A la demande de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement, s'est tenu aujourd'hui un débat au Sénat.
Le Sénateur Maurice Antiste, unique élu ultramarin à intervenir en séance plénière ce jour, mercredi 23 janvier, a mis en exergue les répercussions de certains pesticides, notamment la chlordécone, sur l'ensemble des biotopes, sur la santé humaine, et leurs conséquences sur notre économie.
Intervention du senateur Maurice ANTISTE debat sur les pesticides
1. DISCOURS DU SENATEUR MAURICE ANTISTE A L’OCCASION DU DÉBAT SUR LES
PESTICIDES ET LEUR IMPACT SUR LA SANTÉ ET L'ENVIRONNEMENT
MERCREDI 23 JUILLET 2013
Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Ministres, Madame la Présidente de la mission
d’information, Madame la Rapporteure, mes Chers Collègues,
Ce débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement est l’occasion pour
moi de revenir sur la grève des marins-pêcheurs martiniquais du 20 décembre dernier, lors de
laquelle ils ont exprimé leur détresse et leur colère.
En effet, ils ont dénoncé les impacts des nouvelles mesures d’interdiction de pêcher sur une
importante partie du littoral atlantique martiniquais en raison de la contamination des langoustes
par un pesticide : la chlordécone.
Madame et Monsieur les Ministres, c’est une grande tragédie qui touche ces professionnels de
la pêche, confrontés à une multitude de facteurs qu’ils ne maîtrisent pas, et qui compromettent
irrémédiablement l’exercice de leur profession. Non seulement ils ne sont aucunement
responsables de l’usage de ce polluant mais, bien au contraire, ils en sont eux-mêmes les
victimes aujourd’hui. Cet arrêté justifié vient restreindre considérablement le champ
géographique de leur activité, ce qui conduit à une précarisation et une paupérisation de cette
profession, pouvant aller jusqu’à la cessation d’activité.
Rappelons que les langoustes blanches et brésiliennes, dont l’interdiction de la pêche pour une
durée indéterminée, sont les produits rémunérateurs par excellence.
Madame et Monsieur les Ministres, je sais tout l’intérêt du Gouvernement pour ce dossier. Ne
laissons pas sombrer un secteur d’activités déjà durement touché par la crise, par des normes
européennes de plus en plus contraignantes, par la hausse du prix des carburants et par la
concurrence pas toujours maîtrisée des autres pays. Ma voix est donc celle de l’appel à la
solidarité nationale. Et, à travers elle, de la nécessité d’une prise de conscience tenant compte
tant des répercussions de certains pesticides sur l’ensemble de nos biotopes et sur la santé
humaine, que de leurs conséquences sur notre économie.
L’interdiction de la pêche concernant toutes les espèces de la faune marine dans certaines
zones maritimes de la Martinique est le révélateur d’un « désastre économique,
environnemental, sanitaire » plus général provoqué par le recours massif à la chlordécone,
utilisé en Outre-Mer jusqu’en Septembre 1993, soit 3 ans après son interdiction dans
l’hexagone, avec comme conséquence un empoisonnement dangereux du sol et de l’eau, des
fruits, des légumes racines et de certaines viandes.
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2. Il convient de noter qu’entre 1972 et 1993, environ 6 000 tonnes de Curlone, qui contient 5% de
chlordécone, ont été vendues en Martinique. Ainsi 8 000 à 12 000 hectares seraient contaminés
à la Martinique, soit 1/3 de la surface agricole utile (SAU), et de 6 000 à 8 000 hectares en
Guadeloupe soit 1/5 de la S.A.U. Cette contamination est d’autant plus préoccupante et
dramatique que sa persistance dans la nature est de l’ordre de 600 années.
Il convient ici de faire mention, outre les deux plans d’action chlordécone mis en place par le
Gouvernement, de la remarquable implication des acteurs locaux notamment le CIRAD, l’INRA,
l’IRD, l’IFERMER, l’UAG, le PRAM, le BRGM en collaboration avec des équipes nationales et
internationales, qui a permis de réelles avancées dans la prise de conscience du risque et dans
les réponses scientifiques qui lui sont apportées.
J’ai ainsi assisté aux journées recherches, en Octobre 2012, qui ont permis de dresser un bilan
d’ensemble à mi-parcours du second plan chlordécone. Je salue certes les progrès constatés
mais ne perds pas de vue les vives inquiétudes exprimées par certains médecins au regard de
la situation sanitaire telle qu’ils la perçoivent, à la lumière de leur expérience de terrain. Ils
relèvent de nombreux signaux inquiétants augurant un danger grave pour l’avenir, tout
particulièrement en termes d’hérédité, de perturbations de la fertilité masculine, de baisse
régulière du taux de la natalité, d’augmentation régulière des cancers de la prostate qui
touchent des hommes de plus en plus jeunes.
Les Antillais paient un très lourd tribut à cette pollution et le pire est probablement à venir. C’est
d’ailleurs pour cela, Monsieur le Ministre, que je suis opposé au mode d’épandage aérien de
pesticide car je pense que la responsabilité d’élu politique nécessite un discours de vérité. Et à
la vérité, il faut appliquer le principe de précaution tant que l’inoffensivité de ces produits ne
sera pas démontrée.
Il faut donc trouver d’autres procédés, et je ne peux que vous exhorter à prendre en compte,
sans plus tarder, des axes d’intervention prioritaires, déjà recommandés, dans les rapports
parlementaires et les Plans chlordécone.
Cependant, l’atteinte de ces objectifs ne dispense pas de la recherche des responsabilités et la
mise en application du principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de
prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le
pollueur. Les victimes de ce drame écologique, environnemental et économique ne
comprendraient pas qu’il soit, d’office, absous.
La Martinique sera un des départements les plus vieux, dans les prochaines décennies. Aussi,
le corps médical craint de voir se greffer sur les charges de la vieillesse, des pathologies
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3. émergentes de plus en plus coûteuses, tels le diabète 2, l’obésité, l’insuffisance rénale,
l’hypertension artérielle et une pathologie cancéreuse multiforme dont l’incidence est
régulièrement croissante depuis 20 ans (1500 nouveaux cas de cancers par an, dont 500 de la
prostate et 100 du colon).
Comme vous pouvez le constater les attentes sont encore fortes. Elles sont à la mesure des
enjeux : garantir la sécurité sanitaire et alimentaire des populations, assurer la reconversion de
bon nombre d’agriculteurs et de pêcheurs.
Ayons à cœur de relever ces challenges !
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