1. Reghioui
Fièvre et cancer : orientation diagnostique hors d’une
neutropénie fébrile d’un patient non immunodéprimé
1-Résumé :
Environ deux tiers des patients porteurs de tumeurs solides ont de la fièvre au cours de l’évolution de
la maladie tumorale, parfois grave et d’interprétation difficile. Le rôle du médecin est primordial dans le
diagnostic étiologique de l’hyperthermie dans ce contexte, parfois les données cliniques et
bactériologiques sont limitées. Les infections restent la première cause et peuvent engager le
pronostic vital néanmoins le médecin traitant doit connaitre les autres étiologies telles que : la fièvre
liée à une maladie thromboembolique, la fièvre paranéoplasique, médicamenteuse et allergique.
Mots clés : fièvre, tumeur solide, infection, enquête étiologique
2-particularité de la fièvre chez un cancéreux :
La fièvre est un évènement fréquent et un signe de gravité chez un patient porteur d’une tumeur
solide, et représente un signe cardinal mais qui demeure inconstant ; masqué par certains
médicaments les corticoïdes, AINS, antipyrétiques. La fièvre est une réponse normale et adaptative
de l'organisme à une agression de nature variable, elle n’est pas toujours spécifique d’une infection.
Les fièvres d’origine tumorale, médicamenteuse, paranéoplasique ou par nécrose tumorale et plus
rarement d’origine allergique compliquant la démarche diagnostique. La recherche du foyer infectieux
doit être soigneuse.
3-facteurs de risque d’infection d’une tumeur solide :
Un patient cancéreux est exposé à de multiples facteurs de risque responsables d’infection pouvant
aggraver le pronostic.
Le traitement anti-tumoral ; la chimiothérapie et la radiothérapie s’accompagnent d’effets toxiques : la
neutropénie demeure la plus grave par immunodépression, et un risque de septicémie, il s’agit d’une
urgence fréquente post-chimiothérapie. L’altération des barrières anatomiques, par des ulcérations
cutanées plus fréquemment les mucites chimio ou radio-induites sont des portes d’entrées d’infection.
Les corticostéroïdes, la dénutrition, une splénectomie augmentent le risque infectieux par
immunodépression. Les chambres implantables et les cathéters centraux peuvent être une porte
d’entrée de germes.
4-Un examen clinique minutieux :
0
Un cancéreux se présente avec une température orale ≥ 38.3 C en une seule prise ou ≥ 38 à deux
reprises à 1heure d’intervalle et en absence d’une neutropénie, on cherche les signes de gravité :
hypotension artérielle, des troubles de la ventilation, des signes neurologiques, un purpura, un âge
avancé, les comorbidités multiples, antécédents d’infection fungique ou de septicémie, et facteurs
sociaux défavorables pour une hospitalisation.
2. L’anamnèse est la première étape pour une démarche diagnostique étiologique plus logique et guide
l’examen physique. Le début et l’évolution de l’hyperthermie, les symptômes accompagnateurs :
frissons, céphalées, sueurs, troubles digestifs, respiratoires, une douleur. Notion de contage,
traitement antibiotique, une transfusion récente, cure de chimiothérapie, radiothérapie.
Un examen clinique minutieux à la recherche d’un foyer infectieux : ORL, cardiovasculaire, pleuropulmonaire, abdomen et le périnée, un syndrome méningé, cathéters, téguments et tissus mous et
ostéo-articulaire. La recherche de maladie thromboembolique : examen des membres inférieurs, les
signes d’embolie pulmonaire.
L’infection est la première cause de fièvre chez les patients suivis pour une tumeur solide, des
prélèvements bactériologiques selon un point d’appel ; diarrhées, une pneumopathie, infection sur
cathéter, un abcès, infection urinaire, permettant la mise en œuvre d’une antibiothérapie probabiliste
puis adaptée ultérieurement.
Un angioscanner thoracique et doppler des membres inferieurs si des signes de maladie
thromboembolique.
En absence d’élément d’orientation un bilan systématique : un hémogramme, bilan rénal, hépatique,
un ionogramme, CRP, radio de thorax, ECB des urines, des hémocultures.
Si le bilan revient négatif et une fièvre persistante sans point d’appel, à refaire le bilan, les
hémocultures, une sérologie VIH, recherche d’infection opportuniste bactérienne spécifique, virale ou
parasitaire, une infection fungique reste rare, un scanner thoracique et abdominopelvien, une
imagerie des sinus, une orthopontomogramme. TSH à la recherche d’une hyperthyroïdie.
5-La fièvre non infectieuse :
La fièvre survenant au décours d’une chimiothérapie doit faire évoquer une origine infectieuse. Mais
n’est pas toujours un synonyme d’infection, c’est une réponse à la stimulation du centre de la
thermorégulation l’hypothalamus par des substances appelées des pyrogènes essentiellement les
cytokines secrétées par des cellules de l’inflammation. Cette inflammation a plusieurs origines.
a- Fièvre paranéoplasique est la cause de 7 à 30% des hyperthermies survenant chez le
cancéreux, s’observe le plus souvent en cas de cancer évolué, associée dans 23% à des
métastases hépatiques, disparition de la fièvre sous naproxène un test qui reste non encore
validé
1- Critères diagnostic de la fièvre paranéoplasique d’après Chang(x) :
123-
456-
Température centrale supérieure à 37.80C
Fièvre durant plus de 2 semaines
Absence de signe d’infection
Pas d’infection cliniquement évidente
Pas de pneumopathie (radiographie de thorax)
ECBU et hémocultures stériles
LCR normal(examen facultatif)
Absence de réaction allergique
Fièvre ne répondant pas à une antibiothérapie empirique de sept jours
Rapide et complet « lysis thermique » sous naproxène
b- Fièvre médicamenteuse est un effet indésirable qui représente jusqu’à 5 % dans la littérature
apparait de façon temporelle à l’administration d’un médicament et disparait quelques heures
ou quelques jours à l’arrêt de ce médicament. En absence d’une infection ou une maladie
inflammatoire. elle reste un diagnostic d’élimination et difficile, le pronostic reste favorable.De
3. nombreux médicaments peuvent être la cause dont les antibiotiques, anticancéreux,
neuroleptiques.
c- Fièvre d’origine allergique reste rare. Certains traitements anticancéreux occasionnent cette
complication ; pneumopathie allergique extrinsèque secondaire à la gemcitabine. BCG
thérapie dans le traitement des tumeurs superficielles de la vessie, les biphosphonate avec un
syndrome grippal.
Conclusion :
La fièvre reste un signe redoutable chez un cancéreux, les infections sont les premières causes et
peuvent aggraver le pronostic vital. L’enquête étiologique doit être minutieuse basée sur une
anamnèse et un examen clinique d’orientation diagnostique.
Références :
1-Y. Moussaid,M.Bertaux.Fever and cancer:Components of diagnosis for optimal management. J.revmed interne.2012.10.368
2- N. Penell, M. Degardin Existe-t-il des critères diagnostiques en faveur d’une fièvre paranéoplasique ? Rev MCd Inteme
2000;21 : 684-92
3- N. Penel,C. Fournier. Fièvre et tumeur solide : valeur diagnostique de la procalcitonine et de la protéine C réactive Rev Méd
Interne 2001 ; 22 : 706-14
4- D. Vodovar. Fièvre médicamenteuse:undiagnostic à ne pas oublier. J.revmed interne.2013.02.023
5-Chang JC. Neoplastic fever, a proposal for diagnosis. Arch Intern Med 1989 ; 149 : 1728-30.