1. La Lettre du cadre territorial • n° 444 • 1er
juin 201214
DÉCRYPTAGE
èStéphane Bellanger
bellanger_s@hotmail.com
CBM Audit & Conseil
Commissaire aux comptes
Expert comptable & financier
L
a politique des collectivités relative au
stationnement sur voirie et en ouvrages
s’inscrit dans un environnement
concurrentiel fort où se côtoient les acteurs
privés et publics. Elle nécessite des investis-
sements initiaux lourds mais dont l’exploita-
tion est relativement simple. Dans ce
contexte, nombreuses sont celles à avoir
transféré la compétence du stationnement
public, tout en conservant leurs prérogatives
de police.
Mais il y a des points de vigilance incontour-
nables à observer lors de négociation.
LES CONVENTIONS GLOBALES DE
STATIONNEMENT: UNE BONNE AFFAIRE?
La gestion déléguée regroupe fréquemment
le stationnement sur voirie et le stationne-
ment en ouvrages. Les collectivités ont en
effet tendance à accepter le regroupement au
sein d’une même délégation de deux services
publics de nature différente: le stationne-
ment de surface, relevant de la police de voi-
rie, qui est un service public administratif
(SPA) et le stationnement en parcs souter-
rains, qui est un service public industriel et
commercial (SPIC).
Le stationnement hors voirie est le plus sou-
vent structurellement déficitaire. Les collec-
tivités et les opérateurs ont donc élaboré des
montages afin de déléguer de façon globale
les deux activités: l’une très rentable (le sta-
tionnement sur voirie), l’autre qui ne l’est pas
régulièrement (le stationnement en
ouvrages). Objectif: compenser un déficit
probable par un éventuel excès de rentabilité.
Incidemment, ce mécanisme de convention
globale vise donc à un alignement de la durée
À l’heure des recherches d’économies tous azimuts,
il est une source peu visitée: la gestion du stationnement,
souvent confiée au privé en délégation de service public.
Or, stationnement de surface et parkings souterrains sont
souvent traités ensemble alors que les différences sont
notoires. Une plus grande vigilance dans la rédaction
des contrats sera source de substantielles économies.
STATIONNEMENT:
DES ÉCONOMIES SOUTERRAINES !
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3. La Lettre du cadre territorial • n° 444 • 1er
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À LA UNEDÉCRYPTAGE
que les clauses atténuant leur impact
sur l’équilibre économique du contrat ne
remettent pas en cause le principe de la ges-
tion du risque par le délégataire, il n’en
demeure pas moins que, notamment compte
tenu de leur fréquente imprécision de rédac-
tion, le délégant pourrait être amené à com-
penser les pertes éventuelles du délégataire
dès le premier euro de diminution. Est-ce le
but recherché?
LES TARIFS À LA CHARGE DES USAGERS
ET LEUR ÉVOLUTION
Les conditions tarifaires du stationnement
sur voirie sont fixées par arrêtés municipaux
après délibérations du conseil municipal au
regard de la politique globale du stationne-
ment. Pas question donc de retenir expressé-
ment une quelconque automaticité d’aug-
mentation des tarifs, le conseil municipal
étant souverain en la matière. En revanche,
le délégataire est en général libre de fixer les
tarifs des parcs souterrains, pour autant que
le tarif ne dépasse pas les tarifs TTC maxima
actualisables prévus au contrat. Il n’est donc
pas tenu – juridiquement s’entend – par les
décisions relatives à la gestion du stationne-
ment sur voirie.
Ces tarifs sont révisés chaque année, selon
une formule usuellement énoncée de la
manière suivante:
K = pondération A + [pondération B x
BT01/BT01O] + [pondération C x S/SO]
Les éléments de la formule seront les suivants:
K = coefficient multiplicateur d’adaptation
annuel
S = valeur de l’indice mensuel élémentaire des
salaires régionaux dans les industries du BTP
BT01 = valeur publiée de l’indice du coût de
la construction en bâtiment
Pondération A = pondération des coûts fixes
Pondération A + pondération B + pondéra-
tion C = 1.
Si les paramètres retenus sont en relation
directe avec l’objet des contrats, leur pondé-
ration ne reflète cependant pas fréquemment
la structure des charges de la délégation telle
qu’elle ressort du compte prévisionnel d’ex-
ploitation ou du détail des charges d’exploi-
tation du compte rendu financier. La part des
dépenses de personnel est ainsi régulière-
ment surévaluée dans la formule de révision.
À l’inverse, la part des autres charges, dont
l’évolution est mesurée par celle de l’indice
BT01, est sous-évaluée. Enfin, lorsque la for-
mule de révision des tarifs comprend une
part fixe (amortissement et frais financiers),
celle-ci devrait représenter une part très
significative des charges.
Des clauses devront stipuler que pour tenir
compte de l’évolution des conditions écono-
miques et techniques et pour s’assurer que la
formule d’indexation est bien représentative
des coûts réels, les tarifs, la composition de
la formule de variation, y compris la partie
fixe, les redevances, sont soumis à réexamen
régulier.
LE MODE DE CALCUL DES REDEVANCES
En déléguant la gestion des parcs de stationne-
ment en ouvrage et du stationnement sur voi-
rie, le délégant devrait, en toute logique, pré-
férer les redevances fixes qui, par rapport aux
redevances complémentaires variables, sont
certaines dans leur principe et dans leur mon-
tant. Pourtant, ce n’est généralement pas le cas.
Le délégataire est tenu de verser au délégant
une redevance d’occupation du domaine
public, révisable annuellement dans les
mêmes conditions que les tarifs du station-
nement. Mais, il ressort rarement des pièces
du dossier d’appel d’offres que la détermina-
tion du niveau de la redevance d’occupation
du domaine public ait fait l’objet d’une
consultation du service des domaines. En
général, le montant de cette redevance fixe
semble être calculé de façon à ce qu’elle soit
d’un niveau marginal par rapport à l’écono-
mie globale du projet. Et il est fréquent que
le mode de calcul de cette redevance fixe ne
“ Les hypothèses de
fréquentation des parcs
souterrains doivent être
explicitement prévues ”
•••
Attention
aux charges
de structure!
On vise ici à sensibiliser sur
le niveau des charges de
structure indirectes figurant
aux comptes prévisionnels
d’exploitation. La collectivité a
intérêt à suivre l’évolution des
postes de ces charges et à en
contrôler, au besoin par des
justificatifs, la réalité.
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4. La Lettre du cadre territorial • n° 444 • 1er
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L’INVENTAIRE DES BIENS
Fréquemment, aucun article des contrats ne
stipule qu’au plus tard à la mise en service des
équipements, un inventaire quantitatif et
qualitatif indiquant tous les biens qui en font
partie lui sera annexé et qu’il devra être mis
à jour et produit régulièrement, voire tous les
ans, par le délégataire. Il n’y a donc pas la
possibilité de mentionner pour chaque bien
sa localisation, ses valeurs (valeur historique,
amortissement pratiqué, valeur nette comp-
table) et les interventions subies (grosses
réparations ou gros entretien, voire renou-
vellement). Pourtant, la collectivité doit ver-
ser en fin de concession un montant corres-
pondant à la valeur nette comptable des biens
de retour. Ce document est donc essentiel au
suivi et au contrôle de chaque contrat (GER,
biens de retour, renouvellement des conven-
tions) et d’une importance déterminante à la
fin du contrat, à son échéance normale ou
avant, dans la répartition de la propriété des
équipements et le calcul des éventuelles péna-
lités ou indemnités.
respecte pas les principes posés par la juris-
prudence administrative, selon laquelle « les
redevances imposées à un occupant du domaine
public doivent être calculées […] en fonction de
la valeur locative d’une propriété privée compa-
rable à la dépendance du domaine public pour
laquelle la permission est délivrée » (3). Aurait-
elle été dénommée « redevance fixe » sans
référence à l’occupation au domaine public
que cette redevance aurait pu être d’un mon-
tant variable mais déterminé sur toute la
durée du contrat.
Outre le paiement d’une redevance d’occupa-
tion du domaine public couramment qualifiée
de « redevance fixe », les contrats prévoient
le versement annuel par le délégataire au
délégant d’une redevance de performance, ou
« clause de retour à meilleure fortune » dite
« redevance variable ». Le montant de ces
redevances est indexé sur la base des résultats
de la formule d’actualisation des prix. Le
mode de calcul est généralement indiqué et
est justifié dans les contrats, conformément
aux dispositions de l’article L.1411- 2 du
CGCT.
La collectivité devrait donc revoir les modes
de calcul de la redevance fixe afin qu’elle
prenne en compte la valeur locative des ter-
rains mis à disposition, au besoin en s’ap-
puyant sur un avis du service local de France
Domaine, et tenter de percevoir un montant
de redevances, fixe et variable, qui permet-
trait d’atténuer l’effort financier engendré par
la constitution et la gestion de l’équipe
d’ASVP nécessaires.
•••
Prévoyez le risque juridique
Les contrats devraient explicitement prévoir que tous les éléments, et leurs
incidences financières qui ne sont pas clairement identifiés comme étant à la
charge du délégant ou d’un tiers, sont à la charge exclusive du délégataire.
Et, s’il est fait référence à la qualité du service et à des objectifs identifiés, il
semble pourtant avéré que ceux-ci ne précisent pas suffisamment d’indicateurs
chiffrés, avec une pénalité financière en cas de défaut. Ces clauses revues feraient
alors peser sur le délégataire un véritable risque de gestion.
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5. La Lettre du cadre territorial • n° 444 • 1er
juin 201218
DÉCRYPTAGE À LA UNE
L’INCIDENCE FINANCIÈRE
DU CONTRAT DE DSP
Les contrats stipulent tous que le délégataire
assure le service à ses risques et périls (sic).
Les équipements sont en général financés par
capitaux propres et financement externe,
étant précisé que ce dernier aurait pu être
contracté par la commune qui devrait, théo-
riquement, obtenir des conditions plus avan-
tageuses qu’une entreprise privée. Pour le
délégataire, le recours à l’emprunt a l’avantage
d’accroître la rentabilité du projet, les charges
financières étant déductibles de l’impôt sur
les sociétés. Mais, il constitue un risque en cas
d’aléas défavorables dans le déroulement du
projet, pour le délégataire mais également
pour la commune qui serait éventuellement
amenée à reprendre le contrat.
Nous venons de passer en revue quelques
points d’attention des contrats de DSP de
stationnement, étant bien noté que les
clauses de ces contrats visent à instaurer un
système équilibré, qui permet à la fois au
délégant de garantir le respect de sa politique
globale de stationnement et de tenter de
bénéficier de l’augmentation de la rentabilité
du projet, et au délégataire de se couvrir
contre des évolutions modifiant sensible-
ment la rentabilité du projet. En conclusion,
l’évolution des secteurs public et parapublic,
dans un contexte général de déréglementa-
tion des services, place les collectivités sur un
marché de plus en plus contraignant où la
connaissance des coûts devient un facteur
déterminant de pérennité. Cette perspective
rend donc nécessaire l’évaluation et la maî-
trise des points d’attention évoqués au béné-
fice des intérêts de la collectivité.
1. Rapport d’observations définitives sur la gestion
des exercices 2003 et suivants de la communauté urbaine
de Brest Métropole Océane (BMO) de la CRC
de Bretagne.
2. Rapport entre le nombre instantané de véhicules en
stationnement régulier et le nombre de véhicules
stationnant sur places payantes.
3. Conseil d’État, 21 mars 2003, « Syndicat intercommunal
de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux ».
“ Pas question
d’une automaticité
d’augmentation
des tarifs, le
conseil municipal
reste souverain
en la matière ”
•••
« Nous avons décidé en 2010 de mettre un terme à la délégation de service public sur deux parkings,
un à construire, l’autre à réhabiliter, dont Q-Park était le délégataire. Avec un peu de recul, je pense
que nous avons pris la bonne décision. Nous enregistrons un déficit de 66000 euros sur le parking
réhabilité alors que nous craignions à l’époque que la facture s’élève à 300000 euros. De plus, nous
avons pu appliquer notre propre politique tarifaire, avec des abonnements adaptés aux profils sociaux
des habitants. Le taux de fréquentation est élevé, de l’ordre de 85 %. La première heure coûte 1 euro,
l’autre est gratuite. Q-Park réclamait 1,30 euro pour la première heure et les autres heures étaient
payantes. Nous ne sommes pas dans les mêmes logiques. Ce retour dans le giron municipal a certes
un coût, 3 M. d’euros. Mais il nous offre la possibilité d’agir sur la dynamique commerçante
du centre-ville sans être tributaire du délégataire ».
TÉMOIGNAGE
Thierry Dalmas, DGS de la Seyne-sur-Mer (83)
« Mettre un terme à la DSP a été une bonne décision »
DOC
DOC À lire
Sur www.lettreducadre.fr, rubrique
« au sommaire du dernier numéro »
La Seyne-sur-Mer rachète ses parkings, La Lettre du
cadre territorial n° 409, 15 octobre 2010.
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