Lettre Cadre Territorial - Le contrôle de la gestion déléguée de service public
1. ALERTEJURIDIQUE
è
La Lettre du cadre territorial • n° 449 • 15 septembre 201260
Stéphane Bellanger
bellanger_s@hotmail.com
CBM Audit & Conseil
DSP
C’est la période
des comptes rendus
financiers dans les
rapports annuels
des DSP. La collectivité
publique reste
responsable du service
délégué et conserve la
prérogative d’effectuer
un contrôle régulier de
l’exercice de sa gestion.
Mais l’évolution
des secteurs public
et parapublic place
les collectivités sur
un marché de plus
en plus contraignant.
La connaissance des
coûts devient donc
un facteur déterminant
de pérennité. Le compte
rendu financier annuel
du délégataire constitue
un outil fort utile!
Le contrôle
de la gestion
déléguée de
service public
tation aux risques et périls du délégataire. Il
pourra aussi porter sur l’expertise des charges
calculées (amortissements, provisions pour
renouvellement…) et l’analyse critique des
modalités de calcul, le contrôle des charges
réparties (frais généraux, frais de siège ou de
structure…), l’avis sur l’économie générale du
contrat de gestion déléguée et sur les moda-
lités de rémunérationet enfin, le cas échéant,
l’identification de marges de manœuvre
financières susceptibles d’être utilisées lors
d’un avenant.
Ainsi, au titre des points d’attention particu-
liers des comptes rendus financiers annuels
figurent les investigations et contrôles liés au
respect du contrat de gestion de service
public délégué et des conventions. Pour ce
faire, il convient d’examiner et d’analyser:
- l’application de la tarification, selon les
conditions d’indexation des tarifs fixées au
contrat (date, paramètres, calcul);
- le respect des conditions mentionnées dans
les conventions de gestion de trésorerie du
groupe dont est membre la société déléga-
taire. Quid de la rémunération des place-
ments excédentaires réalisés auprès du
groupe ? Quid des avances financières
consenties? Quid du financement des tra-
vaux?
- l’analyse des prestations et des travaux réa-
lisés par des sociétés du groupe auquel
appartient la société délégataire; dans un
contexte de groupe, il est fréquent que le
L
a collectivité ayant délégué un service
public se doit, dans un souci de bonne
administration, de contrôler au plus
près la bonne exécution et gestion du service.
Le contrat de gestion déléguée de service
public précise les modalités de contrôle que
peut exercer l’autorité délégante sur son délé-
gataire. Elle fixe un double dispositif de
contrôle : la production d’un rapport
annuelet le contrôle sur pièces et sur place.
Le deuxième dispositif oblige le délégataire à
se soumettre à toutes opérations de contrôle
et d’investigations sur place et sur pièces de
tous éléments techniques et comptables
concourant à la gestion du service public délé-
gué. Ce contrôle est effectué par la collectivité
délégante et par tout représentant mandaté
par elle à cette fin.
LE CONTRÔLE DU DÉLÉGATAIRE
Ces contrôles et investigations peuvent se
dérouler selon plusieurs modalités : soit
annuellement, au fil de l’eau pour assurer le
suivi du contrat de gestion déléguée; soit
ponctuellement, en cours de contrat, pour
accompagner une révision quinquennale, un
changement de réglementation qui boule-
verse l’économie du contrat, répondre à une
demande des usagers, mesurer l’application
d’une clause de rencontre, etc.; soit en fin de
contrat, pour préparer le renouvellement de
la convention ou la reprise en régie du ser-
vice.
En fonction du problème posé, le contrôle
pourra porter sur tout ou partie des ques-
tions suivantes: vérification du respect des
règles contractuelles, de l’exhaustivité du
contenu du compte rendu financier annuel et
de l’exactitude des informations financières,
de l’exhaustivité des recettes et de la réalité
du niveau déclaré des charges, d’une exploi-
“ Point d’attention particulier
des comptes rendus
financiers: le contrôle
du respect du contrat ”
3. ALERTEJURIDIQUE DSP
tout en assurant la gestion d’un service public.
La conclusion du contrat repose sur un équi-
libre financier global permettant à chacune
des parties d’y trouver son compte, cet équi-
libre étant, en première approche, apprécié
sur la base des comptes prévisionnels. Nous
tenons à souligner que les prévisions de résul-
tat se rapportent à des événements futurs et
sont fondées sur des hypothèses qui, par
nature, peuvent ne pas rester valides tout au
long de la période de prévision et de projec-
tion considérée. Par suite, elles ne présentent
pas le même degré de fiabilité que les données
historiques. Pour ces raisons, il est stricte-
ment impossible d’avoir une opinion quant à
l’exactitude avec laquelle les résultats réels
seront proches de ces prévisions.
Or, au cours de l’exécution du contrat de ges-
tion déléguée et, plus particulièrement, à
l’approche de son expiration, il faut bien
constater que la réalité des résultats est, fort
logiquement, différente des prévisions (tant
les prévisions initiales que celles résultant
d’avenants). Il est, par exemple, fréquent de
constater le cas de provisions pour renouvel-
lement ou grosses réparations non utilisées
compte tenu d’un entretien régulier et
sérieux en cours de contrat. Or, le plus sou-
vent le contrat est muet sur le sort de ces
excédents, ce qui engendre des situations
potentiellement conflictuelles entre les par-
ties: à qui doivent-ils revenir? Le délégataire
avance régulièrement comme arguments que
l’existence de provisions non consommées est
le fruit d’une bonne gestion et qu’il doit en
bénéficier intégralement et que la constata-
tion d’un résultat bénéficiaire aux termes de
la concession est la contrepartie d’une exploi-
tation à ses risques et périls. La collectivité
concédante doit faire valoir qu’une partie des
excédents est inhérente à une appréciation
bien trop prudente des conditions qui ont
conduit à la fixation d’un tarif, en définitive,
trop élevé et que la réalité doit conduire à
reverser à l’autorité délégante ou aux abonnés
une partie des bénéfices.
Ainsi, la démarche de chaque autorité délé-
gante devrait viser pune meilleure transpa-
rence des comptes du délégataire, car l’infor-
mation contenue dans des rapports annuels
clairs et détaillés lui est aussi nécessaire pour
sa connaissance de ce secteur d’activité, tant
pour assurer le suivi de la gestion déléguée
que pour organiser, en toute connaissance
de cause, les procédures de mise en concur-
rence.
ou ses répartitions de charges; dans ce cas,
il est plus aisé d’émettre un avis critique
sur l’utilité et la justification de ce choix;
- l’accès à la comptabilité analytique: il est
difficile de s’immiscer dans les choix de ges-
tion d’un groupe ; pourtant, ces choix
influencent le résultat du contrat de gestion
déléguée et peuvent, sur la durée, en modi-
fier profondément l’économie initialement
anticipée; dans ce cas, il s’agit de prévenir
l’autorité délégante des risques potentiels
qu’elle encourt (notamment celui d’instau-
rer un déséquilibre dans le contrat en faveur
du délégataire);
- le manque de transparence des frais de ges-
tion et de siège: bien que la pratique soit
courante, voire systématique, il est légitime
de s’interroger sur leur bien-fondé ; par
exemple, le regroupement du personnel
administratif dans une autre structure que
l’entité délégataire conduit le groupe à fac-
turer une quote-part d’un ensemble de frais
sans donner de détail, la société mère justi-
fiant cette pratique par la complexité et le
coût du suivi de la valorisation précise
(« usines à gaz ») des moyens généraux pour
un résultat, somme toute, assez proche; ce
manque de transparence constitue une
limite à la vérification des comptes du
contrat de gestion déléguée sans oublier
qu’en outre, des modifications de périmètre
des conditions contractuelles ont pu être
engagées rendant hasardeuses les compa-
raisons et difficiles les conclusions.
Pour les limites tenant aux modifications
substantielles des conditions initiales, les
évolutions économiques, sociétales, ou envi-
ronnementales peuvent conduire la collecti-
vité délégante ou le délégataire à proposer des
modifications au contrat de gestion de service
public délégué. Se posera alors la question
sempiternelle de l’éventuelle indemnisation
selon que l’on tente de se placer dans le
champ de la théorie de la sujétion ou de celui
de la théorie de l’imprévision. Pour autant,
l’équilibre global du contrat ne peut finale-
ment s’apprécier que sur sa durée totale. Et
d’ailleurs, si des économies ont été consta-
tées, se pose ensuite invariablement la ques-
tion de la répartition de celles-ci.
CHACUN Y TROUVE SON COMPTE
Le contrat de gestion déléguée étant un
contrat à durée limitée, le délégataire ne dis-
pose que de ce délai pour tenter de rentabili-
ser les capitaux investis et réaliser un bénéfice
“ Lorsque le contrat expire, il faut bien constater que
la réalité des résultats est différente des prévisions ”
•••
Les points
de vigilance
Afin de tenter d’éviter toute
évolution non maîtrisée des
charges de fonctionnement
du contrat et de préserver
ses intérêts au partage du fruit
d’une exploitation déléguée
bénéficiaire, les points de
vigilance de la collectivité
délégante dans le suivi
de la réalisation d’un contrat
de gestion déléguée peuvent
se résumer ainsi:
- incidence de l’organisation
opérationnelle du délégataire
sur son organisation
comptable;
- et incidence de l’organisation
juridique du délégataire sur
les agrégats financiers et
comptables du contrat de
gestion déléguée.
Outre la réalisation de ces
contrôles et investigations, il faut
également veiller à approfondir
l’information financière
communiquée car « l’un des
principaux risques de la gestion
déléguée est celui de l’asymétrie
d’information, desservant
l’autorité délégante ». Or, les
informations présentées par les
délégataires sont fréquemment
parcellaires et ne permettent pas
à la collectivité publique
de connaître de manière précise
et complète les principes de
gestion comptable et financière
pris par le délégataire pour
assurer l’exécution du service
public délégué, conformément
à l’article L.1411-3 du CGCT.
Les comptes rendus financiers
fournis correspondent à la seule
société délégataire, information
insuffisante pour permettre à la
collectivité délégante d’apprécier
l’équilibre économique global de
la gestion déléguée.
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