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Mahi TABET AOUL
ISLAM ET CULTURE
Edition BENMERABET
2010
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PPrreemmiièè
2010‫م‬
Tous droits réservés
Dépôt légal : 3771
ISBN : 978-9961
Edition impression BENMERABET
Tél. : 05 55 43 71 96
Email : mbenmerabet@gmail.com
2
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Edition impression BENMERABET
: 05 55 43 71 96
mbenmerabet@gmail.com
3
OUVRAGES DE L’AUTEUR
• Développement durable au Maghreb : Contraintes
et Enjeux : édité par le HEI (Centre des Hautes
Études Internationales) Université de Laval - Québec
– Canada- Juillet 2010
• Société, environnement et santé. Co-auteur,
Cahiers du CRASC - Oran, Algérie - 2009.
• Adapter les agricultures au changement
climatique, Co-auteur, Mediterra, Chapitre 3,
Sciences PO, Plan Bleu et Ciheam - Paris, France –
2009.
• Communication nationale de l’Algérie, Co-auteur -
Convention Cadre des Nations Unies du Changement
climatique (CCNUCC) - 2003
• Note d’alerte n°48 du CIHEAM (Centre International
des Hautes Études Agricoles Méditerranéennes) Juin
2008
• Changement climatique et risques sur le Maghreb,
PNUD - Somigraf - Casablanca, Maroc - 1999.
4
• Développement durable et stratégie de
l’environnement, Office des presses universitaires -
Alger, Algérie, 1998.
• Ozone et réglementation - ARCE et IHFR, Oran,
Algérie, 1993.
• Pollution thermique, radioélectrique, bruits et
odeurs. ARCE et IHFR Oran, Algérie, 1993
• Environnement –Passé, Présent et Futur - Edition-
impression BenMerabet- Alger- Algérie 2011
• Islam et Environnement - Edition-Impression
BenMerabet- Alger- Algérie 2010
• Dictionnaire bilingue (français-anglais-français) sur
l’environnement - en voie d’édition.
5
REMERCIEMENTS
Merci à Dieu de m’avoir donné foi et force pour écrire.
Je remercie ceux et celles qui ont accepté de lire et de commenter le
contenu de ce livre et émis de nombreux avis et observations. Que
chacun trouve ici l’expression de ma profonde reconnaissance. Je
rends un hommage particulier à Wahida et Si Mohammed pour leur
assistance tout au long de la réalisation de cet ouvrage.
6
DEDICACES
Cet ouvrage est l’occasion d’honorer la mémoire des Chahids, mes
compagnons de jeunesse et mes frères de combat, morts à la fleur
de l’âge pour la liberté de l’Algérie : Bouchenak Kamel, Grari
Brahim et Tabet Aoul Touhami. Que Dieu leur accorde sa pleine
miséricorde.
Ma reconnaissance va à chaque membre de ma famille pour la
patience et l’appui apportés tout au long de ma carrière.
Cet ouvrage témoigne de mon profond attachement à la ville de
Tlemcen qui m’a vu naitre et grandir mais que j’ai du quitter à
l’âge de 20 ans. Cette belle ville m’a bercé de sa culture et apporté
le bonheur de la foi et du savoir. Ce n’est que justice si,
aujourd’hui, je lui apporte cette modestie contribution à l’occasion
de sa célébration, en 2011, comme capitale de la culture islamique.
7
SOMMAIRE
PRESENTATION DE L’OUVRAGE______________________________ 8
1. INTRODUCTION _________________________________________ 10
2. DEFINITION DE LA CULTURE _______________________________ 29
3. DIVERSITE CULTURELLE ___________________________________ 47
5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE ________________________ 87
6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN AGE OBSCUR DE
L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE251
7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT _________ 270
8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET CULTURE HUMANISTE
_________________________________________________________ 276
9. CONCLUSION____________________________________________ 287
BIBLIOGRAPHIE____________________________________________ 289
8
PRESENTATIONION DE L’OUVRAGE
Cet ouvrage est un ouvrage de synthèse qui vise trois objectifs :
• Le premier est de définir la culture et son rôle dans le
développement de la civilisation,
• Le second est d’offrir un manuel synthétique et didactique
pour l’éducation et la formation sur la culture islamique et son
apport au patrimoine universel à travers le « moyen âge d’or »
de l’Islam,
• Le troisième est de relater les témoignages de grands penseurs
occidentaux sur le rôle joué par la civilisation islamique dans
la genèse de la civilisation occidentale.
L’ouvrage aborde les différents piliers de la culture à travers l’éthique et
l’esthétique qui constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation, les
ressources naturelles, l’environnement, le cadre de vie, le capital matériel
et technique qui servent à satisfaire les besoins sociaux et enfin
l’organisation socioéconomique et politique. Il précise le rôle de la culture
dans le développement durable. Après l’introduction sur la problématique
culturelle de notre époque, l’ouvrage aborde la question culturelle à quatre
niveaux :
9
• le premier porte sur la définition et les caractéristiques
fondamentales de la culture, son évolution, sa diffusion, les
subcultures, le processus d’acculturation, le concept de culture
populaire et la diversité culturelle,
• le second aborde le rôle de la culture et ses liens avec
l’idéologie, la langue, l’histoire, l’éducation, la science, la
politique, l’économie, les ressources naturelles et
l’environnement,
• le troisième concerne la culture islamique et son impact dans
les différents domaines,
• le quatrième décrit l’apport de la culture islamique au monde et
en particulier à l’Occident à travers le développement de la
pensée humaine, la pensée expérimentale et pratique, le
progrès scientifique, la philosophie rationaliste, le
développement socioéconomique et le rôle précurseur de
l’Islam dans la Renaissance de l’Occident; cette partie aborde
aussi la comparaison entre culture islamique et culture
humaniste.
10
1. INTRODUCTION
Chams Eddine El Babili1
« Un ouvrage nouveau doit
traiter exclusivement d’une des sept questions : une chose
nouvelle à créer, incomplète à achever, confuse à préciser,
prolixe à résumer, désordonnée à mettre en ordre, dispersée
à synthétiser ou erronée à rectifier ».
La culture est à la fois l’héritage des connaissances et pratiques
accumulées par les ancêtres et celles acquises par les générations
présentes. Si l’on ne profite pas de l’expérience du passé et qu’on
recommence chaque fois tout de nouveau en se repliant sur soi-même, il
n’y aurait jamais ni culture, ni civilisation. La culture est pour une
civilisation ce qu’est l’eau pour la terre. A une question sur la définition
de la culture, le général De Gaulle avait répondu que « c’était tout ». La
culture est la seule mesure valable du niveau de civilisation d’un pays et
de son potentiel scientifique, technique, économique et social et
organisationnel.
Toutes les grandes civilisations ont marqué leur passage par des
réalisations dans le domaine de la culture. A ce jour, on continue de parler
des civilisations Egyptienne, Grecque, Romaine, Carthaginoise, Inca,
Islamique, etc. Chacune se caractérisait par un type de croyance,
d’éthique, d’esthétique, de style de vie, d’organisation sociale,
d’architecture, d’arts, etc. Beaucoup de vestiges témoignent, encore de
1
Chams Eddine El Babili, mort en 1077 de l’Hégire, cité par Moulla El Mohibbi,
Khoulassat El Athar, Fi Aciane El Kar El Hadi Achar T.IV P-41 Edition du Caire
1284 H
11
nos jours, de la splendeur et du rayonnement de ces civilisations.
On peut aussi parler de grands hommes ayant marqué l’histoire par leurs
œuvres, comme les Grecs: Thalès, Socrate, Hippocrate, Gorgias, des
Romains: Vitruve, les Musulmans: Jabir, Khawarizmi, El-Rhazy,
Avicenne, Averroès, Ibn Khaldoun, les Français: Descartes,
Montaigne, Montesquieu, Pascal, Rousseau, etc.
La culture est un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis,
qui relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les
hommes des éléments et phénomènes du milieu extérieur qui les
entourent. La culture repose sur les liens psychiques entre l’ego de
l’homme et le milieu extérieur qui l’entoure, entre l’homme et la société,
entre l’homme et la nature. L’anthropologie définit l’homme comme un
animal pensant que la religion a humanisé et civilisé.
Aujourd’hui, les puissants centres qui contrôlent l’économie mondiale,
considèrent que la culture des peuples est un frein sur le chemin de la
globalisation qui repose aujourd’hui sur le matérialisme basé sur le
développement des moyens de production et l’intensification de la
consommation. On tente d’uniformiser l’homme, selon un moule social
unique qui le rend assimilable par la machine économique et la machine
des loisirs. A l’heure actuelle, on ne veut plus de l’homme pensant mais
de l’homme pensé. Pour le canaliser, il faut agir sur son comportement,
son mode de vie et atténuer chez lui par un processus discret, le temps et
la liberté de réflexion en manipulant et en dissipant son esprit de façon
permanente.
La puissance économique se sert du développement vertigineux des
12
réseaux d’information et de communication pour véhiculer de nouvelles
valeurs et insérer l’homme dans le nouvel ordre mondial. Le but ultime à
atteindre est celui de dépouiller l’homme de son psychique pour qu’il
devienne une matière facile à usiner et même une marchandise d’un
nouveau genre. On tente, par des moyens divers, d’exacerber les instincts
primaires de l’homme par la banalisation et la libéralisation sexuelle.
On affirme que les religions ont longtemps maintenu, par leur
enseignement moral, l’homme dans une forme de privation et d’infériorité
l’empêchant de donner libre cours à sa vraie nature pour s’épanouir et
satisfaire ses désirs naturels. En Occident, après avoir libéré l’homme de
la contrainte du mariage en instituant le concubinage, voilà qu’on autorise
le mariage mono-sexuel. L’origine parentale n’est plus une exigence
sociale. Une véritable anarchie sociale s’installe et avec elle la
dégénérescence de l’espèce humaine. Avec ce système libertaire, de plus
en plus ouvert, on ne va pas s’arrêter là avec toutes les conséquences
néfastes sur l’équilibre psychique et biologique de l’homme de demain et
sur sa pérennité. La famille, qui constitue la cellule de base de toute
société, depuis des millénaires, se dilue pour ne plus être une référence et
un point d’ancrage au plan moral et social.
Au nom d’une pseudo-liberté ou de protection des enfants, on va jusqu’à
retirer et éloigner les enfants de la tutelle familiale. En encourageant
l’éclatement de l’unité familiale, on atomise ses membres qui deviennent
une proie facile à la manipulation tout en exacerbant le développement de
l’individualisme. Il s’agit là d’un processus qui détache l’homme de ses
racines et le dépouiller de son héritage historique. On doit tout effacer de
la mémoire de l’homme moderne pour qu’il devienne un réceptacle pour
13
de nouvelles valeurs conçues par l’homme et pour l’homme. Si Descartes
affirmait la puissance de l’homme sur la nature, le phénomène actuel de
globalisation repose sur la puissance de l’homme sur l’homme. On pense
à l’homme de demain, qui sortira des éprouvettes de laboratoires
spécialisés au moyen de manipulations génétiques qui permettront de
donner naissance à l’être idéal en vue de sa généralisation. Cette sélection
utilise la science génétique, bénéficie de gros moyens financiers et se fait
dans le secret absolu. On oublie, sur la base de cette même science, que le
phénomène d’uniformisation signifie le commencement de la
dégénérescence de la race humaine. Ce sont de nouveaux rapports de
maître à esclave qui sont mis en œuvre. On tente d’un côté d’animaliser
l’homme et d’un autre côté, d’utiliser la science et la technologie pour
asservir son esprit. P.T. De Chardin2
disait que la croissance de la
population mondiale et les ressources naturelles limitées de notre planète
conduisent au phénomène de compression humaine. A l’avenir, on sera de
plus en plus nombreux à vivre dans des espaces limités. Aujourd’hui près
de 60% de la population mondiale se concentre dans les zones littorales.
L’équilibre de la planète et la survie de l’humanité ne peuvent être assurés
que par une nouvelle éthique permettant une meilleure cohésion humaine
basée sur le renforcement des liens sociaux et spirituels entre les êtres
humains et avec leur environnement afin de les rendre solidaires dans des
espaces de plus en plus réduits.
Les tendances actuelles du développement économique et social se
2
Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le
Seuil -1956
14
trouvent à l’opposé de la vision de P.T. De Chardin. Les ambitions
politiques et le désir de puissance lié au leadership mondial tentent de
casser les liens entre les nations et hommes pour les asservir. Déjà
aujourd’hui, l’homme subit une véritable oppression technologique. Il
passe plus de temps à s’occuper de ses moyens de confort, de leur
entretien et de leur maintenance que de penser ou de réfléchir à sa propre
condition. L’encouragement au crédit bancaire et la spéculation,
enferment l’homme dans une spirale d’endettement sans fin, à l’origine
d’un stress aux conséquences néfastes comme le risque éventuel de perte
d’emploi ou de chômage.
La recherche d’une uniformisation de l’homme, d’une part, et le pouvoir
exorbitant d’une minorité, d’autre part, fragilisent l’équilibre de
l’humanité et mettent en péril son devenir. En effet, pour maintenir ses
privilèges et sa position dominante, la minorité favorisée (l’oligarchie
dominante) n’hésitera pas, au nom d’un pseudo-humanisme ou d’un droit
d’intervention humanitaire de circonstance qu’elle inventera et
conditionnera, à provoquer des conflits armés, des guerres et même des
génocides de façon permanente et dans de nouvelles régions
géographiques de la planète. Le but non avoué est de permettre l’entretien
et le financement permanent des complexes militaro-industriels qui
consomment et drainent le plus gros des investissements, des ressources
naturelles et des ressources financières du monde. Quand on se réfère à
l’histoire, on constate que le colonialisme a utilisé la puissance de sa
science et de sa technologie pour tenter d’uniformiser le monde sur la base
de ses propres valeurs. Ceci a entraîné la mort de dizaines de millions
d’êtres humains et la destruction à grande échelle de nombreux pays.
Aujourd’hui, certains Etats, grâce à leur puissance économique, tentent
15
encore de réitérer cette expérience douloureuse pour imposer un
néocolonialisme non déclaré ou un monopole industriel ou commercial
aux mains de puissants groupes financiers. Ce qui les amènera non
seulement à détruire le patrimoine culturel des peuples mais aussi une
partie de l’humanité qui refusera de s’y soumettre. Il est temps, avant qu’il
ne soit trop tard, de renforcer l’éthique, la cohésion et la solidarité entre
les peuples pour équilibrer les assauts d’une mondialisation sans visage.
Déjà dans les années 50, R. Garaudy, alors membre du parti communiste
français, prophétisait sur l’évolution de l’Occident à travers les lignes
suivantes publiées dans l’organe théorique ‘les Cahiers du
Communisme’: « Nous voyons aujourd’hui succéder au fascisme
(référence à la période hitlérienne) de nouvelles formes de division et de
nouvelles exclusives : ceux qui se font aujourd’hui les défenseurs du ‘bloc
occidental’ en diplomatie, de ‘la démocratie occidentale’ en politique, de
la ‘civilisation occidentale’ en morale, représentent les mêmes forces
sociales de réaction, d’agression, et de proie que les organisateurs de
‘l’ordre européen et occidental’ du fascisme, c’est à dire les trusts
capitalistes. Ce sont les mêmes qui dans le Proche Orient, pour des
raisons pétrolières et de pure stratégie militaire, s’efforcent de constituer
un ‘bloc oriental’. Grâce à ce bloc dirigé par eux, ils espèrent continuer à
pomper le pétrole et les surprofits, et aussi maintenir les divers peuples
arabes sous leur domination impérialiste. Dans les deux cas, l’objectif est
le même : la justification idéologique de la même politique d’exclusive. ».
G. Garaudy ajoutait : « Notre choix est fait : ni sur le plan diplomatique,
ni sur le plan politique, ni sur le plan intellectuel et moral, nous ne
voulons isoler ou séparer l’Occident ou l’Orient du reste du monde et sa
culture. Nous ne voulons pas faire de l’Occident ou de l’Orient une île ».
16
La Renaissance en Europe aux XVe
et XVIe
siècles amena une rénovation
littéraire, artistique et scientifique. Elle remit à l’honneur la culture
antique gréco-romaine tout en occultant l’apport de la culture islamique,
alors que celle-ci était une partie intégrante de la culture européenne,
notamment à travers des échanges scientifiques et culturels, très intenses
qui existaient depuis le XIe
siècle. Ceci est d’autant plus regrettable, que
c’est grâce aux traductions arabes de savants musulmans, que les travaux
d’auteurs gréco-romains ont pu être conservés dans leur forme originale
au bénéfice de la postérité. C’est grâce à la civilisation arabe que les
conditions intellectuelles de la Renaissance ont été rendues possibles à
travers la résurrection de la culture antique et de l’hellénisme. Depuis
l’avènement de la Renaissance, l’un des aspects constant de la politique de
l’Occident a consisté à nier, sans cesse et de façon volontaire, le rôle joué
par la civilisation islamique dans l’avènement du monde moderne.
L’Occident a fait du moyen âge, période florissante de la civilisation
islamique, un âge obscur. Il s’agit là d’une conspiration du silence imposé
et d’une falsification systématique visant à nier des vérités historiques
solidement établis. Au cours de ce moyen âge, la civilisation islamique a
apporté une riche contribution au progrès de l’humanité dans tous les
domaines de la pensée, de la science et de la technique. Encore de nos
jours, une place dérisoire, sinon nulle est réservée à la civilisation
islamique au sein des programmes d’enseignement des écoles et
universités occidentales. On passe sous silence son rôle dans la
conservation et la réanimation des anciennes civilisations de
Mésopotamie, de Perse, d’Egypte, de Grèce et de Rome. De même, on a
fait table rase des découvertes, dans de nombreux domaines, réalisées par
les savants de l’Islam au cours de l’âge d’or (800 à 1100) où ils avaient
17
surpassé leurs prédécesseurs. Lorsque l’élève ou l’étudiant européen3
a la
curiosité de s’intéresser à l’Islam ou à la conquête arabe, il a l’impression,
à la lecture des manuels officiels, d’être en présence d’une énigme
indéchiffrable ou d’une phase de stagnation de l’évolution de la
civilisation humaine. Il ne dispose d’aucun moyen objectif pour
comprendre les fondements et les conséquences de la conquête islamique
qui, en quelques années, a unifié un territoire immense qui s’étendait de
l’Océan Atlantique à la mer de Chine. Cette conquête a fait franchir à
l’humanité une nouvelle étape historique en intégrant, à grande échelle et
pour la première fois dans l’histoire, des peuples et des cultures différents.
L’expansion islamique, contrairement à ce qu’on a raconté, n’a pas été
uniquement le fruit d’une supériorité militaire mais bien celui d’une
supériorité spirituelle, à travers une nouvelle civilisation qui apportait, aux
peuples conquis, plus de justice, de liberté et de bien-être moral et social.
Aujourd’hui, le développement scientifique et technique et les réseaux de
l’information concourent à l’ébauche d’une fédération universelle dans les
divers domaines de la vie internationale. La notion d’espace a été abolie et
il n’y a plus entre les peuples que la distance de leurs cultures. Au lieu de
rechercher la supériorité ou l’exclusion d’une culture par une autre, il
faudrait accepter les différences en les rendant complémentaires. Il a fallu
attendre le 18 mars 2007 pour voir l’UNESCO adopter la Charte sur la
diversité culturelle comme une source d’échanges, d’innovation, de
créativité et comme patrimoine commun de l’humanité devant être
reconnu au bénéfice des générations futures.
3
M. Bennabi.
18
C’est la conscience populaire fortifiée par la culture qui est le véritable
héritage et le patrimoine le plus précieux d’un peuple. Elle permet
d’assurer sa conservation et sa pérennité à travers l’histoire. Une
conception erronée, largement répandue dans les pays en développement,
particulièrement dans les pays anciennement colonisés, est de considérer
que le développement dépend uniquement de l’accumulation des
connaissances scientifiques et des moyens matériels pour sortir du sous-
développement. Pour réussir, cette accumulation doit être précédée d’une
pensée directrice, constructive et intégrative, qui doit s’élaborer à partir du
diagnostic de la situation présente et d’une vision à réaliser à moyen et
long terme. Cette pensée doit impliquer d’abord et avant tout l’homme en
amont et en aval de tout projet de développement : en amont, dans la
conception réaliste des priorités en fonction de ressources humaines et
matérielles disponibles et en aval par l’identification et la mise en œuvre
des conditions permettant à l’individu de s’approprier le savoir
traditionnel, les nouveaux savoirs et moyens scientifiques et techniques.
Les valeurs culturelles, propres aux peuples, sont le moteur et la source de
toute motivation. Elles doivent être prises en compte au côté de
l’accumulation scientifique et technique. La méconnaissance de ces
priorités et conditions a souvent conduit à l’échec du développement et à
l’avènement d’une société de classes où le pouvoir s’exerce par une
minorité de privilégiés au détriment d’une majorité. Ce qui a conduit à
une paupérisation généralisée des peuples. Citons la réflexion de J. Berque
sur les pays arabes « le pragmatisme et l’utilitarisme trop courts qui, par
réaction contre d’anciennes servitudes, règnent actuellement dans
certaines pédagogies arabes: c’est peut être le dernier piège de
l’impérialisme ».
19
Le fait de considérer le modèle occidental comme unique modèle de
référence pour assurer le développement a eu un impact ravageur sur les
cultures des pays en développement conduisant au déracinement de
l’homme et à l’émergence de nouveaux modes de vie et de
comportements nuisibles au maintien de l’équilibre au niveau des liens
familiaux et sociaux.
Aujourd’hui, même les pays développés ont compris que le
développement doit commencer au niveau local ou « terroir » qui repose
sur l’identité culturelle et les spécificités locales. On rejoint là la
problématique d'un développement endogène qui met en relief
l'importance de la notion d'espace vécu et de la culture commune à
l’origine de la cohésion des territoires. Ce sont les spécificités culturelles
(fondement des identités) qui valorisent l’histoire forgeant le territoire.
Chaque culture a des constantes universelles et des particularités propres à
chaque peuple. Quand on parle de culture, on ne doit pas penser à une
culture figée dans le temps. A l’instar de toute chose vivante, elle doit
pour se pérenniser, évoluer et s’enrichir sans cesse en assimilant de
nouvelles valeurs en fonction du perfectionnement des connaissances et
des méthodes d’organisation au niveau mondial.
Une culture doit aussi pouvoir se remettre en question en éliminant les
aspects négatifs qui freinent l’essor de la civilisation et empêchent le
développement dans sa globalité. La culture est à l’avant-garde du
développement socioéconomique. Pour assurer ce rôle, elle doit bénéficier
de la priorité pour sa diffusion au niveau des couches populaires et au
niveau des structures d’éducation et de formation. Ce rôle a été reconnu
par l’UNESCO et par le sommet mondial de Johannesburg (Rio +10) sur
20
l’environnement et le développement en 2002 en tant que quatrième pilier
du développement durable à côté des dimensions sociale, économique et
environnementale.
La version de la réalité, que nous construisons tous les jours, est un
produit à la fois de processus rationnels universels et non-universels, et
c’est parce que les processus rationnels ne sont pas tous universels, qu’on
a besoin d’un concept de rationalité divergente.
Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés à la culture et à son rôle dans la
société. Aujourd’hui, l’humanité se trouve confrontée à de nouveaux défis
planétaires qui menacent son existence comme l’extension de la pauvreté
et du chômage, le déséquilibre social, l’insécurité publique, la destruction
de la couche d’ozone, le changement climatique, le danger des centrales
nucléaires, la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles,
la désertification, les maladies réémergentes ou maladies anciennes
(paludisme, tuberculose, cholera, typhoid, les nouvelles maladies (sida,
stress, pathologies cardiovasculaires) appelées maladies émergentes,
l’exacerbation des maladies respiratoires provoquées par la pollution de
l’air, etc. Les mesures prises au niveau mondial, au cours de ces quarante
dernières années, se sont avérées inappropriées pour relever ces défis. On
prend conscience que seul le recours à des valeurs morales universelles,
de nouveaux comportements et de styles de vie peut infléchir les
tendances à la dégradation planétaire. Il s’agit de redécouvrir la culture
qui permettra à l’humanité de retrouver sa mémoire spirituelle et de
dégager les ressorts nécessaires à sa survie.
Pour beaucoup de gens, la culture se limite à des manifestations
extérieures telles que musique, chants, danses, cinéma, sports, peinture,
21
arts décoratifs, célébration d’événements particuliers, libération sexuelle,
etc. Elle est plus considérée comme une industrie de loisirs qu’une
représentation des valeurs morales qui caractérisent une société ou un
peuple et assurent son propre développement. Du matin au soir, sous
l’effet de la publicité, de la télévision, des médias, l’homme subit des
clichés et spots qui l’éblouissent et envahissent son esprit l’empêchant de
réfléchir ou de se situer de façon durable, dans l’espace et le temps.
L’homme est réduit à un morceau de paille qui vogue en surface au gré
des tourbillons tumultueux d’un fleuve déchaîné qui l’entraînent dans
toutes les directions. L’industrie audiovisuelle constitue un prisme
déformant qui tente de réunir, sous une même bannière, tous les peuples
de la planète. L’homme n’est plus qu’un objet qu’il faut domestiquer pour
en faire un vecteur de la globalisation économique et un récepteur docile
de ses produits. L’homme doit s’intégrer totalement et organiquement
dans un nouveau corps mondial. La seule et unique religion désirée est
celle d’un homme nouveau dont la seule aspiration est la satisfaction
primaire de ses instincts animaux et matériels, loin de toute nourriture
spirituelle. Après la laïcité, le matérialisme, le libéralisme, la
mondialisation économique prend le relais pour soumettre la planète
entière au service d’une puissante poignée d’oligarchies. La question est
de savoir si l’homme se laissera aveugler par le mythe de cette
globalisation au point de perdre sa prime nature spirituelle dont il tire sa
dignité, sa place à la tête des créatures de l’univers. L’animalité et la
matérialité ne pourront jamais compenser le déficit de spiritualité.
En Islam, c’est Dieu qui est le créateur de toutes les espèces vivantes qui
peuplent la terre. Il a doté l’homme d’intelligence et l’a désigné comme
22
son vicaire sur terre. Il lui a enseigné les lois du comportement individuel,
la nature des liens sociaux qui le rattachent à ses semblables et les
rapports qu’il doit entretenir avec les autres créatures de l’univers.
Quand on parle de culture islamique, on ne se réfère pas ici à ce qui se
passe aujourd’hui dans les sociétés musulmanes car il faut reconnaître que
les valeurs islamiques ne sont presque plus observées (à part les aspects
cultuels) et ne constituent plus la base de l’action humaine dans ces
sociétés qui ne se différencient d’ailleurs guère de celles de l’Occident.
Dans les sociétés musulmanes actuelles, la culture traditionnelle qui a
longtemps constitué une barrière contre l’invasion étrangère et le
colonialisme, est de plus en plus abandonnée et n’est plus de mise. Elle est
devenue centripète et ne joue plus aucun rôle actif dans le comportement
socioéconomique. Depuis plus de trois siècles déjà, le déclin de la
civilisation musulmane et la colonisation ont engendré des modes de vie
et de pensée calqués sur l’Occident. Après l’indépendance et au nom du
modernisme, on est passé de la colonisation du sol à celle de l’esprit. Les
musulmans ont presque oublié que l’Islam est une norme efficace de
conduite morale, sociale et économique. Les sociétés musulmanes ont
grand besoin de se réapproprier leur propre culture et de trouver des voies
pratiques pour l’adopter et la mettre en œuvre en s’inspirant des acquis
scientifiques et technique de notre temps. La culture islamique est une
source de motivation pour faire face aux problèmes actuels de
décomposition sociale, de dégradation environnementale et une source
d’orientation pour l’élaboration du contenu d’une culture universelle.
23
Bernard Shaw4
a ainsi porté son propre jugement sur l’Islam : « J'ai
toujours une estime pour l'Islam, parce qu'il est rempli d'une vitalité
merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir
d'assimiler la phase changeante de l'existence, pouvoir qui peut se rendre
si attachant à toute période ». En parlant du Prophète (SWS)5
, il dit « Cet
homme merveilleux est, à mon avis, loin d'être un Antéchrist. Il doit être
appelé le sauveur de l'humanité. Je crois que si un homme, comme lui,
prenait la direction du monde moderne, il réussirait à résoudre ses
problèmes. J'ai prophétisé sur la foi de Mohammed qu'elle sera
acceptable à l'Europe de demain, comme elle a déjà commencé à devenir
acceptable à l'Europe d'aujourd'hui ». Lamartine avait écrit, de son côté :
« si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensité des
résultats sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer
humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ».
L’espèce humaine devenant de plus en plus nombreuse, les forces de
pression et de compression au sein des sociétés s’intensifient et exigent
l’établissement d’un ordre qui règle les rapports de plus en plus étroits
entre individus et communautés, entre riches et pauvres, entre gouvernants
et gouvernés dans un même pays et entre pays. Seule une culture de valeur
universelle peut permettre d’infléchir le comportement humain en vue
d’assurer les conditions d’équilibre de nos sociétés.
Aujourd’hui, on admet que les problèmes de paix, de justice sont
4
Bernard Shaw : The Genuine Islam, Singapour, 1963
5
SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed
24
interdépendants et doivent être envisagés de façon globale et intégrée.
Une culture universelle ne peut voir le jour que si les idéaux de paix, de
justice suivent et s’appliquent de façon honnête et solidaire au niveau
mondial.
En face de la crise actuelle de l’humanité, P. T. De Chardin6
avait posé la
question suivante : « faut-il être optimiste ou pessimiste et est-ce que
l’humanité a les moyens de remédier à cette crise ? » Toutes les religions
prêchent l’espoir et rejettent le désespoir. L’optimisme invite à la lutte
contre les désordres sociaux et les atteintes au patrimoine humain et
terrestre. L’homme, doté par Dieu de foi, de raison et héritier des savoirs à
travers la longue histoire humaine, est en mesure de trouver les ressources
et les solutions nécessaires pour satisfaire les besoins de l’humanité. Dans
sa réflexion sur le XXIe
siècle, P.Lellouche disait7
« Jamais dans
l’histoire, l’humanité n’aura été à la fois unie et homogénéisée par le
capital, le commerce et, surtout par la révolution des télécommunications
et de l’information de masse et, cependant aussi divisée dans la
répartition des ressources économiques, de la puissance politique,
militaire et démographique ».
Le grand danger aujourd’hui se situe au niveau des trusts mondiaux qui
contrôlent l’information et réduisent la conscience humaine en
s’appropriant les moyens de production, de transmission et de diffusion de
cette information. Ils tentent d’imposer un mode de pensée uniforme. Ce
n’est plus l’ordre humanitaire et moral qui règle les rapports entre nations
6
Pierre Teilhard De Chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Éditions le Seuil -1956
7
Le nouveau monde : de l’ordre de Yalta au désordre des Nations Éditions Grasset 1992
25
mais l’ordre des intérêts économiques et de suprématie militaire. Au lieu
de mettre fin aux conflits en respectant les normes de justice et de droit,
on utilise la force militaire. On va jusqu’à ignorer le consensus mondial
qui a donné naissance à la société des Nations (ONU). Pire, on a créé un
nouveau concept de prévention, appelé principe de destruction ciblée, qui
vise à neutraliser tout foyer d’opposition jugé ou supposé dangereux pour
les intérêts des plus puissants et ce, quelque soit le lieu géographique dans
le monde. On est passé ainsi d’une morale humaniste à une morale
d’intérêts. C’est la loi du plus fort qui prévaut entraînant ainsi une
régression des valeurs de la civilisation humaine et une négation de ses
acquis historiques. Loin d’assurer la sécurité du monde, elle provoque des
réactions aussi dangereuses et aveugles qui n’épargnent plus personne.
Aux opérations ciblées, localisées et ponctuelles, répondent des opérations
diffuses et imprévisibles rendant le monde vulnérable et impossible à
sécuriser. Les grandes puissances consacrent des budgets colossaux pour
mettre en œuvre les moyens de dissuasion afin d’assurer une sécurité
utopique en lieu et place d’un monde mutuellement solidaire. Elles ne
peuvent rien contre l’immigration clandestine et le besoin de survie des
citoyens affamés du Sud.
En somme la lutte idéologique a pris une dimension mondiale où le
nouvel ordre de l’information se met progressivement en place
parallèlement à celui de la globalisation économique et militaire. Il
véhicule une culture nouvelle pour asservir la planète entière. Les
multinationales fixent, elles-mêmes, les conditions et les prix des
échanges commerciaux ou financiers avec le tiers monde qui est considéré
uniquement comme un centre périphérique. Tous les pays et en particulier
les pays islamiques se trouvent devant un dilemme : se soumettre au diktat
26
des multinationales appuyées par les complexes militaro-financiers et
devenir un marché pour leurs produits et services ou développer une
stratégie qui puisse leur permettre de réaliser leur indépendance
économique, de sauvegarder leur identité culturelle et d’assurer leur
autonomie. Pour relever le défi, les pays islamiques ont besoin de
renforcer à la fois la cohésion à l’intérieur de leur territoire et entre eux. A
cette fin, ils disposent déjà, grâce à l’Islam, d’une éthique universelle qui
concilie les aspirations individuelles avec celles de la communauté.
L’orientaliste J. Berque disait « la force des pays islamiques réside non
pas dans leurs pétrodollars mais dans le message culturel qui porte leur
conception de la vie et de l’homme ainsi que de l’organisation sociale ».
Après la fin de l’antagonisme Est-Ouest, le champ de confrontation des
idéologies s’est déplacé en direction du monde islamique. L’Occident
cherche par tous les moyens, y compris la guerre, à asseoir son hégémonie
sur les pays islamiques pour empêcher tout vœu d’indépendance réelle ou
d’union de leurs peuples. Il vise à les contrôler, à s’approprier ou utiliser à
bas prix leurs richesses, à limiter leur développement scientifique et
technique et même à orienter les valeurs culturelles dans le sens que
l’Occident désire. A ce jour, les velléités d’union entre les pays islamiques
restent lettre morte. L’UMA (Union du Maghreb Arabe), si elle existe sur
le papier, n’a pas encore amorcé son décollage. Les manipulations
étrangères, les séquelles léguées par le colonialisme, le chauvinisme né
d’un nationalisme mal compris et la forte dépendance économique et
financière vis à vis de l’Occident, ne leur ont pas permis de poser les
jalons élémentaires de leur union. Tout se passe comme si cette union
devrait obligatoirement transiter par le chemin de l’Occident qui aurait
27
toute latitude pour l’orienter dans le sens de ses propres intérêts. Pour
l’Occident, les pays islamiques doivent rester les pourvoyeurs d’énergie,
de matières premières et les récepteurs de produits et services que
l’Occident désire leur vendre. Seule une stratégie de développement basée
sur leur culture pourra permettre à ces pays d’assurer leur développement.
Au cours des dernières décennies, ces pays ont plus obéi au schéma
élaboré par les laboratoires de pensée occidentaux que défini des
stratégies et programmes viables de développement.
Le résultat, aujourd’hui, est leur dépendance de plus en plus grande vis-à-
vis de l’Occident pour assurer leurs besoins de consommation courante ou
le fonctionnement de leurs moyens de production devenus souvent
archaïques. Les technologies, que l’Occident exporte vers ces pays
constituent un lourd et coûteux fardeau pour leur économie et une
nouvelle forme d’asservissement, faute de savoir-faire et de supports
techniques autochtones. Il s’agit souvent de technologies non durables. On
peut citer la réflexion de R. Garaudy sur ces technologies : « La
technologie a été un outil de l’Occident dans sa tentative de détruire les
cultures du Tiers Monde ». C’est la culture d’un peuple qui est son bien le
plus précieux pour assurer son développement. Citons ici la réflexion de
M.Bennabi 8
sur la renaissance de l’Allemagne après la deuxième guerre
mondiale: « l’Allemagne vaincue et détruite, ses élites brisées et éloignées
de force vers la Russie ou les Etats Unis, n’a pas empêché ce pays de
retrouver sa puissance. C’est la preuve de la puissance de la culture de
l’Allemagne et non pas celle de ses savants. Ce qui a refait l’Allemagne,
8
M.Bennabi : Révolution Africaine du 10 Avril 1968
28
c’est l’esprit allemand : celui du berger, du laboureur, du métallo, du
docker, de l’employé, du pharmacien, du médecin, de l’artiste, du
professeur, etc. En un mot c’est la culture allemande, sans ambiguïté, ni
restriction sociale ou intellectuelle de sa signification, qui a refait le pays
de Goethe et de Bismarck ».
La guerre d’indépendance des pays colonisés constitue la preuve et la
certitude concernant le rôle joué par la culture des peuples dans le combat
pour leur libération du joug colonial. C’est cette culture qui a servi de
motivation aux peuples asservis pour les amener à consentir le sacrifice
suprême de leur vie pour arracher leur liberté. Dans ces pays, c’est la
conscience populaire qui a déclenché le combat pour la libération et non
pas les élites d’alors. M. Dib, en parlant de la guerre d’indépendance de
l’Algérie a dit : « Au cours de la guerre de libération, l’Algérie a montré
au monde qu’elle avait une culture, un nom, une histoire, une patrie, un
langage et une manière d’être demandant à être reconnus et compris ».
Au cours des siècles passés, l’Occident agissait par le colonialisme et
l’occupation des terres pour dominer et réprimer les cultures des peuples
sous sa domination. Aujourd’hui, il agit par l’économie et l’image afin de
véhiculer son message culturel qui envahit tous les pays au détriment des
cultures nationales. Les pays en développement, confrontés au pain
quotidien de leur peuple, considèrent la culture comme un luxe et une
priorité secondaire. Ils ne comprennent pas que c’est grâce à leur propre
culture purifiée des facteurs rétrogrades, qu’ils pourront retrouver leur
pain. Il est urgent pour ces pays de définir une politique de valorisation de
leur culture qui les aidera à retrouver les ressorts de base leur permettant
d’assurer le décollage socioéconomique. La culture est un tout
indissociable qui se reflète dans tous les domaines de la vie.
29
2. DEFINITION DE LA CULTURE
Malek Bennabi « La culture façonne l’homme qui observe
et s’observe lui-même d’abord. La culture est la recherche
de l’harmonie entre le monde des phénomènes qui entoure
l’homme et le monde intérieur de l’homme ».
Pour l'anthropologie9
, la culture désigne l'ensemble des activités et des
comportements, aussi bien pratiques que symboliques, créés, transmis ou
transformés par l'espèce humaine. En ce sens, la culture s'oppose au
chaos. Les groupes, les classes, les institutions possèdent des cultures
propres, socialement marquées, selon des fonctions, des moyens
d'expression et des inégalités fondamentales. L'anthropologue britannique
Edward B. Tylor10
donna le premier une définition formelle du concept de
culture en 1871 dans son ouvrage « Primitive Culture ». Il utilisa ce terme
pour caractériser « Cet ensemble complexe comprenant les connaissances,
les croyances, l'art, la morale, la loi, les coutumes ainsi que toutes les
autres capacités et habitudes acquises par l'homme en tant que membre
de la société ». Depuis, les anthropologues ont proposé de nombreuses
variantes de cette définition, mais tous s'accordent à penser que la culture
est un comportement lié à l'apprentissage. Pendant longtemps,
l'anthropologie a pris aux États-Unis le nom d'anthropologie culturelle,
mais cette tradition s'est beaucoup transformée depuis les années 50. La
culture comprend, en droit, toutes les activités de la société humaine. La
culture est le mode de vie d’une société alors que la société est l’ensemble
organisé d’individus. M. Bennabi la définit ainsi : « La culture est le
9
Encyclopédie Yahoo
10
Edward B. Tylor : Primitive Culture. 1871.
regard qui permet à l’homme de se dominer,
son génie a créées, c’est-à-dire en un
Une société donnée, pour exister durablement
une symbiose à travers un système d’
éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour
satisfaire ses propres besoins, réaliser son développement harmonieux et
assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme.
Toynbee11
résume le progrès réel de la civilisation dans "
simplification progressive": « le véritable progrès s'accomplit
civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son
attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à
la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie
Figure 1 : Concept de culture
11
Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment.
Wadsworth Publishing.
CULTURE
DEFINITION
EVOLUTION
ACCULTURATION
CONCEPT
POPULAIRE
30
regard qui permet à l’homme de se dominer, de dominer les choses que
dire en un mot se civiliser ».
pour exister durablement, doit réaliser un équilibre et
une symbiose à travers un système d’organisation entre les valeurs de son
éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour
besoins, réaliser son développement harmonieux et
assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme. Arnold
résume le progrès réel de la civilisation dans "la loi de
le véritable progrès s'accomplit lorsqu'une
civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son
attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à
la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie ».
: Concept de culture
Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. 9h Edition. Belmont, California:
CULTURE
DEFINITION
SOURCES
CARACTERISTIQUES
EVOLUTION
31
2.1 LA CULTURE SELON M. BENNABI
Malek Bennabi définit la civilisation comme « l’ensemble
des conditions morales et matérielles qui permettent à une
société d’accorder à chacun des individus les garanties
sociales nécessaires à son développement ».
La civilisation a besoin, à l’origine, d’une culture qui la véhicule. Cette
culture crée l’ambiance générale dans laquelle immerge l’individu. Elle
détermine ses motivations, ses émotions et ses liens avec les personnes et
les choses. La culture se définit comme une ambiance constituée de règles
de conduite, de coutumes, de traditions et de goûts. Le train de la culture
a pour locomotive l’éthique qui tire trois wagons solidement amarrés l’un
à l’autre : l’esthétique, la logique pragmatique et la technique.
2.1.1 Éthique
L’éthique est un ensemble de valeurs morales et d’attitudes qui impriment
le comportement individuel et le mode de vie d’une société. Elle est
constituée par les liaisons nécessaires au sein du monde des personnes qui
forment une société donnée. Elle garantit la force de cohésion et
l’équilibre d’une société qui assurent son unité dans sa fonction et dans
son devenir.
Cette même éthique permet l’édification du monde des personnes sans
lequel on ne peut imaginer un monde des idées et un monde des choses
s’ils faisaient défaut. On comprend alors l’importance de l’éthique dans la
formation de la culture dans une société donnée. En matière d’éthique, la
réflexion nous impose de considérer deux types de valeurs chez l’homme :
sa valeur en tant qu’être humain et sa valeur en tant qu’être social.
Figure 2 : Composantes de la culture
La valeur humaine est une valeur in
nature (Fitra en Islam) comme un don à sa naissance et
circonstance et qu’aucun être humain ne pourraient rien y changer. C’est
le cas de la perception originelle et
valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme.
management des ressources humaines
conduite.
La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme
entretient avec ses semblables et qui impriment
pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société
donnée. Cette valeur est changeable et façonnée par la société
langage des spécialistes du management des ressources
désigne cette valeur par attitudes et
CULTURE
ETHIQUE
TECHNIQUE
ESTHETIQUE
32
’être humain et sa valeur en tant qu’être social.
Figure 2 : Composantes de la culture
La valeur humaine est une valeur intrinsèque à l’homme dans sa prime
comme un don à sa naissance et qu’aucune
main ne pourraient rien y changer. C’est
originelle et individuelle du bien ou du mal. Cette
valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme. En termes de
humaines, on qualifie cette valeur innée par
La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme
entretient avec ses semblables et qui impriment sa conduite sur le plan
pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société
changeable et façonnée par la société. Dans le
spécialistes du management des ressources humaines, on
par attitudes et comportement de l’individu.
CULTURE
ETHIQUE
LOGIQUE
PRAGMATIQUE
TECHNIQUE
33
En considérant ces deux types de valeurs, on comprend que c’est la valeur
sociale qui détermine l’efficacité de l’homme au sein de n’importe quelle
société. L’attitude de l’homme, face aux problèmes qui se posent à lui,
doit être définie par rapport au principe de l’éthique et est une condition
préalable et essentielle à tout acte. Les références éthiques peuvent être
d’origine religieuse (religions monothéistes ou polythéistes) ou
idéologique (laïcisme, matérialisme, libéralisme, globalisme). Elles sont
toutes à l’origine du droit et de la morale qui régissent les sociétés et qui
visent, tout au moins sur le plan formel, à assurer la paix, la justice et
l’équité sociale. Les différents types d’éthique se rejoignent sur un même
point en ce sens que chacune d’elles fixe des droits et des devoirs pour
l’homme. Les moyens et méthodes d’acquisition des connaissances
découlent en grande partie des valeurs éthiques.
2.1.2 Esthétique
Les relations sociales ne sont pas définies uniquement par le principe
éthique, l’esthétique les imprime d’un sceau particulier. Le goût inné
confère aux valeurs éthiques une certaine image au sein de laquelle les
considérations formelles interviennent. Si l’éthique est à la base de l’unité
sociale, l’esthétique sert à la valoriser au plan de la représentation externe
et exprime l’apparence exigée par l’organisation formelle qui touche au
comportement de l’homme dans sa façon de parler, de s’habiller et
d’adopter un style de vie spécifique à sa société. L’homme en général a
tendance à exprimer un fait à son entourage en recourant aux illustrations
que requiert le goût. L’esthétique confère aux choses une image conforme
au sentiment et au goût général, au niveau des formes et des couleurs. Si
l’éthique définit l’orientation générale de la société en fixant les
34
motivations et les finalités, l’esthétique façonne son image et prolonge les
volontés au-delà de la seule perception de l’utilité comme un facteur
important de l’efficacité au niveau des actions pratiques. A côté de la
réalité éthique chez l’individu, le goût esthétique ajoute d’autres facteurs
positifs de motivation, à même de tempérer l’application d’un principe
éthique rigoureux au niveau du comportement. Le goût esthétique est
considéré comme un élément dynamique de la culture.
2.1.3 Logique pragmatique
L’éthique comme l’esthétique relèvent du monde des idées. Cependant,
elles requièrent une logique pragmatique d’organisation pour leur
diffusion et leur transmission afin de toucher l’individu au niveau de son
comportement et la société à travers son style de vie. Cette logique doit
assurer les conditions fondamentales de l’efficacité au niveau individuel et
collectif. Elle doit prendre en compte le facteur temps de façon optimale
et utiliser les moyens pédagogiques appropriés pour assurer efficacement
la diffusion des idées. La logique pragmatique oriente les diverses formes
d’activités pour rendre optimale la production sociale. Cette logique
s’appuie sur un système d’organisation qui met en conformité
l’exploitation et la gestion des ressources naturelles et matérielles avec les
valeurs éthiques. Ce système englobe les domaines politique, juridique,
social et économique et orientent les règles de comportement de l’homme
en précisant les responsabilités individuelles et collectives. Ce système a
également pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes, de
faire respecter les droits et les devoirs à tous les niveaux de la société.
Dans les systèmes basés sur la religion, une grande partie des normes
d’organisation découle des prescriptions religieuses. Dans les systèmes
35
basés sur l’idéologie, ces normes sont souvent le résultat d’un consensus
entre les citoyens en fonction du rapport de forces qui existe entre les
différentes classes et à une époque donnée au sein d’une société.
2.1.4 Technique
On regroupe sous ce terme la science ou la technique. La science crée les
choses et permet leur compréhension. L’éthique, l’esthétique et la logique
pragmatique ne peuvent rien construire seuls en l’absence de moyens et
c’est la technique qui va les fournir. Ces moyens doivent servir l’homme
et non pas l’asservir au point de lui faire perdre son autonomie vis-à-vis
d’eux. Ainsi, l’action sociale est conditionnée par l’application des
théories et des moyens présentés par la science.
2.2 SOURCES DE LA CULTURE
Les quatre sources de la culture sont le monde des personnes, le monde
des idées, le monde des choses et le monde des phénomènes naturels.
2.2.1 Monde des personnes
Si on prend un cas courant dans la vie, on constate qu’une association
d’individus, comme par exemple une communauté, une société
commerciale ou industrielle, ne peut être viable et durable que si ses
membres partagent un certain nombre de valeurs morales (confiance,
solidarité, respect, partage). Elle ne peut être fondée uniquement sur
l’intérêt matériel. La définition d’un monde de personnes, en tant que
société, s’élabore à partir de l’analyse des éléments du passé avant de faire
intervenir les éléments de l’avenir. Les valeurs morales plongent leurs
racines dans l’éthique, qui remonte assez profondément dans l’histoire de
la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une
base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des
personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiq
Figure 3 : Sources de culture
2.2.2 Monde des idées
L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,
son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propre
cette société, lequel constitue une part importante
d’une société. Les différentes étapes d
processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société
apparaît sous une double forme
stimulants de la vie sociale, soit au contraire comme agents pathogènes
rendant impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres
termes, les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société
chemin du progrès et de la civilisation ou négatives en
CULTURE
PERSONNES
CHOSES
NATURE
36
la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une
base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des
personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiques.
: Sources de culture
L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,
son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propres à
constitue une part importante du matériel d’évolution
d’une société. Les différentes étapes d’évolution sont des phases de son
processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société
: elles peuvent agir soit comme des
sociale, soit au contraire comme agents pathogènes
nt impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres
les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société sur le
chemin du progrès et de la civilisation ou négatives entraînant la
CULTURE
PERSONNES
IDEES
CHOSES
37
destruction et la décadence. Le monde d’aujourd’hui est entré dans une
nouvelle ère où la majorité de ses problèmes ne peut être résolue que sur
la base de systèmes d’idées. Khrouchtchev disait « le succès économique
est le critère le plus fondé de la véracité des idées ». On entend souvent dire
que si les Arabes possèdent le pétrole, les Occidentaux possèdent des idées.
2.2.3 Monde des choses
Chaque société doit agir, sur le plan matériel, pour assurer le bien-être de
l’individu et de la collectivité. Elle doit utiliser et valoriser les ressources
naturelles disponibles qui constituent le support de la vie sur terre. On
regroupe avec les ressources naturelles, la protection et la sauvegarde de
l’homme (santé, hygiène) ainsi que l’environnement. L’homme,
l’environnement (qualité de l’air, de l’eau et du sol), les animaux, les
végétaux font partie des ressources naturelles. La différence entre les
diverses cultures se situe dans la façon de percevoir ces ressources, de les
utiliser et de se comporter vis-à-vis d’elles. L’interaction de l’homme avec
son environnement et les ressources naturelles est un processus
dynamique car, pour évoluer, l’homme modifie son milieu. Ce processus
doit se faire en préservant les ressources naturelles et en sauvegardant
l’environnement. La libération de l’homme des contraintes matérielles
d’ordre primaire lui permet de consacrer plus de temps à l’épanouissement
de son esprit. Toute chose se pose en termes de spiritualité et de
matérialité. La matérialité se manifeste à travers le langage objectif qui
intéresse l’artisan, le physicien, le chimiste, l’industriel ou le commerçant.
La spiritualité se traduit par un langage subjectif qui communique à l’âme
d’un enfant, d’un poète, d’un musicien, d’un inventeur, un message
mystérieux, mais riche de signification. Quand deux individus interprètent
38
de la même manière ce message, en dépit des différences sociales qui
peuvent exister entre eux, on en déduit qu’ils appartiennent à la même
culture. Une chose peut mourir quand elle se trouve coupée de son cadre
culturel habituel car, en dehors de ce cadre, son langage n’a pas de sens.
Considérons ce qui signifierait un avion qui atterrirait dans une foret dense
d’Amazonie12
pour une tribu restée au stade préhistoire. Il est évident que cet
avion (la chose) perd toute sa signification hors de son cadre culturel. Le
développement d’une société ne peut s’opérer uniquement par
l’accumulation de richesses et l’entassement des choses mais par un idéal
qui guide sa voie vers l’épanouissement de l’homme et de la société.
2.2.4 Monde des phénomènes naturels
Notre subjectivité joue un rôle capital dans la détermination d’une culture
et de son caractère, mais elle ne s’enrichit pas uniquement des personnes,
des idées et des choses. En effet, on a un perpétuel dialogue et échange
avec le milieu naturel (ressources naturelles et environnement) qui nous
transmet son message sous forme mystérieuse : les couleurs, les sons, les
odeurs, les mouvements, les ombres, les lumières, les formes. Ces
éléments naturels, eux-mêmes, sont captés par notre psychisme, dissous
dans notre subjectivité, assimilés par nous sous forme d’éléments
culturels, intégrés à notre être moral dans ses structures fondamentales. Ce
n’est pas sans motif que toutes les poésies et toutes les peintures célèbrent
les paysages, les levers et couchers du soleil, les nappes d’eau, les
ruisseaux, les chutes d’eau, la grâce d’un mouvement, la beauté des
formes, la légèreté d’un parfum, les nuances d’une couleur.
12
M. Bennabi
39
2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA CULTURE
La culture présente trois caractéristiques fondamentales :
• elle a une relative indépendance vis-à-vis des individus qui la
vivent et la pratiquent bien qu’elle n’existe que par eux,
• elle prend vis-à-vis du groupe social l’aspect d’un modèle admis,
partagé, standardisé et contraignant à un certain degré,
• elle constitue l’ensemble des manières d’agir c’est-à-dire de se
comporter et de penser qui sont nécessaires dans un groupe donné.
La culture traduit dans ses caractéristiques courantes (mœurs, croyances
morales, etc..) la manière dont le corps social a résolu le problème
fondamental de son adaptation au monde physique ou monde tangible. La
culture est l’ensemble des stimulations, contraintes et modèles qui
conditionnent l’action de l’homme, contribuent à la construction de son
être et lui permettent un ancrage solide dans le réel.
2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE
L'évolution de la culture est étroitement liée au développement des
connaissances et au progrès, grâce auxquels l’humanité exploite son
milieu naturel de manière de plus en plus complexe. Au XIXe
siècle, de
nombreux pionniers en matière d'anthropologie et de sociologie ont
avancé la théorie selon laquelle chaque culture passe par des étapes
spécifiques d'évolution. Aujourd'hui, cette théorie est remise en cause. Il
est évident qu'une société simple, isolée géographiquement du reste du
monde et composée de quelques centaines d'individus vivant dans la forêt
équatoriale amazonienne, ne pourrait seule mettre au point un système
40
d'agriculture irriguée ou fabriquer des automobiles. Ce n’est pas le cas du
Japon qui, ouvert aux échanges avec d’autres nations, a bénéficié du
transfert des connaissances et de leur apport. En moins d'un siècle, la
culture japonaise est passée d'une société agraire et féodale à l'une des
sociétés industrielles les plus avancées du monde. Ainsi, on peut déduire
que la culture humaine fonctionne par accrétion, accumulation et
assimilation, c'est-à-dire qu'elle peut se propager d'une société à l'autre
dans les limites imposées par l'environnement physique, selon son
aptitude à absorber de nouvelles idées, de nouvelles formes d’organisation
et de nouvelles technologies. La culture n’est pas figée dans le temps, non
seulement elle évolue selon sa logique propre, mais elle reste soumise à
l'ensemble des déterminants de l'histoire et des rapports avec les milieux
naturels et écologiques. Certains facteurs politiques, économiques,
techniques, environnementaux, voire démographiques, peuvent être à
l’origine et à un moment précis de crises et de transformations culturelles.
Aujourd’hui, avec la révolution et les autoroutes de l’information et de la
communication, les cultures se trouvent en confrontation directe. Ce qui
impose à celles qui veulent survivre de développer une stratégie offensive
au lieu d’une stratégie défensive qui les mettra, d’une manière ou d’une
autre, en position de faiblesse et d’infériorité. Pour assurer une
confrontation libre et démocratique des cultures et des idées, il est
indispensable de démocratiser, en premier lieu, ces autoroutes contrôlées
par les acteurs de la globalisation économique. Ce qui apparaît pour le
moment hypothétique, compte tenu de la main mise actuelle de ces
acteurs. La défense de la culture ne se différencie nullement de celle de
l’économie.
41
2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION
Le Larousse définit l’acculturation comme « l’adaptation forcée ou non à
une nouvelle culture matérielle, à de nouvelles croyances, à de nouveaux
comportements ». L’acculturation est le phénomène d’acquisition et
d’intériorisation de nouvelles valeurs par une culture donnée, compte tenu
des progrès scientifiques et techniques et du développement des méthodes
d’organisation. L’acculturation, dans sa dimension éthique, contribue au
renouveau de la culture en facilitant son adaptation temporelle et en
renforçant son rayonnement et sa diffusion à grande échelle. La culture
n’est pas un système figé de valeurs. Elle s’enrichit au contact d’autres
cultures par l’appropriation de valeurs, moyens et outils qui lui permettent
de mieux répondre aux besoins spirituels et socioéconomiques de
l’homme. L’amélioration constante des moyens d’information, de
communication et de transport a permis de renforcer considérablement les
échanges de toutes sortes entre nations. Tous les aspects d'une culture ne
se propagent pas avec la même rapidité, ni avec la même facilité. La
rencontre puis le contact conduisent à des phénomènes d'acculturation, de
sélection (réciproque ou non) d'éléments d'une culture par une autre, le
plus souvent voisines. Ces éléments culturels (nouvelles connaissances,
progrès techniques, mode d'organisation politique ou de gestion) peuvent
bien s'intégrer à la configuration culturelle qui les accueille.
L'acculturation fut d'abord conçue comme un phénomène d'échanges entre
institutions ou comme traits culturels équivalents. Cependant, les
anthropologues se sont rendus compte très vite de la nature profondément
inégalitaire de ces contacts: les dominations coloniales à la fois
économique et linguistique provoquèrent des acculturations forcées et
42
unilatérales souvent rejetées par les populations autochtones. La
destruction de groupes humains a entraîné des pertes culturelles
irréversibles et la disparition de patrimoines culturels originaux et
uniques. L'expansion européenne depuis le XVe
siècle, en Amérique du
Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et dans les archipels du Pacifique, fut
en un sens, un massacre et un génocide culturel. On qualifie cette
disparition humaine et matérielle des cultures dites «primitives» par le
terme d'ethnocide.
Les particularismes sociologiques et leur variabilité renvoient à un
ensemble de valeurs comme celles de l’appartenance religieuse, à des
profondeurs historiques, à des échelles démographiques et politiques, et
par conséquent, à des traditions où s'affrontent la culture comme forme ou
modèle et la culture comme fond ou matière. En ce sens, les cultures ne
sont ni des artefacts (des constructions) ni des machines bricolées (à
adaptation permanente). La culture est un instrument d'identification, de
valorisation et donc de transmission du patrimoine et de la tradition. Le
concept d’acculturation peut s’appliquer aussi bien à de nouveaux
éléments de culture qu’on désire introduire dans une société que de faire
revivre des valeurs du patrimoine culturel historique à même de servir de
motivation et de susciter une tension interne chez l’individu pour
l’appropriation des facteurs de développement global. Le concept
d’acculturation ne vise pas à manipuler les esprits d’un groupe social à des
fins immorales basées sur la haine d’un autre groupe social ou d’autres
nations comme ce fut le cas de la propagande fasciste hitlérienne (la
culture nazie prônait la supériorité de la race arienne sur les autres races
humaines) mais pour stimuler les individus afin de développer leurs
43
capacités morales naturelles et les amener à accepter et à consentir des
efforts dans le sens du bien commun et de l’humanité toute entière.
L’acculturation japonaise a permis d’injecter dans la culture ancestrale, les
méthodes, les comportements et les réflexes qui sont nécessaires pour
l’appropriation de nouveaux moyens de développement.
Le concept d’acculturation se fait en deux étapes : une étape de génération
et de formulation des idées et une étape d’application des idées. Dans la
première étape, on fait appel à l’analyse du passé, de l’état actuel de la
société et des perspectives de son évolution future. Dans la seconde étape,
conséquence de la première, on identifie les voies et moyens les plus
appropriés et les moins coûteux pour assurer les conditions optimales de
réceptivité par l’individu et la société. Une culture ne vaut que par
l’acceptation volontaire et sans contrainte et son introjection par la
majorité des individus qui constituent la société. Ce qui suppose au
préalable une formation et une éducation au cours desquelles les idées
sont explicitées et communiquées de façon la plus honnête possible. Cette
phase peut être plus ou moins longue en fonction du degré de maturité et
de motivation des populations. Des évaluations objectives doivent se faire
au cours de la mise en œuvre de cette phase pour remédier aux
imperfections qui peuvent apparaître afin de corriger et d’accélérer le
processus d’acquisition culturelle.
Tout concept d’acculturation présente donc une étape spirituelle pour la
genèse des idées et une étape temporelle pour leur mise en œuvre
opérationnelle. Ce concept ne doit pas être considéré comme statique et
immuable dans le temps. Il doit être sans cesse actualisé en fonction de
l’évolution du monde et surtout dans sa phase temporelle en intégrant les
44
nouvelles connaissances à même d’améliorer l’application pratique des
idées et l’efficacité temporelle. Le concept d’acculturation procède lui-
même de l’évolution historique de l’humanité. Chaque civilisation a
commencé, à côté de nouvelles valeurs qu’elle apportait, par s’approprier
les connaissances et les valeurs déjà acquises par les civilisations qui l’ont
précédée. C’est grâce à ses propres valeurs et à cette acquisition que
chaque civilisation a été en mesure d’inventer et d’enfanter de nouvelles
valeurs et d’assurer le progrès sans cesse renouvelé de l’humanité dans
son ensemble. En somme, sur le plan temporel, le savoir de l’homme est
l’accumulation historique des savoirs des hommes qui l’ont précédé. On
peut étayer cela par beaucoup d’exemples dans l’histoire de l’humanité.
La civilisation romaine a bénéficié de l’héritage du savoir grecque, celle
de Carthage de celui de Rome et la civilisation islamique de ceux qui l’ont
précédée. L’acculturation, si elle est bien définie au niveau de sa
conception et de sa mise en œuvre, peut bénéficier du boom représenté par
les nouveaux moyens de l’information et de la communication pour sa
transmission et son acquisition par le plus grand nombre. Par le passé, le
savoir se transmettait par l’individu et mettait beaucoup de temps pour se
répandre à grande échelle. L’évolution était lente et localisée.
Aujourd’hui, grâce aux nouveaux moyens de diffusion, la transmission
des savoirs s’accélère de manière inconnue jusqu’alors et se fait par
plusieurs voies et par un grand nombre d’individus. Ce qui induit, en plus
de la diffusion des connaissances, une synergie des savoirs qui accélèrent
plus le développement global de l’humanité, sur tous les plans. Au niveau
de chaque pays, les gouvernants doivent s'appuyer sur les cultures locales
ancrées dans les réalités de leur milieu pour concevoir des stratégies
d’acculturation. La solution ne peut pas être atteinte par l'application d’un
45
enseignement théorique ou l’importation de programmes éducatifs de
l’extérieur mais par une éducation qui prend en compte la culture locale.
Ce qui peut être facilement accepté par l'individu, la communauté et le
pays. Il faut incorporer, selon les circonstances locales, des éléments
d’enseignement tirés des réalités locales. Il est grand temps que des
politiques "alternatives", fondées non pas seulement sur l'économie de
marché mais sur la culture, soient conçues et appliquées au monde réel.
2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» 13
L’idée de culture populaire est une notion très récente. Elle est venue se
substituer à l’ancienne désignation de « folklore » et vise à effacer le
mépris vis-à-vis de toute réalité humaine à caractère oral ou social. Il est
légitime de s’interroger sur les raisons profondes qui ont amené la pensée
occidentale à réviser radicalement son attitude en passant du mépris de
son passé ancestral à un engouement particulier pour lui. Il apparaît que
ce recours au passé, dans le contexte de la civilisation occidentale, est
destiné à combler l’angoisse et le vide existentiels provoqués par l’échec
de la société de consommation. L’examen historique, au cours des six
siècles passés, montre que cette nouvelle valeur refuge de culture
populaire constitue l’effet transitoire d’une compensation psychologique.
Elle représente en somme une étape sur le trajet d’un drame qui a
commencé avec la rupture entre l’ordre spirituel et l’ordre matériel.
L’homme occidental, en rompant ses amarres culturelles, s’est vu emporté
13
H.Benaissa : Aperçu sur l’idée de culture populaire : El Moujahid 11-09-1989
46
par le torrent tumultueux du matérialisme. Aujourd’hui, par effet de
réaction à une évolution sans issue, il tente de s’accrocher aux racines de
ses ancêtres comme une bouée de sauvetage dans un passé qu’il a cherché
en vain à effacer de sa mémoire. La référence au peuple fait partie d’un
phénomène qui a commencé avec le XXe
siècle. De fait, il n’y a
pratiquement pas d’expression humaine qui ne se réfère de façon explicite
ou ne fait allusion à la vie populaire. La référence au peuple est
essentiellement une perspective sociologique où l’évocation est associée à
une revendication de justice sociale qui est devenue l’élément essentiel de
la politique des Etats issus des révolutions sociales. Cette référence a
aussi servi d’étendard à certains mouvements nationaux pour réclamer
l’indépendance de leurs pays. La finalité de la justice sociale diffère selon
que la perspective existentielle visée est de nature spirituelle ou
matérialiste. Aussi, elle produira sur le moyen et le long terme des effets
différents. La simple insertion populaire dans une perspective sociale est
insuffisante pour lui donner automatiquement sa véritable raison d’être
dans l’ordre humain. Par conséquent, pour rendre légitime le « concept de
culture populaire », on doit contribuer à restituer à l’homme son équilibre
spirituel et matériel en tant que norme de vie. Il doit s’inscrire dans le
contexte historique et humain qui a consacré sa genèse.
47
3. DIVERSITE CULTURELLE
Les cultures humaines varient considérablement. Elles vont
des sociétés dites «primitives» (sans écriture) aux sociétés
les plus lettrées et les plus civilisées. Malgré la diversité des
cultures dans le monde, toutes les sociétés présentent
certains traits culturels universels reflétant les réponses
communes aux besoins de l'homme en tant qu'être social.
A côté d’une culture globale, peuvent en exister des cultures minoritaires
qui particularisent des groupes sociaux ou des communautés et se
distinguent par leurs origines ethniques. La valeur de la culture dominante
se mesure au degré d’intégration et de fusion à elle des cultures
minoritaires. En d’autres termes, elle peut remplacer progressivement les
cultures minoritaires dans la mesure où l’éthique qu’elle véhicule est
supérieure et répond mieux aux aspirations sociales. Cette supériorité
s’entend à la fois sur le plan de l’authenticité de l’éthique et sur le plan de
son efficacité opérationnelle.
La rencontre des cultures est source d’enrichissement : se reconnaître dans
nos différences est indispensable pour mieux vivre ensemble, en
particulier dans nos sociétés de plus en plus métissées. Parler de diversité
culturelle revient à s’interroger sur le sens de la « culture »; il faut réduire
peu à peu le fossé entre les cultures nationales pour aspirer à une culture
universelle. Il faut substituer à la confrontation des civilisations,
génératrice de conflits et développée pour des fins non avouées par
certains théoriciens de l’exclusion, le rapprochement pacifique des
cultures.
48
3.1 DEFINITION
L’Unesco définit la diversité culturelle comme « l’ensemble des traits
distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent
une société ou un groupe social ». Ainsi, la culture est rattachée à un
groupe humain, elle englobe son histoire, sa langue, son mode de vie, ses
traditions, etc. Si les institutions internationales se dotent aujourd’hui d’un
arsenal normatif et législatif pour promouvoir la diversité culturelle, c’est
que celle-ci constitue un « enjeu majeur pour le nouveau millénaire ».
3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE DE
CLASSES
Dans les sociétés de classes, il peut y avoir autant de cultures que de
classes. Ce qui entraîne la compartimentation de la société en groupes
sociaux distincts dont les modes de vie et les intérêts sont différents. Cela
engendre des antagonismes à l’origine de ce qu’on appelle la lutte des
classes. L’équilibre social dépend alors du degré de leur cohabitation et
reste indispensable pour assurer la pérennité de la société. Les sociétés
actuelles l’ont compris à travers une meilleure cohésion sociale. On tente
de réaliser une juste répartition des richesses afin de réduire les fractures
sociales et les différences entre classes. Le but suprême d’une société est
l’aboutissement à une société sans classes, étape indispensable sur le
chemin menant à une culture nationale, partagée par tous.
3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT
DURABLE
Pour les peuples autochtones, il leur est de plus en plus difficile de
survivre et de préserver leur spécificité dans une économie mondialisée où
la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles
priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des la
des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie
durable, respectueux et adapté à l’environnement.
Figure 4 : Diversité culturelle
D’autre part, des insuffisances ont été
œuvre du développement durable et de son agenda 21, conçus à une
échelle globale par des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio
principes et protocoles internationaux
alors introduit, lors du sommet de Johann
développement durable, le facteur culturel
dimension du développement durable
DIVERSITE
CULTURELLE
DEFINITION
MONDIALISATION
COHABITATION
RISQUE
49
la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles
priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des langues,
des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie
durable, respectueux et adapté à l’environnement.
: Diversité culturelle
ont été constatées, en matière de mise en
ent durable et de son agenda 21, conçus à une
des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio,
internationaux). La communauté internationale a
introduit, lors du sommet de Johannesburg de 2002 sur le
, le facteur culturel comme une quatrième
du développement durable à côté des dimensions sociale,
DIVERSITE
CULTURELLE
DEFINITION
CLASSES
DEVELOPPEMENT
DURABLE
MONDIALISATION
50
économique et environnementale. Au concept « problèmes planétaires et
réponse globale » s’est substitué le concept « problèmes planétaires et
réponses locales ».Preuve donc que l’importance des spécificités locales
et culturelles prime dans le cadre du développement durable. L’Unesco
considère la diversité culturelle comme « une force motrice du
développement », un « atout indispensable pour atténuer la pauvreté et
parvenir au développement durable ».
3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION
La culture est aussi un marché, objet d’enjeux commerciaux très
importants à l’échelle mondiale. On parle d’ailleurs « d’industrie
culturelle ». L’Unesco et de nombreuses associations luttent pour que la
culture et les biens culturels ne soient pas soumis aux règles du commerce
international, en tant que biens publics mondiaux. Les cultures
« minoritaires » sont de plus en plus menacées. Ce qui nous conduit à
lutter pour les préserver. Au-delà de ces constats, il convient de considérer
qu’une culture vivante, perpétuellement en mouvement, doit encourager la
diversité culturelle sans fermer la porte à une réflexion sur la modernité.
Si on « sanctuarise » les cultures, on les fige dans une tradition rétrograde.
Les valeurs « universelles » ne s’opposent pas à une modernité bien
comprise car elles garantissent les droits et la dignité de tous, au-delà des
rapports de puissance et de clivages culturels.
3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE
L’encouragement de la diversité culturelle peut conduire certains peuples
et minorités au repli identitaire. Sous prétexte de protéger la culture et
l’authenticité face aux effets pervers de la mondialisation ou au supposé
51
péril vert, blanc, jaune ou noir, on pourrait assister parfois au
développement de mouvements ultranationalistes, à des poussées de
xénophobie pouvant aller jusqu’à la purification ethnique et au génocide.
Les crises récentes dans le monde ont ébranlé les convictions de beaucoup
sur la coexistence pacifique et le dialogue des cultures. Certaines sociétés
ont montré à quel point l’esprit démocratique, loin d’être un principe
solidement ancré, était épidermique, voire pelliculaire. Comment vivre
ensemble dans la diversité? La question est cruciale et se pose avec une
brûlante acuité. Nombreux sont ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur les
différents modèles de gestion de la pluralité dont chacun a montré ses
limites.
L’intégration à la française vise à imposer aux minorités la culture de la
République. Au lieu de s’ouvrir à la culture de ces minorités, on tente de
la nier au bénéfice de la culture majoritaire en se servant d’artifices
préfabriqués au nom de la défense des lois de la république, au nom d’une
laïcité mal comprise. Ce n’est pas le cas de certains pays anglo-saxons
comme l’Angleterre qui s’ouvre aux cultures minoritaires et accepte le
principe du communautarisme. La controverse reste vive en Europe où la
majorité des pays s’oppose au communautarisme, sous prétexte d’un
envahissement culturel. De nombreuses voix dénoncent le
communautarisme à l’instar du juriste suisse Bernard Wicht, qui affirme
que celui-ci « ne propose aucun vouloir-vivre-ensemble et conduit, en
dernière instance, à une certaine “balkanisation” des sociétés14
». Cette
14
« La diversité culturelle : le sens d’une idée », Diversité culturelle et
mondialisation, Paris, Editions Autrement, collection Mutations n°233, page 11.
52
attitude est pour le moins étrange dans des pays dits démocratiques qui
prétendent respecter les autres cultures et encourager la libre expression
des idées, surtout que ces pays affirment, tout haut, qu’ils sont
suffisamment immunisés contre l’influence d’une quelconque idéologie.
On peut alors se poser la question de savoir pourquoi ces pays ont peur de
la diffusion des autres cultures? Sinon d’eux-mêmes. Ce qui pose le
problème de l’acceptation de l’autre dans ces pays.
3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION
Il s’agit de concevoir une autre manière de vivre ensemble qui puisse
transcender l’obligation de culture unique républicaine et le pseudo-risque
du communautarisme, en évitant les écueils de la naïveté et des
anathèmes?
Dominique Wolton, célèbre sociologue français, directeur de recherche au
CNRS (Centre national de la recherche scientifique français) et auteur,
notamment « de L’autre mondialisation » affirme que « La cohabitation
culturelle consiste à établir des règles permettant à chaque culture de se
protéger ». Est-elle finalement si éloignée du fameux modèle andalou du
XIIe siècle où juifs, chrétiens et musulmans coexistaient et vivaient en
parfaite harmonie, exemple unique pour l’époque ? Thierry Fabre souligne
ainsi : « Avec ses règles et ses limites, ses conflits et ses dominations, la
convivialité a bien eu lieu dans la civilisation d’al-Andalus », Il s’agit
bien d’une expérience susceptible d’éclairer les débats de notre temps où
53
se répand le paradigme d’Huntington, selon lequel « les fractures de
civilisation sont les lignes de front de l’avenir15
».
A l’heure où la tentation du repli identitaire gagne du terrain, le grand
poète et essayiste mexicain Octavio Paz nous invite à emprunter un autre
chemin : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs,
souligne-t-il. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les
civilisations, de l’obsession de la pureté. Le drame des Aztèques, comme
celui des Incas, est né de leur isolement total: impréparés à confronter
d’autres normes que les leurs. Les civilisations précolombiennes se sont
volatilisées dès leur première rencontre avec l’étranger».
Dans le même esprit, Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS
(Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) écrit : « Les
métissages ne sont jamais une panacée ». Ils expriment des combats
jamais gagnés et toujours recommencés. Mais ils fournissent le privilège
d’appartenir à plusieurs mondes en une seule vie.
15
L’héritage andalou, La Tour d’Aigues, Editions de l’aube, collection Monde en
cours, 1995, page 7.
4. ROLE DE CULTURE
La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support
comme la langue, l’histoire,
l’environnement, l’économie, la politique
Figure 5 : Rôle de la culture
4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE
D’après le Larousse
représentations cohérentes dans lesquelles un
sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre
une autre classe pour imposer sa domination
ROLE DE LA
IDEOLOGIE
POLITIQUE
ECONOMIE
ENVIRONNEMENT
54
. ROLE DE CULTURE
La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support
, l’idéologie, l’éducation, la science,
l’environnement, l’économie, la politique.
: Rôle de la culture
IDEOLOGIE
Larousse « l’idéologie est un ensemble de
représentations cohérentes dans lesquelles une classe
sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre
une autre classe pour imposer sa domination ».
ROLE DE LA
CULTURE
IDEOLOGIE
LANGUE
HISTOIRE
EDUCATION
SCIENCE
55
On peut se poser la question de savoir s’il faut parler de culture sans parler
d’idéologie ou d’idéologie sans parler de culture. Si le concept de culture
est vieux comme l’histoire, il n’en est pas autant du concept de
l’idéologie. Les idéologies, en Occident, sont nées au XXe
siècle avec
l’éclosion des connaissances scientifiques dans de multiples domaines de
la vie et l’influence des idées nouvelles sur la nature de la société humaine
et du rôle de l’individu. Ces idéologies sont nées également des
contradictions de l’église et des conflits d’autorité entre elle et l’Etat.
L’église, tout en restant une institution distincte, exerçait de façon directe
son influence sur l’Etat. Ces idéologies sont aussi le résultat de l’extension
du nationalisme, bien que celui ci ne soit pas né au XXe
siècle. Elles
découlaient aussi de la prise de conscience croissante en faveur d’une
unité possible du genre humain. Il apparaît pour le moins une
contradiction entre deux idées maîtresses : le nationalisme et l’unité du
genre humain. Le nationalisme a abouti au désir d’expansion de certains
pays au détriment des autres par la colonisation. Cette vision a commencé
avec les premiers établissements humains de l’histoire. Dés qu’un groupe
humain s’appropriait un territoire, son objectif premier consistait à assurer
son extension au détriment des autres.
Chaque pays, dans le souci de l’unification du genre humain, agissait pour
soi tout en éprouvant le besoin de se rassembler autour d’une nouvelle
invention à savoir l’identité idéologique. Avant l‘apparition de l’idéologie,
les pays se différenciaient principalement sur une base culturelle
d’essence religieuse : chrétienne, judaïque, islamique, hindoue, djaïna,
bouddhiste, confucéenne, taoïste, shintoïste, etc. Bien que beaucoup de
religions prêchent la fraternité des hommes, l’unité de l’humanité n’a pu
56
se faire à cause principalement des idéologies. En effet, les idéologies
définissent les rapports sociaux en tant que rapports de force basés sur des
intérêts matériels, alors que la culture religieuse les définit en tant que
rapports moraux basés sur une éthique. Certaines nations et groupes
humains, unis par un sentiment d’appartenance à une identité culturelle
commune, se sont efforcés de conformer la réalité de leur existence
quotidienne avec leurs idéaux culturels.
Pour les démocraties libérales qui, historiquement, n’appliquaient que le
principe étroit purement politique, d’autodétermination, cela signifiait une
extension du concept aux aspects socioéconomiques de la vie.
Pour les sociétés marxistes, qui interprétaient l’humanité en termes de
marxisme, cela signifiait l’identification d’un peuple avec le processus
historique du matérialisme dialectique et l’unification des efforts de tous
en vue d’édifier une société socialiste.
Pour les nationalistes, comme Mussolini, il s’agissait de recréer la
grandeur d’un lointain passé : l’empire de Rome.
Pour Hitler et les Afrikaanders de l’Afrique du Sud, la race devenait un
concept de vocation nationale et une justification suffisante pour dominer
les autres peuples considérés comme inférieurs.
Chacune de ces idéologies a développé un modèle de culture et une
éducation pour lui servir de support pour son implantation et son
extension. Mais aucune de ces cultures ne pouvait s’ériger en culture
globale, car elles s’excluaient mutuellement. Ceux qui croyaient en une
religion unique liant leur vie spirituelle à leur vie politique, ont formé un
Etat conforme à leur conviction comme dans le cas du Pakistan.
Figure 6 : Idéologie
Des pays, comme le Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles
connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes
occidentales dans leurs structures sociales existantes. Tout en respectant
les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japona
restait: « un esprit japonais et un savoir faire occidental
japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de
l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,
des vieux avec les jeunes, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs
avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,
professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a
cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en
IDEOLOGIE
LIBERALISME
SUPREMATIE
RACIALE
MARXISME
57
igure 6 : Idéologie
Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles
connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes
s structures sociales existantes. Tout en respectant
les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japonais
un esprit japonais et un savoir faire occidental ». La tradition
japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de
l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,
, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs
avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,
professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a
cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en se
IDEOLOGIE
LIBERALISME
NATIONALISME
SUPREMATIE
RACIALE
58
basant sur le fondement des principes traditionnels qui consistent à
honorer le passé historique du Japon et l’éthique confucéenne. Le Japon
est un des rares, sinon l’unique pays qui a réussi, pendant un laps de temps
historique réduit, à dynamiser et à rénover sa culture traditionnelle en y
incorporant le savoir faire occidental tout en respectant son savoir être.
Les idéologies ont donné naissance à de nombreuses cultures qui ont
compartimenté le monde et rendu son unité pratiquement impossible.
4.2 LANGUE
Ibn Khaldoun disait « Les langues ne sont que
l’interprète du contenu de la conscience : c’est à dire des
significations qu’elle renferme ».
L'émergence du langage fut une étape décisive qui a permis l’expression
de la prodigieuse complexité de la culture humaine. Grâce à lui, les
hommes sont capables d'utiliser des symboles, c'est-à-dire d'octroyer et de
communiquer des significations par l'intermédiaire de signes phoniques et
par l'organisation de ces signes en phrases. S'ils reçoivent un
apprentissage, de nombreux animaux sont capables de réagir au langage,
mais uniquement en tant que signaux ou appels, non en tant que véritables
symboles. Toutes les cultures humaines ont pour fondement le langage.
Même les langages des peuples analphabètes possèdent un degré de
complexité suffisant pour transmettre la totalité d'une culture dans ses
éléments et ses connexions. Dans certaines civilisations, le langage ne
permet de nommer que les cinq premiers chiffres; pour les chiffres plus
élevés, on utilise le terme « beaucoup »; d'autres disposent d'un système
décimal leur permettant de compter jusqu'aux millions, milliards et même
davantage.
59
Le génie d’une langue est conditionné par les éléments que fournit le
milieu naturel à sa rhétorique particulière. La topographie et la nature des
lieux, le ciel, le climat, la faune, la flore sont des générateurs d’idées et
d’images qui sont le patrimoine particulier d’une langue à l’exclusion
d’une autre. Par conséquent, la critique interne d’une langue doit y
révéler, dans une grande mesure, ses rapports avec les données du milieu
naturel où elle est née.
La langue, d’une façon générale, est organisée pour véhiculer la pensée
d’une culture et d’une civilisation. Si la culture est le concepteur d’une
civilisation, la langue est son moyen de transmission. Une culture évolue
sans cesse et doit en permanence adapter la langue qui la véhicule. En
somme, la culture fait la langue mais la langue ne fait pas la culture.
La psychologie moderne montre que la langue ne constitue pas la source
de la logique mais au contraire elle est structurée par elle. Ceci contredit
les affirmations de Durkheim qui, se basant sur le fait que le langage
comporte une logique, extrapole en disant que la langue est le facteur
essentiel et même l’unique moyen d’apprentissage de la logique par un
individu donné, soumis à un type de culture. Pour étayer ceci, on peut
prendre l’exemple de la latinisation des caractères arabes par M.K.
Atatürk qui pensait que le retard culturel des Turcs était dû à la langue
arabe. Cependant, l’argument véritable n’était pas là, mais plutôt dans le
désir de rompre définitivement avec l’héritage arabe et islamique des
peuples voisins. M.K. Atatürk était un nationaliste qui attribuait la cause
de l’effritement de l’empire Ottoman uniquement à l’opposition des
peuples arabes en oubliant la part de responsabilité qui incombait aux
sultans Turcs eux-mêmes dans la gestion désastreuse de l’empire ottoman.
Pendant longtemps, la Turquie
musulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions
sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.
Elle cherche, aujourd’hui, à s’intégrer à
européen, non pas sur la base géographique mais culturelle. L’adhésion à
l’Union européenne est fortement contestée par de nombreux pays de
l’UE, tandis que celle de son adversaire de toujours
été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela
signifie pas que les latins l’ont adoptée
Figure
4.2.1 Analyse historique des langues
Si l’on s’intéresse aux principales langues
par le passé, peut-on affirmer que le
fonction de sa propre structure? On peut répondre d’emblée
En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues
qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de
civilisation qu’elles véhiculaient. Aujourd’hui, elles valent ce que valent
LANGUEHISTORIQUE
60
a continué, à l’instar d’autres pays
sulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions
sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.
à s’intégrer à l’Occident, qui lui refuse le label
ographique mais culturelle. L’adhésion à
est fortement contestée par de nombreux pays de
tandis que celle de son adversaire de toujours, la Grèce voisine, l’a
été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela ne
atins l’ont adoptée en lui ouvrant les portes.
Figure 7 : Langue
Analyse historique des langues
Si l’on s’intéresse aux principales langues, qui ont rayonné sur l’humanité
on affirmer que le rayonnement d’une langue est
propre structure? On peut répondre d’emblée par le non.
En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues
qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de la
. Aujourd’hui, elles valent ce que valent
RENAISSANCELANGUE
61
la Grèce, Rome et les pays arabes16
. Elles se sont sous-développées au
même titre que les civilisations qui les véhiculaient. Citons l’analyse
judicieuse de R. Bénaissa : « Nous savons que trois langues se sont
imposées successivement à des aires variables avant l’époque moderne :
le Grec, le Latin et l’Arabe. Il est clair que leur diffusion n’a pas dépendu
de leur ‘’logique interne’’ mais des civilisations successives qu’elles ont
exprimées. Il est plus évident que leur extinction n’a pas été provoquée
par leur incapacité à forger des néologismes, elles étaient toutes à leur
apogée, mais par la décadence des civilisations qu’elles traduisaient.
C’est la décadence des groupements humains, qui à une phase de leur
évolution, ne réfléchissent plus, ne produisent plus et n’inventent plus
rien ».
Durant la domination coloniale, les peuples colonisés ont résisté à
l’assimilation linguistique comme un moyen de résistance culturelle. Une
des premières formes de combat contre le colonialisme fut celle de la
langue et de sa reconnaissance par les autorités coloniales. Malgré leur
appauvrissement matériel, les peuples colonisés cotisaient sur leurs
maigres revenus pour créer des écoles comme l’exemple des médersas en
Algérie et apprendre à leurs enfants la langue de leurs parents et ancêtres.
La colonisation, malgré ses moyens colossaux et ses cerveaux, n’a pas
réussi à briser la langue des autochtones. Sous la pression des peuples
sous sa domination, la colonisation fut souvent contrainte d’autoriser la
création d’écoles pour l’enseignement de langues autochtones, mais
revenait très tôt sur cette autorisation en emprisonnant les maîtres d’école.
16
M Bennabi : langue et culture
Islam   et   culture   mai 2012
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Islam et culture mai 2012

  • 1. Mahi TABET AOUL ISLAM ET CULTURE Edition BENMERABET 2010
  • 2. w PPrreemmiièè 2010‫م‬ Tous droits réservés Dépôt légal : 3771 ISBN : 978-9961 Edition impression BENMERABET Tél. : 05 55 43 71 96 Email : mbenmerabet@gmail.com 2 w èèrree EEddiittiioonn 1431‫هـ‬-10 Tous droits réservés 3771 - 2010 9961-9903-1-5 /*/* Edition impression BENMERABET : 05 55 43 71 96 mbenmerabet@gmail.com
  • 3. 3 OUVRAGES DE L’AUTEUR • Développement durable au Maghreb : Contraintes et Enjeux : édité par le HEI (Centre des Hautes Études Internationales) Université de Laval - Québec – Canada- Juillet 2010 • Société, environnement et santé. Co-auteur, Cahiers du CRASC - Oran, Algérie - 2009. • Adapter les agricultures au changement climatique, Co-auteur, Mediterra, Chapitre 3, Sciences PO, Plan Bleu et Ciheam - Paris, France – 2009. • Communication nationale de l’Algérie, Co-auteur - Convention Cadre des Nations Unies du Changement climatique (CCNUCC) - 2003 • Note d’alerte n°48 du CIHEAM (Centre International des Hautes Études Agricoles Méditerranéennes) Juin 2008 • Changement climatique et risques sur le Maghreb, PNUD - Somigraf - Casablanca, Maroc - 1999.
  • 4. 4 • Développement durable et stratégie de l’environnement, Office des presses universitaires - Alger, Algérie, 1998. • Ozone et réglementation - ARCE et IHFR, Oran, Algérie, 1993. • Pollution thermique, radioélectrique, bruits et odeurs. ARCE et IHFR Oran, Algérie, 1993 • Environnement –Passé, Présent et Futur - Edition- impression BenMerabet- Alger- Algérie 2011 • Islam et Environnement - Edition-Impression BenMerabet- Alger- Algérie 2010 • Dictionnaire bilingue (français-anglais-français) sur l’environnement - en voie d’édition.
  • 5. 5 REMERCIEMENTS Merci à Dieu de m’avoir donné foi et force pour écrire. Je remercie ceux et celles qui ont accepté de lire et de commenter le contenu de ce livre et émis de nombreux avis et observations. Que chacun trouve ici l’expression de ma profonde reconnaissance. Je rends un hommage particulier à Wahida et Si Mohammed pour leur assistance tout au long de la réalisation de cet ouvrage.
  • 6. 6 DEDICACES Cet ouvrage est l’occasion d’honorer la mémoire des Chahids, mes compagnons de jeunesse et mes frères de combat, morts à la fleur de l’âge pour la liberté de l’Algérie : Bouchenak Kamel, Grari Brahim et Tabet Aoul Touhami. Que Dieu leur accorde sa pleine miséricorde. Ma reconnaissance va à chaque membre de ma famille pour la patience et l’appui apportés tout au long de ma carrière. Cet ouvrage témoigne de mon profond attachement à la ville de Tlemcen qui m’a vu naitre et grandir mais que j’ai du quitter à l’âge de 20 ans. Cette belle ville m’a bercé de sa culture et apporté le bonheur de la foi et du savoir. Ce n’est que justice si, aujourd’hui, je lui apporte cette modestie contribution à l’occasion de sa célébration, en 2011, comme capitale de la culture islamique.
  • 7. 7 SOMMAIRE PRESENTATION DE L’OUVRAGE______________________________ 8 1. INTRODUCTION _________________________________________ 10 2. DEFINITION DE LA CULTURE _______________________________ 29 3. DIVERSITE CULTURELLE ___________________________________ 47 5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE ________________________ 87 6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN AGE OBSCUR DE L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE251 7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT _________ 270 8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET CULTURE HUMANISTE _________________________________________________________ 276 9. CONCLUSION____________________________________________ 287 BIBLIOGRAPHIE____________________________________________ 289
  • 8. 8 PRESENTATIONION DE L’OUVRAGE Cet ouvrage est un ouvrage de synthèse qui vise trois objectifs : • Le premier est de définir la culture et son rôle dans le développement de la civilisation, • Le second est d’offrir un manuel synthétique et didactique pour l’éducation et la formation sur la culture islamique et son apport au patrimoine universel à travers le « moyen âge d’or » de l’Islam, • Le troisième est de relater les témoignages de grands penseurs occidentaux sur le rôle joué par la civilisation islamique dans la genèse de la civilisation occidentale. L’ouvrage aborde les différents piliers de la culture à travers l’éthique et l’esthétique qui constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation, les ressources naturelles, l’environnement, le cadre de vie, le capital matériel et technique qui servent à satisfaire les besoins sociaux et enfin l’organisation socioéconomique et politique. Il précise le rôle de la culture dans le développement durable. Après l’introduction sur la problématique culturelle de notre époque, l’ouvrage aborde la question culturelle à quatre niveaux :
  • 9. 9 • le premier porte sur la définition et les caractéristiques fondamentales de la culture, son évolution, sa diffusion, les subcultures, le processus d’acculturation, le concept de culture populaire et la diversité culturelle, • le second aborde le rôle de la culture et ses liens avec l’idéologie, la langue, l’histoire, l’éducation, la science, la politique, l’économie, les ressources naturelles et l’environnement, • le troisième concerne la culture islamique et son impact dans les différents domaines, • le quatrième décrit l’apport de la culture islamique au monde et en particulier à l’Occident à travers le développement de la pensée humaine, la pensée expérimentale et pratique, le progrès scientifique, la philosophie rationaliste, le développement socioéconomique et le rôle précurseur de l’Islam dans la Renaissance de l’Occident; cette partie aborde aussi la comparaison entre culture islamique et culture humaniste.
  • 10. 10 1. INTRODUCTION Chams Eddine El Babili1 « Un ouvrage nouveau doit traiter exclusivement d’une des sept questions : une chose nouvelle à créer, incomplète à achever, confuse à préciser, prolixe à résumer, désordonnée à mettre en ordre, dispersée à synthétiser ou erronée à rectifier ». La culture est à la fois l’héritage des connaissances et pratiques accumulées par les ancêtres et celles acquises par les générations présentes. Si l’on ne profite pas de l’expérience du passé et qu’on recommence chaque fois tout de nouveau en se repliant sur soi-même, il n’y aurait jamais ni culture, ni civilisation. La culture est pour une civilisation ce qu’est l’eau pour la terre. A une question sur la définition de la culture, le général De Gaulle avait répondu que « c’était tout ». La culture est la seule mesure valable du niveau de civilisation d’un pays et de son potentiel scientifique, technique, économique et social et organisationnel. Toutes les grandes civilisations ont marqué leur passage par des réalisations dans le domaine de la culture. A ce jour, on continue de parler des civilisations Egyptienne, Grecque, Romaine, Carthaginoise, Inca, Islamique, etc. Chacune se caractérisait par un type de croyance, d’éthique, d’esthétique, de style de vie, d’organisation sociale, d’architecture, d’arts, etc. Beaucoup de vestiges témoignent, encore de 1 Chams Eddine El Babili, mort en 1077 de l’Hégire, cité par Moulla El Mohibbi, Khoulassat El Athar, Fi Aciane El Kar El Hadi Achar T.IV P-41 Edition du Caire 1284 H
  • 11. 11 nos jours, de la splendeur et du rayonnement de ces civilisations. On peut aussi parler de grands hommes ayant marqué l’histoire par leurs œuvres, comme les Grecs: Thalès, Socrate, Hippocrate, Gorgias, des Romains: Vitruve, les Musulmans: Jabir, Khawarizmi, El-Rhazy, Avicenne, Averroès, Ibn Khaldoun, les Français: Descartes, Montaigne, Montesquieu, Pascal, Rousseau, etc. La culture est un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis, qui relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les hommes des éléments et phénomènes du milieu extérieur qui les entourent. La culture repose sur les liens psychiques entre l’ego de l’homme et le milieu extérieur qui l’entoure, entre l’homme et la société, entre l’homme et la nature. L’anthropologie définit l’homme comme un animal pensant que la religion a humanisé et civilisé. Aujourd’hui, les puissants centres qui contrôlent l’économie mondiale, considèrent que la culture des peuples est un frein sur le chemin de la globalisation qui repose aujourd’hui sur le matérialisme basé sur le développement des moyens de production et l’intensification de la consommation. On tente d’uniformiser l’homme, selon un moule social unique qui le rend assimilable par la machine économique et la machine des loisirs. A l’heure actuelle, on ne veut plus de l’homme pensant mais de l’homme pensé. Pour le canaliser, il faut agir sur son comportement, son mode de vie et atténuer chez lui par un processus discret, le temps et la liberté de réflexion en manipulant et en dissipant son esprit de façon permanente. La puissance économique se sert du développement vertigineux des
  • 12. 12 réseaux d’information et de communication pour véhiculer de nouvelles valeurs et insérer l’homme dans le nouvel ordre mondial. Le but ultime à atteindre est celui de dépouiller l’homme de son psychique pour qu’il devienne une matière facile à usiner et même une marchandise d’un nouveau genre. On tente, par des moyens divers, d’exacerber les instincts primaires de l’homme par la banalisation et la libéralisation sexuelle. On affirme que les religions ont longtemps maintenu, par leur enseignement moral, l’homme dans une forme de privation et d’infériorité l’empêchant de donner libre cours à sa vraie nature pour s’épanouir et satisfaire ses désirs naturels. En Occident, après avoir libéré l’homme de la contrainte du mariage en instituant le concubinage, voilà qu’on autorise le mariage mono-sexuel. L’origine parentale n’est plus une exigence sociale. Une véritable anarchie sociale s’installe et avec elle la dégénérescence de l’espèce humaine. Avec ce système libertaire, de plus en plus ouvert, on ne va pas s’arrêter là avec toutes les conséquences néfastes sur l’équilibre psychique et biologique de l’homme de demain et sur sa pérennité. La famille, qui constitue la cellule de base de toute société, depuis des millénaires, se dilue pour ne plus être une référence et un point d’ancrage au plan moral et social. Au nom d’une pseudo-liberté ou de protection des enfants, on va jusqu’à retirer et éloigner les enfants de la tutelle familiale. En encourageant l’éclatement de l’unité familiale, on atomise ses membres qui deviennent une proie facile à la manipulation tout en exacerbant le développement de l’individualisme. Il s’agit là d’un processus qui détache l’homme de ses racines et le dépouiller de son héritage historique. On doit tout effacer de la mémoire de l’homme moderne pour qu’il devienne un réceptacle pour
  • 13. 13 de nouvelles valeurs conçues par l’homme et pour l’homme. Si Descartes affirmait la puissance de l’homme sur la nature, le phénomène actuel de globalisation repose sur la puissance de l’homme sur l’homme. On pense à l’homme de demain, qui sortira des éprouvettes de laboratoires spécialisés au moyen de manipulations génétiques qui permettront de donner naissance à l’être idéal en vue de sa généralisation. Cette sélection utilise la science génétique, bénéficie de gros moyens financiers et se fait dans le secret absolu. On oublie, sur la base de cette même science, que le phénomène d’uniformisation signifie le commencement de la dégénérescence de la race humaine. Ce sont de nouveaux rapports de maître à esclave qui sont mis en œuvre. On tente d’un côté d’animaliser l’homme et d’un autre côté, d’utiliser la science et la technologie pour asservir son esprit. P.T. De Chardin2 disait que la croissance de la population mondiale et les ressources naturelles limitées de notre planète conduisent au phénomène de compression humaine. A l’avenir, on sera de plus en plus nombreux à vivre dans des espaces limités. Aujourd’hui près de 60% de la population mondiale se concentre dans les zones littorales. L’équilibre de la planète et la survie de l’humanité ne peuvent être assurés que par une nouvelle éthique permettant une meilleure cohésion humaine basée sur le renforcement des liens sociaux et spirituels entre les êtres humains et avec leur environnement afin de les rendre solidaires dans des espaces de plus en plus réduits. Les tendances actuelles du développement économique et social se 2 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956
  • 14. 14 trouvent à l’opposé de la vision de P.T. De Chardin. Les ambitions politiques et le désir de puissance lié au leadership mondial tentent de casser les liens entre les nations et hommes pour les asservir. Déjà aujourd’hui, l’homme subit une véritable oppression technologique. Il passe plus de temps à s’occuper de ses moyens de confort, de leur entretien et de leur maintenance que de penser ou de réfléchir à sa propre condition. L’encouragement au crédit bancaire et la spéculation, enferment l’homme dans une spirale d’endettement sans fin, à l’origine d’un stress aux conséquences néfastes comme le risque éventuel de perte d’emploi ou de chômage. La recherche d’une uniformisation de l’homme, d’une part, et le pouvoir exorbitant d’une minorité, d’autre part, fragilisent l’équilibre de l’humanité et mettent en péril son devenir. En effet, pour maintenir ses privilèges et sa position dominante, la minorité favorisée (l’oligarchie dominante) n’hésitera pas, au nom d’un pseudo-humanisme ou d’un droit d’intervention humanitaire de circonstance qu’elle inventera et conditionnera, à provoquer des conflits armés, des guerres et même des génocides de façon permanente et dans de nouvelles régions géographiques de la planète. Le but non avoué est de permettre l’entretien et le financement permanent des complexes militaro-industriels qui consomment et drainent le plus gros des investissements, des ressources naturelles et des ressources financières du monde. Quand on se réfère à l’histoire, on constate que le colonialisme a utilisé la puissance de sa science et de sa technologie pour tenter d’uniformiser le monde sur la base de ses propres valeurs. Ceci a entraîné la mort de dizaines de millions d’êtres humains et la destruction à grande échelle de nombreux pays. Aujourd’hui, certains Etats, grâce à leur puissance économique, tentent
  • 15. 15 encore de réitérer cette expérience douloureuse pour imposer un néocolonialisme non déclaré ou un monopole industriel ou commercial aux mains de puissants groupes financiers. Ce qui les amènera non seulement à détruire le patrimoine culturel des peuples mais aussi une partie de l’humanité qui refusera de s’y soumettre. Il est temps, avant qu’il ne soit trop tard, de renforcer l’éthique, la cohésion et la solidarité entre les peuples pour équilibrer les assauts d’une mondialisation sans visage. Déjà dans les années 50, R. Garaudy, alors membre du parti communiste français, prophétisait sur l’évolution de l’Occident à travers les lignes suivantes publiées dans l’organe théorique ‘les Cahiers du Communisme’: « Nous voyons aujourd’hui succéder au fascisme (référence à la période hitlérienne) de nouvelles formes de division et de nouvelles exclusives : ceux qui se font aujourd’hui les défenseurs du ‘bloc occidental’ en diplomatie, de ‘la démocratie occidentale’ en politique, de la ‘civilisation occidentale’ en morale, représentent les mêmes forces sociales de réaction, d’agression, et de proie que les organisateurs de ‘l’ordre européen et occidental’ du fascisme, c’est à dire les trusts capitalistes. Ce sont les mêmes qui dans le Proche Orient, pour des raisons pétrolières et de pure stratégie militaire, s’efforcent de constituer un ‘bloc oriental’. Grâce à ce bloc dirigé par eux, ils espèrent continuer à pomper le pétrole et les surprofits, et aussi maintenir les divers peuples arabes sous leur domination impérialiste. Dans les deux cas, l’objectif est le même : la justification idéologique de la même politique d’exclusive. ». G. Garaudy ajoutait : « Notre choix est fait : ni sur le plan diplomatique, ni sur le plan politique, ni sur le plan intellectuel et moral, nous ne voulons isoler ou séparer l’Occident ou l’Orient du reste du monde et sa culture. Nous ne voulons pas faire de l’Occident ou de l’Orient une île ».
  • 16. 16 La Renaissance en Europe aux XVe et XVIe siècles amena une rénovation littéraire, artistique et scientifique. Elle remit à l’honneur la culture antique gréco-romaine tout en occultant l’apport de la culture islamique, alors que celle-ci était une partie intégrante de la culture européenne, notamment à travers des échanges scientifiques et culturels, très intenses qui existaient depuis le XIe siècle. Ceci est d’autant plus regrettable, que c’est grâce aux traductions arabes de savants musulmans, que les travaux d’auteurs gréco-romains ont pu être conservés dans leur forme originale au bénéfice de la postérité. C’est grâce à la civilisation arabe que les conditions intellectuelles de la Renaissance ont été rendues possibles à travers la résurrection de la culture antique et de l’hellénisme. Depuis l’avènement de la Renaissance, l’un des aspects constant de la politique de l’Occident a consisté à nier, sans cesse et de façon volontaire, le rôle joué par la civilisation islamique dans l’avènement du monde moderne. L’Occident a fait du moyen âge, période florissante de la civilisation islamique, un âge obscur. Il s’agit là d’une conspiration du silence imposé et d’une falsification systématique visant à nier des vérités historiques solidement établis. Au cours de ce moyen âge, la civilisation islamique a apporté une riche contribution au progrès de l’humanité dans tous les domaines de la pensée, de la science et de la technique. Encore de nos jours, une place dérisoire, sinon nulle est réservée à la civilisation islamique au sein des programmes d’enseignement des écoles et universités occidentales. On passe sous silence son rôle dans la conservation et la réanimation des anciennes civilisations de Mésopotamie, de Perse, d’Egypte, de Grèce et de Rome. De même, on a fait table rase des découvertes, dans de nombreux domaines, réalisées par les savants de l’Islam au cours de l’âge d’or (800 à 1100) où ils avaient
  • 17. 17 surpassé leurs prédécesseurs. Lorsque l’élève ou l’étudiant européen3 a la curiosité de s’intéresser à l’Islam ou à la conquête arabe, il a l’impression, à la lecture des manuels officiels, d’être en présence d’une énigme indéchiffrable ou d’une phase de stagnation de l’évolution de la civilisation humaine. Il ne dispose d’aucun moyen objectif pour comprendre les fondements et les conséquences de la conquête islamique qui, en quelques années, a unifié un territoire immense qui s’étendait de l’Océan Atlantique à la mer de Chine. Cette conquête a fait franchir à l’humanité une nouvelle étape historique en intégrant, à grande échelle et pour la première fois dans l’histoire, des peuples et des cultures différents. L’expansion islamique, contrairement à ce qu’on a raconté, n’a pas été uniquement le fruit d’une supériorité militaire mais bien celui d’une supériorité spirituelle, à travers une nouvelle civilisation qui apportait, aux peuples conquis, plus de justice, de liberté et de bien-être moral et social. Aujourd’hui, le développement scientifique et technique et les réseaux de l’information concourent à l’ébauche d’une fédération universelle dans les divers domaines de la vie internationale. La notion d’espace a été abolie et il n’y a plus entre les peuples que la distance de leurs cultures. Au lieu de rechercher la supériorité ou l’exclusion d’une culture par une autre, il faudrait accepter les différences en les rendant complémentaires. Il a fallu attendre le 18 mars 2007 pour voir l’UNESCO adopter la Charte sur la diversité culturelle comme une source d’échanges, d’innovation, de créativité et comme patrimoine commun de l’humanité devant être reconnu au bénéfice des générations futures. 3 M. Bennabi.
  • 18. 18 C’est la conscience populaire fortifiée par la culture qui est le véritable héritage et le patrimoine le plus précieux d’un peuple. Elle permet d’assurer sa conservation et sa pérennité à travers l’histoire. Une conception erronée, largement répandue dans les pays en développement, particulièrement dans les pays anciennement colonisés, est de considérer que le développement dépend uniquement de l’accumulation des connaissances scientifiques et des moyens matériels pour sortir du sous- développement. Pour réussir, cette accumulation doit être précédée d’une pensée directrice, constructive et intégrative, qui doit s’élaborer à partir du diagnostic de la situation présente et d’une vision à réaliser à moyen et long terme. Cette pensée doit impliquer d’abord et avant tout l’homme en amont et en aval de tout projet de développement : en amont, dans la conception réaliste des priorités en fonction de ressources humaines et matérielles disponibles et en aval par l’identification et la mise en œuvre des conditions permettant à l’individu de s’approprier le savoir traditionnel, les nouveaux savoirs et moyens scientifiques et techniques. Les valeurs culturelles, propres aux peuples, sont le moteur et la source de toute motivation. Elles doivent être prises en compte au côté de l’accumulation scientifique et technique. La méconnaissance de ces priorités et conditions a souvent conduit à l’échec du développement et à l’avènement d’une société de classes où le pouvoir s’exerce par une minorité de privilégiés au détriment d’une majorité. Ce qui a conduit à une paupérisation généralisée des peuples. Citons la réflexion de J. Berque sur les pays arabes « le pragmatisme et l’utilitarisme trop courts qui, par réaction contre d’anciennes servitudes, règnent actuellement dans certaines pédagogies arabes: c’est peut être le dernier piège de l’impérialisme ».
  • 19. 19 Le fait de considérer le modèle occidental comme unique modèle de référence pour assurer le développement a eu un impact ravageur sur les cultures des pays en développement conduisant au déracinement de l’homme et à l’émergence de nouveaux modes de vie et de comportements nuisibles au maintien de l’équilibre au niveau des liens familiaux et sociaux. Aujourd’hui, même les pays développés ont compris que le développement doit commencer au niveau local ou « terroir » qui repose sur l’identité culturelle et les spécificités locales. On rejoint là la problématique d'un développement endogène qui met en relief l'importance de la notion d'espace vécu et de la culture commune à l’origine de la cohésion des territoires. Ce sont les spécificités culturelles (fondement des identités) qui valorisent l’histoire forgeant le territoire. Chaque culture a des constantes universelles et des particularités propres à chaque peuple. Quand on parle de culture, on ne doit pas penser à une culture figée dans le temps. A l’instar de toute chose vivante, elle doit pour se pérenniser, évoluer et s’enrichir sans cesse en assimilant de nouvelles valeurs en fonction du perfectionnement des connaissances et des méthodes d’organisation au niveau mondial. Une culture doit aussi pouvoir se remettre en question en éliminant les aspects négatifs qui freinent l’essor de la civilisation et empêchent le développement dans sa globalité. La culture est à l’avant-garde du développement socioéconomique. Pour assurer ce rôle, elle doit bénéficier de la priorité pour sa diffusion au niveau des couches populaires et au niveau des structures d’éducation et de formation. Ce rôle a été reconnu par l’UNESCO et par le sommet mondial de Johannesburg (Rio +10) sur
  • 20. 20 l’environnement et le développement en 2002 en tant que quatrième pilier du développement durable à côté des dimensions sociale, économique et environnementale. La version de la réalité, que nous construisons tous les jours, est un produit à la fois de processus rationnels universels et non-universels, et c’est parce que les processus rationnels ne sont pas tous universels, qu’on a besoin d’un concept de rationalité divergente. Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés à la culture et à son rôle dans la société. Aujourd’hui, l’humanité se trouve confrontée à de nouveaux défis planétaires qui menacent son existence comme l’extension de la pauvreté et du chômage, le déséquilibre social, l’insécurité publique, la destruction de la couche d’ozone, le changement climatique, le danger des centrales nucléaires, la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles, la désertification, les maladies réémergentes ou maladies anciennes (paludisme, tuberculose, cholera, typhoid, les nouvelles maladies (sida, stress, pathologies cardiovasculaires) appelées maladies émergentes, l’exacerbation des maladies respiratoires provoquées par la pollution de l’air, etc. Les mesures prises au niveau mondial, au cours de ces quarante dernières années, se sont avérées inappropriées pour relever ces défis. On prend conscience que seul le recours à des valeurs morales universelles, de nouveaux comportements et de styles de vie peut infléchir les tendances à la dégradation planétaire. Il s’agit de redécouvrir la culture qui permettra à l’humanité de retrouver sa mémoire spirituelle et de dégager les ressorts nécessaires à sa survie. Pour beaucoup de gens, la culture se limite à des manifestations extérieures telles que musique, chants, danses, cinéma, sports, peinture,
  • 21. 21 arts décoratifs, célébration d’événements particuliers, libération sexuelle, etc. Elle est plus considérée comme une industrie de loisirs qu’une représentation des valeurs morales qui caractérisent une société ou un peuple et assurent son propre développement. Du matin au soir, sous l’effet de la publicité, de la télévision, des médias, l’homme subit des clichés et spots qui l’éblouissent et envahissent son esprit l’empêchant de réfléchir ou de se situer de façon durable, dans l’espace et le temps. L’homme est réduit à un morceau de paille qui vogue en surface au gré des tourbillons tumultueux d’un fleuve déchaîné qui l’entraînent dans toutes les directions. L’industrie audiovisuelle constitue un prisme déformant qui tente de réunir, sous une même bannière, tous les peuples de la planète. L’homme n’est plus qu’un objet qu’il faut domestiquer pour en faire un vecteur de la globalisation économique et un récepteur docile de ses produits. L’homme doit s’intégrer totalement et organiquement dans un nouveau corps mondial. La seule et unique religion désirée est celle d’un homme nouveau dont la seule aspiration est la satisfaction primaire de ses instincts animaux et matériels, loin de toute nourriture spirituelle. Après la laïcité, le matérialisme, le libéralisme, la mondialisation économique prend le relais pour soumettre la planète entière au service d’une puissante poignée d’oligarchies. La question est de savoir si l’homme se laissera aveugler par le mythe de cette globalisation au point de perdre sa prime nature spirituelle dont il tire sa dignité, sa place à la tête des créatures de l’univers. L’animalité et la matérialité ne pourront jamais compenser le déficit de spiritualité. En Islam, c’est Dieu qui est le créateur de toutes les espèces vivantes qui peuplent la terre. Il a doté l’homme d’intelligence et l’a désigné comme
  • 22. 22 son vicaire sur terre. Il lui a enseigné les lois du comportement individuel, la nature des liens sociaux qui le rattachent à ses semblables et les rapports qu’il doit entretenir avec les autres créatures de l’univers. Quand on parle de culture islamique, on ne se réfère pas ici à ce qui se passe aujourd’hui dans les sociétés musulmanes car il faut reconnaître que les valeurs islamiques ne sont presque plus observées (à part les aspects cultuels) et ne constituent plus la base de l’action humaine dans ces sociétés qui ne se différencient d’ailleurs guère de celles de l’Occident. Dans les sociétés musulmanes actuelles, la culture traditionnelle qui a longtemps constitué une barrière contre l’invasion étrangère et le colonialisme, est de plus en plus abandonnée et n’est plus de mise. Elle est devenue centripète et ne joue plus aucun rôle actif dans le comportement socioéconomique. Depuis plus de trois siècles déjà, le déclin de la civilisation musulmane et la colonisation ont engendré des modes de vie et de pensée calqués sur l’Occident. Après l’indépendance et au nom du modernisme, on est passé de la colonisation du sol à celle de l’esprit. Les musulmans ont presque oublié que l’Islam est une norme efficace de conduite morale, sociale et économique. Les sociétés musulmanes ont grand besoin de se réapproprier leur propre culture et de trouver des voies pratiques pour l’adopter et la mettre en œuvre en s’inspirant des acquis scientifiques et technique de notre temps. La culture islamique est une source de motivation pour faire face aux problèmes actuels de décomposition sociale, de dégradation environnementale et une source d’orientation pour l’élaboration du contenu d’une culture universelle.
  • 23. 23 Bernard Shaw4 a ainsi porté son propre jugement sur l’Islam : « J'ai toujours une estime pour l'Islam, parce qu'il est rempli d'une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d'assimiler la phase changeante de l'existence, pouvoir qui peut se rendre si attachant à toute période ». En parlant du Prophète (SWS)5 , il dit « Cet homme merveilleux est, à mon avis, loin d'être un Antéchrist. Il doit être appelé le sauveur de l'humanité. Je crois que si un homme, comme lui, prenait la direction du monde moderne, il réussirait à résoudre ses problèmes. J'ai prophétisé sur la foi de Mohammed qu'elle sera acceptable à l'Europe de demain, comme elle a déjà commencé à devenir acceptable à l'Europe d'aujourd'hui ». Lamartine avait écrit, de son côté : « si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensité des résultats sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ». L’espèce humaine devenant de plus en plus nombreuse, les forces de pression et de compression au sein des sociétés s’intensifient et exigent l’établissement d’un ordre qui règle les rapports de plus en plus étroits entre individus et communautés, entre riches et pauvres, entre gouvernants et gouvernés dans un même pays et entre pays. Seule une culture de valeur universelle peut permettre d’infléchir le comportement humain en vue d’assurer les conditions d’équilibre de nos sociétés. Aujourd’hui, on admet que les problèmes de paix, de justice sont 4 Bernard Shaw : The Genuine Islam, Singapour, 1963 5 SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed
  • 24. 24 interdépendants et doivent être envisagés de façon globale et intégrée. Une culture universelle ne peut voir le jour que si les idéaux de paix, de justice suivent et s’appliquent de façon honnête et solidaire au niveau mondial. En face de la crise actuelle de l’humanité, P. T. De Chardin6 avait posé la question suivante : « faut-il être optimiste ou pessimiste et est-ce que l’humanité a les moyens de remédier à cette crise ? » Toutes les religions prêchent l’espoir et rejettent le désespoir. L’optimisme invite à la lutte contre les désordres sociaux et les atteintes au patrimoine humain et terrestre. L’homme, doté par Dieu de foi, de raison et héritier des savoirs à travers la longue histoire humaine, est en mesure de trouver les ressources et les solutions nécessaires pour satisfaire les besoins de l’humanité. Dans sa réflexion sur le XXIe siècle, P.Lellouche disait7 « Jamais dans l’histoire, l’humanité n’aura été à la fois unie et homogénéisée par le capital, le commerce et, surtout par la révolution des télécommunications et de l’information de masse et, cependant aussi divisée dans la répartition des ressources économiques, de la puissance politique, militaire et démographique ». Le grand danger aujourd’hui se situe au niveau des trusts mondiaux qui contrôlent l’information et réduisent la conscience humaine en s’appropriant les moyens de production, de transmission et de diffusion de cette information. Ils tentent d’imposer un mode de pensée uniforme. Ce n’est plus l’ordre humanitaire et moral qui règle les rapports entre nations 6 Pierre Teilhard De Chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Éditions le Seuil -1956 7 Le nouveau monde : de l’ordre de Yalta au désordre des Nations Éditions Grasset 1992
  • 25. 25 mais l’ordre des intérêts économiques et de suprématie militaire. Au lieu de mettre fin aux conflits en respectant les normes de justice et de droit, on utilise la force militaire. On va jusqu’à ignorer le consensus mondial qui a donné naissance à la société des Nations (ONU). Pire, on a créé un nouveau concept de prévention, appelé principe de destruction ciblée, qui vise à neutraliser tout foyer d’opposition jugé ou supposé dangereux pour les intérêts des plus puissants et ce, quelque soit le lieu géographique dans le monde. On est passé ainsi d’une morale humaniste à une morale d’intérêts. C’est la loi du plus fort qui prévaut entraînant ainsi une régression des valeurs de la civilisation humaine et une négation de ses acquis historiques. Loin d’assurer la sécurité du monde, elle provoque des réactions aussi dangereuses et aveugles qui n’épargnent plus personne. Aux opérations ciblées, localisées et ponctuelles, répondent des opérations diffuses et imprévisibles rendant le monde vulnérable et impossible à sécuriser. Les grandes puissances consacrent des budgets colossaux pour mettre en œuvre les moyens de dissuasion afin d’assurer une sécurité utopique en lieu et place d’un monde mutuellement solidaire. Elles ne peuvent rien contre l’immigration clandestine et le besoin de survie des citoyens affamés du Sud. En somme la lutte idéologique a pris une dimension mondiale où le nouvel ordre de l’information se met progressivement en place parallèlement à celui de la globalisation économique et militaire. Il véhicule une culture nouvelle pour asservir la planète entière. Les multinationales fixent, elles-mêmes, les conditions et les prix des échanges commerciaux ou financiers avec le tiers monde qui est considéré uniquement comme un centre périphérique. Tous les pays et en particulier les pays islamiques se trouvent devant un dilemme : se soumettre au diktat
  • 26. 26 des multinationales appuyées par les complexes militaro-financiers et devenir un marché pour leurs produits et services ou développer une stratégie qui puisse leur permettre de réaliser leur indépendance économique, de sauvegarder leur identité culturelle et d’assurer leur autonomie. Pour relever le défi, les pays islamiques ont besoin de renforcer à la fois la cohésion à l’intérieur de leur territoire et entre eux. A cette fin, ils disposent déjà, grâce à l’Islam, d’une éthique universelle qui concilie les aspirations individuelles avec celles de la communauté. L’orientaliste J. Berque disait « la force des pays islamiques réside non pas dans leurs pétrodollars mais dans le message culturel qui porte leur conception de la vie et de l’homme ainsi que de l’organisation sociale ». Après la fin de l’antagonisme Est-Ouest, le champ de confrontation des idéologies s’est déplacé en direction du monde islamique. L’Occident cherche par tous les moyens, y compris la guerre, à asseoir son hégémonie sur les pays islamiques pour empêcher tout vœu d’indépendance réelle ou d’union de leurs peuples. Il vise à les contrôler, à s’approprier ou utiliser à bas prix leurs richesses, à limiter leur développement scientifique et technique et même à orienter les valeurs culturelles dans le sens que l’Occident désire. A ce jour, les velléités d’union entre les pays islamiques restent lettre morte. L’UMA (Union du Maghreb Arabe), si elle existe sur le papier, n’a pas encore amorcé son décollage. Les manipulations étrangères, les séquelles léguées par le colonialisme, le chauvinisme né d’un nationalisme mal compris et la forte dépendance économique et financière vis à vis de l’Occident, ne leur ont pas permis de poser les jalons élémentaires de leur union. Tout se passe comme si cette union devrait obligatoirement transiter par le chemin de l’Occident qui aurait
  • 27. 27 toute latitude pour l’orienter dans le sens de ses propres intérêts. Pour l’Occident, les pays islamiques doivent rester les pourvoyeurs d’énergie, de matières premières et les récepteurs de produits et services que l’Occident désire leur vendre. Seule une stratégie de développement basée sur leur culture pourra permettre à ces pays d’assurer leur développement. Au cours des dernières décennies, ces pays ont plus obéi au schéma élaboré par les laboratoires de pensée occidentaux que défini des stratégies et programmes viables de développement. Le résultat, aujourd’hui, est leur dépendance de plus en plus grande vis-à- vis de l’Occident pour assurer leurs besoins de consommation courante ou le fonctionnement de leurs moyens de production devenus souvent archaïques. Les technologies, que l’Occident exporte vers ces pays constituent un lourd et coûteux fardeau pour leur économie et une nouvelle forme d’asservissement, faute de savoir-faire et de supports techniques autochtones. Il s’agit souvent de technologies non durables. On peut citer la réflexion de R. Garaudy sur ces technologies : « La technologie a été un outil de l’Occident dans sa tentative de détruire les cultures du Tiers Monde ». C’est la culture d’un peuple qui est son bien le plus précieux pour assurer son développement. Citons ici la réflexion de M.Bennabi 8 sur la renaissance de l’Allemagne après la deuxième guerre mondiale: « l’Allemagne vaincue et détruite, ses élites brisées et éloignées de force vers la Russie ou les Etats Unis, n’a pas empêché ce pays de retrouver sa puissance. C’est la preuve de la puissance de la culture de l’Allemagne et non pas celle de ses savants. Ce qui a refait l’Allemagne, 8 M.Bennabi : Révolution Africaine du 10 Avril 1968
  • 28. 28 c’est l’esprit allemand : celui du berger, du laboureur, du métallo, du docker, de l’employé, du pharmacien, du médecin, de l’artiste, du professeur, etc. En un mot c’est la culture allemande, sans ambiguïté, ni restriction sociale ou intellectuelle de sa signification, qui a refait le pays de Goethe et de Bismarck ». La guerre d’indépendance des pays colonisés constitue la preuve et la certitude concernant le rôle joué par la culture des peuples dans le combat pour leur libération du joug colonial. C’est cette culture qui a servi de motivation aux peuples asservis pour les amener à consentir le sacrifice suprême de leur vie pour arracher leur liberté. Dans ces pays, c’est la conscience populaire qui a déclenché le combat pour la libération et non pas les élites d’alors. M. Dib, en parlant de la guerre d’indépendance de l’Algérie a dit : « Au cours de la guerre de libération, l’Algérie a montré au monde qu’elle avait une culture, un nom, une histoire, une patrie, un langage et une manière d’être demandant à être reconnus et compris ». Au cours des siècles passés, l’Occident agissait par le colonialisme et l’occupation des terres pour dominer et réprimer les cultures des peuples sous sa domination. Aujourd’hui, il agit par l’économie et l’image afin de véhiculer son message culturel qui envahit tous les pays au détriment des cultures nationales. Les pays en développement, confrontés au pain quotidien de leur peuple, considèrent la culture comme un luxe et une priorité secondaire. Ils ne comprennent pas que c’est grâce à leur propre culture purifiée des facteurs rétrogrades, qu’ils pourront retrouver leur pain. Il est urgent pour ces pays de définir une politique de valorisation de leur culture qui les aidera à retrouver les ressorts de base leur permettant d’assurer le décollage socioéconomique. La culture est un tout indissociable qui se reflète dans tous les domaines de la vie.
  • 29. 29 2. DEFINITION DE LA CULTURE Malek Bennabi « La culture façonne l’homme qui observe et s’observe lui-même d’abord. La culture est la recherche de l’harmonie entre le monde des phénomènes qui entoure l’homme et le monde intérieur de l’homme ». Pour l'anthropologie9 , la culture désigne l'ensemble des activités et des comportements, aussi bien pratiques que symboliques, créés, transmis ou transformés par l'espèce humaine. En ce sens, la culture s'oppose au chaos. Les groupes, les classes, les institutions possèdent des cultures propres, socialement marquées, selon des fonctions, des moyens d'expression et des inégalités fondamentales. L'anthropologue britannique Edward B. Tylor10 donna le premier une définition formelle du concept de culture en 1871 dans son ouvrage « Primitive Culture ». Il utilisa ce terme pour caractériser « Cet ensemble complexe comprenant les connaissances, les croyances, l'art, la morale, la loi, les coutumes ainsi que toutes les autres capacités et habitudes acquises par l'homme en tant que membre de la société ». Depuis, les anthropologues ont proposé de nombreuses variantes de cette définition, mais tous s'accordent à penser que la culture est un comportement lié à l'apprentissage. Pendant longtemps, l'anthropologie a pris aux États-Unis le nom d'anthropologie culturelle, mais cette tradition s'est beaucoup transformée depuis les années 50. La culture comprend, en droit, toutes les activités de la société humaine. La culture est le mode de vie d’une société alors que la société est l’ensemble organisé d’individus. M. Bennabi la définit ainsi : « La culture est le 9 Encyclopédie Yahoo 10 Edward B. Tylor : Primitive Culture. 1871.
  • 30. regard qui permet à l’homme de se dominer, son génie a créées, c’est-à-dire en un Une société donnée, pour exister durablement une symbiose à travers un système d’ éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour satisfaire ses propres besoins, réaliser son développement harmonieux et assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme. Toynbee11 résume le progrès réel de la civilisation dans " simplification progressive": « le véritable progrès s'accomplit civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie Figure 1 : Concept de culture 11 Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. Wadsworth Publishing. CULTURE DEFINITION EVOLUTION ACCULTURATION CONCEPT POPULAIRE 30 regard qui permet à l’homme de se dominer, de dominer les choses que dire en un mot se civiliser ». pour exister durablement, doit réaliser un équilibre et une symbiose à travers un système d’organisation entre les valeurs de son éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour besoins, réaliser son développement harmonieux et assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme. Arnold résume le progrès réel de la civilisation dans "la loi de le véritable progrès s'accomplit lorsqu'une civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie ». : Concept de culture Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. 9h Edition. Belmont, California: CULTURE DEFINITION SOURCES CARACTERISTIQUES EVOLUTION
  • 31. 31 2.1 LA CULTURE SELON M. BENNABI Malek Bennabi définit la civilisation comme « l’ensemble des conditions morales et matérielles qui permettent à une société d’accorder à chacun des individus les garanties sociales nécessaires à son développement ». La civilisation a besoin, à l’origine, d’une culture qui la véhicule. Cette culture crée l’ambiance générale dans laquelle immerge l’individu. Elle détermine ses motivations, ses émotions et ses liens avec les personnes et les choses. La culture se définit comme une ambiance constituée de règles de conduite, de coutumes, de traditions et de goûts. Le train de la culture a pour locomotive l’éthique qui tire trois wagons solidement amarrés l’un à l’autre : l’esthétique, la logique pragmatique et la technique. 2.1.1 Éthique L’éthique est un ensemble de valeurs morales et d’attitudes qui impriment le comportement individuel et le mode de vie d’une société. Elle est constituée par les liaisons nécessaires au sein du monde des personnes qui forment une société donnée. Elle garantit la force de cohésion et l’équilibre d’une société qui assurent son unité dans sa fonction et dans son devenir. Cette même éthique permet l’édification du monde des personnes sans lequel on ne peut imaginer un monde des idées et un monde des choses s’ils faisaient défaut. On comprend alors l’importance de l’éthique dans la formation de la culture dans une société donnée. En matière d’éthique, la réflexion nous impose de considérer deux types de valeurs chez l’homme :
  • 32. sa valeur en tant qu’être humain et sa valeur en tant qu’être social. Figure 2 : Composantes de la culture La valeur humaine est une valeur in nature (Fitra en Islam) comme un don à sa naissance et circonstance et qu’aucun être humain ne pourraient rien y changer. C’est le cas de la perception originelle et valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme. management des ressources humaines conduite. La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme entretient avec ses semblables et qui impriment pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société donnée. Cette valeur est changeable et façonnée par la société langage des spécialistes du management des ressources désigne cette valeur par attitudes et CULTURE ETHIQUE TECHNIQUE ESTHETIQUE 32 ’être humain et sa valeur en tant qu’être social. Figure 2 : Composantes de la culture La valeur humaine est une valeur intrinsèque à l’homme dans sa prime comme un don à sa naissance et qu’aucune main ne pourraient rien y changer. C’est originelle et individuelle du bien ou du mal. Cette valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme. En termes de humaines, on qualifie cette valeur innée par La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme entretient avec ses semblables et qui impriment sa conduite sur le plan pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société changeable et façonnée par la société. Dans le spécialistes du management des ressources humaines, on par attitudes et comportement de l’individu. CULTURE ETHIQUE LOGIQUE PRAGMATIQUE TECHNIQUE
  • 33. 33 En considérant ces deux types de valeurs, on comprend que c’est la valeur sociale qui détermine l’efficacité de l’homme au sein de n’importe quelle société. L’attitude de l’homme, face aux problèmes qui se posent à lui, doit être définie par rapport au principe de l’éthique et est une condition préalable et essentielle à tout acte. Les références éthiques peuvent être d’origine religieuse (religions monothéistes ou polythéistes) ou idéologique (laïcisme, matérialisme, libéralisme, globalisme). Elles sont toutes à l’origine du droit et de la morale qui régissent les sociétés et qui visent, tout au moins sur le plan formel, à assurer la paix, la justice et l’équité sociale. Les différents types d’éthique se rejoignent sur un même point en ce sens que chacune d’elles fixe des droits et des devoirs pour l’homme. Les moyens et méthodes d’acquisition des connaissances découlent en grande partie des valeurs éthiques. 2.1.2 Esthétique Les relations sociales ne sont pas définies uniquement par le principe éthique, l’esthétique les imprime d’un sceau particulier. Le goût inné confère aux valeurs éthiques une certaine image au sein de laquelle les considérations formelles interviennent. Si l’éthique est à la base de l’unité sociale, l’esthétique sert à la valoriser au plan de la représentation externe et exprime l’apparence exigée par l’organisation formelle qui touche au comportement de l’homme dans sa façon de parler, de s’habiller et d’adopter un style de vie spécifique à sa société. L’homme en général a tendance à exprimer un fait à son entourage en recourant aux illustrations que requiert le goût. L’esthétique confère aux choses une image conforme au sentiment et au goût général, au niveau des formes et des couleurs. Si l’éthique définit l’orientation générale de la société en fixant les
  • 34. 34 motivations et les finalités, l’esthétique façonne son image et prolonge les volontés au-delà de la seule perception de l’utilité comme un facteur important de l’efficacité au niveau des actions pratiques. A côté de la réalité éthique chez l’individu, le goût esthétique ajoute d’autres facteurs positifs de motivation, à même de tempérer l’application d’un principe éthique rigoureux au niveau du comportement. Le goût esthétique est considéré comme un élément dynamique de la culture. 2.1.3 Logique pragmatique L’éthique comme l’esthétique relèvent du monde des idées. Cependant, elles requièrent une logique pragmatique d’organisation pour leur diffusion et leur transmission afin de toucher l’individu au niveau de son comportement et la société à travers son style de vie. Cette logique doit assurer les conditions fondamentales de l’efficacité au niveau individuel et collectif. Elle doit prendre en compte le facteur temps de façon optimale et utiliser les moyens pédagogiques appropriés pour assurer efficacement la diffusion des idées. La logique pragmatique oriente les diverses formes d’activités pour rendre optimale la production sociale. Cette logique s’appuie sur un système d’organisation qui met en conformité l’exploitation et la gestion des ressources naturelles et matérielles avec les valeurs éthiques. Ce système englobe les domaines politique, juridique, social et économique et orientent les règles de comportement de l’homme en précisant les responsabilités individuelles et collectives. Ce système a également pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes, de faire respecter les droits et les devoirs à tous les niveaux de la société. Dans les systèmes basés sur la religion, une grande partie des normes d’organisation découle des prescriptions religieuses. Dans les systèmes
  • 35. 35 basés sur l’idéologie, ces normes sont souvent le résultat d’un consensus entre les citoyens en fonction du rapport de forces qui existe entre les différentes classes et à une époque donnée au sein d’une société. 2.1.4 Technique On regroupe sous ce terme la science ou la technique. La science crée les choses et permet leur compréhension. L’éthique, l’esthétique et la logique pragmatique ne peuvent rien construire seuls en l’absence de moyens et c’est la technique qui va les fournir. Ces moyens doivent servir l’homme et non pas l’asservir au point de lui faire perdre son autonomie vis-à-vis d’eux. Ainsi, l’action sociale est conditionnée par l’application des théories et des moyens présentés par la science. 2.2 SOURCES DE LA CULTURE Les quatre sources de la culture sont le monde des personnes, le monde des idées, le monde des choses et le monde des phénomènes naturels. 2.2.1 Monde des personnes Si on prend un cas courant dans la vie, on constate qu’une association d’individus, comme par exemple une communauté, une société commerciale ou industrielle, ne peut être viable et durable que si ses membres partagent un certain nombre de valeurs morales (confiance, solidarité, respect, partage). Elle ne peut être fondée uniquement sur l’intérêt matériel. La définition d’un monde de personnes, en tant que société, s’élabore à partir de l’analyse des éléments du passé avant de faire intervenir les éléments de l’avenir. Les valeurs morales plongent leurs racines dans l’éthique, qui remonte assez profondément dans l’histoire de
  • 36. la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiq Figure 3 : Sources de culture 2.2.2 Monde des idées L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie, son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propre cette société, lequel constitue une part importante d’une société. Les différentes étapes d processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société apparaît sous une double forme stimulants de la vie sociale, soit au contraire comme agents pathogènes rendant impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres termes, les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société chemin du progrès et de la civilisation ou négatives en CULTURE PERSONNES CHOSES NATURE 36 la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiques. : Sources de culture L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie, son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propres à constitue une part importante du matériel d’évolution d’une société. Les différentes étapes d’évolution sont des phases de son processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société : elles peuvent agir soit comme des sociale, soit au contraire comme agents pathogènes nt impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société sur le chemin du progrès et de la civilisation ou négatives entraînant la CULTURE PERSONNES IDEES CHOSES
  • 37. 37 destruction et la décadence. Le monde d’aujourd’hui est entré dans une nouvelle ère où la majorité de ses problèmes ne peut être résolue que sur la base de systèmes d’idées. Khrouchtchev disait « le succès économique est le critère le plus fondé de la véracité des idées ». On entend souvent dire que si les Arabes possèdent le pétrole, les Occidentaux possèdent des idées. 2.2.3 Monde des choses Chaque société doit agir, sur le plan matériel, pour assurer le bien-être de l’individu et de la collectivité. Elle doit utiliser et valoriser les ressources naturelles disponibles qui constituent le support de la vie sur terre. On regroupe avec les ressources naturelles, la protection et la sauvegarde de l’homme (santé, hygiène) ainsi que l’environnement. L’homme, l’environnement (qualité de l’air, de l’eau et du sol), les animaux, les végétaux font partie des ressources naturelles. La différence entre les diverses cultures se situe dans la façon de percevoir ces ressources, de les utiliser et de se comporter vis-à-vis d’elles. L’interaction de l’homme avec son environnement et les ressources naturelles est un processus dynamique car, pour évoluer, l’homme modifie son milieu. Ce processus doit se faire en préservant les ressources naturelles et en sauvegardant l’environnement. La libération de l’homme des contraintes matérielles d’ordre primaire lui permet de consacrer plus de temps à l’épanouissement de son esprit. Toute chose se pose en termes de spiritualité et de matérialité. La matérialité se manifeste à travers le langage objectif qui intéresse l’artisan, le physicien, le chimiste, l’industriel ou le commerçant. La spiritualité se traduit par un langage subjectif qui communique à l’âme d’un enfant, d’un poète, d’un musicien, d’un inventeur, un message mystérieux, mais riche de signification. Quand deux individus interprètent
  • 38. 38 de la même manière ce message, en dépit des différences sociales qui peuvent exister entre eux, on en déduit qu’ils appartiennent à la même culture. Une chose peut mourir quand elle se trouve coupée de son cadre culturel habituel car, en dehors de ce cadre, son langage n’a pas de sens. Considérons ce qui signifierait un avion qui atterrirait dans une foret dense d’Amazonie12 pour une tribu restée au stade préhistoire. Il est évident que cet avion (la chose) perd toute sa signification hors de son cadre culturel. Le développement d’une société ne peut s’opérer uniquement par l’accumulation de richesses et l’entassement des choses mais par un idéal qui guide sa voie vers l’épanouissement de l’homme et de la société. 2.2.4 Monde des phénomènes naturels Notre subjectivité joue un rôle capital dans la détermination d’une culture et de son caractère, mais elle ne s’enrichit pas uniquement des personnes, des idées et des choses. En effet, on a un perpétuel dialogue et échange avec le milieu naturel (ressources naturelles et environnement) qui nous transmet son message sous forme mystérieuse : les couleurs, les sons, les odeurs, les mouvements, les ombres, les lumières, les formes. Ces éléments naturels, eux-mêmes, sont captés par notre psychisme, dissous dans notre subjectivité, assimilés par nous sous forme d’éléments culturels, intégrés à notre être moral dans ses structures fondamentales. Ce n’est pas sans motif que toutes les poésies et toutes les peintures célèbrent les paysages, les levers et couchers du soleil, les nappes d’eau, les ruisseaux, les chutes d’eau, la grâce d’un mouvement, la beauté des formes, la légèreté d’un parfum, les nuances d’une couleur. 12 M. Bennabi
  • 39. 39 2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA CULTURE La culture présente trois caractéristiques fondamentales : • elle a une relative indépendance vis-à-vis des individus qui la vivent et la pratiquent bien qu’elle n’existe que par eux, • elle prend vis-à-vis du groupe social l’aspect d’un modèle admis, partagé, standardisé et contraignant à un certain degré, • elle constitue l’ensemble des manières d’agir c’est-à-dire de se comporter et de penser qui sont nécessaires dans un groupe donné. La culture traduit dans ses caractéristiques courantes (mœurs, croyances morales, etc..) la manière dont le corps social a résolu le problème fondamental de son adaptation au monde physique ou monde tangible. La culture est l’ensemble des stimulations, contraintes et modèles qui conditionnent l’action de l’homme, contribuent à la construction de son être et lui permettent un ancrage solide dans le réel. 2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE L'évolution de la culture est étroitement liée au développement des connaissances et au progrès, grâce auxquels l’humanité exploite son milieu naturel de manière de plus en plus complexe. Au XIXe siècle, de nombreux pionniers en matière d'anthropologie et de sociologie ont avancé la théorie selon laquelle chaque culture passe par des étapes spécifiques d'évolution. Aujourd'hui, cette théorie est remise en cause. Il est évident qu'une société simple, isolée géographiquement du reste du monde et composée de quelques centaines d'individus vivant dans la forêt équatoriale amazonienne, ne pourrait seule mettre au point un système
  • 40. 40 d'agriculture irriguée ou fabriquer des automobiles. Ce n’est pas le cas du Japon qui, ouvert aux échanges avec d’autres nations, a bénéficié du transfert des connaissances et de leur apport. En moins d'un siècle, la culture japonaise est passée d'une société agraire et féodale à l'une des sociétés industrielles les plus avancées du monde. Ainsi, on peut déduire que la culture humaine fonctionne par accrétion, accumulation et assimilation, c'est-à-dire qu'elle peut se propager d'une société à l'autre dans les limites imposées par l'environnement physique, selon son aptitude à absorber de nouvelles idées, de nouvelles formes d’organisation et de nouvelles technologies. La culture n’est pas figée dans le temps, non seulement elle évolue selon sa logique propre, mais elle reste soumise à l'ensemble des déterminants de l'histoire et des rapports avec les milieux naturels et écologiques. Certains facteurs politiques, économiques, techniques, environnementaux, voire démographiques, peuvent être à l’origine et à un moment précis de crises et de transformations culturelles. Aujourd’hui, avec la révolution et les autoroutes de l’information et de la communication, les cultures se trouvent en confrontation directe. Ce qui impose à celles qui veulent survivre de développer une stratégie offensive au lieu d’une stratégie défensive qui les mettra, d’une manière ou d’une autre, en position de faiblesse et d’infériorité. Pour assurer une confrontation libre et démocratique des cultures et des idées, il est indispensable de démocratiser, en premier lieu, ces autoroutes contrôlées par les acteurs de la globalisation économique. Ce qui apparaît pour le moment hypothétique, compte tenu de la main mise actuelle de ces acteurs. La défense de la culture ne se différencie nullement de celle de l’économie.
  • 41. 41 2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION Le Larousse définit l’acculturation comme « l’adaptation forcée ou non à une nouvelle culture matérielle, à de nouvelles croyances, à de nouveaux comportements ». L’acculturation est le phénomène d’acquisition et d’intériorisation de nouvelles valeurs par une culture donnée, compte tenu des progrès scientifiques et techniques et du développement des méthodes d’organisation. L’acculturation, dans sa dimension éthique, contribue au renouveau de la culture en facilitant son adaptation temporelle et en renforçant son rayonnement et sa diffusion à grande échelle. La culture n’est pas un système figé de valeurs. Elle s’enrichit au contact d’autres cultures par l’appropriation de valeurs, moyens et outils qui lui permettent de mieux répondre aux besoins spirituels et socioéconomiques de l’homme. L’amélioration constante des moyens d’information, de communication et de transport a permis de renforcer considérablement les échanges de toutes sortes entre nations. Tous les aspects d'une culture ne se propagent pas avec la même rapidité, ni avec la même facilité. La rencontre puis le contact conduisent à des phénomènes d'acculturation, de sélection (réciproque ou non) d'éléments d'une culture par une autre, le plus souvent voisines. Ces éléments culturels (nouvelles connaissances, progrès techniques, mode d'organisation politique ou de gestion) peuvent bien s'intégrer à la configuration culturelle qui les accueille. L'acculturation fut d'abord conçue comme un phénomène d'échanges entre institutions ou comme traits culturels équivalents. Cependant, les anthropologues se sont rendus compte très vite de la nature profondément inégalitaire de ces contacts: les dominations coloniales à la fois économique et linguistique provoquèrent des acculturations forcées et
  • 42. 42 unilatérales souvent rejetées par les populations autochtones. La destruction de groupes humains a entraîné des pertes culturelles irréversibles et la disparition de patrimoines culturels originaux et uniques. L'expansion européenne depuis le XVe siècle, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et dans les archipels du Pacifique, fut en un sens, un massacre et un génocide culturel. On qualifie cette disparition humaine et matérielle des cultures dites «primitives» par le terme d'ethnocide. Les particularismes sociologiques et leur variabilité renvoient à un ensemble de valeurs comme celles de l’appartenance religieuse, à des profondeurs historiques, à des échelles démographiques et politiques, et par conséquent, à des traditions où s'affrontent la culture comme forme ou modèle et la culture comme fond ou matière. En ce sens, les cultures ne sont ni des artefacts (des constructions) ni des machines bricolées (à adaptation permanente). La culture est un instrument d'identification, de valorisation et donc de transmission du patrimoine et de la tradition. Le concept d’acculturation peut s’appliquer aussi bien à de nouveaux éléments de culture qu’on désire introduire dans une société que de faire revivre des valeurs du patrimoine culturel historique à même de servir de motivation et de susciter une tension interne chez l’individu pour l’appropriation des facteurs de développement global. Le concept d’acculturation ne vise pas à manipuler les esprits d’un groupe social à des fins immorales basées sur la haine d’un autre groupe social ou d’autres nations comme ce fut le cas de la propagande fasciste hitlérienne (la culture nazie prônait la supériorité de la race arienne sur les autres races humaines) mais pour stimuler les individus afin de développer leurs
  • 43. 43 capacités morales naturelles et les amener à accepter et à consentir des efforts dans le sens du bien commun et de l’humanité toute entière. L’acculturation japonaise a permis d’injecter dans la culture ancestrale, les méthodes, les comportements et les réflexes qui sont nécessaires pour l’appropriation de nouveaux moyens de développement. Le concept d’acculturation se fait en deux étapes : une étape de génération et de formulation des idées et une étape d’application des idées. Dans la première étape, on fait appel à l’analyse du passé, de l’état actuel de la société et des perspectives de son évolution future. Dans la seconde étape, conséquence de la première, on identifie les voies et moyens les plus appropriés et les moins coûteux pour assurer les conditions optimales de réceptivité par l’individu et la société. Une culture ne vaut que par l’acceptation volontaire et sans contrainte et son introjection par la majorité des individus qui constituent la société. Ce qui suppose au préalable une formation et une éducation au cours desquelles les idées sont explicitées et communiquées de façon la plus honnête possible. Cette phase peut être plus ou moins longue en fonction du degré de maturité et de motivation des populations. Des évaluations objectives doivent se faire au cours de la mise en œuvre de cette phase pour remédier aux imperfections qui peuvent apparaître afin de corriger et d’accélérer le processus d’acquisition culturelle. Tout concept d’acculturation présente donc une étape spirituelle pour la genèse des idées et une étape temporelle pour leur mise en œuvre opérationnelle. Ce concept ne doit pas être considéré comme statique et immuable dans le temps. Il doit être sans cesse actualisé en fonction de l’évolution du monde et surtout dans sa phase temporelle en intégrant les
  • 44. 44 nouvelles connaissances à même d’améliorer l’application pratique des idées et l’efficacité temporelle. Le concept d’acculturation procède lui- même de l’évolution historique de l’humanité. Chaque civilisation a commencé, à côté de nouvelles valeurs qu’elle apportait, par s’approprier les connaissances et les valeurs déjà acquises par les civilisations qui l’ont précédée. C’est grâce à ses propres valeurs et à cette acquisition que chaque civilisation a été en mesure d’inventer et d’enfanter de nouvelles valeurs et d’assurer le progrès sans cesse renouvelé de l’humanité dans son ensemble. En somme, sur le plan temporel, le savoir de l’homme est l’accumulation historique des savoirs des hommes qui l’ont précédé. On peut étayer cela par beaucoup d’exemples dans l’histoire de l’humanité. La civilisation romaine a bénéficié de l’héritage du savoir grecque, celle de Carthage de celui de Rome et la civilisation islamique de ceux qui l’ont précédée. L’acculturation, si elle est bien définie au niveau de sa conception et de sa mise en œuvre, peut bénéficier du boom représenté par les nouveaux moyens de l’information et de la communication pour sa transmission et son acquisition par le plus grand nombre. Par le passé, le savoir se transmettait par l’individu et mettait beaucoup de temps pour se répandre à grande échelle. L’évolution était lente et localisée. Aujourd’hui, grâce aux nouveaux moyens de diffusion, la transmission des savoirs s’accélère de manière inconnue jusqu’alors et se fait par plusieurs voies et par un grand nombre d’individus. Ce qui induit, en plus de la diffusion des connaissances, une synergie des savoirs qui accélèrent plus le développement global de l’humanité, sur tous les plans. Au niveau de chaque pays, les gouvernants doivent s'appuyer sur les cultures locales ancrées dans les réalités de leur milieu pour concevoir des stratégies d’acculturation. La solution ne peut pas être atteinte par l'application d’un
  • 45. 45 enseignement théorique ou l’importation de programmes éducatifs de l’extérieur mais par une éducation qui prend en compte la culture locale. Ce qui peut être facilement accepté par l'individu, la communauté et le pays. Il faut incorporer, selon les circonstances locales, des éléments d’enseignement tirés des réalités locales. Il est grand temps que des politiques "alternatives", fondées non pas seulement sur l'économie de marché mais sur la culture, soient conçues et appliquées au monde réel. 2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» 13 L’idée de culture populaire est une notion très récente. Elle est venue se substituer à l’ancienne désignation de « folklore » et vise à effacer le mépris vis-à-vis de toute réalité humaine à caractère oral ou social. Il est légitime de s’interroger sur les raisons profondes qui ont amené la pensée occidentale à réviser radicalement son attitude en passant du mépris de son passé ancestral à un engouement particulier pour lui. Il apparaît que ce recours au passé, dans le contexte de la civilisation occidentale, est destiné à combler l’angoisse et le vide existentiels provoqués par l’échec de la société de consommation. L’examen historique, au cours des six siècles passés, montre que cette nouvelle valeur refuge de culture populaire constitue l’effet transitoire d’une compensation psychologique. Elle représente en somme une étape sur le trajet d’un drame qui a commencé avec la rupture entre l’ordre spirituel et l’ordre matériel. L’homme occidental, en rompant ses amarres culturelles, s’est vu emporté 13 H.Benaissa : Aperçu sur l’idée de culture populaire : El Moujahid 11-09-1989
  • 46. 46 par le torrent tumultueux du matérialisme. Aujourd’hui, par effet de réaction à une évolution sans issue, il tente de s’accrocher aux racines de ses ancêtres comme une bouée de sauvetage dans un passé qu’il a cherché en vain à effacer de sa mémoire. La référence au peuple fait partie d’un phénomène qui a commencé avec le XXe siècle. De fait, il n’y a pratiquement pas d’expression humaine qui ne se réfère de façon explicite ou ne fait allusion à la vie populaire. La référence au peuple est essentiellement une perspective sociologique où l’évocation est associée à une revendication de justice sociale qui est devenue l’élément essentiel de la politique des Etats issus des révolutions sociales. Cette référence a aussi servi d’étendard à certains mouvements nationaux pour réclamer l’indépendance de leurs pays. La finalité de la justice sociale diffère selon que la perspective existentielle visée est de nature spirituelle ou matérialiste. Aussi, elle produira sur le moyen et le long terme des effets différents. La simple insertion populaire dans une perspective sociale est insuffisante pour lui donner automatiquement sa véritable raison d’être dans l’ordre humain. Par conséquent, pour rendre légitime le « concept de culture populaire », on doit contribuer à restituer à l’homme son équilibre spirituel et matériel en tant que norme de vie. Il doit s’inscrire dans le contexte historique et humain qui a consacré sa genèse.
  • 47. 47 3. DIVERSITE CULTURELLE Les cultures humaines varient considérablement. Elles vont des sociétés dites «primitives» (sans écriture) aux sociétés les plus lettrées et les plus civilisées. Malgré la diversité des cultures dans le monde, toutes les sociétés présentent certains traits culturels universels reflétant les réponses communes aux besoins de l'homme en tant qu'être social. A côté d’une culture globale, peuvent en exister des cultures minoritaires qui particularisent des groupes sociaux ou des communautés et se distinguent par leurs origines ethniques. La valeur de la culture dominante se mesure au degré d’intégration et de fusion à elle des cultures minoritaires. En d’autres termes, elle peut remplacer progressivement les cultures minoritaires dans la mesure où l’éthique qu’elle véhicule est supérieure et répond mieux aux aspirations sociales. Cette supériorité s’entend à la fois sur le plan de l’authenticité de l’éthique et sur le plan de son efficacité opérationnelle. La rencontre des cultures est source d’enrichissement : se reconnaître dans nos différences est indispensable pour mieux vivre ensemble, en particulier dans nos sociétés de plus en plus métissées. Parler de diversité culturelle revient à s’interroger sur le sens de la « culture »; il faut réduire peu à peu le fossé entre les cultures nationales pour aspirer à une culture universelle. Il faut substituer à la confrontation des civilisations, génératrice de conflits et développée pour des fins non avouées par certains théoriciens de l’exclusion, le rapprochement pacifique des cultures.
  • 48. 48 3.1 DEFINITION L’Unesco définit la diversité culturelle comme « l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social ». Ainsi, la culture est rattachée à un groupe humain, elle englobe son histoire, sa langue, son mode de vie, ses traditions, etc. Si les institutions internationales se dotent aujourd’hui d’un arsenal normatif et législatif pour promouvoir la diversité culturelle, c’est que celle-ci constitue un « enjeu majeur pour le nouveau millénaire ». 3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE DE CLASSES Dans les sociétés de classes, il peut y avoir autant de cultures que de classes. Ce qui entraîne la compartimentation de la société en groupes sociaux distincts dont les modes de vie et les intérêts sont différents. Cela engendre des antagonismes à l’origine de ce qu’on appelle la lutte des classes. L’équilibre social dépend alors du degré de leur cohabitation et reste indispensable pour assurer la pérennité de la société. Les sociétés actuelles l’ont compris à travers une meilleure cohésion sociale. On tente de réaliser une juste répartition des richesses afin de réduire les fractures sociales et les différences entre classes. Le but suprême d’une société est l’aboutissement à une société sans classes, étape indispensable sur le chemin menant à une culture nationale, partagée par tous. 3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT DURABLE Pour les peuples autochtones, il leur est de plus en plus difficile de survivre et de préserver leur spécificité dans une économie mondialisée où
  • 49. la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des la des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie durable, respectueux et adapté à l’environnement. Figure 4 : Diversité culturelle D’autre part, des insuffisances ont été œuvre du développement durable et de son agenda 21, conçus à une échelle globale par des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio principes et protocoles internationaux alors introduit, lors du sommet de Johann développement durable, le facteur culturel dimension du développement durable DIVERSITE CULTURELLE DEFINITION MONDIALISATION COHABITATION RISQUE 49 la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des langues, des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie durable, respectueux et adapté à l’environnement. : Diversité culturelle ont été constatées, en matière de mise en ent durable et de son agenda 21, conçus à une des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio, internationaux). La communauté internationale a introduit, lors du sommet de Johannesburg de 2002 sur le , le facteur culturel comme une quatrième du développement durable à côté des dimensions sociale, DIVERSITE CULTURELLE DEFINITION CLASSES DEVELOPPEMENT DURABLE MONDIALISATION
  • 50. 50 économique et environnementale. Au concept « problèmes planétaires et réponse globale » s’est substitué le concept « problèmes planétaires et réponses locales ».Preuve donc que l’importance des spécificités locales et culturelles prime dans le cadre du développement durable. L’Unesco considère la diversité culturelle comme « une force motrice du développement », un « atout indispensable pour atténuer la pauvreté et parvenir au développement durable ». 3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION La culture est aussi un marché, objet d’enjeux commerciaux très importants à l’échelle mondiale. On parle d’ailleurs « d’industrie culturelle ». L’Unesco et de nombreuses associations luttent pour que la culture et les biens culturels ne soient pas soumis aux règles du commerce international, en tant que biens publics mondiaux. Les cultures « minoritaires » sont de plus en plus menacées. Ce qui nous conduit à lutter pour les préserver. Au-delà de ces constats, il convient de considérer qu’une culture vivante, perpétuellement en mouvement, doit encourager la diversité culturelle sans fermer la porte à une réflexion sur la modernité. Si on « sanctuarise » les cultures, on les fige dans une tradition rétrograde. Les valeurs « universelles » ne s’opposent pas à une modernité bien comprise car elles garantissent les droits et la dignité de tous, au-delà des rapports de puissance et de clivages culturels. 3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE L’encouragement de la diversité culturelle peut conduire certains peuples et minorités au repli identitaire. Sous prétexte de protéger la culture et l’authenticité face aux effets pervers de la mondialisation ou au supposé
  • 51. 51 péril vert, blanc, jaune ou noir, on pourrait assister parfois au développement de mouvements ultranationalistes, à des poussées de xénophobie pouvant aller jusqu’à la purification ethnique et au génocide. Les crises récentes dans le monde ont ébranlé les convictions de beaucoup sur la coexistence pacifique et le dialogue des cultures. Certaines sociétés ont montré à quel point l’esprit démocratique, loin d’être un principe solidement ancré, était épidermique, voire pelliculaire. Comment vivre ensemble dans la diversité? La question est cruciale et se pose avec une brûlante acuité. Nombreux sont ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur les différents modèles de gestion de la pluralité dont chacun a montré ses limites. L’intégration à la française vise à imposer aux minorités la culture de la République. Au lieu de s’ouvrir à la culture de ces minorités, on tente de la nier au bénéfice de la culture majoritaire en se servant d’artifices préfabriqués au nom de la défense des lois de la république, au nom d’une laïcité mal comprise. Ce n’est pas le cas de certains pays anglo-saxons comme l’Angleterre qui s’ouvre aux cultures minoritaires et accepte le principe du communautarisme. La controverse reste vive en Europe où la majorité des pays s’oppose au communautarisme, sous prétexte d’un envahissement culturel. De nombreuses voix dénoncent le communautarisme à l’instar du juriste suisse Bernard Wicht, qui affirme que celui-ci « ne propose aucun vouloir-vivre-ensemble et conduit, en dernière instance, à une certaine “balkanisation” des sociétés14 ». Cette 14 « La diversité culturelle : le sens d’une idée », Diversité culturelle et mondialisation, Paris, Editions Autrement, collection Mutations n°233, page 11.
  • 52. 52 attitude est pour le moins étrange dans des pays dits démocratiques qui prétendent respecter les autres cultures et encourager la libre expression des idées, surtout que ces pays affirment, tout haut, qu’ils sont suffisamment immunisés contre l’influence d’une quelconque idéologie. On peut alors se poser la question de savoir pourquoi ces pays ont peur de la diffusion des autres cultures? Sinon d’eux-mêmes. Ce qui pose le problème de l’acceptation de l’autre dans ces pays. 3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION Il s’agit de concevoir une autre manière de vivre ensemble qui puisse transcender l’obligation de culture unique républicaine et le pseudo-risque du communautarisme, en évitant les écueils de la naïveté et des anathèmes? Dominique Wolton, célèbre sociologue français, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique français) et auteur, notamment « de L’autre mondialisation » affirme que « La cohabitation culturelle consiste à établir des règles permettant à chaque culture de se protéger ». Est-elle finalement si éloignée du fameux modèle andalou du XIIe siècle où juifs, chrétiens et musulmans coexistaient et vivaient en parfaite harmonie, exemple unique pour l’époque ? Thierry Fabre souligne ainsi : « Avec ses règles et ses limites, ses conflits et ses dominations, la convivialité a bien eu lieu dans la civilisation d’al-Andalus », Il s’agit bien d’une expérience susceptible d’éclairer les débats de notre temps où
  • 53. 53 se répand le paradigme d’Huntington, selon lequel « les fractures de civilisation sont les lignes de front de l’avenir15 ». A l’heure où la tentation du repli identitaire gagne du terrain, le grand poète et essayiste mexicain Octavio Paz nous invite à emprunter un autre chemin : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs, souligne-t-il. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations, de l’obsession de la pureté. Le drame des Aztèques, comme celui des Incas, est né de leur isolement total: impréparés à confronter d’autres normes que les leurs. Les civilisations précolombiennes se sont volatilisées dès leur première rencontre avec l’étranger». Dans le même esprit, Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) écrit : « Les métissages ne sont jamais une panacée ». Ils expriment des combats jamais gagnés et toujours recommencés. Mais ils fournissent le privilège d’appartenir à plusieurs mondes en une seule vie. 15 L’héritage andalou, La Tour d’Aigues, Editions de l’aube, collection Monde en cours, 1995, page 7.
  • 54. 4. ROLE DE CULTURE La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support comme la langue, l’histoire, l’environnement, l’économie, la politique Figure 5 : Rôle de la culture 4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE D’après le Larousse représentations cohérentes dans lesquelles un sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre une autre classe pour imposer sa domination ROLE DE LA IDEOLOGIE POLITIQUE ECONOMIE ENVIRONNEMENT 54 . ROLE DE CULTURE La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support , l’idéologie, l’éducation, la science, l’environnement, l’économie, la politique. : Rôle de la culture IDEOLOGIE Larousse « l’idéologie est un ensemble de représentations cohérentes dans lesquelles une classe sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre une autre classe pour imposer sa domination ». ROLE DE LA CULTURE IDEOLOGIE LANGUE HISTOIRE EDUCATION SCIENCE
  • 55. 55 On peut se poser la question de savoir s’il faut parler de culture sans parler d’idéologie ou d’idéologie sans parler de culture. Si le concept de culture est vieux comme l’histoire, il n’en est pas autant du concept de l’idéologie. Les idéologies, en Occident, sont nées au XXe siècle avec l’éclosion des connaissances scientifiques dans de multiples domaines de la vie et l’influence des idées nouvelles sur la nature de la société humaine et du rôle de l’individu. Ces idéologies sont nées également des contradictions de l’église et des conflits d’autorité entre elle et l’Etat. L’église, tout en restant une institution distincte, exerçait de façon directe son influence sur l’Etat. Ces idéologies sont aussi le résultat de l’extension du nationalisme, bien que celui ci ne soit pas né au XXe siècle. Elles découlaient aussi de la prise de conscience croissante en faveur d’une unité possible du genre humain. Il apparaît pour le moins une contradiction entre deux idées maîtresses : le nationalisme et l’unité du genre humain. Le nationalisme a abouti au désir d’expansion de certains pays au détriment des autres par la colonisation. Cette vision a commencé avec les premiers établissements humains de l’histoire. Dés qu’un groupe humain s’appropriait un territoire, son objectif premier consistait à assurer son extension au détriment des autres. Chaque pays, dans le souci de l’unification du genre humain, agissait pour soi tout en éprouvant le besoin de se rassembler autour d’une nouvelle invention à savoir l’identité idéologique. Avant l‘apparition de l’idéologie, les pays se différenciaient principalement sur une base culturelle d’essence religieuse : chrétienne, judaïque, islamique, hindoue, djaïna, bouddhiste, confucéenne, taoïste, shintoïste, etc. Bien que beaucoup de religions prêchent la fraternité des hommes, l’unité de l’humanité n’a pu
  • 56. 56 se faire à cause principalement des idéologies. En effet, les idéologies définissent les rapports sociaux en tant que rapports de force basés sur des intérêts matériels, alors que la culture religieuse les définit en tant que rapports moraux basés sur une éthique. Certaines nations et groupes humains, unis par un sentiment d’appartenance à une identité culturelle commune, se sont efforcés de conformer la réalité de leur existence quotidienne avec leurs idéaux culturels. Pour les démocraties libérales qui, historiquement, n’appliquaient que le principe étroit purement politique, d’autodétermination, cela signifiait une extension du concept aux aspects socioéconomiques de la vie. Pour les sociétés marxistes, qui interprétaient l’humanité en termes de marxisme, cela signifiait l’identification d’un peuple avec le processus historique du matérialisme dialectique et l’unification des efforts de tous en vue d’édifier une société socialiste. Pour les nationalistes, comme Mussolini, il s’agissait de recréer la grandeur d’un lointain passé : l’empire de Rome. Pour Hitler et les Afrikaanders de l’Afrique du Sud, la race devenait un concept de vocation nationale et une justification suffisante pour dominer les autres peuples considérés comme inférieurs. Chacune de ces idéologies a développé un modèle de culture et une éducation pour lui servir de support pour son implantation et son extension. Mais aucune de ces cultures ne pouvait s’ériger en culture globale, car elles s’excluaient mutuellement. Ceux qui croyaient en une religion unique liant leur vie spirituelle à leur vie politique, ont formé un Etat conforme à leur conviction comme dans le cas du Pakistan.
  • 57. Figure 6 : Idéologie Des pays, comme le Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes occidentales dans leurs structures sociales existantes. Tout en respectant les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japona restait: « un esprit japonais et un savoir faire occidental japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans, des vieux avec les jeunes, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale, professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en IDEOLOGIE LIBERALISME SUPREMATIE RACIALE MARXISME 57 igure 6 : Idéologie Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes s structures sociales existantes. Tout en respectant les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japonais un esprit japonais et un savoir faire occidental ». La tradition japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans, , des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale, professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en se IDEOLOGIE LIBERALISME NATIONALISME SUPREMATIE RACIALE
  • 58. 58 basant sur le fondement des principes traditionnels qui consistent à honorer le passé historique du Japon et l’éthique confucéenne. Le Japon est un des rares, sinon l’unique pays qui a réussi, pendant un laps de temps historique réduit, à dynamiser et à rénover sa culture traditionnelle en y incorporant le savoir faire occidental tout en respectant son savoir être. Les idéologies ont donné naissance à de nombreuses cultures qui ont compartimenté le monde et rendu son unité pratiquement impossible. 4.2 LANGUE Ibn Khaldoun disait « Les langues ne sont que l’interprète du contenu de la conscience : c’est à dire des significations qu’elle renferme ». L'émergence du langage fut une étape décisive qui a permis l’expression de la prodigieuse complexité de la culture humaine. Grâce à lui, les hommes sont capables d'utiliser des symboles, c'est-à-dire d'octroyer et de communiquer des significations par l'intermédiaire de signes phoniques et par l'organisation de ces signes en phrases. S'ils reçoivent un apprentissage, de nombreux animaux sont capables de réagir au langage, mais uniquement en tant que signaux ou appels, non en tant que véritables symboles. Toutes les cultures humaines ont pour fondement le langage. Même les langages des peuples analphabètes possèdent un degré de complexité suffisant pour transmettre la totalité d'une culture dans ses éléments et ses connexions. Dans certaines civilisations, le langage ne permet de nommer que les cinq premiers chiffres; pour les chiffres plus élevés, on utilise le terme « beaucoup »; d'autres disposent d'un système décimal leur permettant de compter jusqu'aux millions, milliards et même davantage.
  • 59. 59 Le génie d’une langue est conditionné par les éléments que fournit le milieu naturel à sa rhétorique particulière. La topographie et la nature des lieux, le ciel, le climat, la faune, la flore sont des générateurs d’idées et d’images qui sont le patrimoine particulier d’une langue à l’exclusion d’une autre. Par conséquent, la critique interne d’une langue doit y révéler, dans une grande mesure, ses rapports avec les données du milieu naturel où elle est née. La langue, d’une façon générale, est organisée pour véhiculer la pensée d’une culture et d’une civilisation. Si la culture est le concepteur d’une civilisation, la langue est son moyen de transmission. Une culture évolue sans cesse et doit en permanence adapter la langue qui la véhicule. En somme, la culture fait la langue mais la langue ne fait pas la culture. La psychologie moderne montre que la langue ne constitue pas la source de la logique mais au contraire elle est structurée par elle. Ceci contredit les affirmations de Durkheim qui, se basant sur le fait que le langage comporte une logique, extrapole en disant que la langue est le facteur essentiel et même l’unique moyen d’apprentissage de la logique par un individu donné, soumis à un type de culture. Pour étayer ceci, on peut prendre l’exemple de la latinisation des caractères arabes par M.K. Atatürk qui pensait que le retard culturel des Turcs était dû à la langue arabe. Cependant, l’argument véritable n’était pas là, mais plutôt dans le désir de rompre définitivement avec l’héritage arabe et islamique des peuples voisins. M.K. Atatürk était un nationaliste qui attribuait la cause de l’effritement de l’empire Ottoman uniquement à l’opposition des peuples arabes en oubliant la part de responsabilité qui incombait aux sultans Turcs eux-mêmes dans la gestion désastreuse de l’empire ottoman.
  • 60. Pendant longtemps, la Turquie musulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident. Elle cherche, aujourd’hui, à s’intégrer à européen, non pas sur la base géographique mais culturelle. L’adhésion à l’Union européenne est fortement contestée par de nombreux pays de l’UE, tandis que celle de son adversaire de toujours été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela signifie pas que les latins l’ont adoptée Figure 4.2.1 Analyse historique des langues Si l’on s’intéresse aux principales langues par le passé, peut-on affirmer que le fonction de sa propre structure? On peut répondre d’emblée En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de civilisation qu’elles véhiculaient. Aujourd’hui, elles valent ce que valent LANGUEHISTORIQUE 60 a continué, à l’instar d’autres pays sulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident. à s’intégrer à l’Occident, qui lui refuse le label ographique mais culturelle. L’adhésion à est fortement contestée par de nombreux pays de tandis que celle de son adversaire de toujours, la Grèce voisine, l’a été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela ne atins l’ont adoptée en lui ouvrant les portes. Figure 7 : Langue Analyse historique des langues Si l’on s’intéresse aux principales langues, qui ont rayonné sur l’humanité on affirmer que le rayonnement d’une langue est propre structure? On peut répondre d’emblée par le non. En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de la . Aujourd’hui, elles valent ce que valent RENAISSANCELANGUE
  • 61. 61 la Grèce, Rome et les pays arabes16 . Elles se sont sous-développées au même titre que les civilisations qui les véhiculaient. Citons l’analyse judicieuse de R. Bénaissa : « Nous savons que trois langues se sont imposées successivement à des aires variables avant l’époque moderne : le Grec, le Latin et l’Arabe. Il est clair que leur diffusion n’a pas dépendu de leur ‘’logique interne’’ mais des civilisations successives qu’elles ont exprimées. Il est plus évident que leur extinction n’a pas été provoquée par leur incapacité à forger des néologismes, elles étaient toutes à leur apogée, mais par la décadence des civilisations qu’elles traduisaient. C’est la décadence des groupements humains, qui à une phase de leur évolution, ne réfléchissent plus, ne produisent plus et n’inventent plus rien ». Durant la domination coloniale, les peuples colonisés ont résisté à l’assimilation linguistique comme un moyen de résistance culturelle. Une des premières formes de combat contre le colonialisme fut celle de la langue et de sa reconnaissance par les autorités coloniales. Malgré leur appauvrissement matériel, les peuples colonisés cotisaient sur leurs maigres revenus pour créer des écoles comme l’exemple des médersas en Algérie et apprendre à leurs enfants la langue de leurs parents et ancêtres. La colonisation, malgré ses moyens colossaux et ses cerveaux, n’a pas réussi à briser la langue des autochtones. Sous la pression des peuples sous sa domination, la colonisation fut souvent contrainte d’autoriser la création d’écoles pour l’enseignement de langues autochtones, mais revenait très tôt sur cette autorisation en emprisonnant les maîtres d’école. 16 M Bennabi : langue et culture