Zero Waste : viabilité technique, économique et environnementale
Anne connan texte pdf
1. L'incinérateur d'Ivry sur Seine
et le projet de sa reconstruction
ZERO WASTE 1er février 2014 - Bobigny
Bonjour,
Avant de commencer, je voudrais saluer le conseil municipal d'Ivry qui a voté jeudi 30
janvier, lors du dernier conseil de la mandature, à l'unanimité moins 5 abstentions, un vœu
du groupe Ecologie-Ivry qui demande l'abandon du projet d'usine de TMB-méthanisation à
Ivry-Paris XIII, et la mise en place de la collecte sélective des bio-déchets.
C'est un grand pas de fait pour notre cause, et nous sommes très heureux de pouvoir vous
l'annoncer aujourd'hui.
1Je représente le Collectif 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) collectif d'associations qui
s'oppose au projet actuel de reconstruction de l'usine d'incinération des déchets situé entre
Paris et Ivry-sur-Seine, sur le même site que l'actuelle usine d'incinération..
Nous sommes des habitants d'Ivry, nous vivons sous les cheminées de l'incinérateur d'Ivry,
nos enfants vont à l'école dans une école maternelle et primaire qui est située à moins de
200 mètres des cheminées de l'usine, et ils respirent les rejets et poussières de l’usine qui
menacent leur santé. Nous nous battons pour une usine compatible avec une gestion
globale et écologique de nos déchets, respecteuse de l’environnement et de la santé des
populations.
Cette usine a été construite en 1969, il y a donc 45 ans. C'est le plus vieil incinérateur de sa
génération en France, le plus grand, et c'était jusqu'à il y a peu le plus grand d'Europe avec
ses 700 000 tonnes de déchets brûlés par an.
Avant d'être très tardivement mise aux normes européennes en 2005, 5 ans après la
directive européenne, les habitants d'Ivry et des communes environnantes ont subi rejets
pollués à la dioxine pendant 36 ans des , alors qu'on leur affirmait que les rejets étaient
inoffensifs.
Cet incinérateur appartient au SYCTOM qui est le syndicat de traitement des déchets le plus
important de France qui traite les déchets de Paris et de la moitié de l'Ile de France1.
Cette carte du Syctom que vous voyez montre les bassins versants du territoire du Syctom,
(c'est à dire les 4 zones de collecte des déchets), avec 3 grosses usines d'incinération (St
Ouen, Issy les Moulineaux, et Ivry sur Seine) et le centre de transfert de Romainville. Le
Syctom utilise aussi des incinérateurs privés, plus petits, à la lisière de son territoire; et il
gère des centres de tri et des déchetteries.
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2 millions 400 000 tonnes de déchets produits par 5,7 millions d'habitants.
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2. Environ 115 000 tonnes d'ordures ménagères sont encore mises en décharge à ClayesSouilly, la décharge dont vous a parlé Mireille de l'ADENCA et l'usine d'Ivry, très liée au
centre de transfert de Romainville, incinère 40% des déchets qui passent par ce centre2.
On peut remarquer que Paris intra muros, ne traite pas ses déchets, au grand dam des
habitants des banlieues, mais on peut aussi se féliciter que les choses bougent , un peu, et
que le SYCTOM prévoit des centres de tri à Paris, comme le centre de tri du 15ème ouvert
récemmment.
Historiquement le Syctom a toujours privilégié l'incinération.
C'est encore 77% des déchets ménagers traités sur son territoire qui sont incinérés, (et 8% qui
sont mis en décharge), alors que la loi Grenelle prévoit que pas plus de 60% des déchets d'un
territoire ne doivent être incinérés ou mis en décharge.
La politique du tout incinération, sous prétexte de valorisation énergétique ( les usines du
Syctom alimentent le chauffage urbain parisien) est ainsi responsable du retard pris par la
région parisienne en matière de réduction, de réutilisation, de tri et de recyclage avec un
résultat de tri et de valorisation de 15% pour le Syctom si on ne comptabilise pas les
mâchefers.
Depuis 2009, sous la pression des associations, le Syctom s'est lancé dans une politique de
réduction des déchets et d'encouragement au tri plus active avec un "Plan Metropole
déchets" doté d'un vrai budget, avec des objectifs compatibles avec le plan régional déchets,
objectifs encore bien modestes.
2- Une usine d'incinération
On nous demande souvent ce qu'on reproche à cette usine, belle, brillante, avec ses deux
grandes cheminées et ses panaches, et dont les résultats environnementaux respectent les
normes.
- Des tonnes de désinformation
Les Ivryens ont toujours connu une usine à déchets à cet endroit depuis le début du XXème
siècle, et ils y sont attachés. On a tout fait bien sûr pour la leur présenter comme une usine
inoffensive: les enfants l'appellent la "machine à nuages", on nous dit que les panaches sont
composés de 99% de vapeur d'eau…
- Des tonnes de rejets atmosphériques nocifs pour la santé.
En fait même si cette usine respecte bien les normes actuelles de traitement des fumées, ça
ne l'empêche pas d'être très polluante et nocive pour la santé des habitants, parce que son
tonnage est énorme.
Nous analysons chaque année ce qui sort des cheminées et en faisons un tract que vous
pourrez trouver sur notre stand.
Ce sont des tonnages très importants de gaz carbonique, d'oxyde d'azote, de dioxyde de
soufre, d'acide chorhydrique, de métaux lourds, de poussières qui sortent de ses cheminées.
Sans compter ce qui n'est pas analysé: les dioxines bromées, et surtout les particules
fines, qui concentrent la majeure partie de la pollution.
- Mâchefers et REFIOM vont de plus en plus gonfler les décharges
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135 800 tonnes sur 342 500 soit 1/5ème de la capacité d'Ivry (135 800 sur 690 000 tonnes incinérées)
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3. En fait tout ce qui rentre dans l'incinérateur ne disparaît pas en fumée. Et ce qui reste c'est à
dire 20 à 25% des déchets entrants, est devenu toxique:
- ce sont les mâchefers, et 2 à 3% de REFIOM, des cendres très dangereuses qui vont en
décharges de déchets dangereux 3.
En France, quand ils ne sont pas trop pollués, on utilise les mâchefers en sous-couche
routière. Mais certaines villes de France, certains pays comme la Suisse, refusent totalement
et avec raison leur utilisation, car à la longue ils polluent rivières et nappes phréatiques.
Depuis 2013, des contrôles plus sévères sur les polluants et sur la localisation de ces
mâchefers, rendent cette exploitation aléatoire, et les industriels s'inquiètent de ce qu'ils vont
pouvoir faire de ces résidus 4 qui iront gonfler les décharges et vont encore renchérir le coût
du traitement par incinération.
- Des coûts de plus en plus importants
En effet plus les filtres sont perfectionnés pour répondre aux nouvelles normes, plus
incinérer côute cher! Plus de la moitié du coût d'une usine d'incinération aujourd'hui est
consacré aux filtres, et il semble que ce soit un processus sans fin, puisque sans arrêt de
nouvelles molécules sont mises sur le marché, la réglementation est renforcée et on
s'apercevra toujours avec un temps de retard, que ce qui sort des cheminées n'est toujours
pas propre.
Incinérer coûte cher aussi parce que le procédé supporte une Taxe spéciale sur les activités
polluantes ou TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes).
- L'incinération contribue au changement climatique
par la production de gaz à effet de serre (CO2), et en brûlant des ressources qui devraient
être triées et recyclées.
- Un choix difficlement réversible et en contradiction avec une gestion plus
écologique des déchets
Les communes qui s'engagent dans ce type d'investissement hypothèquent l'avenir pour 40
à 50 ans. On ne peut pas faire fonctionner un four à capacité réduite, ni techiquement, ni
économiquement. Ce qui veut dire qu'il faut continuer à alimenter l'incinérateur en déchets,
et que pendant une à deux générations, toute politique de réduction, réutilisation, tri et
recyclage rentre en contradiction avec les besoins de l'incinérateur.
3- Le projet de reconstruction de l'usine de
traitement des déchets d'ivry sur Seine
Le Syctom parle de reconstruire une nouvelle usine depuis 10 ans.
Le projet de reconstruction prévoit en fait 2 usines (et 3 si on inclut le projet
complémentaire de Romainville) :
1 - une usine de TMB-méthanisation ou tri mécano-biologique avec méthanisation5 qui
prépare à l'incinération en triant industriellement d'un côté les déchets de cuisine, et de
l'autre des déchets de type cartons et plastiques, qu'on sèche et qu'on envoie en
incinération.
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48 000 tonnes pour le Syctom
340 000 tonnes pour le Syctom
De 310 000 tonnes après avoir été dimensionnée à 490 000 tonnes en 2009
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4. François Mouthon va vous en parler après moi.
2- Une 2ème usine qui est une usine d'incinération au tonnage soi-disant diminué de
moitié: 350 000 tonnes au lieu des 700 000 tonnes aujourd'hui.
C'est vrai et c'est faux, car cette usine d'incinération nouveau modèle, ne brûlerait pas la
même chose qu'aujourd'hui, c'est à dire les déchets en mélange de la poubelle résiduelle,
mais ces fameux déchets secs et concentrés triés par le TMB qu'on appelle des CSR
(combustibles solides de récupération). Ces CSR, une fois débarassés de la partie humide
des déchets, pèsent bien évidemment deux fois moins lourd.
3- Un projet très côuteux:
Ce projet est de plus très coûteux: 1 milliard d'euros pour les 2 usines, c'est à dire 2 fois le
coût de l'aéroport de Notre Dame des Landes, si on ne compte pas les infrastructures
routières qui ne serviront aussi la région.
Conclusions
Nous pensons qu'il faut refuser le projet de TMB-méthanisation parce que c'est un projet qui
est
- dangereux
- que c'est une aberration écologique
- qu'il n'a d'utilité que pour les industriels à qui il fournit un nouveau marché pour 20-30 ans
- et qu'il ne fait que masquer le retard préoccupant de Paris et de sa région en matière de
gestion des déchets.
En ce qui concerne l'usine d'incinération, nous demandons:
- un moratoire sur sa reconstruction, dans l'attente de la mise en place et des résultats d'une
politique dynamique de réduction des déchets, de réutilisation et de tri/recyclage, avec
collecte sélective des bio-déchets.
- en utilisant les moyens financiers dégagés par la non reconstruction de l'usine,
- et en mutualisant les capacités d'incinération de l'Ile de France qui sont largement
suffisantes.
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