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Chapitre 29 : Croisée
Chapitre 29 : Croisee
Onitopia : La naissance d’une guilde
29
A vrai dire, moi aussi je suis porteuse d’un
terrible secret maintenant.
Que comptes-tu faire ?
Tu as encore gagné, petite
maligne.
C’est quoi une maman ?
Vous avez tué la seule
personne que j’aime en ce
monde. La seule. Vous
comprenez ?
Je vous remercie, tous, du fond du cœur.
Et qu’est-ce qu’on fait
maintenant ?
Allez, on se casse de là, on a fait notre
boulot.
Soyez maudites !
T’as du damour toi ?
Chapitre 29 : Croisée
: Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste)
: Svynge (norn, gardienne)
: Nezumy (asura, ingénieur)
: Pug (asura, élémentaliste)
: Alia Arkady (humaine, voleuse)
: Shalimar (sylvari, élémentaliste)
: Ayrin Fields (humaine, guerrière)
: Aboune (asura, envoûteur)
: Stathor (asura, ingénieur)
: Guess (humaine, élémentaliste)
: Lianis (sylvari, élémentaliste)
: Agaéti (sylvari, gardienne)
: Lazare (humain, nécromant)
: Pogonar (humain, guerrier)
: Gledinia (norn, rôdeuse)
: Yaddle (charr, guerrière)
: Oméga (asura, guerrier)
: Pan d’Orr ( ? )
Chapitre 29 : Croisée
Lorsque je repris conscience, c’était pour me retrouver – après avoir traversé des contrées
arides de lave, de cendres et de scories – au milieu d’un lac, au pied d’un phare. Des
symboles brillaient sur l’édifice, ne manquant pas de m’éblouir. Par réflexe, je mis ma main
devant mes yeux blessés, et me rassis sans ressentir la moindre difficulté. Au contraire même, une
énergie démesurée tourbillonnait dans mon corps et jamais je ne me sentis aussi forte. Seulement,
chaque seconde qui passait représentait une lutte terrible pour que je ne me fasse pas absorber dans
ce tourbillon titanesque de haine et de fureur. Si j’utilisais une portion de cette force, même minime,
ce serait pour me rapprocher de l’œil du tourbillon, et je finirai par disparaître à jamais. Shalimar,
accroupie à côté de moi, me fixait de son regard noir, sa tête légèrement penchée, les sourcils
froncés. Elle était visiblement inquiète, et je la comprenais, elle n’était pas la seule dans cette
situation. Je posai tendrement ma main sur sa joue, pour la rassurer. Ça ira. Il faut que ça aille.
Réunis au pied de ce monument funéraire, nous étions tous à nos pensées, dans le silence le plus
total, que seuls les clapotements du lac venaient troubler. Le bûcher en hauteur brûlait avec vivacité,
maintenant que mes yeux avaient retrouvé leur acuité. Un monument funéraire ? Comment… À mon
grand étonnement, je parvenais à déchiffrer les lettres d’or gravées dans le marbre du phare comme
si je connaissais ce langage depuis ma plus tendre enfance. L’esprit troublé, je constatais que nous
étions projetés dans le cœur même de la religion naine. Ce lieu servait à faire passer l’âme des
défunts sur l’autre rive en leur prodiguant la force et la chaleur nécessaires pour accomplir ce
voyage. Chaque petite étoile sur les parois de la caverne, c’était autant d’âmes d’anciens nains qui
sommeillent ici pour l’éternité, et non des vulgaires morceaux de quartz. Si je me concentrais un peu,
je pouvais presque entendre leurs chuchotements, que je préférai taire. Clairement, je n’étais pas la
bienvenue. Jormag et Zhaïtan non plus. Jormag et Zhaïtan ? Qu’entendent-ils par là ? En réfléchissant
à leurs murmures, je pouvais comprendre pour Svynge et moi, porteuses de maux abjects, bon gré
mal gré, mais Zhaïtan ? Il y aurait-il quelqu’un dans ce groupe qui nous cacherait quelque chose ? A
vrai dire…
A vrai dire, moi aussi je suis porteuse d’un terrible secret maintenant, et seule Shalimar partageait ce
lourd fardeau. Je ne pense pas que les autres aient compris ou même soupçonnés la gravité de ma
dernière action, avant de sombrer dans l’inconscience. Et je ne pouvais me permettre de partager
cette information avec eux, non pas par peur ou par défiance envers eux, mais c’était un fardeau que
je devais porter seule, et leur compagnie, si généreuse soit-elle, ne ferait que m’affaiblir. Je n’ai
qu’un chemin à prendre maintenant, celui de la solitude et de la peine. Mais je ne me plains pas,
c’était ce pour quoi je suis venue en ce monde, j’en ai l’intime conviction. Et lorsque je vis ressortir
Svynge, elle qui était restée seule auprès du corps de sa sœur, une heure si ce n’est plus, je compris
que certaines âmes étaient encore plus perdue que moi. Mais sa volonté était à prendre pour
exemple : sans faillir, sans gémir, sans rien d’apparent malgré son cœur mortellement blessé, elle
s’adressa à nous, le visage strict comme toujours, le regard déterminé :
- Allez, on se casse de là, on a fait notre boulot.
Les autres acquiescèrent, sauf Aboune, Pug et Nezumy étrangement.
Chapitre 29 : Croisée
Les petites étoiles s’éteignaient une par une tandis que le bûcher finissait son office. Les
lumières reprenaient le dessous, et dans les ténèbres gluants qui nous entouraient, je ne
pouvais me contenter de quitter les lieux aussi anonymement. Svynge, ne le prends pas
bien, mais nous devons rester ici.
- Comment ça ? Vous venez avec nous, y’a pas à discuter.
- Svynge, ne m’écoute pas, mais je dois absolument rester ici. Je vous rejoindrai, mais dans les
flammes de la cité, j’ai vu des bâtiments qui pourraient nous expliquer quelques mystères. Il
faut absolument que…
- Que quoi ?! Que tu crèves ici, pour rechercher des babioles sans intérêt.
- Je ne t’avouerai pas que je n’ai aucune idée de l’intérêt des dits artefacts, mais mon honneur
d’asura m’empêche de quitter ces lieux et de les laisser à l’abandon pour toujours.
- Tu viendras avec moi, quitte à ce que je te traîne par le colbac.
- Je reste aussi ici, dit Nezumy, le visage visiblement contrarié, regardant le sol, pas bien fier.
Je pouvais le comprendre, car il venait d’annoncer à sa meilleure amie qu’il l’abandonne pour
quelques cycles.
- Tu te fous de moi ?
- Je suis désolé, vraiment vraiment, mais il faudra bien quelqu’un pour refermer le passage
après les recherches d’Aboune. Et qui sait mieux faire pêter un couloir que moi, hein ?
- Allez aux dragons !
- Je resterai avec eux, pour les aider, finit par reprendre Pug.
- Bordel, mais vous êtes combien à vouloir vous suicider comme ça ? Papa dragon est furax là,
dois-je vous le rappeler ? Et vous trouvez rien de mieux à faire que de traîner dans ses
papattes, en fouillant dans ses affaires, pour…
- Techniquement, c’est pas ses affaires, en fait.
- Par tous les esprits ! Têtes de skelks ! Restez ici, mais ne comptez pas sur moi pour venir vous
rechercher !
- On sera très discrets, ne t’en fais pas.
- À d’autres !
Svynge se mit à genou à notre niveau et, contre toute détente, elle nous serra tous dans ses bras,
avec une petite claque sur la tête de bois de Nezumy qui, je n’en doutais pas, représentait une
affection sincère. Ils nous laissèrent sur cette petite île, dans la tanière du dragon, et déjà les lueurs
de leurs torches s’éteignaient au loin. Stathor, Pug, Nezumy, Guess et moi, le formidouble Aboune,
affrontant les ténèbres malveillants des lieux pour… Pour quoi au fait ?
C’est à contrecœur que nous laissâmes le petit groupe derrière nous, en ayant pris le
temps de leur prononcer nos adieux les plus chaleureux, en leur faisant promettre de ne
pas trop en faire. Je serai bien restée avec eux - mes nouvelles connaissances auraient
été un atout indéniable dans les recherches d’Aboune - mais je ne pouvais me permettre
de rester ici plus longtemps, si proche de Primordus. Bien trop dangereux. Moi aussi je vais devoir
quitter le groupe, si je ne veux pas le mettre en danger. Dans quelques jours au plus tard… Il faudra
leur annoncer… Je n’aurais pas le droit de me défiler.
Chapitre 29 : Croisée
Sur le chemin du retour, la présence des asuras nous manquait déjà – à l’exception de Splif et
d’Oméga qui étaient restés avec nous - et l’ambiance paraissait bien morose. Mais, petit à petit, la
vie reprenait ses droits et nous nous laissâmes peu à peu aller. Chacun y mit du sien pour parler de
soi, de son peuple, de ses croyances. Pour nous faire changer les esprits. Les poèmes de Lazare nous
reposaient, les rêves de Lianis nous faisaient voyager, les mystérieuses histoires de Pan d’Orr
attisaient notre curiosité. Même elle, si taciturne par habitude, nous émerveillait de ses contes.
L’engouement général au final prit le dessus, et même Svynge se laissa aller à la simplicité de nos
discussions, naturellement. Un soir, en compagnie d’Alia, elle me mit en confidence. Mes doutes s’en
trouvèrent confirmés lorsqu’elle nous avoua avoir été possédée par Jormag. Le but était évident, afin
de détruire H’Any Sedjet. Mais malheureusement, un tel pouvoir demandait contribution, qui a été
payée par la vie d’Ayrin. Je ne pouvais me retenir, et la curiosité prit le dessus :
- Svynge, pourquoi tiens-tu tant à garder cette arme maudite ?
- Parce qu’on me l’a demandée.
- Qui ça ?
- Ça n’a aucune importance. Tout ce que je sais, c’est que dans les mains d’un autre, cette
arme dévore l’esprit du porteur à toute allure. Moi seule peut encaisser cette malédiction.
Rappelle-toi quand tu l’avais dans les mains, tu faisais pas bien la fière.
- Effectivement…
Alia prit la parole à son tour :
- Que comptes-tu faire maintenant ?
- Deux trois truc à régler à Hoelbrak, lui répondit la norn, et je m’en vais rôtir cette saloperie
au Mont Maëlstrom.
- Au Mont Maëlstrom ? Une simple forge ne pourrait pas…
- Non Alia, non, ce serait trop simple. Seul le feu primordial pourra avoir raison de cette
chienne.
- Je t’accompagnerai alors.
- Merci, mais je me débrouillerai seule.
- Je ne te laisse pas le choix.
- T’as pas une mère à retrouver, la môme ?
- C’est vrai, mais…
- Pas de mais. Je te remercie de ta sollicitude, sincèrement, mais pour une fois, occupe-toi de
toi. Je ferai part de mes projets aux autres, et si certains veulent m’accompagner, eh bien, ça
se fera comme ça, voilà.
Alia me regarda avant de me demander :
- Et toi, Ælwynn, quels sont tes projets ?
- Pas faciles.
- Comment ça ?
- Que ça reste bien entre nous, je vous prie. Voilà ce qui s’est passé.
Je leur fis part du deuxième combat qui se déroula à leur insu, de l’absorption du vif d’H’Any Sedjet,
que je parvenais difficilement à contrôler. Avant que notre norn ne s’énervât, je lui fis la comparaison
Chapitre 29 : Croisée
entre sa relation avec Jormag et la mienne actuellement avec Primordus. Que chacune de nous
étions nées pour vivre ces souffrances, que nous n’y pouvions rien.
- Que comptes-tu faire alors ?
- M’exiler. Loin, très loin. Dans un endroit calme, d’une grande quiétude, afin de ne pas être
troublée dans ma concentration. Au Prieuré probablement.
- Tu y arriveras ?
- Je l’espère. Mais je ne serai pas seule. Ma petite Shali m’accompagne.
- Nous serons toujours là pour toi.
- J’en suis sûre, et je vous remercie sincèrement.
Je finis par soupirer, le cœur porté par la tristesse. Cette nuit, à une demi-journée de marche
d’Hoelbrak, je devais leur prononcer mes adieux, afin que nos chemin se séparassent.
- Ça a été un honneur de battre le fer à vos côtés. Je suis désolée pour Ayrin, sincèrement,
mais je suis sûre que son âme repose sereinement parmi vos esprits maintenant.
Transmettez mes amitiés à tous. Prenez soin d’eux, de cette guilde naissante… D’Onitopia….
- Compte sur nous.
- Ensemble, unis sous le même rêve, nous avons triomphé de l’adversité. Cette guilde
naissante est capable de miracles. Même si ce fut bref, même si je serai loin de vous, je
resterai Onitopienne dans mon âme. Prenez soin de vous, mes compagnons.
Ælwynn se leva, et s’étira sous la lumière de la demi-lune, pour finir par nous sourire. Elle
prit son bâton, s’inclina devant nous, et partit dans l’obscurité de la nuit, accompagnée par
Shalimar, cette dernière nous saluant de la main en signe d’adieu. C’est sur, ça fout le
bourdon. Déjà leurs deux silhouettes avaient disparu dans les ombres de la nuit. Puissent
les esprits veiller sur elles deux.
Ouais, Onitopia. Notre première bataille, et pas n’importe laquelle. Ils se sont tous comportés
comme de grands guerriers, malgré l’adversité. Ah ça, on faisait pas les malins, ça caquait sec dans
nos armures, mais unis, nous avons remporté. Qui d’autres l’aurait fait ? Hein ? Tous la trouille les
pétochards. On s’est pas défilés nous, on l’a baffé l’autre coquin, on lui a mis une bonne fessée au
Primordus, et ça, c’est pas rien. Pas mon genre de m’attacher aux gens, trop d’emmerdes, mais eux
là, ouais, faut avouer, ils en ont dans le bide. Pas des rigolos nos compagnons. Est-ce que nous nous
parviendrons à nous unir maintenant que H’Any machin n’est plus qu’un tas de cendres ? Ce serait
une bonne chose. N’est-ce pas J-A ? Tu te retrouves comme une crétine maintenant que tu sais que
tu vas cramer comme une conne.
- … le feras pas.
- C’est ça chienne, tu n’as plus aucune emprise sur moi. Tu vas cramer et on n’en parle plus.
- Ne fais pas ça… Tu vas le regretter.
- Ferme-là !
Chapitre 29 : Croisée
Après notre douzième partie de cache-cache, à nous dissimuler, la petite Pan d’Orr et moi,
dans les vastes ruines grises, je me sentais un peu épuisée. En m’adossant sur un mur
croulant, j’essayais de comprendre. Par je ne sais quelle magie, je me retrouvais à errer
maintenant dans l’esprit de Pan d’Orr. C’est un monde entouré de ruines grises et décrépies,
sans fin, à part un horizon ténébreux et orageux qui faisait office de limite. Enfin de ce que j’en ai vu,
je n’ai pas encore eu l’opportunité de m’aventurer au-delà des ruines. Il n’y avait pas de notion de
temps ici, rien qui puisse m’informer sur le temps qui passe ici. Et Zhaïtan, toujours omniprésent,
survolant sans lassitude aucune l’arène centrale au milieu de ces vastes ruines, comme un faucon
tournant autour de sa proie, sauf que là, c’était un dragon, et que je ne voyais pas de proie. Pourquoi
l’appelle-t-elle papa ? Pan d’Orr était-elle une fille abandonnée, livrée à elle-même, solitaire et
sauvage, et qui aurait fait un étrange amalgame et fait de son père un dragon ? Ça me semblait
farfelu, mais je ne voyais pas beaucoup d’explications. Toute à mes pensées, la petite fille finit par
me trouver, en rigolant et en sautant de joie. Je l’invitai à me rejoindre, en ouvrant mes bras pour
l’accueillir sur moi, ce qu’elle fit joyeusement.
- Tu as encore gagné, petite maligne.
- Oui.
- Dis-moi, Pan d’Orr, tu as une maman ?
- C’est quoi une maman ?
- Ah ? Une maman, c’est comme un papa, mais c’est une fille. Et une maman, c’est doux, ça
fait plein de câlins…
- Comme toi ?
- Oui, si tu veux, d’une certaine manière. Une maman, c’est aussi plein d’amour.
- C’est quoi damour ?
- De l’amour… C’est… C’est quelque chose que tu ressens dans ton cœur, là. C’est quelque
chose qui t’apporte plein de tendresse et de câlins à l’intérieur de ton corps.
- Comment qu’on fait pour avoir du damour ?
- Ça vient tout seul, avec le temps, petite Pan d’Orr.
- Tu as du damour toi ?
- Oui, il y a quelqu’un que j’aime de tout mon cœur effectivement.
- Et comment qui s’appelle.
- Vorian. Vorian Fields.
Maintenant que nous étions à Hoelbrak, je sentais Svynge fébrile. Sur sa demande, les autres
nous attendaient dans sa demeure. Néanmoins, j’ai insisté pour l’accompagner, pour ne pas
la laisser seule dans cette épreuve. Qu’elle accepta sans broncher. Décidément, elle était
vraiment inquiète. Et pour cause. Nous approchions de la demeure de Vorian Fields, le mari d’Ayrin,
pour lui annoncer la triste nouvelle. Svynge hésita un instant, puis ouvrit la porte, résolue. L’imposant
norn était assis derrière le comptoir, en train de fumer une pipe, lorsqu’il leva la tête à notre
approche, puis finit par se lever de toute son imposante masse.
- Ah ! Ma chère belle-sœur ! Dans mes bras ma grande !
- Vorian, il faut que je te dise…
- Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
Chapitre 29 : Croisée
- C’est à propos d’Ayrin.
Les visages des deux interlocuteurs étaient devenus aussi blancs l’un que l’autre. Je sentais Nono se
faire tout petit. Effectivement, la tension montait perceptiblement.
- Que s’est-il passé ? Parle !
- Je… Je l’ai tuée…
- Quoi ? QUOI ?! C’est quoi ces conneries ?
- Svynge, repris-je, ce n’est pas de ta faute…
- Si, ça l’est, tu l’as vu toi aussi. Je l’ai tuée, voilà tout.
Le visage du tenancier avait viré du blanc au rouge pourpre. Il rentrait dans une colère folle furieuse.
De rage, il balaya les bibelots sur le comptoir d’un revers de la main, les projetant un peu partout
dans la pièce.
- Que dis-tu ?! Pourquoi aurais-tu tué ta propre sœur ?
- Je… J’ai été trop faible… Possédée…
Il se jeta sur mon amie et la saisit d’une poigne de fer au niveau de la gorge, la soulevant du sol, pour
la jeter à même le comptoir, gardant son emprise sur son cou, l’étranglant sommairement. Svynge ne
se débattait pas, et tenta de s’égosiller :
- Je… Je suis désolée…
- Putain, mais putain ! Qu’est-ce qui t’es passé par la tête, abrutie ! Tu l’as tuée ?!
Je me précipitais sur Vorian pour tenter de lui faire lâcher son étreinte mais il me repoussa
brutalement sur le mur. Nono se releva et montra les crocs aussi sec.
- Toi la rôdeuse, tu t’approches pas de moi, ou tu vas finir comme elle. Morte !
- Monsieur, je vous en prie. Notre adversaire avait une puissance hors du commun, et votre
femme s’est battue comme les plus grands héros de notre peuple ! Malheureusement, elle
s’est sacrifiée pour sauver sa petite sœur. Essayez de comprendre ! Si elle n’avait pas fait ça,
on serait tous morts à l’heure qu’il est.
- Elle non. C’est la plus grande guerrière que je connaisse, elle serait pas morte aussi
connement.
Le visage de Svynge tournait dangereusement au violet. Sa passivité m’effrayait, elle se laissait tuer
sans réagir.
- Monsieur, repris-je, votre épouse s’est sacrifiée pour nous, pour sa petite sœur, si vous la
tuez maintenant, alors sa mort aura été vaine.
Vorian fulminait et ruminait, mâchonnant dans sa tête mes derniers mots, puis lâcha finalement son
étreinte. Svynge aspira l’air à plein poumons, en toussant et en sanglotant.
- Vous avez tué la seule personne que j’aime en ce monde. La seule. Vous comprenez ?
D’un geste rapide et assuré, il se saisit de l’épée accrochée à la ceinture de Svynge.
- Je vais te la détruire cette malédiction ! Je vais te…
Chapitre 29 : Croisée
Des volutes bleutées et glacées entourèrent soudainement le norn, qui se pétrifia en un instant. Sa
peau changeait visiblement de couleur, ses yeux aussi. Il commençait à bredouiller des mots
incompréhensibles dans un langage qui m’était inconnu. Svynge se précipita vers lui et lui arracha
l’arme des mains. Vorian Fields, abattu et prit d’une violente fatigue visible, s’assit lourdement sur
une chaise, le regard hagard.
- Je suis désolée, reprit Svynge. Tu le sais, je ne souhaitais que votre bonheur à ma sœur et toi.
Quitte à me sacrifier. Mais je dois porter ce fardeau qui a été fatal pour notre bien-aimée. Je
la vengerai, fais-moi confiance, et je compte détruire définitivement cette arme. Tu peux
comprendre ?
- Va t’en.
Svynge hocha la tête et, sans dire un mot, s’en alla. Je fermai la porte en prenant le temps de
regarder le norn abattu sur sa chaise. Son amour était sincère et sa réaction somme toute normale,
et son regard perdu me laissait deviner qu’il revivait sa romance auprès d’Ayrin. Le pauvre…
Néanmoins, j’avais confiance en la force de cet individu et j’étais convaincue qu’il ne se laissera pas
faire par le sournois destin, et qu’il se relèvera de cette épreuve encore plus fort.
Le reste de la journée fut plus calme heureusement. Nous étions au fait du départ d’Ælwynn et de
Shalimar au cours de la nuit, pour des raisons qui nous restent obscures, mais nous n’insistions
guère, si telle était leur destinée, nous ne pouvons que leur faire confiance. Le soir se pointait, frais
et vivifiant. Réunis au pied de la demeure de Svynge, Alia prit la parole :
- Mes amis, mes compagnons, nous avons gagné notre première bataille, et pas n’importe
laquelle. Cela ne s’est pas fait sans souffrances ni pertes, mais nous avons triomphé du fléau
terrible que représente Primordus, et sommes parvenus à affaiblir le dragon. Je vous adresse
à tous mes remerciements les plus sincères et je vous le dit maintenant, haut et fort, vous ne
resterez plus anonymes dans les livres d’histoire, votre nom brillera à travers les âges, peut
être même en lettres d’or. Maintenant que nous avons accompli ce pour quoi nous étions
venus ici, peut être l’envie vous prend elle de retourner auprès de vos proches, de vos amis
et de votre famille. Mais moi, je vous dis que tout ça n’est qu’un commencement, et qu’il
nous reste encore des grands dangers à affronter. Ensemble, unis dans notre communauté,
nos actes ont la force d’un dragon, notre bras le poids d’un titan. Restons unis, mes amis,
continuons notre lutte comme si nous n’étions qu’un, bravons les menaces de ce monde et
remportons des victoires afin que nos noms deviennent des emblèmes, que nos actes fassent
de nous des héros, tous réunis sous la même bannière : celle d’Onitopia. Êtes-vous avec
moi ?
Je regardai mes camarades après cet éloquent discours. Comment allaient-ils réagir ? Lianis fut la
première à faire un pas en avant, validant son engagement auprès de la communauté naissante. Elle
fut très vite suivie par les autres, tous les autres, sans exception (même Nono avança d’une patte).
Onitopia venait de naître dans l’esprit de nous tous, et nous unira dans nos actes et nos pensées.
- Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda la charr Yaddle.
Svynge se leva et prit la parole à son tour :
Chapitre 29 : Croisée
- Bon, voilà le topo. On a cinq couillons qui sont restés dans l’antre de Primordus, pour glander
je ne sais quoi, mais je leur fais confiance. S’ils doivent trouver des trucs, c’est là-bas qu’ils
s’en sortiront le mieux. Ælwynn et Shalimar sont parties de leur côté, mais toujours liées à
nous, au nom d’Onitopia. Seulement, des affaires grouillantes les a emmenées ailleurs. En ce
qui me concerne, je me rends dès demain au Mont Maëlstrom rôtir le poil de cet artefact
maudit qui a fait couler trop de sang. Quant à Alia, si j’ai bien compris, elle doit se rendre au
désert de cristal pour retrouver une personne qui lui est chère. Si jamais le cœur vous en dit,
vous pouvez nous accompagner, l’une ou l’autre. Si vous pensez avoir des tâches plus
importantes, n’hésitez-pas à vous en occuper et à demander de l’aide. En ce qui nous
concerne, Alia et moi, on part demain. Des questions ?
- Le Mont Maëlstrom ? Le Désert de Cristal ? Notre victoire ne vous aurait pas un peu monté à
la tête ? demanda Agaéti. En tout cas, moi, je suis partant , bien sur.
Sa remarque fut suivie de la volonté manifeste des autres à faire partie de ces dangereuses
expéditions. Personne ne chercha à se défiler ou à proposer d'autres projets.
- Je vous remercie, tous, du fond du cœur, finit par dire Svynge. Je ne pourrais tous vous
accueillir chez moi malheureusement, mais il y a une auberge pas loin, fort sympathique, à la
bière goûtue. On se retrouve ici demain, au lever du soleil. En vous souhaitant une bonne
nuit.
Pan d’Orr s’était endormie sur mes genoux, bercée par les histoires que je lui comptais. Des
histoires d’amour, lorsque je parlais de ma petite sœur ou de mon époux, des histoires de
maman tendres et généreuses, des histoires… Pendant des heures. Si je puis me permettre
de parler ainsi. Soudainement, le bruissement d’ailes monocorde du dragon tournoyant
dans le ciel venait de rompre son rythme. Je levais les yeux pour voir avec frayeur Zhaïtan se diriger à
toute allure vers nous. Le terrifiant dragon se posa lourdement juste devant nous, faisant trembler
les bâtisses proches, et deux de ses têtes effrayantes vinrent me dévisager de très près, au point que
je sentais leur haleine fétide souffler sur mon visage. Elles se mirent à hurler devant moi. J’étais
terrorisée, désarmée, avec une petite fille dans les bras. Pan d’Orr se réveilla en sursaut et sortit de
mes bras aussi vite.
- Non Papa, je t’en prie, ne lui fait pas de mal !
Les têtes du dragon rugirent devant la petite fille, soufflant ses cheveux en arrière. J’étais mal, très
mal.

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Croisée

  • 1. Chapitre 29 : Croisée Chapitre 29 : Croisee Onitopia : La naissance d’une guilde 29 A vrai dire, moi aussi je suis porteuse d’un terrible secret maintenant. Que comptes-tu faire ? Tu as encore gagné, petite maligne. C’est quoi une maman ? Vous avez tué la seule personne que j’aime en ce monde. La seule. Vous comprenez ? Je vous remercie, tous, du fond du cœur. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Allez, on se casse de là, on a fait notre boulot. Soyez maudites ! T’as du damour toi ?
  • 2. Chapitre 29 : Croisée : Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste) : Svynge (norn, gardienne) : Nezumy (asura, ingénieur) : Pug (asura, élémentaliste) : Alia Arkady (humaine, voleuse) : Shalimar (sylvari, élémentaliste) : Ayrin Fields (humaine, guerrière) : Aboune (asura, envoûteur) : Stathor (asura, ingénieur) : Guess (humaine, élémentaliste) : Lianis (sylvari, élémentaliste) : Agaéti (sylvari, gardienne) : Lazare (humain, nécromant) : Pogonar (humain, guerrier) : Gledinia (norn, rôdeuse) : Yaddle (charr, guerrière) : Oméga (asura, guerrier) : Pan d’Orr ( ? )
  • 3. Chapitre 29 : Croisée Lorsque je repris conscience, c’était pour me retrouver – après avoir traversé des contrées arides de lave, de cendres et de scories – au milieu d’un lac, au pied d’un phare. Des symboles brillaient sur l’édifice, ne manquant pas de m’éblouir. Par réflexe, je mis ma main devant mes yeux blessés, et me rassis sans ressentir la moindre difficulté. Au contraire même, une énergie démesurée tourbillonnait dans mon corps et jamais je ne me sentis aussi forte. Seulement, chaque seconde qui passait représentait une lutte terrible pour que je ne me fasse pas absorber dans ce tourbillon titanesque de haine et de fureur. Si j’utilisais une portion de cette force, même minime, ce serait pour me rapprocher de l’œil du tourbillon, et je finirai par disparaître à jamais. Shalimar, accroupie à côté de moi, me fixait de son regard noir, sa tête légèrement penchée, les sourcils froncés. Elle était visiblement inquiète, et je la comprenais, elle n’était pas la seule dans cette situation. Je posai tendrement ma main sur sa joue, pour la rassurer. Ça ira. Il faut que ça aille. Réunis au pied de ce monument funéraire, nous étions tous à nos pensées, dans le silence le plus total, que seuls les clapotements du lac venaient troubler. Le bûcher en hauteur brûlait avec vivacité, maintenant que mes yeux avaient retrouvé leur acuité. Un monument funéraire ? Comment… À mon grand étonnement, je parvenais à déchiffrer les lettres d’or gravées dans le marbre du phare comme si je connaissais ce langage depuis ma plus tendre enfance. L’esprit troublé, je constatais que nous étions projetés dans le cœur même de la religion naine. Ce lieu servait à faire passer l’âme des défunts sur l’autre rive en leur prodiguant la force et la chaleur nécessaires pour accomplir ce voyage. Chaque petite étoile sur les parois de la caverne, c’était autant d’âmes d’anciens nains qui sommeillent ici pour l’éternité, et non des vulgaires morceaux de quartz. Si je me concentrais un peu, je pouvais presque entendre leurs chuchotements, que je préférai taire. Clairement, je n’étais pas la bienvenue. Jormag et Zhaïtan non plus. Jormag et Zhaïtan ? Qu’entendent-ils par là ? En réfléchissant à leurs murmures, je pouvais comprendre pour Svynge et moi, porteuses de maux abjects, bon gré mal gré, mais Zhaïtan ? Il y aurait-il quelqu’un dans ce groupe qui nous cacherait quelque chose ? A vrai dire… A vrai dire, moi aussi je suis porteuse d’un terrible secret maintenant, et seule Shalimar partageait ce lourd fardeau. Je ne pense pas que les autres aient compris ou même soupçonnés la gravité de ma dernière action, avant de sombrer dans l’inconscience. Et je ne pouvais me permettre de partager cette information avec eux, non pas par peur ou par défiance envers eux, mais c’était un fardeau que je devais porter seule, et leur compagnie, si généreuse soit-elle, ne ferait que m’affaiblir. Je n’ai qu’un chemin à prendre maintenant, celui de la solitude et de la peine. Mais je ne me plains pas, c’était ce pour quoi je suis venue en ce monde, j’en ai l’intime conviction. Et lorsque je vis ressortir Svynge, elle qui était restée seule auprès du corps de sa sœur, une heure si ce n’est plus, je compris que certaines âmes étaient encore plus perdue que moi. Mais sa volonté était à prendre pour exemple : sans faillir, sans gémir, sans rien d’apparent malgré son cœur mortellement blessé, elle s’adressa à nous, le visage strict comme toujours, le regard déterminé : - Allez, on se casse de là, on a fait notre boulot. Les autres acquiescèrent, sauf Aboune, Pug et Nezumy étrangement.
  • 4. Chapitre 29 : Croisée Les petites étoiles s’éteignaient une par une tandis que le bûcher finissait son office. Les lumières reprenaient le dessous, et dans les ténèbres gluants qui nous entouraient, je ne pouvais me contenter de quitter les lieux aussi anonymement. Svynge, ne le prends pas bien, mais nous devons rester ici. - Comment ça ? Vous venez avec nous, y’a pas à discuter. - Svynge, ne m’écoute pas, mais je dois absolument rester ici. Je vous rejoindrai, mais dans les flammes de la cité, j’ai vu des bâtiments qui pourraient nous expliquer quelques mystères. Il faut absolument que… - Que quoi ?! Que tu crèves ici, pour rechercher des babioles sans intérêt. - Je ne t’avouerai pas que je n’ai aucune idée de l’intérêt des dits artefacts, mais mon honneur d’asura m’empêche de quitter ces lieux et de les laisser à l’abandon pour toujours. - Tu viendras avec moi, quitte à ce que je te traîne par le colbac. - Je reste aussi ici, dit Nezumy, le visage visiblement contrarié, regardant le sol, pas bien fier. Je pouvais le comprendre, car il venait d’annoncer à sa meilleure amie qu’il l’abandonne pour quelques cycles. - Tu te fous de moi ? - Je suis désolé, vraiment vraiment, mais il faudra bien quelqu’un pour refermer le passage après les recherches d’Aboune. Et qui sait mieux faire pêter un couloir que moi, hein ? - Allez aux dragons ! - Je resterai avec eux, pour les aider, finit par reprendre Pug. - Bordel, mais vous êtes combien à vouloir vous suicider comme ça ? Papa dragon est furax là, dois-je vous le rappeler ? Et vous trouvez rien de mieux à faire que de traîner dans ses papattes, en fouillant dans ses affaires, pour… - Techniquement, c’est pas ses affaires, en fait. - Par tous les esprits ! Têtes de skelks ! Restez ici, mais ne comptez pas sur moi pour venir vous rechercher ! - On sera très discrets, ne t’en fais pas. - À d’autres ! Svynge se mit à genou à notre niveau et, contre toute détente, elle nous serra tous dans ses bras, avec une petite claque sur la tête de bois de Nezumy qui, je n’en doutais pas, représentait une affection sincère. Ils nous laissèrent sur cette petite île, dans la tanière du dragon, et déjà les lueurs de leurs torches s’éteignaient au loin. Stathor, Pug, Nezumy, Guess et moi, le formidouble Aboune, affrontant les ténèbres malveillants des lieux pour… Pour quoi au fait ? C’est à contrecœur que nous laissâmes le petit groupe derrière nous, en ayant pris le temps de leur prononcer nos adieux les plus chaleureux, en leur faisant promettre de ne pas trop en faire. Je serai bien restée avec eux - mes nouvelles connaissances auraient été un atout indéniable dans les recherches d’Aboune - mais je ne pouvais me permettre de rester ici plus longtemps, si proche de Primordus. Bien trop dangereux. Moi aussi je vais devoir quitter le groupe, si je ne veux pas le mettre en danger. Dans quelques jours au plus tard… Il faudra leur annoncer… Je n’aurais pas le droit de me défiler.
  • 5. Chapitre 29 : Croisée Sur le chemin du retour, la présence des asuras nous manquait déjà – à l’exception de Splif et d’Oméga qui étaient restés avec nous - et l’ambiance paraissait bien morose. Mais, petit à petit, la vie reprenait ses droits et nous nous laissâmes peu à peu aller. Chacun y mit du sien pour parler de soi, de son peuple, de ses croyances. Pour nous faire changer les esprits. Les poèmes de Lazare nous reposaient, les rêves de Lianis nous faisaient voyager, les mystérieuses histoires de Pan d’Orr attisaient notre curiosité. Même elle, si taciturne par habitude, nous émerveillait de ses contes. L’engouement général au final prit le dessus, et même Svynge se laissa aller à la simplicité de nos discussions, naturellement. Un soir, en compagnie d’Alia, elle me mit en confidence. Mes doutes s’en trouvèrent confirmés lorsqu’elle nous avoua avoir été possédée par Jormag. Le but était évident, afin de détruire H’Any Sedjet. Mais malheureusement, un tel pouvoir demandait contribution, qui a été payée par la vie d’Ayrin. Je ne pouvais me retenir, et la curiosité prit le dessus : - Svynge, pourquoi tiens-tu tant à garder cette arme maudite ? - Parce qu’on me l’a demandée. - Qui ça ? - Ça n’a aucune importance. Tout ce que je sais, c’est que dans les mains d’un autre, cette arme dévore l’esprit du porteur à toute allure. Moi seule peut encaisser cette malédiction. Rappelle-toi quand tu l’avais dans les mains, tu faisais pas bien la fière. - Effectivement… Alia prit la parole à son tour : - Que comptes-tu faire maintenant ? - Deux trois truc à régler à Hoelbrak, lui répondit la norn, et je m’en vais rôtir cette saloperie au Mont Maëlstrom. - Au Mont Maëlstrom ? Une simple forge ne pourrait pas… - Non Alia, non, ce serait trop simple. Seul le feu primordial pourra avoir raison de cette chienne. - Je t’accompagnerai alors. - Merci, mais je me débrouillerai seule. - Je ne te laisse pas le choix. - T’as pas une mère à retrouver, la môme ? - C’est vrai, mais… - Pas de mais. Je te remercie de ta sollicitude, sincèrement, mais pour une fois, occupe-toi de toi. Je ferai part de mes projets aux autres, et si certains veulent m’accompagner, eh bien, ça se fera comme ça, voilà. Alia me regarda avant de me demander : - Et toi, Ælwynn, quels sont tes projets ? - Pas faciles. - Comment ça ? - Que ça reste bien entre nous, je vous prie. Voilà ce qui s’est passé. Je leur fis part du deuxième combat qui se déroula à leur insu, de l’absorption du vif d’H’Any Sedjet, que je parvenais difficilement à contrôler. Avant que notre norn ne s’énervât, je lui fis la comparaison
  • 6. Chapitre 29 : Croisée entre sa relation avec Jormag et la mienne actuellement avec Primordus. Que chacune de nous étions nées pour vivre ces souffrances, que nous n’y pouvions rien. - Que comptes-tu faire alors ? - M’exiler. Loin, très loin. Dans un endroit calme, d’une grande quiétude, afin de ne pas être troublée dans ma concentration. Au Prieuré probablement. - Tu y arriveras ? - Je l’espère. Mais je ne serai pas seule. Ma petite Shali m’accompagne. - Nous serons toujours là pour toi. - J’en suis sûre, et je vous remercie sincèrement. Je finis par soupirer, le cœur porté par la tristesse. Cette nuit, à une demi-journée de marche d’Hoelbrak, je devais leur prononcer mes adieux, afin que nos chemin se séparassent. - Ça a été un honneur de battre le fer à vos côtés. Je suis désolée pour Ayrin, sincèrement, mais je suis sûre que son âme repose sereinement parmi vos esprits maintenant. Transmettez mes amitiés à tous. Prenez soin d’eux, de cette guilde naissante… D’Onitopia…. - Compte sur nous. - Ensemble, unis sous le même rêve, nous avons triomphé de l’adversité. Cette guilde naissante est capable de miracles. Même si ce fut bref, même si je serai loin de vous, je resterai Onitopienne dans mon âme. Prenez soin de vous, mes compagnons. Ælwynn se leva, et s’étira sous la lumière de la demi-lune, pour finir par nous sourire. Elle prit son bâton, s’inclina devant nous, et partit dans l’obscurité de la nuit, accompagnée par Shalimar, cette dernière nous saluant de la main en signe d’adieu. C’est sur, ça fout le bourdon. Déjà leurs deux silhouettes avaient disparu dans les ombres de la nuit. Puissent les esprits veiller sur elles deux. Ouais, Onitopia. Notre première bataille, et pas n’importe laquelle. Ils se sont tous comportés comme de grands guerriers, malgré l’adversité. Ah ça, on faisait pas les malins, ça caquait sec dans nos armures, mais unis, nous avons remporté. Qui d’autres l’aurait fait ? Hein ? Tous la trouille les pétochards. On s’est pas défilés nous, on l’a baffé l’autre coquin, on lui a mis une bonne fessée au Primordus, et ça, c’est pas rien. Pas mon genre de m’attacher aux gens, trop d’emmerdes, mais eux là, ouais, faut avouer, ils en ont dans le bide. Pas des rigolos nos compagnons. Est-ce que nous nous parviendrons à nous unir maintenant que H’Any machin n’est plus qu’un tas de cendres ? Ce serait une bonne chose. N’est-ce pas J-A ? Tu te retrouves comme une crétine maintenant que tu sais que tu vas cramer comme une conne. - … le feras pas. - C’est ça chienne, tu n’as plus aucune emprise sur moi. Tu vas cramer et on n’en parle plus. - Ne fais pas ça… Tu vas le regretter. - Ferme-là !
  • 7. Chapitre 29 : Croisée Après notre douzième partie de cache-cache, à nous dissimuler, la petite Pan d’Orr et moi, dans les vastes ruines grises, je me sentais un peu épuisée. En m’adossant sur un mur croulant, j’essayais de comprendre. Par je ne sais quelle magie, je me retrouvais à errer maintenant dans l’esprit de Pan d’Orr. C’est un monde entouré de ruines grises et décrépies, sans fin, à part un horizon ténébreux et orageux qui faisait office de limite. Enfin de ce que j’en ai vu, je n’ai pas encore eu l’opportunité de m’aventurer au-delà des ruines. Il n’y avait pas de notion de temps ici, rien qui puisse m’informer sur le temps qui passe ici. Et Zhaïtan, toujours omniprésent, survolant sans lassitude aucune l’arène centrale au milieu de ces vastes ruines, comme un faucon tournant autour de sa proie, sauf que là, c’était un dragon, et que je ne voyais pas de proie. Pourquoi l’appelle-t-elle papa ? Pan d’Orr était-elle une fille abandonnée, livrée à elle-même, solitaire et sauvage, et qui aurait fait un étrange amalgame et fait de son père un dragon ? Ça me semblait farfelu, mais je ne voyais pas beaucoup d’explications. Toute à mes pensées, la petite fille finit par me trouver, en rigolant et en sautant de joie. Je l’invitai à me rejoindre, en ouvrant mes bras pour l’accueillir sur moi, ce qu’elle fit joyeusement. - Tu as encore gagné, petite maligne. - Oui. - Dis-moi, Pan d’Orr, tu as une maman ? - C’est quoi une maman ? - Ah ? Une maman, c’est comme un papa, mais c’est une fille. Et une maman, c’est doux, ça fait plein de câlins… - Comme toi ? - Oui, si tu veux, d’une certaine manière. Une maman, c’est aussi plein d’amour. - C’est quoi damour ? - De l’amour… C’est… C’est quelque chose que tu ressens dans ton cœur, là. C’est quelque chose qui t’apporte plein de tendresse et de câlins à l’intérieur de ton corps. - Comment qu’on fait pour avoir du damour ? - Ça vient tout seul, avec le temps, petite Pan d’Orr. - Tu as du damour toi ? - Oui, il y a quelqu’un que j’aime de tout mon cœur effectivement. - Et comment qui s’appelle. - Vorian. Vorian Fields. Maintenant que nous étions à Hoelbrak, je sentais Svynge fébrile. Sur sa demande, les autres nous attendaient dans sa demeure. Néanmoins, j’ai insisté pour l’accompagner, pour ne pas la laisser seule dans cette épreuve. Qu’elle accepta sans broncher. Décidément, elle était vraiment inquiète. Et pour cause. Nous approchions de la demeure de Vorian Fields, le mari d’Ayrin, pour lui annoncer la triste nouvelle. Svynge hésita un instant, puis ouvrit la porte, résolue. L’imposant norn était assis derrière le comptoir, en train de fumer une pipe, lorsqu’il leva la tête à notre approche, puis finit par se lever de toute son imposante masse. - Ah ! Ma chère belle-sœur ! Dans mes bras ma grande ! - Vorian, il faut que je te dise… - Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
  • 8. Chapitre 29 : Croisée - C’est à propos d’Ayrin. Les visages des deux interlocuteurs étaient devenus aussi blancs l’un que l’autre. Je sentais Nono se faire tout petit. Effectivement, la tension montait perceptiblement. - Que s’est-il passé ? Parle ! - Je… Je l’ai tuée… - Quoi ? QUOI ?! C’est quoi ces conneries ? - Svynge, repris-je, ce n’est pas de ta faute… - Si, ça l’est, tu l’as vu toi aussi. Je l’ai tuée, voilà tout. Le visage du tenancier avait viré du blanc au rouge pourpre. Il rentrait dans une colère folle furieuse. De rage, il balaya les bibelots sur le comptoir d’un revers de la main, les projetant un peu partout dans la pièce. - Que dis-tu ?! Pourquoi aurais-tu tué ta propre sœur ? - Je… J’ai été trop faible… Possédée… Il se jeta sur mon amie et la saisit d’une poigne de fer au niveau de la gorge, la soulevant du sol, pour la jeter à même le comptoir, gardant son emprise sur son cou, l’étranglant sommairement. Svynge ne se débattait pas, et tenta de s’égosiller : - Je… Je suis désolée… - Putain, mais putain ! Qu’est-ce qui t’es passé par la tête, abrutie ! Tu l’as tuée ?! Je me précipitais sur Vorian pour tenter de lui faire lâcher son étreinte mais il me repoussa brutalement sur le mur. Nono se releva et montra les crocs aussi sec. - Toi la rôdeuse, tu t’approches pas de moi, ou tu vas finir comme elle. Morte ! - Monsieur, je vous en prie. Notre adversaire avait une puissance hors du commun, et votre femme s’est battue comme les plus grands héros de notre peuple ! Malheureusement, elle s’est sacrifiée pour sauver sa petite sœur. Essayez de comprendre ! Si elle n’avait pas fait ça, on serait tous morts à l’heure qu’il est. - Elle non. C’est la plus grande guerrière que je connaisse, elle serait pas morte aussi connement. Le visage de Svynge tournait dangereusement au violet. Sa passivité m’effrayait, elle se laissait tuer sans réagir. - Monsieur, repris-je, votre épouse s’est sacrifiée pour nous, pour sa petite sœur, si vous la tuez maintenant, alors sa mort aura été vaine. Vorian fulminait et ruminait, mâchonnant dans sa tête mes derniers mots, puis lâcha finalement son étreinte. Svynge aspira l’air à plein poumons, en toussant et en sanglotant. - Vous avez tué la seule personne que j’aime en ce monde. La seule. Vous comprenez ? D’un geste rapide et assuré, il se saisit de l’épée accrochée à la ceinture de Svynge. - Je vais te la détruire cette malédiction ! Je vais te…
  • 9. Chapitre 29 : Croisée Des volutes bleutées et glacées entourèrent soudainement le norn, qui se pétrifia en un instant. Sa peau changeait visiblement de couleur, ses yeux aussi. Il commençait à bredouiller des mots incompréhensibles dans un langage qui m’était inconnu. Svynge se précipita vers lui et lui arracha l’arme des mains. Vorian Fields, abattu et prit d’une violente fatigue visible, s’assit lourdement sur une chaise, le regard hagard. - Je suis désolée, reprit Svynge. Tu le sais, je ne souhaitais que votre bonheur à ma sœur et toi. Quitte à me sacrifier. Mais je dois porter ce fardeau qui a été fatal pour notre bien-aimée. Je la vengerai, fais-moi confiance, et je compte détruire définitivement cette arme. Tu peux comprendre ? - Va t’en. Svynge hocha la tête et, sans dire un mot, s’en alla. Je fermai la porte en prenant le temps de regarder le norn abattu sur sa chaise. Son amour était sincère et sa réaction somme toute normale, et son regard perdu me laissait deviner qu’il revivait sa romance auprès d’Ayrin. Le pauvre… Néanmoins, j’avais confiance en la force de cet individu et j’étais convaincue qu’il ne se laissera pas faire par le sournois destin, et qu’il se relèvera de cette épreuve encore plus fort. Le reste de la journée fut plus calme heureusement. Nous étions au fait du départ d’Ælwynn et de Shalimar au cours de la nuit, pour des raisons qui nous restent obscures, mais nous n’insistions guère, si telle était leur destinée, nous ne pouvons que leur faire confiance. Le soir se pointait, frais et vivifiant. Réunis au pied de la demeure de Svynge, Alia prit la parole : - Mes amis, mes compagnons, nous avons gagné notre première bataille, et pas n’importe laquelle. Cela ne s’est pas fait sans souffrances ni pertes, mais nous avons triomphé du fléau terrible que représente Primordus, et sommes parvenus à affaiblir le dragon. Je vous adresse à tous mes remerciements les plus sincères et je vous le dit maintenant, haut et fort, vous ne resterez plus anonymes dans les livres d’histoire, votre nom brillera à travers les âges, peut être même en lettres d’or. Maintenant que nous avons accompli ce pour quoi nous étions venus ici, peut être l’envie vous prend elle de retourner auprès de vos proches, de vos amis et de votre famille. Mais moi, je vous dis que tout ça n’est qu’un commencement, et qu’il nous reste encore des grands dangers à affronter. Ensemble, unis dans notre communauté, nos actes ont la force d’un dragon, notre bras le poids d’un titan. Restons unis, mes amis, continuons notre lutte comme si nous n’étions qu’un, bravons les menaces de ce monde et remportons des victoires afin que nos noms deviennent des emblèmes, que nos actes fassent de nous des héros, tous réunis sous la même bannière : celle d’Onitopia. Êtes-vous avec moi ? Je regardai mes camarades après cet éloquent discours. Comment allaient-ils réagir ? Lianis fut la première à faire un pas en avant, validant son engagement auprès de la communauté naissante. Elle fut très vite suivie par les autres, tous les autres, sans exception (même Nono avança d’une patte). Onitopia venait de naître dans l’esprit de nous tous, et nous unira dans nos actes et nos pensées. - Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda la charr Yaddle. Svynge se leva et prit la parole à son tour :
  • 10. Chapitre 29 : Croisée - Bon, voilà le topo. On a cinq couillons qui sont restés dans l’antre de Primordus, pour glander je ne sais quoi, mais je leur fais confiance. S’ils doivent trouver des trucs, c’est là-bas qu’ils s’en sortiront le mieux. Ælwynn et Shalimar sont parties de leur côté, mais toujours liées à nous, au nom d’Onitopia. Seulement, des affaires grouillantes les a emmenées ailleurs. En ce qui me concerne, je me rends dès demain au Mont Maëlstrom rôtir le poil de cet artefact maudit qui a fait couler trop de sang. Quant à Alia, si j’ai bien compris, elle doit se rendre au désert de cristal pour retrouver une personne qui lui est chère. Si jamais le cœur vous en dit, vous pouvez nous accompagner, l’une ou l’autre. Si vous pensez avoir des tâches plus importantes, n’hésitez-pas à vous en occuper et à demander de l’aide. En ce qui nous concerne, Alia et moi, on part demain. Des questions ? - Le Mont Maëlstrom ? Le Désert de Cristal ? Notre victoire ne vous aurait pas un peu monté à la tête ? demanda Agaéti. En tout cas, moi, je suis partant , bien sur. Sa remarque fut suivie de la volonté manifeste des autres à faire partie de ces dangereuses expéditions. Personne ne chercha à se défiler ou à proposer d'autres projets. - Je vous remercie, tous, du fond du cœur, finit par dire Svynge. Je ne pourrais tous vous accueillir chez moi malheureusement, mais il y a une auberge pas loin, fort sympathique, à la bière goûtue. On se retrouve ici demain, au lever du soleil. En vous souhaitant une bonne nuit. Pan d’Orr s’était endormie sur mes genoux, bercée par les histoires que je lui comptais. Des histoires d’amour, lorsque je parlais de ma petite sœur ou de mon époux, des histoires de maman tendres et généreuses, des histoires… Pendant des heures. Si je puis me permettre de parler ainsi. Soudainement, le bruissement d’ailes monocorde du dragon tournoyant dans le ciel venait de rompre son rythme. Je levais les yeux pour voir avec frayeur Zhaïtan se diriger à toute allure vers nous. Le terrifiant dragon se posa lourdement juste devant nous, faisant trembler les bâtisses proches, et deux de ses têtes effrayantes vinrent me dévisager de très près, au point que je sentais leur haleine fétide souffler sur mon visage. Elles se mirent à hurler devant moi. J’étais terrorisée, désarmée, avec une petite fille dans les bras. Pan d’Orr se réveilla en sursaut et sortit de mes bras aussi vite. - Non Papa, je t’en prie, ne lui fait pas de mal ! Les têtes du dragon rugirent devant la petite fille, soufflant ses cheveux en arrière. J’étais mal, très mal.