1. EST-CE LA SOLUTION AU PROBLEME DE SURPECHE A
MADAGASCAR ?
Les aires marines gérées localement deviennent un moyen populaire de promouvoir une pêche
responsable et durable
Notre destination était lointaine. Il nous a fallu quatre heures pour parcourir, sur une route
accidentée et cahoteuse, les 20km qui séparent Maroantsetra de Rantohely, un petit village de
pêcheurs sur la Baie d’Antongil, dans le nord-est de Madagascar. A cause peut-être de son
isolement géographique, les gens d’ici ont l’habitude de se débrouiller tout seul. Et c’est aussi
peut-être la raison pour laquelle l’approche LMMA (gestion localedes aires marines) des
ressources marines y a pris rapidement pied. Le but de notre voyage était, en effet, d’évaluer le
fonctionnement de l’approche LMMA.
A l’entrée du village, nous étions accueillis par un groupe d’enfants bruyants et par le président
de l’association des pêcheurs, Monsieur Augustin Randriamiharisoa, flanqués pour l’occasion du
chef de la communauté et de quelques pêcheurs tout juste rentrés au village après une
escapade en mer dès l’aube.
Deux des associations de pêcheurs gèrent depuis 2012 les LMMA de Rantohely que la
population localeappelle« Tahirin-daoko » ou réserves de poissons en Malagasy. Les LMMA
sont des zones marines gérées par les communautés elles-mêmes pour protéger l’activité de
pêche, préserver la biodiversité marine, faire entendre leurs voix et veiller à ce que la mer dont
dépendent leurs moyens d’existence reste productive. L’idée derrière les LMMA est très simple :
confier la gestion des ressources marines à la population qui en est la plus proche et dont
dépendent les moyens d’existence. Elle devient donc un gestionnaire durable de certaines aires
marines particulières.
Les pêcheurs ont fait savoir que l’approche LMMA était utile et avantageuse pour la
communauté qui était très motivée à en créer d’autres.
« Nous avons hâte de développer notre propre LMMA dans notre communauté parce qu’en tant
que pêcheurs, nous savons que la LMMA nous permettra d’améliorer nos moyens d’existence. Nous
espérons pouvoir collaborer étroitement avec toute organisation qui pourrait nous aider à
développer davantage notre LMMA et améliorer ainsi nos conditions de vie, » a déclaré M.
Augustin.
Eaux Troubles
Les LMMA sont confrontés à des défis. Les grandes sociétés de pêche commercialequi
exploitent des bateaux dans la zone ne respectent pas toujours les règles établies de ne pas
s’adonner à la pêche dans un rayon de 3,8km à partir des rivages, une zone de pêche où
abondent les poissons et où les crevettes pondent et se reproduisent près des embouchures du
2. fleuve, des récifs coralliens, des roches et des mangroves. C’est un territoire censé être réservé
aux pêcheurs traditionnels.
Le président Augustin nous a expliqué qu’il était difficile de faire appliquer les règles établies par
les LMMA à cause de la corruption et du manque de connaissance des lois par les responsables
mêmes chargés de les appliquer. Par ailleurs, une demande croissante de poissons et de
crevettes, les dégâts occasionnés par les cyclones et la sédimentation des fleuves, ainsi que les
infractions aux règles perpétrées par certains membres de la communauté diminuent le stock. Il
est nécessaire de faire une délimitation claire des zones de pêche pour que les saisons soient
respectées, ajoute-t-il.
La coopération avec les autorités chargées de l’application de la loi doit aussi être renforcée
pour faire respecter les règles. Certes, l’accroissement de la population locale et les effets du
changement climatique constituent des défis, mais une protection de ces habitats marins et de
ces sites de reproduction essentiels contribuerait véritablement à préserver la santé de la
population de poissons et préviendrait la surpêche.
Créer une nouvelle approche
La première LMMA de Madagascar a été créée en 2005, dans le sud-ouest. En réponse à une
capture en diminution constante, vingt-cinq villages se sont unis pour gérer ensemble leurs
ressources marines. Le succès du projet a suscité l’intérêt dans d’autres localités. En 2012, une
réunion des membres des collectivités représentant 18 LMMA a eu lieu où ils ont reconnu le
besoin d’identifier des défis communs à tous et d’échanger des expériences et des compétences.
C’est ainsi qu’un réseau national de LMMA dénommé MIHARI (Mitantana HArena an-
dRanomasina avy eny Ifotony ou Gestion Locale des Aires Marines) a été mis sur pied.
Aujourd’hui, plus de 120 associations communautaires participent dans plus de 65 LMMA.
Vatosoa Rakotondrazafy, une ancienne chercheuse de l’université de British Columbia, est la
Coordonnatrice du réseau MIHARI. Selon elle, bien que certaines LMMA aient été créées par des
ONG, la plupart l’ont été sur initiative des communautés et que « l’objectif final est d’avoir des
LMMA qui ne soient pas trop dépendantes des ONG. » Pour ce faire, il va falloir renforcer la
capacité des équipes dirigeantes des LMMA pour qu’elles deviennent plus autonomes.
Rakotondrazafy déclare qu’avec le temps, il est prouvé que l’approche LMMA marche. « Bien que
les avantages ne soient pas encore, pour le moment, quantifiables, les LMMA existantes
contribuent à la conservation des ressources côtières et marines de Madagascar, améliorent les
moyens d’existence des communautés et les engagent directement dans la gestion des
ressources. »
L’USAID est désireuse d’apporter son aide à l’amélioration des moyens d’existence des pêcheurs
et, par la même occasion, de participer à la conservation de la biodiversité marine à travers le
développement de la pêche à Madagascar. Pour la première fois de son histoire, l’USAID
projette d’aider à la gestion et à la conservation des ressources marines et côtières dans le cadre
3. de son prochain programme environnemental de cinq ans (conservation et responsabilisation
des communautés).
Bruno Rasamoel
Mai 2016