Internet provoque des phénomènes de circulation et de réutilisation massif des contenus, souvent en dehors du cadre étroit de la légalité. Ces pratiques sont à l'origine d'une véritable culture de la transformation (mashup, remix, détournements, mèmes, etc). Quelles problèmes posent-elles exactement vis-à-vis du droit d'auteur ? Comment expliquer un tel décalage entre les usages et le droit ? Peut-on imaginer faire évoluer la loi pour sécuriser de telles pratiques ?
Automne numérique : Création et éducation au numérique
Culture du remix, culture du buzz : aspects juridiques de la viralité
1. Culture du Remix, Culture du buzz :
aspects juridiques de la viralité
Par Calimaq
2. Pour commencer : l’histoire du « cri volé »
En 2006, Noam Galai
poste cette
photographie
Screaming for help
sur Flickr.
Il lui applique un
« Copyright All Rights
Reserved », interdisant
normalement toute
forme de copie.
3. Puissance de la dissémination,
Misère du droit…
Mort de la création ?
L’auteur réagit en créant un site
recensant les réutilisations de sa photo.
Site : Scream Everywhere
The Stolen Scream : Cette photo s’est
disséminée dans plus de 40 pays dans
le monde et sous des dizaines de
formes différentes, à l’insu de son
auteur…
3
4. Internet et le numérique :
radicalement corrosifs pour le droit ?
Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d'acier, je viens du
cyberespace, la nouvelle demeure de l'esprit. Au nom de l'avenir, je vous demande, à
vous qui êtes du passé, de nous laisser en paix. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi
nous. Vous n'avez aucun droit de souveraineté sur le territoire où nous nous
rassemblons.
Je déclare que l'espace social global que nous construisons est indépendant, par
nature, de la tyrannie que vous cherchez à nous imposer. Vous n'avez pas le droit
moral de nous gouverner, pas plus que vous ne disposez de moyens de contrainte
que nous ayons de vraies raisons de craindre […]
Vos notions juridiques de propriété, d'expression, d'identité, de mouvement et de
circonstance ne s'appliquent pas à nous. Elles sont fondées sur la matière, et il n'y a
pas de matière ici […]
Dans notre monde, tout ce que l'esprit humain est capable de créer peut être
reproduit et diffusé à l'infini sans que cela ne coûte rien. La transmission globale de
la pensée n'a plus besoin de vos usines pour s'accomplir.
J.P. Barlow. Déclaration d’Indépendance du Cyberspace. 1996.
Roger McLassus. Wikimedia Commons
5. Interdit d’interdire à l’ère du
datalove…
Datalove.fr
Par DARPA. Domaine public. Wikimedia Commons
6. Une irrégulabilité fondamentale d’Internet ?
Le code élémentaire d’Internet est constitué d’un ensemble de protocoles appelé TCP/IP.
Ces protocoles permettent l’échange de données entre réseaux interconnectés. Ces
échanges se produisent sans que les réseaux aient connaissance du contenu des données,
et sans qu’ils sachent qui est réellement l’expéditeur de tel ou tel bloc de données. Ce code
est donc neutre à l’égard des données, et ignore tout de l’utilisateur.
Ces spécificités du TCP/IP ont des conséquences sur la régulabilité des activités sur
Internet. Elles rendent la régulation des comportements difficile. Dans la mesure où il est
difficile d’identifier les internautes, il devient très difficile d’associer un comportement à un
individu particulier. Et dans la mesure où il est difficile d’identifier le type de données qui
sont envoyées, il devient très difficile de réguler l’échange d’un certain type de données.
Ces spécificités de l’architecture d’Internet signifient que les gouvernements sont
relativement restreints dans leur capacité à réguler les activités sur le Net.
Dans certains contextes, et pour certaines personnes, cette irrégulabilité est un
bienfait. C’est cette caractéristique du Net, par exemple, qui protège la liberté d’expression.
Elle code l’équivalent d’un Premier amendement dans l’architecture même du cyberespace,
car elle complique, pour un gouvernement ou une institution puissante, la possibilité de
surveiller qui dit quoi et quand.
Lawrence Lessig - Code Is Law. Le Code de l’architecture d’Internet est
plus important que le droit pour la régulation des comportements.
1999
2006
7. Et pourtant…
2010, lors du tremblement de terre à Haïti, le
photographe Daniel Morel prend des clichés
sur place et les poste sur Twitpic.
Un internaute, Lissandro Suero, se les
approprie sur son compte. L’AFP récupère les
photos et les revend à l’agence Getty, qui les
diffuse dans tous les médias.
Verdict en 2013 : lourde condamnation en justice de
l’AFP et de Getty = 1,22 millions de dollars attribués à
Daniel Morel
Morel attaque l’AFP et Getty en justice pour
contrefaçon, mais l’AFP contre-attaque sur la
base de l’existence d’un « droit à la
réutilisation
par
la
pratique
des
internautes ». Parce que ces photos ont été
postées sur un réseau social, Morel aurait
renoncé à ses droits…
8. La question de la viralité illustre la
tension entre le droit et la technique ;
entre le droit et les pratiques.
Image par b_napper. CC-BY-NC. Flickr.
9. Le problème est beaucoup plus ancien et tient aux
Au commencement… création et la copie
rapports complexes entre la
L’étymologie garde la
trace de cette origine
commune de la
création et de la copie.
OP- : activité
productrice (racine en
sanscrit)
Œuvre (Opus,
Opera)
Copie (cOPia,
cOPiare)
Abondance
(Opulentia)
A lire : Œuvre, abondance et copie. Philipe Aigrain.
10. Quand les œuvres naissaient dans la Vallée du
Folklore…
Mythes, contes et légendes se créaient et se
diffusaient de manière incrémentale et collective.
A lire : Morphologie Of A Copyright Tale
11. Changement de de
Et la figure paradigme
avec l’imprimerie
l’auteur apparaît
Et avec elle, la copie devient
problématique…
« Malheur à toi, voleur du travail et du talent d’autrui.
Garde-toi de poser ta main téméraire sur cette oeuvre.
Ne sais-tu pas ce que le très glorieux Empereur
Romain Maximilien nous a accordé ? – que personne
ne soit autorisé à imprimer à nouveau ces images à
partir de faux bois, ni à les vendre sur tout le territoire
de l’Empire. Et si tu fais cela, par dépit ou par
convoitise, sache que non seulement tes biens
seraient confisqués, mais tu te mettrais également toimême en grand danger. » (texte inséré dans un recueil
de gravures en 1511)
Wikimedia Commons
Procès intenté par Dürer au graveur Marcantonio Raimondi
Monogrammes de Dürer. Wikimedia Commons.
12. Lovecraft et le Mythe de Cthulhu : une œuvre
sauvée parce que son auteur s’est laissé copier…
Par StrangeInterlude. CC-BY-SA. Source : Flickr
De son vivant, Lovecraft a réuni
autour de son œuvre un cercle
d’auteurs et les a incités à créer
dans son univers.
A lire : Neil Jomunsi. Comment Lovecraft inventa les
Creative Commons un siècle avant tout le monde
Sans cela, son œuvre aurait peut-être
sombré dans l’oubli, faute d’avoir été
publiée en dehors de cercles restreints.
13. La viralité n’a pas attendu Internet pour exister…
Guerrillero Heroico. Par Alberto Korda.
Korda a laissé cette photo se
diffuser librement pendant des
années, jusqu’à faire un procès à la
marque Smirnoff à la fin de sa vie.
Depuis, ses descendants exercent
un contrôle agressif sur l’œuvre
(procès contre l’AFP, procès contre
l’affiche Dirty Diaries, etc).
A lire : Incroyable destinée juridique de la plus
célèbre des photographies.
14. Led Zeppelin et les frontières entre inspiration et plagiat
Un nombre important de chansons de
Led Zeppelin ont été accusées d’être des
plagiats de morceaux d’autres groupes…
ou des remixes ?
Dans le jazz, la « citation » d’autres
musiciens est une pratique courante. Le
blues s’est construit sur la reprise de
standards et le folk d’airs populaires.
Exemples de plagiats supposés
« L’originalité consiste à savoir dissimuler
ses sources » - Nina Paley
Documentaire « Everything
is a Remix »
15. Tout est remix ?
Le « Héros aux
mille et un
visages » de
Joseph Campbell
et la théorie du
monomythe.
Toutes les grandes histoires (mythes, contes)
présenteraient une structure similaire… que
l’on retrouve dans les films récents.
A l’origine des méthodes employées par les scénaristes
d’Hollywood (méthode Vogler).
16. Qu’est-ce qui change avec le numérique ?
Internet est une immense machine à
copier qui crée une « culture de la copie. »
Toute utilisation d’une œuvre implique une ou des copies.
Will Lion. Copy Culture. CC-BY-NC-NC
17. Par Robin Pronk. Source : Flickr
Le moment numérique a fait s’effondrer la distinction entre trois processus
auparavant différents : accéder à une œuvre, utiliser ou lire une œuvre, et copier
une œuvre. Dans l’environnement numérique, on ne peut accéder à un article de
presse sans en faire de nombreuses copies. Si je veux partager un article avec un
journal en papier avec un mai, je n’ai qu’à lui donner cet objet. Je n’ai pas à en faire
de copie. Mais dans l’environnement numérique, c’est nécessaire. Quand je clique
sur le site internet qui contient l’article, le code dans la mémoire vie de mon
ordinateur est une copie. Le code source en langage html constitue une copie. Et
l’image de l’article à l’écran est une copie. Si je veux qu’un ami lise également cette
information, je dois en faire une nouvelle copie attachée à un mail. Ce mail
aboutira à une autre copie sur le serveur de mon ami. Et ensuite, mon ami fera une
nouvelle copie sur son disque dur en recevant ce message et d’autres encore dans
sa mémoire vive et sur son écran en lisant. Le droit d’auteur a été conçu pour
réguler seulement la copie. Il n’ était pas supposé réguler le droit de lire et de
partager.
Siva Vaidhyanathan
Juridiquement, ça change tout…
18. La copie et l’impact du piratage/partage
Image Fema Photo Libray. Domaine Public. Source Wikimedia Commons
19. Mais à l’ère du copié-collé, la copie n’est
pas toujours une copie à l’identique…
Le « Martine Cover Generator » a fait l’objet
d’une demande de retrait par Casterman.
A lire : L’œuvre d’art à l’ère de son
appropriabilité numérique. André Gunthert
20. Passage d’une culture du « Read Only » à
une culture du « Read/Write »
« L’imprimerie a permis au peuple de lire ;
Internet va lui permettre d’écrire » Benjamin Bayard.
A voir : Lawrence Lessig. Les lois qui
étranglent la créativité.
21. Renversement de la logique
Top/Down des médias et de la
passivité du public
A lire : La Culture du partage ou la
revanche des foules. André Gunthert.
22. Le sacre des amateurs…
Au milieu des années 2000, la diffusion de logiciels d’assistance aux
loisirs créatifs, le développement de plates-formes de partage de
contenus, ainsi qu’une promotion du web interactif aux accents
volontiers messianiques alimentent l’idée d’un “sacre des amateurs”.
Appuyée sur la baisse constatée de la consommation des médias
traditionnels et la croissance corollaire de la consultation des supports
en ligne, cette vision d’un nouveau partage de l’attention prédit que la
production bénévole des amateurs ne tardera pas à concurrencer celle
des industries culturelles […]
Qu’il s’agisse de la création de fausses bandes annonces sur YouTube, de
détournements parodiques, de l’hommage imitatif des covers (version
personnelle d’un morceau de musique) ou de la circulation virale des
mèmes (jeu appropriable de décontextualisation de motif), les conditions
de l’appropriabilité numérique ne s’autorisent que d’expédients et de
tolérances fragiles: la protection de l’anonymat ou de l’expression collective,
la nature publicitaire ou politique des contenus, la volatilité ou l’invisibilité
des publications, la méconnaissance de la règle, et surtout les espaces du
jeu, de la satire ou du second degré, qui, comme autrefois le temps du
Carnaval, sont des espaces sociaux de l’exception et de la transgression
tolérée… Leremix profite généralement de la zone grise formée par les
lacunes du droit, des oublis du contrôle ou de la dimension ludique. Mais
ces conditions font du web l’un des rares espaces publics où l’appropriation
collective est admise.
André Gunthert. La culture du partage ou la
revanche des foules.
23. Les précédents du sample…
La pratique du sample, dans le
hip-hop et dans le rap, a été à
l’origine de nombreuses
difficultés juridiques.
Beastie Boys : Pass the Mic.
Longue procédure en justice contre les
Beastie Boys, pour la reprise de 3 notes de
flûte d’une durée de 6 secondes…
James Newton - Choir
Finalement, les juges américains estimeront
cet emprunt légal sur la base du « De
minimis » (emprunt trop faible)
24. Remix & Mashups : pratiques transformatives
2004 : The Grey Album, par
Danger Mouse
2009 : Kutiman
2008 - Lawrence Lessig : Remix
Emprunter, combiner, mélanger des
œuvres entre elles pour produire
quelque chose de neuf.
2009. Nirgaga : DJ Lobsterdust
25. Remix & Mashups : pratiques transformatives
Princess Leia vs. Ace Ventura
Obama chante Call Me Maybe de Carly
Rae Jepsen.
Présenté à Cannes, ce film est composé
de courts extraits de plus de 450 films
différents. Salué par la critique comme un
hommage au cinéma, il ne pourra jamais
être exploité en salle, pour des raisons de
droits.
Final Cut : Ladies & Gentlemen, par Palfi Gyorgy
A voir : le site du Mashup Film Festival
26. Pratiques transformatives : mais aussi…
Les gifs animés
Le Seigneur des anneaux
en 5 secondes
Bladerunner
Machinima
BrickFilms : Lego Casino Royale
27. Pratiques transformatives :
fanfictions, fan art, fandom…
Fan Film LOTR : The Hunt For Gollum
HarryPotterFanFiction
Les personnages, les lieux, l’arrière-plan d’une création sont
protégés en tant que tels par le droit d’auteur (et parfois par
le droit des marques).
"Le Fandom vient réclamer quelque chose. Il
réclame aux corporations le droit de raconter luimême les histoires qui lui plaisent."
Henry Jenkins
Middle Earth Roleplaying Project
28. Le phénomène des mèmes
A voir : le site Know Your Mème.
« Un mème est un élément culturel
reconnaissable répliqué et transmis par
l'imitation du comportement d'un individu
par d'autres individus. » Source :
Wikimedia.
Certains mèmes sont tirées d’oeuvres
produites par les industries culturelles,
mais d’autres sont issus de la culture
propre aux communautés sur Internet
(notamment les forums, type 4chan)
29. Le cas du Slender Man : du mème au mythe
Une créature
inventée par des
communautés sur
des forums, qui est
devenue le premier
« mythe » d’Internet.
Doté d’un
background
« folklorique »
inventé, il se décline
à présent en fanart,
en jeux vidéo, en
webséries, en films,
etc.
Une création collective qui pose des questions
complexes de propriété…
30. Media sociaux et User
Generated Content
Environ 30% des contenus de
YouTube correspondraient au
produit de pratiques
transformatives.
Etude Hadopi sur les
contenus de Youtube
31. Différence d’appréhension des pratiques transformatives
entre le droit américain et le droit français.
Buffy vs Edward : mélange de Buffy
contre les vampires et de Twillight
En droit américain, certainement légal sur la
base du fair use (usage équitable)
- Pas d’usage commercial
- Production d’une nouvelle œuvre qui n’est
pas « substituable » aux deux films d’origine
- Propos critique (analyse « gender » de la
représentation des rôles entre homme et
femme).
En droit français, certainement une
contrefaçon (violation du droit d’auteur) :
- Emprunts trop importants aux œuvres
d’origine pour être une « courte citation »
- Pas de contenus propres
- Pas vraiment une caricature, pastiche ou
parodie (pas d’intention humoristique)
32. Parfois, des tolérances accordées
par les titulaires de droits
JK Rowling accepte les
fanfinctions, dans la mesure où
elles ne sont pas exploitées
commercialement et où elles ne
sont pas érotiques.
Malgré des rapports parfois houleux avec la
communauté des fans de Star Wars,
Georges Lucas accepte dans une certaine
mesure les productions dérivées de son
univers.
33. Les licences libres et de libre diffusion
offrent des marges de manoeuvre
Le film « Le Cosmonaute »
du producteur espagnol
Riot Cinema est diffusé
sous licence Creative
Commons et tous les
rushes sont mis à
disposition sur Internet
Archive pour être remixés.
Après une campagne de
crowdfunding, Robin Sloan
diffuse son roman sous
Creative Commons et
organise un concours de
remix avec ses lecteurs.
Limites : le taux d’adoption des licences libres est
encore faible et ce sont avant tout les
blockbusters de la culture « mainstream » que les
internautes veulent remixer.
Moby diffuse son dernier
album gratuitement sur
BitTorrent et ouvre ses
morceaux en Open Source.
34. Le régime de responsabilité des
hébergeurs est pour beaucoup dans la
diffusion des œuvres transformatives
Les hébergeurs (YouTube, Dailymotion,
Flickr, Wikipédia, Tumblr, Facebook,
Pinterest, etc) ne sont pas responsables
directement des contenus postés par
leurs utilisateurs qu’ils abritent.
Ils ne le deviennent que s’ils ne retirent
pas rapidement les contenus illicites
lorsqu’ils leur sont signalés.
Beaucoup de contenus transformatifs,
même illégaux, subsistent ainsi en ligne
tant qu’ils ne font pas l’objet de demandes
de retrait.
Mais de plus en plus, tendance à chercher à rendre
les hébergeurs responsables ou à les pousser à
exercer un contrôle actif (SOPA, ACTA, etc).
35. Du mashup comme moyen
d’auto-défense culturelle
Image par Sigapore 2010. CC-BY-NC.
36. La dimension « carnavalesque »
du détournement des images
Les pratiques transformatives
permettent au public de ne pas
« subir » passivement des images
produites à des fins de propagande.
Vieille tradition du Carnaval et de la
caricature, désormais aux mains du
grand nombre.
37. Du potentiel critique du mashup
Vidéo Pernaut au pays des merveilles.
Montage réalisé
par un journaliste
de Rue89 pour
critiquer la mise
en scène du
journal de TF1.
Pas forcément légal du point de vue du droit français,
car l’exception de courte citation est trop étroite.
Demande de retrait de la vidéo par
TF1 pour violation du droit d’auteur.
38. Détournement, effet Streisand
et lutte contre la censure
Lorsque des images font l’objet de demande de
retrait, elles sont disséminées et parodiées par les
internautes (1, 2).
39. Fragilité de la culture du remix…
En 2010, le producteur du
film « La Chute » demande
le retrait en bloc de toutes
les parodies présentes sur
YouTube de la scène de la
colère d’Hitler dans son
bunker.
« Ce qui fut un temps la force de YouTube – être le premier carrefour d’audience de la vidéo en ligne –
est désormais sa principale faiblesse. C’est parce que la plate-forme est le navire amiral du web qu’elle
est devenue la cible de tous les distributeurs de culture au kilo. En 2005, on pouvait encore espérer que
les législateurs emboîtent le pas des nouvelles formes de partage et adaptent les règles de la propriété
intellectuelle à la “free culture” naissante. Il n’en a rien été. Loi après loi, accord après accord, les
lobbies industriels ont patiemment rebouché les trous de la toile. Aux prises avec un “droit d’auteur”
(qu’il serait plus juste d’appeler: “droit du distributeur”) plus puissant que jamais, YouTube n’a pas
d’autre choix que se plier à la tyrannie du copyright. » André Gunthert.
40. Image par kristin_a. CC-BY-SA
.
Peut-on dans un démocratie continuer à assimiler les pratiques
culturelles de toute une génération à un délit ?
Je veux finir avec une chose bien plus importante que
l’aspect économique : comment tout cela touche nos
enfants. Il faut bien admettre qu’ils sont différents (…)
Nous avions les cassettes, ils ont les remix. Nous
regardions la télé, ils font la télé.
C’est la technologie qui les a rendus différents, et en la
voyant évoluer, nous devons bien admettre qu’on ne
peut tuer sa logique, nous ne pouvons que la
criminaliser. Nous ne pouvons en priver nos enfants,
seulement la cacher. Nous ne pouvons pas rendre nos
enfants passifs, seulement en faire des « pirates ». Estce le bon choix ? Nous vivons à cette époque étrange,
une prohibition où des pans de nos vies sont en
désaccord avec la loi. Des gens normaux le vivent. Nous
l’infligeons à nos enfants. Ils vivent en sachant que c’est
à l’encontre de la loi. C’est extraordinairement corrosif,
extraordinairement corrompant. Dans une démocratie,
nous devrions pouvoir faire mieux. Faire mieux, au
moins pour eux, et à défaut, pour l’opportunité
économique. Merci de votre attention
– Lawrence Lessig.
41. Retour de la logique propriétaire
sur des créations communautaires
En 2013, les « créateurs » du Nyan Cat et
du Keyboard Cat, deux des plus célèbres
mèmes de l’Internet, attaquent Warner
Bros pour avoir repris ces personnages
dans un jeu vidéo. Ils ont déposé un
copyright et une marque sur ces mèmes.
« La signification culturelle du Nyan Cat et du Keybopard Cat ne
vient pas Schmidt ou de Torres. Il y a des milliers et des milliers
de vidéos semblables sur Internet. Mais comme tous les bons
mèmes, ces deux là ont acquis une signification culturelle
particulière parce que des masses de personnes de sont
appropriées ces idées pour créer à partir d’elles. Que Schmidt et
Torres surgissent à présent pour réclamer une "propriété" sur la
qualité mimétique de ces oeuvres est juste insultant. C’est un
affront infligé à la communauté des personnes qui ont rendu ces
deux mèmes populaires. » Source : Techdirt.
42. Récupération par les industries culturelles
Le mouvement « Seapunk », une culture
Open Source née à l’origine parmi des
communautés en ligne (notamment
Tumblr).
En 2012, Rihanna s’inspire de
l’esthétique Seapunk pour le
clip de la chanson
« Diamonds ». Elle soulève un
tollé parmi la communauté.
43. Le remix comme stratégie marketing….
Gangnam Style de PSY : une vidéo
spécialement conçue pour être imitée,
parodiée, détournée, remixée…
Début aussi d’une instrumentalisation de
la logique du remix…
Approche souple du droit d’auteur : laisser
circuler le contenu pour le rendre viral et le
monétiser via YouTube par la publicité.
Lady Gaga
organise des
concours de
remix de ses clips
avec ses fans…
44. Développement de systèmes de monétisation de
ces pratiques par les grandes plateformes
Content ID, le système automatique
de filtrage sur Youtube qui laisse le
choix aux titulaires de droits de
monétiser les contenus plutôt que
de les bloquer.
Kindle Worlds : Amazon conclut
des licences pour des « Univers »
avec les titulaires de droits, pour
donner la possibilité aux
internautes de vendre des
fanfictions sur sa plateforme.
45. Le droit des marques finit par
s’en mêler…
Instrumentalisation de la logique
des mèmes et application du
droit des marques.
Le « Non mais allô, quoi ! »
de Nabilla déposé à l’INPI
A lire : PSY et le prix de la
neutralisation symbolique du remix.
3 marques déposées sur
« Serge, le lama bordelais »
46. Légaliser les pratiques transformatives ?
En 2012, le Canada
est le premier pays à
introduire une exception
spécifique en faveur du
mashup et du remix.
Suite aux
recommandations du rapport
Lescure, lancement d’une
mission sur les usages
transformatifs au CSPLA.
L’Irlande envisage
d’introduire une
exception pour les
« œuvres innovatives »,
proche du fair use.
La Commission
européenne s’intéresse
aux « User Generated
Content » dans sa
consultation sur la
réforme du droit d’auteur.
Une marge de manoeuvre réelle existe en
France pour faire évoluer l’exception de
citation en faveur des usages transformatifs.
A lire : André Gunthert.
Permettre les usages
publics des images.
47. Viralité, ordre public, appel à la
haine et liberté d’expression
Affaire des hashtags
antisémites sur Twitter
L’innocence des Musulmans sur YouTube
Pour l’instant, la question de la viralité était surtout
abordée par le biais du droit d’auteur. A l’avenir, la
question des limites de la liberté d’expression
pourrait devenir tout aussi importante.
Interdiction des spectacles de Dieudonné
étendu à ses vidéos pour « atteinte à la dignité
de la personne humaine » ?
Affaire du lanceur de chat
condamné à un an de prison