La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. Numéro 7.
Lacombe Morgane et Aronson James, 2008. La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. Numéro 7. - Un exposé complet des connaissances sur cette approche alternative de gestion environnementale qui est à la fois durable sur un plan écologique et équitable socio-économiquement.
Pastoralism in dryland areas. A case study in sub-Saharan Africacsfd
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Developpement local et gestion locale des ressources naturelles en regions ar...
La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides. Allier santé des écosystèmes et bien-être des populations. Les dossiers thématiques du CSFD. Numéro 7.
1. N U M É RO 7
La restauration
du capital naturel
en zones arides et
semi-arides
Allier santé des écosystèmes
et bien-être des populations
Comité Scientifique Français de la Désertification
French Scientific Committee on Desertification
3. Avant-propos
L’
Marc Bied-Charreton humanité doit dorénavant faire face à
Président du CSFD un problème d’envergure mondiale : la
Professeur émérite de l’Université désertification, à la fois phénomène naturel et
de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines processus lié aux activités humaines. Jamais la
Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ planète et les écosystèmes naturels n’ont été autant dégradés
par notre présence. Longtemps considérée comme un
problème local, la désertification fait désormais partie des
questions de dimension planétaire pour lesquelles nous
sommes tous concernés, scientifiques ou non, décideurs
politiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est
dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participer
la société civile, et dans un premier temps de lui fournir
les éléments nécessaires à une meilleure compréhension
du phénomène de désertification et de ses enjeux. Les
connaissances scientifiques doivent alors être à la portée
de tout un chacun et dans un langage compréhensible par
le plus grand nombre.
C’est dans ce contexte que le Comité Scientifique Français
de la Désertification a décidé de lancer une nouvelle série
intitulée « Les dossiers thématiques du CSFD » qui veut fournir
une information scientifique valide sur la désertification,
toutes ses implications et ses enjeux. Cette série s’adresse aux
décideurs politiques et à leurs conseillers du Nord comme
du Sud, mais également au grand public, aux journalistes
scientifiques, du développement et de l’environnement. Elle
a aussi l’ambition de fournir aux enseignants, aux formateurs
ainsi qu’aux personnes en formation des compléments
sur différents domaines. Enfin, elle entend contribuer à
la diffusion des connaissances auprès des acteurs de la
lutte contre la désertification, la dégradation des terres et
la lutte contre la pauvreté : responsables d’organisations
professionnelles, d’organisations non gouvernementales et
d’organisations de solidarité internationale.
Une douzaine de dossiers sont consacrés à différents thèmes
aussi variés que les biens publics mondiaux, la télédétection,
l’érosion éolienne, l’agro-écologie, le pastoralisme, etc., afin
de faire le point des connaissances sur ces différents sujets. Il
s’agit également d’exposer des débats d’idées et de nouveaux
concepts, y compris sur des questions controversées,
d’exposer des méthodologies couramment utilisées et des
résultats obtenus dans divers projets et enfin, de fournir des
références opérationnelles et intellectuelles, des adresses et
des sites Internet utiles.
Ces dossiers seront largement diffusés - notamment dans
les pays les plus touchés par la désertification - sous format
électronique à la demande et via notre site Internet, mais
également sous forme imprimée. Nous sommes à l’écoute
de vos réactions et de vos propositions. La rédaction, la
fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entièrement
à la charge du Comité, grâce à l’appui qu’il reçoit des
ministères français. Les avis exprimés dans les dossiers
reçoivent l’aval du Comité.
1
4. Préface
C
e dossier thématique n°7 du CSFD aborde, végétales (pâturages, bois de feu, etc.). Aujourd’hui,
dans une démarche de communication, de même ces besoins les plus élémentaires ne peuvent
partage et de discussion, la présentation des être satisfaits. Il est temps de concevoir, proposer
éléments majeurs de l’approche que sous- et promouvoir une approche alternative de gestion
tend cette locution ‘Restauration du capital naturel’ environnementale qui soit socio-économiquement
appliquée aux zones arides et semi-arides. L’objectif équitable et écologiquement durable.
principal est (1) de participer à la promotion de cette
approche au sein des sociétés et des communautés La mise en place d’une telle approche requiert de
les plus touchées par les processus de dégradation profondes modifications du comportement de nos
des espaces et des ressources qu’elles gèrent et (2) sociétés (des acteurs de terrain aux politiques) vis-
convaincre les gouvernements et les décideurs des aides à-vis de l’environnement naturel. Ces modifications
publiques et privées, d’inscrire leurs projets dans une seront difficiles et ne pourront, seules, suffire à assurer
telle démarche. les besoins fondamentaux des populations si elles ne
sont pas couplées à la restauration du capital naturel
Ce dossier résulte d’une compilation bibliographique des déjà largement dégradé. En outre, faisant le constat
travaux scientifiques disponibles, relatifs à la restauration que toute détérioration du capital naturel entraîne une
du capital naturel en zones arides et semi-arides. Ces détérioration du capital humain et du capital sociétal, il
travaux, conduits déjà sur plusieurs décennies, ont permis est proposé de promouvoir également la restauration du
de dégager concepts et définitions qui, pour la majorité capital social, élément complémentaire indispensable à
de ceux présentés ici, sont adaptés de l’ouvrage édité la réussite des projets de restauration du capital naturel.
par Aronson et al. (2007a) regroupant les contributions
de 71 scientifiques, gestionnaires et journalistes œuvrant La restauration du capital naturel implique la facilitation
dans les domaines de l’écologie, de l’économie et de du flux d’informations, du partage et de la communica-
l’économie écologique. tion des concepts, en particulier scientifiques, sur lesquels
repose cette approche. Les réponses à des interrogations
Plusieurs sites, disséminés en zones arides ou semi- complémentaires abordées dans ce dossier, comme, par
arides à travers le monde, ont été choisis pour illustrer exemple, qui doit investir pour restaurer le capital naturel
les concepts élémentaires de la restauration du capital et le capital social ou comment assurer la surveillance et
naturel à travers des ‘visites virtuelles’ sur le terrain. Ces le suivi écologique à long terme, sont proposées dans les
exemples proviennent de l’ouvrage rédigé par Clewell & précédents dossiers thématiques du CSFD. La demande
Aronson (2007) destiné aux personnes impliquées, sur le sociale en matière de restauration des écosystèmes
terrain, par les activités de cette profession émergente dégradés étant faible alors que se poursuit la dégradation
qu’est la restauration écologique. des milieux et la perte de biodiversité, il est de ce fait
urgent de se préoccuper de la préservation des ressour-
Ces zones climatiques extrêmes ont souvent été—et sont ces génétiques nécessaires à la bonne concrétisation des
le plus souvent encore—le lieu de conflits sociaux pour projets de restauration écologique.
l’accès aux ressources naturelles. Ces conflits, exacerbés
par une pauvreté extrême et des conditions de vie Édouard Le Floc’h
précaires, sont majoritairement liés à une gestion inap- ancien chercheur, CEFE/CNRS
propriée des ressources naturelles aussi primordiales ancien membre du CSFD
pour la vie des gens que sont l’eau, la terre, les ressources
2 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
5. Sommaire
4 24
La restauration du capital naturel : une nécessité Faut-il investir dans la RCN en zones arides ?
écologique et socio-économique
28
8 Perspectives : vers une relation durable
Qu’est-ce que le capital naturel ? entre l’homme et l’environnement ?
14 30
Qu’est-ce que la restauration du capital naturel ? Pour en savoir plus...
18 35-36
Les bénéfices socio-économiques de la restauration du Lexique - Acronymes et abréviations
capital naturel dans les zones arides utilisés dans le texte
Sommaire 3
6. La restauration du capital
naturel : une nécessité
écologique et socio-économique
L’
empreinte écologique de l’humanité
est aujourd’hui largement supérieure à la
capacité de charge de la Terre. Autrement
dit, le taux de consommation des ressources
naturelles et le taux de dégradation environnementale et
d’émission des déchets issus de l’exploitation effrénée de
ces ressources sont supérieurs au taux de renouvellement
et d’absorption des écosystèmes. L’humanité a com-
mencé à grignoter ses réserves. Cette situation inédite
dans l’histoire de l’humanité, se traduit par l’apparition
conjointe de deux crises mondiales inextricablement
liées : l’une écologique, l’autre humanitaire.
La crise écologique :
le résultat d’un système économique
La crise écologique se traduit principalement par la perte
de la biodiversité, la réduction des espaces naturels et
l’érosion de la fonctionnalité des écosystèmes à une
échelle locale, régionale et globale (MEA, 2003). De ces
nouvelles conditions environnementales résultent, entre et d’une modification en profondeur de nos modes de
autres, le réchauffement climatique ou la diminution consommation (Aronson et al., 2007a). L’expérience
d’eau potable facilement accessible (Vitousek et al., 1997 ; montre, en effet, que les projets de restauration
Wackernagel et al., 2002). n’incorporant pas une modification des modes
d’exploitation des ressources restaurées, sont voués à
Il est aujourd’hui admis que les hommes—de par les l’échec, les causes générant les même effets, c’est-à-dire
systèmes et structures économiques, sociaux et culturels la surexploitation jusqu’à la dégradation de la ressource
auxquels ils appartiennent—sont responsables de (Makhlouf, 1995).
cette dégradation (Makhlouf, 1995). Les conséquences
immédiates pour l’humanité sont l’exacerbation des En milieu aride et semi-aride, l’exploitation jusqu’à
conflits pour l’acquisition des ressources et la perte des la dégradation des terres est souvent le résultat de
biens et services naturels (p. ex. fourniture de bois, conditions socio-économiques précaires. En effet, la
séquestration du carbone…). Or, ces biens et services ren- satisfaction des besoins alimentaires de base est une
dus par les écosystèmes sont indispensables à la survie priorité pour les hommes et les troupeaux.
et au développement de toute société. En conséquence,
une modification de nos comportements d’exploitation La crise humanitaire : une dégradation
et de distribution des ressources naturelles s’impose.
de la biosphère au détriment des plus pauvres
Dans les contextes démographique et économique Les méthodes actuelles d’exploitation et de distribution
actuels, la seule conservation des ressources naturelles des biens et services naturels sont le plus souvent
n’est pas suffisante pour assurer le minimum de biens et réalisées au détriment des groupes de population les plus
services nécessaires aux hommes. En effet, l’état actuel pauvres (MEA, 2005). La répartition inégale des richesses
du capital naturel au niveau mondial est déjà trop qui en découle est, à son tour, un moteur de la dégradation
bas pour continuer à soutenir la plupart des systèmes massive des écosystèmes. En effet, la nécessité pour
économiques des pays du Nord. La restauration les plus pauvres de se procurer le minimum vital se
écologique des écosystèmes dégradés est nécessaire. réalise souvent par le biais de méthodes hautement
En revanche, celle-ci est vaine si elle n’est pas couplée destructives pour l’environnement. La dégradation des
à la mise en place de systèmes d’exploitation durables ressources naturelles qui en résulte, entraîne en retour
4 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
9. C’est dans ce contexte que l’approche de restauration Aujourd’hui, le maintien des écosystèmes naturels
du capital naturel (RCN) apparaît comme un élément est sacrifié en faveur de la croissance économique (de
clé de réponse à ces deux crises. En effet, cette nouvelle Groot, 1992), à savoir l’augmentation de la production
approche associe les objectifs de la restauration (ou « taille » de l’économie) qui se traduit par une
écologique à ceux de l’amélioration du bien-être élévation de la consommation (Daly et Farley, 2004). Ce
des populations humaines d’un point de vue socio- choix politique repose en grande partie sur le fait que la
économique. La RCN sert ainsi de passerelle entre conservation de la biodiversité, la lutte contre la pauvreté
les impératifs de (1) la conservation de la biodiversité ou le développement économique sont communément
et la protection de la santé des écosystèmes, (2) la perçus comme ayant des intérêts indépendants et
production locale à court terme, (3) le développement souvent conflictuels. Comme nous le verrons tout au
économique aux niveaux national et international et long de ce dossier, la RCN vise à mettre en commun
(4) le développement économique local et durable ces intérêts à priori différents. Elle associe restauration
(DELD). écologique et développement durable afin de mettre en
synergie les bénéfices respectifs de ces deux approches.
La restauration du capital naturel :
Les régions menacées par la désertification corres-
un élément clé de réponse pondent à environ 40 pour cent des terres disponibles.
Écologues, conservateurs de la nature et économistes Elles sont le plus souvent le lieu de pauvreté extrême
ont tous des vues différentes sur les objectifs de la (Requier-Desjardins et Caron, 2005). Une approche
restauration écologique ou du développement durable. visant à restaurer simultanément les écosystèmes
Un consensus sur la définition et l’interprétation de ces et la qualité de vie des populations locales est donc
termes clés est nécessaire pour informer les populations nécessaire en zones arides et semi-arides. Les notions
et leurs représentants sur les objectifs et les conséquences et concepts relatifs au capital naturel et à la pratique
des politiques en place et à venir. de sa restauration sont développés dans les prochains
chapitres.
Zoom
La désertification et ses conséquences
pour les hommes
En parallèle, l’accroissement démographique et l’exacerbation
La Convention des Nations Unis sur la lutte contre la de la précarité entraînent une exploitation accrue et non
désertification (1994) définit le processus de désertification durable des biens et services naturels. Les pressions exercées
comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi- sur les écosystèmes créent un déséquilibre entre la demande
arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi et la production de ces biens et services favorisant ainsi la
lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». désertification.
De manière générale, les conditions climatiques imprévisibles Les causes et les processus responsables de la désertification
(sécheresses récurrentes et irrégularité de la pluviométrie) sont cependant variables. Elles dépendent simultanément du
couplées à la nécessité de satisfaire les besoins alimentaires contexte mondial (réchauffement climatique), régional (zone
et énergétiques des populations locales sur le court terme géographique et politique) et local (mode d’exploitation et de
(avec des pratiques inadaptées d’exploitation des ressources gestion des terres). Ainsi, la lutte contre la désertification doit
naturelles) entraînent une forte dégradation environnementale. se traiter en termes de directives internationales, de politiques
Celle-ci se traduit par une destruction du couvert végétal régionales et d’initiatives locales. Ces trois échelles (mondiale,
(extension des superficies cultivées au détriment des espaces régionale et locale) sont étroitement dépendantes les unes
pastoraux), une diminution de la fertilité, une modification des des autres (MEA, 2005). Il n’est pas superflu d’ajouter que la
écosystèmes et une recrudescence des conflits autour de la résolution des problèmes à l’échelle locale doit être adaptée et
gestion des ressources naturelles (Requier-Desjardins, 2007 ; spécifique à la demande exprimée (besoins, objectifs, valeurs)
Requier-Desjardins et Caron, 2005). des populations locales.
La restauration du capital naturel : une nécessité écologique et socio-économique 7
10. Qu ’est-ce que
le capital naturel ?
L
e capital naturel est un concept élaboré à
la fin des années 70 (Jurdant et al., 1977) et
développé, entre autres, par Costanza et Daly
(1992). Ce concept est essentiel pour favoriser
la considération des problèmes environnementaux dans
les prises de décision économique. Le terme de capital
naturel permet aussi de mettre en évidence le rôle
limitant des ressources et des écosystèmes naturels dans
le développement socio-économique des populations et
des nations (Ekins et al., 2003). Pour bien comprendre le
sens du terme « capital naturel », expliquons tout d’abord
les différents types de capitaux qui existent.
Les différents types de capitaux
Il existe cinq types de capitaux (MEA, 2005) :
1. Le capital financier (monnaie et substituts) Le capital naturel renouvelable correspond à la structure
2. Le capital manufacturé (immeubles, routes et autres et à la composition des écosystèmes naturels qui, à
constructions humaines fixes) travers leur fonctionnement, maintiennent le flux de
3. Le capital humain (efforts individuels ou collectifs et biens et services naturels aux hommes. Le capital naturel
compétences intellectuelles) récupérable correspond au stock de ressources non
4. Le capital social (institutions, relations sociales, vivantes qui sont continuellement recyclées à travers
réseaux sociaux, croyances culturelles partagées et leurs interactions avec les ressources vivantes sur de
traditions) longues périodes de temps. Enfin, le capital naturel
5. Le capital naturel : métaphore économique qui cultivé correspond aux systèmes agro-écologiques de
représente les stocks de ressources naturelles desquelles production qui possèdent une capacité d’autorégulation
dérivent les biens et services dont dépendent les plus ou moins élevée selon leur mode de gestion.
sociétés humaines. Le capital naturel peut être décliné
en quatre types : (a) le capital naturel renouvelable Actuellement, et depuis plusieurs décennies, le
(espèces vivantes, écosystèmes), (b) le capital naturel taux d’utilisation (dégradation) du capital naturel
non renouvelable (pétrole, charbon, diamants), (c) le est supérieur à son taux de renouvellement. Sa
capital naturel récupérable (atmosphère, eau potable, transformation en produits manufacturés détruit peu
sols fertiles) et (d) le capital naturel cultivé (agriculture à peu (et de plus en plus vite) les stocks de ressources
et sylviculture). naturelles et les biens et services qui en découlent.
Le capital naturel (définition de Daly et Farley, 2004) La perte du capital naturel peut aussi entraîner la
consiste donc en l’ensemble des écosystèmes durables et diminution consécutive du capital social et du capital
des paysages écologiques desquels les hommes dérivent humain (Aronson et al., 2007a). Cette situation est
les services et produits (biens) qui améliorent leur bien- particulièrement vraie en zones arides et semi-arides
être sans coût de production. Il est important de préciser où la réduction constante des services naturels suite
que la totalité des stocks de capital naturel cultivé et à la désertification favorise l’émigration et la perte
de capital manufacturé est dérivée du capital naturel d’estime de soi ainsi que les conflits politiques (Requier-
renouvelable, récupérable ou non renouvelable. Desjardins et Caron, 2005).
8 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
12. Zoom
Le modèle aux élastiques : K : capital
W. niveau
relation entre capital naturel et croissance de revenu
par habitant K Humain
K Technique
Étape 1
La fonction de production est à quatre facteurs : naturel,
technique, humain, social. Le niveau de revenu W (représenté
par ☺) dépend de la quantité accumulée des quatre capitaux.
Dans cette représentation graphique, la fonction de production
W= f (N,T,H,S) est représentée par le fait que le niveau W est
« accroché par des élastiques » au sommet des quatre « piliers »
que sont les stocks de capitaux.
K Naturel K Social
Étape 2 K Humain
K Technique
On connaît de nombreux exemples où la croissance est fondée
sur une consommation de capital naturel. Prenons l’exemple
classique en Afrique de modes de culture inadaptés à la densité
croissante de la population et qui dégradent la fertilité des sols.
Effet
Il y a ainsi une baisse progressive du capital naturel et donc
de seuil S
des rendements jusqu’au moment ou on atteint un certain seuil
S au-delà duquel il y a un effondrement de la fertilité et surtout
des rendements.
K Naturel K Social
Étape 3
K Technique
Perte de K
Passé le seuil S, le sol devient stérile. Le paysan tombe dans la Humain liée
catégorie du manoeuvre non qualifié et cherche un autre travail.
Son capital humain perd ainsi de la valeur, ou autrement dit le
Effet Exode,
paysan ne peut plus exprimer les connaissances d’agriculteur
de seuil S bidonville
qu’il avait (savoir-faire, semences adaptées …) : c’est l’externalité
négative qu’engendre sur son capital humain un niveau insuffisant
de capital naturel et qui tire vers le bas son revenu.
Effondrement
K Social
K Naturel
Conclusion
On conçoit qu’en approchant du seuil, un investissement qui Préserve le
Investir capital humain
stoppe la dégradation du capital naturel et l’empêche de
dans le capital et lutte contre la
franchir le seuil S a une très grande rentabilité sociale et doit pauvreté
naturel
être privilégié. Cela vient de ce que les phénomènes de seuil
induisent des non linéarités dans le processus de croissance, qui,
il faut le reconnaître, sont difficiles à modéliser.
K Humain
D’après Girault et Loyer, 2006.
K Naturel K Social
10 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
13. Pays du Nord Accroissement de Pays du Sud
la tension et de la
bipolarisation
« Sur » « Sous »
s consommation consommation
Con
ue n ce séq
u
éq en
ns ce
Ré s
Co ts
lt a
su
su
lta
Ré
ts
Émission Pauvreté,
de déchets malnutrition,
Accumulation de maladies
CO2 Dépendance
Désintégration
L’économie Perte de confiance
sociale en soi
x
entau
Blocage de
Imp
nem
l’information
a ct
on
se
vir
nv
en
iro
c ts
ne
pa
n
me Modification des flux Modification des flux
nta d’énergie et de d’énergie et de Im
ux matériaux, de la RCN matériaux, de la
qualité et de la quantité qualité et de la quantité
de l’eau, de l’utilisation de l’eau, de l’utilisation
des terres des terres
Processus
Phase de transition F
Flux d’information Le système économique actuel
D’après Aronson et al., 2007b ; Blignaut et al., 2007.
Le capital naturel : un facteur limitant
du développement durable
Nous avons vu précédemment que les populations Ce schéma représente un modèle simplifié du système
humaines dépendent des biens tirés des écosystèmes économique actuel, en mettant l’accent sur le fossé
(bois, etc.), mais aussi des services naturels pour leur économique qui existe entre les pays du Nord et du
survie et la stabilité de leurs sociétés. Ces services Sud. Les informations relatives aux changements
dérivent du stock de capital naturel. Or, ces services environnementaux et à leurs impacts sur nos sociétés
sont, pour la plupart, gratuits et non exclusifs. C’est-à- ne sont pas intégrées au système. L’approche RCN
dire que la consommation d’un service par un individu permet de favoriser ce flux d’informations entre le Nord
ne diminue pas la capacité de consommation de ce et le Sud et vis-à-vis du système économique mondial
même service par les autres (à travers, par exemple, dominant.
une augmentation du prix ou un accès limité). On parle
parfois de biens publics mondial (Requier-Desjardins Le système économique dominant a pour objectif la
et Caron, 2005). Cette notion de bien public souligne maximisation de la consommation individuelle par le
d’une part le fait que la consommation de l’un ne limite biais de la croissance économique. Cette dernière est
pas la consommation des autres et que, d’autre part, une augmentation physique du taux auquel l’économie
la qualité du service ne diminue pas en fonction du transforme les ressources naturelles en valeurs
nombre d’utilisateurs (on parle alors de non rivalité). monétaires (capital manufacturé) et en déchets.
Ces différentes caractéristiques font, qu’en pratique, il L’émission de déchets (ou pollution) n’étant pas prise en
n’existe pas de signaux économiques de la diminution compte dans les coûts de production, il est aujourd’hui
des services rendus par les écosystèmes (Farley et Daly, plus rentable d’investir dans la dégradation que dans la
2006). Ils n’ont pas de valeurs exprimées sur le marché restauration du capital naturel.
économique actuel (voir la figure ci-dessus).
Qu’est-ce que le capital naturel ? 11
16. Qu ’est-ce que la restauration
du capital naturel ?
L
a restauration du capital naturel est une
nouvelle approche de gestion qui repose
sur l’interdépendance entre le bien-être
des populations humaines et la santé des
écosystèmes. Dans le cadre de la lutte contre la
désertification, la restauration des biens et services
caractéristiques des milieux arides et semi-arides est
essentielle.
La restauration du capital naturel :
santé des écosystèmes et bien-être humain
en milieux arides et semi-arides
La restauration du capital naturel (RCN) correspond
à toutes les activités qui intègrent l’augmentation ou
l’investissement dans les stocks du capital naturel dans
le but d’augmenter le flux de biens et services naturels
tout en améliorant les aspects relatifs au bien-être
humain (Aronson et al., 2006). À l’instar de l’écologie de
la restauration, la RCN a pour intention l’amélioration de
la santé et de la capacité de résilience des écosystèmes
(Clewell et Aronson, 2006, 2007). Cependant, la RCN
répond également aux attentes socio-économiques des
hommes. 1. Réduction de la production de matière organique
et d’incorporation à la litière ; ce qui entraîne une
La RCN peut inclure, mais n’est pas limitée à : baisse de la productivité et de la fertilité des sols et des
écosystèmes.
la restauration des écosystèmes terrestres et aquatiques ; 2. Mise en place d’une croûte de battance : pellicule qui
l’amélioration écologique durable des terres soumises se forme à la surface des sols dénudés sous l’impact des
aux pratiques agricoles ou à toutes autres activités de gouttes de pluie et empêche la pénétration de l’eau et
gestion ; des graines dans le sol.
la promotion de l’utilisation durable des ressources 3. Mise en place d’une pellicule biologique : croûte
biologiques ; d’algues, de lichens ou de mousses qui joue un rôle
la mise en place ou mise en valeur des activités et comparable à la croûte de battance.
comportements socio-économiques qui incorporent 4. Érosion mécanique sèche due à l’entraînement des
des considérations environnementales et la gestion particules le long des pentes sous l’effet de la pesanteur.
durable du capital naturel dans leurs activités Elle résulte de labours répétés sur de fortes pentes.
habituelles. 5. Érosion éolienne.
6. Dépôt éolien : formation de dunes de sable ou d’argile
Comme il a été dit précédemment, la restauration suite à l’érosion éolienne.
écologique a pour but le rétablissement de la productivité 7. Érosion hydrique.
et l’amélioration de la biodiversité, de la stabilité et de la 8. Salinisation d’origine anthropique : phénomène
capacité de résilience des écosystèmes dégradés. Ceci résultant d’une irrigation inadaptée qui entraîne la
peut être réalisé à travers la restauration des fonctions stérilisation des sols.
(i.e. ensemble des biens et services) des écosystèmes.
La restauration de ces fonctions est un processus
Il est difficile d’identifier le rôle majeur que jouent ces complexe. Des cadres conceptuels de travail, ou
fonctions sur la stabilité des sociétés humaines avant modèles, existent pour faciliter la compréhension et
que celles-ci ne soient dégradées. Un moyen de mettre la communication entre les différents acteurs de la
en évidence leur importance est d’identifier les effets restauration. Par exemple, le modèle TTRP, proposé
consécutifs à leur dégradation. En milieux arides et par Tongway et Ludwig (2007a et b), a prouvé son utilité
semi-arides, Le Houérou (1995) résume les conséquences dans la résolution de problèmes environnementaux en
écologiques de la désertification en huit effets : Australie.
14 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
18. La restauration écologique des fonctions des éco- De manière générale, les services rendus par les
systèmes en milieux arides et semi-arides doit écosystèmes se divisent en quatre catégories : les
principalement être focalisée sur la restauration services de régulation des processus écologiques,
des flux hydriques, de la fertilité des sols et du les services de production de biens, les services de
couvert végétal. De manière générale, les projets de provision d’habitat/support de vie et les services
restauration liés à la lutte contre la désertification d’information ou bénéfices culturels.
consistent à réintroduire des plantes résistantes à de
forts taux de salinité, à la sécheresse et à la pression Le tableau suivant, tiré du rapport de synthèse
de pâturage. Cependant, plusieurs tentatives à de l’évaluation des écosystèmes du Millénaire
grandes échelles n’ont pas réussi car les gestionnaires (Millenium Ecosystem Assessment, MEA) traitant de
négligeaient des problèmes liés aux sols et aux flux la désertification (MEA, 2005), fournit la liste des
hydriques. De plus, très souvent, ils ne prêtaient pas services naturels clés en zones arides et semi-arides.
assez d’attention aux conditions socio-économiques
du site (comme ce fut le cas, par exemple, dans les La dégradation et la diminution des biens et services
projets mis en place durant les années 70 de « barrages naturels ont un coût socio-économique évident pour
verts » en Algérie, Mainguet et Dumay, 2006). La les populations humaines à travers la détérioration
restauration écologique est un processus complexe des conditions de vie. Afin d’augmenter ces services,
qui requiert la participation de nombreuses personnes il est nécessaire d’évaluer financièrement (1) l’impact
ayant souvent des visions différentes d’un écosystème de leur dégradation et (2) les coûts et bénéfices liés aux
restauré et parfois des intérêts conflictuels (SER, projets visant la restauration durable des écosystèmes
2002). De fait, chaque projet de restauration doit être (Requier-Desjardins, 2007 ; Requier-Desjardins, Bied-
conçu et programmé en fonction du contexte local. Charreton M., 2006). Ceci peut être réalisé à travers
Le support et la participation des populations locales la mesure de la qualité et de la quantité des biens et
sont absolument indispensables au bon déroulement services rendus par les écosystèmes. Dans le but de
d’un projet de RCN. L’intérêt et le soutien local doivent faciliter la discussion entre écologues et économistes,
être suscités par la mise en avant des bénéfices issus on parle alors de mesure du stock de capital naturel.
de la restauration (SER, 2002). Les notions de base relatives à l’évaluation financière
du capital naturel sont discutées dans le chapitre
Pour favoriser l’implantation de projets de RCN, il suivant.
est important d’insister sur la restauration d’une
relation bénéfique mutuelle entre les hommes et Services clés des écosystèmes en régions sèches
l’environnement. Ceci commence par la définition D’après MEA, 2005.
et la communication sur les concepts de biens et
services naturels.
Services d‘appro- Services de Services culturels
visionnement régulation
Les biens et services des écosystèmes
• Produits dérivés • Régulation et • Loisir et tourisme
en zones arides et semi-arides de la production purification de • Identité et diversité
biologique : l’eau culturelle
nourriture, bois, • Pollinisation et
Les populations humaines en zones arides et semi- fibres, bois
• Paysages et
dispersion des patrimoine culturel
arides sont particulièrement dépendantes des biens et de chauffe, graines
services des écosystèmes pour satisfaire leurs besoins médicaments • Savoir traditionnel
• Régulation
les plus fondamentaux. Les habitants se procurent • Eau potable climatique locale • Services spirituels,
esthétiques et
l’essentiel de leurs revenus à travers l’exploitation (par le biais du
couvert végétal) intellectuels
des ressources naturelles. Il y a très peu de vente
et globale (par la
de produits manufacturés. Il existe donc une forte séquestration du
dépendance de la population au capital naturel et aux carbone)
changements climatiques (Requier-Desjardins, 2007).
Services de maintien
Par exemple, la production de céréales, de bétail, de
produits laitiers, de bois de chauffe et de matériaux • Formation et conservation du sol
pour la construction dépend de la productivité • Production primaire
végétale, elle-même dépendante des contraintes en • Cycle de formation des nutriments
eau.
16 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides
20. Le s bénéfices socio-
économiques de la restauration
du capital naturel
dans les zones arides
L
e coût économique, social et environnemental
de la désertification est très difficile à évaluer
et peu d’études ont été réalisées à ce sujet
(Requier-Desjardins, 2007). Les aspects socio-
économiques de la restauration du capital naturel dans
les zones touchées par la désertification sont donc
évoqués ici d’un point de vue général. En revanche,
les exemples présentés dans ce chapitre illustrent des
méthodes d’application de l’approche RCN qui peuvent
être appliquées dans le cadre spécifique de la lutte contre
la désertification.
Évaluation monétaire du capital naturel
et de sa restauration
Pour favoriser la mise en œuvre de projets de restauration cependant fournir des arguments économiques plus
des écosystèmes dégradés, deux types d’approche ou moins convaincants en faveur de la restauration du
permettent d’établir le bien-fondé de cette restauration capital naturel.
d’un point de vue monétaire : (1) l’évaluation du coût
de la dégradation et (2) l’évaluation des coûts et des Dans la lignée du Millenium Ecosystem Assessment,
bénéfices de la restauration. les approches d’évaluation économique en termes de
services rendus par les écosystèmes sont de plus en plus
Le dossier thématique du CSFD n°5 (Requier-Desjardins, utilisées dans le cadre de la RCN au niveau local.
2007) procure un récapitulatif des différentes méthodes
d’évaluation du coût macro-économique de la L’évaluation monétaire du capital naturel n’est pourtant
désertification en Afrique. Par exemple, afin d’évaluer pas aisément quantifiable. Beaucoup de services
la diminution de la productivité des cultures, une naturels n’ont ‘pas de prix’ au sens figuré, puisqu’ils
évaluation du coût de remplacement des nutriments sont indispensables à la vie sur Terre, et, au sens
dans le sol par des engrais commerciaux a été réalisée propre, puisqu’ils n’ont pas de valeurs sur le marché
au Mali. Cette méthode est pertinente uniquement si économique. En effet, pour les raisons que nous avons
le capital naturel peut-être remplacé par un substitut évoquées précédemment, dont la non exclusivité et
manufacturé. Cette substitution a, bien sûr, des limites. la non rivalité, l’évaluation monétaire de la majeure
partie du capital naturel et de sa restauration n’est pas
Une autre méthode, issue du Millenium Ecosystem compatible avec les théories économiques classiques.
Assesment (MEA, 2003), consiste à évaluer les coûts de la Cependant, l’Homme a toujours attribué des valeurs
désertification en fonction de la division de l’espace rural à certains aspects de la Nature y compris les services
selon ses usages économiques principaux (agriculture, naturels. Il est donc possible d’intégrer ces valeurs ‘non
forêt, etc.). Cela revient à évaluer le coût de la perte des monétaires’ aux lois du marché économique (Rees et al.,
services naturels en termes d’approvisionnement en 2007) par la création, par exemple, d’un marché fictif
nourriture et en bois. Ces méthodes, généralement peu (évaluation contingente) ou la prise en compte du
précises, puisqu’elles reposent sur des prix de référence coût économique de la pollution (internalisation des
très variables et des modèles assez simplifiés, peuvent externalités) (Requier-Desjardins, 2007).
18 La restauration du capital naturel en zones arides et semi-arides