1. 1
AFRIC’ART
Projet culturel et pédagogique : Conférences, concerts
Résidences artistiques de Daouda NDIAYE et Meïssa MBAYE
2. Disque de Meïssa Mbaye, auteur-compositeur-interprète. Ces textes ont été sé-
lectionnés et traduits par Daouda Ndiaye, poète depuis 2001.
Les textes du « Retour du Pigeon voyageur », dont sont extraits les textes de « Back
to Africa » ont été enregistrés sous le n° 2003. 01. 0071 / à la date du 06/01/2003
à la Société des Gens de Lettres de France, sise Hôtel Massa, 38 rue Faubourg
Saint-Jacques, 75014 Paris).
La durée de validité de la protection du projet « Le retour du pigeon voyageur » par
la Société des Gens de Lettres de France court jusqu’en avril 2014.
Avec l’aimable autorisation de Harold Ober Associates Inc., New York, pour les
textes de Langston Hughes.
Avec l’aimable autorisation du Schomburg Center for Research in Black Culture,
New York, pour le texte de Claude Mc Kay.
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3. Introduction :
Le chanteur sénégalais Meïssa M’Baye présente son album “Back To Africa”. après. Les voilà regroupés dans ce projet, pour porter le même verbe, histoire de
Tel un retour vers le futur, cet ambitieux projet fait suite à son opus dédié à Leopold dire que leurs origines transcendent naturellement les questions de langue. Les
Sédar Senghor, “Entre Seine et Sine”. Dans ce sillage « littéraire », il y célèbre voilà projetés au cœur de l’actualité, par une mise en sons qui remet en perspective
les retrouvailles de cousins séparés par les siècles et les eaux, celles du tragique et en lumière leurs points de vue, différents mais convergents.
Atlantique noir. Recoudre les coutures et les contours d’une déchirure historique,
retisser les liens dénoués lors de la déportation esclavagiste, ce disque s’inspire du
projet d’anthologie de l’universitaire Daouda Ndiaye. Intitulé “Le retour du pigeon Pour leur rendre hommage, en paroles et musique, Meïssa a convié autour de ses
voyageur”, ce recueil de textes (traduits en wolof par Daouda Ndiaye) des auteurs compositions leurs héritiers, tambours africains comme le maître des baguettes
surgis de l’autre côté de l’océan, héritiers d’une diaspora disséminée du Nord au made in Nigeria Tony Allen ou les balafons sénégalais, et tambours de bouche
Sud de l’Amérique, tous porteurs des fragments d’une mémoire que l’on crut en- américains comme les slammeurs-rappeurs Mike Ladd, Allonymous et Jayhem,
fouie à tout jamais dans les cales des négriers. Ou plutôt de mémoires d’Afrique, mais aussi chants gorgés de soul et guitare à la coule, flûte spirituelle et chœurs
puisque cette histoire ne peut s’inscrire dans une lecture univoque, qu’elle est la dignes des meilleurs gospel, rythmique aux accents latins et harmonique aux élans
somme d’expériences multiples, qu’elle continue de s’écrire aux pluriels de tous jazz. Tous réunis sous le vocable The Word Masters.
ses subjectifs. « Ce n’est ni une dilution de l’Afrique dans un universalisme abstrait,
ni une fragmentation d’une Afrique se complaisant dans un ghetto. Il s’agit d’une Jacques DENIS
dynamique culturelle qui ne perd pas son âme » résume Meïssa.
Voilà ce dont parlent tous ces fils d’Afrique, dans le double sens du terme. Cer-
tains ont connu l’esclavage, comme les Etats-Uniens Phillis Wheatley et George
Moses Horton, comme le Péruvien Manuel Gonzalez Prada et le Brésilien Luìs
Gama. D’autres eurent leur heure de gloire comme le premier poète afro-américain
reconnu comme tel Paul Laurence Dunbar et Marcus Garvey, le charismatique
leader de la cause panafricaine, comme aussi l’Américain Langston Hughes et
le Jamaïcain Claude McKay, deux des voix les plus singulières de la Harlem Re-
naissance. D’autres enfin, comme le Cubain Nicolas Guillén et l’Haïtien Jacques
Roumain, ont prolongé les écrits de leurs pairs, pour les inscrire dans la Négritude,
le mouvement littéraire qui prend racines dès les années trente et se prolonge bien
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4. L’objectif principal du projet Mémoires d’Afrique est de faire connaître venu en complément du programme scolaire. Ainsi, les étudiants seront amenés à
à un large public les précurseurs de la renaissance poétique né- s’exprimer lors des conférences-débats sur différents thèmes et pourront découvrir
gro-africaine, en mettant en valeur la culture traditionnelle mais aus- l’usage des instruments traditionnels aux côtés de tendances modernes comme le slam.
si en y introduisant des jeunes talents afin de leur transmettre ces savoirs.
Au final, Mémoires d’Afrique compte susciter le regain d’intérêt pour la poésie
Ces poèmes et l’histoire de leurs auteurs ne sont pas étudiés en tant que africaine chez les étudiants, les élèves et le grand public ; la création d’un réseau
tels dans les établissements. Ensuite, il existe une frontière assez mar- régional, national et international d’artistes et d’intellectuels voués à la cause de la
quée entre musiciens traditionnels, soit les griots, et la nouvelle génération. Renaissance Africaine ; le développement d’un public porteur pour la Musique et
Peu d’échanges artistiques interagissent entre eux et ceci pose un problème la Poésie.
puisque toutes les connaissances se transmettent seulement entre griots.
De plus, on sait que le Sénégal est depuis longtemps une société de l’oralité et
que ce socle de connaissances laisse rarement une trace écrite. Avec la produc-
tion du livret-CD le projet a pour ambition d’agir sur le terrain à un moment don-
né précis, mais également de perdurer dans le temps et de manière matérielle.
L’offre de produits culturels est concentrée dans la région de Dakar ; capitale éco-
nomique et touristique, celle-ci accueille le plus grand nombre de structures cultu-
relles, d’artistes, d’événements… Le souhait de Mémoires d’Afrique sera donc
de se déplacer dans les régions plus reculées du pays. Le message délivré devra
être compris par tous et c’est pour cela que le livret sera publié en wolof, français et
anglais. Le discours employé lors des ateliers pédagogiques sera également adap-
té selon le public participant. L’artiste Meïssa, également médiateur culturel et avant
tout pédagogue, a déjà eu à animer ce genre d’ateliers avec tous genres de publics.
L’éducation et la culture vont de pair et c’est en cela que le projet souhaite in-
tervenir. En effet, le public visé étant majoritairement les jeunes, le projet a pour
vocation de s’inscrire comme un atelier d’apprentissage pédagogique et ludique,
AFRIC’ART 6 7 AFRIC’ART
5. Phillis Wheatley (1753, Sénégal - 1784, Etat-Unis d’Amérique) est reconnue comme la première
poétesse Afro-Américaine, avec « Poèmes sur divers sujets, religieux et moraux ».
Son oeuvre reflète son éducation religieuse et classique de la Nouvelle-Angleterre. A l’exception de
« On being brought from Africa to America » («Déportés d’Afrique en Amérique »), ses poèmes n’ont
jamais parlé de l’égalité raciale. Largement applaudie pour son travail, elle fut affranchie en 1773, et
s’éleva vivement contre l’esclavage et le travail asservi
Elle fut précurseur à de nombreux niveaux : première femme Afro-Américaine à vivre de son écriture;
première femme écrivain encouragée et financée par un groupe de femmes ; première femme de
lettres Afro-Américaine accomplie. Elle fut honorée par de nombreux pères fondateurs de l’Amé-
rique, y compris George Washington. Son livre est de nos jours considéré comme la base de la
littérature afro-américaine, sa source et son inspiration. Un bâtiment a été nommé en l’honneur de
Phillis Wheatley à l’Université du Massachusetts, Boston. Elle a également été classée parmi les «
100 plus grandes Afro-Américaines » par l’érudit Molefi Kete Asante, en 2002.
AFRIC’ART 8 9 AFRIC’ART
6. My lord Sang Monseigneur
Should you my lord, while you peruse my Su fekkoon ne sang bi boo jàngee Si vous deviez, Monseigneur, en
song woy wii lisant mes vers,
Wonder from whence my love of freedom Dinga jéema xam lu ma booleek Vous demander d’où me vient mon
sprung cofeelug sañ-sañ amour de la Liberté,
Whence flow these wishes for the common Bi jur yéene yu baax yi ñépp bokk D’où naquirent ces vœux pour le
good Nga xam ne ku dul boroom xol bu bien commun
By feeling hearts alone best understood laabiir du ko am Que seuls comprennent bien les
I, young in life, by seeming cruel fate Xamal ne, cig ngone, la ma ndogal cœurs chaleureux,
Was snatch’d from Afric’s fancy’d happy lu nuru lu tar Sachez que, toute jeune, un destin
seat Këk ak jàmm, ci li nu wax, ci suufus qui semble cruel
What spangs excruciating must molest Afrig M’arracha à la terre, heureuse, dit-
What sorrows labor in my parent’s breast ? Ndaw metit wu tar ak coono ñaaw on, d’Afrique ;
Steel’d was that soul and by no misery Yu xotti sama ruuwu bay Quelle douleur atroce et quels
mov’d Boroom xolu xeer bu umpale tourments affreux
That from a father seiz’d his babe belov’d yërmande Déchirent-ils encore l’âme de mon
Such, such my case, and can I then but Moo sàcc bay doomam ju mu sopp père ?
pray Loo looy sama mbir. Na may def ba C’était un cœur de pierre, ignorant
Others many never feel tyrannic sway ? duma ñaan la pitié
Ngir ñeneen mucc ci aay-biir yii Qui ravit à un père son enfant bien
aimée
Tel est mon cas. Comment, alors,
ne prierais-je pas
Pour que d’autres jamais ne souffrent
des tyrans ?
MY LORD
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7. James Mercer Langston Hughes (1er février 1902 – 22 mai 1967) est un poète, nouvelliste, dra-
maturge et éditorialiste américain du XXe siècle. Il fut un acteur majeur dans le mouvement culturel
qui a secoué Harlem dans les années 1920, plus communément appelé Renaissance de Harlem et
qui verra émerger toute une série d’artistes noirs.
Avec la publication de multiples recueils de poésies (le premier en 1926, « The Weary Blues » dont
est extrait l’un de ses poèmes les plus célèbres : The Negro speaks of rivers), de pièces de théâtre,
d’essais ou encore de scénarios pour le cinéma, Langston dépeint la vie des prolétaires Noirs
partagée entre joies, désillusions, espoir…, le tout teinté de jazz et de blues. Il dira plus tard : «J’ai
cherché à comprendre et à décrire la vie des Noirs aux États-Unis et, d’une manière éloignée, celle
de tout humain». Par son travail, il a cherché à montrer l’importance d’une «conscience noire» et
d’un nationalisme culturel qui unit les hommes plutôt que les opposer. Cette fierté a par la suite été
reprise par de nombreux hommes de lettres comme Jacques Roumain, Nicolás Guillén, Léopold
Sédar Senghor ou encore Aimé Césaire.
Dans les années 50-60, la popularité de Hughes parmi les auteurs Afro-Américains a décliné en
même temps qu’elle s’est accrue dans le monde. Il lui a été reproché de n’avoir pas modernisé son
discours de la «fierté noire» par rapport à l’évolution de la condition des Noirs aux États-Unis qui
s’améliorait à cette période. Néanmoins il reste un modèle pour bon nombre d’écrivains.
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8. The Negro speaks of rivers Dex Le Nègre parle des fleuves
I’ve known rivers Nit ku ñuul a ngi wax ciy dex J’ai connu des fleuves
I’ve known rivers ancient as the world and Xam naa ay dex J’ai connu des fleuves anciens
older than Xam naa ay dex yu màgget na comme le monde et plus vieux
The flow of human blood in human veins àdduna te gën fee yàgg Que le flux de sang humain dans les
My soul has grown deep like the rivers Deret jiy daw ci sidditi doom aadama veines humaines
I bathed in the Euphrates when dawns Samag ruu daldi xóot ni dex yi Mon âme est devenue aussi
were young Sangu naa ci Efraat ca ngoneg njël yi profonde que les fleuves
I look upon the Nile and raised the pyramids Tabax naa sama néegu nax ci wetu Je me suis baigné dans l’Euphrate
above it Kongo gi ma yeetal quand les aubes étaient neuves
I heard the singing of the Mississippi when Xool naa Niil dellu tabax ca kowam J’ai bâti ma hutte près du Congo et il
Abe Lincoln went bàmmeeli buur ya a bercé mon sommeil
Down to the New Orleans, and I’ve seen Dégg naa Woyu Misisipi ba Abaraam J’ai contemplé le Nil et au-dessus j’ai
Turn all golden in the sunset Lincoln wàccee construit les pyramides
I’ve known rivers : ancient, dusky rivers Nuwel Orleyaan, gis naa fa poto- J’ai entendu le chant du Mississippi
My soul has grown deep like the rivers. poto buy wal quand Abraham Lincoln descendit
Soppiku wurus ca marax A la Nouvelle Orléans, j’ai vu ses
Xam naa ay dex nappes boueuses transfigurées
Dex yu màgget te nëx En or au soleil couchant
Samag ruu daldi xóot ni dex yi J’ai connu des fleuves : des fleuves
anciens et ténébreux.
Mon âme est devenue aussi
RIVERS
profonde que les fleuves.
EGRO SPEAKS
OF
THE N
AFRIC’ART 14 15 AFRIC’ART
9. As I grew older Ndekke ni laa màgge Comme j’ai grandi
(Shadow)
It was a long time ago Il y a longtemps
But it was there then, Loolu yàgg na lool J’ai presque oublié mon rêve
In front of me, Daanaka fàtte naa sama gent gii Mais il était là, puis
Bright like a sun Waaye batay mi ngi nii En face de moi,
My dream Sama kanam Il scintillait comme un soleil
And the the wall rose, Di nes-nesi ni jant Mon rêve
Rose slowly Sama gent gi Et puis le mur s’éleva
Between me and my dream Noonu rekk miir bi yéeg S’éleva lentement, peu à peu
Rose slowly Di yéeg ndank ndank Entre moi et mon rêve
Dimming Dox sama digganteek gent gi S’éleva jusqu’à toucher le ciel
Hiding Mu yéegati ndank-ndank Le mur !
The light of my dream Di lëndëmal ba far nëbb L’ombre !
Rose until it touched the sky Leer gi sama gent Je suis un Noir
The wall Yéeg nab a far laal asamaaan Je m’allonge dans l’ombre
Shadow Wóoy miir bi Plus de lumière de mon rêve devant
I am a black. Keppaar gi moi
It lie down in the shadow. Man mi ñuul tëdd ci keppaar gi Au-dessus de moi
No longer the the light of my dream before Ci sama kanam ak li ma tiim Seul le mur épais
me Sama leeerug gent ne mes Seule l’ombre
Above me. Miir bu tal bee fi des
Only thick wall Akug keppaar
Only the shadow Loolu yàgg lool
Daanka fàtte naa sama gent gi
AS I
G RE W OL
DER
AFRIC’ART 16 17 AFRIC’ART
10. Homesick blues Pummu ray bi Le blues du pays
De railroad bridge’s Cii pomu raay bi Le pont du chemin de fer
A sad song in the air La woy wu tiis di jolli C’est une chanson triste dans l’air
De railroad bridge’s Ci pomu raay bi Le pont du chemin de fer
A sad song in the air woy wu tiisa ngi jolli C’est une chanson triste dans l’air
Every time de train pass Saa su saxaar rombe Chaque fois qu’un train passe
I wants to go somewhere Ma bëgg dem Je veux m’en aller dans d’autres
Ca yeneeni gox terres
I went down to de station Ci pomu raay bi
Ma heart was in ma mouth La woy wu tiiss di jolli Je descendis jusqu’à la gare
Went down to de station Waaxu naa bat ci gaar bi Le cœur sur les lèvres
Heart was in ma mouth Descendis jusqu’à la gare
Lookin’ for a box car Sama xol di waaja genn Le cœur sur les lèvres
To roll me to de south Sama gémmiñ Cherchant un wagon de
May wër saxaarug njaay marchandises
Homesick blues, Lawd, Gu ma yóbbu xarfu Pour m’amener vers le sud
‘S a terrible thing to have Ci pomu raay bi
Homesick blues is La woy wu tiis di jolli Le blues du pays, Seigneur,
A terrible thing to have Ci pomu raay bi C’est triste de l’avoir pris,
To keep from cryin’ Woy wu tiissa ngi jolli Le blues du pays, c’est une chose
UES
I opens my mouth an’ laughs Ci pomu raay bi Terrible de l’avoir pris
La woy wu tiis di jolli Pour m’empêcher de pleurer
B L
J’ouvre ma bouche et je ris.
Tiisum réew Boroom bi
CK
Tiis la ci ki mu dal
ESI
Tiisum réew Boroom bi
Mbir mu diis la
M
Ci ki mu dal
HO
Ngir ma baña jooy
Damay ubbi
Sama gémmiñ ree
Loolu yàgg lool
Daanka fàtte naa sama gent gi
AFRIC’ART 18 19 AFRIC’ART
11. Luis Gama (1830 - 1882, Brésil) était le fils d’un Portugais et d’une jeune esclave venant du Ghana,
connue pour s’impliquer dans de nombreuses rébellions. A l’âge de dix ans, il fut vendu illégalement
par son père à un sergent nommé Cardoso qui l’employa comme domestique dans sa ferme.
En 1847, un étudiant, accueilli chez Cardoso, devint très vite ami avec Gama, et lui apprit à lire et à
écrire. Prenant conscience de l’illégalité de sa condition, Gama s’enfuit à São Paulo, et y étudia le
droit à l’Université ; mais il ne termina pas le cursus et travailla ensuite comme avocat non diplômé.
Dans les années 1860 il fut journaliste, et fonda la revue Radical Paulistano en 1869 aux côtés de
Ruy Barbosa. Il contribua aussi à créer le Parti républicain de São Paulo en 1873. Il libéra plus de
mille esclaves à São Paulo, avant de mourir en 1882, victime du diabète.
Gama publia en 1859 un livre de poésie, Primeiras Trovas Burlescas de Getulino (Premières Bal-
lades Burlesques de Getulino). La plupart des poèmes sont des satires des mœurs de l’aristocratie
brésilienne du 19e siècle.
AFRIC’ART 20 21 AFRIC’ART
12. Minha Mãe Sama yaay My Mother Ma mère
Era mui bela e formosa, Moo gëna taaru ci jigeéen ju ñuul She was very beautiful and fair C’était la plus belle des femmes
Era a mais linda pretinha, Lingeer la woon ca tàngooru Libi She was the most beautiful black girl noires
Da adusta Líbia rainha, Dellu di jaam bu toskare ci Bresil Adusta queen of Libya Elle était reine dans la chaleur de
E no Brasil pobre escrava! Céy rabu jinne bu taaru bi And in Brazilia poor slave ! Lybie
Ela a palmeira singela, Boroom jëmm ju ñuul ji nu yatt ci xeer Devenue pauvre esclave au Brésil !
Na fulva areia nascida bu ñuul bi Oh Musa Guinea, jetty Oh belle muse noire sculptée dans
Nos roliços braços de ébano. Abal ma sab lekketu urucongo Granite statue denigrated le granit
Brandinha a voz sonorosa, Jàngal ma tëgg ci sa balafon Before whom the Lion gets rendered Prête-moi ton « urucongo »
Sentida como a Rolinha, Sol ma xam-xamu xërëm yi Naked fury of atrocious frown ; Apprends-moi à jouer du balafon
Gemendo triste sozinha, Yóbbu ma ci yoon yi ànd ak yëkkatiku Lend me the gurd of urucungo Insuffle-moi le savoir des fétiches
Ao som da aragem faceira. Xam-xam bu sës ak mbind jagleelu Teach me to brandish your marimba Emmène-moi sur les chemins de
Escuro e ledo o semblante, ñu ko It inspires me to science candimba l’élévation
De encantos sorria a fronte, Janq bu ñuul bi ci tefes Pathways lead me high magnitude La science et l’écriture ne sont pas
— Baça nuvem no horizonte Baal ma sama saxarit pour toi, dit-on
Das ondas surgindo à flor. Suufi Tubaab yi ñu yilif Sciences and Letters they are not La jeune fille noire sur le rivage de la
Se junto à cruz penitente, Amunu sax sañ-sañu xalaat for you mer
A Deus orava contrita, Black girl of the Cost Toi qui n’es rien aux yeux du monde
Tinha uma prece infinita In the land of white man Excuse-moi, chère amie, nous
Como o dobrar do sineiro, We haven’t the right to think n’avons même pas la liberté de
As lágrimas que brotavam, penser
Eram pérolas sentidas, Sur la terre des Blancs qui nous
Dos lindos olhos vertidas dirigent.
MAE
Na terra do cativeiro.
MINHA
AFRIC’ART 22 23 AFRIC’ART
13. George Moses Horton (1797 – 1883) est le premier esclave d’Amérique à avoir contesté son sta-
tut en écrivant des poèmes. Son premier poème, « On Liberty and Slavery » (Liberté et Esclavage),
parut en 1829. Il voulut acheter sa liberté et partir au Libéria ; « The Hope of Liberty » (L’Espoir de
Liberté), le premier livre publié dans le Sud par un homme noir, ne rapporta presque rien et il dut
abandonner ses projets. Cet ouvrage fut réédité en 1837 sous le nom de « Poems by a Slave »
(Poèmes d’un Esclave).
Horton gagna l’admiration et le soutien d’hommes tels que des gouverneurs, des présidents de l’Uni-
versité de Caroline du Nord, des journalistes. En 1845, un journal publia « Les Oeuvres Poétiques de
George M. Horton, le barde de couleur de Caroline du Nord ». Il publia en 1865 son troisième livre,
« Naked Genius » (Le Génie nu). De style classique, ses œuvres sur la campagne et sur l’esclavage
sont émouvantes.
AFRIC’ART 24 25 AFRIC’ART
14. On liberty and slavery Lu taq ci sañ-sañ ak njaam De la Liberté et de l’esclavage
(Xalaas)
Alas ! and I am born for this, Hélas ! Ne suis-je donc né
To wear this slavis chain ? Xalaas ! xanaa du dama juddu Que pour porter cette chaîne
Deprived of all created bliss, Ngir rekk takk ceenug njaam d’esclave ?
Through hardship, toil and pain ! Umpale mépp mbégte ci sos Privé de toutes les joies de la création
How long have I in bondage lain, Ne ci toskare, coonok naqar Par la misère, la peine et la douleur !
And languished to be free !
Alas ! and must I still complain- Bama nekkee jaam ak léegi Que de temps déjà suis-je en
Deprived of liberty. Mu ngi bëgg yàgg esclavage
Namm naa moom sama bopp Et me languis d’être libre !
Oh, Heaven ! and is the no relief Xalaas ! xanaa duma dëkke ci xultu Hélas ! Faut-il encore que je me
This side silent grave- Liñ ma xañub sañ-sañ plaigne
To soothe the pain-to quell the grief Privé de ma liberté ?
And angish of a slave ? Céy Yàlla, xanaa amoo saafara
Laata may xam wéetaayu bàmmeel Oh Ciel ! N’y a-t’il donc point de
Buy seral samaw metit ngir sippil remède
mab coono Avant le silence de la tombe
Ak tiitange gi ci njaam Pour calmer la douleur, pour apaiser
la peine
Et l’angoisse de l’esclave ?
D S L AVERY
AN
ON
TY
L IBER
AFRIC’ART 26 27 AFRIC’ART
15. L’essayiste et poète péruvien Manuel González Prada (6 janvier 1848 - 22 juillet 1918, Lima) fut
l’un des polémistes les plus dynamiques de la fin du 19e siècle dans l’Amérique espagnole. Il se
battit pour le changement et le progrès et dénonça les vestiges du colonialisme espagnol.
Après 1883, il voyagea en Europe. De retour à Lima, il prit immédiatement une place prépondérante
dans l’avant-garde de la conscience nationale péruvienne. Des écrivains et des personnalités poli-
tiques furent gagnés par sa ferveur révolutionnaire. Il parla avec éloquence non seulement contre
la classe aristocratique figée d’où il était issu, mais aussi contre le rejet de l’Indien comme un élé-
ment caractéristique de la nation, contre le clergé et l’oligarchie militaire dominante, qu’il considérait
comme les sources de nombreux maux chroniques du pays. Il devint le porte-étendard d’une nou-
velle génération de Péruviens.
Les principaux ouvrages de prose publiés de son vivant sont « Páginas libres » (1894) et « Horas de
Jucha » (1908). Après sa mort, plus d’une demi-douzaine de volumes en prose parurent. Ses collec-
tions les plus célèbres de poésie sont « Minúsculas « (1901), « Presbiterianas » (1909), et « Exóticos
» (1916). D’autres ouvrages importants de sa poésie sont « Trozos de vida » (1933), « Libertarios »
(1938), et « Peruanas Baladas » (1939).
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16. Triolet De la vida Triolet Triolet
Los bienes y las glories de la vida Am-am yeek ndami adduna The property and the glories of life Les biens et gloires de la vie
O nunca vienen o nos llegan tarde Dunu àgsi ba mukk mbaa muy lu Or never come or come to us later N’arrivent jamais ou très tard,
Lucen de cerca, pasan de corrida yéex Look closely, go to run, Brillent de près, en courant, passent
Los bienes y las glorias de la vida Danuy nes-nesi jege romb ne mes Goods and glories of life Les biens et gloire de la vie
Am-am yeek ndami adduna Sad the old man in florida Triste qui, à la fleur de l’âge,
Triste del hombre que en la edad florida Tiis la ci gone gu ci manula am Get live flowers wait ! Tarde à cueillir les fruits de la vie
Coger las flores del vivir aguarde ! Ba man cee taataan dund The property and the glories of life Les biens et gloires de la vie
Los bienes y las glorias de la vida Or never come or come to us later N’arrivent jamais ou très tard
O nunca vienen o nos llegan tarde Am-am yeek ndami adduna
Para verme con los muertos Dunu àgsi ba mukk mbaa muy lu For me with the dead Pour me voir au milieu des morts
Ya no voy al campo santo, yéex I do not go to the cemetery Je ne vais plus au cimetière
Busco plazas, no desiertos, Bu ma bëggee gis sama bop ciy Seeking seats, no deserts Places je cherche et non déserts
Para verme con los muertos néew To see with the dead Pour me voir avec les morts
Corazones hay tan yertos ! Dootuma dem almeer ya Hearts are so stiff
Almas que hieden tanto ! Duy mandiŋ ay barb laay wër They are souls that stinks as ! Il y a des cœurs si glacés !
Para verme con los muertos Ngir nekk ci biiri néew For me with the dead Des âmes qui sentent si forts !
Ya no voy al campo santo Ndaw xol yu ëmb tiis I do not go to the cemetry Pour me voir au milieu des morts
Ruu yuy xeeñ lool Je ne vais plus au cimetière
Su ma bëgge gis sama bopp ciy
néew
Dootuma dem almeer ya
T RIOL ET
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17. Claude McKay (15 septembre 1889 - 22 mai 1948) est un romancier et poète né à la Jamaïque,
puis naturalisé américain. Il a fait partie du mouvement littéraire de la Harlem Renaissance ou Renais-
sance de Harlem. Il est l’auteur de trois romans : « Home to Harlem » en 1928 (« Ghetto noir »), un
best-seller qui lui valut le Harmon Gold Award for Literature, « Banjo » en 1929, et « Banana Bottom
» en 1933, un recueil de nouvelles : « Gingertown », en 1932, et deux autobiographies : « A Long
Way from Home » en 1937 et « Harlem : Negro Polis » en 1940. Sa poésie, lyrique, nostalgique, et
sociale, en fait un auteur majeur de la littérature afro-américaine de la première moitié du vingtième
siècle. Il fut un grand voyageur, passant la majeure partie de sa vie entre les États-Unis, l’Europe et
le Maroc. Il visita longuement la Russie après la Révolution bolchévique. Marqué par le racisme et la
ségrégation, il fut un auteur engagé dans les milieux révolutionnaires, mais il resta toujours critique
des appareils politiques. Malade et sans illusion, il se convertit au catholicisme à la fin de sa vie.
AFRIC’ART 32 33 AFRIC’ART
18. If we must die Bu ñu naree dee Si nous devons mourir
If we must die, let it not be like hogs Bu ñu naree dee, bu ñu mel ni Si nous devons mourir, que ce ne
Hunted and penned in an inglorious spot mbaam-xuux soit pas comme des porcs
While round us bark the mad and hungry Yi ñu kar jóor leen ci barab bu suufe Traqués et parqués en un lieu sans
dogs bii gloire
Making their mock at our accursed lot. Te xaj yi xoñoñ ba dof wër ko Entourés de chiens fous et enragés
If we must die, oh, let us nobly die, Di bow aka kókëli sunu muj gu bon Aboyant et raillant notre sort maudit
So that our precious blood may not shed Bu ñu naree dee, éy ! nañu dee cig Si nous devons mourir, ah ! mourons
In vain ; the even the monsters we defy ngor noblement
Shall be constrained to honour us though Na sunu dereer ju sell ji baña tuuru Que notre sang précieux ne soit
dead ! ci neen versé en vain
Oh, Kinsmen ! we must meet the common Te njuuma yi nuy tëkku faf di nu Que les monstres que nous défions
foe ; sargal bu ñu dee ! soient contraints de nous honorer
Through far outnumbered, let show us Ëy sama mbokk yi ! war nanoo song morts !
brave, noon bi nu mbokk Oh mes chers frères ! Nous devons
And for their thousand blows deal one Donte ñoo néewle ciy nit, nanu wone affronter l’ennemi commun
deathblow ! sunug njambaar Bien que nous soyons moins
What though before us lies the open grave Buñ nu dóoree junni yoon nañ leen nombreux, montrons notre bravoure
? door benn bu leen faat Pour leurs mille coups reçus nous
Like men we’ll face the murderous, Bu yabboo ëllëg ñu gasal nu leur rendrons un coup mortel
cowardly pack, bàmmeel Qu’importe demain s’ils nous
Pressed to the wall, dying, but fighting Dooni góor, jàkkaarlook gàddu creusent une fosse commune
back ! bóomkat yu baqar yi En hommes, nous ferons face à ces
Wéeru ci taax mi, noyyi, waaye ku nu lâches assassins,
door nu feyyu Le dos au mur, expirant, mais nous
rendrons coup pour coup
IF WE MUST DIE
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19. Nicolás Guillén (1904-1989) est le grand nom de la poésie cubaine au vingtième siècle. Issu d’un
milieu ouvrier, il fit des études de droit et devint avocat avant de se tourner vers le journalisme. Les
traductions de ses oeuvres ont permis à un vaste public de s’initier à la culture afro-cubaine.
C’est en 1930 que Guillén publia ses premiers poèmes, « Motivos de son », dans une revue de La
Havane. Inspirés de la tradition musicale populaire afro-cubaine, ses textes empruntent leur thème
à la vie et au langage des Noirs et des mulâtres de La Havane. Guillén inaugura ainsi ce qui devait
fonder l’essentiel de sa poétique, l’appel au respect de la personne humaine et l’éloge du métissage
entre les cultures noires et européennes.
Il développa ces thèmes dans ses recueils « Sóngoro Cosongo » (1931), « West Indies Limited »
(1934), « Elegías » (1948-1958), « La Paloma de vuelo popular » (1958), « Tengo » (1964), où s’affir-
mait son refus de l’injustice, de la colonisation et de l’impérialisme.
Il lutta en faveur des pauvres et des opprimés. En 1937, il quitta Cuba pour voyager au Mexique,
en Amérique du Sud et en Espagne, où il prit part à la guerre civile aux côtés des Républicains.
S’étant exilé à Paris après le coup d’état de Batista en 1952, il y revint en 1959, après la révolu-
tion castriste. Il fut élu président de l’Union des écrivains et artistes de Cuba en 1961 et proclamé
« poète national ».
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20. Me matan Mematan They kill me On me tue
Me matan, si no trabajo Su ma liggéeyee nu rey ma They kill me if I am not working On me tue si je ne travaille
Y si no trabajo, me matan ; Su ma liggéeyul nu rey ma And if I work they kill ; Et si je travaille on me tue ;
Siempre me matan, me matan Rey ma la nu dëkke They kill me always, they kill me Toujours on me tue
Siempre me matan Dañ ma rey dañ ma rey They kill me always Toujours on me tue
Ayer via un hombre mirando, Démb gis naas waay Yesterday I saw a man looking, Hier j’ai vu un homme : il regardait
Mirando el sol que salía Mu doon xool Watching the sun rising Il regardait le soleil qui naissait ;
El hombre estaba muy serio, Mu doon xool jant bi fenk Yesterday I saw a man watching, Hier j’ai vu un homme : il regardait,
Porque el hombre no veía. Waay si dafa ne woon yàcc Watching the sun rising, Il regardait le soleil qui naissait ;
Ay ! Ndaxte du woon gis The man was very serious Mais l’homme restait impassible,
Los ciegos viven sin ver Ax ! Because he couldn’t see L’homme, car il ne voyait pas.
Cuando sale el sol, Gumba yi dunu gis Ay ! Aïe,
Cuando sale el sol, Jant biy fenk Live without seeing the blind Les aveugles vivent sans voir
Cuando sale el sol Jant biy fenk When the sun rises Le soleil lorsqu’il naît
Jant biy fenk When the sun rises Le soleil lorsqu’il naît,
Ayer vi a un niño jugando When the sun rises Le soleil lorsqu’il naît !
A que mataba a otro niño : Démb gis naag gone
Hier, j’ai vu un enfant : il jouait
Hay niños que se parecen Gu doon fo
A qui tuait un autre enfant ;
A los hombres trabajando Di rey beneen moroomam Yesterday I saw a child playing Hier j’ai vu un enfant : il jouait
Quién les dira cuando crezcan Démb gis nab gone To kill another child : A qui tuait un autre enfant ;
Que los hombres son niños Gu doon fo They are children who seem Il est des enfants qui ressemblent
Que no lo son Di rey beneen moroomam Men working A leurs aînés lorsqu’ils travaillent.
Que no lo son Am nay gone yu nurook Who will tell them when they grow up Qui leur dira une fois grands
Que no lo son ! Seeni mag bu nuy liggéey Those men are not children, Que les hommes ne sont pas des
Ku leen ne bun u jëmee mag They are not, enfants,
Me matan, si no trabajo, Mag ñooñu dunuy gone They are not Pas des enfants
Y si trabajo, me matan : Dunuy gone They are not ! Pas des enfants
Siempre me matan, me matan, Dunuy gone
AN
Pas des enfants !
Siempre me matan ! Dunuy gone
T
They kill me if I am not working
MA
On me tue si je travaille
M
Su ma liggéeye nu rey ma And if I work they kill me : Et si je ne travaille on me tue :
E
Su ma liggéeyul nu rey ma They kill me always, they kill me Toujours on me tue, on me tue,
Rey ma la nu dëkke They kill me always ! Toujours on me tue !
Dañma rey dañ ma rey
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21. Jacques Roumain (4 juin 1907 - 18 août 1944, Port-au-Prince), fut l’un des écrivains les plus
respectés d’Haïti. Petit-fils du président Tancrède Auguste, il fréquenta des écoles catholiques à
Port-au-Prince, puis étudia en Belgique, en Suisse, en France et en Allemagne. À vingt ans, il revint
en Haïti et fut co-créateur de La Revue Indigène. Il y publia « La proie et l’ombre », « La montagne
ensorcelée » et « Les fantômes ».
Très actif dans la lutte contre l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934), il fut emprisonné en 1933
et en 1934 alors qu’il venait de fonder le Parti Communiste Haïtien.
De retour d’Europe, il gagna les États-Unis en 1939. Pendant cet exil, il travailla et se lia d’amitié
avec de nombreux écrivains et poètes, comme Langston Hughes. Il voyagea beaucoup et séjourna
presque un an aux côtés du poète Nicolás Guillén à La Havane. En 1941 il rentra en Haïti et fut in-
vesti en 1942 d’une charge de diplomate à Mexico. Il compléta à la même époque deux de ses livres
les plus influents : le recueil de poésie « Bois d’Ebène » et le roman « Gouverneurs de la Rosée ».
La majorité du travail de Roumain exprime la frustration et la rage d’un peuple qui a été piétiné durant
des siècles. Il incluait tous les Haïtiens dans ses écrits, et appelait les pauvres à s’unir contre la
misère. Son œuvre continue d’influencer la culture haïtienne et panafricaine en général.
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22. Guinée Gine Guinea
C’est le lent chemin de Guinée Yoon wu yéex a ngi jëm Gine It’s the long road to Guinea
La mort t’y conduira Dee la fay jëme Death takes you down
Voici les branches, les arbres, la forêt Bànqaas yaa ngi nii, garab yi, àll bi Here are the boughs, the trees, the
Ecoute le bruit du vent dans les longs Déglul riiru ngelaw li forest
cheveux d’éternelle nuit Ci biir karaw yu gudd yi Listen to the sound of the wind in its
C’est le lent chemin de Guinée Ci gudd gu dul dakk long hair of eternal night
Tes pères t’attendent sans impatience Yoon wu yéex wi jëm Gine It’s the long road to Guinea
Sur la route ils palabrent Dee la fay jëme Where your fathers await you without
Ils t’attendent Say bay a ngi xaar impatience
Voici où les ruisseaux grelottent Ànd ak teey ci tali bi Along the way – They talk
Comme des chapelets d’os Ñu ngay waxtaan They wait
C’est le lent chemin de Guinée Ñung lay xaar This is the hour when the streams
Il ne te sera pas fait de lumineux accueil Fii nag la dex yu ndaw yiy pët-pëtee rattle
Au pays des hommes noirs Mel ni kurusi yax Like beads of bone
Sous un ciel fumeux, percé de cris Yoon wu yéex wi jëm Ginee
d’oiseaux Dee la fay jëmee It’s the long road to Guinea
Autour de l’œil du marigot Dun la fa tertu tertu bu neex No bright welcome will be made for
Les cils des arbres s’écartent sur la clarté Ca réew mu ñuul ma you
pourrissante Nit ñuul ña dëkkee In the dark land of dark men
Là t’attend au bord de l’eau un paisible Te suufas asamaan say saxaar Under a smoky sky, pierced by the
village et Booleek picc yay sab cry of birds
La case de tes pères et la dure pierre Li wër bëtu mango gi Around the eye of the river
familiale Yéeni garab yaa nga fireeku There, there awaits you beside the
Où reposer ton front Ci leer giy gilli water a quiet village
Foo fu ci wetu ndox mi And the hut of your fathers, and the
G UINÉE
Am na fa dëkkub jàmm hard ancestral stone
Sa néegu baay yaa ngi lay xaar When your head will rest at least
Ak xeer wu dëggër
Wi nga wara teg sa jë
Yoon wu yéex a ngii jëm Gine
Dee la fay jëmee
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23. Paul Laurence Dunbar (1872 - 1906, Dayton, Ohio) fut le premier poète Afro-Américain à recevoir
des critiques élogieuses. Il était le seul Afro-Américain de sa classe au lycée de Dayton et, alors qu’il
eut souvent du mal à trouver un emploi en raison de sa race, il fut un des meilleurs à l’école.
Il écrivit un grand nombre de poèmes en dialecte, de poèmes anglais classiques, d’essais, de
romans et de nouvelles. Sa première collection, « Oak and Ivy », fut publiée en 1892. Son deuxième
livre, « Majors and Minors », publié en 1895, le propulsa vers la gloire nationale. Après 1902 et
jusqu’à sa mort, il produisit douze livres de poésie, quatre livres de nouvelles, une pièce de théâtre
et cinq romans.
Son travail a souvent abordé les difficultés rencontrées par les membres de sa race et les efforts des
Afro-Américains pour réaliser l’égalité en Amérique. Il fut salué tant par les meilleurs critiques littéraires
de son temps que par ses contemporains littéraires.
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24. We wear the mask Nu ngiy wéeye sutura Nous portons le masque
We wear the mask that grins and lies Nu ngiy wéeye sutura Nous portons le masque qui ment
It hides our cheeks and shades our eyes Sutura siy nëbb li nuy dundee et grimace
This debt we pay to human guile Dox sunu digganteek yeen bun u Il dérobe aux regards notre visage et
With torn and bleeding hearts we smile gañaxu nos yeux
And mouth with myriad subtleties Sutura siy nëbb sunu kanam ak C’est là le tribut de la perfidie humaine
Why should the world be overwise sunuy bët Le cœur saignant et déchiré, nous
In counting all our tears and sighs ? Loolooy peyooru mbonug doom sourions
Nay, let them only see us, while aadama Et faisons des grimaces avec mille
We wear the mask Xol bu dog di nàcc nuy muñ subtilités
We smile, but, O great Christ, our cries Tey gañaxu ci sutura A quoi nous servirait d’en dire trop
To thee from tortured souls arise Na fekk buñ nuy xool au monde
We sing, but oh, the clay is vile Nu nekk ci géeju sutura De lui faire dénombrer nos soupirs et
Beneath our feet, and long the smile Nu ngi muñ fu nu tollu nos larmes ?
But let the world dream otherwise Céy Isaa mu màgg mi Mieux vaut seulement qu’on nous
We wear the mask Sunuy yuuq yaa ngi jolli jëm ci yow voie seulement pendant que
Jóge sunu ruu yii nu faagaagal Nous portons le masque
Nu ngi woy fu nu tollu, waaye, Ax ! Nous sourions, mais ô Grand Christ,
Suuf seeka yées sunu suufi tànk nos cris
WE WEAR T
Bu nuy dox, ndaw yoon wu gudd ! Montent vers toi de notre âme
Waaye bàyyileen addinaaki naxem torturée
HE M
Te dés di wéeye sutura Nous chantons, mais ah ! que la
terre est ignoble
ASK
Sous nos pieds, et long le chemin !
Mais laissez le monde à ses illusions
Nous portons le masque.
Traduction de François Dodat
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25. Marcus Mosiah Garvey (1887, Jamaïque - 1940, Londres) est un leader noir du XXe siècle, consi-
déré comme un prophète par les adeptes du mouvement rastafari. Il est né un an après l’abolition
de l’esclavage à Cuba, où la ségrégation raciale et le travail asservi règnent toujours. L’Afrique est
en proie à la colonisation européenne à cette époque, mais certains Afro-Caribéens parviennent à y
partir. Il devient vite un orateur de premier plan, journaliste, et activiste politique. Précurseur du pana-
fricanisme, il se fait le chantre de l’union des Noirs du monde entier à travers son journal The Negro
World et le promoteur obstiné du retour des descendants des esclaves noirs vers l’Afrique (ce qu’on
appelle le «Back to Africa»).
Arrivé aux États-Unis en 1916 où il rencontre tous les mouvements visant à émanciper les Afro-Amé-
ricains, il y fonde en 1917 l’Association Universelle pour l’Amélioration de la Condition Noire (United
Negro Improvement Association, UNIA, toujours en activité). La devise de cette association était One
God! One aim! One destiny! (Un Dieu ! Un But ! Une Destinée!). Il devient un des premiers meneurs
importants de la cause noire. Installé à Harlem de 1918 à 1922, Marcus Garvey est mondialement
connu.
Ne croyant pas que les Afro-Américains pourraient vivre libres et respectés hors d’Afrique, il
crée en 1919 la Black Starline, compagnie maritime censée servir son projet de rapatriement, et ses
bateaux se préparent à emmener Antillais et Afro-Américains en Afrique. En 1922, après la banque-
route de la Black Starline, Garvey est poursuivi par les tribunaux. Emprisonné à Atlanta, il est exilé en
1927 en Jamaïque où il devient le grand héros national. Les Jamaïcains écoutent avec beaucoup
d’enthousiasme ses meetings et la vie politique de l’île s’en trouve bouleversée. Mais il meurt à
Londres sans jamais atteindre l’Afrique.
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26. Oneness interests Bokk njariñ Afrique
(Extrait d’un discours de 1923)
Ku ne xam na ne amul xàjjeek Chacun sait qu’il n’y a aucune
Everybody knows that there is absolutely seen diggante doomi Afrig, juddu différence entre les Africains
no difference between the native African jéeri beek Amerikee bi ak Cembe natifs d’Afrique, ceux d’Amérique
and the American and the West Indian bu ñuul bi bawoo Sowu, bu loolu et les Nègres Antillais, car nous
Negroes, in that we are descendants wéeye nun ñépp bokk Maam mu nu descendons de la même souche
from one common family stock. It is only jógee, ndogal rekk a tax nu réeroo familiale. C’est seulement par
a matter of accident that we have been ku ne wéy saw yoon ci lu ëpp ñetti accident que nous avons été divisés
divided and kept apart for over three xarnu, waaye jamonoy dellu Afrig et séparés plus de trois siècles
hundred years, but it is felt that when the ñëw na, ñu wara ñibbi ci cofeelu nit durant, mais est venu le moment
time has come for us to get back together, ak mbokkam, te Nit ku Ñuul ku doon pour que nous nous retrouvions
we shall do so in the spirit of brotherly love, xaar jamono jii war nan laa dimmëli ensemble, nous devons le faire
and any Negro who expects that he will be nga àggali sa yéene fii ak foo mana dans l’esprit de l’amour fraternel, et
assisted here, there and anywhere by the ne Mbootaayu dunya Gi Taaxaw Ngir chaque Nègre qui le souhaite devra
Universal Negro Improvement Association Yokkute Ñit ku Ñuul dina la taxawu être soutenu ici, là-bas ou n’importe
to exercise a haughty superiority over the ngir nga fonk sa askan te weg lépp où par l’Association Universelle pour
fellows of his own race, and makes a lu tukke saw xeet, Nit ku Ñuul ku l’Amélioration de la Condition Noire,
tremendous mistake. Such men had better yaakaar ne yaa gën sa moroom yaa tout nègre mu par le sentiment
remain where they are and not attempt to ngi ci njuumte gu réy te sula yaboo d’une supériorité hautaine envers
become in any way interested in the higher toog fa nga ne te xam ne bokkoo ci ses compagnons de même race
development of Africa. ñiy jëmale Afrig kanam. commet une erreur monumentale.
De telles personnes feraient mieux
de rester là où elles sont et ne
devraient aucunement s’intéresser
au développement de l’Afrique.
ER ESTS
INT
EN ESS
N AFRIC’ART 50 51 AFRIC’ART