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En clinique de lecture - Ted Swartz
Je me donne, entre autres étiquettes, celle de clinicien en lecture. Bien que beaucoup d’autres
personnes se donnent la même, j’ai été frappé plus d’une fois par le fait que j’ai en tête
quelque chose de bien différent du sens habituel de ces mots quand je parle de travail clinique
en lecture. En fait, les réalités derrière les étiquettes peuvent être si différentes que je me
demande même si nous devrions utiliser la même étiquette. Je ne veux pas dire par là que
tous les gens qui enseignent dans les différentes cliniques devraient penser de la même façon
ou faire les mêmes choses, mais il semblerait qu’il y ait certains aspects du travail qui se fait
dans une clinique de lecture où je travaille qui le distinguent de ce qui se passe actuellement
dans la plupart des centres de formation. J’espère que l’examen de ces aspects distinctifs
pourra éclairer une façon de travailler qui pourra alors avoir un attrait plus grand et une
application plus étendue pour les éducateurs aussi bien que pour les enseignants.
En clinique de lecture, le travail est fait sur mesure
« L’enseignement individualisé » est une expression dépassée. La plupart des théoriciens
conviendront que, comme application de certains principes pour rendre plus fructueux le
temps consacré à l’étude, l’individualisation de l’enseignement est un but que l’on doit
poursuivre. Cependant son utilité comme concept a été diluée par les recettes d’enseignement,
la prolifération des livres d’exercices préparés commercialement, des feuilles d’exercices et
d’autres matériels préparés par les enseignants ainsi que les divers modèles : tester, enseigner,
re-tester, d’enseignement. Résultat : il n’apporte qu’une faible amélioration à ce qui se passe
généralement.
En clinique de lecture, les besoins réels de l’élève à chaque instant sont analysés et satisfaits
sur-le-champ. L’approche plus traditionnelle de l’individualisation… qu’on appelle
d’habitude l’enseignement diagnostic – prescription, est donc remplacée par une réponse
changeante et parfaitement souple, aux besoins changeants de l’élève. Aucune démarche
d’instruction pré établie, si précisément définie soit-elle, ne peut remplacer un enseignant qui
maintient une vulnérabilité à la personne réelle à laquelle il est confronté et qui est prêt
à réexaminer, à reformuler et à modifier son approche à chaque instant en fonction des
impacts reçus.
Il n’y a aucun talent particulier ni aucune magie cachée qui permette au clinicien en lecture de
remodeler constamment son enseignement en fonction du cours réel des événements qui se
produisent. Il n’y a que le maintien d’une attitude de suspension de jugement, attitude qui
impose une approche empirique constamment ouverte aux modifications et au
perfectionnement. Plutôt que de croire : “je sais a priori exactement quoi faire pour cet élève
sur la base de telle ou telle procédure d’évaluation”, le clinicien en lecture accepte que ce
n’est qu’en travaillant effectivement ensemble que la vérité peut se révéler et que cette vérité
peut changer par l’effet même du travail. En restant ouvert à ce qui se passe d’unique, on
apprend de chaque élève comment adapter le travail à ses particularités.
En clinique de lecture, le travail est intensif et de courte durée.
Quels que soient les problèmes qui ont pu empêcher un élève de parvenir à une maîtrise
suffisante de la lecture, il incombe au clinicien de toucher aussi directement que possible au
cœur même du problème. Le remède doit être concentré afin que le temps nécessaire pour
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arriver à la solution puisse se compter en heures de travail en commun plutôt qu’en mois ou
en années.
Le clinicien en lecture est pénétré par un sentiment de responsabilité pour l’utilisation des
minutes disponibles pendant une séance avec un élève. Il trouve chaque minute précieuse en
raison de sa relative rareté ainsi que de son pouvoir de produire un apprentissage significatif.
Tout le progrès que le clinicien est capable d’amorcer doit emplir chaque minute. Mais cette
compression de beaucoup d’apprentissage dans un laps de temps relativement court ne peut
s’accomplir que grâce à une sensibilité et une compassion pour la personne avec qui l’on
travaille, de telle sorte que la dynamique soigneusement orchestrée ne soit pas ressentie
comme une pression excessive.
Le clinicien en lecture sait qu’un remède rapide n’est possible que si l’élève prend en charge
son apprentissage. Par conséquent, il ne donne d’exercices que s’ils peuvent produire des
critères et conduire à la situation où l’élève sait non seulement ce qu’on lui demande mais
aussi pourquoi on le lui demande. Par exemple, parce qu’en anglais on peut donner tant de
sons différents à une lettre donnée ou à un groupe de lettres donné, et parce que le contexte
ne fournit pas toujours le sens, notre recherche naturelle de croissance et d’indépendance nous
oblige en effet à nous référer, à des moments appropriés, au dictionnaire. Dès que les critères
adéquats en ce qui concerne la nature de la langue sont établis par un élève, le clinicien fait
confiance à l’élève pour utiliser quand il faut le dictionnaire et que, en fait, il va s’apprendre
lui-même, à un moment donné, comment atteindre le sens dans cette portion du langage écrit
qui reste à conquérir. Le clinicien sait à ce stade que son travail est terminé. L’idée que
l’élève, en réalité, s’apprend lui-même à lire, nous amène au dernier point, le plus important
peut-être.
En clinique de lecture, on n’enseigne pas la lecture.
Cette affirmation qui sonne bizarrement, exprime une prise de conscience profonde de la part
du clinicien, que le contenu de la langue est le problème de l’élève, non de la personne qui
travaille avec l’élève. Le clinicien s’occupe de questions telles que : la personne regarde-t-elle
ce qui est en face d’elle ? Cette personne est-elle à l’écoute d’elle-même ? Compare-t-elle ce
qu’elle voit avec ce qu’elle entend ? Est-elle entêtée ? Confuse ? Indisciplinée ?
Dans la mesure où le clinicien se pose ces questions, on peut dire qu’il s’intéresse au
fonctionnement de l‘élève. Dès que les fonctionnements appropriés sont opérants, l’élève,
clairement, s’apprend lui-même à lire et le clinicien se donne plus ou moins le rôle de
spectateur pour la courte période de temps nécessaire pour se convaincre que l’élève est sur la
bonne voie.
Les talents du clinicien ne sont vraiment mis à contribution que lorsqu’il rencontre un
mauvais usage particulièrement persistant chez une personne de ses pouvoirs mentaux. Par
exemple, un étudiant peut paraître pris au piège de la mauvaise habitude de regarder les
quelques premières lettres d’un mot polysyllabique et deviner le mot avec peu ou pas de
considération pour le contenu sémantique ou syntaxique de ce qui précède ou de ce qui suit.
Exercice sur exercice et/ou avertissement sur avertissement peuvent entraîner une
amélioration de la production de temps en temps ou pour un ensemble choisi de mots vus
pendant les séances cliniques. L’élève peut néanmoins rester essentiellement coincé dans un
mode de fonctionnement qui lui crée des ennuis excessifs lorsqu’il essaie d’utiliser la lecture
comme un outil dans un but ou un autre. Dans cette situation, la responsabilité du clinicien est