Présentation réalisée le 27 mars 2015 par Stéphane Launey au musée de l'Armée, aux Invalides, dans le cadre du colloque "Images d'armées : un siècle de cinéma et de photographie militaires (1915-2015)"
L’armée et le cinéma dans l’entre-deux-guerres (1920-1939)
1. ENTRE INSTRUCTION ET PROPAGANDE
l’armée et le cinéma dans
l’entre-deux-guerres (1920-1939)
par Stéphane LAUNEY
2. SOMMAIRE
Le cinéma militaire dans l'entre-deux-guerres
• Une histoire sans archives ?
• Retour aux sources
Pérennisation du cinéma militaire
• Au sein du ministère de la Guerre
• L’œil de l'aviateur et du marin
Regard sur la production
• Entre instruction...
• … et propagande
Conclusion
ECPAD, FT 424
3. Le cinéma militaire dans l'entre-deux-guerres
Une histoire sans archives ?
• Les travaux historiques se sont appuyés principalement sur quelques
documents épars, des témoignages ou la presse cinématographique ;
• Les archives ont connu les affres de la Seconde Guerre mondiale :
perdues ou confisquées par les Allemands puis par les Soviétiques.
Retour aux sources
• Le fonds Moscou : les archives du 3e bureau de l’EMA du ministère
de la guerre ont permis d’isoler de nombreux documents échangés
avec la section cinématographique, créée en 1920 ;
• Possibilité de porter un regard neuf sur cette période en croisant ces
sources avec les films encore conservés à l’ECPAD (séries FT, 14.18,
SS).
4. Sources filmiques : état de la question
Du dépôt des films
au fort d’Ivry en
1946… à la
disparition d’une
grande partie de ce
fonds.
ECPAD,
reportage
Terre 11246
ECPAD, archives Marcel Cau, dossier 22
5. Comment expliquer les lacunes dans les collections
actuelles de l’ECPAD ?
Un problème de conservation ?
Une décomposition de la pellicule nitrate stockée dans de mauvaises
conditions, avant que le SCA ne prenne réellement possession des lieux
à l’automne 1948.
Une élimination volontaire ?
Une élimination des films en raison de
leur obsolescence au vu du nouvel
armement, en grande partie américain,
équipant l’armée française et entraînant
des changements radicaux dans la
manière de faire la guerre.
SHD, DBIB Terre 4° 7021
6. Absence de moyens cinématographiques
communs aux trois armées
La section cinématographique de
l’armée (SCA) n’est pas un
organisme interarmées.
En 1936 est institué un service
cinématographique de la marine
et, l’année suivante, son
équivalent pour l’armée de l’air.
ECPAD, 14.18 A 1347 ECPAD, FT 343
7. Vers une pérennisation du cinéma militaire (1/2)
1920 - 1922
Septembre 1919 : suppression du SPCG. Les collections demeurent
aux Beaux-arts puis aux Archives photographiques d’art et d’histoire.
Juin 1920 : à la demande du 3e bureau (instruction), feu vert pour la
mise en place d’une section cinématographique (SCA) au sein du
service géographique de l’armée. La SCA a d’emblée une forte
dimension éducative. Aussi dénommée « section d’enseignement par
l’image », sa première mission est la diffusion du cinéma dans les
écoles et les centres d’éducation physique.
Des débuts confidentiels :
– Installation sommaire aux Invalides (cour de Metz) ;
– manque de crédits ;
– un effectif réduit ;
– matériel vieillissant à mettre aux normes.
8. Vers une pérennisation du cinéma militaire (2/2)
1923 - 1925
En temps de paix, le film est
rapidement perçu comme une
réponse adéquate à la
question de l’instruction
militaire
- programme Buat (à partir de
1923) : réalisation de films
d'instruction ;
- diffusion à titre d'essai dans
quelques corps d'armée ;
- théorisation du cinéma militaire
(parution d’articles dans la presse
militaire).
SHD, GR 7 N sup. 569, pellicules du film Les gaz de combat
9. Pérennisation du cinéma militaire
Pierre Calvet dirige la SCA jusqu'à l'été 1940. En 1932,
de nouveaux locaux et équipements avec un personnel
étoffé ; des crédits conséquents mis à disposition :
1926 - 1939
Au sein de l’armée, de nouveaux corps d'armées sont équipés en appareils
de projection avec un personnel qualifié (taux d'équipement régimentaires
de 80 % prévu fin 1938) ; création de dépôts permanents de films dans les
régions militaires (apparition de collections régimentaires en 1936) ; une
note annuelle précise le programme des films à réaliser et leur diffusion.
SHD, GR 8 Ye 39559
10. L’œil de l’aviateur…
Aéronautique militaire :
- des liens étroits avec le cinéma ;
- à la pointe de la technique avec des soldats
spécialistes ;
- projet de rattachement de la SCA à la fin
des années 20.
Armée de l’air :
- l’autonomie de 1934 ne remet pas en cause
le lien avec la SCA ;
- la création du service cinématographique
de l’air (1937) conforte ses particularismes
(films d’instructions spécialisés, propagande
aéronautique).
Revue maritime, mai 1927
11. …et l’œil du marin !
Le cinéma, un outil en
faveur du recrutement
- une participation maritime aux
films de fiction et aux
documentaires ;
- 1927 : création d’un service
photo-cinéma, sans grands
moyens (le ministère se tourne
alors vers l’industrie privée) ;
- 1936 : un service
cinématographique de la marine
aux compétences élargies
(instruction et propagande) est
institué.
SHD, MV 1 BB8 15
ECPAD, FT 174
12. Regard sur la production :
entre instruction et propagande (1/2)
1935 : rapport Petsche
- le ministère de la Guerre au premier
rang des crédits consacrés au cinéma ;
- une cinémathèque de 145 films
d’instruction et de 115 films de
propagande, tous muets.
Typologie des films d’instruction :
- film tactique (étude d’un règlement) ;
- film technique (étude d’un armement) ;
La pédagogie militaire par le cinéma : nombreux cartons explicatifs,
grand usage de schémas et dessins animés, emploi du ralenti
Revue militaire française, juillet-septembre 1926
13. Regard sur la production :
entre instruction et propagande (2/2)
Les films d’instruction :
de la conception à la diffusion
- élaboration d’un scénario au
sein d’une commission ;
- réalisation par la SCA, en lien
avec un conseiller technique,
puis montage ;
- validation puis diffusion ;
- nouveaux règlements rend
certains films obsolètes
(éliminations ?) : nécessité d’une
nouvelle réalisation.
SHD, DBIB Terre 4° 7021
SHD, GR 9 N 295, répertoire 1934
14. Les films sur les batailles de 1918
ECPAD, 14.18 A 120, Offensive générale concentrique
15. Le cinétir
« L’image s’arrête au moment où la
balle frappe l’écran et le point d’impact
apparaît lumineux puis la projection
reprend après un temps d’arrêt »
Note du 18 décembre 1937,
SHD, GR 7 N sup. 568, d. 1
SHD, GR 9 NN1 404
16. Une production éducative
et de propagande
- une éducation morale et patriotique (montage
de films sur la Grande Guerre) ;
- une propagande coloniale (films vantant la vie
militaire aux colonies pour soutenir les
engagements ; réalisation de courts-métrages pour
l’exposition coloniale de 1931) ;
- une propagande sanitaire (informer les soldats
des risques encourus pendant leur passage sous
les drapeaux mais aussi après leur retour à la vie
civile). L’armée se fait également l’écho du
mouvement nataliste (films sur la prophylaxie
des maladies vénériennes).
ECPAD, 14.18 A 97
ECPAD, FT 507
ECPAD, FT 520
17. Conclusion
À la veille du second conflit mondial, le cinéma militaire a
manifestement réussi à s’imposer au sein de l’institution,
notamment grâce à l’action du commandant Calvet.
En dehors de l’armée, ce dernier a contribué à son
rayonnement par ses participations à plusieurs manifestations
se rapportant au cinéma éducatif.
En 1938, un projet de réorganisation de la SCA évoque
timidement, entre autres, la possibilité d’une structure
interarmées qui ne pourra aboutir avant septembre 1939.
Toutefois, les méthodes de production et de diffusion du
cinéma militaire, pensées et mises en œuvre durant l’entre-
deux-guerres, inspireront le fonctionnement du service
cinématographique des armées constitué en 1946.