peuvent
                                                                                                                                   concilier
                                                                                            Sont trop             Font des
                                                                                                                                   les besoins
                                          Paysage de savane arborée                         nombreux et           choix basés
                                                                                                                                   individuels
                                     avec des termitières, Cameroun.                        consomment trop       sur les
                                                   F. Anthony© IRD      Les gens                                                   et collectifs
                                                                                            (pour le bien-        principes
                                                                                                                                   et ceux des
                                                                                            être des autres       de l’intérêt
                                                                                                                                   générations
                                                                                            espèces).             individuel.
                                                                                                                                   actuelles et
                                                                                                                                   futures.
                                                                                                                                   État
                                                                                                                                   économique
L’interdépendance des différents types de capitaux doit                                     Profondément
                                                                                                                                   stable qui
être mise en évidence dans la lutte contre la déserti-                                      pessimiste,           Optimiste,
                                                                        Vision du futur                                            accepte
                                                                                            sauf en cas de        linéaire,
fication et la RCN en général. En effet, la dégradation                 économique                                                 les limites
                                                                                            changements           déterministe.
des terres et la baisse de la qualité de vie sont liées (MEA,                                                                      écologiques
                                                                                            radicaux.
                                                                                                                                   de la
2005). Leur restauration respective l’est donc aussi. La                                                                           croissance.
prise en compte de cette interdépendance est essentielle
                                                                                                                                   Les hommes
pour outrepasser les préjugés qui existent concernant                   Place de                                  Existe en        et la Nature
ces processus et qui limitent la résolution des problèmes                                   Fait partie de la
                                                                        l’Homme dans                              dehors des       constituent
                                                                                            Nature.
environnementaux et socio-économiques.                                  la Nature                                 écosystèmes.     des socio-
                                                                                                                                   écosystèmes.
                                                                                                                                   Valeurs
Conservation de la nature versus croissance conomique ?                 Détermination                             Valeur           multiples car
                                                                        de la valeur        Valeur intrinsèque    utilitaire,      l’économie
Traditionnellement, la conservation de la nature                        des biens           de toutes entités     déterminé        matérielle
et la restauration de la santé des écosystèmes sont                     et services         vivantes.             par les prix     dépend de
perçues comme incompatibles, voire contradictoires,                     naturels                                  du marché.       la santé des
                                                                                                                                   écosystèmes.
avec les objectifs du développement économique. Le
tableau ci-contre fait le point sur les contradictions                                                                             Respect de la
                                                                                            Toutes espèces        Rentabilité,     biosphère sur
que peut soulever une vision trop étroite de l’écologie                 Normes
                                                                                            vivantes méritent     intérêt          la base du
ou de l’économie. Ce tableau met aussi en valeur les                    conductrices et
                                                                                            respect et            personnel et     bien-être socio-
                                                                        de conduite
intérêts d’une approche intégrant simultanément la                                          attention.            utilitaire.      économique
restauration écologique et le développement durable.                                                                               durable.
Pour bien comprendre le contexte de la restauration                                                               Substitution     Substitution
du capital naturel, il est nécessaire de faire le point                                                           totale           partielle, le
                                                                                            Pas de substitution   possible entre   capital naturel
sur les différences idéologiques entre les concepts                     Substitution
                                                                                            possible pour le      le capital       et le capital
de croissance économique et de développement                            des capitaux
                                                                                            capital naturel.      naturel et       manufacturé
économique durable. Ces différences sont discutées                                                                le capital       sont com-
dans les chapitres suivants.                                                                                      manufacturé.     plémentaires.




Qu’est-ce que le capital naturel ?                                                                                                                 9
Zoom
Le modèle aux élastiques :                                                K : capital
                                                                                                            W. niveau
relation entre capital naturel et croissance                                                                de revenu
                                                                                                           par habitant           K Humain
                                                                                    K Technique
     Étape 1

La fonction de production est à quatre facteurs : naturel,
technique, humain, social. Le niveau de revenu W (représenté
par ☺) dépend de la quantité accumulée des quatre capitaux.
Dans cette représentation graphique, la fonction de production
W= f (N,T,H,S) est représentée par le fait que le niveau W est
« accroché par des élastiques » au sommet des quatre « piliers »
que sont les stocks de capitaux.
                                                                         K Naturel                                             K Social


     Étape 2                                                                                                                      K Humain
                                                                                    K Technique

On connaît de nombreux exemples où la croissance est fondée
sur une consommation de capital naturel. Prenons l’exemple
classique en Afrique de modes de culture inadaptés à la densité
croissante de la population et qui dégradent la fertilité des sols.
                                                                            Effet
Il y a ainsi une baisse progressive du capital naturel et donc
                                                                         de seuil             S
des rendements jusqu’au moment ou on atteint un certain seuil
S au-delà duquel il y a un effondrement de la fertilité et surtout
des rendements.
                                                                         K Naturel                                             K Social


     Étape 3
                                                                                     K Technique
                                                                                                                                  Perte de K
Passé le seuil S, le sol devient stérile. Le paysan tombe dans la                                                                 Humain liée
catégorie du manoeuvre non qualifié et cherche un autre travail.
Son capital humain perd ainsi de la valeur, ou autrement dit le
                                                                               Effet                                              Exode,
paysan ne peut plus exprimer les connaissances d’agriculteur
                                                                            de seuil              S                               bidonville
qu’il avait (savoir-faire, semences adaptées …) : c’est l’externalité
négative qu’engendre sur son capital humain un niveau insuffisant
de capital naturel et qui tire vers le bas son revenu.

                                                                          Effondrement
                                                                                                                                K Social
                                                                          K Naturel
     Conclusion

On conçoit qu’en approchant du seuil, un investissement qui                                                                           Préserve le
                                                                              Investir                                             capital humain
stoppe la dégradation du capital naturel et l’empêche de
                                                                           dans le capital                                         et lutte contre la
franchir le seuil S a une très grande rentabilité sociale et doit                                                                       pauvreté
                                                                              naturel
être privilégié. Cela vient de ce que les phénomènes de seuil
induisent des non linéarités dans le processus de croissance, qui,
il faut le reconnaître, sont difficiles à modéliser.
                                                                                                                                   K Humain

                                       D’après Girault et Loyer, 2006.


                                                                          K Naturel                                             K Social




10                                                                                  La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
Pays du Nord                                   Accroissement de             Pays du Sud
                                                                                 la tension et de la
                                                                                   bipolarisation

                                                  « Sur »                                                           « Sous »
                                       s       consommation                                                       consommation
                                                                                                                                           Con
                             ue   n ce                                                                                                        séq
                                                                                                                                                  u
                          éq                                                                                                                          en
                        ns                                                                                                                                 ce
                                                                                Ré                                                                           s
                   Co                                                                                    ts




                                                                                                  lt a
                                                                                  su




                                                                                                su
                                                                                     lta



                                                                                              Ré
                                                                                         ts
     Émission                                                                                                                                              Pauvreté,
    de déchets                                                                                                                                           malnutrition,
  Accumulation de                                                                                                                                          maladies
        CO2                                                                                                                                              Dépendance
   Désintégration
                                                                                  L’économie                                                          Perte de confiance
      sociale                                                                                                                                                en soi




                                                                                                                                                                              x
                                                                                                                                                                         entau
                                                                           Blocage de
    Imp




                                                                                                                                                                        nem
                                                                        l’information
      a ct




                                                                                                                                                                        on
        se




                                                                                                                                                                     vir
          nv




                                                                                                                                                                   en
            iro




                                                                                                                                                                 c ts
                ne
                                                                                                                                                              pa
               n




                  me                        Modification des flux                                                Modification des flux
                       nta                      d’énergie et de                                                    d’énergie et de                          Im
                          ux                  matériaux, de la                           RCN                     matériaux, de la
                                           qualité et de la quantité                                          qualité et de la quantité
                                           de l’eau, de l’utilisation                                         de l’eau, de l’utilisation
                                                   des terres                                                         des terres




                                                  Processus
             Phase de transition                                                        F
                                                                                        Flux d’information                          Le système économique actuel
                                                                                                              D’après Aronson et al., 2007b ; Blignaut et al., 2007.




Le capital naturel : un facteur limitant
du développement durable
Nous avons vu précédemment que les populations                                                Ce schéma représente un modèle simplifié du système
humaines dépendent des biens tirés des écosystèmes                                            économique actuel, en mettant l’accent sur le fossé
(bois, etc.), mais aussi des services naturels pour leur                                      économique qui existe entre les pays du Nord et du
survie et la stabilité de leurs sociétés. Ces services                                        Sud. Les informations relatives aux changements
dérivent du stock de capital naturel. Or, ces services                                        environnementaux et à leurs impacts sur nos sociétés
sont, pour la plupart, gratuits et non exclusifs. C’est-à-                                    ne sont pas intégrées au système. L’approche RCN
dire que la consommation d’un service par un individu                                         permet de favoriser ce flux d’informations entre le Nord
ne diminue pas la capacité de consommation de ce                                              et le Sud et vis-à-vis du système économique mondial
même service par les autres (à travers, par exemple,                                          dominant.
une augmentation du prix ou un accès limité). On parle
parfois de biens publics mondial (Requier-Desjardins                                          Le système économique dominant a pour objectif la
et Caron, 2005). Cette notion de bien public souligne                                         maximisation de la consommation individuelle par le
d’une part le fait que la consommation de l’un ne limite                                      biais de la croissance économique. Cette dernière est
pas la consommation des autres et que, d’autre part,                                          une augmentation physique du taux auquel l’économie
la qualité du service ne diminue pas en fonction du                                           transforme les ressources naturelles en valeurs
nombre d’utilisateurs (on parle alors de non rivalité).                                       monétaires (capital manufacturé) et en déchets.
Ces différentes caractéristiques font, qu’en pratique, il                                     L’émission de déchets (ou pollution) n’étant pas prise en
n’existe pas de signaux économiques de la diminution                                          compte dans les coûts de production, il est aujourd’hui
des services rendus par les écosystèmes (Farley et Daly,                                      plus rentable d’investir dans la dégradation que dans la
2006). Ils n’ont pas de valeurs exprimées sur le marché                                       restauration du capital naturel.
économique actuel (voir la figure ci-dessus).




Qu’est-ce que le capital naturel ?                                                                                                                                           11
Agriculture en Tunisie. Récolte et
                                                                                                            tri des dattes dans le sud-tunisien.
                                                                                                                         V. Simonneaux © IRD

À la différence de la croissance économique, le                         L’essence du concept de développement durable est
développement économique est une augmentation du                        de répondre aux besoins fondamentaux des hommes
bien-être et de la qualité de vie des populations pour                  tout en préservant les services naturels essentiels à la
un niveau donné (taux constant) de transformation                       vie sur Terre (Kates et al., 2001). Ce concept intègre le
des ressources naturelles. Pour un développement                        fait que notre économie est limitée par la capacité de
économique durable :                                                    fonctionnement des écosystèmes de la biosphère. Il ne
                                                                        s’agit pourtant pas d’un sacrifice dans la qualité de vie
  Le taux de transformation du capital naturel en                       au profit de la conservation de la nature. Au contraire,
  capital manufacturé ne doit pas excéder son taux de                   le développement économique local durable est corrélé
  renouvellement.                                                       avec l’augmentation du bien-être des populations
  La quantité de déchets émis ne doit pas excéder la                    locales et avoisinantes.
  capacité d’absorption naturelle de la biosphère (Daly,
  1990).                                                                Afin de restaurer et améliorer les relations entre les
                                                                        hommes et l’environnement naturel, il est important
                                                                        de :
                                                                           dissocier les concepts de croissance économique
                                                                          (augmentation de la ‘taille’ de l’économie) et de
      Zoom                                                                développement économique (augmentation de
                                                                          la qualité de vie pour une ‘taille’ constante de
                                                                          l’économie) ;
Les biens publics mondiaux :                                               tenir compte des limites fonctionnelles des éco-
un concept d’économistes                                                  systèmes de la planète.

Un bien (et un mal) public mondial (BPM) est, pour les économistes,     Aujourd’hui, le facteur limitant pour notre économie
un bien que tout le monde peut consommer : sa consommation              n’est plus le capital manufacturé mais le capital
par une personne ne pénalise pas celle d’autres personnes (par          naturel. Puisque la logique économique veut que l’on
exemple l’air que nous respirons). Les BPM peuvent être fournis         investisse dans le facteur limitant (Aronson et al.,
par le secteur privé ou par les États. Par exemple, les forêts          2006a ; Costanza et Daly, 1992), de nos jours, les intérêts
domaniales sont des biens publics gérés par l’État lorsqu’il en est     de la société nécessitent un investissement important
le propriétaire.                                                        dans la restauration du capital naturel. Pour favoriser
                                                                        cet investissement, différentes méthodes d’évaluation
La biodiversité, certaines forêts ou sites exceptionnels, peuvent       économique du capital naturel et des biens et services
aussi appartenir à des acteurs privés qui contribuent ainsi à la        qui en découlent ont été élaborées. Elles sont abordées
production de biens publics. Les BPM sont des biens dont le produit     dans le chapitre consacré aux bénéfices socio-
et les coûts dépassent les frontières géopolitiques et traversent les   économiques de la restauration du capital naturel en
générations.                                                            zones arides (page 18). Auparavant, les concepts relatifs
                                                                        à la pratique de la restauration du capital naturel en
                           D’après Requier-Desjardins et Caron, 2005.   zones arides sont décrits dans le prochain chapitre.




 12                                                                              La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
À l’orée du village, une fabrique de briques artisanales faites
     à partir de terre battue et de pailles mélangées à de l’eau.
                      Les briques sont ensuite séchées au soleil.
                                        Région de Sikasso. Mali.
                                              M. Dukhan © IRD




Qu’est-ce que le capital naturel ?                                  13
Qu ’est-ce que la restauration
du capital naturel ?


L
          a restauration du capital naturel est une
          nouvelle approche de gestion qui repose
          sur l’interdépendance entre le bien-être
          des populations humaines et la santé des
écosystèmes. Dans le cadre de la lutte contre la
désertification, la restauration des biens et services
caractéristiques des milieux arides et semi-arides est
essentielle.

La restauration du capital naturel :
santé des écosystèmes et bien-être humain
en milieux arides et semi-arides

La restauration du capital naturel (RCN) correspond
à toutes les activités qui intègrent l’augmentation ou
l’investissement dans les stocks du capital naturel dans
le but d’augmenter le flux de biens et services naturels
tout en améliorant les aspects relatifs au bien-être
humain (Aronson et al., 2006). À l’instar de l’écologie de
la restauration, la RCN a pour intention l’amélioration de
la santé et de la capacité de résilience des écosystèmes
(Clewell et Aronson, 2006, 2007). Cependant, la RCN
répond également aux attentes socio-économiques des
hommes.                                                          1. Réduction de la production de matière organique
                                                                    et d’incorporation à la litière ; ce qui entraîne une
La RCN peut inclure, mais n’est pas limitée à :                     baisse de la productivité et de la fertilité des sols et des
                                                                    écosystèmes.
  la restauration des écosystèmes terrestres et aquatiques ;     2. Mise en place d’une croûte de battance : pellicule qui
  l’amélioration écologique durable des terres soumises             se forme à la surface des sols dénudés sous l’impact des
  aux pratiques agricoles ou à toutes autres activités de           gouttes de pluie et empêche la pénétration de l’eau et
  gestion ;                                                         des graines dans le sol.
  la promotion de l’utilisation durable des ressources           3. Mise en place d’une pellicule biologique : croûte
  biologiques ;                                                     d’algues, de lichens ou de mousses qui joue un rôle
  la mise en place ou mise en valeur des activités et               comparable à la croûte de battance.
  comportements socio-économiques qui incorporent                4. Érosion mécanique sèche due à l’entraînement des
  des considérations environnementales et la gestion                particules le long des pentes sous l’effet de la pesanteur.
  durable du capital naturel dans leurs activités                   Elle résulte de labours répétés sur de fortes pentes.
  habituelles.                                                   5. Érosion éolienne.
                                                                 6. Dépôt éolien : formation de dunes de sable ou d’argile
Comme il a été dit précédemment, la restauration                    suite à l’érosion éolienne.
écologique a pour but le rétablissement de la productivité       7. Érosion hydrique.
et l’amélioration de la biodiversité, de la stabilité et de la   8. Salinisation d’origine anthropique : phénomène
capacité de résilience des écosystèmes dégradés. Ceci               résultant d’une irrigation inadaptée qui entraîne la
peut être réalisé à travers la restauration des fonctions           stérilisation des sols.
(i.e. ensemble des biens et services) des écosystèmes.
                                                                 La restauration de ces fonctions est un processus
Il est difficile d’identifier le rôle majeur que jouent ces      complexe. Des cadres conceptuels de travail, ou
fonctions sur la stabilité des sociétés humaines avant           modèles, existent pour faciliter la compréhension et
que celles-ci ne soient dégradées. Un moyen de mettre            la communication entre les différents acteurs de la
en évidence leur importance est d’identifier les effets          restauration. Par exemple, le modèle TTRP, proposé
consécutifs à leur dégradation. En milieux arides et             par Tongway et Ludwig (2007a et b), a prouvé son utilité
semi-arides, Le Houérou (1995) résume les conséquences           dans la résolution de problèmes environnementaux en
écologiques de la désertification en huit effets :               Australie.



 14                                                                        La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
Préparation d’un champ de zaï dans la province
                                 du Yatenga au Burkina Faso. Le zaï est une
                                technique traditionnelle de préparation du
                              sol qui consiste à faire des trous avec un petit
                            aménagement pour récupérer un peu d’eau de
                            ruissellement, puis d’y semer les graines de mil
                            ou de sorgho afin de rendre moins sensibles les
                                   semis en cas de pluviométrie irrégulière.
                                                               E. Hien © IRD




      Zoom
                                                                                     Exemples de processus mis en jeu
                                                                                       . Écoulement, stockage, salinisation
                                                                                                                                                événement
                                                                                       . Germination, croissance des plantes,
                                                                                     minéralisation
                                                                                       . Écoulement vers les rivières, érosion         Gâchette
Le modèle TTRP ou comment fonctionne                                                   . Consommation d’herbe, feu, récolte
                                                                                                                                         Ex. pluie
                                                                                       . Approvisionnement du pool de
un écosystème pastoral en zone semi-aride                                            graines, Cycle de la matière organique
                                                                                       . Obstruction physique, absorption
                                                                                                                                 processus
Pour faciliter la restauration des fonctions de paysages pastoraux en
zones semi-arides, Tongway et Ludwig ont mis en place un cadre de                                                                      Transfert
travail conceptuel. Ce modèle est appelé « Trigger-Transfer-Reserve-                             Perte                                 de l’eau
Pulse » (TTRP) (« gâchette – transfert – réserve – battement »). Il est
                                                                                                         événement
basé sur deux caractéristiques principales des régions semi-arides :                                                             processus
(i) une forte hétérogénéité spatiale et temporelle de la disponibilité
des ressources et (ii) une pluviosité faible et imprévisible.                                                                      Mise en réserve
                                                                                                                                      de l’eau
Le modèle TTRP met en évidence certains processus à travers
lesquels le capital naturel est formé. Il permet une représentation                                                                             événement
simplifiée des étapes de sa formation. Il permet ainsi d’identifier à
                                                                                                                                      Battement
quel ‘niveau’ la restauration peut préférentiellement avoir lieu. Un                                                                Ex : événement de
événement « gâchette », comme une pluie, initie les processus de                                        Schéma adapté             croissance des plantes
                                                                                          de Tongway et Ludwig, 2007a.
transfert de l’eau : la perte et la mise en réserve . Si les réserves
en eau sont suffisantes, la croissance des plantes, accompagnée
de production animale et de minéralisation microbienne, est initiée              de pores et de galeries par la macrofaune, par exemple, favorise
   . De nombreux processus biologiques, chimiques et physiques                   l’infiltration et la disponibilité en eau ainsi que la respiration racinale
sont alors enclenchés tels que la formation de matière organique,                et microbienne. De plus, d’autres procédés biophysiques tels que la
la fixation de l’azote, la séquestration du carbone, les activités               formation de « patchs » de végétation réduisent la perte en eau et
microbiennes et de la macrofaune ainsi que la transformation                     favorise sa rétention après un événement « gâchette » .
des nutriments du sol. Ces processus permettent l’augmentation,
la transformation et le recyclage du capital naturel . La création                                                         D‘après Tongway et Ludwig, 2007a et b.




Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ?                                                                                                          15
La restauration écologique des fonctions des éco-           De manière générale, les services rendus par les
systèmes en milieux arides et semi-arides doit              écosystèmes se divisent en quatre catégories : les
principalement être focalisée sur la restauration           services de régulation des processus écologiques,
des flux hydriques, de la fertilité des sols et du          les services de production de biens, les services de
couvert végétal. De manière générale, les projets de        provision d’habitat/support de vie et les services
restauration liés à la lutte contre la désertification      d’information ou bénéfices culturels.
consistent à réintroduire des plantes résistantes à de
forts taux de salinité, à la sécheresse et à la pression    Le tableau suivant, tiré du rapport de synthèse
de pâturage. Cependant, plusieurs tentatives à              de l’évaluation des écosystèmes du Millénaire
grandes échelles n’ont pas réussi car les gestionnaires     (Millenium Ecosystem Assessment, MEA) traitant de
négligeaient des problèmes liés aux sols et aux flux        la désertification (MEA, 2005), fournit la liste des
hydriques. De plus, très souvent, ils ne prêtaient pas      services naturels clés en zones arides et semi-arides.
assez d’attention aux conditions socio-économiques
du site (comme ce fut le cas, par exemple, dans les         La dégradation et la diminution des biens et services
projets mis en place durant les années 70 de « barrages     naturels ont un coût socio-économique évident pour
verts » en Algérie, Mainguet et Dumay, 2006). La            les populations humaines à travers la détérioration
restauration écologique est un processus complexe           des conditions de vie. Afin d’augmenter ces services,
qui requiert la participation de nombreuses personnes       il est nécessaire d’évaluer financièrement (1) l’impact
ayant souvent des visions différentes d’un écosystème       de leur dégradation et (2) les coûts et bénéfices liés aux
restauré et parfois des intérêts conflictuels (SER,         projets visant la restauration durable des écosystèmes
2002). De fait, chaque projet de restauration doit être     (Requier-Desjardins, 2007 ; Requier-Desjardins, Bied-
conçu et programmé en fonction du contexte local.           Charreton M., 2006). Ceci peut être réalisé à travers
Le support et la participation des populations locales      la mesure de la qualité et de la quantité des biens et
sont absolument indispensables au bon déroulement           services rendus par les écosystèmes. Dans le but de
d’un projet de RCN. L’intérêt et le soutien local doivent   faciliter la discussion entre écologues et économistes,
être suscités par la mise en avant des bénéfices issus      on parle alors de mesure du stock de capital naturel.
de la restauration (SER, 2002).                             Les notions de base relatives à l’évaluation financière
                                                            du capital naturel sont discutées dans le chapitre
Pour favoriser l’implantation de projets de RCN, il         suivant.
est important d’insister sur la restauration d’une
relation bénéfique mutuelle entre les hommes et             Services clés des écosystèmes en régions sèches
l’environnement. Ceci commence par la définition                                                                  D’après MEA, 2005.
et la communication sur les concepts de biens et
services naturels.
                                                             Services d‘appro-           Services de           Services culturels
                                                               visionnement              régulation
Les biens et services des écosystèmes
                                                            • Produits dérivés       • Régulation et           • Loisir et tourisme
en zones arides et semi-arides                                de la production         purification de          • Identité et diversité
                                                              biologique :             l’eau                      culturelle
                                                              nourriture, bois,      • Pollinisation et
Les populations humaines en zones arides et semi-             fibres, bois
                                                                                                               • Paysages et
                                                                                       dispersion des            patrimoine culturel
arides sont particulièrement dépendantes des biens et         de chauffe,              graines
services des écosystèmes pour satisfaire leurs besoins        médicaments                                      • Savoir traditionnel
                                                                                     • Régulation
les plus fondamentaux. Les habitants se procurent           • Eau potable              climatique locale       • Services spirituels,
                                                                                                                 esthétiques et
l’essentiel de leurs revenus à travers l’exploitation                                  (par le biais du
                                                                                       couvert végétal)          intellectuels
des ressources naturelles. Il y a très peu de vente
                                                                                       et globale (par la
de produits manufacturés. Il existe donc une forte                                     séquestration du
dépendance de la population au capital naturel et aux                                  carbone)
changements climatiques (Requier-Desjardins, 2007).
                                                                                    Services de maintien
Par exemple, la production de céréales, de bétail, de
produits laitiers, de bois de chauffe et de matériaux       • Formation et conservation du sol
pour la construction dépend de la productivité              • Production primaire
végétale, elle-même dépendante des contraintes en           • Cycle de formation des nutriments
eau.



 16                                                                    La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
Exemple
Restauration du capital naturel des brousses
tigrées en Australie

Un projet de restauration du capital naturel en zones semi-arides a
eu lieu de 1996 à 2007 dans la partie ouest des Nouvelles-Galles
du Sud en Australie. Son objectif principal était de restaurer un
écosystème stable et productif afin d’assurer la viabilité économique
des exploitations locales (élevage bovin). Pour cela, il était nécessaire
de restaurer les fonctions du paysage pastoral en intégrant
simultanément les principes de l’écologie et de l’économie.

Le paysage y est constitué naturellement de « brousses tigrées ».
Ce type d’écosystème existe également en Afrique de l’Ouest et
au Mexique. La végétation est structurée en bandes boisées et                                       La disposition en bandes transversales du mulga à travers les contours
                                                                                                 du paysage a permis la capture efficace des ressources et la restauration
herbeuses alternées de sol nu. Cette structure typique des brousses
                                                                                                 d’une région abîmée.
tigrées permet une distribution optimale des ressources, notamment
hydriques, et donc la formation d’un paysage productif.                                          D’après Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright © 2007 par les
                                                                                                 auteurs. Reproduit avec la permission d’Island Press, Washington, D.C.

Le paysage est dégradé dans cette zone par le piétinement et le                                  Dans le but de stopper le processus de désertification, un projet de
surpâturage des troupeaux. Cette situation est courante dans les                                 restauration du capital naturel a été développé en accord avec les
zones situées près des points d’eau artificiels où les troupeaux                                 propriétaires de troupeaux. Il se basait sur le modèle TTRP développé
traversent et broutent tous les jours. Au fur et à mesure, les processus                         dans l’encadré page 15. Le projet devait être facilement applicable,
fonctionnels de la brousse tigrée disparaissent, empêchant ainsi le                              peu coûteux, et compatible avec les pratiques des fermiers. Il fut
stockage de l’eau dans le sol et favorisant la désertification du milieu.                        donc décidé de rétablir les fonctions de base sur une zone test en
Finalement, ces zones de pâturage deviennent très peu productives                                utilisant comme modèle les processus écologiques et hydrologiques
et restent dominées par des espèces de plantes éphémères, de                                     existant dans la zone non dégradée. La plante dominante de la
basse qualité nutritive, qui poussent par « à-coup » en réponse aux                              bande boisée, le mulga (Acacia aneura), fut utilisée pour rétablir la
pluies occasionnelles.                                                                           structure physique de l’écosystème sur une zone test. Des branches
                                                                                                 de mulga ont été empilées le long des cordes de manière à capturer
Les deux photographies suivantes illustrent d’une part un paysage                                les matériaux lessivés par la pluie et apportés par le vent. La bande
fonctionnel de brousse tigrée où le capital naturel est formé et stocké,                         boisée fut donc rétablie artificiellement. L’accumulation de matériel
et, d’autre part, un paysage dégradé où le capital naturel est perdu                             capturé encouragea l’établissement d’une nouvelle population de
à travers l’érosion du sol et la mortalité des plantes.                                          plantes pérennes. Celles-ci, partiellement protégées par la structure
                                                                                                 épineuse du mulga, furent ainsi capables de supporter la pression
                                                                                                 habituelle du pâturage.

                                                                                                 Dix années plus tard, la densité du couvert végétal ainsi que les
                                                                                                 propriétés du sol ont été rétablies sur la zone test. Un tel succès dans
                                                                                                 le rétablissement du couvert végétal signifie aussi que le pool de
                                                                                                 graines dans le sol n’était pas limité.

                                                                                                 Des branches de mulga sont parfois débitées par les propriétaires de
                                                                                                 troupeaux dans le but de réduire la compétition entre cette espèce et
                                                                                                 celles appétées par le bétail pour l’accès aux nutriments. Les éleveurs
                                                                                                 peuvent donc facilement modifier leurs méthodes habituelles de
                                                                                                 stockage pour disposer les branches débitées de mulga sur les zones
                                                                                                 dégradées. Grâce à cette technique, la productivité du pâturage
    Cette photo représente un paysage où beaucoup moins d’eau est stockée                        augmente.
dans le sol au cours du temps. C’est un paysage qui se désertifie et où les
arbres vont finir par disparaître. La zone herbeuse est dominée par des
espèces éphémères à faible valeur énergétique qui poussent rapidement                            Cette étude montre qu’une légère modification des pratiques de
après une pluie. L’écosystème est totalement dysfonctionnel et le capital                        gestion peut parfois s’avérer efficace. La simple disposition des
naturel est perdu au cours du temps (à travers la mortalité des plantes ou                       branches de mulga en bandes transversales a permis une capture
l’érosion du sol).                                                                               efficace des ressources et la réversion du processus de désertification.
                                                                                                 Ceci a engendré des bénéfices économiques pour les éleveurs tout
D’après Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright © 2007 par les
auteurs. Reproduit avec la permission d’Island Press, Washington, D.C.                           en maintenant/augmentant la biodiversité.

                                                                                                                                           D‘après Tongway et Ludwig, 2007a et b.




Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ?                                                                                                                                        17
Le s bénéfices socio-
économiques de la restauration
du capital naturel
dans les zones arides




L
          e coût économique, social et environnemental
          de la désertification est très difficile à évaluer
          et peu d’études ont été réalisées à ce sujet
          (Requier-Desjardins, 2007). Les aspects socio-
économiques de la restauration du capital naturel dans
les zones touchées par la désertification sont donc
évoqués ici d’un point de vue général. En revanche,
les exemples présentés dans ce chapitre illustrent des
méthodes d’application de l’approche RCN qui peuvent
être appliquées dans le cadre spécifique de la lutte contre
la désertification.

Évaluation monétaire du capital naturel
et de sa restauration

Pour favoriser la mise en œuvre de projets de restauration     cependant fournir des arguments économiques plus
des écosystèmes dégradés, deux types d’approche                ou moins convaincants en faveur de la restauration du
permettent d’établir le bien-fondé de cette restauration       capital naturel.
d’un point de vue monétaire : (1) l’évaluation du coût
de la dégradation et (2) l’évaluation des coûts et des         Dans la lignée du Millenium Ecosystem Assessment,
bénéfices de la restauration.                                  les approches d’évaluation économique en termes de
                                                               services rendus par les écosystèmes sont de plus en plus
Le dossier thématique du CSFD n°5 (Requier-Desjardins,         utilisées dans le cadre de la RCN au niveau local.
2007) procure un récapitulatif des différentes méthodes
d’évaluation du coût macro-économique de la                    L’évaluation monétaire du capital naturel n’est pourtant
désertification en Afrique. Par exemple, afin d’évaluer        pas aisément quantifiable. Beaucoup de services
la diminution de la productivité des cultures, une             naturels n’ont ‘pas de prix’ au sens figuré, puisqu’ils
évaluation du coût de remplacement des nutriments              sont indispensables à la vie sur Terre, et, au sens
dans le sol par des engrais commerciaux a été réalisée         propre, puisqu’ils n’ont pas de valeurs sur le marché
au Mali. Cette méthode est pertinente uniquement si            économique. En effet, pour les raisons que nous avons
le capital naturel peut-être remplacé par un substitut         évoquées précédemment, dont la non exclusivité et
manufacturé. Cette substitution a, bien sûr, des limites.      la non rivalité, l’évaluation monétaire de la majeure
                                                               partie du capital naturel et de sa restauration n’est pas
Une autre méthode, issue du Millenium Ecosystem                compatible avec les théories économiques classiques.
Assesment (MEA, 2003), consiste à évaluer les coûts de la      Cependant, l’Homme a toujours attribué des valeurs
désertification en fonction de la division de l’espace rural   à certains aspects de la Nature y compris les services
selon ses usages économiques principaux (agriculture,          naturels. Il est donc possible d’intégrer ces valeurs ‘non
forêt, etc.). Cela revient à évaluer le coût de la perte des   monétaires’ aux lois du marché économique (Rees et al.,
services naturels en termes d’approvisionnement en             2007) par la création, par exemple, d’un marché fictif
nourriture et en bois. Ces méthodes, généralement peu          (évaluation contingente) ou la prise en compte du
précises, puisqu’elles reposent sur des prix de référence      coût économique de la pollution (internalisation des
très variables et des modèles assez simplifiés, peuvent        externalités) (Requier-Desjardins, 2007).



 18                                                                     La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
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La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. Numéro 7.

  • 1. N U M É RO 7 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides Allier santé des écosystèmes et bien-être des populations Comité Scientifique Français de la Désertification French Scientific Committee on Desertification
  • 2. Les dossiers thématiques Comité Scientifique Français de la Désertification du CSFD numéro 7 La création, en 1997, du Comité Scientifique Français de la Directeur de la publication Désertification, CSFD, répond à une double préoccupation des Marc Bied-Charreton ministères en charge de la Convention des Nations Unies sur la lutte Président du CSFD contre la désertification. Il s’agit d’une part de la volonté de mobiliser Professeur émérite de la communauté scientifique française compétente en matière de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ, France) désertification, de dégradation des terres et de développement des Chercheur au Centre d’économie régions arides, semi-arides et subhumides afin de produire des et d’éthique pour l’environnement et connaissances et servir de guide et de conseil aux décideurs politiques le développement (C3ED-UMR IRD/UVSQ) et aux acteurs de la lutte. D’autre part, il s’agit de renforcer le positionnement de cette communauté dans le contexte international. Auteurs Pour répondre à ces attentes, le CSFD se veut une force d’analyse et Morgane Lacombe d’évaluation, de prospective et de suivi, d’information et de Doctorante, Centre d’Écologie Fonctionnelle promotion. De plus, le CSFD participe également, dans le cadre des et Évolutive/ Centre National de la Recherche Scientifique délégations françaises, aux différentes réunions statutaires des (CEFE/CNRS, France) mlacombe@frm-france.com organes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification : Conférences des Parties, Comité de la science et de la James Aronson technologie, Comité du suivi de la mise en œuvre de la Convention. Chercheur, Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive/ Centre National de la Recherche Scientifique Il est également acteur des réunions au niveau européen et (CEFE/CNRS, France) international. james.aronson@cefe.cnrs.fr Le CSFD est composé d'une vingtaine de membres et d'un Président, Avec la participation de nommés intuitu personae par le ministère de l’Enseignement Marc Bied-Charreton, supérieur et de la Recherche et issus des différents champs Président du CSFD disciplinaires et des principaux organismes et universités concernés. Le CSFD est géré et hébergé par Agropolis International qui rassemble, Édition et iconographie à Montpellier et dans le Languedoc-Roussillon, une très importante Isabelle Amsallem (Agropolis Productions, France) communauté scientifique spécialisée dans l’agriculture, l’alimentation agropolisproductions@orange.fr et l’environnement des pays tropicaux et méditerranéens. Le Comité agit comme un organe indépendant et ses avis n'ont pas de pouvoir Conception et réalisation décisionnel. Il n'a aucune personnalité juridique. Le financement de Olivier Piau (Agropolis Productions) son fonctionnement est assuré par des subventions du ministère des agropolisproductions@orange.fr Affaires étrangères et européennes et du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, la participation de ses membres à ses activités est gracieuse et fait partie de l'apport du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Remerciements pour les illustrations Pour en savoir plus : David A. Bainbridge (Professeur agrégé, Alliant International University, www.csf-desertification.org États-Unis d’Amérique), Danièle Cavanna (Photothèque INDIGO de l’Institut de recherche pour le développement, IRD, France), Andre Clewell (Co-coordinateur, RNC Alliance), Jordi Cortina (Éditeur de la revue Ecosistemas, Espagne), Angela Osborn (Directrice des commandes et des droits, Island Press, États-Unis d’Amérique), Christelle Fontaine (Assistante, CEFE/CNRS, France), Sue Milton (Professeur, University of Stellenbosch, University of Cape Town, Afrique du Sud), David Tongway (Membre honoraire, Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation [CSIRO Sustainable Ecosystems], chercheur invité, Australian national University, Australie), ainsi que les auteurs des différentes photos présentes dans le dossier. Impression : Les Petites Affiches (Montpellier, France) Dépôt légal : à parution • ISSN : 1772-6964 Imprimé à 1 500 exemplaires © CSFD/Agropolis International, mars 2008 La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement à la charge du Comité, grâce à l'appui qu'il reçoit des ministères français. à la charge du Comité, grâce à l'appui qu'il reçoit des ministères français. Pour référence : Lacombe M., Aronson J., 2008. La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et Les dossiers thématiques du CSFD sont téléchargeables librement Les dossiers thématiques du CSFD sont téléchargeables librement bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. N°7. Mars sur le site Internet du Comité. sur le site Internet du Comité. 2008. CSFD/Agropolis International, Montpellier, France. 36 pp.
  • 3. Avant-propos L’ Marc Bied-Charreton humanité doit dorénavant faire face à Président du CSFD un problème d’envergure mondiale : la Professeur émérite de l’Université désertification, à la fois phénomène naturel et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines processus lié aux activités humaines. Jamais la Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ planète et les écosystèmes naturels n’ont été autant dégradés par notre présence. Longtemps considérée comme un problème local, la désertification fait désormais partie des questions de dimension planétaire pour lesquelles nous sommes tous concernés, scientifiques ou non, décideurs politiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participer la société civile, et dans un premier temps de lui fournir les éléments nécessaires à une meilleure compréhension du phénomène de désertification et de ses enjeux. Les connaissances scientifiques doivent alors être à la portée de tout un chacun et dans un langage compréhensible par le plus grand nombre. C’est dans ce contexte que le Comité Scientifique Français de la Désertification a décidé de lancer une nouvelle série intitulée « Les dossiers thématiques du CSFD » qui veut fournir une information scientifique valide sur la désertification, toutes ses implications et ses enjeux. Cette série s’adresse aux décideurs politiques et à leurs conseillers du Nord comme du Sud, mais également au grand public, aux journalistes scientifiques, du développement et de l’environnement. Elle a aussi l’ambition de fournir aux enseignants, aux formateurs ainsi qu’aux personnes en formation des compléments sur différents domaines. Enfin, elle entend contribuer à la diffusion des connaissances auprès des acteurs de la lutte contre la désertification, la dégradation des terres et la lutte contre la pauvreté : responsables d’organisations professionnelles, d’organisations non gouvernementales et d’organisations de solidarité internationale. Une douzaine de dossiers sont consacrés à différents thèmes aussi variés que les biens publics mondiaux, la télédétection, l’érosion éolienne, l’agro-écologie, le pastoralisme, etc., afin de faire le point des connaissances sur ces différents sujets. Il s’agit également d’exposer des débats d’idées et de nouveaux concepts, y compris sur des questions controversées, d’exposer des méthodologies couramment utilisées et des résultats obtenus dans divers projets et enfin, de fournir des références opérationnelles et intellectuelles, des adresses et des sites Internet utiles. Ces dossiers seront largement diffusés - notamment dans les pays les plus touchés par la désertification - sous format électronique à la demande et via notre site Internet, mais également sous forme imprimée. Nous sommes à l’écoute de vos réactions et de vos propositions. La rédaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement à la charge du Comité, grâce à l’appui qu’il reçoit des ministères français. Les avis exprimés dans les dossiers reçoivent l’aval du Comité. 1
  • 4. Préface C e dossier thématique n°7 du CSFD aborde, végétales (pâturages, bois de feu, etc.). Aujourd’hui, dans une démarche de communication, de même ces besoins les plus élémentaires ne peuvent partage et de discussion, la présentation des être satisfaits. Il est temps de concevoir, proposer éléments majeurs de l’approche que sous- et promouvoir une approche alternative de gestion tend cette locution ‘Restauration du capital naturel’ environnementale qui soit socio-économiquement appliquée aux zones arides et semi-arides. L’objectif équitable et écologiquement durable. principal est (1) de participer à la promotion de cette approche au sein des sociétés et des communautés La mise en place d’une telle approche requiert de les plus touchées par les processus de dégradation profondes modifications du comportement de nos des espaces et des ressources qu’elles gèrent et (2) sociétés (des acteurs de terrain aux politiques) vis- convaincre les gouvernements et les décideurs des aides à-vis de l’environnement naturel. Ces modifications publiques et privées, d’inscrire leurs projets dans une seront difficiles et ne pourront, seules, suffire à assurer telle démarche. les besoins fondamentaux des populations si elles ne sont pas couplées à la restauration du capital naturel Ce dossier résulte d’une compilation bibliographique des déjà largement dégradé. En outre, faisant le constat travaux scientifiques disponibles, relatifs à la restauration que toute détérioration du capital naturel entraîne une du capital naturel en zones arides et semi-arides. Ces détérioration du capital humain et du capital sociétal, il travaux, conduits déjà sur plusieurs décennies, ont permis est proposé de promouvoir également la restauration du de dégager concepts et définitions qui, pour la majorité capital social, élément complémentaire indispensable à de ceux présentés ici, sont adaptés de l’ouvrage édité la réussite des projets de restauration du capital naturel. par Aronson et al. (2007a) regroupant les contributions de 71 scientifiques, gestionnaires et journalistes œuvrant La restauration du capital naturel implique la facilitation dans les domaines de l’écologie, de l’économie et de du flux d’informations, du partage et de la communica- l’économie écologique. tion des concepts, en particulier scientifiques, sur lesquels repose cette approche. Les réponses à des interrogations Plusieurs sites, disséminés en zones arides ou semi- complémentaires abordées dans ce dossier, comme, par arides à travers le monde, ont été choisis pour illustrer exemple, qui doit investir pour restaurer le capital naturel les concepts élémentaires de la restauration du capital et le capital social ou comment assurer la surveillance et naturel à travers des ‘visites virtuelles’ sur le terrain. Ces le suivi écologique à long terme, sont proposées dans les exemples proviennent de l’ouvrage rédigé par Clewell & précédents dossiers thématiques du CSFD. La demande Aronson (2007) destiné aux personnes impliquées, sur le sociale en matière de restauration des écosystèmes terrain, par les activités de cette profession émergente dégradés étant faible alors que se poursuit la dégradation qu’est la restauration écologique. des milieux et la perte de biodiversité, il est de ce fait urgent de se préoccuper de la préservation des ressour- Ces zones climatiques extrêmes ont souvent été—et sont ces génétiques nécessaires à la bonne concrétisation des le plus souvent encore—le lieu de conflits sociaux pour projets de restauration écologique. l’accès aux ressources naturelles. Ces conflits, exacerbés par une pauvreté extrême et des conditions de vie Édouard Le Floc’h précaires, sont majoritairement liés à une gestion inap- ancien chercheur, CEFE/CNRS propriée des ressources naturelles aussi primordiales ancien membre du CSFD pour la vie des gens que sont l’eau, la terre, les ressources 2 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 5. Sommaire 4 24 La restauration du capital naturel : une nécessité Faut-il investir dans la RCN en zones arides ? écologique et socio-économique 28 8 Perspectives : vers une relation durable Qu’est-ce que le capital naturel ? entre l’homme et l’environnement ? 14 30 Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ? Pour en savoir plus... 18 35-36 Les bénéfices socio-économiques de la restauration du Lexique - Acronymes et abréviations capital naturel dans les zones arides utilisés dans le texte Sommaire 3
  • 6. La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique L’ empreinte écologique de l’humanité est aujourd’hui largement supérieure à la capacité de charge de la Terre. Autrement dit, le taux de consommation des ressources naturelles et le taux de dégradation environnementale et d’émission des déchets issus de l’exploitation effrénée de ces ressources sont supérieurs au taux de renouvellement et d’absorption des écosystèmes. L’humanité a com- mencé à grignoter ses réserves. Cette situation inédite dans l’histoire de l’humanité, se traduit par l’apparition conjointe de deux crises mondiales inextricablement liées : l’une écologique, l’autre humanitaire. La crise écologique : le résultat d’un système économique La crise écologique se traduit principalement par la perte de la biodiversité, la réduction des espaces naturels et l’érosion de la fonctionnalité des écosystèmes à une échelle locale, régionale et globale (MEA, 2003). De ces nouvelles conditions environnementales résultent, entre et d’une modification en profondeur de nos modes de autres, le réchauffement climatique ou la diminution consommation (Aronson et al., 2007a). L’expérience d’eau potable facilement accessible (Vitousek et al., 1997 ; montre, en effet, que les projets de restauration Wackernagel et al., 2002). n’incorporant pas une modification des modes d’exploitation des ressources restaurées, sont voués à Il est aujourd’hui admis que les hommes—de par les l’échec, les causes générant les même effets, c’est-à-dire systèmes et structures économiques, sociaux et culturels la surexploitation jusqu’à la dégradation de la ressource auxquels ils appartiennent—sont responsables de (Makhlouf, 1995). cette dégradation (Makhlouf, 1995). Les conséquences immédiates pour l’humanité sont l’exacerbation des En milieu aride et semi-aride, l’exploitation jusqu’à conflits pour l’acquisition des ressources et la perte des la dégradation des terres est souvent le résultat de biens et services naturels (p. ex. fourniture de bois, conditions socio-économiques précaires. En effet, la séquestration du carbone…). Or, ces biens et services ren- satisfaction des besoins alimentaires de base est une dus par les écosystèmes sont indispensables à la survie priorité pour les hommes et les troupeaux. et au développement de toute société. En conséquence, une modification de nos comportements d’exploitation La crise humanitaire : une dégradation et de distribution des ressources naturelles s’impose. de la biosphère au détriment des plus pauvres Dans les contextes démographique et économique Les méthodes actuelles d’exploitation et de distribution actuels, la seule conservation des ressources naturelles des biens et services naturels sont le plus souvent n’est pas suffisante pour assurer le minimum de biens et réalisées au détriment des groupes de population les plus services nécessaires aux hommes. En effet, l’état actuel pauvres (MEA, 2005). La répartition inégale des richesses du capital naturel au niveau mondial est déjà trop qui en découle est, à son tour, un moteur de la dégradation bas pour continuer à soutenir la plupart des systèmes massive des écosystèmes. En effet, la nécessité pour économiques des pays du Nord. La restauration les plus pauvres de se procurer le minimum vital se écologique des écosystèmes dégradés est nécessaire. réalise souvent par le biais de méthodes hautement En revanche, celle-ci est vaine si elle n’est pas couplée destructives pour l’environnement. La dégradation des à la mise en place de systèmes d’exploitation durables ressources naturelles qui en résulte, entraîne en retour 4 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 7. Zoom L’empreinte écologique : impact de nos modes de vie sur l’environnement La notion d’empreinte écologique a été développée par William Rees et Mathis Wackernagel de l’Université de Colombie- Britannique au début des années 90 (Rees et Wackernagel, 1994). Le calcul de l’empreinte écologique permet une estimation de la quantité de capital naturel nécessaire au maintien du mode de vie d’une population humaine définie. L’approche de calcul repose sur une réinterprétation du concept de capacité de charge en prenant en compte le contexte économique. Débitage à la tronçonneuse d’une grume géante près du port La capacité de charge est définie par le nombre maximum à bois à San-Pédro, Côte d’Ivoire. d’individus de la même espèce qui peut être maintenu P Haeringer © IRD . indéfiniment dans un habitat donné comme, par exemple, la taille d’une population humaine vivant dans une région isolée. et rapidement une augmentation de la précarité de ces Mais si on prend en considération le caractère global de notre populations. Dans les milieux dégradés des pays du Sud, économie à travers les échanges commerciaux, les différentes les utilisateurs des ressources, déjà rares, ne peuvent pas régions habitées par l’homme ne peuvent plus être considérées se permettre de « parier » sur des méthodes d’exploitation comme des unités indépendantes. La question de la quantité plus durables alors qu’ils sont en concurrence directe d’individus qu’une région donnée peut supporter n’est donc plus pour des réserves de plus en plus réduites. pertinente pour les populations humaines. La question devient alors quelle est la surface de terres et/ou de mer nécessaire pour Ce cercle vicieux est en partie alimenté par la mondia- maintenir le flux de ressources correspondant à la consommation lisation économique et l’accès à des ressources de d’une population dans une région donnée. L’estimation de cette plus en plus « lointaines ». On assiste, en effet, à un surface de terre et/ou de mer (peu importe où elle se trouve) désintéressement des populations les plus riches pour les correspond à l’empreinte écologique de la population. C’est une modes d’exploitation et leurs éventuelles conséquences mesure physique de la demande en capital naturel requis par sur l’environnement. Un redressement de cette situation une population donnée. est cependant possible à condition de : Cette mesure a été popularisée depuis par l’Organisation • Développer des méthodes d’évaluation économique mondiale de protection de l’environnement (WWF) qui propose, des coûts et des bénéfices d’une approche alternative entre autres, à chacun de calculer son empreinte écologique d’exploitation, de conservation et de distribution des personnelle en ligne (www.wwf.fr/s_informer/calculer_votre_ ressources naturelles. empreinte_ecologique) ainsi que des moyens pour la réduire. • Responsabiliser l’utilisateur (individu ou groupe) de la ressource et lui procurer les moyens techniques et La notion d’empreinte écologique est un bon moyen de financiers lui permettant la mise en place de méthodes communication auprès du grand public pour mettre en évidence de gestion durable de cette ressource. l’impact de nos modes de vie sur l’environnement et la précarité • Assurer la redistribution équitable des ressources de notre situation sur la Terre. En effet, en 2001, l’empreinte permettant à l’utilisateur un retour par bénéfices écologique totale de l’humanité représentait déjà l’équivalent de directs. 1,20 planète (WWF, 2004) ! • Responsabiliser et informer les consommateurs au niveau international. La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique 5
  • 8. Pâturages extensifs sur sol brun vertique développé sur schiste calcaire. L’érosion est due au surpâturage. Nouvelle-Calédonie. B. Bonzon © IRD 6 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 9. C’est dans ce contexte que l’approche de restauration Aujourd’hui, le maintien des écosystèmes naturels du capital naturel (RCN) apparaît comme un élément est sacrifié en faveur de la croissance économique (de clé de réponse à ces deux crises. En effet, cette nouvelle Groot, 1992), à savoir l’augmentation de la production approche associe les objectifs de la restauration (ou « taille » de l’économie) qui se traduit par une écologique à ceux de l’amélioration du bien-être élévation de la consommation (Daly et Farley, 2004). Ce des populations humaines d’un point de vue socio- choix politique repose en grande partie sur le fait que la économique. La RCN sert ainsi de passerelle entre conservation de la biodiversité, la lutte contre la pauvreté les impératifs de (1) la conservation de la biodiversité ou le développement économique sont communément et la protection de la santé des écosystèmes, (2) la perçus comme ayant des intérêts indépendants et production locale à court terme, (3) le développement souvent conflictuels. Comme nous le verrons tout au économique aux niveaux national et international et long de ce dossier, la RCN vise à mettre en commun (4) le développement économique local et durable ces intérêts à priori différents. Elle associe restauration (DELD). écologique et développement durable afin de mettre en synergie les bénéfices respectifs de ces deux approches. La restauration du capital naturel : Les régions menacées par la désertification corres- un élément clé de réponse pondent à environ 40 pour cent des terres disponibles. Écologues, conservateurs de la nature et économistes Elles sont le plus souvent le lieu de pauvreté extrême ont tous des vues différentes sur les objectifs de la (Requier-Desjardins et Caron, 2005). Une approche restauration écologique ou du développement durable. visant à restaurer simultanément les écosystèmes Un consensus sur la définition et l’interprétation de ces et la qualité de vie des populations locales est donc termes clés est nécessaire pour informer les populations nécessaire en zones arides et semi-arides. Les notions et leurs représentants sur les objectifs et les conséquences et concepts relatifs au capital naturel et à la pratique des politiques en place et à venir. de sa restauration sont développés dans les prochains chapitres. Zoom La désertification et ses conséquences pour les hommes En parallèle, l’accroissement démographique et l’exacerbation La Convention des Nations Unis sur la lutte contre la de la précarité entraînent une exploitation accrue et non désertification (1994) définit le processus de désertification durable des biens et services naturels. Les pressions exercées comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi- sur les écosystèmes créent un déséquilibre entre la demande arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi et la production de ces biens et services favorisant ainsi la lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». désertification. De manière générale, les conditions climatiques imprévisibles Les causes et les processus responsables de la désertification (sécheresses récurrentes et irrégularité de la pluviométrie) sont cependant variables. Elles dépendent simultanément du couplées à la nécessité de satisfaire les besoins alimentaires contexte mondial (réchauffement climatique), régional (zone et énergétiques des populations locales sur le court terme géographique et politique) et local (mode d’exploitation et de (avec des pratiques inadaptées d’exploitation des ressources gestion des terres). Ainsi, la lutte contre la désertification doit naturelles) entraînent une forte dégradation environnementale. se traiter en termes de directives internationales, de politiques Celle-ci se traduit par une destruction du couvert végétal régionales et d’initiatives locales. Ces trois échelles (mondiale, (extension des superficies cultivées au détriment des espaces régionale et locale) sont étroitement dépendantes les unes pastoraux), une diminution de la fertilité, une modification des des autres (MEA, 2005). Il n’est pas superflu d’ajouter que la écosystèmes et une recrudescence des conflits autour de la résolution des problèmes à l’échelle locale doit être adaptée et gestion des ressources naturelles (Requier-Desjardins, 2007 ; spécifique à la demande exprimée (besoins, objectifs, valeurs) Requier-Desjardins et Caron, 2005). des populations locales. La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique 7
  • 10. Qu ’est-ce que le capital naturel ? L e capital naturel est un concept élaboré à la fin des années 70 (Jurdant et al., 1977) et développé, entre autres, par Costanza et Daly (1992). Ce concept est essentiel pour favoriser la considération des problèmes environnementaux dans les prises de décision économique. Le terme de capital naturel permet aussi de mettre en évidence le rôle limitant des ressources et des écosystèmes naturels dans le développement socio-économique des populations et des nations (Ekins et al., 2003). Pour bien comprendre le sens du terme « capital naturel », expliquons tout d’abord les différents types de capitaux qui existent. Les différents types de capitaux Il existe cinq types de capitaux (MEA, 2005) : 1. Le capital financier (monnaie et substituts) Le capital naturel renouvelable correspond à la structure 2. Le capital manufacturé (immeubles, routes et autres et à la composition des écosystèmes naturels qui, à constructions humaines fixes) travers leur fonctionnement, maintiennent le flux de 3. Le capital humain (efforts individuels ou collectifs et biens et services naturels aux hommes. Le capital naturel compétences intellectuelles) récupérable correspond au stock de ressources non 4. Le capital social (institutions, relations sociales, vivantes qui sont continuellement recyclées à travers réseaux sociaux, croyances culturelles partagées et leurs interactions avec les ressources vivantes sur de traditions) longues périodes de temps. Enfin, le capital naturel 5. Le capital naturel : métaphore économique qui cultivé correspond aux systèmes agro-écologiques de représente les stocks de ressources naturelles desquelles production qui possèdent une capacité d’autorégulation dérivent les biens et services dont dépendent les plus ou moins élevée selon leur mode de gestion. sociétés humaines. Le capital naturel peut être décliné en quatre types : (a) le capital naturel renouvelable Actuellement, et depuis plusieurs décennies, le (espèces vivantes, écosystèmes), (b) le capital naturel taux d’utilisation (dégradation) du capital naturel non renouvelable (pétrole, charbon, diamants), (c) le est supérieur à son taux de renouvellement. Sa capital naturel récupérable (atmosphère, eau potable, transformation en produits manufacturés détruit peu sols fertiles) et (d) le capital naturel cultivé (agriculture à peu (et de plus en plus vite) les stocks de ressources et sylviculture). naturelles et les biens et services qui en découlent. Le capital naturel (définition de Daly et Farley, 2004) La perte du capital naturel peut aussi entraîner la consiste donc en l’ensemble des écosystèmes durables et diminution consécutive du capital social et du capital des paysages écologiques desquels les hommes dérivent humain (Aronson et al., 2007a). Cette situation est les services et produits (biens) qui améliorent leur bien- particulièrement vraie en zones arides et semi-arides être sans coût de production. Il est important de préciser où la réduction constante des services naturels suite que la totalité des stocks de capital naturel cultivé et à la désertification favorise l’émigration et la perte de capital manufacturé est dérivée du capital naturel d’estime de soi ainsi que les conflits politiques (Requier- renouvelable, récupérable ou non renouvelable. Desjardins et Caron, 2005). 8 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 11. La restauration du capital naturel : un élément de réponse au clivage disciplinaire et idéologique entre les sciences naturelles et les sciences sociales D‘après Aronson et al., 2007b. Thèmes/ Environ- Économie Apport Visions nementalisme néo- de le extrême classique RCN pour pure pallier au clivage économie/ écologie Peuvent concilier Sont trop Font des les besoins Paysage de savane arborée nombreux et choix basés individuels avec des termitières, Cameroun. consomment trop sur les F. Anthony© IRD Les gens et collectifs (pour le bien- principes et ceux des être des autres de l’intérêt générations espèces). individuel. actuelles et futures. État économique L’interdépendance des différents types de capitaux doit Profondément stable qui être mise en évidence dans la lutte contre la déserti- pessimiste, Optimiste, Vision du futur accepte sauf en cas de linéaire, fication et la RCN en général. En effet, la dégradation économique les limites changements déterministe. des terres et la baisse de la qualité de vie sont liées (MEA, écologiques radicaux. de la 2005). Leur restauration respective l’est donc aussi. La croissance. prise en compte de cette interdépendance est essentielle Les hommes pour outrepasser les préjugés qui existent concernant Place de Existe en et la Nature ces processus et qui limitent la résolution des problèmes Fait partie de la l’Homme dans dehors des constituent Nature. environnementaux et socio-économiques. la Nature écosystèmes. des socio- écosystèmes. Valeurs Conservation de la nature versus croissance conomique ? Détermination Valeur multiples car de la valeur Valeur intrinsèque utilitaire, l’économie Traditionnellement, la conservation de la nature des biens de toutes entités déterminé matérielle et la restauration de la santé des écosystèmes sont et services vivantes. par les prix dépend de perçues comme incompatibles, voire contradictoires, naturels du marché. la santé des écosystèmes. avec les objectifs du développement économique. Le tableau ci-contre fait le point sur les contradictions Respect de la Toutes espèces Rentabilité, biosphère sur que peut soulever une vision trop étroite de l’écologie Normes vivantes méritent intérêt la base du ou de l’économie. Ce tableau met aussi en valeur les conductrices et respect et personnel et bien-être socio- de conduite intérêts d’une approche intégrant simultanément la attention. utilitaire. économique restauration écologique et le développement durable. durable. Pour bien comprendre le contexte de la restauration Substitution Substitution du capital naturel, il est nécessaire de faire le point totale partielle, le Pas de substitution possible entre capital naturel sur les différences idéologiques entre les concepts Substitution possible pour le le capital et le capital de croissance économique et de développement des capitaux capital naturel. naturel et manufacturé économique durable. Ces différences sont discutées le capital sont com- dans les chapitres suivants. manufacturé. plémentaires. Qu’est-ce que le capital naturel ? 9
  • 12. Zoom Le modèle aux élastiques : K : capital W. niveau relation entre capital naturel et croissance de revenu par habitant K Humain K Technique Étape 1 La fonction de production est à quatre facteurs : naturel, technique, humain, social. Le niveau de revenu W (représenté par ☺) dépend de la quantité accumulée des quatre capitaux. Dans cette représentation graphique, la fonction de production W= f (N,T,H,S) est représentée par le fait que le niveau W est « accroché par des élastiques » au sommet des quatre « piliers » que sont les stocks de capitaux. K Naturel K Social Étape 2 K Humain K Technique On connaît de nombreux exemples où la croissance est fondée sur une consommation de capital naturel. Prenons l’exemple classique en Afrique de modes de culture inadaptés à la densité croissante de la population et qui dégradent la fertilité des sols. Effet Il y a ainsi une baisse progressive du capital naturel et donc de seuil S des rendements jusqu’au moment ou on atteint un certain seuil S au-delà duquel il y a un effondrement de la fertilité et surtout des rendements. K Naturel K Social Étape 3 K Technique Perte de K Passé le seuil S, le sol devient stérile. Le paysan tombe dans la Humain liée catégorie du manoeuvre non qualifié et cherche un autre travail. Son capital humain perd ainsi de la valeur, ou autrement dit le Effet Exode, paysan ne peut plus exprimer les connaissances d’agriculteur de seuil S bidonville qu’il avait (savoir-faire, semences adaptées …) : c’est l’externalité négative qu’engendre sur son capital humain un niveau insuffisant de capital naturel et qui tire vers le bas son revenu. Effondrement K Social K Naturel Conclusion On conçoit qu’en approchant du seuil, un investissement qui Préserve le Investir capital humain stoppe la dégradation du capital naturel et l’empêche de dans le capital et lutte contre la franchir le seuil S a une très grande rentabilité sociale et doit pauvreté naturel être privilégié. Cela vient de ce que les phénomènes de seuil induisent des non linéarités dans le processus de croissance, qui, il faut le reconnaître, sont difficiles à modéliser. K Humain D’après Girault et Loyer, 2006. K Naturel K Social 10 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 13. Pays du Nord Accroissement de Pays du Sud la tension et de la bipolarisation « Sur » « Sous » s consommation consommation Con ue n ce séq u éq en ns ce Ré s Co ts lt a su su lta Ré ts Émission Pauvreté, de déchets malnutrition, Accumulation de maladies CO2 Dépendance Désintégration L’économie Perte de confiance sociale en soi x entau Blocage de Imp nem l’information a ct on se vir nv en iro c ts ne pa n me Modification des flux Modification des flux nta d’énergie et de d’énergie et de Im ux matériaux, de la RCN matériaux, de la qualité et de la quantité qualité et de la quantité de l’eau, de l’utilisation de l’eau, de l’utilisation des terres des terres Processus Phase de transition F Flux d’information Le système économique actuel D’après Aronson et al., 2007b ; Blignaut et al., 2007. Le capital naturel : un facteur limitant du développement durable Nous avons vu précédemment que les populations Ce schéma représente un modèle simplifié du système humaines dépendent des biens tirés des écosystèmes économique actuel, en mettant l’accent sur le fossé (bois, etc.), mais aussi des services naturels pour leur économique qui existe entre les pays du Nord et du survie et la stabilité de leurs sociétés. Ces services Sud. Les informations relatives aux changements dérivent du stock de capital naturel. Or, ces services environnementaux et à leurs impacts sur nos sociétés sont, pour la plupart, gratuits et non exclusifs. C’est-à- ne sont pas intégrées au système. L’approche RCN dire que la consommation d’un service par un individu permet de favoriser ce flux d’informations entre le Nord ne diminue pas la capacité de consommation de ce et le Sud et vis-à-vis du système économique mondial même service par les autres (à travers, par exemple, dominant. une augmentation du prix ou un accès limité). On parle parfois de biens publics mondial (Requier-Desjardins Le système économique dominant a pour objectif la et Caron, 2005). Cette notion de bien public souligne maximisation de la consommation individuelle par le d’une part le fait que la consommation de l’un ne limite biais de la croissance économique. Cette dernière est pas la consommation des autres et que, d’autre part, une augmentation physique du taux auquel l’économie la qualité du service ne diminue pas en fonction du transforme les ressources naturelles en valeurs nombre d’utilisateurs (on parle alors de non rivalité). monétaires (capital manufacturé) et en déchets. Ces différentes caractéristiques font, qu’en pratique, il L’émission de déchets (ou pollution) n’étant pas prise en n’existe pas de signaux économiques de la diminution compte dans les coûts de production, il est aujourd’hui des services rendus par les écosystèmes (Farley et Daly, plus rentable d’investir dans la dégradation que dans la 2006). Ils n’ont pas de valeurs exprimées sur le marché restauration du capital naturel. économique actuel (voir la figure ci-dessus). Qu’est-ce que le capital naturel ? 11
  • 14. Agriculture en Tunisie. Récolte et tri des dattes dans le sud-tunisien. V. Simonneaux © IRD À la différence de la croissance économique, le L’essence du concept de développement durable est développement économique est une augmentation du de répondre aux besoins fondamentaux des hommes bien-être et de la qualité de vie des populations pour tout en préservant les services naturels essentiels à la un niveau donné (taux constant) de transformation vie sur Terre (Kates et al., 2001). Ce concept intègre le des ressources naturelles. Pour un développement fait que notre économie est limitée par la capacité de économique durable : fonctionnement des écosystèmes de la biosphère. Il ne s’agit pourtant pas d’un sacrifice dans la qualité de vie Le taux de transformation du capital naturel en au profit de la conservation de la nature. Au contraire, capital manufacturé ne doit pas excéder son taux de le développement économique local durable est corrélé renouvellement. avec l’augmentation du bien-être des populations La quantité de déchets émis ne doit pas excéder la locales et avoisinantes. capacité d’absorption naturelle de la biosphère (Daly, 1990). Afin de restaurer et améliorer les relations entre les hommes et l’environnement naturel, il est important de : dissocier les concepts de croissance économique (augmentation de la ‘taille’ de l’économie) et de Zoom développement économique (augmentation de la qualité de vie pour une ‘taille’ constante de l’économie) ; Les biens publics mondiaux : tenir compte des limites fonctionnelles des éco- un concept d’économistes systèmes de la planète. Un bien (et un mal) public mondial (BPM) est, pour les économistes, Aujourd’hui, le facteur limitant pour notre économie un bien que tout le monde peut consommer : sa consommation n’est plus le capital manufacturé mais le capital par une personne ne pénalise pas celle d’autres personnes (par naturel. Puisque la logique économique veut que l’on exemple l’air que nous respirons). Les BPM peuvent être fournis investisse dans le facteur limitant (Aronson et al., par le secteur privé ou par les États. Par exemple, les forêts 2006a ; Costanza et Daly, 1992), de nos jours, les intérêts domaniales sont des biens publics gérés par l’État lorsqu’il en est de la société nécessitent un investissement important le propriétaire. dans la restauration du capital naturel. Pour favoriser cet investissement, différentes méthodes d’évaluation La biodiversité, certaines forêts ou sites exceptionnels, peuvent économique du capital naturel et des biens et services aussi appartenir à des acteurs privés qui contribuent ainsi à la qui en découlent ont été élaborées. Elles sont abordées production de biens publics. Les BPM sont des biens dont le produit dans le chapitre consacré aux bénéfices socio- et les coûts dépassent les frontières géopolitiques et traversent les économiques de la restauration du capital naturel en générations. zones arides (page 18). Auparavant, les concepts relatifs à la pratique de la restauration du capital naturel en D’après Requier-Desjardins et Caron, 2005. zones arides sont décrits dans le prochain chapitre. 12 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 15. À l’orée du village, une fabrique de briques artisanales faites à partir de terre battue et de pailles mélangées à de l’eau. Les briques sont ensuite séchées au soleil. Région de Sikasso. Mali. M. Dukhan © IRD Qu’est-ce que le capital naturel ? 13
  • 16. Qu ’est-ce que la restauration du capital naturel ? L a restauration du capital naturel est une nouvelle approche de gestion qui repose sur l’interdépendance entre le bien-être des populations humaines et la santé des écosystèmes. Dans le cadre de la lutte contre la désertification, la restauration des biens et services caractéristiques des milieux arides et semi-arides est essentielle. La restauration du capital naturel : santé des écosystèmes et bien-être humain en milieux arides et semi-arides La restauration du capital naturel (RCN) correspond à toutes les activités qui intègrent l’augmentation ou l’investissement dans les stocks du capital naturel dans le but d’augmenter le flux de biens et services naturels tout en améliorant les aspects relatifs au bien-être humain (Aronson et al., 2006). À l’instar de l’écologie de la restauration, la RCN a pour intention l’amélioration de la santé et de la capacité de résilience des écosystèmes (Clewell et Aronson, 2006, 2007). Cependant, la RCN répond également aux attentes socio-économiques des hommes. 1. Réduction de la production de matière organique et d’incorporation à la litière ; ce qui entraîne une La RCN peut inclure, mais n’est pas limitée à : baisse de la productivité et de la fertilité des sols et des écosystèmes. la restauration des écosystèmes terrestres et aquatiques ; 2. Mise en place d’une croûte de battance : pellicule qui l’amélioration écologique durable des terres soumises se forme à la surface des sols dénudés sous l’impact des aux pratiques agricoles ou à toutes autres activités de gouttes de pluie et empêche la pénétration de l’eau et gestion ; des graines dans le sol. la promotion de l’utilisation durable des ressources 3. Mise en place d’une pellicule biologique : croûte biologiques ; d’algues, de lichens ou de mousses qui joue un rôle la mise en place ou mise en valeur des activités et comparable à la croûte de battance. comportements socio-économiques qui incorporent 4. Érosion mécanique sèche due à l’entraînement des des considérations environnementales et la gestion particules le long des pentes sous l’effet de la pesanteur. durable du capital naturel dans leurs activités Elle résulte de labours répétés sur de fortes pentes. habituelles. 5. Érosion éolienne. 6. Dépôt éolien : formation de dunes de sable ou d’argile Comme il a été dit précédemment, la restauration suite à l’érosion éolienne. écologique a pour but le rétablissement de la productivité 7. Érosion hydrique. et l’amélioration de la biodiversité, de la stabilité et de la 8. Salinisation d’origine anthropique : phénomène capacité de résilience des écosystèmes dégradés. Ceci résultant d’une irrigation inadaptée qui entraîne la peut être réalisé à travers la restauration des fonctions stérilisation des sols. (i.e. ensemble des biens et services) des écosystèmes. La restauration de ces fonctions est un processus Il est difficile d’identifier le rôle majeur que jouent ces complexe. Des cadres conceptuels de travail, ou fonctions sur la stabilité des sociétés humaines avant modèles, existent pour faciliter la compréhension et que celles-ci ne soient dégradées. Un moyen de mettre la communication entre les différents acteurs de la en évidence leur importance est d’identifier les effets restauration. Par exemple, le modèle TTRP, proposé consécutifs à leur dégradation. En milieux arides et par Tongway et Ludwig (2007a et b), a prouvé son utilité semi-arides, Le Houérou (1995) résume les conséquences dans la résolution de problèmes environnementaux en écologiques de la désertification en huit effets : Australie. 14 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 17. Préparation d’un champ de zaï dans la province du Yatenga au Burkina Faso. Le zaï est une technique traditionnelle de préparation du sol qui consiste à faire des trous avec un petit aménagement pour récupérer un peu d’eau de ruissellement, puis d’y semer les graines de mil ou de sorgho afin de rendre moins sensibles les semis en cas de pluviométrie irrégulière. E. Hien © IRD Zoom Exemples de processus mis en jeu . Écoulement, stockage, salinisation événement . Germination, croissance des plantes, minéralisation . Écoulement vers les rivières, érosion Gâchette Le modèle TTRP ou comment fonctionne . Consommation d’herbe, feu, récolte Ex. pluie . Approvisionnement du pool de un écosystème pastoral en zone semi-aride graines, Cycle de la matière organique . Obstruction physique, absorption processus Pour faciliter la restauration des fonctions de paysages pastoraux en zones semi-arides, Tongway et Ludwig ont mis en place un cadre de Transfert travail conceptuel. Ce modèle est appelé « Trigger-Transfer-Reserve- Perte de l’eau Pulse » (TTRP) (« gâchette – transfert – réserve – battement »). Il est événement basé sur deux caractéristiques principales des régions semi-arides : processus (i) une forte hétérogénéité spatiale et temporelle de la disponibilité des ressources et (ii) une pluviosité faible et imprévisible. Mise en réserve de l’eau Le modèle TTRP met en évidence certains processus à travers lesquels le capital naturel est formé. Il permet une représentation événement simplifiée des étapes de sa formation. Il permet ainsi d’identifier à Battement quel ‘niveau’ la restauration peut préférentiellement avoir lieu. Un Ex : événement de événement « gâchette », comme une pluie, initie les processus de Schéma adapté croissance des plantes de Tongway et Ludwig, 2007a. transfert de l’eau : la perte et la mise en réserve . Si les réserves en eau sont suffisantes, la croissance des plantes, accompagnée de production animale et de minéralisation microbienne, est initiée de pores et de galeries par la macrofaune, par exemple, favorise . De nombreux processus biologiques, chimiques et physiques l’infiltration et la disponibilité en eau ainsi que la respiration racinale sont alors enclenchés tels que la formation de matière organique, et microbienne. De plus, d’autres procédés biophysiques tels que la la fixation de l’azote, la séquestration du carbone, les activités formation de « patchs » de végétation réduisent la perte en eau et microbiennes et de la macrofaune ainsi que la transformation favorise sa rétention après un événement « gâchette » . des nutriments du sol. Ces processus permettent l’augmentation, la transformation et le recyclage du capital naturel . La création D‘après Tongway et Ludwig, 2007a et b. Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ? 15
  • 18. La restauration écologique des fonctions des éco- De manière générale, les services rendus par les systèmes en milieux arides et semi-arides doit écosystèmes se divisent en quatre catégories : les principalement être focalisée sur la restauration services de régulation des processus écologiques, des flux hydriques, de la fertilité des sols et du les services de production de biens, les services de couvert végétal. De manière générale, les projets de provision d’habitat/support de vie et les services restauration liés à la lutte contre la désertification d’information ou bénéfices culturels. consistent à réintroduire des plantes résistantes à de forts taux de salinité, à la sécheresse et à la pression Le tableau suivant, tiré du rapport de synthèse de pâturage. Cependant, plusieurs tentatives à de l’évaluation des écosystèmes du Millénaire grandes échelles n’ont pas réussi car les gestionnaires (Millenium Ecosystem Assessment, MEA) traitant de négligeaient des problèmes liés aux sols et aux flux la désertification (MEA, 2005), fournit la liste des hydriques. De plus, très souvent, ils ne prêtaient pas services naturels clés en zones arides et semi-arides. assez d’attention aux conditions socio-économiques du site (comme ce fut le cas, par exemple, dans les La dégradation et la diminution des biens et services projets mis en place durant les années 70 de « barrages naturels ont un coût socio-économique évident pour verts » en Algérie, Mainguet et Dumay, 2006). La les populations humaines à travers la détérioration restauration écologique est un processus complexe des conditions de vie. Afin d’augmenter ces services, qui requiert la participation de nombreuses personnes il est nécessaire d’évaluer financièrement (1) l’impact ayant souvent des visions différentes d’un écosystème de leur dégradation et (2) les coûts et bénéfices liés aux restauré et parfois des intérêts conflictuels (SER, projets visant la restauration durable des écosystèmes 2002). De fait, chaque projet de restauration doit être (Requier-Desjardins, 2007 ; Requier-Desjardins, Bied- conçu et programmé en fonction du contexte local. Charreton M., 2006). Ceci peut être réalisé à travers Le support et la participation des populations locales la mesure de la qualité et de la quantité des biens et sont absolument indispensables au bon déroulement services rendus par les écosystèmes. Dans le but de d’un projet de RCN. L’intérêt et le soutien local doivent faciliter la discussion entre écologues et économistes, être suscités par la mise en avant des bénéfices issus on parle alors de mesure du stock de capital naturel. de la restauration (SER, 2002). Les notions de base relatives à l’évaluation financière du capital naturel sont discutées dans le chapitre Pour favoriser l’implantation de projets de RCN, il suivant. est important d’insister sur la restauration d’une relation bénéfique mutuelle entre les hommes et Services clés des écosystèmes en régions sèches l’environnement. Ceci commence par la définition D’après MEA, 2005. et la communication sur les concepts de biens et services naturels. Services d‘appro- Services de Services culturels visionnement régulation Les biens et services des écosystèmes • Produits dérivés • Régulation et • Loisir et tourisme en zones arides et semi-arides de la production purification de • Identité et diversité biologique : l’eau culturelle nourriture, bois, • Pollinisation et Les populations humaines en zones arides et semi- fibres, bois • Paysages et dispersion des patrimoine culturel arides sont particulièrement dépendantes des biens et de chauffe, graines services des écosystèmes pour satisfaire leurs besoins médicaments • Savoir traditionnel • Régulation les plus fondamentaux. Les habitants se procurent • Eau potable climatique locale • Services spirituels, esthétiques et l’essentiel de leurs revenus à travers l’exploitation (par le biais du couvert végétal) intellectuels des ressources naturelles. Il y a très peu de vente et globale (par la de produits manufacturés. Il existe donc une forte séquestration du dépendance de la population au capital naturel et aux carbone) changements climatiques (Requier-Desjardins, 2007). Services de maintien Par exemple, la production de céréales, de bétail, de produits laitiers, de bois de chauffe et de matériaux • Formation et conservation du sol pour la construction dépend de la productivité • Production primaire végétale, elle-même dépendante des contraintes en • Cycle de formation des nutriments eau. 16 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
  • 19. Exemple Restauration du capital naturel des brousses tigrées en Australie Un projet de restauration du capital naturel en zones semi-arides a eu lieu de 1996 à 2007 dans la partie ouest des Nouvelles-Galles du Sud en Australie. Son objectif principal était de restaurer un écosystème stable et productif afin d’assurer la viabilité économique des exploitations locales (élevage bovin). Pour cela, il était nécessaire de restaurer les fonctions du paysage pastoral en intégrant simultanément les principes de l’écologie et de l’économie. Le paysage y est constitué naturellement de « brousses tigrées ». Ce type d’écosystème existe également en Afrique de l’Ouest et au Mexique. La végétation est structurée en bandes boisées et La disposition en bandes transversales du mulga à travers les contours du paysage a permis la capture efficace des ressources et la restauration herbeuses alternées de sol nu. Cette structure typique des brousses d’une région abîmée. tigrées permet une distribution optimale des ressources, notamment hydriques, et donc la formation d’un paysage productif. D’après Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright © 2007 par les auteurs. Reproduit avec la permission d’Island Press, Washington, D.C. Le paysage est dégradé dans cette zone par le piétinement et le Dans le but de stopper le processus de désertification, un projet de surpâturage des troupeaux. Cette situation est courante dans les restauration du capital naturel a été développé en accord avec les zones situées près des points d’eau artificiels où les troupeaux propriétaires de troupeaux. Il se basait sur le modèle TTRP développé traversent et broutent tous les jours. Au fur et à mesure, les processus dans l’encadré page 15. Le projet devait être facilement applicable, fonctionnels de la brousse tigrée disparaissent, empêchant ainsi le peu coûteux, et compatible avec les pratiques des fermiers. Il fut stockage de l’eau dans le sol et favorisant la désertification du milieu. donc décidé de rétablir les fonctions de base sur une zone test en Finalement, ces zones de pâturage deviennent très peu productives utilisant comme modèle les processus écologiques et hydrologiques et restent dominées par des espèces de plantes éphémères, de existant dans la zone non dégradée. La plante dominante de la basse qualité nutritive, qui poussent par « à-coup » en réponse aux bande boisée, le mulga (Acacia aneura), fut utilisée pour rétablir la pluies occasionnelles. structure physique de l’écosystème sur une zone test. Des branches de mulga ont été empilées le long des cordes de manière à capturer Les deux photographies suivantes illustrent d’une part un paysage les matériaux lessivés par la pluie et apportés par le vent. La bande fonctionnel de brousse tigrée où le capital naturel est formé et stocké, boisée fut donc rétablie artificiellement. L’accumulation de matériel et, d’autre part, un paysage dégradé où le capital naturel est perdu capturé encouragea l’établissement d’une nouvelle population de à travers l’érosion du sol et la mortalité des plantes. plantes pérennes. Celles-ci, partiellement protégées par la structure épineuse du mulga, furent ainsi capables de supporter la pression habituelle du pâturage. Dix années plus tard, la densité du couvert végétal ainsi que les propriétés du sol ont été rétablies sur la zone test. Un tel succès dans le rétablissement du couvert végétal signifie aussi que le pool de graines dans le sol n’était pas limité. Des branches de mulga sont parfois débitées par les propriétaires de troupeaux dans le but de réduire la compétition entre cette espèce et celles appétées par le bétail pour l’accès aux nutriments. Les éleveurs peuvent donc facilement modifier leurs méthodes habituelles de stockage pour disposer les branches débitées de mulga sur les zones dégradées. Grâce à cette technique, la productivité du pâturage Cette photo représente un paysage où beaucoup moins d’eau est stockée augmente. dans le sol au cours du temps. C’est un paysage qui se désertifie et où les arbres vont finir par disparaître. La zone herbeuse est dominée par des espèces éphémères à faible valeur énergétique qui poussent rapidement Cette étude montre qu’une légère modification des pratiques de après une pluie. L’écosystème est totalement dysfonctionnel et le capital gestion peut parfois s’avérer efficace. La simple disposition des naturel est perdu au cours du temps (à travers la mortalité des plantes ou branches de mulga en bandes transversales a permis une capture l’érosion du sol). efficace des ressources et la réversion du processus de désertification. Ceci a engendré des bénéfices économiques pour les éleveurs tout D’après Ecological Restoration par Andre F. Clewell et James Aronson. Copyright © 2007 par les auteurs. Reproduit avec la permission d’Island Press, Washington, D.C. en maintenant/augmentant la biodiversité. D‘après Tongway et Ludwig, 2007a et b. Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ? 17
  • 20. Le s bénéfices socio- économiques de la restauration du capital naturel dans les zones arides L e coût économique, social et environnemental de la désertification est très difficile à évaluer et peu d’études ont été réalisées à ce sujet (Requier-Desjardins, 2007). Les aspects socio- économiques de la restauration du capital naturel dans les zones touchées par la désertification sont donc évoqués ici d’un point de vue général. En revanche, les exemples présentés dans ce chapitre illustrent des méthodes d’application de l’approche RCN qui peuvent être appliquées dans le cadre spécifique de la lutte contre la désertification. Évaluation monétaire du capital naturel et de sa restauration Pour favoriser la mise en œuvre de projets de restauration cependant fournir des arguments économiques plus des écosystèmes dégradés, deux types d’approche ou moins convaincants en faveur de la restauration du permettent d’établir le bien-fondé de cette restauration capital naturel. d’un point de vue monétaire : (1) l’évaluation du coût de la dégradation et (2) l’évaluation des coûts et des Dans la lignée du Millenium Ecosystem Assessment, bénéfices de la restauration. les approches d’évaluation économique en termes de services rendus par les écosystèmes sont de plus en plus Le dossier thématique du CSFD n°5 (Requier-Desjardins, utilisées dans le cadre de la RCN au niveau local. 2007) procure un récapitulatif des différentes méthodes d’évaluation du coût macro-économique de la L’évaluation monétaire du capital naturel n’est pourtant désertification en Afrique. Par exemple, afin d’évaluer pas aisément quantifiable. Beaucoup de services la diminution de la productivité des cultures, une naturels n’ont ‘pas de prix’ au sens figuré, puisqu’ils évaluation du coût de remplacement des nutriments sont indispensables à la vie sur Terre, et, au sens dans le sol par des engrais commerciaux a été réalisée propre, puisqu’ils n’ont pas de valeurs sur le marché au Mali. Cette méthode est pertinente uniquement si économique. En effet, pour les raisons que nous avons le capital naturel peut-être remplacé par un substitut évoquées précédemment, dont la non exclusivité et manufacturé. Cette substitution a, bien sûr, des limites. la non rivalité, l’évaluation monétaire de la majeure partie du capital naturel et de sa restauration n’est pas Une autre méthode, issue du Millenium Ecosystem compatible avec les théories économiques classiques. Assesment (MEA, 2003), consiste à évaluer les coûts de la Cependant, l’Homme a toujours attribué des valeurs désertification en fonction de la division de l’espace rural à certains aspects de la Nature y compris les services selon ses usages économiques principaux (agriculture, naturels. Il est donc possible d’intégrer ces valeurs ‘non forêt, etc.). Cela revient à évaluer le coût de la perte des monétaires’ aux lois du marché économique (Rees et al., services naturels en termes d’approvisionnement en 2007) par la création, par exemple, d’un marché fictif nourriture et en bois. Ces méthodes, généralement peu (évaluation contingente) ou la prise en compte du précises, puisqu’elles reposent sur des prix de référence coût économique de la pollution (internalisation des très variables et des modèles assez simplifiés, peuvent externalités) (Requier-Desjardins, 2007). 18 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides