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Very Tom Ford:
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                                      On croyait le connaître ? Il n'en est rien.
                                      Rencontre avec un génie éclectique, un
                                      homme précédé par sa légende, et désormais
                                      un réalisateur plein d'avenir.

                                      Par Caroline Bongrand

                                     Londres. Le Dorchester. Une suite au septième
                                     étage. Gigantesque. Lumineuse. A son image. Je
                                     suis là pour voir Tom Ford. "The Tom Ford",
dirait-on outre-Atlantique. Toute une époque. Toute une histoire. Un flot d'images qui
virevoltent dans la mémoire. J'entre. Il est là. A 30 mètres de moi. Face à la fenêtre.
Je le vois de dos, avec sa carrure tellement caractéristique. Il est en noir bien sûr. Un
noir qui contraste follement avec la lumière qui vient de l'extérieur. Un jeu d'ombres
et de lumière. Ils sont rares ceux qui parviennent à se créer une légende de leur
vivant. Que sait-on de lui depuis Gucci ? Que sait-on de lui tout court ?

Il se retourne vers moi. Chaleureux ? Professionnel. Il sourit. Je le trouve jeune.
D'une incroyable jeunesse. Il est sûr de lui, il n'est pas sûr de lui, il fait de son mieux.
On dirait qu'il a 43 ans, parfois 12, parfois 24. C'est cela qui me frappe : cet homme
est profondément jeune. Il paraît que c'est la caractéristique des gens passionnés
par ce qu'ils font. On sent un mouvement, une vie extraordinaire en lui. Comprenez :
il est le contraire d'un homme figé. Tom Ford est un homme qui a su évoluer, un
homme qui ne fait que cela, apprendre. L'a-t-on dit prétentieux ? Il est tout le
contraire. Quelqu'un d'incertain, qui émeut par cette humanité qui émane de lui. Et à
laquelle, en toute franchise, je ne m'attendais pas. Tom Ford, l'homme qui fut Gucci,
Tom Ford-pour hommes, Tom Ford-de luxe, Tom Ford-lunettes, Tom Ford-parfums.
Voilà. Il s'est assis, et nous avons discuté.

C. B. : Où êtes-vous, qui êtes-vous, quelle est votre vie aujourd'hui ?

Tom Ford : "J'ai passé beaucoup de temps à Los Angeles parce que je faisais un
film. J'étais là-bas de septembre jusqu'à avant-hier. La préproduction a pris trois
mois. Ensuite, on a tourné de novembre à décembre. Je travaillais sur le montage
depuis janvier. Entretemps, je suis venu à Londres plusieurs fois pour travailler sur le
design. Je suis un fashion designer. Je ne dors pas beaucoup la nuit, ça me permet
de travailler par téléphone avec mon équipe de Londres. A 3, 4, 5 heures du matin.
Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire d'autre."

Vous pourriez me parler de ce film que vous venez de tourner.

"Je ne veux pas en parler. Je peux simplement vous dire qu'il sortira cet automne.
C'est très différent de ce que les gens attendent de moi. Très romantique. Un côté de
ma personnalité que je n'ai jamais vraiment mis en avant dans la mode. Rien de
glamoureux. C'est une romance, une histoire d'amour qui parle plutôt du sentiment
d'isolement que chacun ressent. C'est un film beaucoup plus européen qu'américain.
Les Européens y seront plus sensibles que les Américains. C'est un film qui est mû
par ses personnages plus que par son intrigue. C'est l'histoire d'un homme qui
décide de se tuer. Et parce qu'il pense qu'il vit son dernier jour, cette journée est bien
plus singulière que ce qu'il a vécu jusque-là. Et à travers cela, il s'aperçoit que la vie
est assez extraordinaire, et tout à coup il comprend tout simplement le sens de la
vie."

Une sorte de La Vie est belle de Frank Capra, dans une version moderne ?

"Non, c'est très différent. Mais je ne veux pas en dire plus que ça. Je suis d'ailleurs
très surpris que vous en ayez entendu parler parce que j'essaie de garder ça le plus
discret possible. Je veux que les gens me jugent comme un film maker, en fonction
de la manière dont le film les touchera. Pas parce qu'ils ont lu, ici ou là, que je fais un
film ou qu'ils voient une photo de moi devant ma maison. Je prends le cinéma très au
sérieux. C'est une chose très séparée de ce que je fais en mode. Une carrière
parallèle. J'espère pouvoir réaliser un film tous les deux ou trois ans. On verra."

Vous avez écrit ce film ?

"Je l'ai écrit, produit et réalisé. J'avais deux producteurs avec moi que j'estime
énormément. L'un a produit le sequel de Twilight, About a boy avec Hugh Grant,
entre autres. C'est un très bon ami. J'avais des gens fabuleux à mes côtés. Diriger
des acteurs quand il s'agit de Julianne Moore, Colin Firth... ça facilite beaucoup la
tâche. Ils ont tellement apporté au film."

Vous sortez quatre parfums extraordinaires autour du musc.

"J'adore le parfum. On en a développé des tas. Une ligne de douze fragrances. Elles
sont unisexes. Parfois un parfum un peu masculin est encore plus sexy pour une
femme. Je n'aime pas cette idée de catégorisation entre fragrance pour hommes et
fragrance pour femmes. Je porte le Jasmine Musk et je ne me demande pas si c'est
pour femme ou pour homme, je porte ce que je veux. Mais mes parfums sont plus
classiquement féminins en termes de composition, de choix et de qualité des
ingrédients. On a lancé quelques inédits pour certains magasins dans le
monde." (ndlr : comme Bois Marocain pour Selfridges, le soir-même.)
Avec quel parfumeur travaillez-
vous ?

"Je ne devrais peut-être pas le dire
mais c'est Givaudan. C'est avec
eux que j'ai développé la relation la
plus proche. Je travaille avec les
nez. J'ai toujours eu un odorat très
développé, mais avant, je ne
savais pas analyser un parfum et
en deviner les composants.
Aujourd'hui, je sais. Je ne serai
jamais aussi fort qu'un nez. Mais je
peux dire : ‘il y a un peu de poivre
blanc, il y a de la fleur d'oranger, il
y a une base de patchouli.' Je peux
à peu près le décrire. Ce qui est
nécessaire pour définir et préciser
ce que l'on veut, être capable de
dire : ‘J'aime beaucoup ça, mais
j'aimerais qu'on souligne un peu la
note citronnée', par exemple. ça,
ce sont des choses que j'ai
apprises. Il faut avoir une aptitude
et un amour pour cela. Mais il faut
aussi travailler. J'adore les parfums et j'en porte beaucoup, d'aucuns prétendent
même que j'en porte trop."

Quand les gens viennent dans votre boutique sur Madison Avenue,
demandent-ils à vous voir ?

"C'est arrivé plusieurs fois. Mais j'essaie de ne pas être présent quand elle est
ouverte. Parce que - évidemment, les gens ne s'en rendent pas compte -, mais la
réalité c'est que je suis quelqu'un de très timide. Je présente une image extérieure
très polissée, mais je suis très timide. Quand les gens disent : ‘Regarde, c'est Tom
Ford !', ça me rend très nerveux."

Cela doit être difficile d'être si timide et d'avoir une telle image.

"C'est une performance. Ça demande beaucoup d'énergie. Ce que je préfère, c'est
rester chez moi, pas lavé, pas habillé, et ne pas sortir pendant trois jours - ce que je
fais quand je ne travaille pas. Mon job préféré, c'est le design. J'adore ça. Les autres
choses sont importantes aussi et on doit les faire pour acheminer le message que je
veux adresser. Je suis sûr que la plupart sont convaincus que poser devant les
photographes est ce que je préfère dans mon job. En tout cas, je l'ai très souvent
entendu. Mais c'est exactement le contraire, c'est ce que j'aime le moins. Je
comprends que ce soit nécessaire, j'en comprends la valeur. Et je sais que je suis
capable de cette performance et donc je le fais. Mais ce que j'aime, c'est réaliser des
choses."
Que voudriez-vous faire maintenant ?

"Des films. Et j'aimerais un jour revenir à la mode pour femmes. Ça me manque.
J'adore ce que je fais pour les hommes. Et je voudrais continuer à créer de nouvelles
choses. Comme le monde change, on change soi-même, je suis la même personne
que quand j'étais chez Gucci et, en même temps, j'ai beaucoup changé... A vrai dire,
je ne peux pas vraiment répondre maintenant à cette question. Quand on est créatif,
on est constamment inspiré."

Qu'avez-vous appris ?

"Ce que je savais déjà, en fait. Qu'on connaît tous, en fait. Les crises sont
importantes parce qu'elles nous rafraîchissent la mémoire sur ce qui est
véritablement essentiel. Nos valeurs. Cette crise, par exemple... Il y avait tellement
d'argent partout, tout était tellement jetable. Quand on a moins d'argent, on doit
vraiment choisir ce qui est important. Et bien sûr, on se recentre sur sa famille, ses
amis. Quand on perd beaucoup matériellement, on prend la mesure de ce que l'on a
dans sa vie qui n'est pas matériel. D'une certaine manière, une crise permet de
recentrer ses valeurs. De toutes façons, tout cela se perdra à nouveau dès que la
crise sera passée. Tout le monde oubliera cette sagesse et le monde redeviendra
fou. Quand j'ai créé les parfums Tom Ford, je voulais de l'intégrité dans mes produits.
Je voulais que ce soit ce qu'il y a de plus beau. On ne fait pas de test marketing sur
nos parfums. Ce qu'on obtient avec des tests marketing, ce sont des produits qui
finalement ne vont à personne. Je crois qu'avoir cette intégrité a une vraie valeur.
Donc dans cette économie, on vend un peu moins, mais vraiment pas beaucoup
moins par rapport à nos concurrents. J'imagine que c'est aussi le cas d'Hermès. Les
gens veulent la vraie qualité, l'intégrité. Bien sûr, ils ne pourront pas forcément se
l'offrir ce mois-ci, cette année-ci, mais ils admirent, respectent et réalisent où se
trouve la vraie valeur. On ne peut pas faire semblant. Même en mode. Quand j'avais
une collection et que je sentais que ça n'allait pas tout à fait, j'aurais pu faire des
acrobaties tout autour, le client sentait lui aussi que ce n'était pas juste. Je crois que
si on croit en ce qu'on fait et qu'on y met une quantité énorme d'énergie, le client le
sent. Beaucoup de choses sont devenues fausses. Il y a juste beaucoup de junk. On
n'a pas besoin de ces choses. Mais bon, je n'ai pas le droit de dire ça, alors qu'il y a
des gens qui meurent de faim et qui n'ont rien."

Trouvez-vous qu'il y ait une différence entre le monde de la mode et celui du
cinéma ?

"Pas tant que ça. Travailler sur un film pour moi n'était pas du tout inconfortable. Le
premier jour du tournage, j'étais très nerveux parce que je n'avais jamais crié
: ‘Action !' Et je n'avais jamais crié ‘cut !'. Mais le process d'avoir une vision, et
l'insuffler à une équipe, et les encourager à être aussi créatifs que possible, même
dans l'aspect visuel, communiquer ce que je veux communiquer... Les gens ne
réalisent pas que créer une collection de mode conduit à se poser énormément de
questions. Pourquoi est-ce que je suis en train de faire ça, qu'est-ce que ça signifie,
qu'est-ce que je suis en train de dire au monde, qu'est-ce que je dis aux femmes ?
Idem quand on met en place un défilé. Comment puis-je communiquer en treize
minutes ce que je pense de la manière dont les femmes devraient être habillées
maintenant ? Bien sûr, il y avait des différences techniques, mais c'était le même
process. J'ai trouvé le film incroyablement satisfaisant. On tournait une scène et, tout
à coup, je me disais : ‘Mon Dieu, on est en train de tourner cette scène que j'ai écrite
un dimanche matin, dans mon lit, sur mon ordinateur, les dialogues d'un personnage,
de l'autre, sur lesquels j'ai travaillés, que j'ai rewrités, affinés, que j'ai imaginés, et
maintenant voilà, c'est là.' Voir les gens que j'ai imaginés porter les vêtements que
j'ai imaginés dans un décor que j'ai imaginé, c'est incroyable. C'est probablement
l'une des choses les plus satisfaisantes que j'ai jamais faites."


Qu'avez-vous préféré : écrire le film, le produire ou bien le réaliser ?

"J'adore l'écriture parce que, tout d'abord, c'est solitaire et que, dans votre tête, tout
peut être parfait. On n'imagine pas les problèmes réels qu'on aura au moment du
tournage - l'acteur qui ne voudra pas porter la tenue qu'on lui a attribuée ou encore
qui ne se souviendra pas d'une réplique. C'est merveilleux. Mais ce qui m'a le plus
surpris, c'est la découverte du montage. Je n'imaginais pas qu'on pouvait réellement
créer un film au montage. On a tourné pendant cinq semaines et je ne comprenais
pas qu'on me prévoie vingt-quatre semaines de montage. Je ne comprenais pas et
                                 c'est ce qui a failli me rendre fou, parce qu'on devient
                                 totalement obsessionnel. On peut complètement
                                 changer une scène, on peut tout changer du film au
                                 montage, on peut quasiment le réécrire entièrement,
                                 selon la manière dont on le monte. C'est comme un
                                 Rubik's Cube. Je suis devenu tellement obsessionnel,
                                 je ne voulais plus quitter la salle de montage. C'était
                                 fascinant. Et je ne m'y attendais pas."

                                 Les monteurs ne sont jamais mis en avant alors
                                 qu'en réalité, ils sont un peu aussi les auteurs de
                                 la forme finale du film.

                              "Oui, c'est incroyable. On m'avait dit qu'il fallait aimer
                              son monteur et je ne comprenais pas. J'étais
                              totalement en phase avec mon monteur, un type
                              génial. Si nous n'avions pas eu la même sensibilité,
cela m'aurait rendu fou. Je n'imaginais pas ce que c'était et encore moins son
importance. Ces gens-là mériteraient beaucoup plus de reconnaissance que ce qu'ils
récoltent. Et la manière dont c'est fait, par ordinateur, est fascinante aussi. Je ne
peux pas imaginer que des gens travaillaient autrefois le montage des films en
coupant la pellicule."

Je me lève. Lui aussi. Je suis triste de le quitter, si tôt. Je tends la main poliment, il
m'embrasse et me dit que si j'ai besoin d'autre chose, il peut me répondre par mail
ou par téléphone, sans problème. Que de gentillesse chez cet homme. Tom Ford, de
la poudre d'or, magique, étincelante, des ombres chinoises, un cœur trop grand, un
zeste d'enfance qui refait surface au détour de chacun de ses regards. Voilà, si je
devais le définir. Tom Ford-sincère, Tom-Ford-humble, Tom Ford-exalté, Tom Ford-
émouvant, Tom Ford-tellement inattendu.

A voir prochainement, l'adaptation de A single Man de Christopher Isherwood avec
Julianne Moore, Colin Firth, Jamie Bell...
A sentir, White Musk, de Tom Ford Private Blend, une collection de quatre parfums
qui s'inspire du musc : Urban Musk, Musk Pure, Jasmine Musk, White Suede (au Bon
Marché et aux Galeries Lafayette).

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  • 1. Very Tom Ford: Interview d'une icone On croyait le connaître ? Il n'en est rien. Rencontre avec un génie éclectique, un homme précédé par sa légende, et désormais un réalisateur plein d'avenir. Par Caroline Bongrand Londres. Le Dorchester. Une suite au septième étage. Gigantesque. Lumineuse. A son image. Je suis là pour voir Tom Ford. "The Tom Ford", dirait-on outre-Atlantique. Toute une époque. Toute une histoire. Un flot d'images qui virevoltent dans la mémoire. J'entre. Il est là. A 30 mètres de moi. Face à la fenêtre. Je le vois de dos, avec sa carrure tellement caractéristique. Il est en noir bien sûr. Un noir qui contraste follement avec la lumière qui vient de l'extérieur. Un jeu d'ombres et de lumière. Ils sont rares ceux qui parviennent à se créer une légende de leur vivant. Que sait-on de lui depuis Gucci ? Que sait-on de lui tout court ? Il se retourne vers moi. Chaleureux ? Professionnel. Il sourit. Je le trouve jeune. D'une incroyable jeunesse. Il est sûr de lui, il n'est pas sûr de lui, il fait de son mieux. On dirait qu'il a 43 ans, parfois 12, parfois 24. C'est cela qui me frappe : cet homme est profondément jeune. Il paraît que c'est la caractéristique des gens passionnés par ce qu'ils font. On sent un mouvement, une vie extraordinaire en lui. Comprenez : il est le contraire d'un homme figé. Tom Ford est un homme qui a su évoluer, un homme qui ne fait que cela, apprendre. L'a-t-on dit prétentieux ? Il est tout le contraire. Quelqu'un d'incertain, qui émeut par cette humanité qui émane de lui. Et à laquelle, en toute franchise, je ne m'attendais pas. Tom Ford, l'homme qui fut Gucci, Tom Ford-pour hommes, Tom Ford-de luxe, Tom Ford-lunettes, Tom Ford-parfums. Voilà. Il s'est assis, et nous avons discuté. C. B. : Où êtes-vous, qui êtes-vous, quelle est votre vie aujourd'hui ? Tom Ford : "J'ai passé beaucoup de temps à Los Angeles parce que je faisais un film. J'étais là-bas de septembre jusqu'à avant-hier. La préproduction a pris trois mois. Ensuite, on a tourné de novembre à décembre. Je travaillais sur le montage depuis janvier. Entretemps, je suis venu à Londres plusieurs fois pour travailler sur le design. Je suis un fashion designer. Je ne dors pas beaucoup la nuit, ça me permet de travailler par téléphone avec mon équipe de Londres. A 3, 4, 5 heures du matin. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire d'autre." Vous pourriez me parler de ce film que vous venez de tourner. "Je ne veux pas en parler. Je peux simplement vous dire qu'il sortira cet automne. C'est très différent de ce que les gens attendent de moi. Très romantique. Un côté de ma personnalité que je n'ai jamais vraiment mis en avant dans la mode. Rien de glamoureux. C'est une romance, une histoire d'amour qui parle plutôt du sentiment
  • 2. d'isolement que chacun ressent. C'est un film beaucoup plus européen qu'américain. Les Européens y seront plus sensibles que les Américains. C'est un film qui est mû par ses personnages plus que par son intrigue. C'est l'histoire d'un homme qui décide de se tuer. Et parce qu'il pense qu'il vit son dernier jour, cette journée est bien plus singulière que ce qu'il a vécu jusque-là. Et à travers cela, il s'aperçoit que la vie est assez extraordinaire, et tout à coup il comprend tout simplement le sens de la vie." Une sorte de La Vie est belle de Frank Capra, dans une version moderne ? "Non, c'est très différent. Mais je ne veux pas en dire plus que ça. Je suis d'ailleurs très surpris que vous en ayez entendu parler parce que j'essaie de garder ça le plus discret possible. Je veux que les gens me jugent comme un film maker, en fonction de la manière dont le film les touchera. Pas parce qu'ils ont lu, ici ou là, que je fais un film ou qu'ils voient une photo de moi devant ma maison. Je prends le cinéma très au sérieux. C'est une chose très séparée de ce que je fais en mode. Une carrière parallèle. J'espère pouvoir réaliser un film tous les deux ou trois ans. On verra." Vous avez écrit ce film ? "Je l'ai écrit, produit et réalisé. J'avais deux producteurs avec moi que j'estime énormément. L'un a produit le sequel de Twilight, About a boy avec Hugh Grant, entre autres. C'est un très bon ami. J'avais des gens fabuleux à mes côtés. Diriger des acteurs quand il s'agit de Julianne Moore, Colin Firth... ça facilite beaucoup la tâche. Ils ont tellement apporté au film." Vous sortez quatre parfums extraordinaires autour du musc. "J'adore le parfum. On en a développé des tas. Une ligne de douze fragrances. Elles sont unisexes. Parfois un parfum un peu masculin est encore plus sexy pour une femme. Je n'aime pas cette idée de catégorisation entre fragrance pour hommes et fragrance pour femmes. Je porte le Jasmine Musk et je ne me demande pas si c'est pour femme ou pour homme, je porte ce que je veux. Mais mes parfums sont plus classiquement féminins en termes de composition, de choix et de qualité des ingrédients. On a lancé quelques inédits pour certains magasins dans le monde." (ndlr : comme Bois Marocain pour Selfridges, le soir-même.)
  • 3. Avec quel parfumeur travaillez- vous ? "Je ne devrais peut-être pas le dire mais c'est Givaudan. C'est avec eux que j'ai développé la relation la plus proche. Je travaille avec les nez. J'ai toujours eu un odorat très développé, mais avant, je ne savais pas analyser un parfum et en deviner les composants. Aujourd'hui, je sais. Je ne serai jamais aussi fort qu'un nez. Mais je peux dire : ‘il y a un peu de poivre blanc, il y a de la fleur d'oranger, il y a une base de patchouli.' Je peux à peu près le décrire. Ce qui est nécessaire pour définir et préciser ce que l'on veut, être capable de dire : ‘J'aime beaucoup ça, mais j'aimerais qu'on souligne un peu la note citronnée', par exemple. ça, ce sont des choses que j'ai apprises. Il faut avoir une aptitude et un amour pour cela. Mais il faut aussi travailler. J'adore les parfums et j'en porte beaucoup, d'aucuns prétendent même que j'en porte trop." Quand les gens viennent dans votre boutique sur Madison Avenue, demandent-ils à vous voir ? "C'est arrivé plusieurs fois. Mais j'essaie de ne pas être présent quand elle est ouverte. Parce que - évidemment, les gens ne s'en rendent pas compte -, mais la réalité c'est que je suis quelqu'un de très timide. Je présente une image extérieure très polissée, mais je suis très timide. Quand les gens disent : ‘Regarde, c'est Tom Ford !', ça me rend très nerveux." Cela doit être difficile d'être si timide et d'avoir une telle image. "C'est une performance. Ça demande beaucoup d'énergie. Ce que je préfère, c'est rester chez moi, pas lavé, pas habillé, et ne pas sortir pendant trois jours - ce que je fais quand je ne travaille pas. Mon job préféré, c'est le design. J'adore ça. Les autres choses sont importantes aussi et on doit les faire pour acheminer le message que je veux adresser. Je suis sûr que la plupart sont convaincus que poser devant les photographes est ce que je préfère dans mon job. En tout cas, je l'ai très souvent entendu. Mais c'est exactement le contraire, c'est ce que j'aime le moins. Je comprends que ce soit nécessaire, j'en comprends la valeur. Et je sais que je suis capable de cette performance et donc je le fais. Mais ce que j'aime, c'est réaliser des choses."
  • 4. Que voudriez-vous faire maintenant ? "Des films. Et j'aimerais un jour revenir à la mode pour femmes. Ça me manque. J'adore ce que je fais pour les hommes. Et je voudrais continuer à créer de nouvelles choses. Comme le monde change, on change soi-même, je suis la même personne que quand j'étais chez Gucci et, en même temps, j'ai beaucoup changé... A vrai dire, je ne peux pas vraiment répondre maintenant à cette question. Quand on est créatif, on est constamment inspiré." Qu'avez-vous appris ? "Ce que je savais déjà, en fait. Qu'on connaît tous, en fait. Les crises sont importantes parce qu'elles nous rafraîchissent la mémoire sur ce qui est véritablement essentiel. Nos valeurs. Cette crise, par exemple... Il y avait tellement d'argent partout, tout était tellement jetable. Quand on a moins d'argent, on doit vraiment choisir ce qui est important. Et bien sûr, on se recentre sur sa famille, ses amis. Quand on perd beaucoup matériellement, on prend la mesure de ce que l'on a dans sa vie qui n'est pas matériel. D'une certaine manière, une crise permet de recentrer ses valeurs. De toutes façons, tout cela se perdra à nouveau dès que la crise sera passée. Tout le monde oubliera cette sagesse et le monde redeviendra fou. Quand j'ai créé les parfums Tom Ford, je voulais de l'intégrité dans mes produits. Je voulais que ce soit ce qu'il y a de plus beau. On ne fait pas de test marketing sur nos parfums. Ce qu'on obtient avec des tests marketing, ce sont des produits qui finalement ne vont à personne. Je crois qu'avoir cette intégrité a une vraie valeur. Donc dans cette économie, on vend un peu moins, mais vraiment pas beaucoup moins par rapport à nos concurrents. J'imagine que c'est aussi le cas d'Hermès. Les gens veulent la vraie qualité, l'intégrité. Bien sûr, ils ne pourront pas forcément se l'offrir ce mois-ci, cette année-ci, mais ils admirent, respectent et réalisent où se trouve la vraie valeur. On ne peut pas faire semblant. Même en mode. Quand j'avais une collection et que je sentais que ça n'allait pas tout à fait, j'aurais pu faire des acrobaties tout autour, le client sentait lui aussi que ce n'était pas juste. Je crois que si on croit en ce qu'on fait et qu'on y met une quantité énorme d'énergie, le client le sent. Beaucoup de choses sont devenues fausses. Il y a juste beaucoup de junk. On n'a pas besoin de ces choses. Mais bon, je n'ai pas le droit de dire ça, alors qu'il y a des gens qui meurent de faim et qui n'ont rien." Trouvez-vous qu'il y ait une différence entre le monde de la mode et celui du cinéma ? "Pas tant que ça. Travailler sur un film pour moi n'était pas du tout inconfortable. Le premier jour du tournage, j'étais très nerveux parce que je n'avais jamais crié : ‘Action !' Et je n'avais jamais crié ‘cut !'. Mais le process d'avoir une vision, et l'insuffler à une équipe, et les encourager à être aussi créatifs que possible, même dans l'aspect visuel, communiquer ce que je veux communiquer... Les gens ne réalisent pas que créer une collection de mode conduit à se poser énormément de questions. Pourquoi est-ce que je suis en train de faire ça, qu'est-ce que ça signifie, qu'est-ce que je suis en train de dire au monde, qu'est-ce que je dis aux femmes ? Idem quand on met en place un défilé. Comment puis-je communiquer en treize minutes ce que je pense de la manière dont les femmes devraient être habillées maintenant ? Bien sûr, il y avait des différences techniques, mais c'était le même process. J'ai trouvé le film incroyablement satisfaisant. On tournait une scène et, tout
  • 5. à coup, je me disais : ‘Mon Dieu, on est en train de tourner cette scène que j'ai écrite un dimanche matin, dans mon lit, sur mon ordinateur, les dialogues d'un personnage, de l'autre, sur lesquels j'ai travaillés, que j'ai rewrités, affinés, que j'ai imaginés, et maintenant voilà, c'est là.' Voir les gens que j'ai imaginés porter les vêtements que j'ai imaginés dans un décor que j'ai imaginé, c'est incroyable. C'est probablement l'une des choses les plus satisfaisantes que j'ai jamais faites." Qu'avez-vous préféré : écrire le film, le produire ou bien le réaliser ? "J'adore l'écriture parce que, tout d'abord, c'est solitaire et que, dans votre tête, tout peut être parfait. On n'imagine pas les problèmes réels qu'on aura au moment du tournage - l'acteur qui ne voudra pas porter la tenue qu'on lui a attribuée ou encore qui ne se souviendra pas d'une réplique. C'est merveilleux. Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est la découverte du montage. Je n'imaginais pas qu'on pouvait réellement créer un film au montage. On a tourné pendant cinq semaines et je ne comprenais pas qu'on me prévoie vingt-quatre semaines de montage. Je ne comprenais pas et c'est ce qui a failli me rendre fou, parce qu'on devient totalement obsessionnel. On peut complètement changer une scène, on peut tout changer du film au montage, on peut quasiment le réécrire entièrement, selon la manière dont on le monte. C'est comme un Rubik's Cube. Je suis devenu tellement obsessionnel, je ne voulais plus quitter la salle de montage. C'était fascinant. Et je ne m'y attendais pas." Les monteurs ne sont jamais mis en avant alors qu'en réalité, ils sont un peu aussi les auteurs de la forme finale du film. "Oui, c'est incroyable. On m'avait dit qu'il fallait aimer son monteur et je ne comprenais pas. J'étais totalement en phase avec mon monteur, un type génial. Si nous n'avions pas eu la même sensibilité, cela m'aurait rendu fou. Je n'imaginais pas ce que c'était et encore moins son importance. Ces gens-là mériteraient beaucoup plus de reconnaissance que ce qu'ils récoltent. Et la manière dont c'est fait, par ordinateur, est fascinante aussi. Je ne peux pas imaginer que des gens travaillaient autrefois le montage des films en coupant la pellicule." Je me lève. Lui aussi. Je suis triste de le quitter, si tôt. Je tends la main poliment, il m'embrasse et me dit que si j'ai besoin d'autre chose, il peut me répondre par mail ou par téléphone, sans problème. Que de gentillesse chez cet homme. Tom Ford, de la poudre d'or, magique, étincelante, des ombres chinoises, un cœur trop grand, un zeste d'enfance qui refait surface au détour de chacun de ses regards. Voilà, si je devais le définir. Tom Ford-sincère, Tom-Ford-humble, Tom Ford-exalté, Tom Ford- émouvant, Tom Ford-tellement inattendu. A voir prochainement, l'adaptation de A single Man de Christopher Isherwood avec Julianne Moore, Colin Firth, Jamie Bell...
  • 6. A sentir, White Musk, de Tom Ford Private Blend, une collection de quatre parfums qui s'inspire du musc : Urban Musk, Musk Pure, Jasmine Musk, White Suede (au Bon Marché et aux Galeries Lafayette).