L’ »affectio familiae » caractérise la cohésion entre les membres de la famille, nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise. Cette notion est définie par référence au concept juridique d’ « affectio societatis », qui désigne l’élément intentionnel qui caractérise et définit la société, qu’elle soit civile ou commerciale. Sans la volonté de plusieurs associés de s’associer pour réaliser ensemble un projet commun, la société ne peut exister.
Raisonnant par analogie, on peut dire qu’il n’existe pas non plus d’entreprise familiale sans la volonté commune de plusieurs membres d’une famille de mener à bien un projet collectif, incarné par l’entreprise. C’est cette volonté commune qui est désignée par le terme « affectio familiae ».
A la différence de l’« affectio societatis », l’« affectio familiae » n’est pas nécessairement présent dès la fondation de l’entreprise familiale. Pour que l’« affectio societatis » se transforme en « affectio familiae », devenant ainsi un facteur de cohésion de l’entreprise familiale, il faut que cette dernière ait atteint une certaine maturité, à moins qu’elle n’ait été dès le départ fondée par plusieurs membres d’une même famille.
Cet « affectio familiae » est la clé de voûte de l’équilibre des entreprises familiales. Sans la cohésion du groupe familial, l’entreprise est menacée. L’affectio familiae enrichit le concept juridique de l’ »affectio societatis » d’une dimension psychologique, qui est la volonté des membres de la famille d’agir ensemble pour atteindre un objectif commun, perçu et reconnu comme tel.
Supplément entrepreneurs des Echos : “l’affectio familiae” est la clé de voute des entreprises familiales”
1. Tous droits réservés - Les Echos 28/3/20
« L’“affectiofamiliae”
estlaclefdevoûtedes
entreprisesfamiliales »
Dans votre livre (*), vous pré-
sentez une notion indispensa-
ble à la cohésion et l’équilibre
des entreprises familiales,
l’« affectio familiae ».
De quoi s’agit-il ?
En droit, une société ne peut exis-
ter que si ses fondateurs sont liés
par la volonté de s’associer pour
réaliser un projet commun. C’est
ce que l’on nomme l’« affectio
societatis ». Pour caractériser les
entreprises familiales, il faut une
dimension supplémentaire,
l’« affectio familiae », autrement
dit la volonté de plusieurs mem-
bresdelafamilled’œuvrerensem-
ble à un projet commun, incarné
par l’entreprise. Cette notion n’est
pas nécessairement présente à la
fondation de l’entreprise. Au fil du
temps, elle vient enrichir l’« affec-
tio societatis » d’une dimension
psychologique supplémentaire.
Pourquoi la dimension affec-
tive est-elle si importante ?
L’« affectio familiae » est la clef de
voûtedel’équilibredesentreprises
familiales. Sans la cohésion du
groupe familial, l’entreprise est
menacée. Des positions différen-
tes,desviséescontradictoirespeu-
ventémergeretdébouchersurune
scission ou un rachat. C’est pour-
quoiilimportedecultivercesenti-
ment d’appartenance collective.
Comment créer un sentiment
d’appartenance commun
quand la famille est large ?
La base de l’« affectio familiae »
repose sur une bonne communi-
cation au sein du cercle familial.
Pour l’entretenir, il faut créer du
lien entre ses différentes compo-
santes. Cela passe par des occa-
sions de rencontre et de partage :
réunions de famille, séminaires
familiaux… Certaines familles
vont plus loin, en créant des
réseaux sociaux privés qui leur
permettent de garder le contact
en dehors de ces grandes rencon-
tres annuelles. L’« affectio fami-
liae » est aussi une affaire de
valeurs. Dans certains cas, on les
transmet dès l’enfance. Parfois,
on les cultive par le biais d’actions
communes, menées dans le cadre
de fondations familiales, notam-
mentàvocationphilanthropique.
Cela est-il suffisant pour
garantir l’unité familiale ?
Pour renforcer cette nécessaire
cohésion, il est fortement recom-
mandé d’établir des règles com-
munes, délimitant les prérogati-
ves de chacun, et rappelant les
valeurs fondatrices du groupe. La
rédaction d’une charte familiale
constitue un bon support pour
acter ces principes. Ce type de
convention est d’ailleurs large-
ment répandu. On peut le rédiger
avec l’aide d’un conseil spécialisé,
extérieur à la famille, qui prendra
le temps de rencontrer ses mem-
bres, afin de bien saisir le con-
texte familial, les interactions et
enjeux en présence.
Propos recueillis par
T. B.
(*) « Guide pratique des entreprises
familiales », éditions Eyrolles,
272 pages, 2011.
DR
INTERVIEW
VALÉRIE TANDEAU
DE MARSAC
Avocate associée, membre
de Jeantet Family et
professeure associée Edhec
family business center
Pour renforcer
la cohésion, il est
recommandé d’établir
des règles communes.
La rédaction
d’une charte familiale
constitue un bon
support.