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1. Réflexions sur l'urgence et la nécessité pour les avocats
d'adopter un système de « Knowledge Management»
Cet article a pour objet d'exposer quelques réflexions générales sur l'évolution du métier
d'avocat (1)
, qui m'ont été suggérées, notamment, par l'expérience de mise en place d'un projet
de « Knowledge Management» que je conduis au sein du cabinet Archibald depuis un an. Au
centre de ces réflexions se situe la question de l'impact de la montée en puissance des
nouvelles technologies en général (1) et d'Internet en particulier (2) sur l'activité des cabinets
d'avocats, ainsi que la question de savoir si l'enjeu d'un tel projet se limite au partage de
connaissances ou si la mise en place d'une fonction « Knowledge» implique une réflexion plus
profonde sur la manière d'exercer le métier (3). Les résistances auxquelles se heurte la mise en
œuvre d'un tel projet (4) militent en faveur de cette dernière conception. Elles ne doivent
cependant pas empêcher le métier d'avocat d'évoluer vers un mode d'exercice sensiblement
différent du mode traditionnel. Cette évolution est, en effet, nécessaire, et, pour tout dire,
inéluctable.
1. DE L'IMPORTANCE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
On le sait, le métier d'avocat est un métier de services, fondé sur l'échange de connaissances
immatérielles. Il est donc naturel qu'il soit au plus haut point concerné par les nouvelles
technologies, dont la vocation est précisément de faciliter et d'accélérer l'échange
d'informations. La banalisation de ces technologies devrait donc inciter les avocats à se
préoccuper de toute urgence de la manière dont elles sont susceptibles de modifier les
conditions d'exercice de leur métier. Malheureusement, cette préoccupation reste en général
abstraite car il est rare que les avocats aient beaucoup d'appétit pour lesdites nouvelles
technologies, qu'ils ont tendance à considérer comme réservées à l'usage de leurs secrétaires,
eux-mêmes se concentrant sur la « partie noble» du métier, c'est-à-dire la réflexion juridique
et l'échange avec le client. Ce faisant, bon nombre d'entre eux occulte le fait, d'importance
pourtant majeure, que les méthodes de travail de leurs clients ont été profondément
bouleversées au cours de la dernière décennie. En effet, la pratique de l'échange de données
électroniques au sein des entreprises s'est répandue à ce point que l'on peut aujourd'hui
considérer que l'entreprise est souvent devenue un univers virtuel à part entière, au sein
duquel les informations s'échangent et circulent librement. Dans ces conditions, comment
imaginer que les cabinets d'avocats continuent à travailler de façon artisanale et cloisonnée,
sans avoir assimilé ces pratiques ?
Ce postulat accepté, la question reste entière de savoir comment utiliser lesdites nouvelles
technologies. L'expérience prouve, qu'à ce stade de la réflexion, la plupart des avocats ont
tendance à focaliser le débat sur les outils, s'engageant dans des discussions complexes sur les
mérites comparés de tel logiciel ou de telle base de données. Il est rare que la question de
savoir dans quel but ledit logiciel ou ladite base de données sera utilisé soit véritablement
traitée. Pourtant, la réponse à cette question est fondamentale. Seule une vision claire des
objectifs à atteindre garantit le succès d'un projet informatique, quel qu'il soit.
2. DE L'USAGE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Des nouvelles technologies, certes, mais pour quoi faire ?
2.1 - Les tendances qui affectent le marché de la prestation de services juridiques
La première étape du raisonnement qui permettra de répondre à cette question difficile
consiste à réfléchir aux tendances qui affectent aujourd'hui l'offre de services juridiques. Ces
tendances me paraissent caractérisées par un double mouvement, d'ailleurs en partie
contradictoire, de banalisation et de complexification.
Banalisation, car l'accélération formidable de la vie économique rend nécessaire une relative
standardisation des processus qui la régulent, tout particulièrement dans le domaine du droit ;
c'est ainsi, par exemple, que l'on a assisté au cours de la dernière décennie à une « quasi-
codification» d'un certain nombre de contrats (2)
. Parallèlement, la pression à la baisse des prix
exercée par les clients est toujours plus forte. Elle est justifiée en partie par ce phénomène de
standardisation, qui leur paraît de nature à générer pour les rédacteurs d'actes un gain de
temps, et donc d'honoraires, dont ils entendent bien profiter. Dans ces conditions, il devient
impératif pour l'avocat de mieux maîtriser le temps passé à la rédaction d'actes proprement
dite (3)
. Cette meilleure utilisation de son temps lui permettra, d'ailleurs, de mieux se
consacrer à la négociation ou à la relation avec le client, activités porteuses d'une plus grande
valeur ajoutée. La recherche d'une productivité optimale doit donc devenir une préoccupation
essentielle. Cette amélioration sera obtenue par une meilleure organisation du travail :
formalisation des méthodes d'appréhension des problèmes, centralisation et indexation des
documents de travail réalisés dans le passé, élaboration de modèles, etc.
Complexification, en raison de la multiplication des sources d'information et des moyens d'y
accéder. De ce fait, la recherche d'informations, qui précède et nourrit nécessairement la
réflexion juridique, devient un exercice infiniment plus ardu qu'autrefois. Ceci est d'autant plus
paradoxal que la richesse des sources disponibles peut, au contraire, apparaître comme un
facteur facilitant. Ce serait oublier que la pratique du droit des affaires est un exercice risqué
et qu'un raisonnement ou une action qui omettrait de prendre en compte un élément de
l'environnement juridique pertinent ferait encourir à l'avocat - et à son client ! - des risques
importants. Les multiples « affaires» dont font état les journaux sont là pour en témoigner.
Dans ce contexte, il devient indispensable d'offrir à l'avocat des repères qui lui permettront
d'orienter sa réflexion sans lui faire courir le risque de passer à côté d'un élément important.
L'on voit alors se dessiner un premier élément de réponse à la question des objectifs : les
nouvelles technologies doivent permettre à l'avocat, d'une part, d'améliorer sa productivité
pour mieux se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée et, d'autre part, de
structurer son accès au savoir juridique en lui offrant des repères simples et lisibles.
2.2 - L'impact de l'Internet sur l'offre de services juridiques
Ces éléments de réflexion doivent être complétés par la prise en compte de la montée en
puissance d'Internet et de son impact sur l'offre de services juridiques. La visite des sites
Internet montés par la plupart des cabinets anglo-saxons, et tout particulièrement anglais et
australiens, permet d'établir une typologie de ces sites en distinguant différentes «
générations».
La première génération est constituée des sites que l'on pourrait caractériser comme « sites-
vitrines» : ces sites ont la même vocation qu'une brochure traditionnelle et présentent les
activités du cabinet, sans offrir de réelle valeur ajoutée. Nombreux sont les cabinets français
qui possèdent aujourd'hui de tels sites. La deuxième génération est celle des sites partagés
avec le client, qu'il s'agisse de sites permettant l'accès à un système de veille juridique,
d'espaces de travail partagés sur un extranet aux accès sécurisés, dédiés à une transaction ou à
un projet (4)
, ou encore de portails réservés à un client, sur lesquels sont publiées des
informations sélectionnées en fonction de ses propres centres d'intérêt. Beaucoup plus rares
sont les cabinets français qui ont mis en place ce type d'outils. Enfin, la troisième génération
est celle des systèmes experts accessibles via l'Internet. Il peut s'agir, par exemple, de la
construction en collaboration avec le client de systèmes de rédaction automatisée de contrats
(5)
ou d'outils de résolution de conflits en ligne (6)
. En dehors de quelques cabinets anglais très
en pointe sur le sujet, personne n'en est encore arrivé à cette étape.
La conviction que l'on peut retirer de cette analyse des sites Internet de cabinets anglo-saxons
est que tous les cabinets d'affaires devront, à une échéance plus ou moins proche, réfléchir à
ce que pourrait signifier pour eux une offre de services « en ligne». Les clients que nous avons
pu interroger à ce sujet ont, d'ailleurs, tous manifesté un vif intérêt pour ce type de
prestation.
2.3 - Les nouveaux modes d'exercice du métier d'avocat
Cette conviction que l'offre de services juridiques en ligne est appelée à se développer peut
rarement être énoncée sans soulever une vive polémique. En particulier, cette idée paraît tout
à fait iconoclaste aux nombreux avocats d'affaires français qui sont convaincus de « faire de la
haute-couture», autrement dit de fournir des prestations intellectuelles si « uniques»,
qu'aucune ne peut être comparée à la précédente. Pour cette catégorie d'avocats, il y aurait
d'un côté les cabinets centrés sur la « haute couture», peuplés d'experts, qui forment
l'aristocratie du métier, et de l'autre côté les cabinets centrés sur « le prêt-à-porter», qui
vendent éternellement le même modèle de contrat. Derrière cette affirmation, on voit se
dessiner une hiérarchisation implicite des modes d'exercice du métier d'avocat. Seule la
pratique de la « haute-couture» serait la manière « noble» d'exercer le métier, toute autre
modalité participant d'un « sous-métier» peu compatible avec les principes essentiels de la
profession.
Pourtant, il semble indéniable que le marché de la prestation de services juridiques, comme
l'ensemble des marchés de fournitures de services professionnels, subit un processus
comparable au processus d'industrialisation : les « produits» ou « solutions» vendus aux clients
connaissent un cycle de vie qui peut se traduire par une courbe ascendante, puis descendante.
Lorsque le « produit» est en phase ascendante, il est encore rare et complexe, et génère
beaucoup de valeur ajoutée, car il fait appel aux qualités personnelles de l'avocat, qui ne
peuvent être mises en partage. Il est clair, par exemple, que l'offre de services qui correspond
au conseil pour des opérations boursières se situerait sur la phase ascendante de la courbe. À
l'inverse, le produit qui se place après le point d'inflexion de la courbe recèle peu de valeur
ajoutée, car il est offert avec un niveau de qualité satisfaisant par de nombreux acteurs sur le
marché. Tel est le cas, par exemple, de l'offre de services qui correspond à la création d'une
société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme. La banalisation d'une telle offre a
entraîné la fixation d'un prix de marché, généralement assez bas, qui laisse peu de place pour
l'intervention humaine de l'avocat, dont le taux horaire facturable est généralement trop élevé
pour qu'il puisse s'autoriser sans risque de perte à consacrer beaucoup de temps à la fourniture
de la prestation en question.
Ces affirmations en apparence contradictoires sont toutes aussi vraies les unes que les autres,
et tendent simplement à prouver qu'il n'y a plus aujourd'hui une, mais plusieurs manières
d'exercer le métier d'avocat (1)
. Pour autant, je ne crois pas qu'il soit juste de penser en termes
de segmentation de marché ; c'est le métier de chacun qui s'est enrichi de composantes
autrefois inconnues, aujourd'hui nécessaires et le plus souvent intimement mêlées.
En simplifiant, on pourrait dire que l'avocat qui autrefois se contentait d'exercer son métier
comme un expert travaillant de façon individuelle et artisanale doit aujourd'hui également être
capable d'élaborer les modèles d'actes qui lui permettront d'améliorer sa productivité pour
répondre à des clients toujours plus exigeants et plus pressés, voire de mettre au point des
solutions « clés en mains» pour développer son fonds de commerce, ou encore de mettre à
disposition de son client, via Internet, les fameux services « en ligne», dont les cabinets anglo-
saxons estiment qu'ils recèleront la valeur ajoutée de demain. Il y a, en effet, fort à parier que
ce sont les mêmes clients qui auront successivement ou concomitamment besoin d'expertises
pointues sur des points de droit délicats, de contrats assez standardisés qu'ils refuseront de
payer trop chers, voire de solutions toutes faites, et qui solliciteront leurs avocats pour avoir
accès à des sites Internet leur permettant de se bâtir eux-mêmes leur propre expertise ou leurs
propres solutions juridiques. En d'autres termes, chaque avocat a aujourd'hui vocation à
travailler sur ces différents registres ; simplement, le temps alloué à chacune de ces facettes
du métier variera en fonction des aptitudes personnelles et de l'expérience professionnelle de
l'avocat concerné.
Sous cet angle d'analyse, on voit émerger les éléments de réponse à la question qui nous
occupe : les nouvelles technologies doivent permettre aux avocats de mettre en forme et de
partager les connaissances juridiques qui contribuent à forger leur expérience professionnelle,
pour leur donner le temps et les moyens de se concentrer sur les activités à plus forte valeur
ajoutée, et ainsi accéder à la partie « noble» du métier dont il était question plus haut. C'est
l'enjeu de tout système de « Knowledge Management».
Précisons qu'une des originalités du système de Knowledge Management mis en place au sein du
cabinet Archibald est d'avoir structuré ce savoir juridique non pas en fonction des spécialités
ou de l'organisation interne du cabinet, mais en fonction de problématiques correspondant à
des besoins de clients (lesdites problématiques étant appelées en interne des « Packages»).
Cette manière de structurer le Knowledge permet en outre de résoudre la question du contenu
de l'offre de service en ligne, par l'ouverture partielle du système de Knowledge interne au
client lorsque la « solution» correspondant à une problématique donnée entre dans une phase
de maturité suffisante, c'est-à-dire lorsqu'elle se situe sur la phase descendante de la courbe
évoquée plus haut. Elle crée également un cadre approprié à la réflexion sur la manière de
vendre au client l'offre de services qui correspond à une problématique, et permet ainsi
d'ajouter aux outils techniques du système de Knowledge des outils d'aide au développement
commercial.
3. Partage des connaissances : vers un jeu collectif ?
Un des bénéfices annexes, et non des moindres, de la mise en œuvre d'un système de
Knowledge Management, est d'assurer la transmissibilité et la pérennité du savoir technique au
sein du cabinet. Il n'y a là rien de très neuf, la plupart des cabinets d'affaires ayant déjà fait
l'effort, au cours de la dernière décennie, de constituer des bases de données internes, qu'il
s'agisse de « précédents» (7)
, c'est-à-dire de consultations ou de contrats produits par le
cabinet, ou de modèles, c'est-à-dire de documents standardisés de manière à servir de point de
départ à la rédaction d'un acte juridique. Ce recul d'une dizaine d'années permet de constater
que la difficulté n'est pas de constituer la base de données, mais plutôt d'en organiser la mise à
jour. Traditionnellement, cette mise à jour est confiée à des avocats dédiés à cette fonction.
Mais c'est précisément là que se situe la limite du système : en effet, ces professionnels dédiés
ne sont pas les mieux placés pour être au fait des meilleures pratiques du marché, car ils ne
sont pas en contact avec les clients. De plus, le fait que la production des modèles soit confiée
à d'autres que les avocats utilisateurs n'incite pas ces derniers à se servir desdits modèles, car
ils ne peuvent se les approprier, n'ayant pas directement contribué à leur rédaction. Tout
avocat ayant exercé au sein d'un cabinet d'affaires connaît la propension de chacun des
associés à utiliser comme point de départ des actes qu'il a lui-même rédigés ou, à tout le
moins, utilisés dans des transactions antérieures, et ce, quand bien même il existe des bases
de données de modèles. Ceci est une indication parmi d'autres d'un des inconvénients de ce
système, qui induit une certaine dévalorisation de la fonction Knowledge, car il est implicite
que les avocats dédiés au tri de précédents ou à la production de modèles n'accèdent pas à la
partie noble du métier, telle que déjà décrite. Leur activité suscite donc, au pire, une certaine
forme de mépris, au mieux une forme d'indifférence peu propice à la construction d'un
véritable « affectio societatis» au sein du cabinet.
Il est donc indispensable que la production et la maintenance des bases de données Knowledge
soient confiées aux avocats qui sont au contact des clients plutôt qu'à un groupe de
professionnels dédiés. De cette manière, chacun peut s'approprier une petite partie de cette
fonction Knowledge, qui devient ainsi partie intégrante du métier de l'avocat. Cette
appropriation sera d'autant plus aisée que l'avocat aura une perception claire de ce que sa
contribution au Knowledge peut l'aider à se concentrer sur les travaux à plus forte valeur
ajoutée, et ainsi progresser vers une plus grande expertise dans son domaine.
Je suis, pour ma part, convaincue qu'un système de Knowledge performant ne peut se
concevoir sans la contribution de chacun, surtout celle des associés les plus expérimentés. Plus
ces derniers contribueront, en effet, meilleure sera la qualité des connaissances mises en
partage.
L'enjeu est ici de faire en sorte que le Knowledge rassemble l'addition des expériences
professionnelles individuelles de chacun, pour devenir la représentation écrite de l'expérience
collective du cabinet. Ceci n'est possible qu'à la condition que chacun s'astreigne à décrire
cette part de son savoir qui est le plus souvent tacite, et qui constitue la somme des
enseignements qu'il a tirée des dossiers qu'il a traités. Au fond, il s'agit de se constituer un aide
mémoire exhaustif et aisément accessible, qui vienne suppléer ou compléter une mémoire
individuelle nécessairement limitée. Dans cette perspective, le système de Knowledge
Management devient en quelque sorte le prolongement du cerveau de l'avocat. Le concevoir
comme un outil collectif, auquel chacun a librement accès parce qu'il y contribue, revient à
considérer le cabinet d'avocats comme une véritable entreprise, au sens d'équipe soudée par un
objectif commun. En l'occurrence, cet objectif est le développement d'un fonds de commerce
capable de survivre aux modifications de la composition ou du périmètre de l'équipe.
C'est pourquoi ce choix a été retenu au sein du cabinet Archibald, chacun des thèmes
correspondant à une problématique de client ayant été confié à un groupe de travail composé
d'avocats appartenant aux différentes spécialités nécessaires à la fourniture du service auquel
correspond ladite problématique. Cette manière de procéder présente un avantage
supplémentaire, qui est d'inciter des avocats de spécialités différentes à réfléchir ensemble à
la meilleure manière de répondre au besoin de client correspondant à la problématique sur
laquelle ils travaillent. On voit poindre ici une notion qui dépasse les connaissances proprement
dites pour s'apparenter à un système de management des équipes, en vue d'une amélioration
du service rendu au client.
Chaque problématique retenue ayant été organisée sous la forme d'une base de données
accessible via un portail Intranet dédié, il a été nécessaire de prévoir un portail d'accès unique
au système de Knowledge Management ainsi organisé. Ce portail a été réalisé sous la forme
d'un bureau électronique qui rassemble toutes les informations nécessaires à la pratique
quotidienne de l'avocat. Chacun dispose ainsi d'un « bureau virtuel» auquel il peut se connecter
à distance au moyen d'une simple ligne de téléphone. L'outil Knowledge ainsi construit permet
donc d'abolir le temps et les distances géographiques, et ce d'autant plus que chaque groupe de
travail s'est vu attribuer un espace de travail partagé sur l'Intranet du cabinet, au sein duquel il
peut prendre connaissance des dates et de l'ordre du jour des réunions, des tâches attribuées à
chacun lors des réunions de travail, ainsi que des documents de travail publiés au fur et à
mesure de l'avancement des travaux. À l'effet fédérateur de la constitution des groupes de
travail dédiés s'ajoute ainsi l'effet décloisonnant de l'utilisation optimale des possibilités
offertes par l'Internet.
Ajoutons enfin que la facilité de navigation qu'offre la technique du lien hypertexte permet une
circulation aisée, voire ludique, qui contribue à répondre au besoin énoncé ci-dessus de
structurer l'accès au savoir juridique en offrant des repères simples et lisibles.
4. DES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA DÉMARCHE
À ce stade de la lecture, je suis certaine que chacun se demande comment il est possible de
raisonnablement envisager que des avocats surchargés de travail et soumis à la pression
quotidienne des clients puissent contribuer à un tel projet. Il est vrai qu'il existe une résistance
spontanée face à ce type de projet, qui s'explique par un certain nombre de facteurs que je
vais maintenant essayer d'expliciter, en même temps que j'exposerai les éléments de solutions
qui peuvent être apportés.
4.1 - La difficulté à partager
La première et la plus importante des résistances rencontrées résulte d'une certaine aversion à
mettre son savoir en partage. Cette aversion s'explique par de nombreuses raisons, parmi
lesquelles on peut citer, sans que cette liste soit bien sûr exhaustive, la crainte de soumettre
son travail au jugement de ses pairs, la crainte d'être « pillé», ou encore la crainte de
«détruire» son fonds de commerce en dévoilant son savoir.
Mais il est des raisons sans doute plus profondes, qui tiennent à la fois à la culture propre des
avocats et à l'enracinement de cette profession dans la culture et les valeurs traditionnelles
françaises.
Le métier d'avocat est un métier difficile, notamment en ce qu'il induit une relative et
permanente insécurité, source de remise en question personnelle. Non seulement il faut sans
cesse trouver de nouveaux clients, mais il faut encore s'appliquer à obtenir leur satisfaction,
faute de quoi la réputation professionnelle est remise en question et la capacité à trouver de
nouveaux clients compromise. Sans doute pour ces raisons, les notions d'ego, de pouvoir et de
savoir sont souvent intimement mêlées chez les avocats d'affaires, ce qui, évidemment, n'est
pas une circonstance propice au partage des connaissances. À cela il faut ajouter que la
profession est traditionnellement attachée à des valeurs de liberté et d'autonomie, ce qui ne
favorise pas le jeu collectif dont il était question plus haut. Enfin, la culture française, en
général, n'est pas favorable au travail en équipe ni au partage des connaissances. Il suffit pour
s'en convaincre d'observer nos méthodes d'enseignement. À ce sujet, une anecdote ancienne
me revient en mémoire ; lycéenne, j'avais pris l'habitude de préparer mes devoirs avec une
camarade ; un jour, nous avons décidé de rendre une copie commune, plutôt que deux devoirs
identiques ; nous avons été convoquées chez le proviseur et dûment chapitrées sur la nécessité
de « ne pas copier sur son voisin» ! Comment imaginer que des enfants élevés dans ce climat
deviennent des adultes enclins à mettre leur savoir en partage ?
Il existe, toutefois, certains moyens pour désamorcer cette aversion naturelle au partage.
Le premier consiste à convaincre de la nécessité du partage. Ce qui semblerait un exercice
aisé dans une entreprise s'avère plus difficile dans le contexte d'un cabinet d'avocats, où
l'affectio societatis est souvent moins développé en raison de la juxtaposition de pratiques
individuelles. Il est intéressant, à cet égard, de constater que ceux qui sont les plus facilement
convaincus de la nécessité du partage sont en général les avocats en charge du management du
cabinet.
Une autre manière d'aborder la question est d'insister sur l'utilité du partage. Il sera aisé
d'emporter la conviction des plus jeunes, dont la soif d'apprendre pour progresser est immense,
mais nettement plus difficile d'impliquer les avocats très expérimentés, qui sont depuis
longtemps autonomes dans leur mode de fonctionnement. Il me semble possible de distinguer
au sein de cette population deux catégories, auprès desquelles on fera valoir des arguments
différents.
La première est constituée des avocats qui sont encore en phase de développement de
clientèle ; à ceux-là, il faudra faire comprendre que le fait de modéliser son savoir technique
aide à mieux se l'approprier, et donc, à mieux le vendre. L'argument sera d'autant plus fort que
l'on aura pris la peine, comme c'est le cas du système de Knowledge Management que nous
avons mis en place au sein du cabinet Archibald, de compléter le dispositif par un volet d'aide à
l'identification de clients susceptibles d'être intéressés par les thèmes correspondant aux
problématiques sélectionnées, complété par des éléments permettant de correctement
appréhender les besoins ainsi identifiés.
La seconde est constituée des avocats très expérimentés qui peuvent prospérer dans une
relative autonomie ; à ceux-là, il faudra faire valoir que la contribution à un système de
Knowledge ouvert sera une manière de leur permettre de remplir la fonction de « mentor» ou
de parrain traditionnellement dévolue aux avocats ayant assis leur réussite professionnelle. Il
leur revient, en effet, de tendre la main aux plus jeunes et d'assurer la pérennité de la
profession en leur transmettant leur savoir. Le Knowledge est un bon moyen d'assumer cette
mission.
4.2 - La peur de l'outil informatique
Un autre motif de résistance tient à un phénomène que je décrirai globalement comme la peur
de l'outil informatique, que je vais essayer d'analyser. Ici encore, il faut distinguer plusieurs
catégories : les avocats qui ne peuvent se passer de l'outil informatique, ceux qui l'utilisent
contraints et forcés, en souhaitant ardemment limiter au maximum leur contact avec cet outil
dont l'usage devrait, dans toute la mesure du possible, être réservé à leur secrétaire ou aux
plus jeunes collaborateurs, et ceux qui n'ont pas d'ordinateur sur leur bureau, ou, ce qui
revient au même, qui en ont un mais ne savent pas comment l'allumer. Bien que l'âge puisse
parfois jouer un rôle, ce n'est pas réellement le facteur discriminant. Bien plus importante est
la perception que l'avocat a, ou n'a pas, du gain d'efficacité et du confort de travail que peut
lui procurer l'outil informatique. Certains restent absolument persuadés de la supériorité du
dictaphone, et après tout, peut-être ont-ils raison pour ce qui est de l'exercice quotidien de
leur métier.
Quoi qu'il en soit, il résulte des rapports un peu particuliers que la profession entretient avec
l'informatique que tout outil qui utilise une autre technique que le traitement de texte ou l'e-
mail apparaît comme très mystérieux, voire vaguement menaçant. J'en veux pour preuve les
réactions étonnées que j'ai pu constater chez les avocats du cabinet Archibald lorsque je leur ai
expliqué que les documents destinés à être intégrés dans les bases Knowledge seraient saisis
directement par les responsables des groupes de travail dans les bases Internet, et que cet
exercice n'était pas beaucoup plus compliqué que l'envoi d'un e-mail par Lotus Notes (8)
. Il leur
avait au contraire semblé que l'outil Knowledge que je leur proposais d'alimenter par ces saisies
était figé dans une redoutable rigidité, et cette impression agissait comme un frein à leur
volonté de mettre en ligne sur les portails Intranet les documents avant qu'ils ne soient dans un
stade tout à fait finalisé, proche de la perfection. Or, cette manière de procéder est contraire
au principe même du système de Knowledge décentralisé que nous avons souhaité mettre en
place, principe qui veut que la phase du projet durant laquelle les groupes de travail seront
seulement chargés de mettre à jour le contenu de chacun des portails consacrés à une
problématique de client soit pratiquement aussi active que la phase de construction et mise en
ligne desdits portails. C'est pourquoi j'ai beaucoup insisté, dans la communication interne, sur
le fait que le projet ne serait jamais à proprement parler « fini». En effet, d'une part, les bases
de données auxquelles les portails permettent d'accéder ont vocation à être entretenues et
régulièrement mises à jour par les groupes de travail dédiés, et, d'autre part, le choix des
problématiques considérées comme prioritaires a vocation à évoluer dans le temps pour mieux
« coller» à la demande des clients.
Il est vrai que j'ai été moi-même agréablement surprise de constater qu'avec un bon support de
formation, et beaucoup de pédagogie, l'apprentissage de la saisie dans ces bases s'est
finalement avéré moins difficile que je ne l'avais anticipé. C'est ainsi que j'ai pris conscience de
la nécessité absolue de démystifier l'outil informatique pour que les avocats se décident à
l'utiliser. En réalité, ce n'est pas tant la peur de l'outil lui-même qui est bloquante, mais la
crainte de ne pas savoir s'en servir. C'est pourquoi il importe de beaucoup insister sur la
simplicité d'utilisation, démarche exactement inverse de celle qu'ont tendance à adopter les
informaticiens ou les consultants spécialisés. À cet égard, il est important que le formateur -
ou, en l'occurrence, la formatrice - soit avocat, afin qu'il ait une compréhension intime des
réflexes qui seront ceux des avocats à qui il enseigne le maniement des nouvelles technologies.
De cette expérience réussie au sein du cabinet Archibald, j'ai retiré la conviction que la clé du
succès pour la mise en place d'un système de Knowledge Management réside dans le choix
initial d'un jeu collectif, combiné à la vision claire qu'a chaque utilisateur du gain de temps et
de qualité que lui procurera l'outil Knowledge une fois entré en phase opérationnelle.
J'en ai aussi retiré la conviction que le métier d'avocat est appelé à se transformer
considérablement au contact des multiples possibilités d'interaction avec le client offertes par
les nouvelles technologies, et que l'émergence de systèmes de Knowledge Management, tels
que celui que nous avons mis en place, prouve que cette transformation est déjà en marche.
Valérie TANDEAU DE MARSAC
Avocat associée en charge du Knowledge Cabinet Archibald

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Réflexion sur l'urgence et la nécessité pour les avocats d'adopter un système de "Knowledge Management"

  • 1. 1. Réflexions sur l'urgence et la nécessité pour les avocats d'adopter un système de « Knowledge Management» Cet article a pour objet d'exposer quelques réflexions générales sur l'évolution du métier d'avocat (1) , qui m'ont été suggérées, notamment, par l'expérience de mise en place d'un projet de « Knowledge Management» que je conduis au sein du cabinet Archibald depuis un an. Au centre de ces réflexions se situe la question de l'impact de la montée en puissance des nouvelles technologies en général (1) et d'Internet en particulier (2) sur l'activité des cabinets d'avocats, ainsi que la question de savoir si l'enjeu d'un tel projet se limite au partage de connaissances ou si la mise en place d'une fonction « Knowledge» implique une réflexion plus profonde sur la manière d'exercer le métier (3). Les résistances auxquelles se heurte la mise en œuvre d'un tel projet (4) militent en faveur de cette dernière conception. Elles ne doivent cependant pas empêcher le métier d'avocat d'évoluer vers un mode d'exercice sensiblement différent du mode traditionnel. Cette évolution est, en effet, nécessaire, et, pour tout dire, inéluctable. 1. DE L'IMPORTANCE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES On le sait, le métier d'avocat est un métier de services, fondé sur l'échange de connaissances immatérielles. Il est donc naturel qu'il soit au plus haut point concerné par les nouvelles technologies, dont la vocation est précisément de faciliter et d'accélérer l'échange d'informations. La banalisation de ces technologies devrait donc inciter les avocats à se préoccuper de toute urgence de la manière dont elles sont susceptibles de modifier les conditions d'exercice de leur métier. Malheureusement, cette préoccupation reste en général abstraite car il est rare que les avocats aient beaucoup d'appétit pour lesdites nouvelles technologies, qu'ils ont tendance à considérer comme réservées à l'usage de leurs secrétaires, eux-mêmes se concentrant sur la « partie noble» du métier, c'est-à-dire la réflexion juridique et l'échange avec le client. Ce faisant, bon nombre d'entre eux occulte le fait, d'importance pourtant majeure, que les méthodes de travail de leurs clients ont été profondément bouleversées au cours de la dernière décennie. En effet, la pratique de l'échange de données électroniques au sein des entreprises s'est répandue à ce point que l'on peut aujourd'hui considérer que l'entreprise est souvent devenue un univers virtuel à part entière, au sein duquel les informations s'échangent et circulent librement. Dans ces conditions, comment imaginer que les cabinets d'avocats continuent à travailler de façon artisanale et cloisonnée, sans avoir assimilé ces pratiques ? Ce postulat accepté, la question reste entière de savoir comment utiliser lesdites nouvelles technologies. L'expérience prouve, qu'à ce stade de la réflexion, la plupart des avocats ont
  • 2. tendance à focaliser le débat sur les outils, s'engageant dans des discussions complexes sur les mérites comparés de tel logiciel ou de telle base de données. Il est rare que la question de savoir dans quel but ledit logiciel ou ladite base de données sera utilisé soit véritablement traitée. Pourtant, la réponse à cette question est fondamentale. Seule une vision claire des objectifs à atteindre garantit le succès d'un projet informatique, quel qu'il soit. 2. DE L'USAGE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES Des nouvelles technologies, certes, mais pour quoi faire ? 2.1 - Les tendances qui affectent le marché de la prestation de services juridiques La première étape du raisonnement qui permettra de répondre à cette question difficile consiste à réfléchir aux tendances qui affectent aujourd'hui l'offre de services juridiques. Ces tendances me paraissent caractérisées par un double mouvement, d'ailleurs en partie contradictoire, de banalisation et de complexification. Banalisation, car l'accélération formidable de la vie économique rend nécessaire une relative standardisation des processus qui la régulent, tout particulièrement dans le domaine du droit ; c'est ainsi, par exemple, que l'on a assisté au cours de la dernière décennie à une « quasi- codification» d'un certain nombre de contrats (2) . Parallèlement, la pression à la baisse des prix exercée par les clients est toujours plus forte. Elle est justifiée en partie par ce phénomène de standardisation, qui leur paraît de nature à générer pour les rédacteurs d'actes un gain de temps, et donc d'honoraires, dont ils entendent bien profiter. Dans ces conditions, il devient impératif pour l'avocat de mieux maîtriser le temps passé à la rédaction d'actes proprement dite (3) . Cette meilleure utilisation de son temps lui permettra, d'ailleurs, de mieux se consacrer à la négociation ou à la relation avec le client, activités porteuses d'une plus grande valeur ajoutée. La recherche d'une productivité optimale doit donc devenir une préoccupation essentielle. Cette amélioration sera obtenue par une meilleure organisation du travail : formalisation des méthodes d'appréhension des problèmes, centralisation et indexation des documents de travail réalisés dans le passé, élaboration de modèles, etc. Complexification, en raison de la multiplication des sources d'information et des moyens d'y accéder. De ce fait, la recherche d'informations, qui précède et nourrit nécessairement la réflexion juridique, devient un exercice infiniment plus ardu qu'autrefois. Ceci est d'autant plus paradoxal que la richesse des sources disponibles peut, au contraire, apparaître comme un facteur facilitant. Ce serait oublier que la pratique du droit des affaires est un exercice risqué et qu'un raisonnement ou une action qui omettrait de prendre en compte un élément de l'environnement juridique pertinent ferait encourir à l'avocat - et à son client ! - des risques importants. Les multiples « affaires» dont font état les journaux sont là pour en témoigner.
  • 3. Dans ce contexte, il devient indispensable d'offrir à l'avocat des repères qui lui permettront d'orienter sa réflexion sans lui faire courir le risque de passer à côté d'un élément important. L'on voit alors se dessiner un premier élément de réponse à la question des objectifs : les nouvelles technologies doivent permettre à l'avocat, d'une part, d'améliorer sa productivité pour mieux se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée et, d'autre part, de structurer son accès au savoir juridique en lui offrant des repères simples et lisibles. 2.2 - L'impact de l'Internet sur l'offre de services juridiques Ces éléments de réflexion doivent être complétés par la prise en compte de la montée en puissance d'Internet et de son impact sur l'offre de services juridiques. La visite des sites Internet montés par la plupart des cabinets anglo-saxons, et tout particulièrement anglais et australiens, permet d'établir une typologie de ces sites en distinguant différentes « générations». La première génération est constituée des sites que l'on pourrait caractériser comme « sites- vitrines» : ces sites ont la même vocation qu'une brochure traditionnelle et présentent les activités du cabinet, sans offrir de réelle valeur ajoutée. Nombreux sont les cabinets français qui possèdent aujourd'hui de tels sites. La deuxième génération est celle des sites partagés avec le client, qu'il s'agisse de sites permettant l'accès à un système de veille juridique, d'espaces de travail partagés sur un extranet aux accès sécurisés, dédiés à une transaction ou à un projet (4) , ou encore de portails réservés à un client, sur lesquels sont publiées des informations sélectionnées en fonction de ses propres centres d'intérêt. Beaucoup plus rares sont les cabinets français qui ont mis en place ce type d'outils. Enfin, la troisième génération est celle des systèmes experts accessibles via l'Internet. Il peut s'agir, par exemple, de la construction en collaboration avec le client de systèmes de rédaction automatisée de contrats (5) ou d'outils de résolution de conflits en ligne (6) . En dehors de quelques cabinets anglais très en pointe sur le sujet, personne n'en est encore arrivé à cette étape. La conviction que l'on peut retirer de cette analyse des sites Internet de cabinets anglo-saxons est que tous les cabinets d'affaires devront, à une échéance plus ou moins proche, réfléchir à ce que pourrait signifier pour eux une offre de services « en ligne». Les clients que nous avons pu interroger à ce sujet ont, d'ailleurs, tous manifesté un vif intérêt pour ce type de prestation. 2.3 - Les nouveaux modes d'exercice du métier d'avocat Cette conviction que l'offre de services juridiques en ligne est appelée à se développer peut rarement être énoncée sans soulever une vive polémique. En particulier, cette idée paraît tout
  • 4. à fait iconoclaste aux nombreux avocats d'affaires français qui sont convaincus de « faire de la haute-couture», autrement dit de fournir des prestations intellectuelles si « uniques», qu'aucune ne peut être comparée à la précédente. Pour cette catégorie d'avocats, il y aurait d'un côté les cabinets centrés sur la « haute couture», peuplés d'experts, qui forment l'aristocratie du métier, et de l'autre côté les cabinets centrés sur « le prêt-à-porter», qui vendent éternellement le même modèle de contrat. Derrière cette affirmation, on voit se dessiner une hiérarchisation implicite des modes d'exercice du métier d'avocat. Seule la pratique de la « haute-couture» serait la manière « noble» d'exercer le métier, toute autre modalité participant d'un « sous-métier» peu compatible avec les principes essentiels de la profession. Pourtant, il semble indéniable que le marché de la prestation de services juridiques, comme l'ensemble des marchés de fournitures de services professionnels, subit un processus comparable au processus d'industrialisation : les « produits» ou « solutions» vendus aux clients connaissent un cycle de vie qui peut se traduire par une courbe ascendante, puis descendante. Lorsque le « produit» est en phase ascendante, il est encore rare et complexe, et génère beaucoup de valeur ajoutée, car il fait appel aux qualités personnelles de l'avocat, qui ne peuvent être mises en partage. Il est clair, par exemple, que l'offre de services qui correspond au conseil pour des opérations boursières se situerait sur la phase ascendante de la courbe. À l'inverse, le produit qui se place après le point d'inflexion de la courbe recèle peu de valeur ajoutée, car il est offert avec un niveau de qualité satisfaisant par de nombreux acteurs sur le marché. Tel est le cas, par exemple, de l'offre de services qui correspond à la création d'une société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme. La banalisation d'une telle offre a entraîné la fixation d'un prix de marché, généralement assez bas, qui laisse peu de place pour l'intervention humaine de l'avocat, dont le taux horaire facturable est généralement trop élevé pour qu'il puisse s'autoriser sans risque de perte à consacrer beaucoup de temps à la fourniture de la prestation en question. Ces affirmations en apparence contradictoires sont toutes aussi vraies les unes que les autres, et tendent simplement à prouver qu'il n'y a plus aujourd'hui une, mais plusieurs manières d'exercer le métier d'avocat (1) . Pour autant, je ne crois pas qu'il soit juste de penser en termes de segmentation de marché ; c'est le métier de chacun qui s'est enrichi de composantes autrefois inconnues, aujourd'hui nécessaires et le plus souvent intimement mêlées. En simplifiant, on pourrait dire que l'avocat qui autrefois se contentait d'exercer son métier comme un expert travaillant de façon individuelle et artisanale doit aujourd'hui également être capable d'élaborer les modèles d'actes qui lui permettront d'améliorer sa productivité pour répondre à des clients toujours plus exigeants et plus pressés, voire de mettre au point des solutions « clés en mains» pour développer son fonds de commerce, ou encore de mettre à
  • 5. disposition de son client, via Internet, les fameux services « en ligne», dont les cabinets anglo- saxons estiment qu'ils recèleront la valeur ajoutée de demain. Il y a, en effet, fort à parier que ce sont les mêmes clients qui auront successivement ou concomitamment besoin d'expertises pointues sur des points de droit délicats, de contrats assez standardisés qu'ils refuseront de payer trop chers, voire de solutions toutes faites, et qui solliciteront leurs avocats pour avoir accès à des sites Internet leur permettant de se bâtir eux-mêmes leur propre expertise ou leurs propres solutions juridiques. En d'autres termes, chaque avocat a aujourd'hui vocation à travailler sur ces différents registres ; simplement, le temps alloué à chacune de ces facettes du métier variera en fonction des aptitudes personnelles et de l'expérience professionnelle de l'avocat concerné. Sous cet angle d'analyse, on voit émerger les éléments de réponse à la question qui nous occupe : les nouvelles technologies doivent permettre aux avocats de mettre en forme et de partager les connaissances juridiques qui contribuent à forger leur expérience professionnelle, pour leur donner le temps et les moyens de se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée, et ainsi accéder à la partie « noble» du métier dont il était question plus haut. C'est l'enjeu de tout système de « Knowledge Management». Précisons qu'une des originalités du système de Knowledge Management mis en place au sein du cabinet Archibald est d'avoir structuré ce savoir juridique non pas en fonction des spécialités ou de l'organisation interne du cabinet, mais en fonction de problématiques correspondant à des besoins de clients (lesdites problématiques étant appelées en interne des « Packages»). Cette manière de structurer le Knowledge permet en outre de résoudre la question du contenu de l'offre de service en ligne, par l'ouverture partielle du système de Knowledge interne au client lorsque la « solution» correspondant à une problématique donnée entre dans une phase de maturité suffisante, c'est-à-dire lorsqu'elle se situe sur la phase descendante de la courbe évoquée plus haut. Elle crée également un cadre approprié à la réflexion sur la manière de vendre au client l'offre de services qui correspond à une problématique, et permet ainsi d'ajouter aux outils techniques du système de Knowledge des outils d'aide au développement commercial. 3. Partage des connaissances : vers un jeu collectif ? Un des bénéfices annexes, et non des moindres, de la mise en œuvre d'un système de Knowledge Management, est d'assurer la transmissibilité et la pérennité du savoir technique au sein du cabinet. Il n'y a là rien de très neuf, la plupart des cabinets d'affaires ayant déjà fait l'effort, au cours de la dernière décennie, de constituer des bases de données internes, qu'il s'agisse de « précédents» (7) , c'est-à-dire de consultations ou de contrats produits par le cabinet, ou de modèles, c'est-à-dire de documents standardisés de manière à servir de point de
  • 6. départ à la rédaction d'un acte juridique. Ce recul d'une dizaine d'années permet de constater que la difficulté n'est pas de constituer la base de données, mais plutôt d'en organiser la mise à jour. Traditionnellement, cette mise à jour est confiée à des avocats dédiés à cette fonction. Mais c'est précisément là que se situe la limite du système : en effet, ces professionnels dédiés ne sont pas les mieux placés pour être au fait des meilleures pratiques du marché, car ils ne sont pas en contact avec les clients. De plus, le fait que la production des modèles soit confiée à d'autres que les avocats utilisateurs n'incite pas ces derniers à se servir desdits modèles, car ils ne peuvent se les approprier, n'ayant pas directement contribué à leur rédaction. Tout avocat ayant exercé au sein d'un cabinet d'affaires connaît la propension de chacun des associés à utiliser comme point de départ des actes qu'il a lui-même rédigés ou, à tout le moins, utilisés dans des transactions antérieures, et ce, quand bien même il existe des bases de données de modèles. Ceci est une indication parmi d'autres d'un des inconvénients de ce système, qui induit une certaine dévalorisation de la fonction Knowledge, car il est implicite que les avocats dédiés au tri de précédents ou à la production de modèles n'accèdent pas à la partie noble du métier, telle que déjà décrite. Leur activité suscite donc, au pire, une certaine forme de mépris, au mieux une forme d'indifférence peu propice à la construction d'un véritable « affectio societatis» au sein du cabinet. Il est donc indispensable que la production et la maintenance des bases de données Knowledge soient confiées aux avocats qui sont au contact des clients plutôt qu'à un groupe de professionnels dédiés. De cette manière, chacun peut s'approprier une petite partie de cette fonction Knowledge, qui devient ainsi partie intégrante du métier de l'avocat. Cette appropriation sera d'autant plus aisée que l'avocat aura une perception claire de ce que sa contribution au Knowledge peut l'aider à se concentrer sur les travaux à plus forte valeur ajoutée, et ainsi progresser vers une plus grande expertise dans son domaine. Je suis, pour ma part, convaincue qu'un système de Knowledge performant ne peut se concevoir sans la contribution de chacun, surtout celle des associés les plus expérimentés. Plus ces derniers contribueront, en effet, meilleure sera la qualité des connaissances mises en partage. L'enjeu est ici de faire en sorte que le Knowledge rassemble l'addition des expériences professionnelles individuelles de chacun, pour devenir la représentation écrite de l'expérience collective du cabinet. Ceci n'est possible qu'à la condition que chacun s'astreigne à décrire cette part de son savoir qui est le plus souvent tacite, et qui constitue la somme des enseignements qu'il a tirée des dossiers qu'il a traités. Au fond, il s'agit de se constituer un aide mémoire exhaustif et aisément accessible, qui vienne suppléer ou compléter une mémoire individuelle nécessairement limitée. Dans cette perspective, le système de Knowledge Management devient en quelque sorte le prolongement du cerveau de l'avocat. Le concevoir
  • 7. comme un outil collectif, auquel chacun a librement accès parce qu'il y contribue, revient à considérer le cabinet d'avocats comme une véritable entreprise, au sens d'équipe soudée par un objectif commun. En l'occurrence, cet objectif est le développement d'un fonds de commerce capable de survivre aux modifications de la composition ou du périmètre de l'équipe. C'est pourquoi ce choix a été retenu au sein du cabinet Archibald, chacun des thèmes correspondant à une problématique de client ayant été confié à un groupe de travail composé d'avocats appartenant aux différentes spécialités nécessaires à la fourniture du service auquel correspond ladite problématique. Cette manière de procéder présente un avantage supplémentaire, qui est d'inciter des avocats de spécialités différentes à réfléchir ensemble à la meilleure manière de répondre au besoin de client correspondant à la problématique sur laquelle ils travaillent. On voit poindre ici une notion qui dépasse les connaissances proprement dites pour s'apparenter à un système de management des équipes, en vue d'une amélioration du service rendu au client. Chaque problématique retenue ayant été organisée sous la forme d'une base de données accessible via un portail Intranet dédié, il a été nécessaire de prévoir un portail d'accès unique au système de Knowledge Management ainsi organisé. Ce portail a été réalisé sous la forme d'un bureau électronique qui rassemble toutes les informations nécessaires à la pratique quotidienne de l'avocat. Chacun dispose ainsi d'un « bureau virtuel» auquel il peut se connecter à distance au moyen d'une simple ligne de téléphone. L'outil Knowledge ainsi construit permet donc d'abolir le temps et les distances géographiques, et ce d'autant plus que chaque groupe de travail s'est vu attribuer un espace de travail partagé sur l'Intranet du cabinet, au sein duquel il peut prendre connaissance des dates et de l'ordre du jour des réunions, des tâches attribuées à chacun lors des réunions de travail, ainsi que des documents de travail publiés au fur et à mesure de l'avancement des travaux. À l'effet fédérateur de la constitution des groupes de travail dédiés s'ajoute ainsi l'effet décloisonnant de l'utilisation optimale des possibilités offertes par l'Internet. Ajoutons enfin que la facilité de navigation qu'offre la technique du lien hypertexte permet une circulation aisée, voire ludique, qui contribue à répondre au besoin énoncé ci-dessus de structurer l'accès au savoir juridique en offrant des repères simples et lisibles. 4. DES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA DÉMARCHE À ce stade de la lecture, je suis certaine que chacun se demande comment il est possible de raisonnablement envisager que des avocats surchargés de travail et soumis à la pression quotidienne des clients puissent contribuer à un tel projet. Il est vrai qu'il existe une résistance spontanée face à ce type de projet, qui s'explique par un certain nombre de facteurs que je
  • 8. vais maintenant essayer d'expliciter, en même temps que j'exposerai les éléments de solutions qui peuvent être apportés. 4.1 - La difficulté à partager La première et la plus importante des résistances rencontrées résulte d'une certaine aversion à mettre son savoir en partage. Cette aversion s'explique par de nombreuses raisons, parmi lesquelles on peut citer, sans que cette liste soit bien sûr exhaustive, la crainte de soumettre son travail au jugement de ses pairs, la crainte d'être « pillé», ou encore la crainte de «détruire» son fonds de commerce en dévoilant son savoir. Mais il est des raisons sans doute plus profondes, qui tiennent à la fois à la culture propre des avocats et à l'enracinement de cette profession dans la culture et les valeurs traditionnelles françaises. Le métier d'avocat est un métier difficile, notamment en ce qu'il induit une relative et permanente insécurité, source de remise en question personnelle. Non seulement il faut sans cesse trouver de nouveaux clients, mais il faut encore s'appliquer à obtenir leur satisfaction, faute de quoi la réputation professionnelle est remise en question et la capacité à trouver de nouveaux clients compromise. Sans doute pour ces raisons, les notions d'ego, de pouvoir et de savoir sont souvent intimement mêlées chez les avocats d'affaires, ce qui, évidemment, n'est pas une circonstance propice au partage des connaissances. À cela il faut ajouter que la profession est traditionnellement attachée à des valeurs de liberté et d'autonomie, ce qui ne favorise pas le jeu collectif dont il était question plus haut. Enfin, la culture française, en général, n'est pas favorable au travail en équipe ni au partage des connaissances. Il suffit pour s'en convaincre d'observer nos méthodes d'enseignement. À ce sujet, une anecdote ancienne me revient en mémoire ; lycéenne, j'avais pris l'habitude de préparer mes devoirs avec une camarade ; un jour, nous avons décidé de rendre une copie commune, plutôt que deux devoirs identiques ; nous avons été convoquées chez le proviseur et dûment chapitrées sur la nécessité de « ne pas copier sur son voisin» ! Comment imaginer que des enfants élevés dans ce climat deviennent des adultes enclins à mettre leur savoir en partage ? Il existe, toutefois, certains moyens pour désamorcer cette aversion naturelle au partage. Le premier consiste à convaincre de la nécessité du partage. Ce qui semblerait un exercice aisé dans une entreprise s'avère plus difficile dans le contexte d'un cabinet d'avocats, où l'affectio societatis est souvent moins développé en raison de la juxtaposition de pratiques individuelles. Il est intéressant, à cet égard, de constater que ceux qui sont les plus facilement convaincus de la nécessité du partage sont en général les avocats en charge du management du cabinet.
  • 9. Une autre manière d'aborder la question est d'insister sur l'utilité du partage. Il sera aisé d'emporter la conviction des plus jeunes, dont la soif d'apprendre pour progresser est immense, mais nettement plus difficile d'impliquer les avocats très expérimentés, qui sont depuis longtemps autonomes dans leur mode de fonctionnement. Il me semble possible de distinguer au sein de cette population deux catégories, auprès desquelles on fera valoir des arguments différents. La première est constituée des avocats qui sont encore en phase de développement de clientèle ; à ceux-là, il faudra faire comprendre que le fait de modéliser son savoir technique aide à mieux se l'approprier, et donc, à mieux le vendre. L'argument sera d'autant plus fort que l'on aura pris la peine, comme c'est le cas du système de Knowledge Management que nous avons mis en place au sein du cabinet Archibald, de compléter le dispositif par un volet d'aide à l'identification de clients susceptibles d'être intéressés par les thèmes correspondant aux problématiques sélectionnées, complété par des éléments permettant de correctement appréhender les besoins ainsi identifiés. La seconde est constituée des avocats très expérimentés qui peuvent prospérer dans une relative autonomie ; à ceux-là, il faudra faire valoir que la contribution à un système de Knowledge ouvert sera une manière de leur permettre de remplir la fonction de « mentor» ou de parrain traditionnellement dévolue aux avocats ayant assis leur réussite professionnelle. Il leur revient, en effet, de tendre la main aux plus jeunes et d'assurer la pérennité de la profession en leur transmettant leur savoir. Le Knowledge est un bon moyen d'assumer cette mission. 4.2 - La peur de l'outil informatique Un autre motif de résistance tient à un phénomène que je décrirai globalement comme la peur de l'outil informatique, que je vais essayer d'analyser. Ici encore, il faut distinguer plusieurs catégories : les avocats qui ne peuvent se passer de l'outil informatique, ceux qui l'utilisent contraints et forcés, en souhaitant ardemment limiter au maximum leur contact avec cet outil dont l'usage devrait, dans toute la mesure du possible, être réservé à leur secrétaire ou aux plus jeunes collaborateurs, et ceux qui n'ont pas d'ordinateur sur leur bureau, ou, ce qui revient au même, qui en ont un mais ne savent pas comment l'allumer. Bien que l'âge puisse parfois jouer un rôle, ce n'est pas réellement le facteur discriminant. Bien plus importante est la perception que l'avocat a, ou n'a pas, du gain d'efficacité et du confort de travail que peut lui procurer l'outil informatique. Certains restent absolument persuadés de la supériorité du dictaphone, et après tout, peut-être ont-ils raison pour ce qui est de l'exercice quotidien de leur métier.
  • 10. Quoi qu'il en soit, il résulte des rapports un peu particuliers que la profession entretient avec l'informatique que tout outil qui utilise une autre technique que le traitement de texte ou l'e- mail apparaît comme très mystérieux, voire vaguement menaçant. J'en veux pour preuve les réactions étonnées que j'ai pu constater chez les avocats du cabinet Archibald lorsque je leur ai expliqué que les documents destinés à être intégrés dans les bases Knowledge seraient saisis directement par les responsables des groupes de travail dans les bases Internet, et que cet exercice n'était pas beaucoup plus compliqué que l'envoi d'un e-mail par Lotus Notes (8) . Il leur avait au contraire semblé que l'outil Knowledge que je leur proposais d'alimenter par ces saisies était figé dans une redoutable rigidité, et cette impression agissait comme un frein à leur volonté de mettre en ligne sur les portails Intranet les documents avant qu'ils ne soient dans un stade tout à fait finalisé, proche de la perfection. Or, cette manière de procéder est contraire au principe même du système de Knowledge décentralisé que nous avons souhaité mettre en place, principe qui veut que la phase du projet durant laquelle les groupes de travail seront seulement chargés de mettre à jour le contenu de chacun des portails consacrés à une problématique de client soit pratiquement aussi active que la phase de construction et mise en ligne desdits portails. C'est pourquoi j'ai beaucoup insisté, dans la communication interne, sur le fait que le projet ne serait jamais à proprement parler « fini». En effet, d'une part, les bases de données auxquelles les portails permettent d'accéder ont vocation à être entretenues et régulièrement mises à jour par les groupes de travail dédiés, et, d'autre part, le choix des problématiques considérées comme prioritaires a vocation à évoluer dans le temps pour mieux « coller» à la demande des clients. Il est vrai que j'ai été moi-même agréablement surprise de constater qu'avec un bon support de formation, et beaucoup de pédagogie, l'apprentissage de la saisie dans ces bases s'est finalement avéré moins difficile que je ne l'avais anticipé. C'est ainsi que j'ai pris conscience de la nécessité absolue de démystifier l'outil informatique pour que les avocats se décident à l'utiliser. En réalité, ce n'est pas tant la peur de l'outil lui-même qui est bloquante, mais la crainte de ne pas savoir s'en servir. C'est pourquoi il importe de beaucoup insister sur la simplicité d'utilisation, démarche exactement inverse de celle qu'ont tendance à adopter les informaticiens ou les consultants spécialisés. À cet égard, il est important que le formateur - ou, en l'occurrence, la formatrice - soit avocat, afin qu'il ait une compréhension intime des réflexes qui seront ceux des avocats à qui il enseigne le maniement des nouvelles technologies. De cette expérience réussie au sein du cabinet Archibald, j'ai retiré la conviction que la clé du succès pour la mise en place d'un système de Knowledge Management réside dans le choix initial d'un jeu collectif, combiné à la vision claire qu'a chaque utilisateur du gain de temps et de qualité que lui procurera l'outil Knowledge une fois entré en phase opérationnelle.
  • 11. J'en ai aussi retiré la conviction que le métier d'avocat est appelé à se transformer considérablement au contact des multiples possibilités d'interaction avec le client offertes par les nouvelles technologies, et que l'émergence de systèmes de Knowledge Management, tels que celui que nous avons mis en place, prouve que cette transformation est déjà en marche. Valérie TANDEAU DE MARSAC Avocat associée en charge du Knowledge Cabinet Archibald