2. La Charte commerciale du Pays de Lorient –rencontre annuelle n°1 9 avril 2015
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Introduction
Jean‐Michel BONHOMME ‐ Vice‐président chargé de la planification et du SCoT, Lorient Agglomération
Cette charte est présentée comme un document de référence concernant l’aménagement
commercial sur le Pays de Lorient pour la période 2014‐2020. Elle a été élaborée avec un large panel
d’acteurs (collectivités, intercommunalités voisines, acteurs économiques, représentants des
associations…). Cette charte a été déclinée en 6 principes.
David CABEDOCE ‐ Président de la délégation lorientaise, CCIM
La CCIM a toujours préconisé la mise en place de Chartes commerciales à l’échelle du Morbihan. Elles
permettent de créer un dialogue régulier entre le monde politique et le monde professionnel. C’est
donc volontiers que la CCIM a participé à l’élaboration de la Charte du Pays de Lorient et à sa mise en
place il y a un an.
I. Cadrage général par Pascal Madry, économiste et urbanisme (voir présentation
powerpoint ci‐jointe)
1. Un commerce qui est de plus en plus concentré
‐ Concentré de par l’outil de production
Depuis le début du XXème siècle, le parc de magasin de détail diminue. En effet, les français ont
changé de mode d’habitat, le commerce qui était alors très diffus est venu se réorganiser dans les
villes mais avec moins de points de vente. Il y a donc besoin de moins de commerce pour satisfaire
toujours plus de besoins de consommation. Depuis les années 20, il y a trois fois moins de commerce
alors que la population a augmenté de 50%.
Cette concentration se retrouve dans les formats : aujourd’hui, un magasin sur dix est une moyenne
surface, ce qui correspond à 2/3 du chiffre d’affaires du commerce en France et un peu plus de 50%
des emplois du secteur.
‐ Concentré en capital
Le commerce est de plus en plus l’affaire de réseaux, de groupes de distribution. Le commerce
indépendant et isolé représente aujourd’hui 16% des parts de marché.
‐ Concentré dans l’espace
Où consomme‐t‐on en France ? En moyenne dans une agglomération, les 2/3 des dépenses des
ménages sont réalisées en périphérie. Les centres ‐villes, dans le meilleur des cas, captent 25% de
part de marché et le commerce de quartier 13%. Ainsi, en dynamique la périphérie progresse.
Cependant, depuis quelques années, en termes de performances, cela fonctionne moins bien
qu’avant.
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Comment ont évolué les centres‐villes ? (centre d’agglomération plus particulièrement).
‐ Spécialisation de l’offre. En 10 ans, l’équipement de la personne a progressé de 4 points. C’est le
secteur qui a le plus progressé. Aujourd’hui, pour un client, un centre‐ville qui dispose d’une offre en
équipement de la personne en dessous d’un certain seuil, c’est un centre‐ville qui n’est pas «au
standard ».
‐ Concentration. La part des enseignes nationales a fortement évolué dans l’offre des centres ‐villes
(les opérations de centres commerciaux n’y sont pas pour rien). Plus un centre‐ville dispose de
réseaux d’enseignes, plus il sera résistant aux crises.
‐ Polarisation : les centres‐villes se contractent et l’espace marchand se rétrécit.
Est‐ce que demain le commerce sera toujours aussi concentré ? Aura‐t‐on besoin de toujours moins
de commerces ? Est‐ce que le commerce sera toujours l’affaire des grands réseaux ? Et est‐ce que
tout cela se passera toujours plus en périphérie ? A l’institut (pour la Ville et le commerce), les
spécialistes pensent que non. Toutes les logiques de concentration sont en train d’entrer en crise.
L’évolution des surfaces commerciales en France depuis les années 2000 montre une progression de
3,5% chaque année alors que la consommation augmente de 1 à 1,5% par an. Le décalage est donc
toujours plus important entre les mètres carrés produits et ce que la consommation est capable
d’absorber. Alors pourquoi le « grand » commerce se maintient‐il malgré la « bulle immobilière » ?
2. Un modèle de croissance en crise
Du côté des distributeurs
L’indice du coût de la construction qui constitue la référence pour la fixation des prix des loyers (cf
présentation PPT) a augmenté de 40% en 10 ans. Une des conséquences, c’est qu’un mètre carré de
commerce rapporte de moins en moins. Les rendements diminuent d’années en années. Dans les
années 90, un mètre carré d’hypermarché rapportait 11 000 € de chiffre d’affaires par an, c’est 30%
de moins en 2010. « Il coûte de plus en plus cher de vendre de moins en moins ».
Pourquoi ce système continue de fonctionner ? C’est grâce aux réseaux qui ont la capacité de
consolider leurs performances, de compenser ce qui est perdu en magasin par leur puissance d’achat
(compenser ce qui est perdu en magasin, en amont, dans les rapports de forces avec les
distributeurs).
Du côté des promoteurs
L’immobilier du commerce est un des marché les plus rentables et les plus sécure.
Du côté des collectivités
La responsabilité des collectivités tient à la compétition qui existe entre les territoires. Cette
compétition paradoxalement vient de l’intercommunalité. Il y a peu de temps encore, la vision de
l’urbanisme commercial se résumait à une problématique de centre‐ville contre la périphérie. Mais,
avec le développement intercommunal, les frontières ont bougé et la problématique a changé.
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Aujourd’hui, il s’agit davantage de faire rayonner un territoire intercommunal par rapport aux autres
territoires voisins (rayonnement du Pays de Lorient par rapport à Auray, Vannes…). Chaque territoire
se dotant d’outils (centres commerciaux…) pour renforcer son attractivité. Ainsi, la rhétorique du
renforcement de l’attractivité se retrouve partout, les territoires se télescopent. C’est une dérive sur
laquelle il faut être vigilant. Il y a un moment où « ça craque » et l’indicateur de la fracture, c’est la
vacance.
3. La re‐territorialisation du commerce
Le commerce est en train de changer d’échelle, de changer de régime en se concentrant toujours
plus, il devient davantage l’affaire de réseaux et s’internationalise. De plus, la dématérialisation des
transactions marchandes accroit ce phénomène.
De nombreux distributeurs sont en train d’adopter des logiques de développement international et
de revoir complètement leur rapport au territoire. Ainsi, comment chercher à faire de la planification
urbaine alors qu’une partie du développement du commerce va se faire de façon a‐territoriale, c’est‐
à‐dire détachée de ce qui relève du code de l’urbanisme et de l’espace ? L’urbanisme, selon Pascal
Madry, n’est pas la clé de la résolution de la crise. Les promoteurs vont continuer à vouloir multiplier
les actifs immobiliers, le consommateur est en train de changer, avec des effets démographiques sur
la façon de consommer.
Il y a deux grandes tendances d’évolution qui se dessinent. La première, c’est qu’avec l‘étalement
urbain, la population sera toujours plus urbaine, mais toujours plus loin des cœurs de villes. Donc
pour faire les courses, les déplacements seront plus importants. Les centres‐ villes seront en
revanche les zones les plus éloignées de ces nouveaux consommateurs. La seconde, c’est qu’avec le
vieillissement de la population, nous serons davantage captifs et la question sera alors de rendre
accessible l’offre à ces populations qui seront plus sédentaires.
L’avis de Pascal Madry, c’est que la tendance générale serait plutôt un mélange des deux avec des
commerces qui devront inventer de nouvelles interfaces pour aller au‐devant de ce consommateur
hyper mobile.
Questions suite à l’intervention de Pascal Madry
Dans les différentes diapositives n’apparaissent pas les dimensions animation, plaisir de la
consommation, tout ce qui fait du commerce autre chose que du commerce. Ce sont des
dimensions qui, pour le commerce de centre‐ville, n’ont rien à voir avec le commerce de
périphérie.
Pascal Madry : La démonstration a été faite par l’offre. Mais on peut cependant apporter une petite
nuance sur cette question de qualité et d’espace publics en centre‐ville. Améliorer la qualité de
l’espace public pour que les chalands soient confortés dans leur plaisir d’achat, cela s’est traduit dans
beaucoup de ville par des ré‐ investissements (mobilier urbain, piétonisation…)
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L’Institut pour la ville et le commerce a observé les chiffres d’affaires un an après sur une
quarantaine de villes : une vingtaine qui avaient investi et une vingtaine qui n’avaient pas investi.
Nous avons observé que lorsqu’une collectivité investissait sur l’espace public, il y avait un impact de
15‐20% sur les chiffres d’affaires en moyenne. Mais les valeurs locatives augmentent plus vite, c’est
donc surtout l’immobilier au final qui en bénéficie. Il faut faire attention à ces effets pervers.
Pour revenir sur le constat des locaux de plus en plus chers, à cause notamment de l’indice du coût
de la construction, est‐ce suffisant comme analyse ? Il ne faut pas oublier non plus les normes qui
se développent de plus en plus. De plus, les évolutions de loyers de +4,5% par an ne
correspondent pas à ce que nous constatons au niveau local.
Pascal Madry : Les données agglomèrent effectivement différentes situations, mais la région
parisienne n’a pas été prise en compte.
Ce qui est important de souligner, c’est que dans l’évolution des loyers commerciaux, il y a
l’indexation, mais aussi la prise en compte du renouvellement, c’est‐à‐dire lorsque le propriétaire
augmente le loyer. Ces hausses liées au renouvellement ont notamment été très élevées dans
certains grands centres commerciaux détenus par des foncières où il n’est pas rare pour les locataires
de se voir proposer des offres de renouvellement avec des loyers à plus de 50% d’où une moyenne
qui est élevée. Après, il y a des villes en déprise, d’autres plus attractives et effectivement les
évolutions sont hétérogènes. Mais en moyenne, on est à 3 % par le jeu d’indexation et plutôt à 4,5%
si on intègre les effets liés au renouvellement.
Par rapport aux données un peu pessimistes sur les centres‐villes, quelles peuvent être les
solutions ?
Pascal Madry : Il ne faut pas être trop pessimiste, il y aura toujours l’effet volume de la démographie
pour alimenter la consommation. La question est plutôt où est‐ce que les nouvelles populations vont
venir habiter et est‐ce que le commerce que nous avons aujourd’hui saura répondre à ces nouvelles
populations ? Les centres‐villes étaient autrefois au cœur des agglomérations, aujourd’hui, c’est
quasiment le point le plus éloigné de l’habitant lambda d’un territoire aggloméré. Donc la question
pour les centres‐villes, c’est comment maintenir un flux de visiteurs. L’Institut a travaillé sur cette
question : on pense souvent que pour animer un centre‐ville, il faut créer des cartes de fidélité,
améliorer les espaces publics, avoir des associations dynamiques… Mais ce qu’il faut surtout, c’est de
l’emploi. Il faut des flux captifs.
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II. Le commerce dans le Pays de Lorient (AudéLor et CCIM) (voir présentation
powerpoint ci‐jointe)
Questions suite à l’intervention d’AudéLor et de la CCIM
Dans la charte commerciale, sur la carte p.11, le secteur de Lorient La Base n’apparaît pas alors
qu’il s’agit d’un quartier en plein essor et encore mal connu des lorientais, il y a des restaurants et
des grosses entreprises commerciales, c’est un quartier innovant et qui ne concurrence pas le
commerce de centre‐ville.
Gilles Poupard : Quand les polarités commerciales ont été représentés, il n’y avait à l’époque pas
beaucoup de commerces sur ce secteur. Il s’agit d’une proposition de carte, les centralités seront à
préciser par les communes et ce secteur pourra être intégré.
Comment vous voyez l’évolution du commerce de quartier au sens large et pour le quartier de
Kervénanec en particulier ?
Tristan Douard : Pour Kervenanec spécifiquement, on va lancer une étude complémentaire à ce qui a
pu être fait en 2009 de façon à appréhender spécifiquement le quartier. Le commerce de quartier
fait partie des proximités que nous souhaitons conserver.
Quel est le type de consommateur aujourd’hui d’un point de vue national et/ou Lorientais ? Il y a
peut‐être une saturation par rapport à l’offre qui existe, saturation aussi du fait des
problématiques de mobilité. Pourquoi ne pas d’abord pour l’avenir répondre à un besoin avant de
parler de l’offre ?
Pascal Madry : On a pas fini de faire le tour du consommateur. On peut répondre sur la mobilité car
c’est une question qui nous préoccupe beaucoup à l’institut. Nous avons considéré jusqu’à présent
que le consommateur devait faire des choix de consommation avec un revenu contraint. Mais ce que
nous pensons, c’est qu’ il y a de nouvelles contraintes qui jouent tout autant que les revenus dans les
arbitrages de consommation, en l’occurrence la mobilité, l’accès aux pôles, l’écologie…
Sur la mobilité, il y a une étude de l’INSEE qui montre qu’avec l’évolution de nos villes (étalement
urbain /émiettement urbain), en moyenne, les lieux d’habitat des français avaient tendance à
s’éloigner des centres‐villes et de la ceinture des centres commerciaux des années 80‐90. L’étude
montrait qu’en moyenne, en distance, un habitant faisait un kilomètre de plus pour aller au centre
commercial. Totalisé sur une année, ce sont des coûts de transports en plus, et le consommateur
commence à le ressentir, je pense que nous avons là une des explications de la baisse de
fréquentation des centres commerciaux.
Sur la contrainte écologique, c’est un sociologue qui a travaillé sur la question. Pour lui, si notre
modèle de consommation se diffuse, si la classe moyenne se diffuse dans le monde, et si nous
mettons en face les biens de consommations et les circuits de consommation qu’il faut pour
répondre à l’appétit de consommation des populations, il va y avoir un vrai problème écologique. La
pression sur les matières premières sera telle qu’il y aura nécessairement un effet sur les prix.
Cependant, les consommateurs des pays riches commencent à intégrer cette question et à
consommer différemment pour faire baisser la pression sur l’environnement. Il y a donc plusieurs
hypothèses qui vont dans le sens d’un grand changement du consommateur.
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IV. Réaction au cours de la table ronde
Les clients potentiels, sait‐on ce qu’ils veulent ? Quels sont les besoins réels ? Il est nécessaire dans
la réflexion de continuer à s’entourer des responsables des consommateurs.
Pascal Madry : Aujourd’hui de nombreuses tendances sont évoquées pour décrire les
consommateurs de demain mais ils sont difficiles à cerner en fonction de la conjoncture, des cycles
de vie…
Une des difficultés qui vient s’ajouter aujourd’hui concerne les questions de mises aux normes des
commerces, même si les calendriers ont été reportés.
Réponse du public : Cette mise aux normes pèse effectivement sur les commerces mais aujourd’hui
beaucoup de professions libérales qui sont dans les centralités doivent aussi se mettre aux normes.
Or, ce sont des acteurs importants qui créent des flux pour le commerce et qui bien souvent
cherchent à sortir des centralités.
David Dertier : C’est une tendance qui est observée aux niveaux de certains centres commerciaux
dans lesquels des médecins ont fait des demandes pour s’implanter.
Conclusions
Invitation de Pascal Madry à ce que l’Institut « parraine » la charte (adhésion de notre territoire à
l’Institut pour la Ville et le Commerce?).
Le rendez‐vous est donné pour l’année prochaine avec un autre bilan.
Lancer le travail avec les tous les acteurs économiques sur les amendements éventuels à apporter.
Vœux que le commerce prospère, que notre intelligence collective contribue à réguler et à équilibrer.
Continuer à cultiver et alimenter la charte.
22.
Evolution du parc de surfaces commerciales et de la dépense de consommation des ménages
en volume (France, base 100 en 2000)
100
105
110
115
120
125
130
135
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Série1
Série2
Sources : Insee, enquêtes points de vente
Consommation
Surfaces
24.
Evolution des rendements (CA/m²) du commerce de détail,
par secteurs d’activités (€ constants)
Sources : Insee, enquête points de vente
25.
Evolution des taux de rendement de différents produits financiers
0,00
1,00
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
7,00
8,00
9,00
Dec 03 Dec 04 Dec 05 Dec 06 Dec 07 Dec 08 Dec 09 Dec 10 Dec 11 Dec 12 Dec 13
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