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LA VILLE EN MARCHE
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
PREFACE
Chaque année, l’association Études Urbaines, composée de quatorze élèves en
dernière année à l’EIVP (École des Ingénieurs de la Ville de Paris), organise à
partir de février une étude globale : Studies in Urban Planning, abordant une
problématique urbaine.
Ils choisissent, pour ce projet qui va cheminer durant toute l’année, des thèmes
ambitieux, actuels et internationaux. Leur travail doit s’appuyer sur les
expériences de plusieurs villes à travers le monde. Pour donner plus de réalisme à
leur étude, ils organisent un voyage de 10 jours en novembre pour l’ensemble de
la promotion divisée en 4 groupes correspondant à chacune des métropoles
impliquées dans la thématique traitée. Sur place, les étudiants rencontrent des
professionnels afin d’analyser et comparer les différentes solutions apportées par
chaque métropole. Ce voyage d’étude est donc intégralement organisé par
l’association et profite à tous les étudiants de dernière année. Le financement de
ce voyage est assuré par les partenaires publics et privés que les élèves ont eux-
mêmes démarchés.
En janvier, Études Urbaines remet un rapport et organise une conférence où tous
les partenaires de l’étude et ceux de l’école sont invités.
Les thèmes et les destinations sont très variés : « les Immeubles de Grande
Hauteur » (Chicago, Londres, Varsovie) « le Renouvellement Urbain »
(Amsterdam, Casablanca, Copenhague), « Jeux olympiques et expositions
universelles : quelle place pour la durabilité ? » (Londres, Lisbonne-Barcelone,
Pékin-Shanghai), « L'urbanisme souterrain, une opportunité pour la ville durable
» (Montréal, Helsinki, Monaco). Cette année, les étudiants ont choisi de traiter le
sujet « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons » illustré par les
études menées à New York, Copenhague, Berlin et au Maroc dans les villes de
Casablanca et Fès.
Je suis particulièrement ravie de vous faire partager ce rapport synthétisant le
travail riche de nos étudiants extrêmement motivés. Ils partent en stage de fin
d’étude de 6 mois début février avant de commencer, dès septembre, leur
carrière, prometteuse j’en suis sûre, d’ingénieur en génie urbain.
Nathalie Bintner
Directrice des études
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
AVANT PROPOS
Le présent rapport est le résultat d’un an de travail réalisé par l’ensemble de
l’équipe de l’association Études Urbaines. Ce travail s’appuie sur un voyage
organisé au début de notre dernière année d’études à l’EIVP dans quatre
destinations choisies afin de compléter nos recherches sur le sujet par des
observations in situ. À cette occasion, nous avons rencontré et échangé avec des
professionnels, des acteurs publics, des universitaires, des associations ou des
habitants concernés par notre thème aux Etats-Unis, au Danemark, en Allemagne
et au Maroc.
L’ensemble des quatre-vingt-dix étudiants de la promotion 52 a été appelé à
participer lors de ce voyage d’étude. Notre ambition a été de choisir un sujet
d’étude original qui, en plus d’intéresser tous les membres de l’équipe, puisse
aussi remporter l’adhésion des étudiants qui ne sont pas membres de
l’association et leur permettre de nourrir leur culture dans le domaine. Ce sujet a
été pour nous « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons ».
En effet, de plus en plus de politiques publiques incluent des éléments d’actions
dont le but est de rendre de l’espace aux piétons dans les villes, ce qui fait du
thème du piéton en ville un sujet dans l’air du temps… et pour cause ! Ces
mesures s’inscrivent complètement dans une démarche de gestion urbaine
durable. Ce thème très large du piéton en ville incluant plusieurs notions
complexes, il nous a fallu trouver une porte d’entrée afin de délimiter nos
recherches et nous avons choisi d’aborder le sujet en prenant l’axe du confort
des piétons.
Une fois le sujet choisi, nous nous sommes donc penchés plus précisément sur
cette notion de confort des piétons en réalisant des recherches poussées et en
contactant des spécialistes, des professionnels et des associations en lien avec le
sujet en France et à l’étranger. Nous avons choisi d’aller faire des observations in
situ dans 5 villes regroupées en 4 destinations afin de donner une résonance
concrète à notre étude.
Ainsi, nous sommes allés du 1
er
au 11 novembre 2012 à New York, Copenhague,
Berlin et à Fès et Casablanca et y avons rencontré des spécialistes du sujet
préalablement contactés par les responsables désignés au sein de l’équipe. Ce
voyage a été entièrement organisé par les membres d’Études Urbaines et pour
cela, nous avons dû réunir les fonds nécessaires grâce à des partenariats établis
avec des entreprises qui sont venus compléter la subvention qui nous est
accordée par l’EIVP et l’AIVP.
Une restitution qui donnait une vue d’ensemble de notre travail a été organisée
le 17 janvier 2012 dans les nouveaux locaux de notre école situés 80 rue Rebeval
dans le 19
ème
arrondissement de Paris.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
L’association Études Urbaines a, dans son ensemble, participé à la rédaction de
ce rapport. Elle compte parmi ses membres :
- Axel DIEUZAIDE, Président
- Marine PAVY, Vice-présidente
- Elisa HEURTEBIZE, Trésorière
- Brice MARQUET, Vice-trésorier
- Aline UNAL, Secrétaire
- Audrey OTT, Vice-secrétaire
- Louis Martin BONNOT, Chargé de communication
- Bénédicte GOURMANDIN, Vice-chargée de communication
- Violette GALLET, Responsable entreprises
- Alexis DEMOUVEAU, Responsable entreprises
- Noël FARKAS PARESYS, Responsable entreprises
- Lucas DUGRENOT FELICI, Responsable contacts en France
- Adrien RONDEAUX, Responsable logistique
- Quentin CHANCE, Responsable Planning
Nous tenons à remercier nos partenaires, sans qui cette étude n’aurait pas été
possible :
- L’EIVP
- L’AIVP
- ARCADIS
- JC DECAUX
- Le syndicat PROMU
Nous souhaitons également remercier chaleureusement tous les professionnels
qui nous ont aidés à réaliser cette étude en nous recevant lors de notre voyage :
- En France
M. Alain BOULANGER, Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de
Paris
M. Jean-Pierre CHARBONNEAU, urbaniste
Mme Camille DE SOLAGE, Paris Région Lab
Mme Solène MOUREY, CAUE 75
M. Gwendal SIMON, Institut Français d’Urbanisme
Mme Sabine ROMON, Paris Région Lab
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
- A New York
Mme Terese FLORES, Département des parcs de la Ville de New York
M. Zhan GUO, New York University
M. Ethan KENT, Project for Public Spaces (PPS)
Mme Elena MADISON, Project for Public Spaces (PPS)
- A Copenhague
M. Kurt CHRISTENSEN, SBS Architects
M. Ullaliv FRIIS, Association Danoise pour les piétons
M. Hanne Bjørn NIELSEN, COWI
Mme Joanna Mai SKIBSTED, Département des transports, Ville de Copenhague
M. Tøger. Nis THOMSEN, Ville de Copenhague & Gehl Architects
- A Berlin
Mme Claudia REICH SCHILCHER, Municipalité de Berlin
M. Herst WOHLFARTH VON ALM, Sénat de Berlin
Mme Eva EPPLE, Membre du projet Grüne Hauptwege
M. Bernd HERZOG SCHLAGK, Association FUSS
M. Martin SCHLEGEL et Mme Gabi JUNG, Association BUND
M. Wolfgang SCHMIDT-BLOCK, Association DBSV
- Au Maroc
M. Mohammed AL-AOUZAÎI, Agence urbaine de Casablanca
M. Abderrahim KASSOU, Association de Sauvegarde du Patrimoine Architectural
du XXème siècle au Maroc
M. Mostafa LAZAAR, Agence Urbaine de Fès
M. Anthony MOPTY, Agence Richez Associés
M. Jean Yves REYNAUD, SYSTRA
M. B. SAÏD, Ecole Hassania des Travaux Publics de Casablanca
Les élèves de l’École d’Architecture Supérieure de Casablanca
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
LE MOBILIER URBAIN, DES SERVICES ESSENTIELS POUR LE CONFORT DES PIETONS
Chaque piéton, chacun à sa manière, a besoin pour son confort et plus généralement sa vie en ville que soient mis en place
sur les espaces qu’il emprunte des solutions techniques et du mobilier urbain fonctionnels pour permettre son
cheminement au quotidien. Pour l’ingénieur, c’est tout un monde : les usagers de l’espace urbain qui se déplacent à pied
appréhendent leur environnement bien différemment d’un automobiliste ou d’un cycliste, l’échelle de référence est le
corps avec ses limites, ses besoins, ses aspirations, quelquefois secondé par un équipement d’aide au déplacement. Les
unités de mesures ne sont plus les mêmes, ce sont la longueur d’un pas, le rayon d’un bras, d’une canne, la largeur d’une
poussette, le gabarit d’un fauteuil roulant...
Le mobilier urbain revêt une importance primordiale pour les piétons : potelets, bancs, tables, poubelles, candélabres,
kiosques à journaux, plans… chacun permet et rend tout simplement possible le déplacement à pied et assure son
agrément.
Le design et la disposition du mobilier urbain sur l’espace public sont conçus avec un soin qu’on a parfois du mal à
imaginer. Tout est mis en œuvre pour améliorer la lisibilité des lieux, contribuer à la propreté des rues, fournir au piéton un
moment de repos sur son parcours : faire que la ville devienne « sa » ville… Là où l’automobiliste verra dans un potelet un
simple marqueur du bord du trottoir, le piéton qui y pose la main en attendant le feu vert appréciera sa rondeur, son lissé,
sa couleur, autant de caractéristiques qui viennent enrichir son contact avec la ville, qui lui font sentir que cette ville a été
pensée pour lui.
Nous l’avons compris, le mobilier urbain est une composante essentielle de l’espace public et participe du confort, voire du
bonheur au quotidien du piéton. C’est pourquoi nous sommes heureux d’avoir associé plusieurs industriels du secteur à
notre étude au travers de partenariats privilégiés. Nous tenons à remercier très chaleureusement les équipementiers de
l’espace public JCDecaux et le syndicat des PROfessionnels du Mobilier Urbain (PROMU) de l’intérêt qu’ils ont bien voulu
accorder à nos travaux.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
INTRODUCTION
"La marche, c'est l'avenir". Voici une phrase que l’on entend de plus en plus
souvent, aujourd'hui, quand on s'intéresse à la ville. Au premier abord, cela peut
paraitre surprenant : la marche n'est-elle pas plutôt la marque du passé, en tant
que mode de déplacement humain ancestral ? C’est bien là qu’est toute la
question. Le monde a jusqu’ici évolué comme si ce mode de déplacement était
obsolète, si bien que la majorité de nos villes modernes sont devenues des
structures géantes qui s’articulent autour de la seule logique de l'automobile. Le
piéton, lui, a tout simplement été mis au second plan. Or, aujourd'hui, avec la
détérioration des conditions de vie urbaine, l'évolution des mentalités et la
sensibilité grandissante pour le développement durable, beaucoup ont revu leur
copie.
Transport économique par excellence, garant de la santé des citadins, vecteur de
rencontre, ou encore porteur de nouvelles formes d'urbanité, la marche présente
bien des atouts qui peuvent intéresser nos contemporains. Déplacement ultime,
combinable aux autres, et nœud obligatoire entre tous les modes, la marche
permet d'interagir avec son environnement, de s'arrêter, de repartir, de
découvrir, d'observer les autres et d'échanger avec eux. Face aux transports
urbains qui ne tendent qu'à glisser au cœur de la cité en évitant tout contact, le
déplacement piéton, lui, s'accroche aux aspérités de la ville et offre une lenteur
propice à son appropriation. La mobilité, enjeu central des politiques urbaines
actuelles, retrouve, elle, dans la marche, un mode qui s’inscrit parfaitement dans
ses problématiques.
Si le piéton varie dans son comportement, changeant de rythme, se déplaçant
pour des raisons différentes, il varie aussi dans sa nature : on ne peut pas
considérer de la même façon le flâneur nonchalant et l'homme pressé, le touriste
et l'habitant du quartier. Une personne à mobilité réduite se déplaçant en
fauteuil roulant n’est-elle pas, elle aussi, un piéton ? Avec de tels exemples, nous
commençons à entrevoir la complexité d'une telle problématique. Comme l'écrit
Rebecca SOLNIT dans L'art de marcher, « La marche est un sujet glissant dont la
réflexion a le plus grand mal à se saisir (…). ». C'est une réalité, les angles
d'attaque du sujet sont nombreux, comme en témoigne la profusion de livres
consacrés au piéton et à la marche ces dix dernières années.
Nous pouvons faire le constat suivant : la politique de la ville, aujourd'hui, se
tourne de plus en plus vers l'individu, ses attentes, ses envies, sa santé et son
bien-être. Vivre oui, mais bien vivre. Comment alors appréhender les situations
particulières, en visant un objectif global de promotion de la marche ? Comment
repenser la ville pour remettre au centre des débats les piétons ?
Nous avons fait un choix : prendre comme porte d’entrée le confort des piétons.
Terme plus communément utilisé dans le cadre intime de l’habitat que dans celui
de l’urbain, le confort présente l’intérêt d’interroger les situations de chacun, et
d’aborder la place des piétons par un axe autant technique que par celui du
ressenti personnel. Aussi, le confort des piétons peut être, et doit être selon
nous, un objectif central pour les villes, et a fortiori pour tous ceux qui à un
moment donné travaillent ou travailleront à son évolution.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Le but de ce rapport est de nous interroger sur ce confort des piétons, d’en
comprendre les difficultés d’approche, mais également de s’en saisir pour agir de
façon bénéfique et durable sur la ville. Car c’est bien là la finalité, montrer qu’il
est possible d’améliorer le confort des piétons, et que certains agissent déjà, que
certains pensent, inventent, expérimentent, en France et à l’étranger.
Notre étude avait comme vocation de croiser les situations et les politiques de
plusieurs villes du monde. Nous nous sommes intéressés aux villes de New-York,
Copenhague, Berlin, Fès et Casablanca et avons étudié chez elles la question de la
marche urbaine et du confort piéton. Ces choix ont été motivés non seulement
par l’intérêt particulier que chacune de ces villes revêt en raison des actions qui y
sont actuellement mises en œuvre pour les piétons, mais aussi et surtout par
notre volonté de prendre en compte une véritable diversité culturelle.
Après un travail préparatoire complet, nous avons participé à des séjours
d'études dans chacune de ces villes afin de comprendre in situ les situations et de
rencontrer directement des acteurs locaux, qu'ils soient acteurs politiques,
universitaires, entreprises privées ou simples habitants. Bonnes pratiques,
aménagements innovants, enjeux d'améliorations, points de convergence ou de
différence, croisement d'informations : nous avons cherché à faire ressortir un
maximum d'idées, qui pourraient s’appliquer, en France, en particulier à la Ville
de Paris ou, plus largement, dans l’agglomération parisienne.
Ce rapport présente les résultats de cette étude. Il se veut accessible au plus
grand nombre et proposer, non pas des vérités générales, mais des pistes pour
amener chacun à réfléchir sur la ville. Après avoir présenté de façon plus détaillée
la marche urbaine, ses enjeux et sa complexité, l’attention se porte sur la notion
de confort des piétons, en proposant des méthodes, dont celle que nous avons
utilisée, pour recueillir de l’information. Appliquée à nos villes d’étude, l’analyse
du confort ouvre finalement sur des champs d’actions concrets et des exemples
de solutions, pour agir et construire dès aujourd’hui des villes plus modernes,
plus durables, dans lesquelles les piétons seront mieux pris en compte.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
TABLE DES MATIERES
Préface .......................................................................................................................3
Avant propos..............................................................................................................4
Le mobilier urbain, des services essentiels pour le confort des piétons....................7
Introduction ...............................................................................................................8
Table des matières...................................................................................................10
I. La marche en ville............................................................................................13
I.A. La marche, un mode de déplacement pas comme les autres .......................13
I.A.1. Un mode de déplacement historique................................................13
I.A.2 Un mode de déplacement à promouvoir ..........................................14
I.B. La marche en ville, une diversité d’acteurs et de pratiques...................17
I.B.1 Une diversité d’acteurs......................................................................17
I.B.2 Une diversité de piétons....................................................................26
I.B.3 Une diversité de raisons de marcher.................................................28
I.B.4 Une diversité des rythmes et des allures...........................................32
II. Le confort des piétons.....................................................................................35
II.A. Choix du thème et hypothèses retenues................................................35
II.A.1 Pourquoi choisir le thème du confort des piétons ? .........................35
II.A.2 Définir le confort des piétons ............................................................39
II.B Un besoin d’informations et une méthode pour les recueillir............... 41
II.B.1 Plusieurs méthodes de recueil d’informations ................................. 41
II.B.2 La méthode que nous avons choisie : le « Je-tu-il ».......................... 42
II.C. Notre étude à l’étranger .............................................................................. 43
II.C.1. Des villes et des contextes différents................................................ 43
II.C.2 Des villes et des situations différentes de confort............................ 48
II.D Le confort des piétons à Paris ................................................................ 64
II.D.1 Un fort potentiel piéton à Paris et dans la région............................. 64
II.D.2 Des problématiques spécifiques ....................................................... 65
III. Le confort des piétons : un champ d’action ouvert qui appelle des choix
politiques................................................................................................................. 70
III.A. Agir pour le confort des piétons : une affaire de dosage....................... 70
II.A.1 Harmoniser les espaces mais ne pas uniformiser à l’excès............... 70
III.A.2 Réaliser des aménagements emblématiques mais savoir rester
simple 73
III.B. Agir pour le confort des piétons : des choix politiques à assumer......... 77
IIi.B.1 Séparer les flux ou partager l’espace ? ............................................. 77
III.B.2 Informer sur l’espace public ou faciliter l’équipement personnel ? . 83
III.C. Agir pour le confort des piétons : oser bousculer les habitudes............ 96
III.C.1 Oser les innovations et les expérimentations................................... 96
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
III.C.2 Oser regagner de l’espace ...............................................................103
Conclusion..............................................................................................................108
Bibliographie ..........................................................................................................109
Articles...............................................................................................................109
Support de cours................................................................................................109
Ouvrages............................................................................................................109
Publications .......................................................................................................109
Sites Internet .....................................................................................................109
Conférences et Rencontres....................................................................................110
Sigles ......................................................................................................................112
Annexe n°1 : Quelques questionnaires utilisés......................................................113
Annexe n°2 : Des villes ...........................................................................................114
Paris ...................................................................................................................114
Une ville française, au statut à part...............................................................114
Un développement qui a généré une ville aux ambiances multiples............115
Berlin..................................................................................................................117
Une ville moderne et tournée vers l’environnement....................................117
Un passé omniprésent...................................................................................119
Copenhague.......................................................................................................121
Un développement urbain au service de l’économie ................................... 121
Une ville dédiée aux circulations douces...................................................... 122
New York ........................................................................................................... 124
Des usages fortement influencés par le contexte géopolitique ................... 124
Une organisation de la ville qui a peu évolué avec les usages...................... 127
Un jeu d’acteurs ambigu............................................................................... 128
Au Maroc, Fès et Casablanca ............................................................................ 130
Fès 130
Casablanca .................................................................................................... 131
Annexe n°3 : Des exemples en situation ............................................................... 132
New York ........................................................................................................... 132
La Piétonisation de Broadway et le projet Greener Greater NYC................. 132
La High Line................................................................................................... 136
La sixième avenue et demie.......................................................................... 139
Le Pédibus..................................................................................................... 141
Les nouveaux systèmes d’échafaudages « Umbrellas » ............................... 142
Berlin ................................................................................................................. 145
GrüneHauptwege.......................................................................................... 145
« Zu Fuss zur Schule » (aller à pied à l’école)................................................ 147
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
Études Urbaines
Annexe n°4 : L’art au service de la marche ............................................................148
Des œuvres d’art pour dynamiser l’espace public.............................................148
L’art pour changer les comportements .............................................................150
Annexe n°5 : Découvrir la ville à pied ....................................................................151
Tirer un fil : La FreedomTrail de Boston ............................................................151
Les Discovery Walks de Toronto........................................................................152
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
13
Études Urbaines
I. LA MARCHE EN VILLE
I.A. LA MARCHE, UN MODE DE DEPLACEMENT PAS COMME LES
AUTRES
I.A.1. UN MODE DE DEPLACEMENT HISTORIQUE
Il faut bien comprendre que la marche est longtemps restée l’unique moyen de
déplacement de l’humanité. Les premiers humains ont quitté l'Afrique il y a 60
000 ans environ. Ils ont marché le long de la côte Indienne pour atteindre
l'Australie mais également à travers l'Asie, pour atteindre les Amériques par le
détroit de Behring, et de l'Asie centrale vers l'Europe. Malgré l’invention de la
roue vers 3500 av. J.C et le début de la traction animale qui en a découlé, la
marche reste, jusqu’au milieu du XIXème siècle, le mode de déplacement le plus
utilisé. Jusqu’à cette époque, posséder une monture est synonyme de richesse.
Les déplacements à cheval restent donc marginaux par rapport à la masse des
déplacements effectués à pieds. La vitesse moyenne de déplacement des
hommes se situe alors autour d’un mètre par seconde.
Cette difficulté de déplacement a conduit à deux modes de vie principaux :
LE NOMADISME
Les hommes ont vécu à l’état nomade durant une longue période, s’étalant du
Paléolithique au Néolithique. La marche permettait aux nomades de profiter
pleinement des ressources locales, laissant à ces dernières un temps suffisant
pour se régénérer, avant le passage des nomades suivants. On considère que 60%
de la population mondiale vivait encore selon ce mode de vie en 1500.
LA SEDENTARITE
Les hommes commencent à se sédentariser pendant l’ère Néolithique. Ce mode
de vie implique de se déplacer en aller-retour depuis un point fixé et détermine
alors un espace de vie d'un rayon d’environ sept kilomètres. Jusqu'au début du
XIXème siècle la majeure partie de la population n’ayant pour seul mode de
déplacement que la marche, la vie se déroulait donc intégralement dans cet
espace. Les échanges de biens se font de proche en proche, avec 90% de la
production consommée par la population produite dans ce même rayon de sept
kilomètres.
L’invention de l’automobile au XIXème siècle, et sa popularisation pendant le
siècle suivant, vont modifier le rapport de l'homme avec la marche. Cette
invention fait alors émerger le rêve de l'abolition de la contrainte spatiale et
temporelle, que l'on retrouve jusqu’à aujourd’hui dans la recherche effrénée de
vitesse. Sur son aspect fonctionnel, la marche est ainsi mise en concurrence avec
une automobile désormais abordable dans une ville redessinée pour son usage,
mais aussi avec le vélo et les transports en commun qui offrent des substituts à
ceux qui n’en disposent pas.
Dans les années 1970, la marche suscite un fort regain d’intérêt, phénomène lié,
en particulier, au premier choc pétrolier et à l’insécurité routière, comme
l’explique Jean-Marc Offner
1
, directeur du Laboratoire Techniques, Territoires et
Sociétés (LATTS) et professeur à l’École Nationale des Ponts et Chaussées, ce qui
s’accompagne de lancements d’études et de la publication d’ouvrages sur le
sujet.
1
Offner, J.-M., 2008, « Trente ans de pas perdus ! », Revue Urbanisme, 359, p 43.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
14
Études Urbaines
Cependant, la marche ne représente plus aujourd’hui qu’un quart à un tiers des
déplacements, contre le tiers à la moitié il y a près de quarante ans. Plusieurs
propositions d’explications sont évoquées : les nouveaux espaces urbains ne
favoriseraient pas les déplacements courts, la concurrence des autres modes de
transport, automobiles, mais aussi, transports en commun, le délaissement des
commerces de proximité au profit des centres commerciaux, ou encore
l’insécurité inspirée par l’espace urbain.
Pourtant, la question du piéton est toujours au cœur de l’actualité, et peut-être
même bien plus encore qu’il y a quarante ans. À l’heure où économies d’énergie,
lutte contre les gaz à effet de serre, gestion urbaine durable sont au centre de
tous les débats, la marche revient en force. En témoignent non seulement la
profusion d’ouvrages publiés récemment, mais aussi les diverses conférences ou
expositions organisées sur ce thème, la multiplication des projets de
piétonisation, et même les spots publicitaires, qui nous rappellent les
recommandations des spécialistes de la santé.
I.A.2 UN MODE DE DEPLACEMENT A PROMOUVOIR
POURQUOI PROMOUVOIR LA MARCHE ?
Le développement des modes de déplacement motorisés en tant qu’alternative à
la marche a été très rapidement questionné. Aujourd’hui, les problématiques
d’économies d’énergie, de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et,
plus largement, de gestion urbaine durable sont au centre de tous les débats, et,
en particulier, des débats politiques. Sous l’impulsion de ces problématiques, les
élus décident désormais de revenir au développement des modes de
déplacement doux, dont la marche fait partie.
La pratique de la marche comme mode de déplacement en milieu urbain pourrait
être l’une des réponses (et l’une des plus simples à concevoir !) à ces questions
complexes. De nombreux spécialistes s’y intéressent aujourd’hui : sociologues,
aménageurs, urbanistes, chercheurs ou enseignants tels que Jean-Pierre
Charbonneau ou Rachel Thomas en font le sujet de leurs recherches voire de leur
carrière. En parallèle de ces professionnels, des organismes, tel que
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), lancent des campagnes à large
échelle sur la marche et ses multiples bienfaits sur la santé.
LE PREALABLE A TOUTE MOBILITE
La marche est le moyen d’interconnecter chacun des modes de déplacement
d’un territoire. Quel que soit le mode de déplacement que l’on choisit, une partie
du trajet est effectuée à pied : on se rend et se déplace dans les gares, dans les
stations de transports en commun en marchant, on rejoint son véhicule à pied. A
ce titre, la marche est le pivot de toute mobilité. Support d’intermodalité, elle est
le liant et le lien entre les différents modes de déplacement. Toute politique de
déplacement se doit donc de prendre en compte la marche.
DIMINUER LA PART DES DEPLACEMENTS MOTORISES
Augmenter la part modale de la marche dans les déplacements urbains signifie
avant tout réduire de façon importante les circulations motorisées en ville, et
ainsi limiter leurs nombreux impacts négatifs.
Sans même parler des qualités propres de la marche, substituer ce mode de
déplacement doux aux modes motorisés permet :
- d’améliorer la qualité de l’air en ville, en limitant les émissions de
polluants (NOX, COV) et de particules, à l’origine de maladies
respiratoires chez les personnes exposées ;
- de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et ainsi de lutter contre
le réchauffement climatique ;
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
15
Études Urbaines
- de réduire les nuisances sonores que subissent les citadins, causées
majoritairement par le trafic motorisé ;
- d’améliorer le « paysage olfactif » des habitants en diminuant les odeurs
de gaz d’échappement ;
- de regagner l’espace urbain qui est aujourd’hui largement occupé par les
modes motorisés (chaussée, places de stationnement), et ainsi de
disposer de plus d’espaces de convivialité (places, jardins).
AMELIORER LA SANTE DES CITOYENS
Le développement des modes de déplacement mécanisés, qu’il s’agisse ici de la
voiture ou des transports en commun, a eu pour conséquence de diminuer
l’activité physique des citoyens. Ce manque d’activité physique, couplé à une
suralimentation désormais courante puisque la nourriture est accessible en
abondance, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé : surpoids
2
, obésité
3
,
problèmes cardio-vasculaires et respiratoires, diabète, dépression...
Le Ministère de la Santé préconise un minimum de 30 minutes d’activité
physique quotidienne pour prévenir les risques d’apparition de ces maladies
chroniques. La marche est l’une des activités qui se pratiquent le plus simplement
car elle ne nécessite aucun équipement particulier et peut s’intégrer dans la vie
quotidienne. L’Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé
(INPES) a d’ailleurs mené en novembre 2010 une campagne de communication
télévisée et d’affichage pour promouvoir l’activité physique dans le cadre du
Programme National Nutrition Santé (PNNS). Cette campagne mettait
2
On parle de surpoids lorsque l’indice de masse corporel (IMC) est supérieur à
25. L’IMC d’une personne est égal à son poids exprimé en kg divisé par sa taille
exprimée en m au carré.
3
On parle d’obésité lorsque l’IMC est supérieur à 30
particulièrement en évidence la facilité avec laquelle chacun peut réussir à
intégrer 30 minutes de marche dans ses activités quotidiennes.
Affiche faisant partie de la campagne de communication de l’INPES, novembre 2010
Source : INPES
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
16
Études Urbaines
DES ECONOMIES POUR CHACUN ET POUR LA COLLECTIVITE
Il est évident que pour un individu, la marche est le mode de déplacement le plus
économique qui soit : aucun investissement initial, pas d’abonnement à acheter,
pas de carburant à fournir !
Au-delà des économies individuelles que représente la pratique de la marche en
remplacement d’un mode de déplacement mécanisé, la collectivité y trouve elle
aussi son compte. Le fait que de nombreux citoyens choisissent de marcher
réduirait, comme nous venons de le voir, la prévalence de bon nombre de
maladies chroniques et de ce fait, le coût de santé publique engendré.
De plus, la santé économique d’une ville est améliorée par les actions qui
favorisent les circulations piétonnes. Ce type de déplacement contribue en effet
à la bonne vie des commerces de proximité et au dynamisme des centres villes :
lorsqu’un quartier est rendu piéton, les commerces situés dans le périmètre
concerné voient généralement leur chiffre d’affaires augmenter de 25 à 30%
4
.
AMELIORER LA QUALITE DE VIE
Une personne qui marche a bien plus conscience de l’environnement dans lequel
elle évolue et se déplace différemment d’une personne qui utilise un mode de
déplacement tel que la voiture. Marcher impose un rythme doux, une vitesse
réduite, qui permettent au piéton de découvrir la ville tranquillement et d’en
remarquer les détails. Ce rythme lent permet de véritablement s’approprier la
ville, de la considérer comme son espace de vie et non comme un espace
extérieur, étranger et potentiellement dangereux.
4
CETUR, STU, CETE d’Aix en Provence /Ministère de l’Environnement et du Cadre
de Vie , 1980, « Effets induits, zones piétonnes »
Bien plus qu’un mode « doux », la marche est un mode actif qui implique le corps
du marcheur, qui le met en relation directe avec la ville, sans tableau de bord
interposé. Contrairement à un automobiliste, un piéton ne fait pas que passer
dans la ville : il peut s’y arrêter, observer une vitrine, entrer dans un magasin,
mais aussi tout simplement parler à une autre personne, échanger un regard, un
sourire. A ce titre, la marche fait de l’espace urbain un espace de rencontre, un
lieu social.
LA MARCHE, SYNONYME DE DURABILITE
Promouvoir la marche en ville, c’est donc promouvoir un mode de déplacement
qui améliore la situation suivant les trois piliers du développement durable :
- économique : grâce aux économies réalisées par l’individu mais aussi en
termes de dépenses de santé publique ;
- environnemental : en limitant la pollution générée par les modes de
transport motorisés ;
- social : en améliorant la santé des citoyens et en créant un espace
urbain support de lien social.
Par conséquent, une politique en faveur du piéton s’inscrit complètement dans
une démarche de gestion durable de la ville.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
17
Études Urbaines
I.B. LA MARCHE EN VILLE, UNE DIVERSITE D’ACTEURS ET DE
PRATIQUES
Le fait d’être piéton nous apparaît à tous comme naturel. Nous pourrions alors
penser que la question de la marche en ville est simple. En réalité, il n’en est
rien !
En premier lieu, nous verrons que la question est complexe car la marche se
pratique en ville sur un espace multiforme sur lequel intervient une grande
diversité d’acteurs. L’espace public, sur lequel interagissent de nombreux acteurs
institutionnels, vient s’interconnecter à une multitude d’espaces privés gérés par
des entreprises ou des particuliers. C’est cet ensemble d’opérateurs qu’il faut
réussir à toucher lorsque l’on veut agir pour porter une véritable politique en
faveur du piéton.
Nous verrons ensuite qu’ « agir pour le piéton » n’a pas vraiment de sens… car il
n’existe pas un piéton standard mais plutôt une somme d’individus différents qui
ont des besoins, des attentes, des ressentis variables. Agir pour tous, c’est donc
prendre en compte toutes les catégories de personnes qui marchent en ville.
Enfin, nous verrons que les raisons de marcher diffèrent d’un individu à l’autre, et
même d’un déplacement à l’autre, et cela crée, là encore, des besoins et des
attentes différents. Là où l’un souhaitera aller vite et privilégiera un déplacement
piéton efficace, un autre aimera prendre son temps et flâner dans la ville. La prise
en compte de ces différents rythmes de marche et des conflits qu’ils peuvent
éventuellement générer est essentielle pour réussir à proposer une ville où il est
confortable de marcher.
I.B.1 UNE DIVERSITE D’ACTEURS
La question de la marche en ville n’engage pas seulement les piétons mais aussi
un panel d’acteurs divers, dont les leviers d’action et l’impact sur le confort des
piétons en ville diffèrent. Nous allons ici vous en présenter les principaux.
LES PIETONS EUX-MEMES
Les premiers acteurs de la marche sont évidemment les piétons !
Les piétons, premiers expérimentateurs de la ville, apparaissent comme les mieux
placés pour juger des aménagements et des cheminements piétons mais, comme
nous le verrons plus loin, ils n’ont pas tous les mêmes besoins et attentes. Leurs
comportements peuvent être étudiés et constituer une base de réflexion pour les
différentes politiques menées.
Les piétons, au travers de leur qualité d’électeur, disposent d’un moyen indirect
d’agir sur les politiques menées au niveau local (commune, département, région)
ou plus global (national ou européen). Ils peuvent être amenés à exprimer plus
directement leurs besoins auprès des élus et des aménageurs lors de réunions de
concertation ou dans des structures telles que les conseils de quartiers.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
18
Études Urbaines
LES STRUCTURES ASSOCIATIVES
Les citoyens peuvent décider de se rassembler dans une structure associative. En
France, ce mode de fonctionnement sert surtout à créer des groupes de réflexion
et à mieux se faire entendre des acteurs publics, mais dans certains pays comme
les Etats-Unis, de nombreuses associations ont été créées pour porter des projets
sur l’espace urbain.
C’est par exemple ce qu’a fait l’association « Friends of the High Line » (les amis
de la High Line) à New York, en œuvrant pour protéger et transformer une
ancienne ligne de fret new-yorkaise vouée à la démolition par la Ville.
Ce projet d’envergure, entièrement porté et réalisé par l’association, a rencontré
un tel succès qu’il a été repris par la Ville de New York qui prévoit de continuer
cette démarche sur la partie restante de la ligne (Voir annexe 3).
Logo du site officiel de l’association « Friends of the Highline »
Source : Friends of the Highline
En France, l’association « Rue de l’avenir » s’attache, elle, à créer, à la manière de
celui qui a été réalisé en Belgique,, un code de la rue, c’est-à-dire une déclinaison
du code de la route adaptée spécifiquement au milieu urbain. Ce code a vocation
à fournir un cadre qui permettrait à tous les usagers de l’espace de fonctionner
de façon efficace et sécurisée.
Cette association est également à l’origine d’un concours appelé « La rue… on
partage ! ». Ce concours permet de faire participer un grand nombre de
personnes à une réflexion sur les différents usages qui coexistent dans l’espace
public : les participants sont invités à présenter leur vision de la rue et les usages
qu’ils en font ou qu’ils aimeraient pouvoir en faire.
Logo de l’association «Rue de l’avenir »
Source : Rue de l’avenir
Lorsque l’on considère un aménagement de l’espace public, il est toujours utile
de différencier l’intérêt local et individuel – typiquement le trottoir devant chez
soi ou le cheminement jusqu’à la gare effectué par un individu chaque matin - de
l’intérêt général - l’aménagement de tous les chemins menant à la gare. Le
regroupement des individus en association permet, dans une certaine mesure, de
dépasser cette opposition tout en restant au plus près des préoccupations réelles
des usagers de l’espace.
Les structures associatives, parce qu’elles sont ouvertes à tous, s’adaptent
naturellement à l’échelle pertinente d’une problématique : tous ceux qui se
sentent concernés peuvent adhérer et contribuer au débat. Les associations
constituent donc en général une bonne solution pour faire entendre les attentes
des usagers d’un lieu donné. En effet, ces attentes sont différentes selon la
typologie du lieu considéré. Dans une zone dense, par exemple, les usagers
peuvent apprécier de grands espaces dégagés pour circuler sans contraintes
tandis que dans des zones plus résidentielles, la préférence ira à des espaces plus
intimes, moins vastes, pour ne pas s’y sentir perdu ni trop exposé.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
19
Études Urbaines
Les exemples en photo ci-après, deux lieux où l’aménagement a été pensé en
prenant en compte les attentes des usagers, montrent à quel point le traitement
des espaces et les usages varient d’une zone dense à une zone résidentielle.
Zone dense, Times Square, NYC
Source : Études Urbaines
Zone résidentielle Hochfelden, Bas-Rhin
Source : Commons.wikimedia.org
LES CITOYENS CONSULTES PAR LEURS ELUS
Dans le contexte actuel où la préservation de l’environnement est au centre des
débats et où le prix du pétrole ne cesse d’augmenter, un nombre croissant de
citoyens se tourne vers la marche et les transports en commun. Il est donc
normal que de plus en plus de politiques en faveur de ces modes de déplacement
voient le jour. Notons tout de même que cette volonté politique n’est pas
présente dans toutes les villes.
Les actions visant à promouvoir la marche transforment bien souvent en
profondeur la ville et les usages qui y sont faits, c’est pourquoi certains élus
cherchent à s’assurer de l’adhésion de leurs administrés lors de la mise en œuvre
de telles politiques.
Des réunions de concertation sont organisées par les porteurs de projets urbains
pour connaitre les attentes et les envies des habitants. A Berlin, par exemple, le
réaménagement de la Gendarmenmarkt, l’une des places les plus connues et les
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
20
Études Urbaines
plus touristiques de la ville, a fait l’objet de quatre réunions de concertation,
chacune rassemblant près de mille personnes. Lors de la dernière réunion, quatre
projets d’aménagement de la place ont été présentés au public, et tous ont été
invités à voter pour leur projet préféré. C’est ainsi que le nouveau visage de cette
place emblématique a été décidé.
Des modes de consultation plus originaux peuvent être imaginés. A Paris, par
exemple, lors du projet de réaménagement de la place de la République, des
marches commentées de jour comme de nuit ont été organisées avec les
riverains et les usagers pour connaître leurs attentes et leurs difficultés avec la
place existante. Cette initiative a permis d’établir un cahier des charges bien en
phase avec les attentes des différents usagers du lieu.
La marche commentée, exemple d’action menée par la Ville de Paris pour déterminer
l’aménagement le plus pertinent
Source : www.atelier-tixier.com
Lorsque le projet considéré est à l’échelle d’une ville entière, un vote par
référendum peut être organisé. Ce fût le cas dans la commune de Fontanil-
Corniallon (38) où la question de la piétonisation du centre-ville a été décidée en
octobre 2012 à l’issue d’un référendum où la proposition a obtenu 54% des voix.
LES VILLES
En France, les communes (ou intercommunalités) sont les propriétaires de la
majeure partie de l’espace public. Elles ont en charge la gestion et l’entretien des
voiries communales, c’est-à-dire celles qui sont d’enjeu local. La plupart des
politiques en faveur des circulations douces sont donc portées par les villes
puisqu’elles portent sur une l’échelle locale.
Les communes écrivent et mettent en œuvre leur plan local d’urbanisme (PLU).
Cet outil d’urbanisme réglementaire leur permet d’encadrer le développement
urbain de leur territoire. Par ce biais, elles peuvent contenir l’étalement urbain et
garantir une bonne répartition des fonctions urbaines sur le territoire, ce qui
permet de réduire la portée des déplacements qu’effectuent les habitants, et
donc de leur autoriser le choix des déplacements doux.
Au quotidien, les villes gèrent les occupations de leurs territoires. Elles instruisent
notamment les demandes d’occupation temporaire d’espace public déposées,
par exemple, par les commerçants qui souhaitent installer une terrasse ou un
étal, ou par les propriétaires d’immeubles qui ont besoin d’installer un
échafaudage pour réaliser des travaux d’entretien de leur bien. Ces occupations
de l’espace sont bien souvent des occupations du trottoir qui réduisent la largeur
de cheminement accessible aux piétons. Les villes doivent donc composer en
permanence entre les problématiques d’accessibilité de l’espace et des questions
économiques et patrimoniales.
Nous l’avons vu, les villes peuvent organiser des réunions d’information ou de
concertation pour communiquer sur les aménagements de l’espace public
projetés. Elles s’appuient sur ces canaux d’information pour mener des politiques
bien adaptées aux besoins locaux des piétons, au travers par exemple de la
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
21
Études Urbaines
rédaction d’un plan piéton. C’est le cas notamment dans des villes comme
Genève en Suisse ou Strasbourg en France. A Paris, un plan piéton est en cours de
rédaction.
LES ACTEURS DU TRANSPORT URBAIN
Les acteurs des transports urbains ont un rôle très important à jouer sur le
confort des piétons sur un territoire.
Dans les grandes agglomérations, une Autorité Organisatrice de Transport Urbain
(AOTU) est implémentée. Elle assure l’organisation du réseau de transport
urbain sur son territoire, le périmètre de transport urbain. Elle y élabore
également le Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui définit les grandes
orientations de la politique de transports du territoire.
Les gestionnaires des réseaux de transports en commun se penchent également
sur le confort des cheminements piétons dans leur réseau, car comme nous
l’avons vu, les interconnexions entre les différents modes se font à pied. A Paris,
la RATP étudie avec soin les cheminements piétons en souterrain dans les
stations de métro pour à la fois optimiser les temps de correspondances mais
aussi éviter les congestions piétonnes en heure de pointe. C’est un équilibre
parfois difficile à obtenir. Le lien entre l’espace public et les stations de transports
en commun ou les véhicules (bus) est également un enjeu important. Le piéton
doit pouvoir identifier l’offre de transports et passer facilement de l’espace public
municipal au domaine RATP. Il y a donc un vrai besoin d’impliquer les acteurs des
transports lors de l’aménagement d’un espace pour les piétons afin de pouvoir
créer une co-visibilité entre les domaines et de faciliter le passage de l’un à
l’autre.
DES ORGANISMES LOCAUX
Des structures telles que le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de
l’Environnement (CAUE) agissent au niveau départemental. Créés en 1977 à
l’initiative du Conseil Général dans le cadre de la loi sur l’architecture, les CAUE
assurent la bonne qualité architecturale des constructions et leur bonne insertion
dans les sites concernés. Ils constituent un passage obligé dans la conception
d’un aménagement quel qu’il soit. Souvent, les CAUE s’associent pour créer des
Unions Régionales afin de mieux organiser leurs actions à plus grande échelle.
Logo de l’union régionale des CAUE d’Île-de-France
Source : Union régionale des CAUE d’Île-de-France
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
22
Études Urbaines
L’ETAT
Bien que les collectivités locales soient les principaux propriétaires de l’espace
public et à ce titre, commandent les actions concrètes qui y sont menées, leur
champ d’action est déterminé à l’échelle nationale, via un ensemble de lois, de
normes mais aussi de guides de bonnes pratiques écrits à l’intention des
aménageurs. D’un point de vue législatif, des lois comme la loi relative à
l’accessibilité des espaces publics (2005) ou des lois spécifiques d’aménagement
comme les lois littoral ou montagne régissent une bonne partie des
aménagements urbains. Elles se déclinent en normes (normes d’accessibilité,
d’éclairage, par exemple) au travers de structures ministérielles (ministère de
l’écologie, du développement durable et de l’énergie plus particulèrement) ou
d’organismes comme le Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports,
l’Urbanisme et les constructions publiques (CERTU). C’est notamment de ce
dernier que la RATP ou la SNCF Transilien reçoivent les résultats de l’Enquête
Globale Transport (EGT) qui est la base de toutes leurs études sur leur réseau et
ses capacités.
Logo du Certu
Source : Certu
En France, au-delà d’une simple création d’outil et de règlementation, l’Etat est
aussi en mesure d’agir plus directement au travers d’entreprises sous tutelle de
l’Etat (SNCF) ou régies pour partie par l’Etat (RATP régie au tiers par l’Etat). Dans
un pays comme le Maroc, au régime royaliste, les aménagements sont souvent
dictés par le pouvoir en place. Ainsi à Fès, une des villes impériales du Maroc, la
gare, bâtiment majestueux, est considérée comme un geste fort du Roi pour les
habitants de Fès. Dans ce type de régime politique, le champ d’action de l’Etat est
particulièrement important.
La Gare de Fès au Maroc, exemple d’un aménagement issu d’une volonté du pouvoir royal
Source : Études Urbaines
AUTRES ACTEURS DE L’ESPACE PUBLIC
D’autres acteurs, par leur impact sur des lieux ouverts au public, ont également
un rôle à jouer dans le confort que ressent un piéton dans une ville : les
commerces situés sur l’espace public (kiosques à journaux, étals, terrasses) ou sur
un terrain privé (gestionnaires de centres commerciaux), les concepteurs de
mobilier urbain (classique ou dit « intelligent »), les aménageurs, mais aussi les
groupes immobiliers. Cet ensemble d’acteurs intéragit directement avec le piéton
sur le lieu même de sa déambulation.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
23
Études Urbaines
Un kiosque à journaux à Paris et sa forme typique
Source : www.paris.fr
Le placement d’un kiosque dans le cadre d’un réaménagement, que celui-ci soit
centré sur le piéton ou non, n’est pas laissé au hasard mais découle d’une
réflexion sur les usages du lieux et du nombre de piétons passant par l’endroit
choisi. Au-delà de leur utilité première de vente de journaux, ces kiosques
représentent aussi un point de repère pour le piéton. A Paris, ils sont même un
marqueur de l’identité de la ville car ces petits bâtiments revêtent toujours les
mêmes formes sur l’ensemble du territoire parisien.
Dans ce même domaine, les gestionnaires de centres commerciaux établissent
généralement un plan piéton de leurs centres pour faire en sorte que le piéton y
rencontre le plus grand nombre de magasins possible sur son trajet.
Les commerçants souhaitent, en général, qu’un grand flux piéton passe devant
leur boutique car ces piétons sont des clients potentiels. Le cheminement piéton
aux abords de leurs boutiques a donc tout intérêt à être agréable et accueillant.
Ce constat a été à l’origine du concept de rue commerçante : une rue piétonne
bordée, comme son nom l’indique, de commerces. En fait, ce fut grâce à la
création d’une première rue piétonne à Copenhague, en 1962, qui a réussi à
démontrer que la fermeture d’une rue aux circulations automobiles ne faisait en
aucun cas souffrir les commerces présents, que ce concept de rue commerciale
piétonne a pu se développer.
Strøget, 1ère
rue piétonne longée de commerces à Copenhague
Source : www.123rf.com
La création d’espaces uniquement piétons, associée naturellement à l’émergence
de nouvelles technologies, a eu un rôle très stimulant pour les concepteurs de
mobilier urbain. Le simple banc ou poteau a été remplacé par des dispositifs
innovants. Le mobilier urbain dit « intelligent » est un mobilier adapté à son
temps, à son environnement et à son contexte. On peut citer le concept « urban
terrasse » imaginé par Le Plan B (Architecture, Lumière, Intérieur Design) : il s’agit
d’une table en carton que l’on installe sur un des poteaux que l’on trouve sur les
trottoirs. Ce concept se décline aussi en siège (« urban seat »).
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
24
Études Urbaines
A droite « urban terrasse », à gauche « urbanseat », exemples de mobilier urbain intelligent.
Source : www.leplanb.com
Les promoteurs immobiliers ou les aménageurs privés ont également un rôle à
jouer sur les conditions de circulation des piétons en ville. Ils n’agissent pas
directement sur l’espace public mais placent au cœur de leur réflexion les
interactions et potentiels conflits entre les habitants de leurs immeubles et les
usagers de l’espace public. En effet, il leur faut trouver, lors de la conception de
chacun de leurs projets, un juste milieu entre le fait de fermer leur espace pour
protéger les habitants des éventuels dangers ou nuisances extérieures au risque
de créer un endroit hermétique qui donnerait une impression d’enfermement, et
le fait de créer un espace ouvert qui offre des vues dégagées mais qui pourrait
engendrer de mauvais usages ou un manque d’intimité des habitants.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
25
Études Urbaines
Les usagers de l’espace urbain communiquent leurs besoins et leurs attentes aux
pouvoirs publics au travers d’associations ou de lobbies qui représentent leurs
intérêts.
Ils peuvent donner leur avis à titre individuel lors de réunions de concertation ou
tout simplement en votant pour élire leurs représentants à l’échelle locale,
nationale ou européenne.
Les villes commandent les aménagements de l’espace urbain aux entreprises
spécialisées (aménageurs, bureaux d’études, architectes…). Elles doivent suivre
les prescriptions et lois nationales et européennes et peuvent s’appuyer sur les
guides édités par des organismes comme le Certu pour conduire leurs
aménagements.
Les différents acteurs du confort des piétons en ville
Source : Études Urbaines
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
26
Études Urbaines
I.B.2 UNE DIVERSITE DE PIETONS
Il serait tentant de définir un piéton « standard » auquel on adapterait
l’ensemble des équipements. Si l’on réfléchissait ainsi, le piéton « standard »
serait un adulte n’ayant pas de difficulté particulière pour se déplacer. Il
marcherait sans fatigue à une vitesse de l’ordre de 1m/s (3,6 km/h). Il serait
capable de lire et de comprendre les panneaux de signalisation, et d’agir en
conséquence.
Sauf que ce piéton « standard » n’a pas de sens quand on essaye d’améliorer la
ville pour tout le monde ! À la question DU piéton, il faut préférer celle DES
piétons. En effet, ceux-ci sont multiples, et tenter de prendre comme référence
un individu qui serait le piéton-type serait illusoire. Pour saisir la complexité du
problème, il est essentiel d’aborder ces piétons dans toute leur diversité. Chaque
catégorie présente des problématiques particulières pour lesquelles il est du
devoir des aménageurs de proposer des réponses adaptées ; toutes les lois
relatives à l’égalité des chances vont d’ailleurs dans ce sens. La question de
l’accessibilité est, bien évidemment, en jeu mais il ne faut surtout pas se
restreindre à cette notion.
Sans être exhaustifs, nous distinguons les catégories suivantes, qui peuvent
s’entrecouper et qui représentent des individus qui sont des piétons au même
titre que les autres.
LES ENFANTS
Les enfants en bas âge sont généralement accompagnés de leurs parents ou
d’autres adultes responsables lors de leurs déplacements. Une enquête réalisée
par l’Institut pour la Ville en Mouvement sur la mobilité des adolescents révèle
que près d’un tiers des enfants de onze ans peuvent sortir seuls dans la rue
pendant la journée
5
.
Les enfants ne comprennent pas toujours la signification des panneaux de
signalisation et ne se rendent pas toujours bien compte du danger que peut
constituer, par exemple, la traversée d’une rue. La taille des enfants de onze ans,
de l’ordre de 1m40, les rend difficiles à repérer pour un automobiliste car ils
peuvent, par exemple, être dissimulés par une voiture en stationnement.
LES PERSONNES AGEES
Les personnes âgées se déplacent souvent avec plus de difficultés que les plus
jeunes. Elles éprouvent plus vite de la fatigue et apprécient de pouvoir s’asseoir
régulièrement. Elles se déplacent aussi moins vite que les personnes plus jeunes,
la traversée d’une rue est donc plus dangereuse car le temps pendant lequel le
feu piéton reste au vert peut être trop court pour elles. Les personnes âgées
peuvent également avoir des difficultés à lire les panneaux de signalisation du fait
de leur vue affaiblie.
LES TOURISTES
Les touristes, s’ils n’ont en général pas de difficulté particulière pour se déplacer
à pied, sont en terrain inconnu. Ils ne comprennent pas nécessairement la langue
du pays dans lequel ils se trouvent et peuvent avoir du mal à interpréter les
pictogrammes et autres panneaux de signalisation graphiques.
5
François de Singly, « La liberté de circulation de la jeunesse », Institut pour la
ville en mouvement
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
27
Études Urbaines
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
La loi du 11 février 2005 propose une définition du handicap : « toute limitation
d’activité ou restriction de la participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d’une altération substantielle,
durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ». Elle reconnaît 6 types de
handicap, chacun présentant des difficultés différentes concernant les
déplacements piétons.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MOTEUR
Souffrant d’une atteinte à leur capacité de tout ou partie du corps à se mouvoir,
les handicapés moteurs présentent une réduction de leur autonomie nécessitant
parfois de recourir à une aide extérieure pour l’accomplissement des actes de la
vie quotidienne. Certains utilisent des béquilles, ils se déplacent généralement
plus lentement et ont besoin de plus d’espace que les autres piétons. Ils se
fatiguent vite et apprécient de pouvoir s’asseoir.
Les utilisateurs de fauteuil roulant ont besoin d’un environnement bien adapté,
avec un revêtement de sol plutôt lisse, et ne peuvent monter que des marches
très petites. Traverser une rue n’est possible que si les trottoirs sont abaissés au
niveau du passage piéton. Les utilisateurs de fauteuil roulant éprouvent de
grandes difficultés à monter ou descendre des pentes supérieures à 5%.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP COGNITIF
Les fonctions cognitives sont l’ensemble des fonctions de la cognition (lire, parler,
mémoriser, comprendre), la faculté de percevoir (voir, entendre) et la faculté de
motricité. Un handicap cognitif rend alors très difficile au malade le traitement
des informations lui parvenant et ses actions au sein d’un environnement aussi
complexe que l’espace public.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP SENSORIEL
Les malvoyants perçoivent bien la signalisation lumineuse mais éprouvent des
difficultés à lire les panneaux de signalisation s’ils ne présentent pas un contraste
suffisant ou si les caractères utilisés sont trop petits. Afin de les aider à repérer le
bord d’un trottoir ou les marches d’un escalier, des bandes contrastées sont
placées sur le sol.
Les non-voyants peuvent se déplacer seuls s’ils sont équipés d’une canne ou
accompagnés d’un chien guide d’aveugle. Ils utilisent les reliefs du sol (bordure
de trottoir, bandes podotactiles) ainsi que les informations sonores (bruits de la
circulation, feux tricolores équipés de signalisation sonore) pour se repérer. Dans
les lieux ouverts (halls de gare par exemple), des bandes de guidage podotactiles
peuvent être installées pour les aider à circuler de façon efficace.
Les malentendants, quant à eux, ne perçoivent pas certains signaux sonores
annonçant un danger, comme le bruit d’une voiture, ou éprouvent des difficultés
pour communiquer et, par exemple, demander leur chemin.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MENTAL
Impliquant une déficience du niveau du développement intellectuel mesuré par
rapport à ce qui est considéré, dans une société donnée, comme un
développement intellectuel « normal » en fonction de l’âge réel de la personne,
le handicap mental entraîne des difficultés, notamment dans la vie urbaine, pour
celui qui en souffre. Un apprentissage normal est rendu impossible et avoir une
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
28
Études Urbaines
réaction appropriée aux circonstances de la vie quotidienne est nécessairement
compliqué.
LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP PSYCHIQUE
Le handicap psychique résulte d’une maladie de la pensée ou de la personnalité
dont les symptômes, essentiellement comportementaux, causent une profonde
souffrance au malade et font obstacle à son intégration sociale. Est-ce possible,
et si oui, comment l’aider alors à maîtriser ses angoisses ou ses troubles lors de
ses déplacements piétons ?
ET TOUS LES AUTRES…
Chacun peut être amené à être une personne à mobilité réduite, ponctuellement
ou régulièrement !
Les piétons transportent parfois des objets encombrants : valises, colis, sacs de
courses... Les parents d’enfants en bas âge utilisent généralement des poussettes
ou landaus pour se déplacer avec leurs enfants. Ces personnes ont besoin de plus
d’espace que les piétons standards pour marcher confortablement.
Certains lieux sont particulièrement fréquentés par des personnes transportant
des objets ou des personnes équipées de poussettes : les abords des gares
(voyageurs équipés de valises), les zones commerciales (livreurs, personnes ayant
fait des achats), les abords des écoles et crèches (poussettes et landaus), les
squares et espaces verts (poussettes et landaus).
En définitive, les piétons sont pluriels et doivent être abordés comme tels à partir
du moment où le souci de la collectivité est de proposer une égalité de
traitement des individus au sein des espaces publics.
I.B.3 UNE DIVERSITE DE RAISONS DE MARCHER
Les piétons sont non seulement différents dans leur nature mais ils le sont aussi
dans leurs actes et dans les raisons qui les conduisent à se déplacer à pied. La
marche est une attitude naturelle de l’être humain : dès notre lever, nous posons
le pied au sol et devenons des piétons ! Il y a bien d’innombrables raisons de
marcher. De manière générale, nous pouvons les regrouper comme suit.
LA MARCHE COMME MODE DE DEPLACEMENT
La marche est évidemment, comme nous l’avons vu, un mode de déplacement. Il
est particulièrement efficace sur de courtes distances de l’ordre du kilomètre.
D’après l’étude de Keijer et Rietveld (2000), sur des distances inférieures à deux
kilomètres en environnement urbain, aucun mode de déplacement n’est plus
rapide ni plus pratique que la marche. Le graphique suivant l’illustre de façon
schématique.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
29
Études Urbaines
Efficacité comparée des principaux modes de déplacement utilisés en milieu urbain, ici à Paris.
Source : Alain Boulanger
La marche constitue aussi un mode de déplacement complémentaire qui
intervient dans pratiquement tous les trajets et ce quel que soit le mode principal
utilisé. Comme nous l’avons vu, les correspondances entre deux modes de
déplacement ou l’interconnexion entre deux lignes d’un même réseau de
transport en commun sont assurées à pied par l’usager. Le trajet terminal de
chaque déplacement, parfois appelé « le dernier kilomètre », représente le trajet
entre le lieu où l’individu laisse son mode de déplacement principal (le lieu où il a
garé sa voiture, la station de sortie du réseau de transport en commun, etc.) et
son objectif. Ce trajet est couvert à pied : c’est la marche résiduelle.
Enfin, en cas d’indisponibilité d’un mode de déplacement, la marche apparaît
comme le mode de substitution ultime d’un individu valide. Le nombre de
piétons dans une ville augmente nettement lors d’une grève de transports en
commun, par exemple.
MARCHE ET LOISIRS
La marche apparaît comme le support de plusieurs pratiques récréatives. Un
touriste, par exemple, aura souvent tendance à se déplacer à pied car cela lui
permet de découvrir la ville à un rythme paisible qui l’autorise à s’arrêter très
facilement pour lire une indication dans un guide ou prendre une photo.
Certaines manifestations comme les marchés ou les brocantes sur l’espace public
imposent naturellement aux visiteurs d’être piétons. Les zones commerçantes
d’un centre-ville sont, elles aussi, fréquentées en majorité par des piétons, le
rythme de la marche se prêtant bien à un achat loisir : le passant s’arrête quand
une vitrine attire son attention, ce qui est impossible lors d’un déplacement plus
rapide.
Des lieux de loisirs calmes comme les squares ou jardins sont également des
espaces presqu’exclusivement piétons (d’autres modes de déplacement doux tels
que le vélo pouvant être tolérés).
Marcher est une activité qui implique le corps. Ainsi, certains décident de
marcher pour entretenir leur santé ou leur ligne et d’autres pratiquent la marche
comme un sport : randonnées ou marches sportives en témoignent.
6 km
Métro Voiture
5 km
4 km Vélo
3 km
2 km
1 km
Marche
0 km
0 5 10 15 20 25 30 Minutes
Deux roues motorisés
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
30
Études Urbaines
LA MARCHE COMME MODE D’EXPRESSION
Le fait de marcher peut parfois revêtir une signification politique, religieuse, ou
morale. Le mode de protestation populaire le plus courant en France reste, en
effet, la manifestation sur la voie publique. L’impact de tels rassemblements
piétons est d’autant plus important que les circulations utilisant d’autres modes
de déplacement sont rendues difficiles voire impossibles : voies coupées, stations
de métro fermées, etc.
Manifestation sur la voie publique à Paris, en janvier 2013
Source : Études Urbaines
Des actes religieux incluent la marche à pied. Lors d’un pèlerinage, les fidèles ont
souvent à parcourir de longues distances à pied, le rythme de la marche se
prêtant bien à la réflexion.
L’histoire nous montre d’autres exemples de pratique de la marche à pied de
façon revendicative. Le plus connu est peut-être celui qui fut à l’origine de
l’abolition de la ségrégation raciale aux Etats-Unis :
Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, couturière noire, qui emprunte le bus qui doit
la ramener chez elle, refuse de céder sa place à un Blanc pour qu’il puisse
s’asseoir, comme l’exige le conducteur, et est alors arrêtée. Le soir suivant, 50
dirigeants de la communauté noire, dont Martin Luther King Junior, se réunissent
et décident le boycott des autobus de Montgomery, à partir du 5 décembre 1955.
En temps normal, 17 500 passagers noirs empruntaient quotidiennement ces bus,
et représentaient à eux seuls 75% de la clientèle de la compagnie. Durant les 381
jours que dura le boycott, on put observer, partout en ville, des Noirs se rendant à
pied au travail, parfois très loin. Le boycott des bus était une action pacifique,
mais qui donnait à la communauté noire un sentiment nouveau de force et
d'unité, et l'espoir de jours meilleurs. La Cour Suprême des États-Unis finit par
reconnaître que la ségrégation était à l'encontre de la constitution.
Récit de la première action de groupe visant à abolir la ségrégation raciale aux Etats-Unis
Source : M. Houdot, ancien professeur d’histoire, propos publiés sur
http://vladimir.pronier.free.fr/La-marche-revendicative.htm consulté le 23/12/2012
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
31
Études Urbaines
MARCHE CHOISIE, MARCHE SUBIE
S’il est clair que l’individu choisit d’être piéton dans le cadre de ses loisirs ou
lorsqu’il souhaite s’exprimer de la sorte, marcher pour se déplacer n’est pas
toujours un choix. Dans de nombreux cas, l’individu qui marche n’a pas
l’impression de choisir un mode de déplacement : il marche car aucune autre
possibilité ne lui est offerte. Cela peut être dû à un manque de moyens
financiers : la personne ne peut assumer le coût d’un véhicule personnel (voiture,
deux-roues) ni le prix des trajets en transports en commun. Dans d’autres cas,
c’est l’absence d’infrastructures de transports en commun pertinentes pour le
trajet à effectuer qui est en cause. La marche résiduelle, quant à elle, est par
essence une marche subie : le trajet considéré ne peut être couvert autrement
qu’en marchant. Cette distinction marche choisie/marche subie est primordiale :
sur un parcours donné, le ressenti du piéton sera différent suivant s’il a choisi de
marcher ou s’il y est contraint.
Les différentes raisons de marcher
Source: Études Urbaines
En définitive, les piétons divergent dans leurs natures ainsi que dans les raisons
qui les conduisent à marcher. Nous notons une autre différence importante : le
rythme et l’allure de cette marche.
Marche
comme
instrument
de loisir
Marche
comme
mode
d’expression
Marche
comme mode
de
déplacement
Marche
subieMarche
résiduelle
Marche
choisie
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
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Études Urbaines
I.B.4 UNE DIVERSITE DES RYTHMES ET DES ALLURES
Les chercheurs Marc et Helen Bronstein ont réalisé des études sur le rythme de
vie en ville dans les années 70. Ils ont montré que la vitesse de déplacement des
piétons était plus élevée dans les grandes métropoles : c’est l’apparition de la
notion de rythme de vie. « Le rythme de la vie varie de manière régulière en
fonction de la population des villes, et ce, sans prendre en compte les paramètres
culturels. » [Marc et Helen Bronstein]
Après une première étude sur le rythme de vie réalisée par Robert Levine en
1999, Robert Wiseman, psychologue britannique, a réalisé sa propre étude sur le
sujet en 2006. Il a demandé à une équipe de chercheurs de chronométrer les
piétons qui marchaient seuls, sans sacs de courses ni téléphone à la main, sur une
distance de 60 pieds (18.29 mètres) dans une large rue pleine de monde sans
pente et sans obstacles. Il en a déduit les résultats visibles sur le graphique ci-
contre.
Cette étude montre que l’évolution de la vitesse de déplacement résulte de
facteurs plus complexes que la simple croissance du PIB : si New York était la ville
étudiée la plus riche, elle ne pointe qu’à la 8
ème
place en termes de vitesse de
déplacement. Jacques Levy, géographe français et professeur de géographie et
d’aménagement de l’espace à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, parle
alors de « vitesse contextuelle ».
En effet, s’il y a un grand nombre de piétons sur un trottoir, tous ne se déplacent
pas à la même vitesse : certains se promènent tranquillement, d’autres marchent
à un rythme soutenu, un attaché-case à la main. Plusieurs temporalités se
croisent alors : celles de la vie quotidienne, celles de la vie économique, celles du
tourisme....
Résultats de l’étude de Robert Wiseman sur le rythme de vie
Source : Urbanews.fr
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
33
Études Urbaines
Avec l’avènement de la société de service et l’essor du temps libre, les temps de
la vie quotidienne sont désynchronisés et le partage entre temps de travail, de
loisirs, d’activités marchandes, d’activités domestiques n’est plus fixe et change
suivant le régime contractuel des gens (35h par semaine, 4 jours sur 5 de travail,
mi-temps…). Ainsi à un même moment de la journée, nous pouvons trouver à un
même endroit des personnes dont les motifs de déplacement sont totalement
différents (Voir graphique ci-dessous).
Etude des pointes de trafic selon le motif de déplacement
Source : Sonia Lavadinho
Pourtant, tous ces piétons qui se trouvent dans différentes temporalités et qui
ont des allures différentes doivent partager l’espace public afin d’être efficaces
dans leur déplacement. Chaque piéton suit alors une « ligne de désir » en
fonction du motif de son déplacement : la ligne de désir du piéton pressé sera
une trajectoire optimisée pour parcourir la plus grande distance en un temps
limité tandis que la ligne de désir d’un promeneur sera plus sinueuse. Pour plaire
à tous, il s’agit donc de « stimuler les lignes de désir en créant des
environnements agréables » (d’après Sonia Lavadinho) et d’arriver à un équilibre
entre les mobilités de transit et les séjours dans un même espace public. Pour
s’adapter à l’évolution des usages de l’espace public en fonction du moment de la
journée tout en tenant compte du manque de place en milieu urbain dense,
Sonia Lavadinho préconise la création d’espaces « palimpsestes » c'est-à-dire
d’espaces dans lesquels plusieurs couches d’activités différentes se superposent
en fonction des moments de la journée. Le caractère palimpseste d’un espace
peut s’obtenir, par exemple, à l’aide de mobilier urbain plurifonctionnel comme
par exemple le banc public sur la photographie ci-dessous qui a été mis en place à
Bruxelles et qui sert à la fois de banc pour s’asseoir ou de jeu pour enfants.
Un banc public plurifonctionnel à Bruxelles
Source : Sonia Lavadinho
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
34
Études Urbaines
Les bases de la question des piétons dans la ville sont maintenant exposées. S’il
faut retenir une chose, c’est bien la complexité du problème qui nous est posé :
les piétons sont non représentables par un individu type, car ils sont variés dans
leurs natures, dans leurs buts ainsi que dans leurs rythmes. De plus, la situation
des piétons est au cœur d’un jeu d’acteurs complexe où s’opposent les intérêts
particuliers… mais ce jeu mérite vraiment d’être joué, tant les intérêts pour les
collectivités à développer des politiques pro-piétonnes sont importants.
Avant même de concevoir une politique ou un plan d’action pour promouvoir la
marche en ville, nous avons souhaité nous demander ce qui faisait le confort des
piétons. Cette question est fondamentale : c’est forcément en améliorant ce
confort que la marche deviendra un mode de déplacement véritablement
intéressant pour l’individu, un mode de déplacement choisi et non subi.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
35
Études Urbaines
II. LE CONFORT DES PIETONS
Nous avons choisi, pour les raisons qui seront développées dans cette partie,
d’aborder notre sujet suivant l’angle du confort. La nécessité de recueillir les
ressentis des usagers de l’espace urbain nous est apparue comme évidente étant
donné la subjectivité de la notion de confort, mais ces enquêtes de terrain, pour
être pertinentes, devaient être établies en suivant une méthode d’analyse
précise déterminée au préalable. Nous allons ici vous présenter la méthode que
nous avons retenue.
II.A. CHOIX DU THEME ET HYPOTHESES RETENUES
II.A.1 POURQUOI CHOISIR LE THEME DU CONFORT DES
PIETONS ?
UNE NOTION COMPLETE ET ACCESSIBLE A TOUS
Nous avons vu que le sujet de la marche urbaine est aujourd’hui beaucoup
débattu. Si tout le monde s’accorde sur les bienfaits que la pratique de la marche
a sur notre santé individuelle et sur la santé de nos villes, en termes de réduction
des nuisances principalement, tout le monde ne l’approche pas de la même
façon. Certains restent très terre-à-terre et techniques, en parlant de
déplacement, de largeur de trottoir, de mobilier urbain et de moyen de
locomotion quand ils abordent le thème de la marche urbaine ; d’autres la voient
plutôt comme un vecteur de lien social, un acte sensible, voire sensuel et charnel,
stimulant nos sens en faisant intervenir directement le corps.
Parler de la marche, c’est avant tout parler d’un sujet pour lequel tout le monde
est capable de donner son avis, son ressenti. Tout le monde est compétent
puisque tout le monde est, à un moment ou un autre, piéton. Aussi, parler de la
marche doit se faire dans des termes accessibles à tous, pour que chacun puisse
prendre part au débat s’il a lieu d’être.
La question se pose de trouver un angle d’approche qui soit à la fois global,
compréhensible à tous et pertinent. La notion de confort, qui renvoie à l’univers
domestique, permet, comme le dit fort justement Jean-Pierre Charbonneau, « de
s’immiscer dans le débat qui se limite souvent à une négociation entre lobbies »
6
.
Il faut en effet avoir conscience d’une chose : aujourd’hui il n’existe quasiment
aucun groupe de pression défendant les intérêts des piétons, contrairement à ce
qui peut être le cas pour les autres usagers de l’espace urbain (automobilistes,
utilisateurs de transports en commun, cyclistes).
La notion de confort a le mérite d’être compréhensible par tous et d’évoquer
aussi bien des problématiques purement techniques (largeur de trottoir, mobilier
urbain,…) que d’autres tendant plus vers des questions de ressenti ou de rapport
social.
Le confort des piétons reste cependant une notion délicate à aborder. Tout
d’abord parce qu’elle recouvre plusieurs aspects techniques différents mais aussi
et surtout car, comme nous allons le voir, tout le monde en a sa propre
définition.
6
Jean-Pierre Charbonneau, Pour des lieux intenses, hospitaliers, confortables,
Diagonal de décembre 2010
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
36
Études Urbaines
UN THEME DEJA ABORDE PAR LES SPECIALISTES
Ce sujet du confort de la marche a déjà été abordé par des spécialistes de
l’urbain, et nous souhaitons en particulier revenir sur les écrits de Jean-Pierre
Charbonneau, urbaniste-consultant et conseiller en politiques urbaines et
culturelles, et Rachel Thomas, sociologue et chargée de recherche au CRESSON.
Les urbanistes voient la marche urbaine comme une façon de se déplacer en ville
et de relier différents éléments qui la constituent. Elle représente un instrument
de réflexion et de mise en œuvre de la planification urbaine et une solution aux
divers problèmes environnementaux.
Jean-Pierre Charbonneau travaille depuis longtemps sur l’amélioration de la
qualité de vie en ville et place la marche urbaine au centre de sa démarche. Pour
qu’il y ait confort selon lui, il faut de « l’espace et de la continuité ».
A ses yeux, la répartition de l’espace pose aujourd’hui problème. On cherche en
ville à mettre en un même lieu, en une même rue, tous les modes de
déplacements : des files de voitures, des couloirs de bus ou de tramway, des
pistes cyclables et souvent (si ce n’est toujours) la marche est la pratique qui en
souffre le plus, récupérant l’espace restant, à savoir 1 ou 2m de largeur. Ce
manque d’espace pour la pratique de la marche est une source certaine
d’inconfort qui se trouve encore amplifiée par deux choses :
Dans un premier temps, l’espace déjà bien faible de la marche se voit
rétréci car occupé par la présence de linéaires d’arbres et d’une
multitude de mobiliers urbains (poteaux, potelets, armoires
électriques…) servant dans la plupart des cas à empêcher les conflits
entre la marche et les autres modes. Tout ce qui est nécessaire pour
assurer un bon usage et la sécurité de tous s’accumule, souvent de
manière anarchique, sur l’espace dédié à la marche, le trottoir. Cette
surabondance d’éléments entraine un inconfort presque systématique,
la largeur libre de trottoir étant si petite que deux piétons ne peuvent s’y
croiser.
La présence de mobilier est bien sûr nécessaire : des bancs, de
l’éclairage, de la végétation sont utiles, mais leur intégration devrait
toujours être le résultat d’une réflexion ayant pour ligne directrice le
maintien du confort des déplacements pédestres. Certains éléments
pourraient être fixés de façon à libérer l’espace au sol (luminaires placés
en console sur les bâtiments au lieu de candélabres). L’espace pourrait
aussi, tout simplement, être gagné sur la chaussée plutôt que sur le
trottoir, c’est là toute la réflexion de Jean-Pierre Charbonneau.
Dans un second temps cette accumulation des modes de déplacements
sur un même espace engendre des traversées complexes et
inconfortables puisque le piéton est très souvent obligé d’attendre ou
d’effectuer un arrêt intermédiaire au cours de la traversée d’un axe
circulé.
Si l’époque où la voiture était reine semble révolue, les infrastructures qui lui
sont dédiées ne sont aujourd’hui que très peu modifiées, voire inchangées selon
la ville où l’on se trouve. Cette ère de l’automobile parait désormais avoir laissé
place à celle des transports en communs, Jean-Pierre Charbonneau qualifie
même cela d’un passage «d’une technocratie des voitures à une technocratie des
transports en commun ». Ces linéaires de transports qui initialement sont réalisés
pour connecter différents territoires et quartiers, engendrent bien souvent des
éléments de rupture forts pour le piéton, générant un inconfort pour la marche.
La place de la marche dans ces politiques de déplacement et de transports est
bien faible alors que celle-ci devrait se situer au cœur de cette politique en
formant le « liant », la « pâte » qui les assemble. Selon Jean-Pierre Charbonneau
on « compense l’exiguïté de l’espace laissé au marcheur par une approche
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
37
Études Urbaines
esthétisante » au sein de laquelle on favorise l’utilisation de certains matériaux
ou mobiliers. Cela a pour conséquence de « substituer le paraitre au
confortable ».
La continuité est pour Jean-Pierre Charbonneau nécessaire pour rendre la
marche confortable. Un confort partiel ou ponctuel de la marche apparait comme
insuffisant car cela doit se réfléchir à une échelle globale. Trop souvent on tend à
travailler à l’échelle d’un projet, d’un îlot sans prendre en compte son
environnement, sans agir sur celui-ci. Assurer le confort de la marche à l’échelle
du projet est faisable mais pas forcément pertinent si les cheminements menant
à celui-ci se font dans des conditions défavorables.
Jean-Pierre Charbonneau, au travers de plusieurs projets menés en qualité de
consultant, nous livre plusieurs exemples d’aménagements qui réussissent à
réellement prendre en compte le confort des piétons.
Dans le cadre du réaménagement du Grand Lyon, la démarche utilisée fut
d’élargir le périmètre du projet de façon à ce que le confort du piéton qui accède
au site soit équivalent au confort du piéton qui évolue au sein du site, et ce sans
que les solutions imaginées ne soient complexes. L’élargissement des trottoirs et
l’amélioration des traversées piétonnes ont suffi pour assurer une continuité du
confort ressenti par les piétons. L’objectif était de ne pas considérer le projet
comme un élément ponctuel mais de travailler aussi le tissu au sein duquel il
s’insérait.
A Copenhague, l’idée retenue a été d’agir sur l’ensemble de la ville, dans chacun
des quartiers en parallèle. Cela a permis, non seulement de garantir une bonne
égalité entre les territoires qui constituent la ville (pas de lieu laissé pour
compte), mais aussi de créer une véritable continuité piétonne dans toute la ville.
Ce projet s’est traduit par la création du Copenhagen Urban Space Action Plan
(CUSAP, Plan d’Action pour l’Espace Urbain de Copenhague). Ce plan a pour but
principal de créer une cohérence entre tous les projets touchant à l’espace
urbain. L’objectif et le fil directeur du plan et des projets qui y sont rattachés est
d’améliorer la qualité de vie en ville en facilitant la marche et en garantissant son
confort. Dans le plan sont décrits aussi bien des actions ponctuelles
d’amélioration de l’espace public (places, squares…) que des projets
d’aménagements linéaires permettant de les relier et de créer une continuité, un
maillage piéton dans la ville. Le plan prévoyait des aménagements lourds et
sophistiqués combinés à d’autres, plus simples et plus immédiats.
Chez les sociologues, l’approche est un peu différente. Contrairement aux
urbanistes et aménageurs, ils sont moins intéressés par les aspects de durabilité,
de renouvellement urbain et voient moins la marche comme un mode de
déplacement. C’est parce qu’elle constitue une « activité d’ancrage du piéton
dans la ville » et parce qu’elle permet au piéton « d’être urbain et de faire la
ville » que la marche doit être au cœur des problématiques urbaines. Dans le
domaine de la recherche, la marche fût pendant longtemps un
« instrument d’observation, d’analyse et de compréhension » des multiples
composantes de la ville et de ses diversités.
Les travaux de Rachel Thomas montrent bien que la marche n’est pas seulement
une pratique qui permet de se déplacer entre deux points de l’espace urbain par
la simple action de mettre un pied devant l’autre. L’intérêt de la marche réside
avant tout dans l’expérience que cet acte de mouvement représente, c’est
l’ensemble des connexions sensorielles, des stimulations et des échanges avec la
ville qui font l’urbanité. Elle parle alors de la marche comme d’une « posture
intellectuelle », un «mode de résistance au présent » mais aussi comme un
« outil de recherche en soi ». La marche apparait comme une communication du
corps et de l’esprit du piéton avec la ville, elle est modulée par celle-ci et la
module aussi.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
38
Études Urbaines
Dans les travaux de Rachel Thomas, la marche pourtant banale pour tout homme
apparait comme étant d’une très grande complexité. Elle se définit par une
certaine lenteur et indépendance à tout élément technologique. Nous l’avons vu,
la marche est complexe car diverse, elle se décline en différents types de marche,
différentes raisons de marcher, et agit en résonnance avec son environnement.
La marche « s’ancre à l’espace et aux ambiances ». L’acte de marcher prend au
sein des travaux de la sociologue une nouvelle dimension, celle du corps encore
très peu traité aujourd’hui. Celle-ci suppose des « corps à corps » avec les
éléments constituant l’environnement dans lequel elle s’effectue, les matériaux,
les autres marcheurs, les éléments matériels, les intempéries… Rachel Thomas
remet en cause l’évolution que prennent les villes actuellement, à savoir,
l’apaisement progressif qu’elle qualifie « d’aseptisation » et qui pourtant tend à
développer les modes de déplacements alternatifs comme la marche. Pour elle,
cette évolution qui vise à uniformiser les espaces de la marche, à y supprimer les
obstacles, à les rendre esthétiques et cohérents, menace l’âme de la marche qui
se trouve dans ces « corps à corps ». Sans ces « aspérités » qui correspondent à
des obstacles pour l’aménageur et le marcheur, il n y a plus de « corps à corps ».
La crainte ici que le corps ne soit plus contrarié dans son déplacement semble
montrer un autre malaise, celui d’une marche monotone ne provoquant pas le
regard et le questionnement du marcheur. Les travaux de Rachel Thomas visent à
se demander si, sans les défauts de l’espace urbain, la marche ne deviendrait pas
un mode de déplacement comme les autres : la simple action de rejoindre un
point A à un point B sans jamais interagir avec la ville.
L’intérêt ici porté à Jean-Pierre Charbonneau et à Rachel Thomas n’est pas
anodin. Ils représentent deux domaines ayant des points communs et des
divergences dans leur façon d’appréhender la marche et d’imaginer son
évolution. Ils sont tous deux des spécialistes dans leur domaine respectif et
voient, comparativement à d’autres professionnels de leur discipline, d’une
manière nouvelle et plutôt radicale le sujet de la marche en ville.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
39
Études Urbaines
II.A.2 DEFINIR LE CONFORT DES PIETONS
Il faut comprendre une chose : il serait illusoire de vouloir donner une définition
générale et figée au confort de la marche. Premièrement, parce que la notion est
éminemment subjective et les paramètres qui influent sur ce confort le sont
également et, deuxièmement, parce que le choix même de ces paramètres est
loin d’aller de soi.
Ainsi, nous avons commencé par donner un cadre à notre réflexion en nous
basant sur la définition du confort du dictionnaire Larousse. Nous y avons trouvé
que le confort est « l’ensemble des commodités, des agréments qui produisent le
bien-être matériel » mais nous y avons aussi lu que le confort est « la tranquillité
psychologique, intellectuelle et morale obtenue par le rejet de toute
préoccupation ». Ces notions de « bien-être matériel », de « tranquillité
psychologique, morale et intellectuelle » et de « préoccupation » ont autant
d’interprétations que d’interprètes. Il y a donc autant de définitions du confort
que de cultures, que de villes et donc que de piétons.
C’est sur ce constat que nous avons défini une méthode afin de traiter cette
notion subjective et indéfinissable qu’est le confort des piétons de manière
absolue.
La question à laquelle nous souhaitons répondre est la suivante : Qu’est-ce
qu’une ville confortable pour les piétons ?
En cherchant à être le plus exhaustif possible mais tout en ayant conscience de la
difficulté de la tâche, nous avons réuni un ensemble de paramètres qui, selon
nous, doivent être étudiés lorsque nous nous interrogeons sur le confort des
piétons. Nous les avons regroupés en 4 grands axes qui facilitent l’approche de la
notion de confort en la rendant plus compréhensible. Nécessairement non
exhaustifs, ils présentent l’intérêt de proposer une approche large, et surtout
compréhensible. C’est sur ces quatre axes que nous avons évalué le confort lors
de nos relevés d’information sur le terrain auprès des habitants des différentes
villes, mais aussi auprès des autres étudiants qui nous ont accompagnés lors de
notre étude sur site.
Ainsi, de nos réflexions, est ressorti le fait qu’une ville confortable pour les
piétons est avant tout:
- Une ville praticable
- Une ville rassurante
- Une ville lisible
- Une ville plaisante
VILLE PRATICABLE
La ville praticable rend possible les déplacements de tous les piétons dans la ville
et les facilite en limitant les obstacles et en proposant des solutions adaptées aux
contraintes du terrain (ex : topographie, climat,…). Elle permet aux piétons d’aller
d’un point A à un point B sans qu’ils ne rencontrent de difficulté particulière sur
leur trajet. La ville praticable ne génère pas d’exclusion car elle prend en compte
la diversité des besoins de tous les piétons.
VILLE RASSURANTE
La ville confortable pour les piétons, selon nous, c’est aussi la ville rassurante qui
apaise la relation entre les piétons et les autres modes de transport, notamment
sur les zones de conflits telles que les traversées piétonnes, ainsi qu’entre les
piétons eux-mêmes. Elle crée un sentiment de sécurité bénéficiant à tous. Elle
interroge la hiérarchie entre les modes, les rapports de force, ainsi que la sécurité
même des usagers.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
40
Études Urbaines
VILLE LISIBLE
Une ville confortable c’est aussi une ville lisible, une ville compréhensible pour
ses piétons. Cette lisibilité de l’espace passe notamment par l’optimisation des
informations qui sont fournies et ce quelques soient les supports utilisés :
panneaux, marquages au sol, affiches, cartes, supports numériques... La ville
lisible permet aussi aux usagers de l’espace urbain de savoir, d’un simple coup
d’œil, quels sont les espaces qu’ils peuvent utiliser et ceux qui leurs sont
interdits. Elle répond aux attentes de chacun concernant le repérage et
l’orientation dans la ville.
VILLE PLAISANTE
Ces trois premiers aspects de praticabilité, lisibilité et de sécurité visent avant
tout à limiter l’inconfort des piétons mais le dernier va plus loin. La ville plaisante
n’est pas neutre et ne se limite pas à l’absence de gêne : elle rend la marche
agréable de manière à ce que les piétons aient plaisir à se déplacer. Si ce plaisir
de marcher n’est pas évident à obtenir à priori lorsque la marche est subie, il
peut toutefois être généré, dans une ville plaisante, par des sources simples liées
aux cinq sens telles qu’un bâtiment dont l’architecture élaborée est agréable à
regarder, une odeur agréable due à la végétation ou à l’activité de certains
commerces (boulangerie, fleuriste…) ou encore la présence d’un artiste de rue
sur le trajet des piétons.
Nous avons restreint l’étude du confort de la marche à l’interrogation de ces 4
grands aspects. Comment peut-on agir sur eux pour améliorer de façon concrète
le confort des piétons ? C’est pour répondre à cette question que nous sommes
allés à la rencontre des piétons à Paris mais aussi dans les 5 grandes villes dans
lesquelles nous nous sommes rendus : Berlin, Casablanca, Copenhague, Fès et
New-York.
Avant notre départ, il nous a fallu déterminer la méthode que nous allions utiliser
pour relever cette information.
LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
41
Études Urbaines
II.B UN BESOIN D’INFORMATIONS ET UNE METHODE POUR
LES RECUEILLIR
II.B.1 PLUSIEURS METHODES DE RECUEIL D’INFORMATIONS
Il existe, bien sûr, plusieurs méthodes pour recueillir les informations sur un lieu,
sur une ville. Certaines sont utilisées par des professionnels qui s’interrogent eux-
mêmes sur leurs propres ressentis de la ville, en tant que piétons, d’autres font
intervenir les usagers de l’espace auxquels on pose des questions dans le cadre
d’une enquête. Nous présentons ici brièvement quelques méthodes pouvant être
utilisées pour recueillir des informations sur le confort des piétons en ville.
LES MARCHES EXPLORATOIRES
Une marche exploratoire est une pratique qui permet d’identifier les « points
noirs » le long d’un parcours dans la ville, afin d’imaginer des aménagements
pertinents permettant d’améliorer le confort des piétons qui l’empruntent. Il
s’agit de rassembler une vingtaine de personnes issues d’horizons divers :
spécialistes de l’espace urbain de domaines de compétence différents, citoyens
d’âge ou de milieux différents, etc. Ces « marcheurs » vont ensuite cheminer,
ensemble ou séparément, le long du parcours que l’on cherche à évaluer, et
s’interroger sur leurs ressentis en notant leurs observations dans une grille qui
leur a été fournie. Celle-ci peut mettre l’accent sur des thèmes particuliers
(éclairage, revêtement, bruit, par exemple) ou rester assez générale. L’utilisation
d’une grille commune permet de traiter les résultats d’une façon satisfaisante et
pertinente.
LES ENQUETES DE SATISFACTION
Afin de connaitre les besoins et les attentes des piétons ou d’évaluer un
aménagement déjà réalisé, il est possible de procéder à des enquêtes de
satisfaction. Les usagers d’un espace sont interrogés directement dans la rue, au
plus près du lieu que l’on cherche à évaluer. La ville de Berlin a réalisé début 2012
une grande enquête de satisfaction auprès des ménages sur tout leur territoire,
afin de déterminer des priorités dans les actions à mener.
LES ENQUETES SUR LES HABITUDES DE DEPLACEMENT
Certaines villes procèdent à de larges enquêtes sur les habitudes de
déplacements de leurs habitants. A Paris et en région parisienne, c’est l’Enquête
Globale Transport (EGT), réalisée tous les 10 ans, qui remplit ce rôle.
Ces enquêtes sont réalisées à grande échelle. A Paris, c’est toute la région
parisienne qui est observée au travers de 18 000 foyers interrogés (soit 43 000
personnes !). Ces enquêtes sont une source d’information précieuse. Elles
permettent en effet de comprendre quels sont les déplacements que les
personnes effectuent à pied (quel en est le but, quelle en est la portée ?) et
dressent un portrait fidèle des habitudes de déplacements des habitants : quel
mode est le plus utilisé pour se rendre au bureau ? Quel mode pour accompagner
les enfants à l’école ? En raison de leur coût élevé, ce type de sondage ne peut
être réalisé dans toutes les collectivités.
La ville en marche - Etudes Urbaines - EIVP 2012
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La ville en marche - Etudes Urbaines - EIVP 2012

  • 1. LA VILLE EN MARCHE
  • 2. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS
  • 3. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS PREFACE Chaque année, l’association Études Urbaines, composée de quatorze élèves en dernière année à l’EIVP (École des Ingénieurs de la Ville de Paris), organise à partir de février une étude globale : Studies in Urban Planning, abordant une problématique urbaine. Ils choisissent, pour ce projet qui va cheminer durant toute l’année, des thèmes ambitieux, actuels et internationaux. Leur travail doit s’appuyer sur les expériences de plusieurs villes à travers le monde. Pour donner plus de réalisme à leur étude, ils organisent un voyage de 10 jours en novembre pour l’ensemble de la promotion divisée en 4 groupes correspondant à chacune des métropoles impliquées dans la thématique traitée. Sur place, les étudiants rencontrent des professionnels afin d’analyser et comparer les différentes solutions apportées par chaque métropole. Ce voyage d’étude est donc intégralement organisé par l’association et profite à tous les étudiants de dernière année. Le financement de ce voyage est assuré par les partenaires publics et privés que les élèves ont eux- mêmes démarchés. En janvier, Études Urbaines remet un rapport et organise une conférence où tous les partenaires de l’étude et ceux de l’école sont invités. Les thèmes et les destinations sont très variés : « les Immeubles de Grande Hauteur » (Chicago, Londres, Varsovie) « le Renouvellement Urbain » (Amsterdam, Casablanca, Copenhague), « Jeux olympiques et expositions universelles : quelle place pour la durabilité ? » (Londres, Lisbonne-Barcelone, Pékin-Shanghai), « L'urbanisme souterrain, une opportunité pour la ville durable » (Montréal, Helsinki, Monaco). Cette année, les étudiants ont choisi de traiter le sujet « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons » illustré par les études menées à New York, Copenhague, Berlin et au Maroc dans les villes de Casablanca et Fès. Je suis particulièrement ravie de vous faire partager ce rapport synthétisant le travail riche de nos étudiants extrêmement motivés. Ils partent en stage de fin d’étude de 6 mois début février avant de commencer, dès septembre, leur carrière, prometteuse j’en suis sûre, d’ingénieur en génie urbain. Nathalie Bintner Directrice des études
  • 4. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS AVANT PROPOS Le présent rapport est le résultat d’un an de travail réalisé par l’ensemble de l’équipe de l’association Études Urbaines. Ce travail s’appuie sur un voyage organisé au début de notre dernière année d’études à l’EIVP dans quatre destinations choisies afin de compléter nos recherches sur le sujet par des observations in situ. À cette occasion, nous avons rencontré et échangé avec des professionnels, des acteurs publics, des universitaires, des associations ou des habitants concernés par notre thème aux Etats-Unis, au Danemark, en Allemagne et au Maroc. L’ensemble des quatre-vingt-dix étudiants de la promotion 52 a été appelé à participer lors de ce voyage d’étude. Notre ambition a été de choisir un sujet d’étude original qui, en plus d’intéresser tous les membres de l’équipe, puisse aussi remporter l’adhésion des étudiants qui ne sont pas membres de l’association et leur permettre de nourrir leur culture dans le domaine. Ce sujet a été pour nous « La Ville en Marche : un pas vers le confort des piétons ». En effet, de plus en plus de politiques publiques incluent des éléments d’actions dont le but est de rendre de l’espace aux piétons dans les villes, ce qui fait du thème du piéton en ville un sujet dans l’air du temps… et pour cause ! Ces mesures s’inscrivent complètement dans une démarche de gestion urbaine durable. Ce thème très large du piéton en ville incluant plusieurs notions complexes, il nous a fallu trouver une porte d’entrée afin de délimiter nos recherches et nous avons choisi d’aborder le sujet en prenant l’axe du confort des piétons. Une fois le sujet choisi, nous nous sommes donc penchés plus précisément sur cette notion de confort des piétons en réalisant des recherches poussées et en contactant des spécialistes, des professionnels et des associations en lien avec le sujet en France et à l’étranger. Nous avons choisi d’aller faire des observations in situ dans 5 villes regroupées en 4 destinations afin de donner une résonance concrète à notre étude. Ainsi, nous sommes allés du 1 er au 11 novembre 2012 à New York, Copenhague, Berlin et à Fès et Casablanca et y avons rencontré des spécialistes du sujet préalablement contactés par les responsables désignés au sein de l’équipe. Ce voyage a été entièrement organisé par les membres d’Études Urbaines et pour cela, nous avons dû réunir les fonds nécessaires grâce à des partenariats établis avec des entreprises qui sont venus compléter la subvention qui nous est accordée par l’EIVP et l’AIVP. Une restitution qui donnait une vue d’ensemble de notre travail a été organisée le 17 janvier 2012 dans les nouveaux locaux de notre école situés 80 rue Rebeval dans le 19 ème arrondissement de Paris.
  • 5. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS L’association Études Urbaines a, dans son ensemble, participé à la rédaction de ce rapport. Elle compte parmi ses membres : - Axel DIEUZAIDE, Président - Marine PAVY, Vice-présidente - Elisa HEURTEBIZE, Trésorière - Brice MARQUET, Vice-trésorier - Aline UNAL, Secrétaire - Audrey OTT, Vice-secrétaire - Louis Martin BONNOT, Chargé de communication - Bénédicte GOURMANDIN, Vice-chargée de communication - Violette GALLET, Responsable entreprises - Alexis DEMOUVEAU, Responsable entreprises - Noël FARKAS PARESYS, Responsable entreprises - Lucas DUGRENOT FELICI, Responsable contacts en France - Adrien RONDEAUX, Responsable logistique - Quentin CHANCE, Responsable Planning Nous tenons à remercier nos partenaires, sans qui cette étude n’aurait pas été possible : - L’EIVP - L’AIVP - ARCADIS - JC DECAUX - Le syndicat PROMU Nous souhaitons également remercier chaleureusement tous les professionnels qui nous ont aidés à réaliser cette étude en nous recevant lors de notre voyage : - En France M. Alain BOULANGER, Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris M. Jean-Pierre CHARBONNEAU, urbaniste Mme Camille DE SOLAGE, Paris Région Lab Mme Solène MOUREY, CAUE 75 M. Gwendal SIMON, Institut Français d’Urbanisme Mme Sabine ROMON, Paris Région Lab
  • 6. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS - A New York Mme Terese FLORES, Département des parcs de la Ville de New York M. Zhan GUO, New York University M. Ethan KENT, Project for Public Spaces (PPS) Mme Elena MADISON, Project for Public Spaces (PPS) - A Copenhague M. Kurt CHRISTENSEN, SBS Architects M. Ullaliv FRIIS, Association Danoise pour les piétons M. Hanne Bjørn NIELSEN, COWI Mme Joanna Mai SKIBSTED, Département des transports, Ville de Copenhague M. Tøger. Nis THOMSEN, Ville de Copenhague & Gehl Architects - A Berlin Mme Claudia REICH SCHILCHER, Municipalité de Berlin M. Herst WOHLFARTH VON ALM, Sénat de Berlin Mme Eva EPPLE, Membre du projet Grüne Hauptwege M. Bernd HERZOG SCHLAGK, Association FUSS M. Martin SCHLEGEL et Mme Gabi JUNG, Association BUND M. Wolfgang SCHMIDT-BLOCK, Association DBSV - Au Maroc M. Mohammed AL-AOUZAÎI, Agence urbaine de Casablanca M. Abderrahim KASSOU, Association de Sauvegarde du Patrimoine Architectural du XXème siècle au Maroc M. Mostafa LAZAAR, Agence Urbaine de Fès M. Anthony MOPTY, Agence Richez Associés M. Jean Yves REYNAUD, SYSTRA M. B. SAÏD, Ecole Hassania des Travaux Publics de Casablanca Les élèves de l’École d’Architecture Supérieure de Casablanca
  • 7. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS LE MOBILIER URBAIN, DES SERVICES ESSENTIELS POUR LE CONFORT DES PIETONS Chaque piéton, chacun à sa manière, a besoin pour son confort et plus généralement sa vie en ville que soient mis en place sur les espaces qu’il emprunte des solutions techniques et du mobilier urbain fonctionnels pour permettre son cheminement au quotidien. Pour l’ingénieur, c’est tout un monde : les usagers de l’espace urbain qui se déplacent à pied appréhendent leur environnement bien différemment d’un automobiliste ou d’un cycliste, l’échelle de référence est le corps avec ses limites, ses besoins, ses aspirations, quelquefois secondé par un équipement d’aide au déplacement. Les unités de mesures ne sont plus les mêmes, ce sont la longueur d’un pas, le rayon d’un bras, d’une canne, la largeur d’une poussette, le gabarit d’un fauteuil roulant... Le mobilier urbain revêt une importance primordiale pour les piétons : potelets, bancs, tables, poubelles, candélabres, kiosques à journaux, plans… chacun permet et rend tout simplement possible le déplacement à pied et assure son agrément. Le design et la disposition du mobilier urbain sur l’espace public sont conçus avec un soin qu’on a parfois du mal à imaginer. Tout est mis en œuvre pour améliorer la lisibilité des lieux, contribuer à la propreté des rues, fournir au piéton un moment de repos sur son parcours : faire que la ville devienne « sa » ville… Là où l’automobiliste verra dans un potelet un simple marqueur du bord du trottoir, le piéton qui y pose la main en attendant le feu vert appréciera sa rondeur, son lissé, sa couleur, autant de caractéristiques qui viennent enrichir son contact avec la ville, qui lui font sentir que cette ville a été pensée pour lui. Nous l’avons compris, le mobilier urbain est une composante essentielle de l’espace public et participe du confort, voire du bonheur au quotidien du piéton. C’est pourquoi nous sommes heureux d’avoir associé plusieurs industriels du secteur à notre étude au travers de partenariats privilégiés. Nous tenons à remercier très chaleureusement les équipementiers de l’espace public JCDecaux et le syndicat des PROfessionnels du Mobilier Urbain (PROMU) de l’intérêt qu’ils ont bien voulu accorder à nos travaux.
  • 8. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS INTRODUCTION "La marche, c'est l'avenir". Voici une phrase que l’on entend de plus en plus souvent, aujourd'hui, quand on s'intéresse à la ville. Au premier abord, cela peut paraitre surprenant : la marche n'est-elle pas plutôt la marque du passé, en tant que mode de déplacement humain ancestral ? C’est bien là qu’est toute la question. Le monde a jusqu’ici évolué comme si ce mode de déplacement était obsolète, si bien que la majorité de nos villes modernes sont devenues des structures géantes qui s’articulent autour de la seule logique de l'automobile. Le piéton, lui, a tout simplement été mis au second plan. Or, aujourd'hui, avec la détérioration des conditions de vie urbaine, l'évolution des mentalités et la sensibilité grandissante pour le développement durable, beaucoup ont revu leur copie. Transport économique par excellence, garant de la santé des citadins, vecteur de rencontre, ou encore porteur de nouvelles formes d'urbanité, la marche présente bien des atouts qui peuvent intéresser nos contemporains. Déplacement ultime, combinable aux autres, et nœud obligatoire entre tous les modes, la marche permet d'interagir avec son environnement, de s'arrêter, de repartir, de découvrir, d'observer les autres et d'échanger avec eux. Face aux transports urbains qui ne tendent qu'à glisser au cœur de la cité en évitant tout contact, le déplacement piéton, lui, s'accroche aux aspérités de la ville et offre une lenteur propice à son appropriation. La mobilité, enjeu central des politiques urbaines actuelles, retrouve, elle, dans la marche, un mode qui s’inscrit parfaitement dans ses problématiques. Si le piéton varie dans son comportement, changeant de rythme, se déplaçant pour des raisons différentes, il varie aussi dans sa nature : on ne peut pas considérer de la même façon le flâneur nonchalant et l'homme pressé, le touriste et l'habitant du quartier. Une personne à mobilité réduite se déplaçant en fauteuil roulant n’est-elle pas, elle aussi, un piéton ? Avec de tels exemples, nous commençons à entrevoir la complexité d'une telle problématique. Comme l'écrit Rebecca SOLNIT dans L'art de marcher, « La marche est un sujet glissant dont la réflexion a le plus grand mal à se saisir (…). ». C'est une réalité, les angles d'attaque du sujet sont nombreux, comme en témoigne la profusion de livres consacrés au piéton et à la marche ces dix dernières années. Nous pouvons faire le constat suivant : la politique de la ville, aujourd'hui, se tourne de plus en plus vers l'individu, ses attentes, ses envies, sa santé et son bien-être. Vivre oui, mais bien vivre. Comment alors appréhender les situations particulières, en visant un objectif global de promotion de la marche ? Comment repenser la ville pour remettre au centre des débats les piétons ? Nous avons fait un choix : prendre comme porte d’entrée le confort des piétons. Terme plus communément utilisé dans le cadre intime de l’habitat que dans celui de l’urbain, le confort présente l’intérêt d’interroger les situations de chacun, et d’aborder la place des piétons par un axe autant technique que par celui du ressenti personnel. Aussi, le confort des piétons peut être, et doit être selon nous, un objectif central pour les villes, et a fortiori pour tous ceux qui à un moment donné travaillent ou travailleront à son évolution.
  • 9. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS Le but de ce rapport est de nous interroger sur ce confort des piétons, d’en comprendre les difficultés d’approche, mais également de s’en saisir pour agir de façon bénéfique et durable sur la ville. Car c’est bien là la finalité, montrer qu’il est possible d’améliorer le confort des piétons, et que certains agissent déjà, que certains pensent, inventent, expérimentent, en France et à l’étranger. Notre étude avait comme vocation de croiser les situations et les politiques de plusieurs villes du monde. Nous nous sommes intéressés aux villes de New-York, Copenhague, Berlin, Fès et Casablanca et avons étudié chez elles la question de la marche urbaine et du confort piéton. Ces choix ont été motivés non seulement par l’intérêt particulier que chacune de ces villes revêt en raison des actions qui y sont actuellement mises en œuvre pour les piétons, mais aussi et surtout par notre volonté de prendre en compte une véritable diversité culturelle. Après un travail préparatoire complet, nous avons participé à des séjours d'études dans chacune de ces villes afin de comprendre in situ les situations et de rencontrer directement des acteurs locaux, qu'ils soient acteurs politiques, universitaires, entreprises privées ou simples habitants. Bonnes pratiques, aménagements innovants, enjeux d'améliorations, points de convergence ou de différence, croisement d'informations : nous avons cherché à faire ressortir un maximum d'idées, qui pourraient s’appliquer, en France, en particulier à la Ville de Paris ou, plus largement, dans l’agglomération parisienne. Ce rapport présente les résultats de cette étude. Il se veut accessible au plus grand nombre et proposer, non pas des vérités générales, mais des pistes pour amener chacun à réfléchir sur la ville. Après avoir présenté de façon plus détaillée la marche urbaine, ses enjeux et sa complexité, l’attention se porte sur la notion de confort des piétons, en proposant des méthodes, dont celle que nous avons utilisée, pour recueillir de l’information. Appliquée à nos villes d’étude, l’analyse du confort ouvre finalement sur des champs d’actions concrets et des exemples de solutions, pour agir et construire dès aujourd’hui des villes plus modernes, plus durables, dans lesquelles les piétons seront mieux pris en compte.
  • 10. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS Études Urbaines TABLE DES MATIERES Préface .......................................................................................................................3 Avant propos..............................................................................................................4 Le mobilier urbain, des services essentiels pour le confort des piétons....................7 Introduction ...............................................................................................................8 Table des matières...................................................................................................10 I. La marche en ville............................................................................................13 I.A. La marche, un mode de déplacement pas comme les autres .......................13 I.A.1. Un mode de déplacement historique................................................13 I.A.2 Un mode de déplacement à promouvoir ..........................................14 I.B. La marche en ville, une diversité d’acteurs et de pratiques...................17 I.B.1 Une diversité d’acteurs......................................................................17 I.B.2 Une diversité de piétons....................................................................26 I.B.3 Une diversité de raisons de marcher.................................................28 I.B.4 Une diversité des rythmes et des allures...........................................32 II. Le confort des piétons.....................................................................................35 II.A. Choix du thème et hypothèses retenues................................................35 II.A.1 Pourquoi choisir le thème du confort des piétons ? .........................35 II.A.2 Définir le confort des piétons ............................................................39 II.B Un besoin d’informations et une méthode pour les recueillir............... 41 II.B.1 Plusieurs méthodes de recueil d’informations ................................. 41 II.B.2 La méthode que nous avons choisie : le « Je-tu-il ».......................... 42 II.C. Notre étude à l’étranger .............................................................................. 43 II.C.1. Des villes et des contextes différents................................................ 43 II.C.2 Des villes et des situations différentes de confort............................ 48 II.D Le confort des piétons à Paris ................................................................ 64 II.D.1 Un fort potentiel piéton à Paris et dans la région............................. 64 II.D.2 Des problématiques spécifiques ....................................................... 65 III. Le confort des piétons : un champ d’action ouvert qui appelle des choix politiques................................................................................................................. 70 III.A. Agir pour le confort des piétons : une affaire de dosage....................... 70 II.A.1 Harmoniser les espaces mais ne pas uniformiser à l’excès............... 70 III.A.2 Réaliser des aménagements emblématiques mais savoir rester simple 73 III.B. Agir pour le confort des piétons : des choix politiques à assumer......... 77 IIi.B.1 Séparer les flux ou partager l’espace ? ............................................. 77 III.B.2 Informer sur l’espace public ou faciliter l’équipement personnel ? . 83 III.C. Agir pour le confort des piétons : oser bousculer les habitudes............ 96 III.C.1 Oser les innovations et les expérimentations................................... 96
  • 11. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS Études Urbaines III.C.2 Oser regagner de l’espace ...............................................................103 Conclusion..............................................................................................................108 Bibliographie ..........................................................................................................109 Articles...............................................................................................................109 Support de cours................................................................................................109 Ouvrages............................................................................................................109 Publications .......................................................................................................109 Sites Internet .....................................................................................................109 Conférences et Rencontres....................................................................................110 Sigles ......................................................................................................................112 Annexe n°1 : Quelques questionnaires utilisés......................................................113 Annexe n°2 : Des villes ...........................................................................................114 Paris ...................................................................................................................114 Une ville française, au statut à part...............................................................114 Un développement qui a généré une ville aux ambiances multiples............115 Berlin..................................................................................................................117 Une ville moderne et tournée vers l’environnement....................................117 Un passé omniprésent...................................................................................119 Copenhague.......................................................................................................121 Un développement urbain au service de l’économie ................................... 121 Une ville dédiée aux circulations douces...................................................... 122 New York ........................................................................................................... 124 Des usages fortement influencés par le contexte géopolitique ................... 124 Une organisation de la ville qui a peu évolué avec les usages...................... 127 Un jeu d’acteurs ambigu............................................................................... 128 Au Maroc, Fès et Casablanca ............................................................................ 130 Fès 130 Casablanca .................................................................................................... 131 Annexe n°3 : Des exemples en situation ............................................................... 132 New York ........................................................................................................... 132 La Piétonisation de Broadway et le projet Greener Greater NYC................. 132 La High Line................................................................................................... 136 La sixième avenue et demie.......................................................................... 139 Le Pédibus..................................................................................................... 141 Les nouveaux systèmes d’échafaudages « Umbrellas » ............................... 142 Berlin ................................................................................................................. 145 GrüneHauptwege.......................................................................................... 145 « Zu Fuss zur Schule » (aller à pied à l’école)................................................ 147
  • 12. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS Études Urbaines Annexe n°4 : L’art au service de la marche ............................................................148 Des œuvres d’art pour dynamiser l’espace public.............................................148 L’art pour changer les comportements .............................................................150 Annexe n°5 : Découvrir la ville à pied ....................................................................151 Tirer un fil : La FreedomTrail de Boston ............................................................151 Les Discovery Walks de Toronto........................................................................152
  • 13. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 13 Études Urbaines I. LA MARCHE EN VILLE I.A. LA MARCHE, UN MODE DE DEPLACEMENT PAS COMME LES AUTRES I.A.1. UN MODE DE DEPLACEMENT HISTORIQUE Il faut bien comprendre que la marche est longtemps restée l’unique moyen de déplacement de l’humanité. Les premiers humains ont quitté l'Afrique il y a 60 000 ans environ. Ils ont marché le long de la côte Indienne pour atteindre l'Australie mais également à travers l'Asie, pour atteindre les Amériques par le détroit de Behring, et de l'Asie centrale vers l'Europe. Malgré l’invention de la roue vers 3500 av. J.C et le début de la traction animale qui en a découlé, la marche reste, jusqu’au milieu du XIXème siècle, le mode de déplacement le plus utilisé. Jusqu’à cette époque, posséder une monture est synonyme de richesse. Les déplacements à cheval restent donc marginaux par rapport à la masse des déplacements effectués à pieds. La vitesse moyenne de déplacement des hommes se situe alors autour d’un mètre par seconde. Cette difficulté de déplacement a conduit à deux modes de vie principaux : LE NOMADISME Les hommes ont vécu à l’état nomade durant une longue période, s’étalant du Paléolithique au Néolithique. La marche permettait aux nomades de profiter pleinement des ressources locales, laissant à ces dernières un temps suffisant pour se régénérer, avant le passage des nomades suivants. On considère que 60% de la population mondiale vivait encore selon ce mode de vie en 1500. LA SEDENTARITE Les hommes commencent à se sédentariser pendant l’ère Néolithique. Ce mode de vie implique de se déplacer en aller-retour depuis un point fixé et détermine alors un espace de vie d'un rayon d’environ sept kilomètres. Jusqu'au début du XIXème siècle la majeure partie de la population n’ayant pour seul mode de déplacement que la marche, la vie se déroulait donc intégralement dans cet espace. Les échanges de biens se font de proche en proche, avec 90% de la production consommée par la population produite dans ce même rayon de sept kilomètres. L’invention de l’automobile au XIXème siècle, et sa popularisation pendant le siècle suivant, vont modifier le rapport de l'homme avec la marche. Cette invention fait alors émerger le rêve de l'abolition de la contrainte spatiale et temporelle, que l'on retrouve jusqu’à aujourd’hui dans la recherche effrénée de vitesse. Sur son aspect fonctionnel, la marche est ainsi mise en concurrence avec une automobile désormais abordable dans une ville redessinée pour son usage, mais aussi avec le vélo et les transports en commun qui offrent des substituts à ceux qui n’en disposent pas. Dans les années 1970, la marche suscite un fort regain d’intérêt, phénomène lié, en particulier, au premier choc pétrolier et à l’insécurité routière, comme l’explique Jean-Marc Offner 1 , directeur du Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS) et professeur à l’École Nationale des Ponts et Chaussées, ce qui s’accompagne de lancements d’études et de la publication d’ouvrages sur le sujet. 1 Offner, J.-M., 2008, « Trente ans de pas perdus ! », Revue Urbanisme, 359, p 43.
  • 14. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 14 Études Urbaines Cependant, la marche ne représente plus aujourd’hui qu’un quart à un tiers des déplacements, contre le tiers à la moitié il y a près de quarante ans. Plusieurs propositions d’explications sont évoquées : les nouveaux espaces urbains ne favoriseraient pas les déplacements courts, la concurrence des autres modes de transport, automobiles, mais aussi, transports en commun, le délaissement des commerces de proximité au profit des centres commerciaux, ou encore l’insécurité inspirée par l’espace urbain. Pourtant, la question du piéton est toujours au cœur de l’actualité, et peut-être même bien plus encore qu’il y a quarante ans. À l’heure où économies d’énergie, lutte contre les gaz à effet de serre, gestion urbaine durable sont au centre de tous les débats, la marche revient en force. En témoignent non seulement la profusion d’ouvrages publiés récemment, mais aussi les diverses conférences ou expositions organisées sur ce thème, la multiplication des projets de piétonisation, et même les spots publicitaires, qui nous rappellent les recommandations des spécialistes de la santé. I.A.2 UN MODE DE DEPLACEMENT A PROMOUVOIR POURQUOI PROMOUVOIR LA MARCHE ? Le développement des modes de déplacement motorisés en tant qu’alternative à la marche a été très rapidement questionné. Aujourd’hui, les problématiques d’économies d’énergie, de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et, plus largement, de gestion urbaine durable sont au centre de tous les débats, et, en particulier, des débats politiques. Sous l’impulsion de ces problématiques, les élus décident désormais de revenir au développement des modes de déplacement doux, dont la marche fait partie. La pratique de la marche comme mode de déplacement en milieu urbain pourrait être l’une des réponses (et l’une des plus simples à concevoir !) à ces questions complexes. De nombreux spécialistes s’y intéressent aujourd’hui : sociologues, aménageurs, urbanistes, chercheurs ou enseignants tels que Jean-Pierre Charbonneau ou Rachel Thomas en font le sujet de leurs recherches voire de leur carrière. En parallèle de ces professionnels, des organismes, tel que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), lancent des campagnes à large échelle sur la marche et ses multiples bienfaits sur la santé. LE PREALABLE A TOUTE MOBILITE La marche est le moyen d’interconnecter chacun des modes de déplacement d’un territoire. Quel que soit le mode de déplacement que l’on choisit, une partie du trajet est effectuée à pied : on se rend et se déplace dans les gares, dans les stations de transports en commun en marchant, on rejoint son véhicule à pied. A ce titre, la marche est le pivot de toute mobilité. Support d’intermodalité, elle est le liant et le lien entre les différents modes de déplacement. Toute politique de déplacement se doit donc de prendre en compte la marche. DIMINUER LA PART DES DEPLACEMENTS MOTORISES Augmenter la part modale de la marche dans les déplacements urbains signifie avant tout réduire de façon importante les circulations motorisées en ville, et ainsi limiter leurs nombreux impacts négatifs. Sans même parler des qualités propres de la marche, substituer ce mode de déplacement doux aux modes motorisés permet : - d’améliorer la qualité de l’air en ville, en limitant les émissions de polluants (NOX, COV) et de particules, à l’origine de maladies respiratoires chez les personnes exposées ; - de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et ainsi de lutter contre le réchauffement climatique ;
  • 15. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 15 Études Urbaines - de réduire les nuisances sonores que subissent les citadins, causées majoritairement par le trafic motorisé ; - d’améliorer le « paysage olfactif » des habitants en diminuant les odeurs de gaz d’échappement ; - de regagner l’espace urbain qui est aujourd’hui largement occupé par les modes motorisés (chaussée, places de stationnement), et ainsi de disposer de plus d’espaces de convivialité (places, jardins). AMELIORER LA SANTE DES CITOYENS Le développement des modes de déplacement mécanisés, qu’il s’agisse ici de la voiture ou des transports en commun, a eu pour conséquence de diminuer l’activité physique des citoyens. Ce manque d’activité physique, couplé à une suralimentation désormais courante puisque la nourriture est accessible en abondance, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé : surpoids 2 , obésité 3 , problèmes cardio-vasculaires et respiratoires, diabète, dépression... Le Ministère de la Santé préconise un minimum de 30 minutes d’activité physique quotidienne pour prévenir les risques d’apparition de ces maladies chroniques. La marche est l’une des activités qui se pratiquent le plus simplement car elle ne nécessite aucun équipement particulier et peut s’intégrer dans la vie quotidienne. L’Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé (INPES) a d’ailleurs mené en novembre 2010 une campagne de communication télévisée et d’affichage pour promouvoir l’activité physique dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Cette campagne mettait 2 On parle de surpoids lorsque l’indice de masse corporel (IMC) est supérieur à 25. L’IMC d’une personne est égal à son poids exprimé en kg divisé par sa taille exprimée en m au carré. 3 On parle d’obésité lorsque l’IMC est supérieur à 30 particulièrement en évidence la facilité avec laquelle chacun peut réussir à intégrer 30 minutes de marche dans ses activités quotidiennes. Affiche faisant partie de la campagne de communication de l’INPES, novembre 2010 Source : INPES
  • 16. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 16 Études Urbaines DES ECONOMIES POUR CHACUN ET POUR LA COLLECTIVITE Il est évident que pour un individu, la marche est le mode de déplacement le plus économique qui soit : aucun investissement initial, pas d’abonnement à acheter, pas de carburant à fournir ! Au-delà des économies individuelles que représente la pratique de la marche en remplacement d’un mode de déplacement mécanisé, la collectivité y trouve elle aussi son compte. Le fait que de nombreux citoyens choisissent de marcher réduirait, comme nous venons de le voir, la prévalence de bon nombre de maladies chroniques et de ce fait, le coût de santé publique engendré. De plus, la santé économique d’une ville est améliorée par les actions qui favorisent les circulations piétonnes. Ce type de déplacement contribue en effet à la bonne vie des commerces de proximité et au dynamisme des centres villes : lorsqu’un quartier est rendu piéton, les commerces situés dans le périmètre concerné voient généralement leur chiffre d’affaires augmenter de 25 à 30% 4 . AMELIORER LA QUALITE DE VIE Une personne qui marche a bien plus conscience de l’environnement dans lequel elle évolue et se déplace différemment d’une personne qui utilise un mode de déplacement tel que la voiture. Marcher impose un rythme doux, une vitesse réduite, qui permettent au piéton de découvrir la ville tranquillement et d’en remarquer les détails. Ce rythme lent permet de véritablement s’approprier la ville, de la considérer comme son espace de vie et non comme un espace extérieur, étranger et potentiellement dangereux. 4 CETUR, STU, CETE d’Aix en Provence /Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie , 1980, « Effets induits, zones piétonnes » Bien plus qu’un mode « doux », la marche est un mode actif qui implique le corps du marcheur, qui le met en relation directe avec la ville, sans tableau de bord interposé. Contrairement à un automobiliste, un piéton ne fait pas que passer dans la ville : il peut s’y arrêter, observer une vitrine, entrer dans un magasin, mais aussi tout simplement parler à une autre personne, échanger un regard, un sourire. A ce titre, la marche fait de l’espace urbain un espace de rencontre, un lieu social. LA MARCHE, SYNONYME DE DURABILITE Promouvoir la marche en ville, c’est donc promouvoir un mode de déplacement qui améliore la situation suivant les trois piliers du développement durable : - économique : grâce aux économies réalisées par l’individu mais aussi en termes de dépenses de santé publique ; - environnemental : en limitant la pollution générée par les modes de transport motorisés ; - social : en améliorant la santé des citoyens et en créant un espace urbain support de lien social. Par conséquent, une politique en faveur du piéton s’inscrit complètement dans une démarche de gestion durable de la ville.
  • 17. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 17 Études Urbaines I.B. LA MARCHE EN VILLE, UNE DIVERSITE D’ACTEURS ET DE PRATIQUES Le fait d’être piéton nous apparaît à tous comme naturel. Nous pourrions alors penser que la question de la marche en ville est simple. En réalité, il n’en est rien ! En premier lieu, nous verrons que la question est complexe car la marche se pratique en ville sur un espace multiforme sur lequel intervient une grande diversité d’acteurs. L’espace public, sur lequel interagissent de nombreux acteurs institutionnels, vient s’interconnecter à une multitude d’espaces privés gérés par des entreprises ou des particuliers. C’est cet ensemble d’opérateurs qu’il faut réussir à toucher lorsque l’on veut agir pour porter une véritable politique en faveur du piéton. Nous verrons ensuite qu’ « agir pour le piéton » n’a pas vraiment de sens… car il n’existe pas un piéton standard mais plutôt une somme d’individus différents qui ont des besoins, des attentes, des ressentis variables. Agir pour tous, c’est donc prendre en compte toutes les catégories de personnes qui marchent en ville. Enfin, nous verrons que les raisons de marcher diffèrent d’un individu à l’autre, et même d’un déplacement à l’autre, et cela crée, là encore, des besoins et des attentes différents. Là où l’un souhaitera aller vite et privilégiera un déplacement piéton efficace, un autre aimera prendre son temps et flâner dans la ville. La prise en compte de ces différents rythmes de marche et des conflits qu’ils peuvent éventuellement générer est essentielle pour réussir à proposer une ville où il est confortable de marcher. I.B.1 UNE DIVERSITE D’ACTEURS La question de la marche en ville n’engage pas seulement les piétons mais aussi un panel d’acteurs divers, dont les leviers d’action et l’impact sur le confort des piétons en ville diffèrent. Nous allons ici vous en présenter les principaux. LES PIETONS EUX-MEMES Les premiers acteurs de la marche sont évidemment les piétons ! Les piétons, premiers expérimentateurs de la ville, apparaissent comme les mieux placés pour juger des aménagements et des cheminements piétons mais, comme nous le verrons plus loin, ils n’ont pas tous les mêmes besoins et attentes. Leurs comportements peuvent être étudiés et constituer une base de réflexion pour les différentes politiques menées. Les piétons, au travers de leur qualité d’électeur, disposent d’un moyen indirect d’agir sur les politiques menées au niveau local (commune, département, région) ou plus global (national ou européen). Ils peuvent être amenés à exprimer plus directement leurs besoins auprès des élus et des aménageurs lors de réunions de concertation ou dans des structures telles que les conseils de quartiers.
  • 18. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 18 Études Urbaines LES STRUCTURES ASSOCIATIVES Les citoyens peuvent décider de se rassembler dans une structure associative. En France, ce mode de fonctionnement sert surtout à créer des groupes de réflexion et à mieux se faire entendre des acteurs publics, mais dans certains pays comme les Etats-Unis, de nombreuses associations ont été créées pour porter des projets sur l’espace urbain. C’est par exemple ce qu’a fait l’association « Friends of the High Line » (les amis de la High Line) à New York, en œuvrant pour protéger et transformer une ancienne ligne de fret new-yorkaise vouée à la démolition par la Ville. Ce projet d’envergure, entièrement porté et réalisé par l’association, a rencontré un tel succès qu’il a été repris par la Ville de New York qui prévoit de continuer cette démarche sur la partie restante de la ligne (Voir annexe 3). Logo du site officiel de l’association « Friends of the Highline » Source : Friends of the Highline En France, l’association « Rue de l’avenir » s’attache, elle, à créer, à la manière de celui qui a été réalisé en Belgique,, un code de la rue, c’est-à-dire une déclinaison du code de la route adaptée spécifiquement au milieu urbain. Ce code a vocation à fournir un cadre qui permettrait à tous les usagers de l’espace de fonctionner de façon efficace et sécurisée. Cette association est également à l’origine d’un concours appelé « La rue… on partage ! ». Ce concours permet de faire participer un grand nombre de personnes à une réflexion sur les différents usages qui coexistent dans l’espace public : les participants sont invités à présenter leur vision de la rue et les usages qu’ils en font ou qu’ils aimeraient pouvoir en faire. Logo de l’association «Rue de l’avenir » Source : Rue de l’avenir Lorsque l’on considère un aménagement de l’espace public, il est toujours utile de différencier l’intérêt local et individuel – typiquement le trottoir devant chez soi ou le cheminement jusqu’à la gare effectué par un individu chaque matin - de l’intérêt général - l’aménagement de tous les chemins menant à la gare. Le regroupement des individus en association permet, dans une certaine mesure, de dépasser cette opposition tout en restant au plus près des préoccupations réelles des usagers de l’espace. Les structures associatives, parce qu’elles sont ouvertes à tous, s’adaptent naturellement à l’échelle pertinente d’une problématique : tous ceux qui se sentent concernés peuvent adhérer et contribuer au débat. Les associations constituent donc en général une bonne solution pour faire entendre les attentes des usagers d’un lieu donné. En effet, ces attentes sont différentes selon la typologie du lieu considéré. Dans une zone dense, par exemple, les usagers peuvent apprécier de grands espaces dégagés pour circuler sans contraintes tandis que dans des zones plus résidentielles, la préférence ira à des espaces plus intimes, moins vastes, pour ne pas s’y sentir perdu ni trop exposé.
  • 19. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 19 Études Urbaines Les exemples en photo ci-après, deux lieux où l’aménagement a été pensé en prenant en compte les attentes des usagers, montrent à quel point le traitement des espaces et les usages varient d’une zone dense à une zone résidentielle. Zone dense, Times Square, NYC Source : Études Urbaines Zone résidentielle Hochfelden, Bas-Rhin Source : Commons.wikimedia.org LES CITOYENS CONSULTES PAR LEURS ELUS Dans le contexte actuel où la préservation de l’environnement est au centre des débats et où le prix du pétrole ne cesse d’augmenter, un nombre croissant de citoyens se tourne vers la marche et les transports en commun. Il est donc normal que de plus en plus de politiques en faveur de ces modes de déplacement voient le jour. Notons tout de même que cette volonté politique n’est pas présente dans toutes les villes. Les actions visant à promouvoir la marche transforment bien souvent en profondeur la ville et les usages qui y sont faits, c’est pourquoi certains élus cherchent à s’assurer de l’adhésion de leurs administrés lors de la mise en œuvre de telles politiques. Des réunions de concertation sont organisées par les porteurs de projets urbains pour connaitre les attentes et les envies des habitants. A Berlin, par exemple, le réaménagement de la Gendarmenmarkt, l’une des places les plus connues et les
  • 20. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 20 Études Urbaines plus touristiques de la ville, a fait l’objet de quatre réunions de concertation, chacune rassemblant près de mille personnes. Lors de la dernière réunion, quatre projets d’aménagement de la place ont été présentés au public, et tous ont été invités à voter pour leur projet préféré. C’est ainsi que le nouveau visage de cette place emblématique a été décidé. Des modes de consultation plus originaux peuvent être imaginés. A Paris, par exemple, lors du projet de réaménagement de la place de la République, des marches commentées de jour comme de nuit ont été organisées avec les riverains et les usagers pour connaître leurs attentes et leurs difficultés avec la place existante. Cette initiative a permis d’établir un cahier des charges bien en phase avec les attentes des différents usagers du lieu. La marche commentée, exemple d’action menée par la Ville de Paris pour déterminer l’aménagement le plus pertinent Source : www.atelier-tixier.com Lorsque le projet considéré est à l’échelle d’une ville entière, un vote par référendum peut être organisé. Ce fût le cas dans la commune de Fontanil- Corniallon (38) où la question de la piétonisation du centre-ville a été décidée en octobre 2012 à l’issue d’un référendum où la proposition a obtenu 54% des voix. LES VILLES En France, les communes (ou intercommunalités) sont les propriétaires de la majeure partie de l’espace public. Elles ont en charge la gestion et l’entretien des voiries communales, c’est-à-dire celles qui sont d’enjeu local. La plupart des politiques en faveur des circulations douces sont donc portées par les villes puisqu’elles portent sur une l’échelle locale. Les communes écrivent et mettent en œuvre leur plan local d’urbanisme (PLU). Cet outil d’urbanisme réglementaire leur permet d’encadrer le développement urbain de leur territoire. Par ce biais, elles peuvent contenir l’étalement urbain et garantir une bonne répartition des fonctions urbaines sur le territoire, ce qui permet de réduire la portée des déplacements qu’effectuent les habitants, et donc de leur autoriser le choix des déplacements doux. Au quotidien, les villes gèrent les occupations de leurs territoires. Elles instruisent notamment les demandes d’occupation temporaire d’espace public déposées, par exemple, par les commerçants qui souhaitent installer une terrasse ou un étal, ou par les propriétaires d’immeubles qui ont besoin d’installer un échafaudage pour réaliser des travaux d’entretien de leur bien. Ces occupations de l’espace sont bien souvent des occupations du trottoir qui réduisent la largeur de cheminement accessible aux piétons. Les villes doivent donc composer en permanence entre les problématiques d’accessibilité de l’espace et des questions économiques et patrimoniales. Nous l’avons vu, les villes peuvent organiser des réunions d’information ou de concertation pour communiquer sur les aménagements de l’espace public projetés. Elles s’appuient sur ces canaux d’information pour mener des politiques bien adaptées aux besoins locaux des piétons, au travers par exemple de la
  • 21. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 21 Études Urbaines rédaction d’un plan piéton. C’est le cas notamment dans des villes comme Genève en Suisse ou Strasbourg en France. A Paris, un plan piéton est en cours de rédaction. LES ACTEURS DU TRANSPORT URBAIN Les acteurs des transports urbains ont un rôle très important à jouer sur le confort des piétons sur un territoire. Dans les grandes agglomérations, une Autorité Organisatrice de Transport Urbain (AOTU) est implémentée. Elle assure l’organisation du réseau de transport urbain sur son territoire, le périmètre de transport urbain. Elle y élabore également le Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui définit les grandes orientations de la politique de transports du territoire. Les gestionnaires des réseaux de transports en commun se penchent également sur le confort des cheminements piétons dans leur réseau, car comme nous l’avons vu, les interconnexions entre les différents modes se font à pied. A Paris, la RATP étudie avec soin les cheminements piétons en souterrain dans les stations de métro pour à la fois optimiser les temps de correspondances mais aussi éviter les congestions piétonnes en heure de pointe. C’est un équilibre parfois difficile à obtenir. Le lien entre l’espace public et les stations de transports en commun ou les véhicules (bus) est également un enjeu important. Le piéton doit pouvoir identifier l’offre de transports et passer facilement de l’espace public municipal au domaine RATP. Il y a donc un vrai besoin d’impliquer les acteurs des transports lors de l’aménagement d’un espace pour les piétons afin de pouvoir créer une co-visibilité entre les domaines et de faciliter le passage de l’un à l’autre. DES ORGANISMES LOCAUX Des structures telles que le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) agissent au niveau départemental. Créés en 1977 à l’initiative du Conseil Général dans le cadre de la loi sur l’architecture, les CAUE assurent la bonne qualité architecturale des constructions et leur bonne insertion dans les sites concernés. Ils constituent un passage obligé dans la conception d’un aménagement quel qu’il soit. Souvent, les CAUE s’associent pour créer des Unions Régionales afin de mieux organiser leurs actions à plus grande échelle. Logo de l’union régionale des CAUE d’Île-de-France Source : Union régionale des CAUE d’Île-de-France
  • 22. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 22 Études Urbaines L’ETAT Bien que les collectivités locales soient les principaux propriétaires de l’espace public et à ce titre, commandent les actions concrètes qui y sont menées, leur champ d’action est déterminé à l’échelle nationale, via un ensemble de lois, de normes mais aussi de guides de bonnes pratiques écrits à l’intention des aménageurs. D’un point de vue législatif, des lois comme la loi relative à l’accessibilité des espaces publics (2005) ou des lois spécifiques d’aménagement comme les lois littoral ou montagne régissent une bonne partie des aménagements urbains. Elles se déclinent en normes (normes d’accessibilité, d’éclairage, par exemple) au travers de structures ministérielles (ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie plus particulèrement) ou d’organismes comme le Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques (CERTU). C’est notamment de ce dernier que la RATP ou la SNCF Transilien reçoivent les résultats de l’Enquête Globale Transport (EGT) qui est la base de toutes leurs études sur leur réseau et ses capacités. Logo du Certu Source : Certu En France, au-delà d’une simple création d’outil et de règlementation, l’Etat est aussi en mesure d’agir plus directement au travers d’entreprises sous tutelle de l’Etat (SNCF) ou régies pour partie par l’Etat (RATP régie au tiers par l’Etat). Dans un pays comme le Maroc, au régime royaliste, les aménagements sont souvent dictés par le pouvoir en place. Ainsi à Fès, une des villes impériales du Maroc, la gare, bâtiment majestueux, est considérée comme un geste fort du Roi pour les habitants de Fès. Dans ce type de régime politique, le champ d’action de l’Etat est particulièrement important. La Gare de Fès au Maroc, exemple d’un aménagement issu d’une volonté du pouvoir royal Source : Études Urbaines AUTRES ACTEURS DE L’ESPACE PUBLIC D’autres acteurs, par leur impact sur des lieux ouverts au public, ont également un rôle à jouer dans le confort que ressent un piéton dans une ville : les commerces situés sur l’espace public (kiosques à journaux, étals, terrasses) ou sur un terrain privé (gestionnaires de centres commerciaux), les concepteurs de mobilier urbain (classique ou dit « intelligent »), les aménageurs, mais aussi les groupes immobiliers. Cet ensemble d’acteurs intéragit directement avec le piéton sur le lieu même de sa déambulation.
  • 23. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 23 Études Urbaines Un kiosque à journaux à Paris et sa forme typique Source : www.paris.fr Le placement d’un kiosque dans le cadre d’un réaménagement, que celui-ci soit centré sur le piéton ou non, n’est pas laissé au hasard mais découle d’une réflexion sur les usages du lieux et du nombre de piétons passant par l’endroit choisi. Au-delà de leur utilité première de vente de journaux, ces kiosques représentent aussi un point de repère pour le piéton. A Paris, ils sont même un marqueur de l’identité de la ville car ces petits bâtiments revêtent toujours les mêmes formes sur l’ensemble du territoire parisien. Dans ce même domaine, les gestionnaires de centres commerciaux établissent généralement un plan piéton de leurs centres pour faire en sorte que le piéton y rencontre le plus grand nombre de magasins possible sur son trajet. Les commerçants souhaitent, en général, qu’un grand flux piéton passe devant leur boutique car ces piétons sont des clients potentiels. Le cheminement piéton aux abords de leurs boutiques a donc tout intérêt à être agréable et accueillant. Ce constat a été à l’origine du concept de rue commerçante : une rue piétonne bordée, comme son nom l’indique, de commerces. En fait, ce fut grâce à la création d’une première rue piétonne à Copenhague, en 1962, qui a réussi à démontrer que la fermeture d’une rue aux circulations automobiles ne faisait en aucun cas souffrir les commerces présents, que ce concept de rue commerciale piétonne a pu se développer. Strøget, 1ère rue piétonne longée de commerces à Copenhague Source : www.123rf.com La création d’espaces uniquement piétons, associée naturellement à l’émergence de nouvelles technologies, a eu un rôle très stimulant pour les concepteurs de mobilier urbain. Le simple banc ou poteau a été remplacé par des dispositifs innovants. Le mobilier urbain dit « intelligent » est un mobilier adapté à son temps, à son environnement et à son contexte. On peut citer le concept « urban terrasse » imaginé par Le Plan B (Architecture, Lumière, Intérieur Design) : il s’agit d’une table en carton que l’on installe sur un des poteaux que l’on trouve sur les trottoirs. Ce concept se décline aussi en siège (« urban seat »).
  • 24. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 24 Études Urbaines A droite « urban terrasse », à gauche « urbanseat », exemples de mobilier urbain intelligent. Source : www.leplanb.com Les promoteurs immobiliers ou les aménageurs privés ont également un rôle à jouer sur les conditions de circulation des piétons en ville. Ils n’agissent pas directement sur l’espace public mais placent au cœur de leur réflexion les interactions et potentiels conflits entre les habitants de leurs immeubles et les usagers de l’espace public. En effet, il leur faut trouver, lors de la conception de chacun de leurs projets, un juste milieu entre le fait de fermer leur espace pour protéger les habitants des éventuels dangers ou nuisances extérieures au risque de créer un endroit hermétique qui donnerait une impression d’enfermement, et le fait de créer un espace ouvert qui offre des vues dégagées mais qui pourrait engendrer de mauvais usages ou un manque d’intimité des habitants.
  • 25. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 25 Études Urbaines Les usagers de l’espace urbain communiquent leurs besoins et leurs attentes aux pouvoirs publics au travers d’associations ou de lobbies qui représentent leurs intérêts. Ils peuvent donner leur avis à titre individuel lors de réunions de concertation ou tout simplement en votant pour élire leurs représentants à l’échelle locale, nationale ou européenne. Les villes commandent les aménagements de l’espace urbain aux entreprises spécialisées (aménageurs, bureaux d’études, architectes…). Elles doivent suivre les prescriptions et lois nationales et européennes et peuvent s’appuyer sur les guides édités par des organismes comme le Certu pour conduire leurs aménagements. Les différents acteurs du confort des piétons en ville Source : Études Urbaines
  • 26. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 26 Études Urbaines I.B.2 UNE DIVERSITE DE PIETONS Il serait tentant de définir un piéton « standard » auquel on adapterait l’ensemble des équipements. Si l’on réfléchissait ainsi, le piéton « standard » serait un adulte n’ayant pas de difficulté particulière pour se déplacer. Il marcherait sans fatigue à une vitesse de l’ordre de 1m/s (3,6 km/h). Il serait capable de lire et de comprendre les panneaux de signalisation, et d’agir en conséquence. Sauf que ce piéton « standard » n’a pas de sens quand on essaye d’améliorer la ville pour tout le monde ! À la question DU piéton, il faut préférer celle DES piétons. En effet, ceux-ci sont multiples, et tenter de prendre comme référence un individu qui serait le piéton-type serait illusoire. Pour saisir la complexité du problème, il est essentiel d’aborder ces piétons dans toute leur diversité. Chaque catégorie présente des problématiques particulières pour lesquelles il est du devoir des aménageurs de proposer des réponses adaptées ; toutes les lois relatives à l’égalité des chances vont d’ailleurs dans ce sens. La question de l’accessibilité est, bien évidemment, en jeu mais il ne faut surtout pas se restreindre à cette notion. Sans être exhaustifs, nous distinguons les catégories suivantes, qui peuvent s’entrecouper et qui représentent des individus qui sont des piétons au même titre que les autres. LES ENFANTS Les enfants en bas âge sont généralement accompagnés de leurs parents ou d’autres adultes responsables lors de leurs déplacements. Une enquête réalisée par l’Institut pour la Ville en Mouvement sur la mobilité des adolescents révèle que près d’un tiers des enfants de onze ans peuvent sortir seuls dans la rue pendant la journée 5 . Les enfants ne comprennent pas toujours la signification des panneaux de signalisation et ne se rendent pas toujours bien compte du danger que peut constituer, par exemple, la traversée d’une rue. La taille des enfants de onze ans, de l’ordre de 1m40, les rend difficiles à repérer pour un automobiliste car ils peuvent, par exemple, être dissimulés par une voiture en stationnement. LES PERSONNES AGEES Les personnes âgées se déplacent souvent avec plus de difficultés que les plus jeunes. Elles éprouvent plus vite de la fatigue et apprécient de pouvoir s’asseoir régulièrement. Elles se déplacent aussi moins vite que les personnes plus jeunes, la traversée d’une rue est donc plus dangereuse car le temps pendant lequel le feu piéton reste au vert peut être trop court pour elles. Les personnes âgées peuvent également avoir des difficultés à lire les panneaux de signalisation du fait de leur vue affaiblie. LES TOURISTES Les touristes, s’ils n’ont en général pas de difficulté particulière pour se déplacer à pied, sont en terrain inconnu. Ils ne comprennent pas nécessairement la langue du pays dans lequel ils se trouvent et peuvent avoir du mal à interpréter les pictogrammes et autres panneaux de signalisation graphiques. 5 François de Singly, « La liberté de circulation de la jeunesse », Institut pour la ville en mouvement
  • 27. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 27 Études Urbaines LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP La loi du 11 février 2005 propose une définition du handicap : « toute limitation d’activité ou restriction de la participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ». Elle reconnaît 6 types de handicap, chacun présentant des difficultés différentes concernant les déplacements piétons. LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MOTEUR Souffrant d’une atteinte à leur capacité de tout ou partie du corps à se mouvoir, les handicapés moteurs présentent une réduction de leur autonomie nécessitant parfois de recourir à une aide extérieure pour l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. Certains utilisent des béquilles, ils se déplacent généralement plus lentement et ont besoin de plus d’espace que les autres piétons. Ils se fatiguent vite et apprécient de pouvoir s’asseoir. Les utilisateurs de fauteuil roulant ont besoin d’un environnement bien adapté, avec un revêtement de sol plutôt lisse, et ne peuvent monter que des marches très petites. Traverser une rue n’est possible que si les trottoirs sont abaissés au niveau du passage piéton. Les utilisateurs de fauteuil roulant éprouvent de grandes difficultés à monter ou descendre des pentes supérieures à 5%. LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP COGNITIF Les fonctions cognitives sont l’ensemble des fonctions de la cognition (lire, parler, mémoriser, comprendre), la faculté de percevoir (voir, entendre) et la faculté de motricité. Un handicap cognitif rend alors très difficile au malade le traitement des informations lui parvenant et ses actions au sein d’un environnement aussi complexe que l’espace public. LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP SENSORIEL Les malvoyants perçoivent bien la signalisation lumineuse mais éprouvent des difficultés à lire les panneaux de signalisation s’ils ne présentent pas un contraste suffisant ou si les caractères utilisés sont trop petits. Afin de les aider à repérer le bord d’un trottoir ou les marches d’un escalier, des bandes contrastées sont placées sur le sol. Les non-voyants peuvent se déplacer seuls s’ils sont équipés d’une canne ou accompagnés d’un chien guide d’aveugle. Ils utilisent les reliefs du sol (bordure de trottoir, bandes podotactiles) ainsi que les informations sonores (bruits de la circulation, feux tricolores équipés de signalisation sonore) pour se repérer. Dans les lieux ouverts (halls de gare par exemple), des bandes de guidage podotactiles peuvent être installées pour les aider à circuler de façon efficace. Les malentendants, quant à eux, ne perçoivent pas certains signaux sonores annonçant un danger, comme le bruit d’une voiture, ou éprouvent des difficultés pour communiquer et, par exemple, demander leur chemin. LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MENTAL Impliquant une déficience du niveau du développement intellectuel mesuré par rapport à ce qui est considéré, dans une société donnée, comme un développement intellectuel « normal » en fonction de l’âge réel de la personne, le handicap mental entraîne des difficultés, notamment dans la vie urbaine, pour celui qui en souffre. Un apprentissage normal est rendu impossible et avoir une
  • 28. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 28 Études Urbaines réaction appropriée aux circonstances de la vie quotidienne est nécessairement compliqué. LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP PSYCHIQUE Le handicap psychique résulte d’une maladie de la pensée ou de la personnalité dont les symptômes, essentiellement comportementaux, causent une profonde souffrance au malade et font obstacle à son intégration sociale. Est-ce possible, et si oui, comment l’aider alors à maîtriser ses angoisses ou ses troubles lors de ses déplacements piétons ? ET TOUS LES AUTRES… Chacun peut être amené à être une personne à mobilité réduite, ponctuellement ou régulièrement ! Les piétons transportent parfois des objets encombrants : valises, colis, sacs de courses... Les parents d’enfants en bas âge utilisent généralement des poussettes ou landaus pour se déplacer avec leurs enfants. Ces personnes ont besoin de plus d’espace que les piétons standards pour marcher confortablement. Certains lieux sont particulièrement fréquentés par des personnes transportant des objets ou des personnes équipées de poussettes : les abords des gares (voyageurs équipés de valises), les zones commerciales (livreurs, personnes ayant fait des achats), les abords des écoles et crèches (poussettes et landaus), les squares et espaces verts (poussettes et landaus). En définitive, les piétons sont pluriels et doivent être abordés comme tels à partir du moment où le souci de la collectivité est de proposer une égalité de traitement des individus au sein des espaces publics. I.B.3 UNE DIVERSITE DE RAISONS DE MARCHER Les piétons sont non seulement différents dans leur nature mais ils le sont aussi dans leurs actes et dans les raisons qui les conduisent à se déplacer à pied. La marche est une attitude naturelle de l’être humain : dès notre lever, nous posons le pied au sol et devenons des piétons ! Il y a bien d’innombrables raisons de marcher. De manière générale, nous pouvons les regrouper comme suit. LA MARCHE COMME MODE DE DEPLACEMENT La marche est évidemment, comme nous l’avons vu, un mode de déplacement. Il est particulièrement efficace sur de courtes distances de l’ordre du kilomètre. D’après l’étude de Keijer et Rietveld (2000), sur des distances inférieures à deux kilomètres en environnement urbain, aucun mode de déplacement n’est plus rapide ni plus pratique que la marche. Le graphique suivant l’illustre de façon schématique.
  • 29. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 29 Études Urbaines Efficacité comparée des principaux modes de déplacement utilisés en milieu urbain, ici à Paris. Source : Alain Boulanger La marche constitue aussi un mode de déplacement complémentaire qui intervient dans pratiquement tous les trajets et ce quel que soit le mode principal utilisé. Comme nous l’avons vu, les correspondances entre deux modes de déplacement ou l’interconnexion entre deux lignes d’un même réseau de transport en commun sont assurées à pied par l’usager. Le trajet terminal de chaque déplacement, parfois appelé « le dernier kilomètre », représente le trajet entre le lieu où l’individu laisse son mode de déplacement principal (le lieu où il a garé sa voiture, la station de sortie du réseau de transport en commun, etc.) et son objectif. Ce trajet est couvert à pied : c’est la marche résiduelle. Enfin, en cas d’indisponibilité d’un mode de déplacement, la marche apparaît comme le mode de substitution ultime d’un individu valide. Le nombre de piétons dans une ville augmente nettement lors d’une grève de transports en commun, par exemple. MARCHE ET LOISIRS La marche apparaît comme le support de plusieurs pratiques récréatives. Un touriste, par exemple, aura souvent tendance à se déplacer à pied car cela lui permet de découvrir la ville à un rythme paisible qui l’autorise à s’arrêter très facilement pour lire une indication dans un guide ou prendre une photo. Certaines manifestations comme les marchés ou les brocantes sur l’espace public imposent naturellement aux visiteurs d’être piétons. Les zones commerçantes d’un centre-ville sont, elles aussi, fréquentées en majorité par des piétons, le rythme de la marche se prêtant bien à un achat loisir : le passant s’arrête quand une vitrine attire son attention, ce qui est impossible lors d’un déplacement plus rapide. Des lieux de loisirs calmes comme les squares ou jardins sont également des espaces presqu’exclusivement piétons (d’autres modes de déplacement doux tels que le vélo pouvant être tolérés). Marcher est une activité qui implique le corps. Ainsi, certains décident de marcher pour entretenir leur santé ou leur ligne et d’autres pratiquent la marche comme un sport : randonnées ou marches sportives en témoignent. 6 km Métro Voiture 5 km 4 km Vélo 3 km 2 km 1 km Marche 0 km 0 5 10 15 20 25 30 Minutes Deux roues motorisés
  • 30. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 30 Études Urbaines LA MARCHE COMME MODE D’EXPRESSION Le fait de marcher peut parfois revêtir une signification politique, religieuse, ou morale. Le mode de protestation populaire le plus courant en France reste, en effet, la manifestation sur la voie publique. L’impact de tels rassemblements piétons est d’autant plus important que les circulations utilisant d’autres modes de déplacement sont rendues difficiles voire impossibles : voies coupées, stations de métro fermées, etc. Manifestation sur la voie publique à Paris, en janvier 2013 Source : Études Urbaines Des actes religieux incluent la marche à pied. Lors d’un pèlerinage, les fidèles ont souvent à parcourir de longues distances à pied, le rythme de la marche se prêtant bien à la réflexion. L’histoire nous montre d’autres exemples de pratique de la marche à pied de façon revendicative. Le plus connu est peut-être celui qui fut à l’origine de l’abolition de la ségrégation raciale aux Etats-Unis : Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, couturière noire, qui emprunte le bus qui doit la ramener chez elle, refuse de céder sa place à un Blanc pour qu’il puisse s’asseoir, comme l’exige le conducteur, et est alors arrêtée. Le soir suivant, 50 dirigeants de la communauté noire, dont Martin Luther King Junior, se réunissent et décident le boycott des autobus de Montgomery, à partir du 5 décembre 1955. En temps normal, 17 500 passagers noirs empruntaient quotidiennement ces bus, et représentaient à eux seuls 75% de la clientèle de la compagnie. Durant les 381 jours que dura le boycott, on put observer, partout en ville, des Noirs se rendant à pied au travail, parfois très loin. Le boycott des bus était une action pacifique, mais qui donnait à la communauté noire un sentiment nouveau de force et d'unité, et l'espoir de jours meilleurs. La Cour Suprême des États-Unis finit par reconnaître que la ségrégation était à l'encontre de la constitution. Récit de la première action de groupe visant à abolir la ségrégation raciale aux Etats-Unis Source : M. Houdot, ancien professeur d’histoire, propos publiés sur http://vladimir.pronier.free.fr/La-marche-revendicative.htm consulté le 23/12/2012
  • 31. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 31 Études Urbaines MARCHE CHOISIE, MARCHE SUBIE S’il est clair que l’individu choisit d’être piéton dans le cadre de ses loisirs ou lorsqu’il souhaite s’exprimer de la sorte, marcher pour se déplacer n’est pas toujours un choix. Dans de nombreux cas, l’individu qui marche n’a pas l’impression de choisir un mode de déplacement : il marche car aucune autre possibilité ne lui est offerte. Cela peut être dû à un manque de moyens financiers : la personne ne peut assumer le coût d’un véhicule personnel (voiture, deux-roues) ni le prix des trajets en transports en commun. Dans d’autres cas, c’est l’absence d’infrastructures de transports en commun pertinentes pour le trajet à effectuer qui est en cause. La marche résiduelle, quant à elle, est par essence une marche subie : le trajet considéré ne peut être couvert autrement qu’en marchant. Cette distinction marche choisie/marche subie est primordiale : sur un parcours donné, le ressenti du piéton sera différent suivant s’il a choisi de marcher ou s’il y est contraint. Les différentes raisons de marcher Source: Études Urbaines En définitive, les piétons divergent dans leurs natures ainsi que dans les raisons qui les conduisent à marcher. Nous notons une autre différence importante : le rythme et l’allure de cette marche. Marche comme instrument de loisir Marche comme mode d’expression Marche comme mode de déplacement Marche subieMarche résiduelle Marche choisie
  • 32. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 32 Études Urbaines I.B.4 UNE DIVERSITE DES RYTHMES ET DES ALLURES Les chercheurs Marc et Helen Bronstein ont réalisé des études sur le rythme de vie en ville dans les années 70. Ils ont montré que la vitesse de déplacement des piétons était plus élevée dans les grandes métropoles : c’est l’apparition de la notion de rythme de vie. « Le rythme de la vie varie de manière régulière en fonction de la population des villes, et ce, sans prendre en compte les paramètres culturels. » [Marc et Helen Bronstein] Après une première étude sur le rythme de vie réalisée par Robert Levine en 1999, Robert Wiseman, psychologue britannique, a réalisé sa propre étude sur le sujet en 2006. Il a demandé à une équipe de chercheurs de chronométrer les piétons qui marchaient seuls, sans sacs de courses ni téléphone à la main, sur une distance de 60 pieds (18.29 mètres) dans une large rue pleine de monde sans pente et sans obstacles. Il en a déduit les résultats visibles sur le graphique ci- contre. Cette étude montre que l’évolution de la vitesse de déplacement résulte de facteurs plus complexes que la simple croissance du PIB : si New York était la ville étudiée la plus riche, elle ne pointe qu’à la 8 ème place en termes de vitesse de déplacement. Jacques Levy, géographe français et professeur de géographie et d’aménagement de l’espace à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, parle alors de « vitesse contextuelle ». En effet, s’il y a un grand nombre de piétons sur un trottoir, tous ne se déplacent pas à la même vitesse : certains se promènent tranquillement, d’autres marchent à un rythme soutenu, un attaché-case à la main. Plusieurs temporalités se croisent alors : celles de la vie quotidienne, celles de la vie économique, celles du tourisme.... Résultats de l’étude de Robert Wiseman sur le rythme de vie Source : Urbanews.fr
  • 33. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 33 Études Urbaines Avec l’avènement de la société de service et l’essor du temps libre, les temps de la vie quotidienne sont désynchronisés et le partage entre temps de travail, de loisirs, d’activités marchandes, d’activités domestiques n’est plus fixe et change suivant le régime contractuel des gens (35h par semaine, 4 jours sur 5 de travail, mi-temps…). Ainsi à un même moment de la journée, nous pouvons trouver à un même endroit des personnes dont les motifs de déplacement sont totalement différents (Voir graphique ci-dessous). Etude des pointes de trafic selon le motif de déplacement Source : Sonia Lavadinho Pourtant, tous ces piétons qui se trouvent dans différentes temporalités et qui ont des allures différentes doivent partager l’espace public afin d’être efficaces dans leur déplacement. Chaque piéton suit alors une « ligne de désir » en fonction du motif de son déplacement : la ligne de désir du piéton pressé sera une trajectoire optimisée pour parcourir la plus grande distance en un temps limité tandis que la ligne de désir d’un promeneur sera plus sinueuse. Pour plaire à tous, il s’agit donc de « stimuler les lignes de désir en créant des environnements agréables » (d’après Sonia Lavadinho) et d’arriver à un équilibre entre les mobilités de transit et les séjours dans un même espace public. Pour s’adapter à l’évolution des usages de l’espace public en fonction du moment de la journée tout en tenant compte du manque de place en milieu urbain dense, Sonia Lavadinho préconise la création d’espaces « palimpsestes » c'est-à-dire d’espaces dans lesquels plusieurs couches d’activités différentes se superposent en fonction des moments de la journée. Le caractère palimpseste d’un espace peut s’obtenir, par exemple, à l’aide de mobilier urbain plurifonctionnel comme par exemple le banc public sur la photographie ci-dessous qui a été mis en place à Bruxelles et qui sert à la fois de banc pour s’asseoir ou de jeu pour enfants. Un banc public plurifonctionnel à Bruxelles Source : Sonia Lavadinho
  • 34. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 34 Études Urbaines Les bases de la question des piétons dans la ville sont maintenant exposées. S’il faut retenir une chose, c’est bien la complexité du problème qui nous est posé : les piétons sont non représentables par un individu type, car ils sont variés dans leurs natures, dans leurs buts ainsi que dans leurs rythmes. De plus, la situation des piétons est au cœur d’un jeu d’acteurs complexe où s’opposent les intérêts particuliers… mais ce jeu mérite vraiment d’être joué, tant les intérêts pour les collectivités à développer des politiques pro-piétonnes sont importants. Avant même de concevoir une politique ou un plan d’action pour promouvoir la marche en ville, nous avons souhaité nous demander ce qui faisait le confort des piétons. Cette question est fondamentale : c’est forcément en améliorant ce confort que la marche deviendra un mode de déplacement véritablement intéressant pour l’individu, un mode de déplacement choisi et non subi.
  • 35. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 35 Études Urbaines II. LE CONFORT DES PIETONS Nous avons choisi, pour les raisons qui seront développées dans cette partie, d’aborder notre sujet suivant l’angle du confort. La nécessité de recueillir les ressentis des usagers de l’espace urbain nous est apparue comme évidente étant donné la subjectivité de la notion de confort, mais ces enquêtes de terrain, pour être pertinentes, devaient être établies en suivant une méthode d’analyse précise déterminée au préalable. Nous allons ici vous présenter la méthode que nous avons retenue. II.A. CHOIX DU THEME ET HYPOTHESES RETENUES II.A.1 POURQUOI CHOISIR LE THEME DU CONFORT DES PIETONS ? UNE NOTION COMPLETE ET ACCESSIBLE A TOUS Nous avons vu que le sujet de la marche urbaine est aujourd’hui beaucoup débattu. Si tout le monde s’accorde sur les bienfaits que la pratique de la marche a sur notre santé individuelle et sur la santé de nos villes, en termes de réduction des nuisances principalement, tout le monde ne l’approche pas de la même façon. Certains restent très terre-à-terre et techniques, en parlant de déplacement, de largeur de trottoir, de mobilier urbain et de moyen de locomotion quand ils abordent le thème de la marche urbaine ; d’autres la voient plutôt comme un vecteur de lien social, un acte sensible, voire sensuel et charnel, stimulant nos sens en faisant intervenir directement le corps. Parler de la marche, c’est avant tout parler d’un sujet pour lequel tout le monde est capable de donner son avis, son ressenti. Tout le monde est compétent puisque tout le monde est, à un moment ou un autre, piéton. Aussi, parler de la marche doit se faire dans des termes accessibles à tous, pour que chacun puisse prendre part au débat s’il a lieu d’être. La question se pose de trouver un angle d’approche qui soit à la fois global, compréhensible à tous et pertinent. La notion de confort, qui renvoie à l’univers domestique, permet, comme le dit fort justement Jean-Pierre Charbonneau, « de s’immiscer dans le débat qui se limite souvent à une négociation entre lobbies » 6 . Il faut en effet avoir conscience d’une chose : aujourd’hui il n’existe quasiment aucun groupe de pression défendant les intérêts des piétons, contrairement à ce qui peut être le cas pour les autres usagers de l’espace urbain (automobilistes, utilisateurs de transports en commun, cyclistes). La notion de confort a le mérite d’être compréhensible par tous et d’évoquer aussi bien des problématiques purement techniques (largeur de trottoir, mobilier urbain,…) que d’autres tendant plus vers des questions de ressenti ou de rapport social. Le confort des piétons reste cependant une notion délicate à aborder. Tout d’abord parce qu’elle recouvre plusieurs aspects techniques différents mais aussi et surtout car, comme nous allons le voir, tout le monde en a sa propre définition. 6 Jean-Pierre Charbonneau, Pour des lieux intenses, hospitaliers, confortables, Diagonal de décembre 2010
  • 36. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 36 Études Urbaines UN THEME DEJA ABORDE PAR LES SPECIALISTES Ce sujet du confort de la marche a déjà été abordé par des spécialistes de l’urbain, et nous souhaitons en particulier revenir sur les écrits de Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste-consultant et conseiller en politiques urbaines et culturelles, et Rachel Thomas, sociologue et chargée de recherche au CRESSON. Les urbanistes voient la marche urbaine comme une façon de se déplacer en ville et de relier différents éléments qui la constituent. Elle représente un instrument de réflexion et de mise en œuvre de la planification urbaine et une solution aux divers problèmes environnementaux. Jean-Pierre Charbonneau travaille depuis longtemps sur l’amélioration de la qualité de vie en ville et place la marche urbaine au centre de sa démarche. Pour qu’il y ait confort selon lui, il faut de « l’espace et de la continuité ». A ses yeux, la répartition de l’espace pose aujourd’hui problème. On cherche en ville à mettre en un même lieu, en une même rue, tous les modes de déplacements : des files de voitures, des couloirs de bus ou de tramway, des pistes cyclables et souvent (si ce n’est toujours) la marche est la pratique qui en souffre le plus, récupérant l’espace restant, à savoir 1 ou 2m de largeur. Ce manque d’espace pour la pratique de la marche est une source certaine d’inconfort qui se trouve encore amplifiée par deux choses : Dans un premier temps, l’espace déjà bien faible de la marche se voit rétréci car occupé par la présence de linéaires d’arbres et d’une multitude de mobiliers urbains (poteaux, potelets, armoires électriques…) servant dans la plupart des cas à empêcher les conflits entre la marche et les autres modes. Tout ce qui est nécessaire pour assurer un bon usage et la sécurité de tous s’accumule, souvent de manière anarchique, sur l’espace dédié à la marche, le trottoir. Cette surabondance d’éléments entraine un inconfort presque systématique, la largeur libre de trottoir étant si petite que deux piétons ne peuvent s’y croiser. La présence de mobilier est bien sûr nécessaire : des bancs, de l’éclairage, de la végétation sont utiles, mais leur intégration devrait toujours être le résultat d’une réflexion ayant pour ligne directrice le maintien du confort des déplacements pédestres. Certains éléments pourraient être fixés de façon à libérer l’espace au sol (luminaires placés en console sur les bâtiments au lieu de candélabres). L’espace pourrait aussi, tout simplement, être gagné sur la chaussée plutôt que sur le trottoir, c’est là toute la réflexion de Jean-Pierre Charbonneau. Dans un second temps cette accumulation des modes de déplacements sur un même espace engendre des traversées complexes et inconfortables puisque le piéton est très souvent obligé d’attendre ou d’effectuer un arrêt intermédiaire au cours de la traversée d’un axe circulé. Si l’époque où la voiture était reine semble révolue, les infrastructures qui lui sont dédiées ne sont aujourd’hui que très peu modifiées, voire inchangées selon la ville où l’on se trouve. Cette ère de l’automobile parait désormais avoir laissé place à celle des transports en communs, Jean-Pierre Charbonneau qualifie même cela d’un passage «d’une technocratie des voitures à une technocratie des transports en commun ». Ces linéaires de transports qui initialement sont réalisés pour connecter différents territoires et quartiers, engendrent bien souvent des éléments de rupture forts pour le piéton, générant un inconfort pour la marche. La place de la marche dans ces politiques de déplacement et de transports est bien faible alors que celle-ci devrait se situer au cœur de cette politique en formant le « liant », la « pâte » qui les assemble. Selon Jean-Pierre Charbonneau on « compense l’exiguïté de l’espace laissé au marcheur par une approche
  • 37. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 37 Études Urbaines esthétisante » au sein de laquelle on favorise l’utilisation de certains matériaux ou mobiliers. Cela a pour conséquence de « substituer le paraitre au confortable ». La continuité est pour Jean-Pierre Charbonneau nécessaire pour rendre la marche confortable. Un confort partiel ou ponctuel de la marche apparait comme insuffisant car cela doit se réfléchir à une échelle globale. Trop souvent on tend à travailler à l’échelle d’un projet, d’un îlot sans prendre en compte son environnement, sans agir sur celui-ci. Assurer le confort de la marche à l’échelle du projet est faisable mais pas forcément pertinent si les cheminements menant à celui-ci se font dans des conditions défavorables. Jean-Pierre Charbonneau, au travers de plusieurs projets menés en qualité de consultant, nous livre plusieurs exemples d’aménagements qui réussissent à réellement prendre en compte le confort des piétons. Dans le cadre du réaménagement du Grand Lyon, la démarche utilisée fut d’élargir le périmètre du projet de façon à ce que le confort du piéton qui accède au site soit équivalent au confort du piéton qui évolue au sein du site, et ce sans que les solutions imaginées ne soient complexes. L’élargissement des trottoirs et l’amélioration des traversées piétonnes ont suffi pour assurer une continuité du confort ressenti par les piétons. L’objectif était de ne pas considérer le projet comme un élément ponctuel mais de travailler aussi le tissu au sein duquel il s’insérait. A Copenhague, l’idée retenue a été d’agir sur l’ensemble de la ville, dans chacun des quartiers en parallèle. Cela a permis, non seulement de garantir une bonne égalité entre les territoires qui constituent la ville (pas de lieu laissé pour compte), mais aussi de créer une véritable continuité piétonne dans toute la ville. Ce projet s’est traduit par la création du Copenhagen Urban Space Action Plan (CUSAP, Plan d’Action pour l’Espace Urbain de Copenhague). Ce plan a pour but principal de créer une cohérence entre tous les projets touchant à l’espace urbain. L’objectif et le fil directeur du plan et des projets qui y sont rattachés est d’améliorer la qualité de vie en ville en facilitant la marche et en garantissant son confort. Dans le plan sont décrits aussi bien des actions ponctuelles d’amélioration de l’espace public (places, squares…) que des projets d’aménagements linéaires permettant de les relier et de créer une continuité, un maillage piéton dans la ville. Le plan prévoyait des aménagements lourds et sophistiqués combinés à d’autres, plus simples et plus immédiats. Chez les sociologues, l’approche est un peu différente. Contrairement aux urbanistes et aménageurs, ils sont moins intéressés par les aspects de durabilité, de renouvellement urbain et voient moins la marche comme un mode de déplacement. C’est parce qu’elle constitue une « activité d’ancrage du piéton dans la ville » et parce qu’elle permet au piéton « d’être urbain et de faire la ville » que la marche doit être au cœur des problématiques urbaines. Dans le domaine de la recherche, la marche fût pendant longtemps un « instrument d’observation, d’analyse et de compréhension » des multiples composantes de la ville et de ses diversités. Les travaux de Rachel Thomas montrent bien que la marche n’est pas seulement une pratique qui permet de se déplacer entre deux points de l’espace urbain par la simple action de mettre un pied devant l’autre. L’intérêt de la marche réside avant tout dans l’expérience que cet acte de mouvement représente, c’est l’ensemble des connexions sensorielles, des stimulations et des échanges avec la ville qui font l’urbanité. Elle parle alors de la marche comme d’une « posture intellectuelle », un «mode de résistance au présent » mais aussi comme un « outil de recherche en soi ». La marche apparait comme une communication du corps et de l’esprit du piéton avec la ville, elle est modulée par celle-ci et la module aussi.
  • 38. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 38 Études Urbaines Dans les travaux de Rachel Thomas, la marche pourtant banale pour tout homme apparait comme étant d’une très grande complexité. Elle se définit par une certaine lenteur et indépendance à tout élément technologique. Nous l’avons vu, la marche est complexe car diverse, elle se décline en différents types de marche, différentes raisons de marcher, et agit en résonnance avec son environnement. La marche « s’ancre à l’espace et aux ambiances ». L’acte de marcher prend au sein des travaux de la sociologue une nouvelle dimension, celle du corps encore très peu traité aujourd’hui. Celle-ci suppose des « corps à corps » avec les éléments constituant l’environnement dans lequel elle s’effectue, les matériaux, les autres marcheurs, les éléments matériels, les intempéries… Rachel Thomas remet en cause l’évolution que prennent les villes actuellement, à savoir, l’apaisement progressif qu’elle qualifie « d’aseptisation » et qui pourtant tend à développer les modes de déplacements alternatifs comme la marche. Pour elle, cette évolution qui vise à uniformiser les espaces de la marche, à y supprimer les obstacles, à les rendre esthétiques et cohérents, menace l’âme de la marche qui se trouve dans ces « corps à corps ». Sans ces « aspérités » qui correspondent à des obstacles pour l’aménageur et le marcheur, il n y a plus de « corps à corps ». La crainte ici que le corps ne soit plus contrarié dans son déplacement semble montrer un autre malaise, celui d’une marche monotone ne provoquant pas le regard et le questionnement du marcheur. Les travaux de Rachel Thomas visent à se demander si, sans les défauts de l’espace urbain, la marche ne deviendrait pas un mode de déplacement comme les autres : la simple action de rejoindre un point A à un point B sans jamais interagir avec la ville. L’intérêt ici porté à Jean-Pierre Charbonneau et à Rachel Thomas n’est pas anodin. Ils représentent deux domaines ayant des points communs et des divergences dans leur façon d’appréhender la marche et d’imaginer son évolution. Ils sont tous deux des spécialistes dans leur domaine respectif et voient, comparativement à d’autres professionnels de leur discipline, d’une manière nouvelle et plutôt radicale le sujet de la marche en ville.
  • 39. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 39 Études Urbaines II.A.2 DEFINIR LE CONFORT DES PIETONS Il faut comprendre une chose : il serait illusoire de vouloir donner une définition générale et figée au confort de la marche. Premièrement, parce que la notion est éminemment subjective et les paramètres qui influent sur ce confort le sont également et, deuxièmement, parce que le choix même de ces paramètres est loin d’aller de soi. Ainsi, nous avons commencé par donner un cadre à notre réflexion en nous basant sur la définition du confort du dictionnaire Larousse. Nous y avons trouvé que le confort est « l’ensemble des commodités, des agréments qui produisent le bien-être matériel » mais nous y avons aussi lu que le confort est « la tranquillité psychologique, intellectuelle et morale obtenue par le rejet de toute préoccupation ». Ces notions de « bien-être matériel », de « tranquillité psychologique, morale et intellectuelle » et de « préoccupation » ont autant d’interprétations que d’interprètes. Il y a donc autant de définitions du confort que de cultures, que de villes et donc que de piétons. C’est sur ce constat que nous avons défini une méthode afin de traiter cette notion subjective et indéfinissable qu’est le confort des piétons de manière absolue. La question à laquelle nous souhaitons répondre est la suivante : Qu’est-ce qu’une ville confortable pour les piétons ? En cherchant à être le plus exhaustif possible mais tout en ayant conscience de la difficulté de la tâche, nous avons réuni un ensemble de paramètres qui, selon nous, doivent être étudiés lorsque nous nous interrogeons sur le confort des piétons. Nous les avons regroupés en 4 grands axes qui facilitent l’approche de la notion de confort en la rendant plus compréhensible. Nécessairement non exhaustifs, ils présentent l’intérêt de proposer une approche large, et surtout compréhensible. C’est sur ces quatre axes que nous avons évalué le confort lors de nos relevés d’information sur le terrain auprès des habitants des différentes villes, mais aussi auprès des autres étudiants qui nous ont accompagnés lors de notre étude sur site. Ainsi, de nos réflexions, est ressorti le fait qu’une ville confortable pour les piétons est avant tout: - Une ville praticable - Une ville rassurante - Une ville lisible - Une ville plaisante VILLE PRATICABLE La ville praticable rend possible les déplacements de tous les piétons dans la ville et les facilite en limitant les obstacles et en proposant des solutions adaptées aux contraintes du terrain (ex : topographie, climat,…). Elle permet aux piétons d’aller d’un point A à un point B sans qu’ils ne rencontrent de difficulté particulière sur leur trajet. La ville praticable ne génère pas d’exclusion car elle prend en compte la diversité des besoins de tous les piétons. VILLE RASSURANTE La ville confortable pour les piétons, selon nous, c’est aussi la ville rassurante qui apaise la relation entre les piétons et les autres modes de transport, notamment sur les zones de conflits telles que les traversées piétonnes, ainsi qu’entre les piétons eux-mêmes. Elle crée un sentiment de sécurité bénéficiant à tous. Elle interroge la hiérarchie entre les modes, les rapports de force, ainsi que la sécurité même des usagers.
  • 40. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 40 Études Urbaines VILLE LISIBLE Une ville confortable c’est aussi une ville lisible, une ville compréhensible pour ses piétons. Cette lisibilité de l’espace passe notamment par l’optimisation des informations qui sont fournies et ce quelques soient les supports utilisés : panneaux, marquages au sol, affiches, cartes, supports numériques... La ville lisible permet aussi aux usagers de l’espace urbain de savoir, d’un simple coup d’œil, quels sont les espaces qu’ils peuvent utiliser et ceux qui leurs sont interdits. Elle répond aux attentes de chacun concernant le repérage et l’orientation dans la ville. VILLE PLAISANTE Ces trois premiers aspects de praticabilité, lisibilité et de sécurité visent avant tout à limiter l’inconfort des piétons mais le dernier va plus loin. La ville plaisante n’est pas neutre et ne se limite pas à l’absence de gêne : elle rend la marche agréable de manière à ce que les piétons aient plaisir à se déplacer. Si ce plaisir de marcher n’est pas évident à obtenir à priori lorsque la marche est subie, il peut toutefois être généré, dans une ville plaisante, par des sources simples liées aux cinq sens telles qu’un bâtiment dont l’architecture élaborée est agréable à regarder, une odeur agréable due à la végétation ou à l’activité de certains commerces (boulangerie, fleuriste…) ou encore la présence d’un artiste de rue sur le trajet des piétons. Nous avons restreint l’étude du confort de la marche à l’interrogation de ces 4 grands aspects. Comment peut-on agir sur eux pour améliorer de façon concrète le confort des piétons ? C’est pour répondre à cette question que nous sommes allés à la rencontre des piétons à Paris mais aussi dans les 5 grandes villes dans lesquelles nous nous sommes rendus : Berlin, Casablanca, Copenhague, Fès et New-York. Avant notre départ, il nous a fallu déterminer la méthode que nous allions utiliser pour relever cette information.
  • 41. LA VILLE EN MARCHE : UN PAS VERS LE CONFORT DES PIETONS 41 Études Urbaines II.B UN BESOIN D’INFORMATIONS ET UNE METHODE POUR LES RECUEILLIR II.B.1 PLUSIEURS METHODES DE RECUEIL D’INFORMATIONS Il existe, bien sûr, plusieurs méthodes pour recueillir les informations sur un lieu, sur une ville. Certaines sont utilisées par des professionnels qui s’interrogent eux- mêmes sur leurs propres ressentis de la ville, en tant que piétons, d’autres font intervenir les usagers de l’espace auxquels on pose des questions dans le cadre d’une enquête. Nous présentons ici brièvement quelques méthodes pouvant être utilisées pour recueillir des informations sur le confort des piétons en ville. LES MARCHES EXPLORATOIRES Une marche exploratoire est une pratique qui permet d’identifier les « points noirs » le long d’un parcours dans la ville, afin d’imaginer des aménagements pertinents permettant d’améliorer le confort des piétons qui l’empruntent. Il s’agit de rassembler une vingtaine de personnes issues d’horizons divers : spécialistes de l’espace urbain de domaines de compétence différents, citoyens d’âge ou de milieux différents, etc. Ces « marcheurs » vont ensuite cheminer, ensemble ou séparément, le long du parcours que l’on cherche à évaluer, et s’interroger sur leurs ressentis en notant leurs observations dans une grille qui leur a été fournie. Celle-ci peut mettre l’accent sur des thèmes particuliers (éclairage, revêtement, bruit, par exemple) ou rester assez générale. L’utilisation d’une grille commune permet de traiter les résultats d’une façon satisfaisante et pertinente. LES ENQUETES DE SATISFACTION Afin de connaitre les besoins et les attentes des piétons ou d’évaluer un aménagement déjà réalisé, il est possible de procéder à des enquêtes de satisfaction. Les usagers d’un espace sont interrogés directement dans la rue, au plus près du lieu que l’on cherche à évaluer. La ville de Berlin a réalisé début 2012 une grande enquête de satisfaction auprès des ménages sur tout leur territoire, afin de déterminer des priorités dans les actions à mener. LES ENQUETES SUR LES HABITUDES DE DEPLACEMENT Certaines villes procèdent à de larges enquêtes sur les habitudes de déplacements de leurs habitants. A Paris et en région parisienne, c’est l’Enquête Globale Transport (EGT), réalisée tous les 10 ans, qui remplit ce rôle. Ces enquêtes sont réalisées à grande échelle. A Paris, c’est toute la région parisienne qui est observée au travers de 18 000 foyers interrogés (soit 43 000 personnes !). Ces enquêtes sont une source d’information précieuse. Elles permettent en effet de comprendre quels sont les déplacements que les personnes effectuent à pied (quel en est le but, quelle en est la portée ?) et dressent un portrait fidèle des habitudes de déplacements des habitants : quel mode est le plus utilisé pour se rendre au bureau ? Quel mode pour accompagner les enfants à l’école ? En raison de leur coût élevé, ce type de sondage ne peut être réalisé dans toutes les collectivités.