Les banques islamiques etude de positionnement - spécificités réglementaires et particularités d'audit
1. LES BANQUES ISLAMIQUES
ÉTUDE DE POSITIONNEMENT,
SPÉCIFICITÉS
RÉGLEMENTAIRES ET
PARTICULARITÉS D’AUDIT
Hassen BEN OUHIBA
Chartered Public Accountant, CPA
2 0 1 5
3. TABLE DES MATIERES
Titre Page
INTRODUCTION GÉNÉRALE 8
PREMIÈRE PARTIE : 16
ÉTUDE DE POSITIONNEMENT DE LA FINANCE ISLAMIQUE 16
CHAPITRE 1 : CONTEXTE ET PRATIQUES DE LA FINANCE
ISLAMIQUE
18
SECTION 1 : EVOLUTION ET FONDEMENTS DE LA FINANCE
ISLAMIQUE
18
1.1.Crise financière ou crise d’éthique : L’alternaOve 18
1.2.La finance islamique : Une finance éthique 23
1.3.Les Principales InsOtuOons Financières Islamiques 24
1.3.1.Les établissements financiers 24
1.3.2.Les principales organisaOons du système financier
islamique
26
SECTION 2 : L’ENVIRONNEMENT DES BANQUES ISLAMIQUES 27
2.1.La régulaOon des acOvités des banques islamiques 27
2.1.1.La nécessité de la régulaOon 27
2.1.2.Le système de régulaOon actuel des acOvités financières 27
2.1.3.La normalisaOon du système comptable islamique 32
2.2.OrganisaOon et gouvernance des banques islamiques 34
2.2.1.Eléments de l’organisaOon 35
2.2.2.Les organes de gesOon 35
CHAPITRE 2 : MODES DE FONCTIONNEMENT ET ANALYSE
CRITIQUE DES SYSTEMES DE GESTION DES PRODUITS
FINANCIERS ISLAMIQUES
38
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6. 1.1.2.PosiOonnement de la mission par rapport à l’AAOIFI 73
1.2.Principes d’audit de conformité Shari’a 74
1.2.1.DéfiniOon, objecOf et étendu de la mission 74
1.2.2.Responsabilité de l’auditeur par rapport à la Shari’a 74
SECTION 2 : DEMARCHE D’AUDIT DE CONFORMITE SHARI’A 76
2.1.PlanificaOon des travaux à effectuer 76
2.2.Prise de connaissance et évaluaOon de l’aspect Shari’aOque 76
2.3.ExécuOon de la revue 78
2.4.DocumentaOon des conclusions et rapport 79
TROISIEME PARTIE : 81
INTRODUCITON TROISIEME PARTIE 82
CHAPITRE 1 : LES OPERATIONS COMMERCIALES 83
SECTION 1 : CONTRAT DE FINANCEMENT MOURABAHA 83
SECTION 2 : CONTRAT DE FINANCEMENT IJARA ET IJARA
MUNTAHIA BETTAMLIK
95
SECTION 3 : Contrat de financement Salam et Salam parallèle 102
SECTION 4 : CONTRAT DE FINANCEMENT ISTISNA 111
CHAPITRE 2 : PRODUITS BASES SUR LE PRINCIPE DE PARTAGE
DES PERTES ET PROFITS ET OPERATIONS DIVERSES
116
SECTION 1 : CONTRAT DE FINANCEMENT MOUCHARAKA 116
SECTION 2 : CONTRAT DE FINANCEMENT MOUDHARABA 128
SECTION3 : OPERATIONS DIVERSES 137
CONCLUSION GENERALE 140
ANNEXES 145
ANNEXE I : MODELE RAPPORT CONFORMITE SHARI’A 145
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8. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Actuellement, le monde est en crise économique et morale. Il est à la
recherche de réponses dans d’autres systèmes ou écoles de pensées. En
effet, plusieurs auteurs et chercheurs jugent qu’on a akeint les limites du
capitalisme qui considère que l’intérêt individuel est supérieur à l’intérêt
collecOf contribuant ainsi à dilapider les ressources et créer les
déséquilibres environnementaux, économiques et poliOques.
Certaines idéologies, modes de pensées, échelles de valeurs, modèles,
sont actuellement en cours d’analyse par des chercheurs et poliOciens
afin d’inventer d’autres réponses à l’environnement complexe que
connait l’économie mondiale. Parmi ces concepts, la finance islamique,
dans ce qu’elle a de global et de morale a été retenue pour définir des
nouveaux modes de relaOons entre les agents économiques. Elle a été
considéré par certains comme étant à-même d’apporter des réponses
adaptées et saOsfaisantes se traduisant par un modèle économique et
financier (différent de celui que nous connaissons et adoptons
aujourd’hui) et qui est fondé essenOellement sur l’applicaOon de
certaines disposiOons du saint Coran voire de la Shari’a.
Communément appelée la finance islamique, cette terminologie a apparu
depuis les années 40, date à laquelle l’Indien Abu al Alaa Al Maududi, fut le
premier à établir ses principes. En 1963, la première banque islamique, la
Mit Ghamr Saving Bank, fut créée en Egypte, et a formalisé pour la
première fois les techniques financières (Mourabaha, Salam, Istisna, Ijara)
pour des comptes d’épargne . En tant que système idéologique basé sur 1
l’éthique, et mettant en cause les principes de l’ultra libéralisme, la finance
islamique a pu séduire les non musulmans et apporter des éléments de
réflexion pour une « révision morale » d’un système économique et
financier actuel en pleine crise et ayant poussé le monde entier vers la
récession. La pratique à grande échelle de la finance islamique moderne a
commencé à se développer au début des années 70 et ce, avec la montée
de la religiosité des populations du monde Musulman après la deuxième
guerre mondiale (pays du nord Asie) et la flambée du prix du pétrole (pays
du golfe). En effet, l’idée de banque islamique a ensuite été lancée par
Olivier Carré, 1992, « Religion et développement dans les pays musulmans:1
éléments d’économie islamique », Social Compass, vol. 39, n° l, pp. 55-65.
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9. l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) en 1970 et a donné lieu, 2
cinq ans plus tard, à la création de la Banque Islamique de Développement
(BID), puis de banques telle que la Dubaï Islamic Bank.
Basée sur les principes de Shari’a qui imposent jusOce, équité et
transparence, la finance islamique se disOngue des praOques financières
convenOonnelles par une concepOon différente de la valeur du capital et
du travail. Ainsi, ces praOques trouvent leur fondement dans l'éthique et
la morale et puisent leurs sources dans la révélaOon divine et de la
Sunna s’inspirant des praOques économiques et financières à l’époque
du prophète (PBSL).
La finance islamique se différencie de la finance tradiOonnelle par sa
vision alternaOve de la valeur travail et du capital. Dans le cadre d'une
relaOon prêteur-emprunteur, la finance islamique exige un partage plus
juste du risque entre les deux parOes. Cela découle de 5 grands piliers : 3
- L'interdicOon de la Riba: Il est interdit de Orer un avantage d'un prêt
si cet avantage n'est pas jusOfié;
- L'interdicOon du Gharar et du Maysir: Avec l'interdicOon du Gharar,
la spéculaOon pure, notamment celle qui porte sur les produits
dérivés et la vente à découvert est interdite. De plus, l'interdicOon
du Maysir correspond à l'interdicOon de l'incerOtude dans les
transacOons, avec pour finalité de financer l'économie réelle au lieu
d'encourager la spéculaOon;
- La prohibiOon de certains secteurs: Les secteurs allant à l'encontre
de la morale islamique sont interdits (Alcool, élevage porcin, etc);
- Le partage des profits et des pertes: Lors d'une relaOon
emprunteur/prêteur, le risque et les gains sont partagés
équitablement . On parle de finance parOcipaOve. Si l'emprunteur 4
échoue, sans faire de faute majeure, le prêteur se doit de partager
les pertes avec son client;
Organisation intergouvernementale crée le 25 septembre 1969 qui regroupe 572
États membres. Cette organisation dont le siège est située à Djeddah, en Arabie
saoudite, est une organisation au niveau supra-étatique et international à
caractère religieux qui a pour but de renforcer la coopération entre les États
membres dans les domaines économiques, sociaux, culturels, scientifiques ainsi
que dans les autres domaines.
http://www. andlil. com/definition-de-finance-islamique-125392. html.3
Ali Al Qaradaghi, « ﺑﯾﺎن ﻣﻊ اﻹﺳﻼﻣﯾﺔ اﻟﺑﻧوك ﻓﻲ واﻷرﺑﺎح اﻟﺧﺳﺎﺋر ﻟﺗوزﯾﻊ اﻟﺷرﻋﯾﺔ اﻷﺳس4
2010 ;« اﻟﻣﺎﻟﯾﺔ ﺑﺎﻷزﻣﺔ اﻟﺧﺎﺻﺔ .اﻟﻧوازل
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10. - Le lien avec l'économie réelle: L’échange ne se fait que si un lien
existe avec un acOf réel et non avec des acOfs purement financiers.
La pierre angulaire du raisonnement préconisé, concerne l’applicaOon de
ces principes.
Suite aux crises consécuOves par le biais des engagements croisés, des
effets-dominos, puis des faillites en chaîne, le système financier mondial
risque un effondrement total, face au système convenOonnel actuel, la
réponse de la finance islamique bien que séduisante reste tributaire de
nombreuses interprétaOons, divergences et confusions dans les
compréhensions et les praOques. Ainsi, le cadre de la régulaOon et de la
supervision des insOtuOons financières islamiques en général et
comptable et d’audit en parOculier reste peu développé, l'absence de
posiOon commune sur les instruments financiers licites limite fortement
les opéraOons internaOonales.
En effet, et afin de faciliter le foncOonnement des banques islamiques
côte à côte avec les banques convenOonnelles, il était nécessaire de
mekre en place des lois bancaires islamiques concernant
l’établissement, le foncOonnement et la supervision du système bancaire
islamique, notamment la normalisaOon comptable, de contrôle et
d’audit financier et Shari’aOque.
A ce Otre, l’AccounOng & AudiOng OrganizaOon of Islamic Financial
InsOtuOon (AAOIFI), a été fondée au Bahrein en 1991, afin de développer
et d’harmoniser des normes comptables, d’audit (qui sont inspirés dans
leurs majorité des normes internaOonales d’informaOon financière (IFRS)
et normes internaOonales d’audit (ISA), avec prise en comptes des
spécificités islamiques), de gouvernance, d’éthique ainsi que de mekre
en place des standards Shari’a communs à l’ensemble des insOtuOons
financières islamiques. En effet, l’informaOon contenue dans les états
financiers et qui intéresse les uOlisateurs et les invesOsseurs n’est pas
purement financière. La - Shari’a compliance - ou la conformité Shari’a
est un facteur indispensable pour assurer la crédibilité des produits et
des insOtuOons vis à vis des uOlisateurs des états financiers
(invesOsseurs, …).
Ainsi, les banques islamiques sont dotées d’un conseil de la Shari’a ou «
Shari’a Supervisory Board » composé généralement par des
jurisconsultes non permanents et qui rendent des décisions juridiques
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11. religieuses (fatawas) sur la base des règles et principes de la Shari’a, et
d’un département interne de contrôle de la Shari’a, qui examine la mise
en œuvre des fatwas lors de l'exécuOon du produit et informe le conseil
de la Shari’a sur la conformité de la gesOon de fatwa . 5
A chaque reporting, le conseil de la Shari’a émet des rapports aux
actionnaires exprimant leurs opinions concernant la conformité des
transactions aux fatwas. On remarque que le processus de contrôle de la
Shari’a est défaillant. En effet, les membres du département de contrôle
interne de la Shari’a, salariés, ainsi que le conseil de la Shari’a, même s’ils
ne sont pas permanents, ne peuvent être considères comme externe a
l’organisation . En conséquence, se pose le problème d’indépendance. Ce 6
concept mal appliqué a un impact direct sur la fiabilité et plus
généralement l’image des banques islamiques et leurs développement et
enfin, sur la confiance recherchée en dernier recours d’obtenir des
produits licites quel que soit les terminologies utilisées et les façades
affichées.
Toutefois, la norme ASIFI n°4 de l’AAOIFI exige de l’auditeur (financier)
externe d’obtenir l'assurance raisonnable que les transacOons
financières de la banque prise dans leur ensemble sont conformes à la
loi islamique (Shari’a) . 7
D’où, l’intérêt de ce mémoire qui se propose d’engager une réflexion sur
les fondamentaux économiques et Shari’aOques de la finance islamique,
pour lesquels nous proposons d’analyser pour les banques islamiques:
- les concepts fondamentaux;
- les praOques et déclinaisons bancaires et financières proposées;
- les praOques comptables et leur adéquaOon avec les principes de
l’image fidèle et la transparence;
- le caractère acceptable voir souhaitable d’un programme d’audit
inspiré des principes islamiques; et enfin,
- l’analyse structurelle des concepts de l’usure ou de l’intérêt et les
différentes manipulaOons pour les contourner affectant ainsi l’image
de marque des opéraOons financières.
The control of the Shari’a Supervisory Board in the Islamic financial5
institutions, Samy Nathan Garas, International Journal of Islamic and Middle
Eastern Finance and Management Vol. 5 No. 1; 2012.
Geneviève Causse Broquet: « La Finance Islamique »; 2009.6
Accounting, Auditing & Governance Standards (for Islamic Financial7
Institutions), AAOIFI English version; 2008.
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12. Par conséquent, ce travail ne pourra se concevoir sans l’étude de
posiOonnement et la proposiOon d’amélioraOons ou de
recommandaOons à apporter à la finance islamique, notamment dans sa
dimension:
- éthique (en moralisant les sources de financement et la desOnaOon
du financement);
- économique (contrat équilibré) et équitable (entre la banque et les
co-contractants);
- comptable (prééminence du fond sur la forme) et d’audit, et enfin
informaOonnelle (reporOng et transparence financière).
Dans le cadre de ce travail de recherche nous proposons de répondre
aux quesOons et interrogaOons suivantes:
- Quels sont les principes fondamentaux de la finance islamique ? Les
banques islamiques sont-elles des établissements financiers comme
les autres ?
- Les banques islamiques sont-elles soumises à des parOcularités
juridiques jusOfiant éventuellement des traitements parOculiers, si
non, peuvent-elles être traitées selon les méthodes convenOonnelles
usuelles ? et dans l’affirmaOve, est-on prêt à abandonner les
principes actuels de la finance « classique » ?
- Est-il possible, en l’absence de normes comptables naOonales
spécifiques, de traiter les produits financiers islamiques à parOr du
cadre conceptuel actuel et en parOculier du principe de prééminence
du fonds sur la forme ?
- Est-on en mesure de concilier un traitement comptable selon les
normes IFRS avec un traitement comptable selon les normes
islamiques ?
- N’est-il pas opportun de prendre en compte un cadre conceptuel
financier et une norme d’éthique spécifique à la finance et l’audit
islamique ?
- Et comment l’auditeur, peut akeindre son objecOf de la perOnence
de l’informaOon financière et en même temps, de la conformité
Shari’a ?
De ces interrogaOons découle la problémaOque de la recherche que
nous proposons de mener: Quelles par*cularités et place des banques
islamiques dans le contexte économique actuel ? Et quelles sugges*ons
et implica*ons de ces spécificités sur le plan réglementaire, dans la
pra*que et sur la démarche d’audit ?
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13. C’est dans ce contexte que le mémoire envisagé, a pour principaux
objecOfs d’étudier les parOcularités de la finance islamique, à travers
l’analyse des techniques financières en la maOère et d’exposer les
risques d’audit spécifiques, ainsi que les diligences d’audit que l’auditeur
devrait intégrer dans sa démarche d’audit selon le modèle Shari’a.
Cet objecOf se décline en plusieurs sous-objecOfs comme suit:
i. Procéder à une étude objecOve et de posiOonnement des banques
islamiques;
ii. Analyser la conformité de ces produits financiers avec les
principes islamiques;
iii. Mekre en exergue les principes fondamentaux de l’éthique des
affaires en Islam ainsi que les finalités de la Shari’a en la maOère;
iv. Mekre en évidence l’existence de certaines contorsions aux règles
islamiques dans la praOque actuelle;
v. Analyser les traitements comptables de ces produits;
vi. Proposer des axes d’amélioraOons à la finance islamique;
vii. Projeter les bases d’un cadre conceptuel basé sur la finance
islamique;
viii. Présenter une démarche d’audit qui garanOt la conformité Shari’a
de leurs produits.
Ce mémoire se propose d’apporter des éléments de réponse à la
problémaOque précédemment soulevée, selon un plan en trois parOes:
Une première parOe se rapportant à l’étude de posiOonnement et ce, en
analysant la noOon de finance islamique, ses principes et spécificités par
rapport à une finance convenOonnelle.
Ceke première parOe est composée de deux chapitres. Le premier sera
réservé à la présentaOon du contexte et praOques de la finance
islamique. Nous envisageons dans le deuxième chapitre d’expliquer les
modes de foncOonnement et de procéder à l’analyse criOque des
produits financiers islamiques.
La deuxième parOe, sera réservée aux implicaOons qu’auront ces
parOcularités sur différents plans (règlementaires, référenOels et normes
comptables et démarche d’audit) pour conclure par des
recommandaOons et axes d’amélioraOon de certains aspects ayant trait
aux banques islamiques. La deuxième parOe est composée de deux
chapitres. Le premier sera réservé à l’étude des aspects de gouvernance,
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14. du cadre conceptuel et des traitements comptables. Nous envisageons
dans le deuxième chapitre présenter une méthodologie d’audit Shari’a
qui sera manifeste dans un manuel ou guide pour les professionnels
d’audit.
Afin d’apporter une réponse empirique à notre problémaOque, nous
envisageons d’adopter l’approche internaOonale comme approche
d’audit de conformité Shari’a. C’est l’objet de notre troisième et dernière
parOe qui vise donc à concevoir un guide praOque d’audit de conformité
Shari’a qui sera manifesté dans un manuel de support pour les
professionnels d’audit.
Les méthodes de recherche et techniques d’invesOgaOon que nous
adopterons pour mener ceke étude, seront basées sur:
i. l’analyse basée sur la doctrine et la documentaOon existante
notamment:
- Les ouvrages généraux et spécialisés et arOcles en la maOère;
- Mémoires et thèses ayant traité des sujets en relaOon avec le
présent mémoire;
- Textes réglementaires et normes professionnelles.
ii. Mon expérience dans la vie associaOve (membre du Conseil de la
Comptabilité Islamique);
iii. l’enquête, par quesOonnaire, réalisée auprès d’un panel d’experts
comptables membres de l’Ordre de Experts Comptables de Tunisie
afin de confirmer et d’enrichir les constats et suggesOons que nous
proposerons à travers ceke étude.
Notre expérience acquise tout au long du stage professionnel et les
missions effectuées surtout dans le secteur financier (banques, sociétés
de leasing, OPCVM.. ), sont à l’origine du sujet de ce mémoire. En effet,
l’appariOon des insOtuOons financières islamiques en Tunisie nous a
poussé à explorer ce domaine, faire des comparaisons avec la finance
convenOonnelle déjà traitée, apporter des soluOons et contribuer
finalement au développement des dites insOtuOons.
Nous avons ainsi assisté à l’émergence de réflexion au sein des banques
tunisiennes sur la créaOon de départements pour introduire la finance
islamique et profiter ainsi des opportunités de refinancement et de
rentabilité qu’elle assure.
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15. En outre, dans le cadre de notre expérience, en tant qu’auditeur, dans
une société de producOon d’engrais chimique (Tunisian Indian FerOlizers
– TIFERT) nous avons assisté au recours par ceke société à un
financement important auprès de la Banque Islamique de
Développement. Ce financement a été l’occasion pour nous d’étudier le
processus de financement et la documentaOon juridique assez riche
requise pour établir un financement islamique de la construcOon de
ceke usine selon la formule « IsOsna ».
Le choix de ce sujet a été aussi, moOvé par les essais depuis bien
longtemps, par la plupart des instances financières à l’échelle
internaOonale, de promouvoir la finance islamique par la préparaOon
des études, lois, normes dédiées à ce thème, afin de se rapprocher
d’avantage aux normes et régulaOons internaOonales et d’y être en
harmonie.
Ceke étude ne vise pas à établir une analyse exhausOve des spécificités
et parOcularités de la finance islamique, ou à proposer des soluOons ou
référenOels uniques et définiOfs des règles comptables et fiscales ou
normaOves des banques islamiques mais de recenser les principales
parOcularités et praOques ou référenOels actuellement mis en place à
travers une étude de posiOonnement se déclinant en suggesOons et
analyses ou recommandaOons. A travers ceke étude on ne prétend pas
non plus, fournir un programme d’audit exhausOf pour les banques
islamiques, mais plutôt contribuer à l’adaptaOon de la démarche d’audit
par les risques « approche internaOonale » aux parOcularités imposées
par les spécificités et produits propres à ces insOtuOons. Enfin, ce
mémoire n’aborde pas le sujet des Sukuks . 8
Hassen Ben Ouhiba
Chartered Public Accountant, CPA
hassenbenouhiba@ymail.com
Il s’agit là d’une alternative à l’obligation classique qui est illicite en islam,8
c’est un produit financier adossé à un actif tangible et à échéance fixe qui
confère un droit de créance à son propriétaire. Celui-ci reçoit une part du
profit attaché au rendement de l’actif sous-jacent.
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16. PREMIÈRE PARTIE:
ÉTUDE DE POSITIONNEMENT DE LA FINANCE
ISLAMIQUE
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17. INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE
La crise dite des subprimes a touché l’ensemble du système bancaire et
financier et est, en fait, une crise bien plus profonde que celle de
l’immobilier à risque américain, et qui est en train de transformer
profondément la physionomie de la finance mondiale. Elle a soulevé
diverses interrogaOons sur la résistance des acOvités de marché, et en
parOculier des acOvités de OtrisaOon et sur le rôle des règles comptables,
d’audit et de gouvernance. Le ralenOssement de la croissance de ces
acOvités est inévitable, même si, là encore, l’ampleur du phénomène est
difficile à définir avec précision à ce jour.
C’est dans ce contexte que les enjeux d’une réflexion sur la finance
islamique prennent toute significaOon. En effet, les seules banques qui
ont résisté à ceke crise ont été les banques islamiques. Même si, comme
nous le verrons, la finance islamique n’est pas unique et indivisible (mais,
au contraire, hétérogène dans ses règles comme dans ses praOques, elle
n’en consOtue pas moins un univers dont le poids global croit
rapidement et, surtout, va conOnuer à croître dans les années à venir.
Elle est une discipline complexe qui ne peut être examinée directement
et uniquement dans ses dimensions techniques sans prendre en compte
son environnement parOculier.
Nous nous proposons donc de commencer, dans un premier chapitre,
par remonter à l’origine de la crise et à ses conséquences; puis par
décrire les facteurs qui ont aggravé ceke crise, nous présenterons,
ensuite, les éléments de l’environnement du secteur des banques
islamiques ainsi que les principaux obstacles à son expansion.
Nous analysons, dans un deuxième chapitre, les caractérisOques des
produits islamiques qui ont fait que les banques islamiques aient mieux
résisté à la crise que leurs contreparOes convenOonnelles.
Finalement, nous procéderons à une idenOficaOon de leurs modes de
contrôle et de gesOon, tout en démontrant l’importance de l’audit
ShariaOque externe, la portée d’un tel raisonnement fera l’objet d’une
analyse purement criOque.
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18. CHAPITRE 1: CONTEXTE ET PRATIQUES DE LA FINANCE ISLAMIQUE
SECTION 1: EVOLUTION ET FONDEMENTS DE LA FINANCE ISLAMIQUE
1. Crise financière ou crise d’éthique: L’alterna7ve
La crise financière s'est déclenchée en 2007 aux États-Unis sur le marché
des prêts hypothécaires aux emprunteurs les plus démunis (les
personnes ayant des revenus faibles et qui risquent de se retrouver au
chômage) et aussi aux classes moyennes.
Ce marché s'est largement développé aux États-Unis à parOr de 2001,
passant d'un montant de
94 milliards USD en 2001 à 685 milliards USD en 2006 . 9
Toutefois, les premières années sont couvertes par un taux d'intérêt fixe
qui devient ensuite variable. Les taux d’intérêts bas et l’encouragement
de l’administraOon américaine à l’accès à la propriété immobilière ont
incité les banques et les intermédiaires financiers à la distribuOon
agressive de prêts immobiliers aux ménages américains, quels que
soient leurs niveaux de revenus. Ces prêts à des clients à la cote de
crédit insuffisante ont parOcipé à la créaOon d'une bulle immobilière qui
elle-même nourrissait la bulle de crédits: tant que l'immobilier
augmente, la maison acquise et mise en hypothèque assure que
l'opéraOon ne peut que bien se terminer, puisqu'en cas de défaillance, la
banque pourra rembourser le crédit en saisissant, puis en vendant la
maison.
Par ailleurs, ce mouvement d’octroi excessif de prêts hypothécaires a été
accéléré par l'uOlisaOon de la OtrisaOon comme ouOl d'évacuaOon du
risque de crédit. Ce mécanisme de OtrisaOon a sans doute incité
certaines insOtuOons prêteuses à accorder d’avantage de prêts à hauts
risques.
En effet, la OtrisaOon est une opéraOon financière qui consiste à
transformer des prêts illiquides en Otres négociables sur des marchés,
par l’intermédiaire des enOtés ad hoc. Le plus souvent, la banque à
l’origine des prêts, les cède à un Special Purpose Vehicule (SPV) ou enOté
à un objecOf spécial, qui finance ceke acquisiOon en émekant des Otres
sur les marchés financiers. Les invesOsseurs (fonds d'invesOssements
classiques, etc. ) qui achètent ces Otres perçoivent en contreparOe les
Artus et al, Conseil d’analyse économique, La crise des subprimes, La9
Documentation Française; 2008.
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19. revenus (intérêts et remboursement du principal) issus des prêts. La
transformaOon d’acOfs illiquides en Otres négociables s’accompagne
toujours d’une restructuraOon: les Otres émis par le SPV ont ainsi des
caractérisOques différentes de celles des acOfs sous-jacents en termes de
modalités de paiement, de sensibilité aux risques.
Certains établissements financiers avaient fait des subprimes leur
spécialité en se consacrant uniquement à l’octroi de ce type de crédits
aussitôt revendus sur le marché de la OtrisaOon. Ceke revente élimine
instantanément les risques associés au prêt pour l'établissement
financier prêteur et le risque est transmis aux acheteurs de Otres de type
PCAA (papier commercial adossé à des acOfs). Ceke
déresponsabilisa*on des insOtuOons prêteuses a sans doute incité
certaines d'entre elles à accorder davantage de prêts à hauts risques.
Lorsqu’en 2005, la Banque Centrale Américaine, la Federal Reserve Bank,
a commencé à rehausser ses taux d’intérêts, plusieurs ménages
américains se sont retrouvés dans l’incapacité de rembourser leurs
emprunts. En effet, la hausse du taux d’intérêt, qui est passé de 1% en
2003 à 5,25% en 2006 , a engendré une augmentaOon brutale des 10
mensualités, ce qui a provoqué le défaut de paiement des emprunteurs
les plus fragiles.
La finance islamique: intérêt et contraintes de mise en place en Tunisie,10
mémoire en vue de l’obtention du diplôme national d’expert-comptable; Sonia
Sellami; 2011.
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20. Ainsi, les établissements de crédit, censés pouvoir récupérer leurs mises
en vendant les habitaOons hypothéquées, se retrouvèrent sans moyen
rapide de redresser leur bilan, puisque vendre ces biens ne suffisait plus
à couvrir leurs pertes. L'afflux de mises en vente des biens saisis a même
aggravé le déséquilibre du marché immobilier où les prix se sont
effondrés. Bien qu’elle ait paru iniOalement ne concerner que le marché
des subprimes aux États-Unis, la crise s’est propagée à l’ensemble des
marchés financiers et à l’économie «réelle» à travers un certain nombre
de mécanismes.
Une des causes de la crise a été la fragmentation d’actifs potentiellement
« toxiques » en de multiples lignes de crédit remixées plusieurs fois pour
former, par voie de titrisation, des fonds de créances, et souvent des fonds
de fonds de fonds, dont les détenteurs ne connaissent plus du tout la
composition (ce que l’on appelle les sous-jacents) et ne sont donc plus
capables d’en mesurer les risques.
Ce manque de transparence, a rapidement provoqué une crise de
confiance: ne pouvant discriminer avec cerOtude entre les bons et les
mauvais acOfs, les Otres adossés aux prêts immobiliers, dont l’évaluaOon
était jugée trop incertaine, n’ont plus trouvé d’acheteurs.
Ceke crise de confiance a fait que les banques n’ont plus accepté de se
prêter entre elles. L’accès au crédit est devenu plus coûteux et difficile:
les prêteurs, confrontés à un risque de défaut accru, font payer plus cher
les emprunteurs, voire refusent de leur prêter. Selon Jurgensen (2008), la
crise est une crise de confiance et de valeurs éthiques qui a abouO à un
gel presque total des marchés financiers, « Car ceke crise financière
«systémique » peut en réalité être akribuée non seulement à l’explosion
d’une bulle, phase de réajustement classique des cycles d’une économie
capitaliste, mais encore d’avantage au rejet croissant de toute une série
de valeurs éthiques » . 11
De ce qui précède, les problèmes éthiques causant la crise des subprimes
peuvent être résumés ainsi:
JURGENSEN. Philippe: «Crise financière ou crise morale?», 11
www.canalacademie.com; 2008.
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21. - Une perte du sens de responsabilité: les banques prêteuses
souhaitaient se décharger totalement du risque via la OtrisaOon en
n’en conservant aucune part. Ceke technique a entraîné une
déresponsabilisaOon des risques en diffusant des « acOfs toxiques »
des banques (de type subprimes) dans l’ensemble du système
financier mondial. Certains produits structurés de OtrisaOon étaient
conçus de manière à mélanger crédits toxiques et crédits sains afin
de dissimuler la qualité des crédits.
- Le manque de régulaOon: Il est clair que la crise a tenu davantage à
l’insuffisance du champ couvert par les contrôles qu’aux défaillances
supposées des superviseurs. la réglementaOon souvent incomplète
et inadéquate, n’a pas pu poursuivre les innovaOons financières pour
contrôler leur mise en œuvre et protéger le système de la cupidité
des acteurs. En effet, ce sont des secteurs non régulés comme les
hedge funds , les agences de notaOon, que sont venus les 12
dérapages, et non des acOvités bancaires régulées.
- Absence de standards de notations: l’absence complète de lisibilité des
critères des ratings (AAA), généreusement accordés par ces agences à
des fonds de titrisation, correspondaient en réalité parfois à des
activités risquées dont la valeur s’est brusquement effondrée. Les
critères utilisés pour obtenir ces notations ont toujours été obscurs et
l’on comprend aujourd’hui qu’ils étaient, hélas, souvent biaisés. En
effet, une procédure civile intentée la justice Américaine ayant pour
objet: " les notations [de Standard and Poor's ] en 2007 de certaines 13
obligations américaines adossées à des dette (CDO)", des titres
financiers complexes qui étaient basés sur des montages liés à des
emprunts immobiliers à risques dits "subprimes". L'exposition très
élevée de nombreuses banques à ce type de produits financiers avait
été l'une des causes principales de la crise financière mondiale qui a
débuté en 2007-2008. Dans un communiqué, S&P "regrette
profondément" que ses notations "aient échoué à anticiper totalement
la rapide détérioration des conditions sur le marché
hypothécaire américain durant cette période tumultueuse" . 14
Les hedge funds sont des fonds d’investissement d’un type particulier. Il12
n’existe pas de définition légale, précise et formelle du terme. Ce sont des «
fonds de couverture et de gestion alternative », c’est-à-dire se livrant à des
placements de protection contre les fluctuations des marchés considérés.
Agence de notation.13
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/04/crise-financiere-les-etats-14
unis-preparent-une-plainte-contre standard-and-poor-s_1827049_3234. html
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22. - Manque d’éthique des banquiers arrangeurs: un certain nombre de
ces opéraOons était tellement opaque et peu transparent, voire
complexe (différentes tranches…) qu’il devenait parfois impossible de
connaître la composiOon exacte de ce qui était vendu.
Le système financier tradiOonnel basé sur l’intérêt fixe et la spéculaOon,
ouOllé par un système capitaliste opportuniste à la recherche de revenus
à court terme toujours plus grands, a akeint ses limites. Ce système a
permis le développement de comportements contraires à l’intérêt
général, à long terme. Le système est construit sur la cupidité des gens,
l’individualisme sans limite aucune et le non-respect des règles de
comportements socialement responsables.
Le développement de la finance islamique parait une soluOon possible
après l’échec du système classique à assurer la stabilité du système
financier, et à la suite de la demande des invesOsseurs musulmans
détenant d’énormes surplus de liquidité et refusant de les placer dans
des fonds classiques.
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23. 2. La finance islamique: Une finance éthique
La crise financière actuelle met en lumière des InvesOssements
Socialement Responsable (ISR) et des placements dits « éthiques » qui
résistent bien à la tempête que nous traversons et il parait donc
intéressant de s’y akarder en cherchant à comprendre pourquoi ils sont
moins vulnérables et comment ils sont structurés.
L'Investissement Socialement Responsable (ISR) est un terme générique
qui désigne les diverses démarches d'intégration du développement
durable au sein de la gestion financière. Il consiste pour les investisseurs
qui le pratiquent à prendre en compte des critères dits « extra-financiers
», c'est-à-dire Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans
leurs choix d'investissement. Cela signifie qu'ils ne s'intéressent plus
uniquement aux caractéristiques financières des actifs (actions ou
obligations d'entreprises cotées, emprunts d'états, entreprises non
cotées... ) dans lesquels ils placent leurs capitaux . 15
La finance islamique intègre des composantes éthiques et extra-
financières qui peuvent consOtuer des points de convergence avec le
concept de l’ISR. Elle désigne un système économique conçu en accord
avec les finalités (Maqassid) de la Shari’a. Les maqassid de la Shari’a sont
les noOons et les sagesses remarquées de la part du Législateur dans
toutes les situaOons de la Loi ou leur majorité.
Il y est intégré les points suivants: les caractérisOques de la Loi, ses
finalités ulOmes, les sens et les noOons que toute Loi comprend . 16
Appliqués aux transacOons financières (maqassid spécifiques ou
élémentaires de la Shari’a), ces noOons visent plus spécifiquement:
l’enrichissement de l’individu, la redistribuOon équitable des richesses,
honnêteté dans les relaOons commerciales, la transparence dans la
négociaOon et dans l’exécuOon des contrats, la prévisibilité des
conséquences et l’équité dans les rapports contractuels, notamment
quant aux modalités de rémunéraOon par le partage des risques.
Le principe d’équité est donc à la base de la concepOon économique du
droit musulman. Basés sur la parOcipaOon, pas sur l’endekement, les
transacOons et produits financiers islamiques respectent en effet un
http://www.novethic.fr/isr-et-rse/comprendre-lisr/definitions-et-objectifs. html15
Mohamed Tahar Ibn Achour, « 2001 ;« اﻻﺳﻼﻣﯿﺔ اﻟﺸﺮﯾﻌﺔ .ﻣﻘﺎﺻﺪ16
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24. certain nombre de principes éthiques, dont la prohibiOon de l’intérêt
(Riba) qui exige que le profit résulte de l’achat puis de la vente de biens
et prévoit que la réparOOon du retour sur invesOssement soit
déterminée à l’avance. La thésaurisaOon et de la spéculaOon ou
l’incerOtude (Gharar, Maysir) sont également interdites, il est donc
impossible de vendre un bien que l’on ne déOent pas ou qui ne nous
apparOent pas et les flux financiers doivent être corrélés à des acOfs
tangibles.
Dans ce système, la banque s’en Oent au rôle d’intermédiaire
commercial et ne peut exercer des acOvités de nature spéculaOves.
L’invesOssement se doit également d’être socialement responsable
puisqu’il est interdit d’invesOr dans les acOvités contraires aux principes
de l’Islam comme l’alcool, le tabac, les armes, les assurances ou les jeux
d’argent. A ce filtre sectoriel s’ajoutent des critères portant sur la
gouvernance, qui doit être transparente, éthique et régulée.
Enfin, le principe de partage des pertes et profits sOpule que
l’invesOsseur et l’entrepreneur s’associent sur un projet et en partagent
les pertes et les profits selon une quote-part définie à l’avance. Ce
système suppose des risques plus importants pour l’invesOsseur tandis
qu’il protège l’entrepreneur. En conséquence, l’existence des banques
islamiques représente une alternaOve éthique: à la fois concurrentes et
complémentaires des banques convenOonnelles, elles permekent de
mobiliser les capitaux en proposant une alternaOve au prêt à intérêt et
fondent d’une raOonalité économique conciliant raOonalité sociétale et
raOonalité en finalité.
Les Principales Ins7tu7ons Financières Islamiques
Les principales insOtuOons financières islamiques sont: d’une part, les
établissements financiers, d’autre part les organismes chargés de la
régulaOon et du développement de la finance islamique.
2.1. Les établissements financiers
Ils peuvent être classés selon leur acOvité, selon leur implantaOon ou
selon que leurs acOvités financières et ou non enOèrement islamique.
▪ Selon leur acOvité, on disOngue: les banques islamiques, les
compagnies d’assurances, les compagnies Moudharaba. On
s’intéresse aux banques. Les banques islamiques sont soit des
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25. banques de détail, soit des banques et des fonds d’invesOssement
islamique:
Les banques de détail sont celles qui assurent la foncOon tradiOonnelle
d’intermédiaOon. Elles reçoivent l’argent des déposants et placent cet
argent dans des projets pour le compte des déposants. Les opéraOons en
amont (la collecte des fonds) et en aval (l’invesOssement) sont, en
principe, basées sur les mêmes principes de partage des pertes et profit
et de l’interdicOon du Riba. Les banques d’invesOssement islamiques
sont des banques « de gros ». Elles collectent le surplus de liquidités des
banques de détail et invesOssent dans des projets. L’acOvité financière
de gros est alimentée par les fonds souverains qui sont à la recherche de
placements intéressants, essenOellement les banques centrales et les
invesOsseurs insOtuOonnels des pays pétroliers.
▪ Selon leur lieu d’implantaOon, on disOngue les banques qui se
trouvent dans un pays enOèrement « islamisé » et les autres. Les
banques qui se trouvent dans un pays enOèrement islamisé comme
l’Iran, le Soudan ou le Pakistan, ne sont régies que par une seule
réglementaOon. Les banques qui se trouvent dans les autres pays
sont dans un système financier dual. Elles sont donc soumises à
deux systèmes de réglementaOon et de régulaOon qui sont plus ou
moins compaObles. Les plus nombreuses sont situées dans les pays
du Golf, surtout à Bahreïn qui est reconnu comme étant la place
financière islamique la plus dynamique.
▪ Selon l’importance de leur acOvité financière islamique, on disOngue
les banques dont l’acOvité financière est enOèrement islamique et
celles qui n’ont que des guichets ou « fenêtres islamiques ». Le
caractère licite de ces « fenêtres » n’est pas unanimement reconnu
car le risque de mixité de flux licites et de flux illicites est réel.
Le système financier tunisien compte actuellement (en 2014) trois
banques islamiques à savoir « Nour Islamic Bank », « Al Baraka- Bank »
et « La Banque Zitouna » ainsi que deux sociétés d’assurance islamique à
savoir « Best Ré » et « La Zitouna Takaful », outre d’autres insOtuOons
financières convenOonnelles qui ont commencé à offrir quelques
produits financiers islamiques. A la faveur du changement du contexte
poliOque suite à la RévoluOon, il est akendu que la Tunisie enregistre
une croissance progressive au niveau du nombre des insOtuOons
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26. financières offrant uniquement ou en parOe des produits financiers
islamiques.
Une telle croissance s’inscrit parfaitement dans le sens de l’évoluOon
actuelle et prévisible de la finance islamique qui est appelée à jouer dans
les années à venir un rôle de plus en plus grandissant sur la scène
financière tunisienne ainsi qu’internaOonale.
2.2. Les principales organisa*ons du système financier
islamique
➢ La Banque Islamique de Développement (BID)
A été créé en 1974, elle regroupe des membres de plus de 40 pays. Son
objecOf est de promouvoir le développement économique et le progrès
social au sein des pays membres conformément aux principes de la
Shari’a. On peut la considérer comme l’équivalent de la banque
mondiale pour le monde musulman. Elle a parOcipé au financement de
nombreux projet d’infrastructure dans les pays en développement.
➢ The Accoun*ng and Audi*ng Organiza*on for Islamic Financial
Ins*tu*ons (AAIOFI)
A été fondée en 1990. Située à Bahrein, elle est chargée d’élaborer les
standards et principes en maOère de la comptabilité, d’audit, d’éthique,
de gouvernance et de conformité Shari’a. Une présentaOon détaillée de
cet organisme sera exposée au niveau de la secOon suivante
➢ Islamic Fiqh Academy (IFA)
Cree en 1981 à Djeddah, est une assemblée de jurisconsultes qui
émekent des avis religieux sur différents sujets.
➢ Islamic Financial Services Board (IFSB)
A été créé en 2002 en Malaisie. Il est composé de représentants des
banques centrales de divers pays, des organismes internaOonaux
notamment la banque mondiale, le FMI (fond monétaire internaOonal),
la BID. Cet organisme inter-gouvernemental a pour mission l’intégraOon
de la finance islamique dans le système financier mondial.
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27. SECTION 2: L’ENVIRONNEMENT DES BANQUES ISLAMIQUES
1. La régula7on des ac7vités des banques islamiques
1. La nécessité de la régula*on
La finance islamique s’est beaucoup développée au cours de deux
décennies. Ce qui compte actuellement est de poursuivre sa croissance
mais surtout d’assurer sa respectabilité, de prouver que le système est
viable. En conséquence, la régulaOon de la profession s’impose.
La régulaOon dans la doctrine islamique doit être fondée sur des
concepts de surveillance et de contrôle qui fait parOciper tous les agents
économiques (Hesba ) qui, selon Ibn Taymia auront pour but de 17
délimiter les contours d’un développement économique convenable
avec les finalités (Maqassid) de la Shari’a . 18
Ceke régulaOon est d’autant plus nécessaire que durant ceke période de
forte expansion, pour concurrencer les banques convenOonnelles, elles
ont dû créer de nouveaux produits en imaginant des procédés de nature
à rendre ces produits conformes à la Shari’a.
2. Le système de régula*on actuel des ac*vités financières
Actuellement, la réglementaOon prudenOelle dans le monde est un
système global, c’est –à- dire que le cadre est le même quelles que
soient les insOtuOons: banques commerciales, sociétés
d’invesOssements, etc... L’autorité de contrôle est la banque centrale de
chaque pays. Ceke dernière est conforme à la réglementaOon
internaOonale dans la mesure où le gouvernement du pays a adopté les
règles internaOonales.
La réglementaOon internaOonale émane du Comité de Bâle . Les textes 19
réglementaires les plus connus sont le « raOo Cook » et le récent « raOo
Mac Dough », tous deux des noms des présidents du comité au moment
de leur élaboraOon.
L’audit, le contrôle.17
Ahmad Ibn Taymia, « 1995 ;« ﺗﯿﻤﯿﺔ اﺑﻦ ﻓﺘﺎوى .ﻣﺠﻤﻮع18
Institution créée en 1974 par les gouverneurs des banques centrales des pays19
du G10, elle se réunit 4 fois par an. Ses missions ont pour but de renforcer la
sécurité et la fiabilité du système financier, d’établir des standards minimaux en
matière de contrôle prudentiel, de diffuser et de pouvoir les meilleures pratiques
bancaires et de surveillance, de promouvoir la coopération internationale en
matière de contrôle prudentiel. Même si un pays n’a pas adopté les accords du
Comité, ils lui servent néanmoins de référence.
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28. Les principaux domaines de règlement du Comité de Bâle au niveau du
secteur bancaire pour assurer la santé et la stabilité du système financier
sont:
- La suffisance du capital,
- L’idenOficaOon des principaux types de risques et les techniques
uOlisées pour les gérer efficacement,
- Les méthodes d’évaluaOon de la qualité des acOfs de la banque,
- La créaOon de réserves pour couvrir les pertes sur les prêts,
- Les différents types de contrôle interne,
- Les audits externes nécessaires, un accent est mis également sur la
formaOon des contrôleurs, parOculièrement la capacité à idenOfier
les risques et à mekre en œuvre les moyens de les anOciper, de les
gérer et de les contrôler.
Le calcul de la suffisance de capital est un élément essenOel de la
réglementaOon.
La suffisance du capital
Le raOo de solvabilité, dit < raOo Cook>, a été mis en applicaOon en
juillet 1998. Il est relaOf à la mesure prudenOelle des risques de marché
(risques relaOfs aux instruments financiers détenus, risques de
change…).
Les fonds propres sont évalués à des niveaux successifs:
- Le niveau 1 est le capital de base, composé grosso modo de la
situaOon neke diminuée des acOfs immatériels;
- Le niveau 2 est le capital complémentaire, c’est le montant
précédent auquel on ajoute des éléments de quasi fonds propres . 20
De ces éléments, on, retranche les fonds propres ou assimilés
correspondant à des placements dans d’autres établissements, par
exemple des Otres de parOcipaOon dans des filiales.
Ra*o Cook = Fonds propres / Risques pondérés
Risque pondéré d’un engagement = Montant de l’engagement *
Quo*té de risque
Par exemple les titres participatifs20
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29. Le comité de Bâle classe les engagements en quatre groupes, en foncOon
des risques encourus:
0%,20 %, 50% et 100%.
Les engagements pondérés à 0 % donc ne nécessitant pas de couverture.
Les engagements pondérés à 20% sont par exemple: les créances sur les
collecOvités territoriales, ou garanOes par ces collecOvités.
Les engagements pondérés à 50% sont par exemple: les prêts
hypothécaires.
Les engagements pondérés à 100% sont ceux qui ne sont pas dans les
groupes précédents, ainsi le crédit-bail mobilier, les prêts parOcipaOfs en
faveur de la clientèle.
Les exigences du Comité de Bâle sont les suivantes:
- Le rapport minimal à respecter entre les fonds propres et les risques
pondérés est de 8%.
- Le capital de base (niveau 1) doit représenter au minimum 50% du
total des fonds propres exigés au Otre des risques de crédit, le
complément éventuel ne pouvant être consOtué que par le capital
complémentaire . 21
Le Comité de Bâle a procédé à la révision du système de régulaOon. Il
repose désormais sur trois piliers:
❖ Le premier pilier est relaOf à l’exigence minimale des fonds propres,
c’est le « raOo Mac Dough ». Les grandes lignes du « raOo Cooke »
sont maintenues mais:
✓ Au dénominateur, ce n’est plus seulement le risque de crédit qui
est pris en considéraOon, c’est un montant comprenant: le risque
de crédit (75%) plus le risque opéraOonnel (20%) et le risque de
marché (5%);
✓ Les méthodes de calcul des risques sont plus élaborées: la base
est toujours consOtuée d’une grille standard mais de méthodes
de management internes plus sophisOquées, basées sur la
gesOon des risques peuvent être envisagées par les banques.
La différence entre ces approches, c’est à dire entre le recours à une
grille standard ou l’uOlisaOon de méthodes internes, est que le rôle
Pour plus de détails sur ces points, voir; Rouach et Naulleau (2009). Le21
contrôle de gestion bancaire et direction financière, Revue Banque Edition.
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30. primordial est accordé au contrôleur dans le premier cas, à la banque
elle-même dans le deuxième.
❖ Le deuxième pilier est un processus de surveillance de la gesOon des
fonds propres par les autorités de contrôle, ces dernières pourront
évaluer le système par le contrôle interne des banques.
❖ Le troisième pilier vise à instaurer une discipline de marché en
améliorant la communicaOon financière des banques, notamment la
diffusion d’informaOons sur les méthodes d’évaluaOon des risques,
le niveau des fonds propres, etc.
Les accords de Bâle sont appliqués dans la plupart des pays. C’est une
nécessité pour se faire une place dans le système financier désormais
globalisé. L’applicaOon de ceke réglementaOon est du ressort des
régulateurs naOonaux mais également des établissements eux-mêmes
qui souhaitent une implantaOon ou une reconnaissance internaOonale.
La spécificité des banques islamiques
Si pour certaines acOvités les banques islamiques et les banques
convenOonnelles fournissent des prestaOons similaires (dépôts à vue,
services bancaires, etc. ), sur de nombreux points les acOvités divergent.
Toutefois, au niveau des banques islamiques:
- Les opéraOons parOcipaOves sont des opéraOons risquées;
- Les produits basés sur les opéraOons d’achat / vente sont en général
peu risqués;
- Les dépôts d’invesOssements (mobilisés sur la base du PPP) ne
présentent pas les mêmes risques que les comptes courants, en
l’occurrence ce sont les déposants qui supportent un risque élevé.
De plus, les banques islamiques:
- Ne peuvent pas faire appel à la banque centrale en dernier ressort (à
cause de l’interdicOon du riba praOqué par la banque centrale);
- Ne peuvent pas uOliser les instruments classiques de couverture des
risques du fait de l’interdicOon du riba et du gharar;
- Ne peuvent pas infliger des pénalités de retard pour paiement tardif.
L’examen des différences entre banques convenOonnelles et banques
islamiques fait donc apparaître que les acOvités des banques islamiques
sont sur certains points plus risquées mais que sur d’autres elles le sont
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31. moins. La quesOon se pose alors de savoir si la réglementaOon prévue
pour le système convenOonnel est nécessaire, et si elle est suffisante.
Selon l’IIRF (InsOtut Islamique de recherches et de formaOon) , la 22
réglementaOon prévue pour le système convenOonnel doit être
appliquée pour plusieurs raisons:
- La stabilité du système financier;
- L’acceptaOon des banques islamiques sur le marché interbancaire
internaOonal;
- La sauvegarde des intérêts des Otulaires de dépôts à vue, et une
protecOon renforcée des Otulaires de comptes bancaires spécifiques.
On mesure l’importance que revêtent la réglementaOon et le contrôle
dans un système financier islamique qui est toujours à l’état
embryonnaire.
Cependant il faut éviter de soumekre les banques islamiques à une
double réglementaOon qui les pénaliserait et conduirait à une baisse de
leur compéOOvité.
La réglementaHon et le contrôle en vigueur
A Otre d’exemple, considérons le cadre de la réglementaOon et du
contrôle existant dans quelques pays membres de la BID. La plupart sont
des pays a système dual, c’est-à-dire où coexistent banques
convenOonnelles et banques islamiques . La situaOon est généralement 23
la suivante:
- Les normes internaOonales sont adoptées (y compris les principes du
Comité de Bâle), malgré les difficultés relaOves au calcul des risques
des acOfs, crées par les modes de financement spécifiques;
- Les banques islamiques sont supervisées par les banques centrales;
- Les banques islamiques sont, pour la plupart des pays, contrôlées
dans le cadre des systèmes internaOonaux de contrôle des banques
commerciales en vigueur;
- La conformité avec les normes établies par l’AAOIFI n’est, en général,
pas réalisée.
INSTITUT ISLAMIQUE DE RECHERCHES ET DE FORMATION22
BANQUE ISLAMIQUE DE DEVELOPPEMENT: « réglementation et contrôle
des banques islamiques », 2000.
Seuls l’Iran, le Pakistan et le Soudan sont des pays où le système financier est23
entièrement islamisé.
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32. 3. La normalisa*on du système comptable islamique
La comptabilité doit satisfaire les besoins d’information des différentes
parties prenantes sur les activités des institutions en général: leur
situation financière, leur performance, les risques encourus. En ce qui
concerne les institutions financières islamiques, les parties prenants sont
nombreuses: les actionnaires actuels et potentiels, les dirigeants, les
clients (déposants ou emprunteurs), les employés, les analystes financiers,
les organismes de contrôle et de régulation, etc.
Le système comptable des insOtuOons financières islamiques a pu et
peut conOnuer à apparaître comme peu transparent, d’abord à cause de
la jeunesse des insOtuOons qui ont été créés et se sont développées très
rapidement dans différents pays soumis à des réglementaOons
naOonales différentes, puis parce que les produits nouveaux et les
nouveaux modes de foncOonnement exigent des règles spécifiques à
imaginer . 24
La mondialisaOon a conduit à des besoins accrus d’homogénéisaOon et
de transparence. Les informaOons produites doivent être claires,
explicites et comparables.
Se pose alors le problème de l’adéquaOon entre des standards
comptables et financiers spécifiques et les normes internaOonales.
L’organisme de normalisaHon: l’AAOIFI
❖ Historique et mission
C’est une insOtuOon implantée à Bahreïn en 1991 , à l’iniOaOve de 25
plusieurs groupes bancaires . Financée au départ par ses fondateurs, 26
L’ensemble des produits offerts par les banques islamiques en Tunisie sont24
actuellement traités conformément au système comptable des entreprises
tunisiennes sans aucun traitement particulier qui prend en compte leurs
spécificités contractuelles et Shari’atiques. Ainsi, ils sont considérés en tant que
crédits ordinaires à la clientèle sans aucune distinction des autres types de
crédits conventionnels et sont présentés au niveau des états financiers des
banques islamiques en Tunisie parmi les crédits et créances sur la clientèle et
sont comptabilisés en tant que tels dès la mise à la disposition des fonds objet du
contrat de financement au client concerné.
Créé en Algérie en 1990.25
Al Baraka (Bahreïn), Al Rajhi (Arabie Saoudite), la BIB (Bahreïn Islamic26
Bank), la BID (Banque Islamique de Développement), Bukhari capital
(Malaisie), la KFH (Koweït Finance House).
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33. ses ressources proviennent actuellement de la coOsaOon de ses
membres.
Son objectif est de promulguer des standards basés sur les principes de la
Shari’a pour les institutions financières islamiques et de contribuer à
l’expansion de l’industrie financière islamique. A ce titre, elle dispense des
programmes de formation à la comptabilité et à l’audit dont le contenu est
conforme aux règles et principes de la Shari’a. Ses membres sont issus de
différents horizons. On y trouve, outre les membres fondateurs, des
membres associés (représentants des institutions financières islamiques,
membres de l’Académie du Fiqh), des représentants des institutions de
régulation (banques centrales), des observateurs (membres d’organisations
et d’associations professionnelles, comme les cabinets d’audit
internationaux, des savants de la Shari’a). Cette diversité lui assure une
indépendance certaine.
L’AAOIFI effectue un gros travail d’adaptaOon des normes internaOonales
aux parOcularités des insOtuOons financières islamiques. Comme
l’indique l’étude relaOve à la réglementaOon et au contrôle des banques
islamiques déjà citée , une telle adaptaOon est nécessaire pour les 27
raisons suivantes:
1. Les produits islamiques sont spécifiques, ils exigent chacun des
disposiOons comptables parOculières;
2. Les normes doivent être uniformisées dans le temps et dans l’espace
(différentes régions et différentes insOtuOons);
3. Les normes ont à faire face à des domaines parOculiers, ainsi la zakat;
4. Les normes doivent faciliter le travail des contrôleurs de la Shari’a;
5. La transparence est nécessaire en ce qui concerne la responsabilité
des banques islamiques.
❖ Mode de fonc*onnement
C’est une organisaOon non permanente, structurée ainsi:
- L’assemblée générale, organe décisionnel;
- Un conseil d’administraOon, dont les membres se réunissent, en
principe, une fois par an;
- Un secrétaire général;
Etude Chapra et Khan; Règlementation et contrôle des banques islamiques;27
IRTI; 2000.
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34. - Deux organes: l’AccounOng AudiOng Board et le Shari’a Board dont
les membres se réunissent plusieurs fois par an.
Les normes sont élaborées et révisées en concertaOon avec les
organismes représentaOfs de la profession. Les premières ont été
introduites en 1993.
❖ Les normes islamiques
La liste des thèmes couverts par les normes donne une idée de
l’importance des travaux de l’AAOIFI. Les normes publiées comportent
cinq parOes:
La compa7bilité: comporte
- Les objecOfs et les concepts;
- Les Financial AccounOng Standards (FAS), au nombre de 23, portent
sur:
✓ Les états financiers des banques et insOtuOons financières
islamiques;
✓ Les produits financiers: Mourabaha, moudharaba, moucharaka,
Salam, ijara et IsOsna;
✓ Les comptes d’invesOssement;
✓ Les provisions et réserves;
✓ Les états financiers, les provisions et réserves dans les
compagnies d’assurances;
✓ Les fonds d’invesOssement;
✓ Les opéraOons en devise.
L’audit: comporte 5 standards « AudiOng Standards for Islamique
Financial insOtuOons » (ASIFI).
La gouvernance: comporte 6 standards « Governance Standards for
Islamique Financial insOtuOons » (GSIFI).
L’éthique (ESIFI): comporte 2 standards.
La Shari’a (SSIFI): comporte 30 standards.
2. Organisa7on et gouvernance des banques islamiques
Les banques islamiques sont généralement des sociétés par acOons
relevant du droit classique.
Etant donné leur mission, à côté des organes habituels détenant le
pouvoir juridique, comme le conseil d’administraOon, des organes
spécifiques déOennent le pouvoir moral, ainsi le comité de la Shari’a. En
conséquence, on se trouve face à une double gouvernance qui fait la
parOcularité de ces établissements.
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35. La structure des banques islamiques sera examinée par comparaison
avec celle des banques convenOonnelles:
2.2. Eléments de l’organisa*on
Dans une enOté organisaOonnelle, on différencie généralement ainsi les
centres de responsabilité: Les centres opéraOonnels, les centres de
support et les centres de structure. Les centres opéraOonnels sont ceux
chargé de l’acOvité de producOon.
Dans une banque convenOonnelle, on classe les acOvités en différentes
catégories:
▪ Les acOvités courantes de banque (gesOon des dépôts et moyens de
paiement…) ou acOvité de guichet;
▪ Les acOvités financières, dont les acOvités de marché (achat/vente de
Otres, placements…), les acOvités de gesOon administraOve
(conservaOon des Otres, gesOon des valeurs mobilières…) et les
acOvités de conseil (gesOon de patrimoine, ingénierie financière…).
L’organigramme des banques comporte donc une structure ou l’on
retrouve des enOtés spécialisées selon les types d’acOvité.
Dans la plupart des banques islamiques les acOvités de marché et de
conseil sont jusqu’à présent peu présentes et l’on trouve plutôt des
enOtés chargées des acOvités courantes spécialisées par type de
clientèle (parOculiers, entreprises) et par type de produit (Mourabaha,
ijara…).
2.2. Les organes de ges*on
L’assemblée générale des acOonnaires désigne les membres du conseil
d’administraOon qui délègue ses foncOons à un directeur général.
❖ Le Conseil d’Administra*on
Pour être membre du conseil d’administraOon, il faut remplir certaines
condiOons: en principe, être musulman, disposer d’un nombre d’acOons
indiqué dans les statuts et ne pas exercer de foncOons dans la banque.
La durée du mandat est de 3 ans. Le nombre d’administrateurs est
indiqué dans les statuts, ainsi que les pouvoirs et les modalités de
foncOonnement du conseil.
Les dirigeants managers exercent leur foncOon sous le contrôle du
conseil d’administraOon. Leur rôle est difficile car ils doivent tenter de
concilier la raOonalité économique et les contraintes de la
réglementaOon islamique. (Il [le dirigeant] doit gérer deux systèmes de
logique potenOellement contradictoires à savoir un logique d’efficience
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36. et une logique de mainOen et de protecOon des valeurs éthique et
religieuses. Ces logiques s’expriment à travers le système de double
gouvernance qui caractérise les banques islamiques), (Siagh, 2003).
❖ Le Shari ’a Supervisory Board (SSB)
Les comités de supervision Shari’a, en anglais Shari’a Supervisory Bords,
est un organe obligatoire qui peut être définis comme des « comités
consultaHfs composés de spécialistes en loi islamique (Shari’a scholars)
qui se prononcent sur la conformité à la Shari’a des produits financiers
proposés » . Ils exercent leur contrôle au regard du Fiqh Al-Muamalat 28
et réalisent ce que l’on pourrait appeler un « audit Shari’aHque ».
Les jurisconsultes connus sont ainsi très sollicités, certains
apparOendraient à plus de trente conseils, d’autres feraient parOe d’une
cinquantaine de conseils. Il est vrai, comme il a été indiqué ci-dessus,
que le profil exigé est rare puisque la foncOon suppose des
connaissances tant dans le domaine religieux que dans le domaine
bancaire et économique.
➢Missions du Shari’a Supervisory Bord
Les interventions des Shari’a Supervisory Bords ont été ont déterminé par
l’AAOIFI, ainsi que l’IFSB:
- Assister les insOtuOons dans l’élaboraOon des contrats et des
produits qui soient en conformité avec les principes du droit
musulman;
- CerOfier l’acceptabilité des instruments financiers à travers des
fatwas;
- Vérifier que les transacOons sont conformes aux fatwas émises,
- Vérifier le calcul et la liquidaOon de la zakat;
- Distribuer les revenus non conformes à la Shari’a à des œuvres
caritaOves.
➢Délibéra*ons du Shari’a Supervisory Bord
Afin de veiller à la cohérence de l’ensemble de la finance islamique,
l’IFSB recommande que les décisions soient prises par consensus . 29
Jusqu’à présent, aucun système de supervision des comités Shari’a n’a
été élaboré en Tunisie. Il a pu être proposé dans ceke hypothèse de «
recourir à une organisaHon non-gouvernementale qui regrouperait des
Élyes JOUINI et Olivier PASTRÉ, « La finance islamique - Une solution à la28
crise ? », 2009.
IFSB, Principes Directeurs IFSB-10 (2009).29
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39. formation d’entreprises ou tout simplement pour s’assurer le contrôle
d’entreprises existantes.
- La Moucharaka dégressive (Moutanaqissa): La banque parOcipe au
financement d’un projet ou d’une opéraOon avec l’intenOon de se
reOrer progressivement du projet ou de l’opéraOon après son
désintéressement total par le promoteur. Ce dernier versera, à
intervalle régulier à la banque, la parOe de bénéfices lui revenant
comme il peut réserver une parOe ou la totalité de sa propre part
pour rembourser l’apport en capital de la banque. Après la
récupéraOon de la totalité de son capital et des bénéfices qui
échoient, la banque se reOre du projet ou de l’opéraOon.
2. Les opéra7ons commerciales
2.1. Le contrat Mourabaha
La Mourabaha est un contrat de vente au prix de revient majoré d’une
marge bénéficiaire connue et convenue entre l’acheteur et le vendeur. La
Mourabaha peut revêOr deux aspects:
- TransacOon directe entre un acheteur et un vendeur qui expose à la
vente sa marchandise sans préalable ordre ou promesse d’achat du
premier.
- TransacOon triparOte entre un acheteur final (ou donneur d’ordre
d’achat), un premier vendeur (le fournisseur) et un vendeur
intermédiaire (exécutant de l’ordre d’achat).
Ceke dernière formule a été retenue dans les praOques bancaires
islamiques. La banque intervient en qualité de premier acheteur vis-à-vis
du fournisseur et de revendeur à l’égard de l’acheteur donneur d’ordre
(le client). La banque achète la marchandise au comptant ou à crédit et
la revend au comptant ou à crédit à son client moyennant une marge
bénéficiaire convenue entre les deux parOes.
L’innovaOon du système de financement islamique relaOvement à la
Mourabaha fut d’en faire une technique de finance indirecte et ce, en
apportant certains ajustements aux ventes à crédit classiques. Ces
ajustements sont dictés par la volonté de ne pas trop s’écarter de la
nature classique des banques en tant qu’intermédiaires financiers
manipulant des documents plutôt que des marchandises.
2.2. Le contrat ijara
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40. C’est un contrat de locaOon de biens, assorO d’une promesse de vente
au profit du locataire. Il s’agit d’une technique de financement qui fait
intervenir trois acteurs principaux: le fournisseur (fabricant ou vendeur)
du bien, le bailleur (en l’occurrence la banque qui achète le bien pour le
louer à son client) et le locataire qui loue le bien en se réservant l’opOon
de l’acquérir définiOvement au terme du contrat de locaOon. Dans ce
genre de financement, les banques islamiques ont vu une technique qui
s’accommode avec leur orientaOon aussi bien dans l’effort de concourir
au développement du monde musulman que dans un strict respect de la
Shari’a puisque ceke opéraOon est considérée comme étant licite et
conforme aux préceptes du droit musulman . De la définiOon 31
précédente, il découle que le droit de propriété du bien revient à la
banque durant toute la période du contrat, tandis que le droit de
jouissance revient au locataire.
2.3. Le contrat Is*sna
L’Istisna est un contrat d’entreprise en vertu duquel une partie (Moustasni)
demande à une autre (Sani) de lui fabriquer ou construire un ouvrage
moyennant une rémunération payable d’avance, de manière fractionnée ou
à terme. Il s’agit d’une variante qui s’apparente au contrat Salam à la
différence que l’objet de la transaction porte sur la livraison, non pas de
marchandises achetées en l’état, mais de produits finis ayant subi un
processus de transformation. La formule de l’Istisna, mise en pratique par
une banque islamique peut revêtir l’aspect d’une opération triangulaire
faisant intervenir aux côtés de la Banque, le maître de l’ouvrage et
l’entrepreneur dans le cadre d’un double Istisna.
2.4. Le contrat Salam
Le Salam peut être défini comme étant un contrat de vente avec
livraison différée de la marchandise. Ainsi, contrairement à la
Mourabaha, il s’agit d’une vente à crédit à l’envers où le prix est payé au
comptant alors que la marchandise n’est délivrée que plus tard. En
praOque la banque (acheteur) passe une commande à son client pour
une quanOté donnée de marchandises, d’une valeur correspondant à
son besoin de financement. Le client (vendeur) lui adresse une facture
Séminaire de l’IIRF de la Banque Islamique de Développement à Djeddah: Le31
leasing « Ijara» par Abdessatar Khouildi.
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41. pro forma indiquant la nature, les quanOtés et le prix des marchandises
commandées. Les deux parOes, une fois d’accord sur les condiOons de la
transacOon, signent un contrat de Salam reprenant les clauses
convenues. Parallèlement, les deux parOes signent un contrat de vente
par procuraOon par lequel la banque autorise le vendeur à livrer ou à
vendre (selon le cas) les marchandises à une Oerce personne. Le vendeur
s’engage, sous sa pleine responsabilité à recouvrer et à verser le
montant de la vente à la banque. A l’échéance, au cas où la banque
aurait choisi de mandater le vendeur pour écouler les marchandises
pour son compte, ce dernier les facturera pour le compte de la banque
et livrera les quanOtés vendues en prenant soin, si la banque le juge
nécessaire, d’exiger des acheteurs de faire viser les bons d’enlèvement
aux guichets de ceke dernière (mesure desOnée à permekre le suivi et
le contrôle de l’opéraOon).
3. Les comptes bancaires
3.1.Les comptes courants
Ces comptes sont quasiment idenOques à ceux des banques
convenOonnelles. Les droit et obligaOons respecOves du déposant de la
banque sont les suivants:
La banque, gardienne des fonds:
- ne verse aucune rémunéraOon;
- uOlise les fonds selon son gré;
- exige un solde toujours posiOf;
- jouit des fonds reOrés du placement des fonds déposés, en
contreparOe assume les pertes éventuelles.
Le client:
- peut reOrer son argent à tout moment;
- est assuré de pouvoir récupérer le montant déposé;
- ne perçoit aucune rémunéraOon mais la banque ne prélève pas
de frais de gesOon.
Peut bénéficier des services classiques des banques: carnet de chèques,
opéraOons de virement, etc.
3.2.Les comptes d’épargnes
Ce sont des comptes de dépôts à terme, basés sur le principe de la
parOcipaOon. L’objecOf de ces comptes est d’inciter les gens à épargner.
Ces comptes sont peu répandus. Les modalités de foncOonnement sont
généralement les suivantes:
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42. Le client:
- ne reçoit pas l’intérêt, la banque ne lui garanOt ni un rendement
déterminé, ni le remboursement du capital déposé;
- n’a aucun droit de regard sur la manière dont la banque gère les
fonds;
- doit prévoir la banque s’il désir reOrer des fonds, le délai de
préavis étant préalablement précisé.
La banque:
- gère les fonds contre les frais de gesOon;
- verse une parOe de son résultat selon le taux de réparOOon
convenu et le solde moyen du compte;
- est responsable en cas de négligence de sa part dans la manière
de gérer les fonds.
3.3.Les comptes d’inves*ssement
Ils consOtuent la principale source de fonds des banques islamiques.
Leur mode de foncOonnement est tout à fait conforme aux principes de
la Shari’a puisqu’ils sont basés sur le principe de PPP et associent le
facteur capital et le facteur travail.
CaractérisHques
Ils s’apparentent plus à un achat d’acOons qu’à un dépôt de type
convenOonnel. En effet, il n’y a pas de garanOe de remboursement à la
valeur nominale, les déposants n’ont pas de rémunéraOon fixe, leur
rémunéraOon est basée sur le principe du partage de profits et de pertes
de la banques.
Par un contrat, le client autorise la banque à invesOr les fonds dans des
projets. Le contrat doit contenir toutes les modalités relaOves aux
opéraOons envisagées: objet, échéance, règle de partage, etc…. La
période de dépôt est généralement comprise entre 6 mois et 3 ans, voire
plus. Elle peut être renouvelée; la banque touche une commission de
gesOon, « les dividendes » sont donc calculés après déducOon de la
commission.
Différents comptes d’invesHssement
On peut disOnguer deux grandes catégories de comptes: les comptes
standards (non affectés) et les comptes « affectés ».
- Les comptes standards s’appellent encore dépôts d’invesOssements
illimités (ou non restricOfs). Les fonds sont alors intégrés dans ceux
de la banque pour consOtuer un pool d’invesOssements. La
rémunéraOon a lieu en fin d’année. La banque intervient
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43. successivement comme moudhareb, puis comme rab-el-mal. Ces
comptes sont, en principe, moins risqués pour le client puisque
l’invesOssement porte sur plusieurs opéraOons;
- Les comptes « affectés » s’appellent encore des dépôts
d’invesOssements limités (ou restricOfs). La banque dispose des
fonds selon les indicaOons du dépositaire. Les fonds déposés ne
peuvent alors être mélangés avec ceux de la banque. La
rémunéraOon a lieu en fin d’opéraOon.
Modalités de foncHonnement des comptes
A la base de ces types de dépôt, il y a un contrat de type moudharaba.
En praOque c’est la banque qui fixe des variables essenOelles:
- Le capital minimum;
- Le temps minimum;
- Le % de réparOOon.
Le problème important pour la banque est celui de la maitrise des
risques, d’où les précauOons au départ: la nécessité d’effectuer une
étude sérieuse de faisabilité, le recours à la diversificaOon (secteurs et
zones) et la consOtuOon de réserves pour compenser les pertes
éventuelles.
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44. SECTION 2: ANALYSE CRITIQUE ET LIMITES DE LA FINANCE ISLAMIQUE
1. Cri7que opéra7onnelle et de ges7on
1.1. Limites posées par l’applica*on de la réglementa*on
interna*onale
L’applicaOon de la réglementaOon internaOonale n’est pas sans poser
quelques problèmes: D’abord, elle favorise l’expansion des modes de
financement les moins risqués, ceux basés sur les opéraOons
commerciales achat/vente au détriment des opéraOons parOcipaOves.
Ensuite, elle met sur un même plan, quant à l’évaluaOon des risques, les
dépôts à vue et les dépôts d’invesOssement. Or ces derniers partagent
les risques de la banque. Enfin, la parOcularité de la finance islamique
est de se conformer à la Shari’a.
➢Le traitement des comptes d’inves*ssements
La réglementaOon bancaire internaOonale met sur le même plan les
comptes de dépôts et les comptes d’invesOssements, or ces derniers ne
peuvent être considérés comme des dépôts. Ils ne peuvent non plus être
considérés comme des parOcipaOons au capital de la banque, les
déposant n’ayant pas les droits akachés aux acOons. Ainsi, ils ne peuvent
parOciper aux réunions des acOonnaires et être représentés au conseil
d’administraOon. D’où des interrogaOons à propos du « statut » de ces
fonds: faut-il les intégrer dans le capital de la banque ? Faut-il les
considérer comme des quasi-fonds propres ? Faut-il les considérer
comme des acOfs hors-bilan ?
Selon l’étude de Charpa et Khan (2000), « en prenant en compte la
nature spéciale des dépôts d’invesOssements et les risques encourus par
les acOfs des banques islamiques, l’applicaOon des normes
internaOonales de suffisance du capital est devenu une tâche difficile ».
Ces auteurs font remarquer que la nature spécifique des dépôts
d’invesOssements a conduit certaines banques islamiques à les placer
hors-bilan, ce qui est contraire aux normes préconisées par l’AAOIFI.
Dans la gesOon des comptes d’invesOssements, les banques islamiques
assument un risque spécifique non couvert par les accords de Bâle: le
risque commercial déplacé.
Ce risque fait référence aux pertes que la banque islamique absorbe
pour s’assurer que les Otulaires des comptes d’invesOssement
parOcipaOfs sont rémunérés à un taux de rendement équivalent à un
taux compéOOf et ce, par pression commerciale. La banque islamique
peut décider de réduire sa marge afin d’assurer une rémunéraOon
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45. compéOOve à ses clients. On assiste alors à un transfert d’une part des
profits des acOonnaires vers les Otulaires des comptes d’invesOssement.
Il y a donc un transfert de risque, théoriquement supporté par la
Otulaires des comptes d’invesOssement, vers les acOonnaires, d’où le
nom akribué à ce risque spécifique: le risque commercial déplacé.
1.2. Problème posé par le partage des profits et pertes (PPP)
Dans un souci commercial, les banques islamiques se réfèrent
généralement pour le calcul du taux de rendement des CIP à des
benchmarks basés sur des taux d’intérêt couramment uOlisés par
l’industrie bancaire convenOonnelle comme le LIBOR.
Toutefois, le calcul de la rentabilité des CIP se fera différemment selon la
catégorie de comptes:
➢Les dépôts sont limités ou affectés
Les principes suivants sont généralement appliqués:
- Les opéraOons relaOves à chaque opéraOon, ou projet, sont retracées
dans un document prévu à cet effet, sorte de compte spécial
d’invesOssement;
- La rémunéraOon revenant au déposant est calculée à l’échéance de
l’opéraOon, ou en fin de projet;
- Seules les charges directes affectables au projet sont prises en
compte dans le calcul de la rentabilité, les charges générales
d’exploita*on de la banque – difficilement répar*ssables entre les
projets – sont couvertes par la par*cipa*on de la banque aux
profits;
- La banque remet au déposant un document comptable explicaOf,
une note de crédit, qui reprend la comptabilité relaOve à l’opéraOon.
Le profit qui en résulte, diminué de la rémunéraOon de la banque, est
ensuite partagé entre les différents invesOsseurs/déposants. Le système
d’informaOon relaOf à ces comptes est déconnecté de celui de la
comptabilité financière dans les banques ou les comptes
d’invesOssements limités sont présentés hors-bilan et traites
conformément à la convenOon comptable de prééminence du fond sur
la forme , c’est-à-dire dans la plupart des banques. 32
➢Les dépôts sont illimités
Les déposants parOcipent alors au résultat de la banque. L’esOmaOon des
profits est, dans ce cas, effectuée par période, la liquidaOon a lieu
chaque fin d’année à parOr de la comptabilité financière. Les problèmes
Voir Partie II32
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46. qui se posent sont de deux ordres: le résultat à considérer, la réparOOon
du résultat.
La déterminaOon du résultat à prendre en considéraOon est parfois
délicate, ainsi en cas d’acOvités mulOples de la banque et lorsque la
banque réalise des opéraOons pour son propre compte. Un système de
réparOOon des charges indirectes devra être mis en place afin de cerner
le résultat engendré par chaque catégorie d’acOvités.
En ce qui concerne la réparOOon du résultat, la banque recourt alors à la
méthode uOlisée par les banques convenOonnelles, lorsqu’elles calculent
les intérêts débiteurs: la méthode des nombres, dite méthode des
numars dans les banques islamiques. Une banque ne peut pas mekre 33
sur le même plan et rémunérer de la même manière des soldes de
montants différents placés pendant des durées différentes. La méthode
des nombres consiste à rendre les soldes homogènes, en ramenant
chaque unité monétaire à l’unité monétaire par jour. Le nombre est égal
au montant du solde mulOplié par le nombre de jours durant lesquels le
solde a été idenOque. Ainsi un montant de 1000, placé durant 10 jours,
est équivalent à un montant de 10 000 placé durant une journée.
Illustra7on de la méthode des Numars: Supposons une banque a deux
déposants dont les comptes sont les suivants durant l’année N:
Désigna7o
ns
Date Dépôts Retraits Soldes Nombres Explica7on
Déposant
1
01/02/20
14
10 000 10 000 300 000
10 000 * 30
jours
01/03/20
14
20 000 30 000
1 800
000
30 000 * 60
jours
01/05/20
14
30 000 60 000
5 400
000
60 000 * 90
jours
01/08/20
14
- 60 000 - -
01/10/20
14
30 000 30 000 600 000
30000 * 30
jours
Recommandée par l AAOIFI, en l’absence de substitut.33
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47. Supposons que le résultat à reparOr est de 18 000 au cours de la
période, 50 % pour la banque et
50 % pour les déposants.
▪ Le déposant 1 recevra:
18 000 * 50 % * 12 000 000 / (12 000 000 + 18 000 000) = 3 600
▪ Le déposant 2 recevra:
18 000 * 50% * 18 000 000 / (12 000 000 + 18 000 000) = 5 400
La réparOOon du résultat devra ensuite tenir compte du montant de la
date des dépôts et des dates des retraits car les fonds peuvent être
déposés pour des montants et des durées différentes.
Ceke technique est contraire au principe de partage de pertes et de
profits (PPP), En effet, le déposant encaisse ses profits à la date du retrait
en foncOon du montant et de la durée du dépôt (même en cas de perte
réelle). Ceci implique que rendement des comptes d’invesOssement
parOcipaOfs ne dépend donc de la rentabilité réelle de l’acOf sous-jacent.
Toutefois, Abdoullâh Ibn 'Amr (que Dieu l'agréé) rapporte que le
Prophète (PBSL) a dit: " Il n'est pas licite de combiner un emprunt et une
vente, ni de spécifier deux condiOons dans une vente, ni de *rer profit
01/11/20
14
35 000 65 000
3 900
000
65000 * 60
jours
Total 1 125 000 60 000 65 000
12 000
000
Déposant
2
01/01/20
14
50 000 50 000
7 500
000
50000 * 150
jours
01/06/20
14
50 000 100 000
9 000
000
100000 * 90
jours
01/09/20
14
- 100 000 -
01/12/20
14
50 000 50 000
1 500
000
50000 * 30
jours
Total 2 150 000
100
000
50 000
18 000
000
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48. de ce dont il n’est pas encore garan*t , ni de vendre ce qui ne 34
t'apparOent pas. " (TradiOon authenOfiée par A•rmidhi et Al Albâni). 35
En conséquence, les banques islamiques doivent abandonner ceke
technique des Numars et avoir des techniques et systèmes de
gesOon alternaOfs qui seront conformes à la Shari’a.
2. Transparence des informa7ons rapportées
Consciente de l’ampleur du risque de non-conformité à la Shari’a,
l’AAOIFI a adopté des mesures relaOves aux obligaOons de transparence,
dans ce sens, elle a émis 9 Normes traitant la gouvernance, l’audit et la
conformité Shari’a:
- GSIFI n°1 Les comités de supervision de la Shari’a: DésignaOon,
composiOon et rapport;
- GSIFI n° 2 L’audit Shari’a;
- GSIFI n°3 L’audit Shari’a Interne;
- GSIFI n°4 Les comités d’audit et de gouvernance pour les insOtuOons
financières islamiques;
- ASIFI n°1 Les objecOfs et principes d’audit;
- ASIFI n°2 Le rapport d’audit;
- ASIFI n°3 les termes d’engagement d’audit;
- ASIFI n°4 les travaux d’audit de conformité aux principes de la Shari’a
par un auditeur externe;
- ASIFI n°5 la responsabilité de l’auditeur dans la détecOon de la
fraude.
Toutefois, il existe au moins deux types de contrôles Shari’aOques: un
contrôle interne et un contrôle externe, parfois complété par un contrôle
central au niveau étaOque . Le contrôle ou l’audit interne est dévolu à 36
un groupe de vérificaOon interne à la banque islamique; ses missions se
limitent aux opéraOons quoOdiennes. Ses membres sont des salariés de
l’insOtuOon financière, qui répondront de leurs éventuelles fautes
professionnelles selon les règles du droit du travail. Le rôle de ce
contrôleur est limité aux opéraOons quoOdiennes; il n’a pas le rôle
d’iZaa , mais simplement de vérificaOon de la bonne applicaOon des 37
fatawas et des standards déclarés.
ٍﻒَﻠَﺳ َْﻦﻋ ﻰَﮭَﻧ " ﻢﱠوﺳﻠ ﻋﻠﯿﮫ ﱠﷲ ﻰّﺻﻠ ﱠﷲ رﺳﻮل نَأ ﻋﻨﮭﻤﺎ ﷲ رﺿﻲ ﻋﻤﺮ اﺑﻦ ﻋﻦ اﻟﺘﺮﻣﺬي أﺧﺮج 34
" . ْﻦَﻤُْﻀﯾ ْﻢَﻟ ﺎَﻣ ِْﺢﺑِر َْﻦﻋَو ، َكَﺪْﻨِﻋ َْﺲﯿَﻟ ﺎَﻣ ِْﻊﯿَﺑَو ، ٍْﻊﯿَﺑ ﻲِﻓ ِْﻦﯿَطَْﺮﺷَو ، ٍْﻊﯿَﺑَو
Mohamed Salah Al Othaymeen, « ;« اﻟﻌﺎﺷﺮ اﻟﻤﺠﻠﺪ - اﻟﻤﺴﺘﻘﻨﻊ زاد ﻋﻠﻰ اﻟﻤﻤﺘﻊ اﻟﺸﺮح35
1999.
F. ACHI et É. FORGET, « La gouvernance des comités Shari’a ».36
L’iftaa est l’art de déclarer une fatwa.37
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