Reportage sur les artisans d'art dans les Alpes-Alpes sweet home-Ateliers d'art
Enquête bois énergie:4 saisons:nov-dec2012
1. Habitat
Bois-énergie
sous
tension
Le bois-énergie connaît une mutation radicale : croissance à deux
chiffres, émergence de nouveaux produits, mondialisation des
marchés, mis en place de labels de qualité, projets de chaufferies
monstres… Etat des lieux d’une révolution en marche.
Texte : Sandrine Boucher, photos : Jean-Jacques Raynal
L
e bois-énergie est à un tournant. vieille bûche ! Elle représente 7,6 MTep,
C’est la première des énergies re- soit 80 % de la consommation nationale
nouvelable en France (46 %), loin de bois-énergie, et c’est la première des-
devant l’hydraulique (25 %), et ses pers- tination de la forêt (25 millions Mm3 sur
pectives sont ambitieuses. Trop, estiment 60 Mm3 abattus par an). La flambée est
certains. Pour atteindre l’objectif euro- tendance. Le rythme d’équipement des
péen de 23 % d’énergies renouvelables en foyers a doublé en dix ans : aujourd’hui,
2020, il est prévu de doubler la produc- chaque année, environ 500 000 inserts,
tion de chaleur (de 8,8 MTep (1) en 2006 poêles et chaudières à bois se vendent.
à 15 MTep) et par six celle d’électricité Dans les zones pavillonnaires de la région
tirée de la biomasse ! Dans un contexte parisienne, la demande vient d’augmenter
en pleine révolution, consommateurs et de 30 % en un an. La tension sur les prix
producteurs s’interrogent : les filières peut être localement forte, mais à 3 cts
sont-elles prêtes ? Les prix du combus- d’euro le kWh, la bûche reste toujours, de
tible pourraient-ils s’envoler dans les loin, la source de chaleur la moins chère
prochaines années ? Les ressources de pour les particuliers. Et, a priori, le res-
la forêt seront-elles suffisantes ? tera. Dans les objectifs du Grenelle, le
nombre de logements chauffés au bois
DE QUEL BOIS devrait, certes, passer de 6 à 9 millions
SE CHAUFFE-T-ON ? d’ici 2020, mais à consommation équiva-
Quand on parle de bois-énergie en lente, grâce au renouvellement progressif
France, on parle d’abord… de la bonne du parc actuel (dont le rendement moyen
2. Avec 80 % de la
est de 40 à 50 %) par des appareils qui consommation
atteignent 70 %, et plus. Sauf que tout nationale, la bonne
vieille bûche
dépend du bois dont on se chauffe. Les reste la source
poêles qui équipent les nouveaux loge- de chaleur la plus
ments BBC exigent par exemple des économique, avec
bûches de moins de 23 % d’humidité. un coût de 0,03 € le
L’enjeu pour la filière, qui relève à 90 % de kWh contre 0,06 €
pour le granulé, qui
la “bonne franquette” (auto-consomma- a pris son essor
tion, marché informel…) est avant tout depuis dix ans.
celui de la qualité : être capable de pro-
poser un bois sec, d’essences identifiées,
pour un volume respecté... Sous la ban-
nière de France Bois Bûche, label créé
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3. Habitat
Le rendement des
poêles à bûches en mars 2011, 160 spécialistes du bois de pour chuter de - 15 % en 2009 puis affi-
récents atteint 80 %, chauffage et 12 régions sur 21 sont déjà cher + 13 % en 2010… Année où les gra-
voire 85 %, alors
que les anciens engagés dans cette démarche de certifi- nulés en sac baissaient, eux, de 3 % avant
modèles plafonnaient cation. « Avec l’émergence de chartes de de bondir de 10 % en 2012. Ils sont propo-
à 40 ou 50 %. D’où qualité régionales, la bûche devient un sés en moyenne à 318 € la tonne livrée.
des économies de combustible à part entière », se félicite De quoi avoir le vertige. « Une instabilité
bois importants. Sylvain Léonard, responsable de la mis- due à un marché émergent et une pres-
sion croissance externe de l’ONF. sion sur l’approvisionnement en sciure »,
explique l’Ademe. Franck Ortega, le di-
GRANULÉ : AVIS DE TEMPÊTE recteur commercial de SideSup-Boi’Sup,
Apparu dès les années 70, le chauffage dans le Loiret (15 000 T/an) confirme :
au granulé a pris son essor en France « Nous avons pris une claque à l’hiver
il y a seulement une dizaine d’années. 2010, avec le renchérissement de 30 à
Mais un nouveau marché apparaît : des 40 % du prix de la sciure. Le marché est
chaufferies collectives ou industrielles à encore jeune et fragile, il peut se retour-
granulés (groupes scolaires, gymnases, ner si les tarifs deviennent trop élevés.
laiteries…), fortement soutenues par Il faut arriver à trouver un juste milieu,
des subventions à l’investissement, et, qui contente producteurs et consomma-
si l’exemple de nos voisins européen est teurs ». L’évolution des prix va finir par se
suivi, promises à un essor rapide. stabiliser, affirment les observateurs, et
Côté prix, c’est le yoyo. Le vrac, bradé à creuser l’écart avec les énergies fossiles
160 €/T en 2006 pour cause de surpro- dont le granulé est un concurrent direct
duction, est remonté à 228 €/T en 2008, par sa facilité d’utilisation. A 0,06 € le
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4. Les plaquettes
kWh de chaleur, le granulé bois les sup- nulateurs devraient se partager le mar- résultent du
plante désormais toutes (voir tableau). ché, dont 10 à 15 dotés d’une capacité déchiquetage
de sous-produits
Côté offre, la tendance est à la concen- de 50 à 80 000 t/an. Et plusieurs projets industriels (palettes)
tration des acteurs sur cette activité où de sites dépassant les 100 000 tonnes ou de bois issus de
les marges sont faibles et les investisse- sont dans les tuyaux, en particulier pour travaux sylvicoles.
ments lourds. D’autant qu’à nos portes, alimenter les futures chaufferies collec- Elles alimentent
la concurrence fait rage. Benoît Fraud, tives. Guillaume Poizat, le PDG d’EO2, les chaufferies
collectives, ici
directeur d’ONF-Energie, le principal principal fabricant français de granulés, celle de Vénissieux
producteur de bois-énergie en France, proclame même que «la France a le po- (Rhône), qui en
observe un « marché qui se mondialise, tentiel pour produire cinq millions de consomme 35 000
avec des quantités de plus en plus impor- tonnes par an» (2). tonnes par an.
tantes produites en Russie ou en Amé-
rique du Nord ». L’Allemagne, la Belgique, L’ÉMERGENCE DE PROJETS
le Danemark et l’Italie sont déjà de gros MONSTRES
importateurs. « Il serait facile d’importer Reste à savoir comment. L’approvision-
des conteneurs de l’étranger si les prix nement en sciure, que les granulateurs
flambaient en France », observe Sacha disputent parfois âprement aux papetiers
Jung, directeur de Fibois Alsace, qui et aux fabricants de panneaux, est aléa-
vient de créer un label pour les granulés. toire. Prenant le chemin des Allemands
La production française décolle : passée et des Autrichiens, les producteurs fran-
de 350 000 tonnes en 2009 à 530 000 t en çais commencent à investir petits bois,
2011, elle devrait atteindre un million de branches, coupes d’éclaircies, issus de
tonnes en 2015. Fin 2012, environ 70 gra- la forêt. Or, c’est de ces ressources que
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5. Habitat
Les bûches sont
utilisées quasi- dépendent les futures chaufferies et uni- le sont déjà presque à 100 %. La clé se
exclusivement tés de cogénération biomasse géantes (3), trouve du côté des quelque 3,5 millions de
pour le chauffage
domestique. Un qui devront brûler 3 MT de plaquettes fo- propriétaires privés, détenant ensemble
stère équivaut à restières dès 2015, soit 4 fois plus qu’au- les trois-quarts des surfaces boisées, mais
500 kg environ, et jourd’hui. « On se fait peur avec les “gros” chacun en moyenne 1 ou 2 hectares…
représente 0,8 m3 projets à 100 000 T de plaquettes, mais souvent sans le savoir ! Or, le bois-éner-
pour des bûches ce sont des quantités faibles : un papetier gie ne représente pas pour l’instant un
coupées en 50 cm.
peut en consommer un million », rappelle débouché suffisant en soi pour justifier
Frédéric Douard, rédacteur en chef de la mise en exploitation d’une forêt. La
Bioénergie International. La mutation production des plaquettes dépend de la
de la papeterie Stracel en cartonnerie santé du marché du bois d’œuvre : « on
(à base de papier recyclé), dans l’Est, ne va pas prélever les branches d’un arbre
va ainsi rendre brutalement disponibles pour produire du bois-énergie et laisser le
400 000 T/an. « Les effets domino peu- tronc ! », ironise un professionnel.
vent être très forts », remarque Sacha « Les chauffagistes considèrent ces pro-
Jung, directeur de Fibois Alsace. duits comme un résidu, la valeur de la
Théoriquement, la disponibilité néces- matière et du travail n’est pas encore
saire en bois est là : depuis des décennies, prise en compte », regrette Eric Toppan,
les forêts françaises sont en expansion et économiste de la Fédération des fores-
gagnent du terrain. Chaque année, seule tiers privés. « La ressource est abon-
60 % de la croissance naturelle est utili- dante, dès que les prix augmenteront un
sée. Mais les forêts domaniales, gérées peu, le bois sortira de la forêt », estime
par l’Office national des forêts (ONF) son collègue Xavier Jenner, délégué du
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6. Les différents combustibles
- Les bûches : utilisées quasi-exclusivement pour
Centre régional de la propriété forestière, le chauffage domestique.
qui a accompagné la création d’une coo- - Les granulés : ils alimentent les poêles et chaudières des
pérative fédérant l’ensemble de la filière particuliers et de plus en plus, des chaudières collectives
dans le Parc naturel régional du Gâtinais. d’équipements publics. Ils sont fabriqués surtout à partir de
Aux collectivités, cette structure garantit sciure produite par les scieries, et vendus en sacs ou en vrac.
l’approvisionnement de leurs chaufferies - Les plaquettes : utilisées dans des chaufferies industrielles
actuelles et futures, et aux propriétaires ou collectives et dans les unités de cogénération, elles se
forestiers, une vente de bois très au des- présentent sous forme de bois déchiqueté issu des scieries,
sus du prix du marché (entre 6 et 12 € le de bois de recyclage ou, pour les plaquettes forestières,
stère sur pied contre 2 à 3 € au mieux). des travaux sylvicoles : éclaircies, branches restant après
Avec, à terme, une mise en valeur du pa- l’abattage du tronc, bois “blancs” (aulnes, bouleaux).
trimoine forestier du parc et la pérenni-
sation d’emplois locaux. Une quinzaine
d’initiatives de ce type existeraient en Le prix des énergies domestiques
France. en 2012 (source Ademe)
« Les énergéticiens offrent une visibilité
de 15 à 20 ans à la filière et des achats de TYPE D’ÉNERGIE PRIX/KWH
200 M€ par an de combustible. C’est une Bois bûche 0, 03 €
chance pour tous les acteurs de la forêt Granulé bois 0, 06 €
au moment où les débouchés se rédui- Gaz naturel 0,07 €
sent, avec les difficultés de l’activité in- Fioul 0,1 €
dustrielle », estime Olivier Bertrand, chef Electricité 0,13 à 0,16 €
du département Bioénergies du syndicat Propane 0,13 €
des énergies renouvelables.
Ce qui fait surtout débat, c’est la multi- sur-Mer. D’autant que les unités de co-
plication des projets d’unité de cogénéra- génération prévues ont des rendements
tion, dévoreurs de plaquettes, alors que médiocres, de l’ordre de 50 à 60 %. « C’est
les ressources locales sont incertaines un énorme gaspillage des ressources »,
ou déjà insuffisantes comme le Nord, le dénonce Stéphane Cousin, de Biomasse
Nord-Ouest et la région PACA. « La fi- Normandie, un des responsables du co-
lière se développe trop vite et n’importe mité interprofessionnel du bois-énergie.
comment », dénonce France Nature En- « Il faut soutenir les réseaux de chaleur
vironnement, qui craint un rallongement plutôt que financer la production d’élec-
des distances de transport et une surex- tricité à partir de bois. Surtout quand on
ploitation de la forêt. Au cœur de la po- sait qu’un tiers de l’électricité consommé
lémique : le projet en PACA de l’énorme en France sert au chauffage ! »
unité de cogénération de Meyreuil-Gar-
danne de 150 MW, soit le double de celle (1) MTep : millions de tonnes équivalent pétrole
de Dalkia, entreprise spécialisée, dans (2) Le Monde 12 août 2009.
les services énergétiques, la plus grosse (3) Cogénération : production simultanée de deux
unité en fonctionnement à ce jour, à Bi- énergies différentes, le plus souvent d’électricité
ganos (Gironde). Elle va devoir importer et de chaleur. La biomasse est majoritairement
la moitié de sa consommation via Fos- constituée de plaquettes et autres dérivés de bois.
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