Réflexion sur la légitimité de la reprise et l'interprétation dans le domaine musical dans le cadre d'un cursus se penchant sur les nouvelles formes de l'échange culturel
La Puissance Du Web Communautaire, par Eric Lamidieu 2008
La reprise et l'interprétation dans le domaine musical
1. Université Charles de Gaulle Semestre 6
Lille 3
Licence 3 Culture et Médias
UFR Deccid
TD
NOUVELLES FORMES DE L'ECHANGE CULTUREL
La reprise et l'interprétation dans le domaine musical
dirigé par Pierre Grosdemouge
Carole Péraste
3. I. INTRODUCTION
Art ou non art ? Aujourd'hui, il est difficile de déterminer dans quelle catégorie se prédestine
une pratique, et pour pouvoir y parvenir, il faut d'abord se poser les bonnes questions et tenter d'y
trouver des réponses. Le contexte actuel nous amène à observer l'émergence de nouvelles pratiques
reconnues comme étant artistiques telles que le graff ou encore la photographie, cela nous permet de
nous questionner sur la raison pour laquelle elles sont définies comme telles, par qui et selon quels
critères. Passer d'un statut à un autre suppose des étapes, un processus pour le passage d'un statut
ordinaire à celui artistique, cette transition se définit par l'expression anglo-saxonne
artification1,c'est un terme encore peu utilisé dans le domaine artistique, il sera utilisé ici non selon
sa connotation péjorative mais simplement dans l'idée de la transformation du non art en art. Pour se
lancer sur ce terrain, il faut s'interroger sur les marges et les limites de la culture, sur ce qui rentre
dans le champ culturel. Ces interrogations seront à même de nous renseigner sur ce processus
d'artification mais aussi sur ce qu'il dévoile de la culture sociale. Difficile est de déterminer les
critères que doit remplir une production ou une pratique pour être considérée, acceptée, reconnue.
L'histoire des arts a permis de déterminer ce qui, à un moment donné de l'histoire, permettait de
reconnaître l'art quand il était présent. La créativité, la précision, l'investissement, le
désintéressement, l'authenticité, la question l'excellence... Aujourd'hui il est plus compliqué de se
référer à ces critères pointilleux, car la culture sociale a évolué, les pratiques se sont diversifiées,
multipliées avec le temps et les changements sociaux.
La musique a depuis longtemps investi le domaine artistique, du moins selon la définition classique
et commune de l'art. Bien que son statut artistique n'est globalement pas remis en cause, il s'agit tout
de même d'un univers très vaste qui comporte de nombreux styles et pratiques, de l'instrument à la
chanson en passant par le mixe et tout autre genre. Ainsi dans ce cadre toutes les pratiques n'y ont
pas naturellement leur place, il s'agit d'une négociation complexe sur de nombreux points. Ainsi,
tout n'est pas reconnu selon la même échelle de valeur, au coeur même de ce monde, une hiérarchie
dans la légitimité des pratiques est établie. Comment ces dernières acquièrent elles un statut plus
artistique et légitime que d'autres et pourquoi ? Dans cette étude, l'attention sera portée sur la
1 N, Heinich, R.Shapiro, De l'artification
CP 3/63
4. pratique de la reprise et l'interprétation dans le monde musical, et cela à partir d'un entretien mené
auprès d'un chanteur, interprète de l'artiste Claude François. Dans un premier temps, je partais sur
l'idée de réfléchir à la légitimité d'une pratique qui n'apporte rien de nouveau, qui ne fait pas preuve
d'originalité. Autour de cette réflexion je voulais réfléchir sur le lien entre art et originalité, est qu'un
artiste se doit d'être un créateur. Cette question permet de réfléchir aux qualités requises pour être
« artiste » à part entière.
Puis suite à l'entretien, à de nombreuses écoutes et une première réflexion sur le contenu, plus que
de m'interroger sur la question précise de l'originalité, je me suis interrogée sur qui fait que la
pratique de la reprise musicale est à même de rentrer dans le champs artiste. Plus simplement,
Quelle légitimité pour la reprise et l'interprétation musicale dans le monde artistique ?
Le chanteur interprète apporte une perspective et une position sur ce que serait l'art et quels seraient
les critères d'appartenance à la sphère artistique, ce qui permettrait de déterminer si oui ou non une
pratique peut être légitimée. Pour autant dans son discours, est à relever la difficulté qu'il a lui
même à se définir et définir sa pratique. Trois grands thèmes sont porteurs de son discours et de son
argumentaire, la question du statut du chanteur, la dimension collective d'une pratique artistique, et
enfin le thème de l'originalité et du caractère exceptionnel dans l'art. C'est donc dans cet ordre que
nous tenterons de réfléchir sur la pratique de la reprise musicale.
CP 4/63
5. Dans cette étude, il s'agit d'un chanteur interprète, Noël La Gioia, ayant un statut d'intermittent, il
côtoie fréquemment le milieu de la musique puisqu'il possède une équipe de travail, agent,
producteur, arrangeur, il se produit dans différents dispositifs scéniques. Parallèlement, il a une
activité professionnelle à plein temps dans un hôtel type village vacances, il y travaille de nuit ce
qui lui permet de s'investir de façon entière dans sa carrière artistique. Il se décrit comme étant à la
limite du basculement dans la sphère professionnelle du métier, il cherche à prouver son identité
d'artiste en argumentant ce qui fait de lui un artiste à part entière.
Faire de l'art ou être artiste n'est pas quelque chose de naturel mais résulte d'un processus constant
et qui dépend en même temps du contexte historique et social, l'artiste d'aujourd'hui ne l'aurait pas
forcément été il y a vingt ans par exemple. Il rejoint dans cette perspective, celle de Nathalie
Heinich2 qui entend par artification, « ensemble des processus cognitif, sémantique, institutionnel,
économique, affectif [...]aboutissant à faire franchir à un objet, à l’oeuvre, à une personne, l'auteur,
la frontière entre non art et art. ». Pour Noël, prétendre se situer dans le champ artistique c'est
d'abord posséder le statut d'artiste, faire partie d'un collectif, d'une unité mais c'est aussi se
démarquer, montrer son côté unique et exceptionnel.
II. Définir un statut d'artiste
Définition ouverte de l'Unesco dans sa Recommandation relative à la condition de l'artiste (adoptée
à Belgrade, le 27 octobre 1980) :
« On entend par artiste toute personne qui crée ou participe par son interprétation à la
création ou à la recréation d'oeuvres d'art, qui considère sa création artistique comme un
élément essentiel de sa vie, qui ainsi contribue au développement de l'art et de la
culture, et qui est reconnue ou cherche à être reconnue en tant qu'artiste, qu'elle soit liée
ou non par une relation de travail ou d'association quelconque. »
Pour définir une pratique qu'elle soit artisanale, artistique, professionnelle ou amatrice il est
nécessaire de déterminer le statut de celui qui la pratique. Au cours de l'histoire, la définition du
statut, passant de celui d'artisan pointilleux attaché à la précision et aux canons du moment,
travaillant souvent sous les instructions d'un commanditaire (peinture et portrait) à l'artiste fou,
dérangé dont les amateurs sont attirés par la bizarrerie, l'innovation, le désordre et commencent à
vouloir toucher le génie. Ces transformations de statut sont à penser en même temps que la relation
du praticien avec son activité, le fait qu'il soit par exemple, rémunéré ou qu'il travaille pour
2 Nathalie Heinich, Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, EHESS, coll. « Cas
de figure », 2012, 336 p.
CP 5/63
6. quelqu'un en particulier, qu'il s'y emploie par plaisir ou par vocation. Ainsi lors du basculement dans
le champ de l'art, on observe un basculement des objets, de l'action, mais aussi des personnes. C'est
ainsi qu'il est nécessaire de requalifier les choses, d'autant plus qu'aujourd'hui nombreux sont ceux
qui postulent au statut d'artiste.
II.I. Entre chanteur populaire et artiste innovant
Dans le cas de Noël, il est difficile de déterminer son statut dans le monde musical, certes il se
définit en terme d'artiste mais parfois aussi en tant que « chanteur populaire », « showman »,
« chanteur professionnel » ou encore, « passionné ».
D'un côté, dans son discours il s'attache à la dimension populaire de sa pratique, le bien qu'il
éprouve à faire plaisir aux gens, à les rassembler, à leur proposer ce qu'ils aiment. C'est ce
qu'observait Perrenoud lors de son enquête sur les musicos, il explique que les musicos cherchaient
« à se faire plaisir autant qu'à faire plaisir au gens ». Cet aspect de la pratique est à penser comme
quelque chose qui apparaît nécessaire au bien être du musicien ou du chanteur. De cette manière,
Noël insiste sur le côté vocationnel de sa pratique, « il ne peut pas s'empêcher de... », « quelque
chose de viscéral ».
D'un autre côté, il parle de sa pratique comme un investissement, un travail. Un artiste qui cherche
qui travaille ses morceaux, qui tente de faire du nouveau, de se démarquer. Il s'est mis après quelque
temps à écrire ses chansons même si, à l'heure actuelle la majorité d'entre elles « restent au fond
d'un tiroir ». Il sait qu'il ne doit pas faire l'unanimité mais, il garde tout de même comme ambition
de rassembler le maximum de monde mais désormais avec ses propre productions.
Il se range dans des catégories, il s'attribue des statuts différents, qui changent en fonction du
dispositif socio-esthétique dans lequel il se situe. Perrenoud3 qui étudie le cas des musicos explique
que « plus que le genre musical, c'est le type de dispositif socio-esthétique dans lequel on est
engagé[...] qui constitue le vecteur le plus puissant. » (Perrenoud, 2008:105). Le lieu où se produit
l'artiste va permettre de lui attribuer une identité parfois plus prestigieuse à un endroit qu'un autre. Il
peut être auteur, créateur dans certains contextes et simple exerçant dans d'autres lieux.
Pour autant, pour affirmer sa légitimité et son statut dans le monde de l'art, il s'attache à sa
nomination officielle d'auteur, étant inscrit à la Sasem. « je suis quand même
enregistré à la Sasem j'ai un numéro de congé spectacle ce qui est
3 Marc Perrenoud, Les musicos au miroir des artisans du bâtiment, Ethnologie française1/2008 (Vol. 38), p. 101-106.
CP 6/63
7. quand même obligatoire pour être heu avoir heu comment je veux
dire le congé de droit sur les chansons qu'on écrit et qu'on
produit comme moi et heu mais je travaille dans un statut
professionnel avec un esprit professionnel avec un contexte
professionnel ». Il reste attaché à sa nomination officielle et au côté sérieux de sa pratique, il
insiste sur le fait d'avoir laissé tomber le côté « chanteur de salle de bain ».
II.II. Être authentique : Être un artiste « un vrai », pas un imitateur
Le chanteur distingue, l'artiste qui a un « don », de celui qui travaille, affirmant que le premier
aurait une légitimité plus naturelle en tant qu'artiste. Savoir faire quelque chose comme ça, comme
quelque chose de présent en soi, et qu'on aurait qu'à exprimer sans effort. C'est ainsi qu'il insiste sur
la distance qu'il met avec les imitateurs notamment ceux, imitant le défunt chanteur Claude
François. Il met en avant le naturel de sa voix, et se défend de faire tout travail sur celle-ci, c'est
ainsi, qu'il dénigre quelque peu celui qui s'acharne à faire quelque chose qui n'est pas naturel et
spontané, authentique. Être artiste c'est rester fidèle à sa pratique, il ne ferait pas tout pour devenir
un chanteur célèbre.
« moi je trouve ça entre guillemets assez pathétique moi c'est
mon point de vue donc voilà heu mais moi ma démarche, on m'a
proposé, on m'a proposé il y a une quinzaine d'années, un
producteur qui m'a proposé, je chantais je faisais une première
partie au casino de Dunkerque, j'avais chanté en première partie
de Herbert Léonard et je tombe sur un producteur qui me dit moi je
veux bien te prendre parce que tu as la voix. Je t'ai vu chanter
c'est pas mal ce que tu fais, mais je, je voudrais monter un show
Claude François avec toi, il faudra que tu mettes une perruque
blonde parce que tu n'as pas le physique de Claude François, bien,
bien, bien, bien pour moi parce que si en plus...c'est un bonheur
pour moi parce que je n'ai pas du tout le physique ça c'est, là on
peut pas nier le contraire là je veux dire heu bon et il m'a dit
heu à l'époque moi je peux te faire tourner dans le France voire
même en Europe pour faire un grand show Claude François avec des
danseuses et tout mais il va falloir que tu apprennes à danser,
que tu mettes une perruque blonde, un costume paillettes et tout,
CP 7/63
8. je veux dire non, j'ai dit non alors je suis passé peut être à
côté de bien des choses mais je serai pas là aujourd'hui j'en suis
persuadé. Je serai pas là aujourd'hui. »
Il insiste qu'il n'en viendrait pas à faire n'importe quoi. Prétendre avoir le statut d'artiste nécessite
selon Noël un minimum de transparence d'authenticité. Ainsi il marque la différence entre
l'imitation et la reprise ou l'interprétation. « Je trouve ça pathétique ça c'est mon
point de vue mais ces gens là ont le droit de vivre, le droit de
chanter le droit de monter sur une scène de faire entre guillemets
le pitre c'est leur problème »
II.III.Relation à l'argent, un passionné non un mercenaire
Le rapport à l'argent lui aussi peut jouer un rôle dans le statut d'un artiste, celui qui joue avec un
certain désintérêt ou celui qui cherche le profit. Dans le cadre de la pratique de Noël, il ne s'agit pas
d'une question financière même si l'argent qu'il gagne est selon lui un dû au regard de
l'investissement qu'il met dans sa pratique. Pour autant, un artiste n'a selon lui pas à se préoccuper
de cette question et cela pour deux raisons, soit il est :
1. artiste amateur et il joue et se produit pour le plaisir, ou même parfois par « nécessité
viscérale »,
2. il a dépassé le cap de l'amateurisme et il doit laisser cette question à ceux qui sont
concernés c'est à dire le producteur. De cette manière il peut se donner entièrement à son
art.
De manière plus générale, sans parler d'amateurisme ou de professionnalisme, l'artiste pour Noël est
celui qui est passionné.
II.IV.L'Habitus d'artiste
Dans le cadre de cet entretien Noël a conscience de ce qui est attendu dans le domaine de l'art
reconnu, ainsi il joue dans les diverses catégories qu'il cite, se mettant dans la peau d'un chanteur
populaire par exemple. Pour pouvoir se positionner dans ces cases, il a dû se faire sa place. Pour
intégrer le cadre artistique il faut se créer un statut d'artiste. Perrenoud4 explique que « fluctuer dans
le métier (côtoyer des dispositifs, des pratiques, cours de chant, communication musicale), côtoyer
4 Marc Perrenoud, Les musicos au miroir des artisans du bâtiment, Ethnologie française1/2008 (Vol. 38), p. 101-106
CP 8/63
9. des espaces à fort capital culturel permet de construire des identités différentes. » Cela permet de se
constituer un habitus d'artiste.
III. Exister dans un espace collectif
Il y a nécessité de se situer du point de vue du statut pour savoir dans quel cadre évoluer, celui
de l'art ou celui de ce qui n'est pas de l'art. Mais pour acquérir le statut d'artiste ou de pratique
artistique, il faut évoluer au sein d'un environnement qui vous amène à le devenir. Nous parlions
précédemment de l'influence des dispositif socio-esthétique, mais il y a aussi l'environnement
humain et institutionnel qui a beaucoup d'influence. C'est ce dont parle Noël quand il évoque la
nécessité d'évoluer dans un collectif.
Noël insiste sur le fait que si il en est arrivé là aujourd'hui5 c'est bien grâce à l'équipe qui
l'entoure. « ça reste un métier où il faut prendre et laisser et surtout
un métier où il faut surtout bien se structurer en tant
qu'artiste, déjà avoir une base. ». Pour lui il faut à la fois réunir trois choses : le
talent, la chance, et la rencontre avec les bonnes personnes. Il est lucide sur le fait que des milliers
de personnes en France chantent bien, voire mieux que lui mais ces personnes, n'ont pas toujours
réuni ces trois facteurs, dans son cas il a réussi .
III.I. Une équipe de travail
Pour pouvoir s'investir sur la partie purement pratique de la chanson, il s'est équipé d'une équipe de
travail : un agent, un producteur, un arrangeur et des danseuses. « surtout ce qui faut
c'est avoir un structure comme j'ai une maison de production, une
petite structure de production mais qui est sérieuse qui met les
moyens heu compétents ». il considère presque sa pratique comme une oeuvre collective.
Plus que chanter, il produit un show sur scène il ne s'agit pas que de sa voix mais aussi
l'arrangement fait par son collègue ou les chorégraphies de ses danseuses qui viennent apporter
leurs touches. Ainsi chacun se doit de trouver sa place dans son équipe. Cette notion de nécessité de
l'apport de chacun est à rapprocher de la notion de de « solidarité mécanique » de Durkheim. Il
s'agit bien d'un travail collectif, il a besoin de l'avis de chacun avant d'entreprendre chaque projet.
5 Noël interprète de « Comme d'habitude » en duo avec Benoît Poolvoerde dans le film Podium
CP 9/63
10. Ce travail d'équipe lui est d'autant plus nécessaire maintenant qu'il souhaite se singulariser en se
lançant avec ses propres textes et ses propres fonds musicaux. En effet toute activité artistique à une
dimension intrinsèquement collective, il y a toujours une de « redevabilité » entre les acteurs dans la
mesure où l'un et l'autre donne des conditions de possibilité et d' « effectuation » du travail (A.Blanc
et A.Pessin,2004:144). Une personne étant très douée, si elle n'est pas entourée par les bonnes
personnes, risque de passer à côté de la réussite artistique et ne serait pas à même d'exploiter
totalement son potentiel. L'artiste selon Noël doit être capable d'exposer son savoir faire, ce dernier
en a conscience :
« pour grandir, jpeux pas grandir tout seul, jpeux pas grandir tout
seul dans mon coin tout ça et je sentais qu'avec Emmanuel Vallois
il y avait quelque chose, jme suis dit je sais que c'est quelqu'un
de sérieux dans le métier et jme suis dit ça, ça peut être ma
famille dans la musique »
Une attitude humble et professionnelle serait de rendre compte de l'entreprise collective mise en
place lors de la sortie d'un album ou à la fin d'un concert.
« on est jamais seul autour de ça on doit toujours quelque chose à
quelqu'un quand on a une part personnelle de réussite ça c'est
obligatoire ça faut jamais l'oublier. » c'est bien ce sur quoi il insiste en
expliquant qu'il a conscience de l'impact qu'à eu son idole Claude François. Avec lucidité, il ajoute
que sans lui il n'en serait peut être pas là aujourd'hui. Ne jamais oublier à ceux qui vous permettent
d'y arriver.
C'est ce qu'il regrette de la part de certains musiciens célèbres le manque de partage des retombées
médiatiques, il note justement cette faille à l'âme d'artiste, dénonçant parallèlement le besoin de tirer
la couette de son côté. Il prend justement exemple du binôme Fred Rister et Bob David Ghetta
« c'est lui (Fred Rister)qui depuis sept ans a fait le plus de
tubes de David Ghetta, les Black Eyes Peas c'est Fred Rister parce
qu'on parle toujours de David Ghetta, David Ghetta c'est celui
qu'on voit sur la scène devant des milliers de gens en train de
mixer et tout mais celui qui travaille sur les platines sur les
ordinateurs en amont c'est Fred Rister c'est à dire bon Fred
Rister a lui porte quatre vingt pour cent du travail », selon lui on ne
parle pas assez de lui et David Ghetta n'insisterait pas non plus pour reconnaître publiquement tout
le travail produit par son binôme.
CP 10/63
11. III.II.Un environnement culturel
Évoluer dans un environnement culturel permet de s'inscrire dans le champ culturel de sa pratique,
c'est ce qu'observe Boltanski lors de son enquête sur les Bande-dessinées.
« mon producteur le seul chanteur qu'il produit c'est moi parce que
ben il a sa troupe c'est un homme de théâtre, c'est un homme de
théâtre de comédie c'est un c'est un artiste réussi à par entière ».
évoluer dans un environnement artistique permet aux pratiquants d'acquérir plus de légitimité et de
se constituer un habitus d'artiste. Le producteur de Noël La Gioia n'appartient pas au domaine de la
musique mais à celui du théâtre, pour autant il est à même d'accompagner la carrière de Noël et
parallèlement lui apporter une dimension plus théâtrale qui lui est utile lors de ses représentations
scéniques. L'équipe de travail du chanteur s'est constituée notamment par ce système de réseau,
c'était une connaissance de son agent, ainsi les choses se sont faites naturellement.
Pour parler de lui et prouver la légitimité de sa place dans le monde de l'art, il n'hésite pas à évoquer
les rencontres qu'il a pu faire, lors de l'entretien il me parle de sa collaboration avec Fred Rister, de
ses représentations dans des salles fameuses, ou son enregistrement dans un studio réputé. C'est de
cette manière, en faisant des références à des lieux mythiques, qu'il est en mesure de rendre compte
de son « poids » culturel.
Son expérience aussi très médiatisée avec sa participation au film Podium réalisé en 2004 par Yann
Moix, lui permet d'affirmer sa place et son état de confort dans le milieu, il peut ainsi faire référence
à des personnes prisées.
De plus les connaissances qu'il a pu développer lui permette aujourd'hui de commencer un autre
style de carrière mais toujours dans le domaine musical. Il intègre une comédie musicale, dirigée
par son actuel producteur, il en est même le personnage principal. Il effectue comme l'énumération
de sa réserve culturelle, proche de l'idée d'un répertoire des objets et des dispositifs développée par
Thévenot et Boltanski. Un inventaire qui contribuerait à objectiver la grandeur d'une personne, dans
le cas ici, d'un artiste6.
Comme il aime le préciser, ce sont bien les rencontres qu'il a faites (rencontre avec son producteur
alors qu'il donnait des cours de chant dans le même établissement que lui) ou l'appel inopiné d'une
boite de production de film (pour l'enregistrement pour Podium), qui lui ont permis d'évoluer et de
6 Boltanski Luc, Thévenot Laurent. De la justification. Les économies de la grandeur. Gallimard, 1991
CP 11/63
12. remplir plus de salle, se faire connaître et apprécier. Son environnement artistique lui a permis de se
constituer un public qui régulier, intéressé, et qui, plus que de s'intéresser aux reprises de Claude
François, devient curieux de ce que peut faire « lui » Noël La Gioia.
III.III. Un public
Pour qu'on puisse parler d'une pratique artistique ou d'un artiste en tant que tels, il faut d'abord que
l'activité soit reconnue et destinée à quelqu'un.
« on a la chance de pouvoir exister heu artistiquement heu grâce
aux gens, grâce au public parce que faut pas oublier que quand on
est dans une salle sur une scène si personne n'était dans la
salle, on y serait pas si les gens n'achetaient pas vos places,
les places de spectacle voilà moi c'est humilité respect pour heu
les gens surtout dans le contexte actuel »
Noël insiste sur la dimension sociale et humaine de sa pratique. Pour lui faire de l'art c'est d'abord
interpeller quelqu'un. Il y a un bien la notion de relation, de transmission.
Noël qui est en cours de construction de sa carrière, il parle du travail important pour constituer son
public. Un public qu'il essaie de fidéliser au cours de ses représentations dans la région. Mais il
essaie aussi de l'élargir, en s'appuyant sur une communication via les réseaux sociaux notamment.
Les commentaires de ses spectateurs sont selon lui sa récompense après chaque spectacle comme
s'il avait fait quelque chose de bien.
Pour faire évoluer sa carrière il a besoin de faire évoluer son public. Puisqu'il est à un moment de sa
carrière où il souhaiterait davantage exposer ses propres productions, il ne cherche plus à
rassembler des fans de Claude François, mais des gens qui s'intéressent réellement à ce qu'il
propose d'autre.
CP:selon vous vos spectateurs viennent à vos shows pour vous ou
pour profiter d'un instant avec Claude François ?
NL:nan les gens heu je dirais que je dirais que je suis en train
d'inverser la tendance des gens viennent de plus en plus pour me
voir et moi heu comment je veux dire heu oui les gens viennent de
plus en plus pour heu ben pour moi jvais dire on dira ça comme ça
en toute humilité
CP 12/63
13. Il ajoute que c'est un travail de fond, de persuader les gens qu'ils ne vont pas voir Claude François
mais bien Noël La Gioia.
Intéresser, les faire adhérer à sa pratique, c'est rendre cette dernière véritable voire autonome, ce
sera une pratique qui intéresse les gens soit en les touchant soit en les interpellant. C'est ainsi que le
chanteur ne se satisfait plus uniquement des « Je fais un bond de vingt ans en arrière » mais
souhaite désormais des commentaires sur les arrangements qu'il a apporté à quelques titres ou
mieux des commentaires sur ses propres textes.
Comme l'explique Boltanski dans son étude sur les bande-dessinées, la pratique gagne en légitimité
quand elle arrive à se créer un appareil, des moyens d'être jugé, apprécié. L'évolution du public est
possible certes avec un travail mais aussi en fonction du contexte et de l'environnement social par
exemple. Noël note qu'aujourd'hui le public amateur de musique est en attente de nouveauté, de
créativité et cela en fait dans tous les domaines artistiques. Ainsi il a conscience que pour capter
l'attention du public il se doit de s'adapter, mais il doit aussi travailler à conserver son public actuel
et trouver un moyen de de le faire évoluer.
Pour qu'un public soit conquis il lui faut trouver ce qu'il y a d'unique dans la pratique ou dans les
oeuvres, c'est ainsi qu'eux même ils seront amenés à s'intéresser plus précisément à la pratique ou à
l'artiste lui même (histoire, carrière...)
IV. Le besoin de se démarquer : créativité
Après une vingtaine d'années à ne faire qu'interpréter les chansons de son idole, Noël s'est rendu
compte de la nécessité, s'il veut passer au stade supérieur, de se faire connaître lui pour se qu'il fait.
C'est autonomisation, ce détachement s'est déroulé en plusieurs étapes.
« de dix neuf vingt ans et jusque trente cinq ans c'était quasiment
oui lui rendre hommage et maintenant que je suis plus centré sur
heu une démarche plus personnelle je veux dire j'en reviens
toujours à ça il y a malgré tout dans mes chansons et quand
j'interprète des chansons de Claude François sur scène que je
réorchestre comme je le dis pour apporter ma touche personnelle il
y a toujours cet hommage parce que c'est quelqu'un qui a touché ma
vie qui m'a touché personnellement et donc je suis jamais resté
insensible et je le suis toujours je veux dire heu c'est tout
CP 13/63
14. maintenant ma musique elle a évolué moi Claude François des
chansons de Claude François heu ça fait heu vingt ans que j'en ai
plus écouté »
D'abord la volonté dans un premier temps de rendre hommage à celui qui lui a permis d'entrer dans
le monde de la musique, ensuite il y eut la période où Noël commençait à personnaliser ses
morceaux en les arrangeant, remaniant pour être plus « dans le temps », il s'est séparé peu à peu du
modèle de départ.
IV.I. Nécessité de se démarquer
Pour être un « artiste », il ne suffit pas d'être un chanteur parmi d'autres, Noël ne se contente plus
d'être « l'interprète de... », il veut désormais être connu pour lui même. C'est uniquement de cette
manière qu'il pourra prétendre à un statut d'artiste. C'est un besoin d'être reconnu personnellement,
il ne s'agit pas selon lui d'arrogance mais, d'un besoin naturel. Il ne suffit pas de bien reproduire,
cette qualité c'est ce qu'on attendait avant d'un bon artisan, reproduire correctement. Mais
aujourd'hui le chanteur se pose la question de comment singulariser ma pratique pour qu'on puisse
me reconnaître, moi Noël Lagoia. En effet, cette réflexion peut être envisager comme la question de
la signature, dans l'art. Heinich affirme la nécessité dès lors où un artiste (elle traite surtout du
domaine de la peinture) se singularise, d'associer la signature à ses oeuvres. Dans le cas de la reprise
musicale, Noël s'attache à l'idée qu'il ne s'agit pas du nom sur l'album mais d'une marque de
fabrique à attacher à ses productions, une touche personnelle qui permettront au public de
reconnaître ses interprétations.
Il y a un besoin en tant qu'artiste de se sentir autonome indépendant capable de s'émanciper de ce à
quoi on est attaché. Écrire ses propres chansons c'est faire preuve de capacités créatrices. « quand
on est interprète heu bon on est que la copie en fait de gens
connus tandis que quand on arrive avec ses oeuvres on devient
créateur ».
Interpréter les titres des autres ça ne dure qu'un temps, le temps de se lancer, qu'on puisse parler de
vous, mais cela ne serait que temporaire, le chanteur affirme qu'on ne peut pas baser une carrière
uniquement sur cette pratique, il reste lucide sur le sujet. Il parle de la reprise comme un outil un
tremplin qui peut aider à se faire connaître puis reconnaître. Il illustre ses propos en s'appuyant sur
les chanteurs français qui ont commencé en effectuant des reprises comme Amel Bent ou encore
CP 14/63
15. Nolwenn Leroy. Par ces exemples, il insiste sur la difficulté de percer, en proposant ses propres
morceaux, rares sont ceux qui sont capables de se lancer avec leur production, ça ne vient qu'après
et encore.
Noël explique que désormais il est un compositeur libre, en disant cela il crée un paradoxe avec les
propos qu'il a pu dire auparavant. Il est tiraillé entre être maître de ses productions, capable de
proposer ce que, lui veut, capable de créer à partir de ses propres envies et inspirations et tout
compte fait répondre parallèlement à l'attente de ce que les gens veulent, en faisant « l'unanimité »,
en jouant sur ce qui « marche » aujourd'hui (son électro). Il dit être à la fois libre de créer ce que
bon lui chante mais il reste tout de même attaché aux canons du moment. Ainsi peut on vraiment
dire qu'il s'agit d'un créateur ? C'est le phénomène qu'observe Heinich, qui note l’ambivalence entre
l’impératif de singularité, avec une volonté d'être exceptionnel et l’impératif de communauté
puisque l’artiste s'inspire de ses fréquentations, de ce qui l'entoure et de ce que font les autres7.
Dans le milieu de la reprise et de l'interprétation, beaucoup de chanteurs regrettent les réflexions du
type « même pas capable de nous proposer quelque chose de nouveau », « aucune originalité », « on
va l'entendre combien de fois ». Pour autant, il affirme que ce qui peut faire la différence entre un
simple interprète et un chanteur créateur c'est sa capacité à rendre une interprétation « sienne ».
C'est là où se trouve toute la différence.
IV.II.Innover en s'appropriant
Il ne s'agit pas de faire du nouveau pour faire du nouveau. L'innovation n'oblige pas à tout
reprendre, innover c'est aussi avoir un idée nouvelle, ingénieuse.
« faire en sorte de chiper un peu comme ça à gauche à droite des
morceaux de les réunir de les mixer ensemble d'apporter des choses
et plus ou moins des mélodies moi je trouve que c'est tout à fait
de la création parce que même si c'est heu des morceaux heu voilà
chiper à gauche à droite c'est quand même du boulot c'est un
7 Anthony Glioner, Ce que la littérature fait à la sociologie de l’art. Remarques à propos de L’Élite
artiste de Nathalie Heinich, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005, 384 p.
CP 15/63
16. travail de montage de mixage c'est du travail de, donc c'est quand
même à la base de la création faut faut avoir eu l'idée de le
faire donc déjà c'est créatif »
Réemployer, se servir de ce qui existe déjà, c'est parfois plus complexe que de parti de zéro. « Faire
du neuf avec du vieux » voilà la devise de ces chanteurs interprètes. Ils dévoilent leurs capacité à
réinventer. Ce genre de pratique, ne fait pas l'unanimité, certains félicitent cette ingéniosité et
d'autres font le procès de la « dénaturation » de l’oeuvre originale. Pour Noël, il ne s'agit pas de
vouloir prendre la place de l'artiste original ou faire mieux mais faire sien.
« je reprends ces chansons là et c'est deux vieux succès de Claude
François mais qui ont été totalement réorchestrés par mon
arrangeur avec nos touches personnelles et voilà de manière à ce
que les gens quand ils vont écouter ces deux reprises connaissent
les chansons ceux qui connaissent pas vont découvrir comme si
c'était une nouvelle oeuvre et les fans de Claude François les gens
de ma génération qui connaissent ce répertoire là vont dire ah oui
ces deux chansons là on les connaît on les connaît bien pourtant
c'est pas les plus connus du répertoire de Claude François parce
que là aussi c'est l'intérêt de faire en sorte que ça soit une
redécouverte avec des sons nouveaux des sons actuels et ma voix »
De Certeau qui réfléchit sur la question du « braconnage », observe l'emploi, l'appropriation
d'un l'objet, l'apport personnel que chacun en fait. Il envisage l'objet culturel comme un
« appartement un loué » où une personne passe et y pose ses bagages, un lieu où chacun serait à
même d'y apporter une transformation, sa transformation.
"Les lecteurs sont des voyageurs ; ils circulent sur les terres d’autrui, nomades braconnant à
travers les champs qu’ils n’ont pas écrits, ravissant les biens d’Égypte pour en jouir. L’écriture
accumule, stocke, résiste au temps par l’établissement d’un lieu et multiplie sa production par
l’expansionnisme de la reproduction". 8 (De Certeau, 1990:252)
Ce passage est adaptable à toute forme d'objet culturel. Les objets culturels ne sont pas
intouchables, s'y attaquer ne signifie pas forcément leur enlever de la valeur, cela peut parfois même
leur en attribuer.
8 Michel de Certeau, L'invention du quotidien, tome I, 1990 : 252
CP 16/63
17. Ainsi, malgré la vision parfois pessimiste de sa pratique, avec son côté temporaire, il y trouve
tout de même de l'avenir dans la mesure où dans le contexte actuel, il existe beaucoup d'outils pour
exploiter le réemploi, l'actualisation, la création à partir d'une matière première. Même si le mixe ou
le sample existent depuis longtemps, aujourd'hui il est possible d'aller plus loin dans la démarche,
c'est pourquoi Noël félicite ces initiatives. Pour autant, il n'est pas vraiment sûr que cela s'applique
au domaine du chant en tant que tel, il s'agirait plutôt du domaine du son, du beat.
CP 17/63
18. V. Conclusion
Réfléchir sur la place de la reprise musicale dans le champ artistique, ne doit pas se limiter à
s'interroger uniquement sur des questions figées comme le statut, l'aspect authentique ou
l'originalité d'une pratique ou de la personne l'exerçant. Ces points sont à penser à travers les
rapports entre des gens, il ne s'agit pas de penser ou de parler en terme de valeur ou de chercher à
évaluer la pratique avec des critères spécifiques mais l'envisager à travers les relations entre des
personnes, à travers la réception qu'en font les gens. C'est ainsi que Nathalie Heinich entreprend de
réfléchir, et d'établir ce qu'est de faire de la sociologie de l'art, en s'arrêtant sur ce que des oeuvres
comme des pratiques « font aux gens ».
Une pratique comme la reprise musicale interroge en réalité davantage d'autres domaines, tous
ceux liés ou s'appuyant sur l'appropriation, l'interprétation, et l'usage d'un matériau existant. Le
poids de ces styles de pratiques, dans le champ artistique, n'est pas quelque chose d'acquis en soi,
malgré l'appartenance au domaine musical. Leur place est à négocier continuellement auprès des
acteurs, des institutions, du public... Cela est d'autant plus complexe dans la mesure où les
négociations se font aussi par rapport aux autres pratiques musicales, elles, totalement légitimées.
Une enquête comme celle conduite avec Noël Lagoia permet d'observer de nombreuses
contradictions dans le discours, des difficultés à soi même s'envisager ou se ranger selon qui et
selon quoi. Pour établir la position d'une pratique culturelle, il est intéressant d'observer plusieurs
discours, plusieurs façon de vivre, de pratiquer son activité. Se pencher sur l'histoire de l'art,
l'évolution des statuts, de l'investissement de la politique publique dans ce domaine mais aussi la
redéfinition permanente de la culture, de ses limites, des enjeux et processus qui se jouent à sa
frontière.
L'important dans ce genre d'étude étant toujours de réfléchir, d'observer les phénomènes en
cours et de non pas chercher à les expliquer et à déterminer quelque chose de stable. L'art s'envisage
comme une pratique sociale, dès lors où il y a rapport ou relation entre des personnes, il ne faut pas
s'attendre à quelque chose de binaire, « ceci est de l'art et ça, ça ne l'est pas », il s'agit d'un domaine
en constante évolution. La sociologie de l'art nous permet de nous interroger sur ce qui se déroule
entre les deux, et sur les acteurs en jeu.
Les éléments évoqués dans le cas de la reprise musicale peuvent être interrogés par rapport à
bien d'autres domaines, tellement que cela nous amène à nous demander si aujourd'hui tout ne serait
CP 18/63
19. pas à même d'être qualifié comme art ? Toute pratique qui aurait quelconque démarche et qui
permettrait de réfléchir sur les points développés dans cette étude, pourrait-elle alors appartenir
légitimement au champ artistique ? La possibilité du passage du non art à l'art annonce-t-il le début
d'un processus sans fin ?
CP 19/63
20. VI.Annexes
VI.I. Grille d'entretien
Hypothèse de travail :
L'art doit-il obligatoirement rimer avec création et originalité ?
Puis,
Quelle légitimité pour la reprise, les interprétations ?
Introduction
➢ Présentation de l'enquêteuse
➢ Présentation de l'enquêté (âge ; formation ; emploi actuel ; état civil; situation de couple)
➢ Décrivez-moi tout d'abord votre pratique musicale.
Trajectoire de vie de l'enquêté et de sa pratique
➢ Quand avez-vous commencé à chanter ?
➢ Quand vous êtes vous rendu compte du « don vocal » que vous avez ? Et depuis quand
l'exploitez-vous ?
➢ Avez-vous eu une formation musicale ? Si oui, quelle était-elle(cours de chant, solfège...) ?
➢ Quelle place tient votre pratique dans votre vie quotidienne (temps de répétition,
déplacement...) ?
➢ Comment s'est faite la transition entre une pratique à titre d'amateur et celle plus
professionnelle ?
➢ Quelle est la position de votre entourage vis-à-vis de votre pratique ?
CP 20/63
21. ➢ Au départ vous expliquiez que vous travailliez de nuit dans l'hôtellerie, cela laisse penser que la
musique reste à l'état de hobbie, extra-professionnel. Qu'en pensez vous ? Est-ce techniquement
possible de construire une carrière à côté ?
➢ Vous évoquiez au départ que vous vous étiez mis à composer quelques morceaux, quand et
pourquoi avez-vous ressenti le besoin, de créer et de produire vos propres créations ?
➢ De quelle ordre est la motivation de votre pratique (financier, artistique?)
➢ Quand vous vous produisez, qui se charge de votre rémunération ?
Critères de définition de l'art
➢ Vous qualifiez-vous plutôt comme chanteur professionnel ou comme artiste ?
➢ Selon vous, quelle serait la différence entre ces deux notions ?
➢ « Le très grand est celui dont les imitations sont légitimes, dignes, supportables, et qui n'est pas
détruit ni déprécié par elles ni elles par lui. » Paul Valéry.Que pensez-vous de cette citation ?
➢ Est-il déjà arrivé durant votre parcours de rencontrer des gens qui n'approuvait pas ou une
reconnaissait pas votre pratique ? Connaissez vous leurs raisons, leurs points de vue ?
➢ Dans la presse qui vous concerne, vous refusez qu'on parle d'imitation, à propos de votre voix,
vous précisez qu'elle est naturelle, absolument pas forcée. Pouvez-vous m'expliquer en quoi cela
vous semble important à préciser ?
➢ Selon vous, le fait qu'elle soit naturelle le attribue plus de mérite que si elle était travaillée ?
➢ Dans le monde artistique que pensez-vous de l'interprétation, de la reproduction par rapport à la
création ?
➢ Selon vous, peut-on rapprocher les pratiques suivantes :
interprétation de chanson
mix de plusieurs musiques et sons existants
Selon vous, les deux se valent-elles ou l'une serait plus légitime que l'autre ?
➢ De manière générale que pensez-vous de la remix culture ( de nouvelles pratiques qui réutilisent
des produits existants pour innover, comme le sample par exemple ) ?
CP 21/63
22. ➢ A votre avis, aujourd'hui la reconnaissance est-elle équivalente que l'on fasse du remix, de
l'appropriation d'objets traditionnels ou qu'on compose ses propres productions ?
➢ Dans votre cas, qualifiez-vous votre activité comme une pratique artistique ?
➢ Quelle définition donnez-vous de l'art aujourd'hui ? Que placeriez vous d'une part dans la
pratique artistique dite légitime et d'autre part dans celle non légitime ?
➢ Où vous situez-vous ?
➢ Que pensez-vous de la notion de « culture légitime » ?
Reconnaissance
➢ En chantant du Claude François, votre but est-il plus de lui rendre hommage comme on peut le
lire dans la presse ou est-il question d'une reconnaissance personnelle de votre « don vocal » ?
➢ Comment souhaitez-vous qu'on parle de vous dans la sphère artistique ?
➢ Pour s'élever dans la sphère musicale il faut que le travail soit reconnu. Pour vous, de qui
attendez-vous cette reconnaissance ( des professionnels, du public, des fans de Claude François) ?
➢ Selon vous, vos spectateurs viennent à vos shows pour vous ou pour profiter d'un instant avec
Claude François ?
➢ En ce qui concerne votre public, s'agit-il d'un public fidèle qui vous suit ou vos représentations
brassent un public varié ?
➢ Lors de vos représentations, à quel titre êtes vous sollicité (animateur de salle) ?
➢ Pour vous, la réussite musicale est liée au nombre d'album vendu, ou à la question de
reconnaissance par les grands ?
➢ Après quelques recherches sur vous sur le web, on peut constater que vous travaillez sur votre
communication : un compte Twitter, une page officielle sur Facebook, des vidéos sur diverses
plate-formes,. Cela est en vue de vous créer un public ou davantage pour chercher des contrats ?
➢ Quelle image de vous et de votre pratique pensez-vous renvoyer aux autres ?
➢ Selon vous, les internautes participent ils à votre notoriété et votre reconnaissance ?
➢ Quel poids et légitimité attribuez-vous à des « like », des « partages », des commentaires ?
CP 22/63
23. VI.II. Transcription entretien
avec Noël La Gioia le 6 mars après midi dans un café: 106minutes
CP:Alors, on va commencer par heu, par heu l'introduction on va
dire, donc donc je vais vous demander de vous présenter,
rapidement, donc votre âge, état civil formation, allez y...
NL : Alors moi,déjà je m'appelle Noël Lagoia, mon nom d'artiste
est « Noël Lagoia », L.A.G.O.I.A ça c'est mon nom d'artiste parce
que mon nom heu mon vrai nom si on veut dire c'est L.A plus loin
G.I.O.I.A. Donc à l'époque quand j'ai sorti mon premier album
hommage heu que j'ai sorti après le, je parle pas trop vite ça
va ?
CP : Non non allez y ça va aller
NL :après le après le film Podium heu, je suis tombé sur heu une
équipe heu une équipe de producteurs, qui me ont heu réalisé mon
album et qui m'ont dit que « La Gioia » ça va être difficile à
prononcer dans l'immédiat heu dans l'écriture heu bon on va donc
on va heu ils ont voulu raccourcir mon nom et heu coller parce que
L.A plus loin G.I.O.I.A et la c'est LAGOIA L.A.G.O.I.A qui est
plus facile à prononcer donc du coup maintenant c'est devenu comme
ça c'est resté comme ça et en pseudo comme un pseudo
CP : Ah ok très bien
NL : voilà, je suis déclaré comme ça , dans le système etc etc
CP : ok très bien, maintenant
NL : Donc j'ai 54 ans
CP : 54 ans
NL : Je vais les avoir
CP : ok
NL : on va dire que je les ai et puis heu ben je suis marié, j'ai
cinq enfants, j'ai deux petits enfants alors voilà et puis ben
voilà ça c'est le côté privé on va dire
CP : Alors heu maintenant je voulais une heu description gro
globale de votre pratique musicale
24. NL : Alors moi je suis à la base, je suis auteur compositeur
interprète
CP: hmm hmm
NL : voilà donc heu qu'est ce qu'il faut que je raconte, un peu
mon parcours ? Ou heu ?
CP : oui si possible
NL : Alors mon parcours, ça fait plus de trente ans que je chante
heu que je pratique la scène et puis heu dans heu ben je chante en
orchestre j'ai fait heu de l'orchestre à mes débuts, j'ai fait heu
trois orchestres en tout et pour tout et puis ensuite ben pour
partir travailler seul, heu je veux dire en solo, ben on va dire
il y a une vingtaine d'années que je suis en solo, j'ai commencé à
faire mes propres heu compositions mes propres chansons, ça fait
une petite vingtaine d'années et puis après ben avoir fait le
film, ma participation dans le film Podium
CP : c'était quand ça ?
NL : ça c'était en 2005, la sortie du film était le 11 mars 2005
CP : hmm hmm
NL : et moi si vous voulez j'ai enregistré le le duo « Comme
d'habitude » pour l film avec Benoît Poolvoerde c'était en octobre
en décembre 2002
CP : ah oui
NL : oui oui on avait enregistré quasiment deux ans avant donc en
studio sur Paris et donc j'ai travaillé deux jours avec Benoît
Poolveorde pour ce duo, ce duo qui fait heu je veux dire qui fait
partie d'une voire de la scène mythique du film parce que je ne
sais pas si vous vous souvenez dans la scène du film heu quand on
voit, je sais pas vous avez vu Podium non ?
CP : non je ne l'ai pas vu
NL : celles et ceux qui auront vu, il y a une scène, c'est la
scène culte, on peut dire ça comme ça, heu ya un duo entre Claude
François et Bernard Frédéric qui est interprété par Benoît
Poolveorde qui est un comment je vais dire un fan de Claude
François dans le film et il y a un jeu virtuel qui est entamé
CP 24/63
25. entre Claude François et Benoît Poolveorde et dans ce duo si vous
voulez ya Moix,le réalisateur du film qui cherchait une voix heu
pour chanter justement ce duo avec Benoit Poolveorde qu'il a du
reconstituer toute la scène, c'est une scène culte du film qu'il a
reconstitué parti d'un enregistrement heu d'un show avec Petula
Clark . Ce show avec Petula clark a été enregistré en, dans les
années soixante heu attendez dans les années soixante dix c'est
sûr et donc il a du reconstituer cette scène et heu comme la bande
musicale il n'avait pas les droits pour l'utiliser, il a du
reconstituer la bande musicale pour faire une castration avec Jean
Claude Petit qui est un des grands grands compositeurs français et
qui est un très grand musicien très connu d'ailleurs sur la
planète et donc c'est lui qui était chargé de reconstituer toute
la partie orchestre de « Comme d'habitude » et Yann Moix
recherchait une voix de Claude François alors il avait fait passer
des casting sur Paris donc voilà et moi en envoyant mes cd dans
des à l'époque j'avais enregistré des maquettes que j'envoyais
régulièrement dans des maisons de disque heu et c'est Yann Moix
qui ai tombé sur cette maquette par l'intermédiaire d'un ami
apparemment ça s'est passé comme ça.
CP:ah oui ce n'est pas vous directement qui..
NL:non non non non j'ai pas j'ai même pas passé de casting dans ah
oui oui oui c'est une histoire folle comme je dis c'est une
histoire bénie des dieux et ça m'est tombé dessus comme ça et un
soir d'octobre en octobre deux mille deux heu j'étais j'étais chez
moi il était vingt heure et j'ai eu je reçois un coup de téléphone
et c'était la directrice des films Fidélité à l'époque qui
m'appelait heu pour me dire que ben voilà il recherchait une voix
pour faire heu un enregistrement de « Comme d'habitude » et qu'ils
avaient écouté mon cd et que Yann Moix et le co-producteur du film
à l'époque voulait m'entendre voire me rencontrer , écouter
quelqu'un sur un cd et l'entendre chanter en live en direct , je
veux dire bon on on peut bidouiller si on peut dire, donc voilà
c'est parti comme ça, je suis parti sur Paris en décembre deux
CP 25/63
26. mille deux et je suis rentré en studio deux jours dans un studio
mythique à Suresnes d'ailleurs, c'est à Suresnes , même pas à
Paris c'est dans le 94 et qui s'appelle le studio Guillaume Tell
où bon Dieu toutes les stars internationales ont enregistré, c'est
un énorme studio à Suresnes
CP : Guillaume ?
NL : Guillaume Tell, T E deux L, ça c'est à Suresnes, voilà je
suis rentré deux jours en décembre deux mille deux pour
enregistrer.
CP : Ok alors déjà vous avez répondu à certaines de mes questions,
donc je vous demandais quand vous aviez commencé à chanter, vous
me disiez que ça faisait à peu près trente ans
NL : oui une trentaine d'années pour dire sérieusement avant je
chantonnais
CP mais par contre je voulais savoir
NL : j'étais plus chanteur de salle de bain à l'époque
CP : donc par rapport à votre formation musicale , vous me parliez
d'orchestre mais est ce que vous aviez pris des
NL:j'ai eu une formation musicale , j'ai fait quatre ans de
musique en école de musique donc voilà tout ce qui est solfège ça
c'est, j'ai pas vraiment la pratique d'un instrument parce que
j'ai arrêté trop tôt mais on va dire je pianote on va dire ça
comme ça mais de là à aller plus loin ça serait vraiment
extrapoler et dire que bon, mais par contre oui j'ai une base
musicale, je sais lire une partition donc de ce côté là
CP : ok et maintenant je voudrais savoir depuis quand en fait heu
votre rapport directement avec Claude François parce que bon
NL : (rire) c'est une histoire , comment je vais dire j'ai j'étais
tout petit quand j'étais petit je regardais, c'était le boom des
années soixante soixante dix et donc ben mes parents regardaient
c'étaient la grande époque ben des shows des Carpentier, vous
n'avez pas connu mais c'était des grandes grandes émissions où
tous les artistes se réunissaient heu toutes les stars à l'époque
Claude François, Mike Brant, Michel Sardou, Sylvie Vartan fin
CP 26/63
27. voilà, c'était vraiment des émissions magnifiques et puis donc moi
j'étais baigné déjà par tous tous ces artistes et bon déjà une
attirance plus particulière pour la musique et et Claude François
a toujours attiré mon attention parce que ce ce showman qu'on
voyait fin déjà avec des claudettes et tout il était avant-gardiste,
ça attirait toujours plus mon attention et puis heu je
devais avoir une douzaine d'années et je pour être bien précis
j'ai été je jouais au football à Grande-Synthe donc j'étais à
l'époque je devais être pupille ce qu'on appelait pupille à
l'époque , je devais avoir une douzaine d'années, allez onze ans
et mon club de foot chaque année heu avait un genre faisait un
genre de banquet un truc comme ça et invitait un artiste et cette
année là, fin je me souviens plus l'année mais je devais avoir
onze ans ou douze ans heu comme ça de tête je ne sais plus en
quelle année mais enfin ça devait être dans les années soixante
quatorze soixante quinze un truc comme ça, oui que je ne dise pas
de bêtise , ça doit être ça oui un truc comme ça donc ils invitent
Claude François au Palais du Littoral à Grande-synthe, scène où
d'ailleurs j'ai chanté en septembre dernier donc j'ai foulé les
planches que mon idole a foulé il y a bien des années et donc
Claude François est invité et tout ce qui est je veux dire et tout
nous qui faisions parti du club de football on avait donc des
places dans la salle et heu à l'époque les places n'étaient pas
numérotées donc c'était les premiers qui rentraient qui
s'installaient et comme nous on était là pour donner un coup de
main même si on était des gamins on donnait un coup de main à la
mise en place on faisait des petits trucs et donc on était placé
au premier rang et donc heu j'étais heu pour raconter une petite
anecdote que je raconte souvent heu tout le premier rang était
pris parce que je sais plus, je suis parti quelque part je sais
plus ce que je faisais et puis je reviens au premier rang et
toutes les places étaient prises par mes petits copains et en fin
de compte j'étais vache j'étais dégueulasse maintenant je le dis
parce que je vais voir un de mes petits copains et je lui dis :
CP 27/63
28. « il y a ta maman là-bas qui t'appelle » alors il me fait, je m'en
rappelle comme quoi il y a des trucs qui arrivent comme ça, c'est
possible car les parents étaient derrière et nous on avait réussi
à être placé devant donc je lui dis « si si ta mère est là-bas
elle t'appelle » il me dit non je lui dit « si si vas y sinon elle
va t'engueuler » un truc comme ça donc je monte un truc et puis je
lui ai piqué sa place et quand il est revenu il me dit « t'as pris
ma place » mais non non non on se battait pour être au premier
rang, j'ai usurpé sa place j'avoue que maintenant que c'était pas
très sympa de ma part donc c'était la petite anecdote et quand
j'ai vu Claude François sur scène à l'époque la scène était à à
deux mètres quoi, j'ai vu et contrairement à, c'était de
l'hystérie dans la salle, c'était de la folie, je veux dire ce
gars-là ses concerts ce qui donnait c'est ce qu'on voit dans les
images c'était de l'hystérie totale et contrairement à tous ceux,
j'étais dans ma dans ma bulle et j'ai été scotché pendant plus
d'une heure trente j'étais devant et je crois que je devais avoir
les yeux comme ça (écarquillés), yavait plus un mot qui sortait de
ma bouche j'ai été illuminé et quand j'ai vu je l'ai vu sur scène
j'ai dit « c'est ça que je veux faire je veux faire comme lui plus
tard » et le déclic est venu là j'en suis persuadé , j'en suis
persuadé et c'est là que je me suis mis à chantonner à écouter à
commencer à je vais pas dire commencer à travailler ma voix parce
que j'ai jamais travaillé ma voix si mais quand même je veux dire
j'ai jamais cherché déjà des gens me posent la question « est ce
que vous êtes un imitateur ? » oui donc voilà on va dire que
grosso modo le déclic artistique dans ma tête il est venu de là
c'est là, j'avais onze ans douze ans de mémoire c'était ça onze
ans douze ans ah ouais ouais ouais c'est énorme quoi je veux dire
CP : je voudrais faire la distinction peut être heu vous disiez je
regardais et je me suis dis c'est ça que je veux faire, c'est ça
que je VEUX faire ou c'est vraiment par rapport à ce qu'il fait ou
à sa personne ?
CP 28/63
29. NL : non moi quand j'ai vu sur scène Claude François j'ai vu ce
que c'était que de donner et de faire ce de chanter de monter sur
scène devant des gens et de chanter heu je calculais pas à savoir
jme dis pas je veux faire ça jveux faire tout comme lui je me suis
mis dans la tête je veux être u chanteur jveux jveux jveux être
sur scène jveux chanter voilà c'est ça c'est ça et sans sans
jpense pas jpense pas que dans mon esprit à cette époque là je me
suis dit je veux faire comme lui jveux lui ressembler et je veux
être Claude François non non non je veux être un artiste voilà
voilà. Je veux être un artiste
CP:Enfin là, par exemple je ne connais pas particulièrement Claude
François heu mais heu là c'est même plus que chanter j'ai
l'impression parce que c'est une performance enfin d'après ce qu
j'ai entendu de vous c'est pas chanter c'est vraiment une
dimension de show en général.
NL : ah oui oui oui
CP : c'est ce qu'on entend par artiste en fait. Ok et donc vous
parlez d'une voix que vous ne travaillez pas qui était naturelle
donc depuis quand vous êtes vous rendu compte de ce don vocal on
va dire ?
NL:c'est venu très très tôt parce que finalement heu quand quand
j'ai commencé bon je veux dire je devais avoir quoi je devais
avoir peut être avoir dix neuf vingt ans quand je me suis mis
vraiment à chanter devant des gens avant ben c'était chanter dans
la salle de bain et fin je veux dire chanter devant sa glace
voilà, c'est ça finalement et j'ai commencé vraiment à chanter
devant les gens, dans des cafés, dans des terrasses dans des repas
de famille et tout ben je devais avoir dix neuf vingt ans donc on
me disait c'est incroyable t'as un timbre de voix qui fait penser,
et c'est venu de là mais il y a une, je dis souvent dans mes
interviews, jamais je j'ai travaillé ma voix pour dire que,
d'ailleurs ce que je précise bien toujours dans dans mes heu, j'ai
pas la voix de Claude François attention, moi, c'est ça
l'important parce que heu comment je vais dire moi, c'est ça le
CP 29/63
30. paradoxe c'est que je ne suis pas un imitateur je ne fais pas
parti des gens qui imitent Claude François, je ne fais pas parti
des gens qui parodient Claude François qui le caricaturent moi
tout ce qui est sosie qui mettent des costumes paillettes qui
prennent des danseuses et qui font un show Claude François, bon
personnellement ça ne m'intéresse pas, c'est pas ma démarche dans
la musique car comme je dis bien au départ dans mes interviews, à
la base je suis auteur compositeur et interprète et ma démarche
dans le métier c'est de faire aussi ma propre musique mes propres
oeuvres mes chansons par lesquelles je vais essayer entre
guillemets d'être connu. Donc heu là est l'importance et comme je
dis toujours, je n'ai pas la voix de Claude François et on me dit
depuis longtemps elle s'en rapproche, moi j'apporte le distinguo
elle s'en rapproche, je n'ai pas la voix de Claude François et
ceux qui disent j'ai la voix de, j'ai la voix de, ce n'est pas
vrai. Je veux dire moi, j'ai rencontré des, j'ai pas rencontré des
gens mais on m'a dit heu ya des sosies qui se qui se disaient
dépassant le maître entre guillemets, c'est à dire ils étaient
même mieux que Claude François, ils chantaient même mieux que
Claude François, je me dis bon, ça n'engage que eux, ça n'engage
que leur parole mais je veux dire pour moi je trouve ça entre
guillemets assez pathétique moi c'est mon point de vue donc voilà
heu mais moi ma démarche, on m'a proposé, on m'a proposé il y a
une quinzaine d'années, un producteur qui m'a proposé, je chantais
je faisais une première partie au casino de Dunkerque, j'avais
chanté en première partie de Herbert Léonard et je tombe sur un
producteur qui me dit moi je veux bien te prendre parce que tu as
la voix je t'ai vu chanter c'est pas mal ce que tu fais mais je je
voudrais monter un show Claude François avec toi mais il faudra
que tu mettes une perruque blonde parce que je n'ai pas le
physique de Claude François, bien, bien, bien, bien pour moi parce
que si en plus. C'est un bonheur pour moi parce que je n'ai pas du
tout le physique ça c'est, là on peut pas nier le contraire là je
veux dire heu bon et il m'a dit heu à l'époque moi je peux te
CP 30/63
31. faire tourner dans le France voire même en Europe pour faire un
grand show Claude François avec des danseuses et tout mais il va
falloir que tu apprennes à danser, que tu mettes une perruque
blonde, un costume paillettes et tout, je veux dire non, j'ai dit
non alors je suis passé peut être à côté de bien des choses mais
je serai pas là aujourd'hui j'en suis persuadé.Je serai pas là
aujourd'hui.
CP : ok très bien, heu maintenant je voudrais savoir quelle place
votre pratique prend dans votre vie quotidienne par rapport aux
répétitions aux déplacements etc ?
NL:heu j'ai un bonheur, j'ai un bonheur c'est parce que Muriel
pourra en parler, c'est que j'ai déjà une responsable, parce que
pour le moment j'en vis pas professionnellement, ça devient de
plus en plus serré entre mon job parce que moi je considère que
mon emploi de réceptionniste de veilleur de nuit à l'hôtel c'est
un job hein c'est pas un métier, c'est quelque chose que n'importe
qui peut faire hein je veux dire il y a pas eu de formation
spécifique, c'est un job qui est là pour pour justement ben je
dirais parfaire, ben vivre, payer les factures hmm voilà heu
artistiquement je suis je suis entre, le cul entre deux chaises on
va dire ça comme ça, je suis entre pratiquement sur le point de
pouvoir basculer et heu donc là pour le moment c'est, il y a
quelque chose qui est en train de se mettre en place, parce que là
j'ai un producteur depuis heu maintenant heu deux ans, c'est
important dans la vie d'un artiste et quand on dit producteur, un
vrai producteur
CP : c'est à dire ?
NL : ben vous savez il il y a des producteurs qui se baladent avec
heu, pour dire de schématiser grosso modo, il y a le producteur
qui heu c'est l'image classique avec le gros cigare et la
mallette, et je veux dire et qui est pas plus producteur que vous
et moi et je crois qu'il y a un producteur pour moi un vrai
producteur qui se balade pas avec sa petite sacoche, avec des
billets dans la poche,je veux dire mais un producteur c'est
CP 31/63
32. quelqu'un qui s'engage, qui ne promet rien mais que quand il a une
idée derrière la tête pour son artiste heu quand il l'appelle
c'est pour lui dire voilà telle date tel jour telle heure tu es
sur cette scène là, tel projet, c'est ça c'est ça c'est ça c'est
du concret, c'est pas du style on va faire ci on va faire ça parce
que les paroles parfois ne vont pas spécifiquement avec les actes
et c'est pour ça que je dis il y a producteur et producteur.
CP : [et par contre je ne sais]comment on distingue le producteur
de l'agent ?
NL: [et la dans ce métier c'est malheureusement].Ben le producteur
c'est celui qui va miser de l'argent sur un artiste admettons
comme là mon producteur me produit, mon spectacle mon album c'est
lui qui va qui va prendre en charge financièrement tout ce qui est
affiche flyers, communication, heu heu bon ben là en l'occurrence
mon single qui va sortir ben heu la pochette heu les
enregistrements avec mon arrangeur, les frais de studio ça ça
c'est le producteur.le producteur s'engage mise sur l'artiste bien
sûr et il récupère et c'est normal,c'est lui qui a la prise de
risque donc c'est normal qu'après tout ce qui est le fruit, le lui
revient directement dans la poche. Après après il y a des contrats
au niveau de de la vente des disques, bon autant de pourcentages
de cachet sur les heu les concerts, la recherche c'est aussi mon
producteur donc voilà et après lui l'agent le rôle de l'agent lui
lui ben là l'agent artistique lui est là pour promouvoir l'artiste
donc voilà lui trouver, des radios, des interviews, le placer sur
tel plateau tv, le placer dans telles radios, interviews, ça c'est
le rôle de l'agent, lui l'agent est là pour s'occuper de tout ce
qui est promotionnel.
CP : Comment se sont faits les premiers contacts avec eux ?
NL:là le fait que j'ai rencontré mon producteur que je connaissais
mais bon heu lui, son réseau d'agent est devenu mon agent heu donc
voilà après c'est une question de voilà de connaissance de voilà,
donc c'est un réseau
CP 32/63
33. CP : comment s'est fait le passage d'une pratique plutôt d'amateur
à celle plus professionnelle ?
NL:écoutez quand on est j'dirais, des tas de gens chantent en
France, il y a de très très très belles voix je veux dire, il faut
se faire voir et puis il y a le contexte de la chance je veux dire
ça c'est parce que comme je dis énormément de gens chantent bien
mais le facteur chance n'est pas toujours. C'est un comment je
vais c'est une réunion de trois choses c'est à dire,il faut avoir
le talent,il faut avoir la chance et rencontrer les bonnes
personnes au bon moment et faut que ces trois ingrédients là
soient se réunissent en même temps parce qu'on peut très bien
rencontrer avoir la chance et pas avoir le talent, avoir le talent
mais pas avoir de chance et avoir de la chance mais ne pas
rencontrer les bonnes personnes au bon moment il faut que tout ça
soit vraiment une osmose, il faut vraiment que ces trois
ingrédients là prennent comme une mayonnaise je veux dire, une
mayonnaise sans l'huile on la fait pas sans l’oeuf on la fait pas ,
sans la moutarde non plus, si on met ces trois là on fait la
mayonnaise.
CP : Ceux sont plutôt les gens qui vous ont dit tu as la voix pour
faire ça tu le peux ou c'est vous ?
NL:c'est une motivation personnelle parce que dans ce métier là,
il faut pas se leurrer il y a des gens qui sont sincères qui vont
vous dire heu c'est bien ce que tu fais, continues, on croit en
toi vas y et ça c'est important ça fait partie d'une petite
minorité de gens après ya beaucoup de gens qui vont vous dire
c'est très bien ce que tu fais et qui ne vont pas le penser une
seconde heu les trois quarts des choses qu'ils pensent de ce
qu'ils me disent en tout cas, et donc voilà après ça reste un
métier où il faut prendre et laisser et surtout un métier où il
faut surtout bien bien se structurer en tant qu'artiste déjà avoir
une base moi ma base c'est depuis longtemps c'est ma famille c'est
mon épouse qui m'a connu heu quand on avait seize dix sept ans heu
qui m'a connu dans la musique qui a toujours partagé ma
CP 33/63
34. passion,qui m'a toujours soutenu quand j'ai eu des moments de
difficultés heu de doutes parce que dans une carrière on sent que
ça prend pas parfois l'impression que ce qu'on fait ça n'intéresse
personne que ça ne sert à rien et ben dans ces cas là je veux dire
heu là c'est mon épouse en l'occurrence qui m'a toujours dit ça
ira un jour continue, bosse travaille et pis voilà je veux dire et
après un petit réseau de gens, d'amis mais surtout ce qui faut
c'est avoir une structure comme j'ai une maison de production, une
petite structure de production mais qui est sérieuse qui met les
moyens heu compétents et heu il faut des fois pas grand chose pour
que comme je disais que la mayonnaise prenne, il faut pas
simplement faire partie de comme Universal Music, je veux dire
heu, il y a des petites productions comme la mienne comme celle
dont je fais partie dont je suis le seul chanteur parce que bon
mon producteur le seul chanteur qu'il produit c'est moi parce que
ben il a sa troupe c'est un homme de théâtre, c'est un homme de
théâtre de comédie c'est un c'est un artiste réussi à par entière
et heu moi quand je suis allé le voir il y a deux ans je me suis
dis voilà Emmanuel Vallois, voilà du théâtre des Insolites voilà
je lui ai dit qui, qu'il me connaissait parce que je chantais heu
tous les six mois chez lui et donnais un cours de chant et je suis
allé le voir ya deux ans, jme suis dit que ma carrière artistique
il me disait que c'est bien ce que tu fais continues continues et
jme suis dit mais pour grandir jpeux pas grandir tout seul jpeux
pas grandir tout seul dans mon coin tout ça et je sentais qu'avec
Emmanuel Vallois il y avait quelque chose jme suis dit je sais que
c'est quelqu'un de sérieux dans le métier et jme suis dit ça ça
peut être ma famille dans la musique et je suis allé le voir j'ai
pris un rendez vous avec lui je lui ai dit voilà Emmanuel tu me
connais tu sais ce que je fais sur scène tu as la réalité de ce
que je peux faire je voudrais évoluer grandir mais j'ai besoin
d'une structure d'un producteur, je lui ai dit est ce que tu peux
me produire il m'a dit oui Noël moi je vais te produire tu es le
seul chanteur tu es le seul artiste que je vais m'occuper je vais
CP 34/63
35. prendre, et voilà c'est comme ça et depuis deux ans les choses
sont faites voilà mis bout à bout parce qu'il connaît mon parcours
CP: quelle est la position de votre entourage, vous me parliez de
votre femme, mais votre entourage plus large par rapport à votre
pratique?
NL: leur investissement? S'ils m'accompagnent c'est ça?
CP: oui, voilà.
NL: oui mais carrément, bon j'ai cinq enfants comme je vous le
disais au début et mes petits enfants c'est trop tôt pour
s'apercevoir que leur papi chante mais ça viendra mais heu mes
enfants ont toujours baigné par mes répétitions parce que je
travaille continuellement ma voix, parce que bon c'est un muscle
qu'il faut toujours gardé en activité on va dire ça comme ça comme
un sportif de haut niveau on va dire ça comme ça haut niveau sans
prétention mais heu donc ils ont toujours été baigné heu par la
musique hein heu ça a toujours été très musical à la maison mais
bon ils n'ont pas pour autant vraiment la fibre, une de mes filles
aime la musique mais n'a pas ce côté heu viscéral c'est ça
viscéral par ce que pour monter sur scène faut avoir ça dans ses
entrailles ah oui oui il faut avoir ça dans les tripes je veux
dire si si on n'a pas cette heu cette heu comment je veux dire
cette heu si on n'a pas ça c'est viscéral ça c'est il faut l'avoir
ça
CP:quand vous étiez plus jeune comment réagissait votre famille
notamment vos parents?
NL: moi j'ai jamais eu comment je vais dire des parents qui ont
été très je vais pas dire convaincu je vais pas dire ça parce que
j'étais jeune déjà et que bon quand on est jeune comment dire ses
parents mais si si je veux être chanteur ils m'ont ouais bon bon
ben commence continue à travailler à l'époque on en reparlera ça
n'a jamais vraiment été pris comme un truc heu je vais dire heu
sérieux à la base donc heu bon c'est rien heu on a ses rêves, il
faut croire en ses rêves pas tous les réaliser parce qu'autrement
sinon à un moment on en n'a plus (rire)il faut croire en ses rêves
CP 35/63
36. les plus tenaces et puis se dire heu je veux y arriver jveux faire
ça et je vais arriver à comment je veux dire, heu comment je veux
dire c'est des buts des buts qu'on se fixe et on se dit faut que
j'y arrive voilà ou autrement bon ça plus quoi j'ai pas eu des
parents qui ont été enthousiasmés ou convaincus de ce que je
voulais faire et pis bon à l'époque moi même je pouvais pas savoir
que mon destin ma vie aurait bifurqué comme ça.
CP: le fait qu'ils aient pas été forcément derrière vous ne vous a
pas tellement..
NL:pas du tout, parce que j'ai toujours été très déterminé et heu
passionné voilà et pis déjà pour monter sur une scène il faut être
un passionné faut être un passionné déjà il faut aimer les gens
surtout parce que comme je le disais tout à l'heure c'est un
métier de contact c'est un métier de communication et si on n'aime
pas les gens si on n'a rien à dire aux gens on ne monte pas sur
une scène on n'a rien à y foutre d'ailleurs on va laver des
voitures heu je sais pas mais on n'a rien à foutre sur une scène
donc si on n'a rien à faire à passer aux gens voilà.
CP: vous m'avez parlé de votre rencontre avec Claude François,
vous vous êtes mis à chanter sérieusement vers 20ans, vous
précisiez aussi que vous étiez auteur compositeur avant tout. Est
ce qu'avant même de chanter, d'interpréter vous composiez déjà? À
partir de quand et pourquoi cela vous est venu de commencer à
composer pour vous?
NL:j'ai heu comment je veux dire j'ai j'étais pas parti à la base
pour heu bon à la base j'étais simplement parti pour être heu un
interprète finalement et puis heu quand j'ai commencé à quitter
l'orchestre heu l'orchestre que j'ai quitté c'était en que je dise
pas de bêtise heu je me souviens plus d'ailleurs heu non c'est pas
le dernier orchestre que j'ai fait parce que heu j'ai refais de
l'orchestre après mais j'avais déjà commencé à écrire et à
composer une dizaine d'années, il y a je veux dire il y a il y a
quasiment une vingtaine d'années que j'ai que je me suis mis à
écrire et à composer des chansons qui sont restées plus au moins
CP 36/63
37. dans les tiroirs et puis mais elles étaient là et puis heu et puis
ben heu on va dire une dizaine d'années j'ai sorti, j'ai sorti,
j'ai sorti le premier disque que j'avais sorti que j'avais écrit
et composé et qui s'appelait « L'enfant des étoiles » et qui
rendait hommage à une petite fille qui est décédée d'un accident
de voiture d'un ami qui était l'ancien directeur ben de Sportica
donc qui était Hervé Beddelem qui a perdu sa petite fille dans un
accident de voiture et heu ça m'avait ça m'avait ému comme tout le
monde a été ému ici, et heu et pis heu ça a duré un mois deux mois
dans mon esprits et pis heu jme suis dit je suis ému par ce fait
comme beaucoup de gens alors je vais écrire une chanson pour lui
rendre hommage et pis cette chanson est restée des mois dans un
tiroir et pis c'est mon épouse à l'époque qui connaissait l'épouse
d'Hervé Beddelem et qui lui a dit ben Noël il a écrit une chanson,
ce serait bien que tu l'écoutes et puis cette chanson là est née
comme ça et puis mais ça a mis quasiment un an parce que c'était
frais aussi dans leur tête donc heu et pis sans sans sans que ce
soit par la force des choses et comme je dis souvent dans la vie
quand on essaie de forcer des choses généralement on n'y arrive
pas ou les choses ne se passent pas correctement mais quand les
choses sans que vous vous y attendiez c'est là, comme Podium on me
téléphone à vingt heure un soir d'octobre deux mille deux, au
courant de rien je ne savais même pas qu'il y avait un film qui
était en construction, je reçois un coup de fil de la production
jme suis dit, quand mon épouse est rentrée, elle travaillait à
l'époque, elle rentrait tout de même assez tard, quand elle est
rentrée je lui ai dit écoute mais pince moi sur le coup
honnêtement je croyais que c'était une connerie, une bêtise, je me
suis dit il y a quelqu'un qui me fait marcher, j'ai du mettre une
paire d'heure pour m'en remettre je me suis dit c'est pas possible
qu'est ce qu'il m'arrive mais ça ça n'arrive qu'une fois dans la
vie enfin bon après si ça arrive deux fois on se pose des
questions mais tant mieux (rire)donc voilà.
CP 37/63
38. CP: je vais encore insister sur ma question mais pourquoi cette
envie d'écrire de produire finalement?
NL:parce que déjà de part mes, ma formation heu musicale, donc heu
rapidement jme suis dit fin il y avait ce besoin d'écrire, j'avais
besoin d'écrire,jme suis dit je vais me mettre à écrire mes
propres chansons, parce que c'est bien de toujours chanter celles
des autres, j'étais un interprète je ne chantais pas que Claude
François mais quasiment que ça mais je chantais d'autres
interprètes Sardou, Johnny, voilà mais après jme suis dit moi j'ai
envie d'écrire mes propres chansons composer mes chansons et faire
aussi découvrir aux gens que moi aussi j'ai des choses à dire et
que pis voilà j'ai envie de de d'être un artiste aussi à part
entière c'est à dire donc c'est une manière aussi de dire au
public ben moi aussi j'ai mon style et c'est aussi m'apporter un
style parce que bon quand on est interprète heu bon on est que la
copie en fait de gens connus tandis que quand on arrive avec ses
oeuvres on devient créateur et moi je pense que de toute façon
c'est ce que les gens aiment découvrir des nouvelles choses je
veux dire bon maintenant combien de monde musical actuellement on
en est plus à la reprise toutes les grandes vedettes de maintenant
que ce soit je veux dire heu c'est beaucoup de reprises on entend
des choses nouvelles mais les trois quarts des gens quand on dit
les émissions de télé-réalité Star Academy ça n'existe plus mais
enfin maintenant c'est beaucoup, ce ne sont que des reprises bon
après ceux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu du style
Nolwenn Leroy Amel Bent tout ça et puis après avoir leur propre
identité et créé leurs propres chansons et bon je veux dire yen a
pas beaucoup, donc on n'est plus dans un système de reprise, donc
jme suis dit maintenant ce qui faut, moi j'aime bien écouter des
chansons, des nouvelles et il y a aussi des très belles reprises
moi même j'en fais donc bon c'est tout on s'accommode de ça mais
je pense que pour interpeller le public et les gens c'est ça c'est
la création qui est importante
CP 38/63
39. CP: j'avais compris mais je vais tout de même poser la question,
quelle est la motivation de votre pratique?
NL:Artistique bien sûr je fais pas ça pour l'argent
CP:Qui se charge de votre rémunération lors de vos prestations?
NL: ça ben ça c'est mon producteur, il gère, il me dit Noël je
t'envoie chanter je vais dire à Marseille heu tu chantes le vingt
juillet je dis n'importe quoi le vingt mars, tu chantes à
Marseille telle salle tel endroit, à vingt heure tu as une heure
une heure trente de prestation heu, le contrat c'est le producteur
qui le gère avec l'organisateur là bas là rémunération c'est mon
producteur. Mon producteur se fait payer par l'organisateur et moi
après.
CP: on va maintenant changer de thème on va envisager ce qui est
définition de l'art. Parfois on parle de chanteur professionnel
parfois on parle d'artiste, dans votre cas de quoi parlez vous?
NL: ben je suis je deviens de plus en plus chanteur professionnel
parce que même si j'ai un statut d'amateur parce
qu'automatiquement je ne suis pas un professionnel parce que ce
n'est pas ma rémunération principale je veux dire bon on peut
considérer que je suis un amateur mais j'ai un je suis quand même
enregistré à la sasem j'ai un numéro de congé spectacle ce qui est
quand même obligatoire pour être heu avoir heu comment je veux
dire le congé de droit sur les chansons qu'on écrit et qu'on
produit comme moi et heu mais je travaille dans un statut
professionnel avec un esprit professionnel avec un contexte
professionnel donc heu voilà
CP: sinon quelle distinction faites vous entre justement artiste
et chanteur professionnel?
NL:je dirais on peut être artiste amateur et artiste
professionnel, pour moi je dirais que ça n'a pas de comment je
veux dire je fais pas de distinction quand on est un artiste un
artiste peut être professionnel ou amateur pour moi comment je
vais pouvoir définir ma pensée, c'est pas parce qu'on est
professionnel qu'on est plus performant plus reconnu moi très
CP 39/63
40. personnellement moi il y a des gens donc qui sont chanteurs ou
chanteuses professionnel(les) heu je veux dire heu qui ben je vois
pas ce qu'ils font sur une scène quoi je veux dire honnêtement moi
au moins je suis pas j'ai pas la plus belle voix du monde des gens
chantent mille fois mieux que moi je veux dire mais bon heu mais
pour moi il y a des fois des gens que je vois qui sont amateurs
mais on se demande ce qu'ils foutent heu en tant qu'amateurs pour
moi artiste pour moi artiste ça n'a pas de dénomination amateur ou
professionnel pour moi t'es un artiste c'est tout. Je fais pas la
distinction pour moi si on me dit telle personne ben tu vois elle
chante oui mais elle est pas professionnelle je dirais ben en tout
cas je m'en fous je m'en fous de savoir qu'entre deux elle est je
sais pas ben réceptionniste dans un hôtel ou médecin ou je sais
pas ou qu'importe travaille en usine, et pis que sa passion c'est
de monter sur scène le week-end pour moi c'est une artiste.
Professionnel amateur pour moi ça n'a rien à voir. Un artiste
c'est quelqu'un qui monte sur une scène amateur ou professionnel
pour moi c'est un artiste, je ne fais pas de distinction.
CP: je vais maintenant vous citer un passage de Paul Valéry, puis
vous me donnerez votre avis sur le sujet: « Le très grand est
celui dont les imitations sont légitimes, dignes, supportables,et
qui n'est pas détruit ni déprécié par elle ni elle par lui. » .
qu'en pensez vous?
NL:Je suis tout à fait d'accord dès lors qu'on touche à une
reprise admettons heu si elle est laissée dans l'esprit je vais
pas dire amélioré pas pas détruite pas saccagée dès lors qu'on
touche à une oeuvre et qu'on la respecte qu'on la reproduit à sa
sauce finalement. On peut pas mélanger l'artiste et ce que font
les autres de ses productions, on ne peut pas déprécier ce qu'il
est et ce qu'il a fait par ça, c'est pour ça même qu'il arrive
d'avoir mal pour ce très grand qui voit tout ce qu'il a fait entre
guillemets appauvri
CP:avez vous rencontré durant votre carrière des gens qui ne
reconnaissait pas, ou n'approuvait pas votre pratique?
CP 40/63
41. NL:moi je pense que, comme je le disais tout à l'heure il y a des
gens qui savent flatter, donc des gens qui flattent qui sont
sincères, des gens qui flattent qui ne le sont pas du tout parce
que c'est un système de jalousie, l'être humain est fait comme ça.
Mais clairement je n'ai jamais eu de gens qui m'ont dit ce que tu
fais c'est nul arrêtes toi ou tu nous casses les oreilles ou
quelque chose comme ça maintenant oui la chose qui faut bien
savoir c'est que quand on est un artiste comme moi qui monte sur
scène, il peut pas plaire à tout le monde hein et que les goûts et
les couleurs, il y a certainement des gens qui n'aiment pas ma
voix, qui n'aiment pas mes prestations sur scène ça c'est une
évidence même mais heu bon c'est tout quand on, quand moi je sais
que je ressors d'une salle de spectacle d'un concert ou d'un gala
j'ai fait une prestation moi l'essentiel c'est que le maximum de
gens qui sortent de là se sont dit j'ai passé un bon moment on n'a
même pas vu le temps passer on a passé deux heures dans une salle
mais bon sang il est déjà cette heure là et qu'on a passé un bon
moment maintenant ça ne peut pas être l'unanimité c'est pas
possible, on ne peut pas faire l'unanimité dans ce cas il n'y
aurait plus d'enjeux d'ailleurs si on arrive à convaincre tout le
monde il n'y a plus rien d'intéressant on va dire donc heu oui
inéluctablement des gens n'aiment pas ce que je fais, n'apprécient
pas ce que je fais c'est tout mais me l'avoir dit en face non je
peux pas dire, mais je sais pertinemment que c'est le cas c'est
évident heureusement d'ailleurs que je plais pas à tout le monde.
CP: selon vous est ce que ce qui plaît et fait l'unanimité prouve
de la qualité d'une production ou inversement, prenons l'exemple
de la musique classique et de Beethoven par exemple, il est
reconnu, il fait l'unanimité ce qu'il a fait ceux sont des chefs
d'oeuvre pourtant ça ne plaît pas à tout le monde, a contrario une
musique ordinaire que tout le monde écoute est ce un gage de
qualité?
CP 41/63
42. NL:ben le truc c'est que c'est quand même quelqu'un qui qui a
chamboulé le monde musicale de son époque qui a laissé des traces
et des oeuvres indélébiles
cP: dès lors où on laisse des traces ça voudrait [dire que...]
NL: [c'est c'est des oeuvres]c'est quand même des oeuvres qui à
l'époque étaient déjà modernes je veux dire pour son époque quoi
qu'on en dise Mozart Beethoven tout ça étaient des gens avant-gardistes
aussi parce que si on arrive encore à les jouer dans des
opéras encore maintenant que les orchestres symphoniques ou heu
continuent à jouer des oeuvres heu de ces légendaires compositeurs
c'est que quelque part ils ont plu à un maximum de gens maintenant
bien évidemment, ils ont plu à un maximum de gens, ils font
presque l'unanimité mais ne font pas l'unanimité même Schubert
même Mozart même Beethoven la musique classique moi j'aime bien
j'aime tous les styles musicaux mais il y a des gens qui sont très
électro très techno Beethoven Mozart pour eux c'est heu c'est une
autre planète. Moi j'écoute de tout, j'aime tout ce qu'il se fait
dans la musique, tous les styles, j'écoute tout. J'aime tout mais
j'aime pas tout dans tout on va prendre le cas du rap il y a des
morceaux de rap qui sont sublimes qui sont très biens et d'autres
morceaux qui m'agacent pas par rapport au texte bon pareil pareil
pour la variété pareil pour le rock,j'aime bien la musique électro
j'aime bien la techno, il y a des choses que j'aime bien qu'on
peut mettre dans une chanson, mais j'aime pas tout dans l'électro
et la techno mais ça ne remet pas en cause comment je veux dire
heu ce style musical bon il y a des artistes qui sont comment je
pourrais dire ça ça remet pas en cause oui heu. Ne pas aimer ne
remet pas en cause le talent de l'artiste non plus après pour
répondre à la question des lors où quelque chose remporte
l'attention et l'adhésion d'un certain nombre on peut considérer
qu'il y a de la qualité déjà simplement au fait de faire consensus
auprès de gens qui aiment la musique.
CP 42/63
43. CP: dans la presse, vous refusez qu'on parle d'imitation quand on
parle de votre voix,vous précisez qu'elle est naturelle absolument
pas forcée
NL: jpeux pas refuser jpeux pas interdire quelqu'un de dire heu
vous êtes un imitateur ou est ce que vous imitez c'est normal
c'est je dirais depuis que je chante c'est entre guillemets un
point d'interrogation bon pour certaines personnes qui sont un peu
heu interpellées par heu la voix et pas parce qu'il y a beaucoup
de gens qui connaissent ma voix et c'est pour ça c'est que je lis
parfois mais ils ne connaissent pas mon visage et c'est pour ça
qu'on est en train de développer toute une image artistique, ça se
travaille ça une image mais je n'ai jamais interdit à personne de
me poser la question après à moi de développer et de convaincre
CP: mais en quoi est ce important de le préciser, est ce que ça
signifie que le fait qu'elle soit naturelle lui attribue plus de
valeur de légitimité que si elle était travaillée?
NL:si j'avais eu heu si j'avais travaillé ma voix ben de toute
façon on a un timbre, le timbre de la voix c'est comme l'empreinte
l'empreinte c'est comme heu, je veux dire ça n'appartient qu'à une
personne c'est pour ça que comme je disais tout à l'heure je n'ai
pas la voix de Claude François et ceux qui disent j'ai la voix de,
j'ai la voix de, j'ai la voix de, c'est pas vrai le timbre de voix
c'est comme une empreinte ça appartient qu'à un seul comme l'Adn,
on a un adn qui ne correspond pas, chacun a son adn, chacun a son
empreinte, le timbre de la voix c'est pareil c'est pour ça que je
dis on ne peux pas ceux qui disent on m'a raconté, moi je connais
pas, moi le monde des imitateurs tout ça je ne connais pas, je ne
fréquente pas ces gens là parce que justement c'est la paradoxe
entre eux et moi moi je dis rien je critique pas hein il y a des
gens qui montent sur scène qui font Claude François,moi c'est très
bien pour eux, ils gagnent leur vie avec ça moi je ne vois pas
d'inconvénients moi c'est leur truc, moi personnellement je trouve
ça pathétique ça c'est mon point de vue mais ces gens là on le
droit de vivre, le droit de chanter le droit de monter sur une
CP 43/63
44. scène de faire entre guillemets le pitre c'est leur problème moi
je je remet certainement pas en cause ce truc là. Des fois on m'a
même raconté que certains se disaient plus doués que leur idole,
quand on en arrive là moi je pense que faut peut être aller
consulter quand même déjà et heu après comment pourrais je dire
moi moi j'ai la voix, c'est tout c'est une nature comme ça qui
fait que j'aurai très bien pu avoir avoir une voix qui
ressemble...
CP:Vous pouvez comprendre que c'est assez marrant car déjà vous
avez une voix proche de celle de Claude François, vous chantez du
Claude François donc forcément les gens...
NL: il peut il peut avoir confusion dans le genre, mais heu que
comment je pourrais expliquer ça, c'est un destin c'est une vie,
c'est comme ça si j'en suis là c'est aussi grâce à lui puisque
finalement, j'existe parce qu'il a existé, c'est une certitude
parce que comme ma voix, comme sur scène quand je l'ai vu comme je
disais j'avais onze ans douze ans à Grande-Synthe qui m'a vraiment
donné ce déclic mais après on me dira mais oui mais vous vous êtes
imprégné de lui vous avez travaillé votre voix, vous avez fait
pour lui ressembler mais non non le truc est là et donc ça ça peut
semer une ambiguïté un doute mais bon pas du tout c'est tout moi
même je ne cherche même pas à savoir, j'en suis arrivé là
aujourd'hui là avec vous à donner un entretien pour votre projet
j'en suis arrivé là sans calculer sans chercher voilà comme je dis
voilà c'est comme ça c'est comme ça.
CP: mais on doit tout de même admettre le travail et
l'investissement de ces personnes qui elles perfectionnent
travaillent réellement leur voix
NL: comme les imitateurs?
Cp: oui par exemple,
NL: un imitateur doit passer des heures et des heures entières à
essayer de trouver la voix qui ressemblent le plus possible à la
personne qu'il veut imiter bon et en plus là quand on devient
imitateur il y a aussi le côté visuel aussi donc heu le côté
CP 44/63
45. gestuel heu des gens que qui cherchent à imiter parce qu'il y a le
vocal il y a le visuel tandis que moi j'ai jamais cherché à être
heu mais moi comme je l'ai dit ma démarche sur la scène c'est moi
mon style les gens qui viennent me voir sur scène ils ont un
chanteur avec une identité et qui n'a rien à voir avec Claude
François les gens quand les gens viennent me voir sur scène quand
ils ressortent maintenant ils me disent mais quelle belle voix
vous avez qu'est ce que vous chantez bien, on aime bien cette
chanson mais jamais ils vont me dire ah ça ressemble à Claude
François ça ça m'a fait penser à Claude François jamais j'arrive
avec du travail parce que ça a été du travail de dire à convaincre
les gens que à cinquante quatre ans quasiment de dire que ben non
vous allez voir Noël Lagoia et vous allez pas voir Claude
François, vous allez écouter du Claude François
CP:dans le monde artistique que pensez vous de l'interprétation,
de la reproduction par rapport à la création?
NL:ben moi je dis toujours réinterpréter c'est dans un sens rendre
hommage à l'interprète à des créateurs à des auteurs à des
compositeurs si je parle du milieu musical heu comme quelqu'un qui
reproduirait un tableau ou heu c'est rendre hommage à son créateur
je dirais bon c'est heu et après c'est vrai que moi
personnellement je pense que quand on a un don quelconque c'est de
susciter la création c'est de susciter chez les gens le fait de
voir des choses nouvelles je veux dire moi mon tour de chant qui
fait vingt quatre chansons fait quasiment heu la moitié de
reprises et la moitié quasiment de création fin je veux dire donc
heu voilà je veux dire heu
CP : que pensez vous de l'un par rapport à l'autre, ont ils autant
de légitimité selon vous ?
NL:oui oui ils ont la même légitimité dans un tour de chant j'ai
comment je vais dire j'ai autant de plaisir à chanter mes reprises
et mes interprétations parce que mes reprises sont bien choisies
je n'interprète pas n'importe quel titre, n'importe quelle
chanson, je choisis et heu bon voilà déjà c'est donner du plaisir
CP 45/63
46. de les chanter, de les rechanter, et pis après ya toujours le fait
d'avoir créé ses propres chansons et comment je vais dire c'est
toujours plus c'est plus pétillant de faire écouter ce qu'on fait
soi-même aux gens après on fait des reprises et tout, les gens
apprécient apprécient moins mais les deux ont leur légitimité. Moi
quand je fais des reprises je réorchestre ça veut dire que je
réorchestre les reprises pour apporter du son nouveau une
interprétation nouvelle en respectant la structure de la chanson
l'identité de la chanson c'est une manière de respecter ceux qui
ont créé heu ces oeuvres hein c'est ça donc c'est déjà un certain
respect par rapport à ça et puis apporter sa touche personnelle
parce que si c'est simplement rechanter heu les chansons tout
bêtement une version karaoké ça n'a pas vraiment d'intérêt.
CP : c'est donc la différence entre imitation et interprétation
NL : ah oui carrément c'est toujours apporter sa touche
personnelle j'en reviens toujours à ça c'est à dire que dans une
reprise les gens connaissent la chanson mais si on arrive avec un
son nouveau avec un rythme nouveau moi j'ai repris très
dernièrement, dans mon nouveau single qui va arriver j'ai dit
single mais c'est pas un single c'est un CD quoi puisqu'il y a
trois titres dessus il y a une chanson que j'ai écrite et composée
et il y a deux reprises de vieux standards de Claude François
parce que la voix qui fait en sorte que je reprends ces chansons
là et c'est deux vieux succès de Claude François mais qui ont été
totalement réorchestrés par mon arrangeur avec nos touches
personnelles et voilà de manière à ce que les gens quand ils vont
écouter ces deux reprises connaissent les chansons ceux qui
connaissent pas vont découvrir comme si c'était une nouvelle oeuvre
et les fans de Claude François les gens de ma génération qui
connaissent ce répertoire là vont dire ah oui ces deux chansons là
on les connaît on les connaît bien pourtant c'est pas les plus
connus du répertoire de Claude François parce que là aussi c'est
l'intérêt de faire en sorte que ça soit une redécouverte avec des
sons nouveaux des sons actuels et ma voix et ma voix.
CP 46/63