La réforme des règles prudentielles constitue une des dernières décisions des dirigeants internationaux pour éviter que se renouvelle une crise semblable à celle rencontrée en 2008.
Quels impacts pour le secteur bancaire et les assurances ?
1. L’actualité économique et sociale
Pôle Banque et Assurances, Cabinet APEX
La réforme Bâle 3, quelles conséquences ?
La réforme des règles prudentielles constitue une des dernières décisions des dirigeants
internationaux pour éviter que se renouvelle une crise semblable à celle rencontrée en 2008.
Elle résulte de l’analyse selon laquelle les mauvaises régulations des marchés financiers ont
constitué un élément déclencheur, voire amplificateur, des difficultés. Le système bancaire
qui représente le principal pont entre l’économie réelle et les marchés financiers a été
particulièrement touché durant cette période nécessitant le secours pécunier des Etats à des
niveaux sans précédent.
Une réforme très inachevée
Pour l’heure, la réforme porte essentiellement sur un affinement dans les modes de calcul et
un relèvement des seuils d’exigences minimales de fonds propres détenus par les banques.
Ainsi les éléments comptables intégrant les fonds propres prudentiels ont été limités dans un
premier temps (juillet 2010) en excluant du ratio Tier 1 les titres hybrides hors fonds publics,
en plafonnant les participations de filiales, les autres activités (assurance notamment), les
impôts différés.
En outre la valorisation des actifs selon leur risque a été modifiée (principalement le risque de
contrepartie).
Par la suite, les niveaux d’exigence en fonds propres ont été augmentés :
• Passant de 2% à 4,5% de fonds propres en actions ordinaires pour le ratio minimal (Core
Tier One), auquel se rajoute un volant supplémentaire de 2,5% en 2019 pour pouvoir
distribuer des dividendes, soit un total de 7%,
• Passant de 4% à 6% pour le Tier One auquel se rajoutent à nouveau 2,5% soit un seuil au
total de 8,5%.
Le projet prévoit cependant une période importante de transition pour permettre aux banques
de satisfaire à ces nouvelles obligations :
• Le passage du ratio Core Tier One à 4,5% et du Tier One à 6% devrait se faire
progressivement jusqu’en début 2015 ;
• Le volant supplémentaire devrait intervenir de façon graduelle jusqu’en 2019.
Des éléments transférés à d’autres instances ou simplement différés
D’autres points de la réforme restent en attente d’une décision :
• Un ratio supplémentaire de fonds propres, dit contre cyclique, dont le but serait
d’augmenter les exigences en période d’expansion et de les desserrer lors de difficultés
économiques. L’application de ce critère (de 2,5%) est laissée au choix des autorités
nationales,
- Cabinet APEX – Décembre 2010 -
2. • Deux ratios de liquidité (un de long terme et un de court terme) dont les introductions sont
prévues respectivement pour 2015 et 2018,
• Un ratio de levier de 3% en cours de test dont l’intégration aura lieu à partir de 2018,
• Des normes renforcées pour les établissements de grandes tailles pour lesquels les travaux
se poursuivent,
• Et une suite possible aux propositions sur les capacités d’absorption d’un établissement en
faillite.
L’absence de décision ferme concernant la mise en place d’un ratio lié à la conjoncture
laisse le projet dans une forme incomplète sur ces capacités à endiguer une nouvelle
crise bancaire.
L’enjeu immédiat: le renforcement des fonds propres
En l’état actuel, la réforme impliquera une hausse des fonds propres pour un nombre
important de banques. Celle-ci se fera soit par une distribution limitée des dividendes et
davantage de mises en réserve du résultat, soit par des augmentations de capital.
Principaux effets de la réforme sur le core tier
one des banques françaises* (en %)
Société Générale -3,5%
BNPP -1,0%
Natixis -4,3%
*Peu d’éléments ont été pour l’instant communiqué par les Groupe CM-CIC, Banque Postale et CASA.
Il est probable par ailleurs, qu’à l’instar de Bâle II, le marché exige une marge de sécurité
supplémentaire en plus de la règlementation. Il est ainsi évoqué au lieu du ratio Core Tier One
de 7% :
• Soit, un standard compris entre 8% et 10% selon les analystes de CREDIT SUISSE,
• Soit, une exigence de 9% ; selon le cabinet MC KINSEY.
Les impacts sur les différents métiers bancaires
Les retombées pour les banques cotées pourraient s’avérer encore plus importantes à terme.
La réforme implique que pour un même risque lié à un prêt ou à une créance quelconque, la
banque devra mobiliser davantage de fonds propres. Par conséquent, il est à prévoir une
réallocation nouvelle des fonds propres vers les métiers :
• Les moins risqués,
• Ou les plus rentables.
Par ailleurs, ces critères pourraient à termes continuer à distinguer sensiblement, notamment
en France, les stratégies des groupes cotées (BNP Paribas, Société Générale) de celles des
groupes majoritairement mutualistes (Groupe Crédit Agricole, BPCE, CM-CIC).
- Cabinet APEX – Décembre 2010 -
3. Vers de nouveaux « business models » ?
Selon les différentes analyses, cette réforme pourrait à termes accélérer les mutations actuelles
des groupes bancaires :
• De nouvelles concentrations de métiers à risque avec des marges réduites telles les
plateformes de crédit à la consommation et de gestion d’actifs,
• Une nouvelle articulation entre banque de détail et BFI. La banque de détail qui regroupe
les crédits à l’immobilier et aux professionnels voit son rôle de stabilisateur renforcé dans
les activités bancaires. Par ailleurs, la limitation des activités de BFI sur fonds propres
initiée après la crise devrait logiquement se poursuivre.
• Une interrogation sur la convergence des métiers d’assurance et bancaire, ainsi seuls 15%
des fonds propres d’assurance du Crédit Agricole pourraient en l’état être comptabilisés
dans les comptes.
• Des risques importants concernant les activités de commerce international
particulièrement affecté par la nouvelle pondération,
• Des effets mal estimés des ratios de liquidité sur les lignes de crédit accordés aux
entreprises et donc sur les différents métiers afférents.
A l’instar de ce que font actuellement les marchés et les actionnaires, l’instauration de la
nouvelle règlementation devrait être le moment pour interroger à nouveau les directions
sur les conséquences locales de la réforme et leurs intentions afin d’anticiper au plus tôt
les risques sociaux.
Des risques encore peu mesurés sur certaines activités
Plusieurs analyses font état de conséquences significatives de la réforme sur les croissances
nationales. Ces effets pourraient concernés plus particulièrement les accès aux crédits les
plus volatiles et les plus sensibles au risque notamment le crédit à la consommation et les
PME.
Le crédit à la consommation et aux PME sont des activités particulièrement génératrices de
risques, notamment en période de crise. Sans l’instauration d’un ratio variable, les PME
risquent de se voir limiter l’accès au crédit en cas de crise en raison d’une rentabilité trop
faible pour un risque trop élevé. Pour rappel, le crédit à la consommation constitue pour
l’heure un des moteurs essentiels de certains secteurs comme l’automobile.
Très clairement les deux principales études d’impacts liées aux relèvements des critères ont
été élaborées par rapport aux grands équilibres des zones économiques sans prendre pour
l’heure en compte les conséquences sur le tissu économique (accès des ménages ou des PME
au crédit, financement de l’économie par les banques ou par le marché).
Bâle 3, quelle finalité : nouvelle régulation ou nouvelle règlementation?
En l’état, les décisions du Groupe de Bâle vise davantage à un renforcement de la
règlementation actuelle qu’à une régulation nouvelle de l’économie bancaire. Le principal
objectif demeure de limiter à l’avenir le risque de faillite bancaire et le coût de nouvelles
interventions pour les Etats.
Le comité exige pour l’heure simplement un renforcement du coût du risque qui impactera
l’ensemble du marché du crédit dans l’attente de nouveaux critères (liquidité, effet de levier,
ratio conjoncturel).
- Cabinet APEX – Décembre 2010 -
4. Pour une grande part, les choix de prêter de l’argent à un client qu’il soit un particulier, un
professionnel, une PME ou une grande entreprise dépendra encore du retour sur
investissement attendu et des critères de notation du risque associé ; indépendamment de la
pertinence ou non du projet pour l’économie réelle. En ce sens, si le projet a pour but de
réduire à l’avenir le risque de faillites bancaires, il est difficile de dire que les nouveaux
critères auraient pu limiter les investissements hasardeux au déclenchement de la crise, ni la
contraction des liquidités interbancaires et du crédit qui s’en est suivie.
Par ailleurs, il est à craindre que le coût pour les banques lié à ces nouvelles normes ne
se répercute sur le client (par le biais d’un renchérissement de certaines opérations
bancaires) et / ou sur le personnel des établissements bancaires (par le biais de
réorganisations).
Le secteur bancaire français : une position particulière
Il convient également de noter que le secteur bancaire bénéficie en France notamment d’une
position particulière au vu de son importance dans l’économie nationale. Contrairement aux
Etats-Unis avec la disparition de Lehmann Brothers, l’Etat ne se permettrait probablement pas
de laisser une banque française disparaître au regard des conséquences qu’un tel phénomène
aurait (le système bancaire français étant étroitement lié, la faillite d’un Groupe français
pourrait alors se répercuter en cascade sur les autres acteurs).
Le poids du secteur bancaire apparaît ainsi comme un argument majeur utilisé par les Etats
afin de justifier le sauvetage organisé en 2008 / 2009. Si ce sauvetage peut être perçu comme
indispensable pour l’économie dans son ensemble, il n’en demeure pas moins que les contre
parties réclamées aux Banques apparaissent faibles au vu de l’aide reçue.
Si les contraintes règlementaires s’accroient, en revanche, le rôle des banques dans le
financement de l’économie n’a pas ou peu été revu depuis la crise de 2008. En dépit des
annonces faites par l’Etat Français, peu de choses ont évolué quant au financement de
« l’économie réelle ». Pourtant une grande partie des aides accordées par l’Etat auraient pu
être conditionnées à un financement suivi et contrôlé des PME notamment.
Bâle III et les contraintes règlementaires qu’il impose apparaissent aujourd’hui comme une
contrepartie relativement faible au soutien dont a pu bénéficier le secteur bancaire.
Finalement, les puissances publiques soulignent par ces réformes à quel point le système
bancaire est déterminant pour l’ensemble de l’économie. La limite de l’exercice tient
toutefois au fait qu’elles laissent toujours à l’ingénierie financière le soin de réaliser des
taux de profit supérieurs à ceux escomptables dans l’économie dite réelle.
- Cabinet APEX – Décembre 2010 -
5. Pour rappel, quelques fondamentaux
Le comité de Bâle : Le Comité de Bâle est une institution créée en 1974 par les gouverneurs des banques
centrales des pays du "groupe des Dix" (G10), regroupe des banques centrales et des organismes de
réglementation et de surveillance bancaires des principaux pays industrialisés. Les représentants se rencontrent
à la Banque des règlements internationaux à Bâle pour discuter des tous les enjeux liés à la surveillance
prudentielle des activités bancaires.
Tier One : Le ratio Tier 1, qui exprime cette solvabilité, est le rapport entre d’une part, les fonds propres (capital +
réserves, c.à.d. le principal facteur de sécurité pour ceux qui déposent l’argent dans la banque), et d’autre part
les différents actifs de la banque (trading, crédits aux entreprises…). Ce rapport est pondéré en fonction des
risques
Core Tier One : Le ratio core-Tier 1 est une variante du Tier 1, qui exprime mieux encore la solvabilité des
banques, parce que la composante «fonds propres» du rapport est plus restrictive : elle est constituée
uniquement du capital apporté par les actionnaires, augmenté des bénéfices reportés chaque année par la
banque; elle exclut toutes les formes de capitaux hybrides (obligations perpétuelles, actions préférentielles,
obligations convertibles…).
- Cabinet APEX – Décembre 2010 -