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DSB, Calavi, juillet 2009
2
Dimension Sociale Bénin tient à remercier la Commission Européenne
dont l’appui financier l’a aidée à produire la première édition du
présent manuel de formation des défenseurs des droits de l’homme en
Afrique.
Commission Européenne
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION
MODULE 1 : DROITS DE LA PERSONNE EN AFRIQUE
Les Droits individuels garantis par la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples
Les Droits de la Femme en Afrique
Les Droits de l’Enfant
Droits de l’Homme et Société de l’Information en Afrique
Les obligations des Etats dans la mise en œuvre des
instruments relatifs aux Droits de l’Homme
MODULE 2 : PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE
EN AFRIQUE
Les mécanismes onusiens de protection des Droits de
l’Homme : Les organes de la Charte
Les mécanismes onusiens de protection des Droits de
l’Homme : Les organes de Traités
Mécanismes juridictionnels (Commission et Cour) de protection
des Droits de l’Homme en Afrique
Mécanismes non juridictionnels de protection des Droits de
l’Homme en Afrique
La cour Pénale internationale : Place des victimes et rôle des
ONG
Justiciabilité des Droits de l’Homme
MODULE 3 : DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN
AFRIQUE
Rôle des ONG devant les institutions Internationales de
Défense
Des Droits de l’Homme
Monitoring des violations des Droits de l’Homme en Afrique
Techniques de Lobbying
Règles essentielles pour la sécurité d’un militant des Droits
de l’Homme en Afrique
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INTRODUCTION
Le présent manuel de formation est rédigé dans le cadre de la mise en
œuvre du Projet Synergie d’Actions pour la Professionnalisation et la
Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique
(SAPPDDHA). Le Projet couvre 15 pays d’Afrique de l’Ouest et du
Centre (Tchad, R. D. Congo, Congo Brazzaville, Cameroun, Rwanda,
Burundi, République centrafricaine, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire,
Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal, et Togo) et est financé à
73.41% par la Commission Européenne et à 26.59% par Dimension
Sociale Bénin (et ses partenaires locaux) qui en est l’organisme de
mise en œuvre.
L’activité de défense et de promotion des droits de l’homme en ce
21ème siècle n’est plus seulement une question de militantisme ni
d’engagement mais une question de connaissance et de compétence.
C’est plutôt une question de professionnalisme et d’expérience. Et
même si on a du mal à l’affirmer, ne devient pas défenseur des droits
de l’homme qui veut, mais qui peut car le travail d’un défenseur des
droits de l’homme est le travail le plus compliqué et en même temps le
plus simple. Il importe en effet de connaître, vivre et pratiquer les droits
de l’homme dans la vie courante et quotidiennement avant de passer à
sa promotion et à sa défense.
Un défenseur des droits de l’homme c’est cette personne qui décide
après mûre réflexion de s’engager pour la liberté et le bien-être des
autres et partant de lui-même. C’est donc un engagement humanitaire
mais un engagement qui demande assez de sacrifices.
Un défenseur des droits de l’homme doit pouvoir connaître les textes
qui promeuvent les droits de l’homme, les règles et les mécanismes de
promotion et de défense de ces droits, en être profondément
convaincu avant de décider d’agir publiquement pour faire respecter
ces droits. Il trouvera souvent en face de lui un système politique prêt
à répondre à toutes les dénonciations, à toutes les réclamations et à
toutes les accusations. Les organisations de défense des droits de
6
l’homme, malgré leurs expériences et leurs compétences, ont toujours
été la cible d’Etats accusés de violer ces droits.
Il est donc important et même stratégique que les défenseurs des
droits de l’homme surtout en Afrique renforcent quotidiennement leurs
capacités dans ce vaste domaine d’action que constituent la promotion
et la défense des droits de l’homme.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place des
mécanismes devant faire avancer l’idéal de paix, d’harmonie et de
bien-être des hommes, des femmes et des enfants. La plupart des
Etats se sont engagés pour que ces mécanismes soient respectés.
Des instruments universels ont été adoptés pour assurer à l’homme sa
dignité dans tous les sens ; de nouveaux textes sont adoptés ou en
cours d’étude tous les jours pour prendre en compte les nouvelles
préoccupations de l’humanité.
En outre la mise en œuvre de la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme a conduit à l’adoption des instruments régionaux de
protection des Droits de l’Homme. La Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, la Convention Européenne des Droits de
l’Homme, la Convention Américaine Relative aux Droits de l’Homme
en sont une illustration éloquente.
Malgré toutes ces dispositions louables, les intérêts politiques et
économiques conduisent malheureusement le monde dans les guerres
civiles, les génocides et les violations massives des droits de
l’homme.
Le métier de défenseur des droits de l’homme devient donc plus ardu
compte tenu de la récurrence des violations des droits de l’homme
malgré les textes. La connaissance des textes s’impose alors.
Le présent manuel destiné aux défenseurs des droits de l’homme en
général et aux défenseurs africains en particulier a pour vocation
d’être un outil pratique de la pratique des droits de l’homme sur le
terrain.
7
Loin d’être un document exhaustif de réflexion sur les droits de
l’homme, il propose dans un langage simple avec des exemples
concrets les différents droits de l’homme consacrés par les
instruments universels et africains relatifs aux droits de l’homme, les
différents mécanismes universels et africains de protection des droits
de l’homme et les techniques nécessaires à la sécurisation des
défenseurs des droits de l’homme.
Le manuel se veut un guide pour les défenseurs des droits de l’homme
en Afrique. Il se veut également un guide de formation des défenseurs
des droits de l’homme en Afrique. Il met en effet à la disposition des
défenseurs des droits de l’homme des connaissances nécessaires
pour une militance éclairée, dynamique et efficace.
Si le travail du défenseur des droits de l’homme est difficile en général,
celui du défenseur africain est ardu et nécessite du courage et encore
de la persévérance. Certains défenseurs africains en payent de leurs
vies malheureusement. C’est pourquoi le présent manuel se veut un
manuel de promotion du nouveau paradigme de la défense des droits
de l’homme en Afrique. Ce nouveau modèle de défense des droits de
l’homme commande d’utiliser des méthodes nouvelles telles le
dialogue, l’accompagnement, la synergie, susceptibles d’éviter la
persécution des défenseurs des Droits de l’Homme.
Rédigé par une équipe de spécialistes en droits de l’homme, le manuel
est divisé en trois parties relatives respectivement aux droits de la
personne en Afrique, à la protection des droits de la personne en
Afrique, et aux défenseurs des droits de l’homme en Afrique.
8
9
MODULE 1 : DROITS DE LA PERSONNE EN AFRIQUE
Ce premier module est structuré en cinq thèmes complémentaires qui
se présentent comme ci-après :
• Les droits individuels garantis par la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples
Ce thème énonce les principaux droits individuels garantis par la
Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples en insistant sur
ces spécificités à travers une analyse comparative avec les autres
instruments régionaux.
• Les droits de la femme en Afrique
Après un état des lieux de la situation des femmes en Afrique, ce
thème énonce les principaux droits reconnus à la femme africaine, les
analyse et aborde enfin les obligations des Etats.
• Les droits de l’enfant en Afrique
Après un état des lieux de la situation des enfants en Afrique, ce
thème énonce les principaux droits reconnus à l’enfant africain, les
analyse et aborde enfin les obligations des Etats.
• Les Droits de l’Homme et la société de l’information en
Afrique
L’auteur a abordé sous ce thème la protection des données à
caractère personnel, les risques liés à l’utilisation d’Internet, et, la vie
privée et les nouvelles techniques de surveillance.
10
• Les obligations de l’Etats dans la mise en œuvre des Droits de
l’Homme.
Pour que les différents droits reconnus à l’individu soient une réalité, il
est important que les obligations de l’Etat qui est le débiteur de ces
droits soient précisées, d’une part, et que les voies de leur justiciabilité
soient connues et mises en œuvre, d’autre part. L’auteur a ainsi
abordé les diverses obligations de l’Etat dans la mise en œuvre des
instruments relatifs aux droits de l’homme : il s’agit des obligations de
respecter, de protéger et de réaliser.
11
LES DROITS INDIVIDUELS GARANTIS PAR LA CHARTE
AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
Par M. Félix AHOUANSOU
L’Afrique, à l’instar de l’Europe et de l’Amérique dans le domaine de la
protection des droits de l’homme, a trouvé le moyen de mettre sur pied
un système de protection propre à elle. Ce moyen n’est rien d’autre
que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée
à Nairobi, au Kenya, le 27 juin 1981. Elle est entrée en vigueur le 21
octobre 1986. Comme objectif cette Charte vise à ‘’assurer la
promotion et la protection des droits et libertés de l’homme et des
peuples, compte dûment tenu de l’importance primordiale
traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés’’1
.
Comme mesure de sauvegarde du respect des droits énoncés dans
cette Charte, il est créé une Commission des droits de l’homme et des
peuples qui tire son fondement de l’article 30 de la Charte. Il s’agit d’un
mécanisme non juridictionnel comme cela a été le cas en Europe, en
Amérique. Les premiers sont passés aussi par les Commissions - et
aux Nations Unies où les mécanismes non juridictionnels,
caractéristiques d’un système de protection faible, perdurent. Ce sont
des mécanismes dont les décisions ne peuvent avoir force obligatoire
en droit, faute d’un contrôle juridictionnel (une cour) sanctionné par
une décision (arrêt) revêtue de l’autorité de la chose jugée.
Du moment où les décisions de la Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples, comme celles des Commissions européenne
et américaine, ne revêtent pas un caractère contraignant, cela va sans
dire que ce mécanisme, non juridictionnel, ne peut protéger
efficacement les droits individuels des citoyens. Les droits individuels
garantis par la Charte n’auraient donc aucun effet utile.
C’est ainsi que, pour suivre l’exemple de l’Europe (avec la Cour
européenne des droits de l’homme) et de l’Amérique (avec la Cour
1
Préambule de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
12
interaméricaine des droits de l’homme), l’Afrique a pensé à mettre sur
pied une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le 9
juin 1998 à Ouagadougou, au Burkina Faso, la Cour africaine des
droits de l’homme et des peuples a été créée par l’adoption du
protocole de Ouagadougou (entré en vigueur le 25 janvier 2004). Le
protocole de 1998 vient donner un sens aux droits individuels
prétendument garantis par la Charte depuis 1981.
La Charte se distingue d’autres instruments régionaux de protection
des droits de l’homme à travers le mérite qu’elle a de faire des
‘peuples’ des sujets de droit à part entière. Ceci constitue une
originalité qu’il faut reconnaître à la Charte du fait qu’elle reste le seul
instrument régional à prescrire expressément des droits pour les
peuples, lorsqu’on la compare à la Convention européenne des droits
de l’homme (CEDH) et à la Convention américaine relative aux droits
de l’homme (CADH).
La Charte est également le seul instrument régional à contenir des
dispositions garantissant, à la fois, les droits civils et politiques et les
droits économiques sociaux et culturels.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples consacre
paradoxalement des devoirs de l’individu alors qu’il s’agit d’un
instrument de protection des droits de l’homme. Quoiqu’elle ne soit
pas le seul instrument régional à faire cas des devoirs de l’individu,
c’est quand même le seul instrument à imposer incomparablement des
devoirs à l’individu. En l’occurrence, les articles 27, 28 et 29 de la
Charte sont entièrement consacrés aux devoirs de l’individu envers la
famille et la société, envers l’État et les autres collectivités légalement
reconnues, et envers la communauté internationale. Ce n’est pas pour
autant qu’il faille s’en offusquer car même les droits de l’homme les
mieux garantis induisent, on le verra plus loin, des obligations et
responsabilités pour leurs titulaires. Ce sont autant d’éléments qui
témoignent de l’originalité de la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples.
13
Dans le présent article, nous nous intéresserons aux droits individuels
consacrés par la Charte. Nous allons ici analyser dans les détails les
principaux droits individuels garantis par la Charte. Il s’agira d’une
analyse comparative centrée sur les possibles interprétations des
différents articles consacrés aux droits des individus dans la Charte.
I- Enoncé des droits individuels garantis par la Charte.
La base juridique des droits consacrés aux individus se trouve dans
les articles 2 à 18 de la Charte africaine. Ces droits ont bien sûr pour
la plupart des équivalences dans d’autres instruments internationaux
[le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le
pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC)] et régionaux [ci avant cités] de protection des droits de
l’homme.
Pour donner une lisibilité à ces droits individuels dans la Charte
africaine, nous avons emprunté à Frédéric Sudre2
une classification,
quoique arbitraire, qui nous a permis de regrouper lesdits droits en 8
catégories, à savoir :
Intégrité de la personne (art.4 et 5) ;
Libertés de la personne physique (art.6 et 12) ;
Droits de procédure (art.3 et 7) ;
Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 4 et 18);
Libertés de la pensée (art. 8, 9 et 17);
Libertés de l’action sociale et politique (art.10, 11 et 13) ;
Droit de propriété (art.14); et
Droit des étrangers (art.12).
Le droit à la non-discrimination consacré par les articles 2, 3, 15, 16 et
17(1) et (2)) constitue un “droit transversal’’3
, l’ensemble des droits
garantis étant en effet gouverné par le principe de l’interdiction de la
discrimination.
2
Frédéric Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, PUF, 2006, pp. 258- 259.
3
Frédéric Sudre, Ibid., p. 259.
14
Nous allons procéder à présent à l’analyse de ces droits principaux
liés à l’autonomie de la personne.
II- Analyse
II-1. Le droit à la non – discrimination (principe posé par l’art.2)
L’étude des droits protégés par la Charte commencera par celle du
droit à la non-discrimination qui fait figure de ‘’droit transversal’’.
L’article 2 de la Charte africaine, à l’instar de l’article 14 de la CEDH et
de l’article 1 § 1 de la CADH, pose en effet un principe général et
neutre de non discrimination qui gouverne la jouissance de tous les
droits garantis par la Charte. Issu du postulat général de l’égale dignité
de tous les êtres humains, posé par l’article 1er
de la DUDH, le principe
de non –discrimination est un principe matriciel de la protection
internationale des droits de l’homme que l’on retrouve dans tous les
instruments internationaux de proclamation des droits de l’homme.
La portée de l’interdiction de discrimination
Au plan régional, la clause de non discrimination posée par l’article 2,
puisqu’elle vaut uniquement pour les droits garantis par la Charte, n’a
pas d’existence indépendante. En effet, le domaine d’application de
l’égalité prescrite par l’article 2 de la Charte est celui constitué par
l’ensemble des droits protégés par la Charte. De même, l’article 14 de
la CEDH ne vaut que pour les droits garantis par la Convention.
L’article 2 est alors inapplicable s’il n’est pas invoqué en liaison avec
une autre disposition de la Charte. Car, il n’ajoute pas à la liste des
droits garantis mais renforce leur protection. C’est l’égalité devant la
Charte et non devant le Droit en général qui est proclamé.
C’est ainsi que la Commission africaine a conclu à la violation de
l’article 2 dans l’affaire Amnesty International c. Zambie, § 37, 43 et
44, du 5 mai 1999, Communication 212/98 :
15
« 37. (…) Il ne faut pas perdre de vue la preuve que William Steven
Banda était un opposant politique du MMD au pouvoir. (…). Il apparaît
qu’il a été ciblé en raison de son origine ethnique qui par hasard existe
aussi en Zambie. (…)
43. L’article 2 de la Charte stipule que : (…)
44. En expulsant de force de la Zambie les deux victimes, l’Etat a violé
leur droit de jouir de tous les droits garantis par la Charte Africaine.
L’article cité impose au gouvernement zambien l’obligation d’assurer à
toute personne résidant sur son territoire, la jouissance des droits
garantis par la Charte Africaine, indépendamment de leur opinion
politique ou autre. Cette obligation a été réaffirmée par la Commission
dans le cas ‘‘Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de
l’Homme c/ Zambie’’ (communication 71/92). L’annulation arbitraire de
la nationalité dans le cas de Chinula ne peut pas se justifier».
Selon cette jurisprudence, d’autres dispositions de la Charte ont été
violées par la Zambie : « Par ces motifs, la Commission déclare qu’il y
a eu violation des articles 2, 7(1) (a), 8, 9(2), 10 et 18(1) et (2) de la
Charte Africaine»4
.
Il faut toutefois apporter la précision suivante : il n’est pas nécessaire
que la mesure litigieuse viole en soi un des droits garantis par la
Charte pour invoquer l’article 2. Même si une mesure respecte l’une ou
l’autre disposition de la Charte, l’article 2 peut être utilement invoqué
en liaison avec celle-ci pour autant qu’une discrimination soit
décelable. Le principe posé par l’article 2 de la Charte étant le même
que celui de l’article 14 CEDH, nous citons, à ce propos, l’affaire
relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en
Belgique, arrêt du 23 juillet 1968 pages 33-34 §9 dans laquelle la Cour
a consacré l’autonomie de l’article 14 CEDH. Selon cette
jurisprudence de la Cour, l’article 14 CEDH complète les autres
clauses normatives de la Convention et fait « partie intégrante de
chacune des dispositions garantissant des droits et libertés » (aussi
4
CADHP, affaire Amnesty International c. Zambie, du 5 mai 1999, Communication :
212/98, par. 37, 43 et 44 :
< http://www1.umn.edu/humanrts/africa/comcases/comcases.html>
16
Marckx c/ Belgique, 13 juin 1979). Nous n’avons pas encore eu de
décision de la Commission africaine allant dans le sens de l’autonomie
de l’article 2. Cela pourrait être le cas avec la Cour africaine.
L’article 2 de la Charte comme l’article 14 de la CEDH peuvent
permettre donc de censurer la discrimination dans la jouissance d’un
droit respecté.
Quant aux articles 3, 15, 16 et 17(1) et (2) de la Charte, ils jouissent
d’une existence indépendante comme toutes les autres dispositions,
d’autant plus qu’ils s’appliquent à des situations particulières de non
discrimination. Il n’est pas besoin de les invoquer conjointement avec
un autre article de la Charte. Chacun d’eux constitue un droit à part
entière.
Au plan universel, le principe de non - discrimination a une portée
générale en matière de protection des droits de l’homme
(obs.gén.18/37 sur l’article 26, in Manuel…, p87)5
. Le comité des
droits de l’homme a fait une interprétation constructive de l’article 26
PIDCP (« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à
une égale protection de la loi »). L’article 26 visant la législation
nationale impose à l’Etat de ne pas adopter et mettre en œuvre une loi
dont les dispositions seraient discriminatoires vis-à-vis des citoyens.
Le droit à la non discrimination garanti par l’article 26 est donc un droit
autonome dont la portée ne se limite pas aux seuls droits énoncés par
le pacte.
II-2. INTEGRITE DE LA PERSONNE
On peut y regrouper le droit à la vie, l’interdiction de la torture et
l’interdiction de l’esclavage qui concourent à préserver l’intégrité
physique et morale de la personne humaine. Les articles 4 et 5 de la
Charte constituent la base de cette protection.
5
Cité par Frédéric Sudre, op. cit. p. 260.
17
II.2.1. Le droit à la vie
La jouissance du droit à la vie (art. 4 Charte Afr. DHP, art. 2 CEDH,
art.6 PIDCP) fait peser sur l’Etat trois types d’obligation afin de
satisfaire l’individu :
L’obligation de respecter (ne pas porter atteinte arbitrairement) ;
L’obligation de protéger (dimension substantielle et procédurale) ; et
l’obligation de réaliser.
A- OBLIGATION DE RESPECTER
L’obligation de respecter le droit à la vie trouve sa source tant dans
l’article 4 de la Charte africaine, l’article 2 CEDH, l’article 6 PIDCP que
dans certains codes de conduite ou principes au plan universel (Voir
annexe n°01 ).
Article 4 Charte africaine :
La personne humaine est inviolable. Tout être humain a le droit au
respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne :
nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit.
Article 2 CEDH :
1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne
peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution
d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit
est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet
article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu
absolument nécessaire:
a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence
illégale;
b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher
l'évasion d'une personne régulièrement détenue;
18
c. pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une
insurrection.
Article 6 PIDCP :
Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être
protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.
NATURE ET AMPLEUR DE L’OBLIGATION :
Pour appréhender la nature et l’ampleur de l’obligation de respecter le
droit à la vie, nous allons nous inspirer de l’observation générale n°6
du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies et des décisions
de la Cour Européenne des droits de l’homme
En effet, dans son observation générale n°6 relativ e au droit à la vie,
au paragraphe 3, le Comité des Droits de l’homme estime que :
« la protection contre la privation arbitraire de la vie, qui est
expressément requise dans la troisième phrase du paragraphe 1 de
l'article 6, est d'une importance capitale. Le Comité considère que les
Etats parties doivent prendre des mesures, non seulement pour
prévenir et réprimer les actes criminels qui entraînent la privation de la
vie, mais également pour empêcher que leurs propres forces de
sécurité ne tuent des individus de façon arbitraire. La privation de la
vie par les autorités de l'Etat est une question extrêmement grave. La
législation doit donc réglementer et limiter strictement les cas dans
lesquels une personne peut être privée de la vie par ces autorités ».
Dans une décision récente de la Cour européenne des droits de
l’homme dans l’affaire KARAGIANNOPOULOS c. GRÈCE (21 juin
2007), la Cour a eu l'occasion de revoir sa jurisprudence relative à
l'article 2 de la Convention. Elle décida ainsi que cette disposition
s'applique même s'il n'y a pas eu décès de la victime, dès lors que la
force utilisée à l'encontre d'une personne était potentiellement
meurtrière et que c'est pur hasard si celle-ci a eu la vie sauve.
19
Lorsque la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
dispose en son article 4, relatif au droit à la vie, que «nul ne peut être
privé arbitrairement de ce droit », elle ne précise pas les circonstances
dans lesquelles la privation de la vie peut se justifier. L’article 6 du
PIDCP ne le précise pas non plus, mais l’observation générale n° 6
relative au droit à la vie, nous l’avons vu supra, précise que les
législations doivent réglementer et limiter strictement les cas dans
lesquels une personne peut être privée de la vie par les autorités.
Les législations étant diverses et variées, il paraît utile de prendre
l’exemple de la Convention européenne des droits de l’homme en son
article 2. Le texte de l'article 2, pris dans son ensemble, démontre que
le § 2 ne définit pas avant tout les situations dans lesquelles il est
permis d'infliger intentionnellement la mort, mais décrit celles où il est
possible d'avoir "recours à la force", ce qui peut conduire à donner la
mort de façon involontaire. Le recours à la force doit cependant être
rendu "absolument nécessaire" pour atteindre l'un des objectifs
mentionnés aux alinéas a), b) ou c).6
Les termes "absolument nécessaire" figurant à l'article 2 § 2 indiquent
que la force utilisée par des agents de l’Etat doit en particulier être
strictement proportionnée aux buts mentionnés. (Cf. Cour eur. DH,
arrêt McCann et al. c Royaume-Uni du 27 septembre 1995).
OBLIGATIONS PROCÉDURALES
Lorsque les autorités sont mises au courant de la mort d’une personne
par le fait des agents de l’Etat, il leur est fait obligation de commander
d’office une enquête. Cette enquête doit être menée par des
enquêteurs indépendants, elle doit être effective et marquée d’une
célérité et d’une diligence raisonnable avec un droit de regard suffisant
du public7
.
6
Cour eur. DH, arrêt McCann et al. c Royaume-Uni du 27 septembre 1995, § 148.
7
Cour eur. DH, arrêt McKerr c. Royaume-Uni du 4 mai 2001
20
Pour atteindre ces objectifs, les autorités doivent agir d'office, dès
que l'affaire est portée à leur attention. Elles ne sauraient laisser aux
proches du défunt l'initiative de déposer une plainte formelle ou
d'assumer la responsabilité d'une procédure d'enquête.
D'une manière générale, on peut considérer que pour qu'une enquête
sur une allégation d'homicide illégal commis par des agents de l'Etat
soit efficace il faut que les personnes qui en sont chargées soient
indépendantes des personnes impliquées. Cela suppose non
seulement l'absence de lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi
une indépendance concrète.
L'enquête doit également être effective en ce sens qu'elle doit
permettre de déterminer si le recours à la force était justifié ou non
dans les circonstances de l’affaire et d'identifier et de sanctionner
les responsables.
Il s'agit d'une obligation non pas de résultat, mais de moyen. Les
autorités doivent en effet avoir pris les mesures raisonnables dont
elles disposaient pour assurer l'obtention des preuves relatives
aux faits en question, y compris, entre autres, les dépositions des
témoins oculaires, des expertises et, le cas échéant, une autopsie
propre à fournir un compte rendu complet et précis des blessures et
une analyse objective des constatations cliniques, notamment de la
cause du décès. Toute déficience de l'enquête affaiblissant sa
capacité à établir la cause du décès ou les responsabilités risque de
faire conclure qu'elle ne répond pas à cette norme.
Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite
dans ce contexte. Même si l’on peut admettre qu'il peut y avoir des
obstacles ou des difficultés empêchant l'enquête de progresser dans
une situation particulière, une réponse rapide des autorités lorsqu'il
s'agit d'enquêter sur le recours à la force meurtrière peut
généralement être considérée comme essentielle pour préserver la
confiance du public dans le respect du principe de légalité et pour
21
éviter toute apparence de complicité ou de tolérance relativement à
des actes illégaux.
Pour les mêmes raisons, le public doit avoir un droit de regard
suffisant sur l'enquête ou sur ses conclusions, de sorte qu'il puisse y
avoir mise en cause de la responsabilité tant en pratique qu'en théorie.
Le degré requis de contrôle du public peut varier d'une situation à
l'autre. Dans tous les cas, toutefois, les proches de la victime doivent
être associés à la procédure dans toute la mesure nécessaire à la
protection de leurs intérêts légitimes.
QUESTIONS SPÉCIFIQUES : AVORTEMENT ET PEINE DE MORT
En ce qui concerne l’avortement dans le système européen des droits
de l’homme, on peut se référer à l’affaire du mari dont on avait refusé
la demande visant à obtenir une injonction empêchant son épouse
enceinte de mettre fin à sa grossesse (Paton c/ Royaume-Uni).
Selon la Commission européenne des droits de l’homme, le droit à la
vie du foetus ne l’emportait pas sur les intérêts de la femme enceinte
car l’usage de l’expression « toute personne » figurant à l’article 2 de
la CEDH et dans d’autres dispositions de la Convention tendait à
étayer la thèse qu’elle ne s’appliquait pas au foetus.
« La vie du foetus est intimement liée à la vie de la femme qui le porte
et ne saurait être considérée isolément. Si l’on déclarait que la portée
de l’article 2 s’étend au fœtus et que la protection accordée par cet
article devait, en l’absence de limitation expresse, être considérée
comme absolue, il faudrait en déduire qu’un avortement est interdit,
même lorsque la poursuite de la grossesse mettrait gravement en
danger la vie de la future mère. Cela signifierait que « la vie à naître »
du foetus serait considérée comme plus précieuse que celle de la
femme enceinte. »
Sur cette question les avis sont partagés en Europe car la Convention
elle-même ne parle pas expressément du droit à la vie du fœtus. Et
22
alors chaque législation est particulière sur la question. La tendance
est quand même de protéger la vie de la mère face à celle du fœtus.
En Afrique, l’article 4 de la Charte africaine ne fournit aucun indice qui
permette d’affirmer que le droit à la vie trouve à s’appliquer à un fœtus.
Le protocole de Maputo relatif aux droits des femmes en Afrique non
encore entré en vigueur précise en son article 14, 2, c, que les Etats
prennent toutes mesures appropriées pour « protéger les droits
reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement
médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la
grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou
la vie de la mère ou du fœtus ».
Le même texte en son article 14, 1, confère aux femmes africaines le
droit au libre choix des méthodes de contraception et le droit d’exercer
un contrôle sur leur fécondité.
L’application de ces dispositions ne peut raisonnablement conduire à
privilégier la vie du fœtus par rapport à celle de la femme enceinte
pour autant que cette dernière ait une raison valable de se
débarrasser de sa grossesse.
En revanche, la Charte africaine des droits et du bien être de l’enfant
entrée en vigueur le 29 novembre 1999 tend à faire penser qu’un
fœtus peut être considéré comme un être humain, donc comme ‘toute
personne’, au sens de l’article 4 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples.
En effet, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant définit
l’enfant en son article 2 comme « tout être humain âgé de moins de 18
ans ». En vue de protéger ce dernier, la Charte met à la charge des
Etats l’obligation de prendre des mesures aux fins de réduire la
mortalité prénatale et infantile (article 14, 2, a de la Charte africaine
des droits et du bien-être de l’enfant). Cela voudra –t- il dire que le
fœtus doit être considéré comme un enfant, donc comme « tout être
humain âgé de moins de 18 ans » qu’il faille protéger au sens de
l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ?
23
En répondant par l’affirmative, on serait amené à considérer que
l’avortement est interdit même lorsque la grossesse menace la santé
de la mère. Mais il serait absurde de vouloir protéger le droit à la vie
d’un fœtus en acceptant de violer celui de sa mère. De plus, le
protocole de Maputo qui protège la femme contre certains types de
grossesse prendrait le contre-pied de la Charte africaine des droits et
du bien-être de l’enfant qui semble protéger l’enfant depuis le ventre
de sa mère sans aucune réserve.
Quid de la peine de mort ?
Il est contradictoire de consacrer « le droit à la vie » et « la peine de
mort » dans un même instrument international de protection des droits
de l’homme. Car la peine de mort ne saurait être un droit de l’homme.
C’est pourquoi la tendance dans les différents traités internationaux va
vers l’abolition de la peine de mort. C’est ainsi que du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (article 6 du Pacte)
au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en
passant par l’Observation générale no 6 du Comité des droits de
l'homme sur l'article 6 du Pacte (1982), on ne peut que conclure à
l’abolition de la peine de mort.
Lorsque nous consultons la Convention relative aux droits de l'enfant
en son article 37, nous notons que les Etats parties veillent à ce que a)
Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni
l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent
être prononcés pour les infractions commises par des personnes
âgées de moins de dix-huit ans.
S'il ressort des §§ 2 à 6 de l'article 6 que les Etats parties ne sont pas
tenus d'abolir totalement la peine capitale, ils doivent en limiter
24
l'application et, en particulier, l'abolir pour tout ce qui n'entre pas dans
la catégorie des "crimes les plus graves".
Ils devraient donc envisager de revoir leur législation pénale en tenant
compte de cette obligation et, dans tous les cas, ils sont tenus de
limiter l'application de la peine de mort aux "crimes les plus graves".
D'une manière générale, l'abolition est évoquée dans cet article en des
termes qui suggèrent sans ambiguïté (par. 2 et 6) que l'abolition est
souhaitable.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies estime que
l'expression "les crimes les plus graves" doit être interprétée d'une
manière restrictive, comme signifiant que la peine capitale doit être
une mesure tout à fait exceptionnelle8
.
Aujourd’hui, l’on peut se féliciter de l’adoption du 2ème protocole
facultatif PIDCP visant à abolir la peine de mort qui vient clôturer le
débat sur la question de l’abolition de la peine de mort. L’article
premier du protocole dispose :
1. Aucune personne relevant de la juridiction d'un Etat partie au
présent Protocole ne sera exécutée.
2. Chaque Etat partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir
la peine de mort dans le ressort de sa juridiction.
Il reste que les Etats ayant ratifié ce protocole s’y conforment dans leur
législation nationale.
Au plan régional africain, les textes ci après interdisent la peine de
mort :
article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
article 5 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant
article 4 du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples relatif aux droits des femmes
8
Cf Observation générale n°6 relative au droit à la vie, § 7.
25
En outre, il y a eu une session extraordinaire de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples suite à des exécutions
capitales au Nigéria en 1995 et résolution sur la peine de mort en
1999.
En Europe, on peut citer les textes ci-après relatifs à la question de la
peine de mort :
article 2 CEDH – droit à la vie
Protocole 6 - abolition peine de mort
Protocole 13 - abolition peine de mort en toutes circonstances
Les arrêts Soering -1989 et Oçalan -2002 de la Cour européenne des
droits de l'homme peuvent être intéressants à étudier dans ce cadre.
OBLIGATION DE PROTEGER
L’obligation de protéger qui pèse sur les Etats peut s’analyser dans les
cas de disparitions forcées et d’éloignement du territoire.
Selon le Comité des droits de l'homme, Observation générale n°6:
le droit à la vie (27 juillet 1982), “les États parties doivent aussi
prendre des mesures spécifiques et efficaces pour empêcher la
disparition des individus, ce qui malheureusement est devenu trop
fréquent et entraîne trop souvent la privation arbitraire de la vie. En
outre, les États doivent mettre en place des moyens et des procédures
efficaces pour mener des enquêtes approfondies sur les cas de
personnes disparues dans des circonstances pouvant impliquer une
violation du droit à la vie”.
Nous avons aussi comme source de cette protection la Convention
internationale pour la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées approuvée par le Conseil des droits de
l’homme lors de sa 1ère session, le 16 juin 2006 qui définit en son
article 2 la disparition forcée comme:
26
« l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme
de privation de liberté commis par des agents de l’Etat ou par des
personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec
l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’Etat, suivi du déni de la
reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort
réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la
soustrayant à la protection de la loi ».
La convention contient en outre des dispositions relatives, notamment,
à :
- l’obligation d’incrimination des comportements visés
- l’obligation de conduire une enquête indépendante et effective
L’obligation d’établir sa compétence à l’égard des actes de disparition
forcée commis sur le territoire ou par des nationaux de l’Etat concerné
(voire, si l’Etat le juge approprié, lorsque la personne disparue a sa
nationalité) et le principe aut dedere, aut judicare lorsqu’une personne
soupçonnée d’avoir causé des disparitions forcées se trouve sur le
territoire.
Dans ce domaine, on peut citer l’affaire Cour IADH, arrêt Godinez
Cruz c. Honduras du 20 janvier 1989.
Pour étayer le cas d’éloignement du territoire qui pose problème en ce
qui concerne l’obligation de protéger qui pèse sur l’Etat, nous allons
citer l’arrêt Soering de la Cour Eur. D. H. (vu supra)
C- OBLIGATION DE REALISER
Cette obligation de réaliser le droit à la vie trouve sa meilleure
justification dans le paragraphe 5 de l’Observation générale n°6 : le
droit à la vie (1982) du Comité des droits de l’homme :
« De plus, le Comité a noté que le droit à la vie était trop souvent
interprété de façon étroite. L'expression "le droit à la vie ... inhérent à
la personne humaine" ne peut pas être entendue de façon restrictive,
27
et la protection de ce droit exige que les Etats adoptent des mesures
positives. A cet égard, le Comité estime qu'il serait souhaitable que les
Etats parties prennent toutes les mesures possibles pour diminuer la
mortalité infantile et pour accroître l'espérance de vie, et en particulier
des mesures permettant d'éliminer la malnutrition et les épidémies ».
II.2.2. INTERDICTION DE LA TORTURE
Sources :
Article 5 de la Charte africaine : « Tout individu a droit au respect de la
dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa
personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement
de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture
physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains
ou dégradants sont interdites »
Article 3 CEDH : « Nul ne peut être soumis à la torture ou à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants »
Article 7 PIDCP : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants. … »
Portée de l’interdiction :
L’interdiction de la torture a une portée absolue. C’est ce qui ressort
de l’affaire Com. Afr. D.H.P., MBDHP v. Burkina Faso, 23 avril 2001, §
43:
La communication fait état entre autres de la mort de citoyens abattus
par balles ou décédés des suites de tortures, de même que de la mort
du décès de deux jeunes élèves descendus dans la rue avec leurs
camarades pour exprimer certaines revendications et soutenir celles
des enseignants du secondaire et du supérieur. La Commission
déplore l'usage abusif des moyens de violence de l'Etat contre des
28
manifestants ; même lorsqu'il s'agit de manifestations non autorisées
par l'autorité administrative compétente.
L'article 5 de la Charte prohibe en termes absolus la torture physique
ou morale et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou
dégradants, quels que soient les agissements de la victime. Cet article
ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des
clauses normatives de la Charte, il ne souffre nulle dérogation même
en cas de danger public menaçant la vie de la nation.
Par voie de conséquence, l’arrêt Ribitsch c. Autriche du 4 décembre
1995 est l’occasion pour la Cour européenne des droits de l’homme
d’indiquer (arrêt Ribitsch c. Autriche du 4 décembre 1995, Requête n°
18896/91, Recueil A 336, paragraphe 38) que :
A l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force
physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le propre
comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et
constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la
Convention. Elle rappelle que les nécessités de l’enquête et les
indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient
conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la
personne.
Il est à noter qu’il existe même une présomption de violation de
l’interdiction de la torture lorsqu’une personne détenue présente des
blessures à sa libération alors qu’elle était en bonne santé au début de
sa privation de liberté. On peut se référer à cet égard à l’arrêt
Selmouni c. France du 28 juillet 1999 (Recueil 1999-V § 87) :
La Cour considère que lorsqu individu est placé en garde à vue alors
qu’il se trouve en bonne santé et que l’on constate qu’il est blessé au
moment de sa libération, il incombe à l’Etat de fournir une explication
plausible pour l’origine des blessures, à défaut de quoi l’article 3 de la
Convention trouve manifestement à s’appliquer (Voir aussi Tomasi c.
France, du 27 aout 1992 §§ 40-41 et §§108-111).
29
L’absoluité du principe implique que le fait d'avoir agi sur les ordres
d'autorités supérieures n'exonère pas de la responsabilité pénale
attachée à la perpétration du crime de torture. L’atteinte ne peut être
justifiée par les motifs poursuivis.
De plus, chaque Etat voit sa juridiction étendue du fait qu’il est obligé
de juger un responsable de crime de torture où qu’il soit commis ou
alors de l’extrader afin qu’il soit jugé par un autre Etat. C’est qui ressort
des dispositions telles que : art. 4 de la Convention interaméricaine sur
la prévention et la répression de la torture, article 2 § 3 de la
Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Comité des droits de
l’homme, Obs. Générale n°20 (1992), para. 3).
Implications procédurales :
Comme pour le droit à la vie, l’interdiction de la torture entraîne pour
l’Etat une obligation procédurale d’effectuer une enquête officielle
approfondie et effective en vue de l’identification et de la punition des
responsables, chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire
que des traitements contraires à l’article 5 de la Charte africaine.
DEFINITIONS
La torture a été définie par l’article 1 § 1 de la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (1984) comme :
tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques
ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins
notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des
renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une
tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de
l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire
30
pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur
une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur
ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction
publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son
instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant
uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou
occasionnées par elles.
Notion de traitements inhumains ou dégradants
Les notions employées dans l’article 5 de la Charte africaine et dans
l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi
que dans la définition de la Convention contre la torture sont relatives
par essence. Il faut faire une appréciation contextualisée de la
notion. C’est ainsi que pour la Cour européenne des droits de
l’homme (CrEDH, Chamaiev et 12 autres c. Georgie et Russie du
12 avril 2005, § 338) :
Pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit
atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est
relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des « données de la
cause », et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi
que de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux ainsi que,
parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la personne
concernée (arrêt Irlande c. Royaume Uni).
La Cour a estimé un certain traitement à la fois « inhumain », pour
avoir été appliqué avec préméditation pendant des heures et avoir
causé « sinon de véritables lésions, du moins de vives souffrances
physiques et morales », et « dégradant » parce que de nature à créer
chez les intéressées des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité
propres à les humilier et à briser éventuellement leur résistance
physique ou morale (Irlande c. royaume Uni).
31
Notion de torture
La définition de la Convention contre la torture permet d’établir trois
éléments constitutifs de la torture : intensité des souffrances, intention
délibérée, but déterminé.
En effet, outre la gravité des traitements, la notion de torture suppose
un élément intentionnel, reconnu par la Convention des Nations unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et
dégradants, entré en vigueur le 26 juin 1987, qui précise que le terme
« torture » s’entend de l’infliction intentionnelle d’une douleur ou de
souffrances aiguës aux fins notamment d’obtenir des renseignements,
de punir ou d’intimider (article1).
Exemples d’application
L’interdiction de la torture a vocation à s’appliquer à de multiples
situations :
Lors d’une arrestation ;
Pendant une garde à vue ;
Lors d’une tentative de fuite, évasion ;
Sanctions disciplinaires et châtiments corporels ;
Détention (personnes souffrant de troubles mentaux, personnes
handicapées) ;
Extradition ;
Expulsion ;
Refoulement ; etc.
32
II.2.3. Interdiction de l’esclavage
Sources
L’interdiction de cette forme d’exploitation et d’avilissement se trouve
tout d’abord dans des textes universels particuliers, i.e. qui ont pour
objet spécifique d’interdire l’esclavage. Il s’agit par exemple de la
Convention relative à l’esclavage, adoptée à Genève le 25 septembre
1926, entrée en vigueur le 9 mars 1927 et amendé par le Protocole du
7 décembre 1953, entré en vigueur le 7 juillet 19559
.
Ensuite, cette interdiction est reprise dans les textes universels à
caractère général, comme la DUDH : son article 4 interdit aussi bien
l’esclavage que la traite des esclaves. De même, le ICCPR interdit les
deux pratiques (art.8), et en fait une interdiction à laquelle on ne peut
déroger (art. 4 § 2).
La nature non dérogatoire de l’interdiction de l’esclavage est reprise
dans la CEDH (art. 4 §1 : ‘Nul ne peut être tenu en esclavage ou en
servitude’ combiné à l’article 15 § 2 de la Convention). De même, les
autres textes régionaux contiennent une interdiction semblable : art. 6
CADH, art. 5 CAfrDHP.
Remarquons que la CAfrDHP a ceci de particulier qu’elle inscrit au
sein du même article ce qui est séparé dans les autres conventions :
« Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne
humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes
formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment
l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et
les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont
interdites ».
9
Code de droit international des droits de l’homme, 3è édition, 2005, p. 228.
33
L’interdiction du travail forcé
Selon la jurisprudence européenne, le travail forcé ou obligatoire, au
sens de l’article 4 de la Convention européenne relative aux droits de
l’homme, se définit par référence expresse à la définition donnée par
la Convention de OIT n°29 (art. 2 § 2), comme « to ut travail ou service
exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour
lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré ». On peut se
référer à cette occasion à l’arrêt Cour eur. D. H. Van der Mussele c/
Belgique, 23 novembre 1983, A. 70, § 32 dans laquelle la cour
déclare que l’obligation pour un avocat stagiaire d’assister
gratuitement un prévenu ne peut être qualifié de travail forcé et
obligatoire.
Par contre dans l’affaire Siliadin § 116, la Cour constate que « la
requérante a, au minimum, été soumise à un travail forcé ».
En effet, pendant trois ans, la requérante, mineure, d’origine togolaise,
travailla dans une famille française environs quinze heures par jour,
sans jour de repos, sans, être payée, sans être scolarisée, sans
papiers d’identité (son passeport ayant été confisqué), sans que sa
situation administrative soit régularisée, dormant par terre dans la
chambre des enfants.
La situation de contrainte, physique ou morale est caractéristique du
travail forcé et elle patente dans l’affaire Siliadin.
Les textes internationaux précisent que les la notion de « travail
forcé » ne couvre pas un certain nombre de cas limitativement
énumérés : service militaire ou service d’un objecteur de conscience,
travail d’un détenu, travail en cas de force majeur ou de sinistre, travail
résultant des obligations civiques normales.
Ces exceptions reposent sur « les idées maîtresses d’intérêt général,
de solidarité sociale et de normalité »10
.
10
Frédéric Sudre, Page 314.
34
En matière d’interdiction de travail forcé, il faut relever la spécificité de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Tout d’abord
la Charte mélange dans un même article l’interdiction de la torture, des
traitements inhumains ou dégradants et l’interdiction de l’esclavage et
de la traite des personnes. C’est une différence fondamentale car
toutes les autres conventions ont séparé ces deux interdictions qui
sont de différents ordres et obéissent à différents critères d’analyse et
de qualification.
Mais la spécificité la plus remarquable est soulignée par Frédéric
Sudre. Il remarque en effet que la Charte prohibe l’esclavage (art. 5)
mais ne fait pas mention de l’interdiction du travail forcé et obligatoire,
à la différence des autres conventions générales. « Surtout, la Charte
précise que l’individu, au nom de l’ « obligation de solidarité » qui
s’impose à lui, a le devoir de travailler et « de s’acquitter des
contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts
fondamentaux de la société » (art. 29, § 6) : une telle disposition, aux
contours mal définis, est lourde d’incertitudes et ne permet pas
d’affirmer que la Charte africaine reconnaît à l’individu le droit
fondamental de ne pas être contraint de faire un travail contre son
gré »11
.
Travail forcé, Servitude et Esclavage : Gradation
La Convention de 1926 contient une définition de l’esclavage :
L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exerce les
attributs du droit de la propriété ou certains d’entre eux12
.
C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme ne peut que
constater que Mlle Siliadin n’a pas été « tenue en esclavage au sens
propre » (§ 122).
11
F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, Presses
Universitaires de France, 2005, pp. 315.
12
Art. 1 § 1 de la Convention relative à l’esclavage.
35
Une différenciation du champ d’application de chacun de ces concepts
– travail forcé, servitude ou esclavage - a été esquissée par le juge
européen, telle que la « servitude » apparaît comme moins que
l’ « esclavage » mais comme plus que le « travail forcé »13
. Le juge
européen a donc fait de la notion de « servitude » un concept utile,
permettant d’offrir la garantie de la protection aux victimes des
détestables formes contemporaines d’asservissement et d’exploitation
de la personne( prostitution, esclavage domestique, exploitation de la
mendicité, prélèvement d’organes. La situation de Mlle Siliadin est
ainsi qualifiée d’ « état de servitude » au sens de l’article 4 de la
Convention » (§129).
Il en résulte pour les Etats une obligation positive qui apparaît à la fois
de nature substantielle et procédurale. En effet, cette obligation
positive impose à l’Etat de promulguer une législation pénale
permettant de punir effectivement le travail forcé et le maintien en état
de servitude et de l’appliquer au moyen d’une enquête et de
poursuites effectives.
Il faut avouer les lacunes de la Charte africaine dans le domaine du
travail forcé et de la servitude et prendre appui sur le droit international
des droits de l’homme pour la compléter. C’est sans nul doute le travail
du juge africain du moment où la Charte elle-même dispose que le
juge s’inspire du droit international relatif aux droits de l’homme et des
peuples pour déterminer les principes applicables (art. 60). Car même
si la Charte impose à l’individu de travailler et de s’acquitter des
contributions fixées par la loi (article 29), elle ne saurait autoriser le
« travail forcé » au sens propre du terme. Il s’agit plutôt de souligner
l’indétermination et le manque de précision qui caractérise la Charte
par endroit et qui ne faciliterait pas la tâche du juge africain.
13
F. Sudre, op. cit., p. 315.
36
II. 3. Les libertés de la personne physique
Le droit à la liberté et à la sécurité et le droit à la libre circulation sont
l’un et l’autre susceptibles de faire l’objet de dérogations et de
restrictions.
II.3.1. Le droit à la liberté et à la sécurité
Sources :
Le droit à la liberté et les modalités de sa privation sont inclues dans
les majeurs textes internationaux : art. 6 CAfrDHP, art. 5 § 1 CEDH,
art. 9 DUDH, art. 9 ICCPR.
La Charte dispose que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité
de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des
motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en
particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement.
Les motifs pour lesquels et les conditions dans lesquelles il peut y
avoir privation de liberté n’ont pas été précisés par l’article 6 de la
Charte africaine. Le juge étudiera au cas par cas les affaires selon la
législation de chaque pays africain.
Or, le dialogue des juridictions peut conduire le juge africain à
considérer par exemple les conditions de privation limitativement
énumérées par l’article 5 de la Convention européenne des droits de
l’homme.
Principes :
Deux principes généraux caractérisent le droit à la liberté.
Premièrement, la liberté est le principe, la privation l’exception. Cela
implique qu’une loi qui prévoit des limitations de la liberté doit être
interprétée de façon restrictive.
37
De plus, le droit à la liberté n’est pas un droit indérogeable, c'est-à-dire
qu’il peut y avoir des situations exceptionnelles énumérées par l’article
4 du ICCPR et par l’article 15 de la CEDH dans lesquelles on peut y
déroger. La Convention américaine prévoit également la possibilité de
déroger au droit à la liberté (art. 27), mais la Cour américaine a précisé
que dans ces cas, certaines conditions restent en vigueur, telle la
garantie du habeas corpus : le droit à un recours n’est pas dérogeable
selon elle14
.
De manière surprenante, la Charte africaine ne prévoit aucune
dérogation à ce droit ni à aucun autre droit garanti par elle. C’est à
croire que tous les droits doivent être respectés en toute circonstance.
Ce qui n’est pas très réaliste lorsqu’on sait que l’Afrique est le
continent sur lequel les violations des droits de l’homme sont plus
accentuées.
Contenu :
Le droit à la liberté et à la sécurité vise à protéger la liberté physique
de la personne contre toute arrestation et détention arbitraire ou
abusive. Ce droit occupe une place centrale dans le dispositif
protecteur des droits individuels. On a observé un cas de détention
arbitraire de 11 militaires nigérians dans l’affaire Constitutional
Rights Project c. Nigeria, Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples, Communication 148/96, 26ème Session
Ordinaire, Kigali, 15 novembre, 1999 :
15. Le gouvernement n'ayant pas présenté une autre explication pour
la détention des 11 soldats, la Commission doit considérer qu'ils sont
encore détenus pour des faits dont ils ont été acquittés au cours de
deux procès séparés. Cela est une violation flagrante de l'article 6 et
dénote d'un manque de respect choquant des jugements des
tribunaux par le gouvernement nigérian.
14
Cité par Jean Yves Carlier, Syllabus du Cours d’Autonomie au Master
Complémentaire en Droits de l’Homme, 2007-2008.
38
16. Plus tard, (bien que ce n'était plus nécessaire comme ils avaient
été jugés innocents), ces militaires ont été graciés, mais n'ont pas été
libérés. Il s'agit encore une fois d'une violation de l'article 6 et il est
incompréhensible que ces détenus ne soient pas encore libérés.
La Commission a déclaré que l’article 6 de la Charte a été violé par le
Gouvernement nigérian et recommandé que le Gouvernement se
conforme aux jugements des tribunaux nationaux et libère les 11
militaires.
L’Etat peut cependant priver de liberté des personnes qui représentent
une menace pour l’ordre social. Si les autres instruments
internationaux et régionaux ne précisent pas dans quelles conditions
l’Etat peut détenir des individus, la CEDH en son article 5 § 1 dresse la
liste de six cas autorisés de privation de liberté : Il s’agit par exemple
de : détention après condamnation, détention d’un mineur, détention
d’un aliéné, détention en vue d’une expulsion, détention d’une
personne susceptible de propager une maladie contagieuse. La Cour
européenne précise qu’il s’agit d’une liste exhaustive devant l’objet
d’une interprétation étroite, ce qui ne laisse aux Etats qu’une très faible
marge d’appréciation pour l’application de l’article 5 de la
Convention15
.
Faut-il faire une différence entre privation et restriction de liberté ? La
précision a été donnée par la CrEDH dans l’affaire Guzzardi v Italie16
.
Dans cette affaire, M. Guzzardi ne se trouvait pas en prison mais sur
une île devant la côte de la Sardenne. L’Italie invoque donc qu’il ne
s’agit pas d’une privation de liberté (art. 5) mais d’une limitation à la
liberté de circulation. Selon cette dernière qualification l’Italie n’aurait
pas pu être condamné.
Toutefois, la Cour estime que :
15
F. Sudre, op. cit. p. 318.
16
CrEDH, Guzzardi v Italie, arrêt du 6 novembre 1980.
39
Entre privation et restriction de liberté, il n’y a pourtant qu’une
différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence. Le
classement dans l’une ou l’autre de ces catégories se révèle parfois
ardu, car dans certains cas marginaux il s’agit d’une pure affaire
d’appréciation, mais la Cour ne saurait éluder un choix dont dépendent
l’applicabilité ou l’inapplicabilité de l’article 517
.
II.3.2 Le droit à la liberté de circulation
L’article 12 de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples dispose que :
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux
règles éditées par la loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et
de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l’objet de restrictions
que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la
sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.
3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et
de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de
chaque pays et aux conventions internationales.
4. L’étranger légalement admis sur le territoire d’un Etat … ne pourra
en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi.
5. L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion collective
est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux,
ethniques ou religieux.
17
Ibid, §§ 50-54.
40
Le droit de circuler et de résider librement sur le territoire d’un Etat est
reconnu à tous sans exception, nationaux comme étrangers. Ce droit
est accordé sous réserve de la régularité de la situation des étrangers.
Ce qui renvoie au droit interne de chaque pays et laisse le soin à l’Etat
de définir les conditions rendant régulières la présence d’un étranger
sur son territoire. (Voy. Arrêt Piermont c/ France, 26 avril 1995 de la
Cour européenne des droits de l’homme.)
Les simples restrictions au droit de circuler relèvent donc de la liberté
de circulation. Il peut s’agir par exemple de mesures préventives telles
que l’assignation à résidence, le placement sous la surveillance de la
police, le retrait du permis de conduire prises à l’encontre d’un individu
appartenant à la mafia. La liberté de circulation peut se trouver liée à
la liberté de réunion. Ainsi, un refus d’autorisation de déplacement
dans le but de participer à une manifestation ou à une réunion peut
constituer une ingérence dans le droit à la liberté de réunion.
Le droit de quitter tout pays y compris le sien est reconnu par l’article
12 alinéa 2 de manière identique aux nationaux comme aux étrangers
sans réserve. Par contre, ce droit peut faire l’objet de restrictions si
celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité
nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.
La Cour européenne a interprété ce droit comme impliquant le droit de
se rendre dans un pays de son choix et incluant, en conséquence, un
« droit au passeport ». Dès lors la dépossession d’un document
d’identité tel un passeport constitue une ingérence dans l’exercice du
droit à la liberté de circulation (Baumann c/ France, 22 mai 2001).
La Charte garantit aussi le droit de rechercher et d’obtenir asile dans
un pays étranger conformément à la loi de chaque pays et aux
conventions internationales. Ce droit semble consacrer les mêmes
prérogatives que celui de circuler librement et de choisir sa résidence
à l’intérieur d’un Etat sauf que ici la raison valable selon la Charte est
la persécution. La Charte interdit d’expulser sans une décision
judiciaire un étranger établi régulièrement sur un territoire étranger. A
cet égard, on peut faire allusion à Mohamed Lamine Diakité c. Gabon,
Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
41
Communication 73/92, 27e Session Ordinaire, Alger, 11 mai 2000. Si
cette communication avait été déclarée recevable et étudiée au fond
par la Commission, l’article 12 al. 4 qui était en cause trouverait à
s’appliquer.
II.4. Les droits de procédure
Les droits de procédure s’analysent en des garanties dont dispose un
individu dans un état de droit pour faire valoir ses droits et libertés. Il
s’agit essentiellement du droit à un procès équitable et du droit à un
recours effectif.
Les droits de procédure sont garantis par la Charte africaine en ces
articles 3 et 7. Ne pouvant aller en profondeur sur ces droits ici, nous
avons juste voulu préciser que le droit à un procès équitable et le droit
à un recours effectif consacre le principe fondamental de la
prééminence du droit dans une société démocratique. La protection
des droits et libertés des citoyens seraient vide de sens si elle n’était
pas confiée à une justice indépendante et impartiale.
Les articles 3 et 7 de la Charte en constituent la base. Ces droits sont
aussi reconnus par le PIDCP (art. 14.1), la CADH (art. 8) etc.
III. DES DEVOIRS DE L’INDIVIDU
Dans les dispositions de la Charte en son article 27. (1), chaque
individu a des devoirs envers la famille et la société, envers l’État et
les autres collectivités légalement reconnues, et envers la
communauté internationale.
L’article 28 dispose que chaque individu a le devoir de respecter et de
considérer ses semblables sans discriminations aucune, et d’entretenir
avec eux des relations qui permettent de promouvoir, de sauvegarder
et renforcer le respect et la tolérance réciproques.
42
La Charte semble transposer en droit des normes qui relèvent
normalement de la morale, surtout lorsqu’il s’agit en son article 28 de
respect, de considération et de tolérance envers ses semblables. Cela
est d’autant plus vrai que le manquement à ces devoirs ne fait encourir
à son auteur aucune sanction légale.
Par ailleurs, la Charte en son article 29 met à la charge de l’individu un
« devoir de travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses
possibilités ». Lorsque nous considérons le taux de chômage dans nos
Etats africains, malgré les capacités et les possibilités que ces
chômeurs pourraient offrir à leurs Etats respectifs, on peut se
demander si « travailler » est un devoir de l’individu ou une obligation
de l’Etat.
« Travailler » ne devrait pas être un devoir pour l’individu à moins de
considérer que la Charte ne reconnaît pas à l’individu son droit
fondamental de ne pas être contraint de faire un travail contre son gré.
Par conséquent, « le devoir de travailler » consacré par la Charte
devrait être analysé comme une obligation pour l’Etat d’offrir à
l’individu un travail selon ses capacités et ses possibilités ou de créer
les conditions économiques et juridiques qui lui permettent de s’auto
employer. Cette interprétation de l’article 29 (6) de la Charte paraît
plus logique d’autant plus que le même alinéa précise plus loin que
l’individu doit s’acquitter des contributions fixées par la loi pour la
sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société.
Conclusion
Tous ces droits seraient inutiles si les individus qui en sont titulaires
n’ont pas la possibilité de saisir l’organe juridictionnel de contrôle
qu’est la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Il est
donc important que les Etats acceptent la compétence de la Cour à
connaître des communications individuelles après bien sûr
l’épuisement des voies de recours internes. C’est la seule condition
pour que les articles de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples aient un effet utile.
43
LES DROITS DE LA FEMME EN AFRIQUE.
Par Maître NYALUMA MULAGANO Arnold
Il y a 360 ans 18
les femmes de Londres adressèrent, en 1649, leur
« humble requête » au parlement anglais, qui avait édicté, vingt ans
auparavant, la Pétition of Rights de 1628.Elles posèrent la question
suivante : « serait-ce que les libertés et les garanties des Pétition of
Rights et autres bonnes lois du royaume ne sont pas faites pour nous
comme pour les hommes ? » Aujourd’hui les femmes africaines sont
en droit de poser la même question. En effet l’Afrique est parmi les
continents où la marginalisation de la femme trouve sa base dans les
coutumes et même dans des législatifs. La Charte africaine des droits
de l’homme et de peuple n’a pas vider la question la règle d’égalité et
non discrimination qu’il s’est avéré nécessaire de la compléter par un
protocole additionnel. Adopté à Maputo le 11juillet 2003 ce protocole
relatif aux droits de la femme n’a pas été ratifié par plusieurs Etats et
rencontre des graves résistances même au sein de la société civile, y
compris dans les mouvements féministes. Il y a donc une urgence
pour un engagement en faveur des droits de la femme en Afrique, ce à
quoi veut participer ce travail composé de trois chapitres. Le premier
porte sur l’état de lieu des droits de la femme en Afrique, le second sur
les droits garantis par le protocole et le troisième sur les mécanismes
de sauvegarde.
1. Etat de lieu des droits de la femme en Afrique
Les enquêtes réalisées par la FIDH19
en 2007 au Mali, en Gambie, au
Mozambique, au Niger, en République Centre Africaine renseignent
que les mariages forcés ou précoces, les violences conjugales, les
18
Abderrahman Youssoufi, « Le rôle des organisations non gouvernementales dans
la lutte contre les violations des droits de l’homme » in UNESCO, Violations des
droits de l’homme, quels recours, quelles résistances ? Paris, Imprimerie des Presses
Universitaires de France, 1983, p.109
19
FIDH, L’Afrique pour les droits de la femme, http//www. africa4womensrights.org
44
violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, les trafics des
femmes, la prostitution forcée, les pratiques traditionnelles
discriminatoires, les difficultés d’accès à la propriété, au travail, à
l’éducation, à l’héritage ou encore à la santé pour les femmes restent
largement rependus sur le continent. Ces violations sont
principalement favorisées par le déficit législatif en matière de droits
des femmes qui prévaut dans de nombreux pays et qui leur est
particulièrement préjudiciable. Ainsi, en Gambie, malgré les
interdictions de toutes les discriminations fondées sur le genre, le
Code Pénal n’interdit pas les mutilations génitales féminines et ne
prévoit pas de sanction à leur encontre. En Afrique Australe, le vide
juridique en matière de répression des trafics de femmes, contribue à
la propagation de ce phénomène, en dépit des préoccupations
soulevées par les experts du Comité pour l’élimination des
discriminations à l’égard de la femme, lors de l’examen du rapport
remis par la Namibie. Au Mozambique, aucune loi ne pénalise jusqu’à
présent les violences domestiques et conjugales bien que de
phénomène, sous toutes ses formes soit massif et représente une des
atteintes les plus graves aux droits des femmes mozambicaines. Au
Niger, en l’absence de l’adoption de tout code de la famille, pourtant
en projet depuis 1975 le droit des femmes à l’héritage, la répudiation
et ses conséquences, le rôle et les droits des femmes au sein de la
famille, ne sont pas garantis par la loi, mais régis par les droits
coutumiers et traditionnels, ce qui entraîne de nombreux abus aux
conséquences sociales particulièrement graves. Si ce déficit législatif
empêche les femmes de faire valoir leurs droits, l’existence de lois
discriminatoires matérialise juridiquement la violation de ces droits.
Ainsi, au Mali, l’enquête mandatée par FIDH a permis de faire état de
certaines dispositions législatives qui pénalisent les femmes dans le
domaine de la santé, de la famille, de l’héritage, de même que dans de
nombreux secteurs de la vie économique et sociale. Au Mozambique,
malgré la promulgation en décembre 2004 du nouveau code de la
famille, les dispositions en matière d’héritage restent insuffisantes,
notamment dans le cadre de l’union de fait où le conjoint ne peut
hériter directement des biens de son époux défunt, une disposition qui
laisse de nombreuses femmes sans revenus.
45
Si cette traduction juridique des discriminations à l’égard des femmes
leur enlève toute possibilité d’avoir recours aux instances judiciaires
pour défendre leurs droits, l’existence de lois en leur faveur n’est pas
toujours synonyme d’une amélioration de leur condition du fait de
pratiques faisant fi de la législation en vigueur. Ainsi, au Niger, où une
loi criminalisant la pratique de l’esclavage a été promulguée le 13
juillet 2003, la persistance de cette pratique, en particulier à l’encontre
des femmes, démontre la faible application dans les faits de cette
législation. Au Burkina Faso, pourtant contraire à l’article 234 du code
des personnes et de la famille, la pratique du lévirat, qui touche
principalement les femmes dans les zones rurales, continue de porter
atteinte à leur intégrité psychologique voire physique.
Dans les pays en situation de conflit ou post-conflit les femmes sont
particulièrement exposées aux violences sexuelles, souvent utilisées
comme une arme de guerre, les femmes souffrent de la double peine
de l’indifférence de la communauté internationale et d’une stigmatisé
au sein de leur société. Ainsi, au Darfour, les milices et factions
rebelles sont tenues responsables de violences dans le conflit qui sévit
depuis 2003, touchant non seulement les populations locales mais
également les personnels féminins des organisations humanitaires
présentes sur le terrain. En République centre africaine, les femmes
victimes de viols à l’occasion des combats entre groupes rebelles en
2002/2003. Une impunité prévaut au Togo, où des auteurs des crimes
sexuels commis à l’occasion de la répression des manifestations
antérieures et postérieures aux élections présidentielles d’Avril 2005,
n’ont toujours pas fait l’objet de poursuites judicaires. En République
Démocratique du Congo les femmes sont encore victimes
d’enlèvements, de maltraitance ou de violences sexuelles
systématiques avec une grande impunité. Les troupes et milices
étrangères qui ont occupé le pays depuis 1996 ont utilisé les violences
sexuelles pour soumettre et humilier les communautés locales. Cette
pratique qui est devenue systématique a fait à ces jours plus d’un demi
million de victimes et en dépit du vote des lois du 20 juillet 2006 sur les
violences sexuelles, les auteurs restent impunis. Un peu avant ce
46
désastre le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des
femmes, a fait les observations suivantes à propos de la situation des
droits de la femme 20
le comité s'est déclaré vivement préoccupé par la
situation des femmes zaïroises dans les zones où le conflit avait éclaté
et où les populations de réfugiés étaient nombreuses. Le Comité a
regretté que le rapport oral de l'État partie n'ait pas suffisamment
souligné les liens étroits existant entre la discrimination contre les
femmes, la violence à leur encontre et la violation de leurs droits et
libertés fondamentales, eu égard en particulier à la situation régnant
actuellement dans le pays. Le Comité a invité l'État partie, lors de la
présentation de son rapport initial et des rapports ultérieurs, à donner
des précisions sur les conséquences que le conflit armé avait eues sur
la vie des femmes zaïroises et sur la vie des femmes réfugiées des
pays voisins du Zaïre. A ce jour la situation s’est plutôt empirée
comme indiqué avant. Des dizaines des milliers21
de femmes, de
jeunes filles, de femmes âgées ont été violées, réduites à l’esclavage
sexuel, aux travaux forcés, torturées, enterrées vivantes ou tuées. Ces
agressions sexuelles de fillettes de six ans à des femmes de 75 ans
ont été commises par toutes les forces combattantes. Selon les
rapports des ONG, toutes les forces armées impliquées en RDC, y
compris les forces armées gouvernementales, celles du Rwanda, du
Burundi et de l’Ouganda ont commis des actes de violence. Pour
certaines femmes, les assaillants ont utilisé leur appareil génital pour
les violer ou ont enfoncé des pierres, des morceaux de bâton, des
couteaux, des clous rouillés, des verres, des baïonnettes, des
morceaux de bois pointus, du sable et du piment dans leur appareil
génital. D’autres encore ont été violées à plusieurs reprises dans les
20
Observations finales du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des
femmes, Zaïre, U.N. Doc.
21
Alphonsine Ndaya Kabulu, Congo : le droit contre les violences sexuelles quelle
protection pour les femmes victimes de violences a l’est de la République
démocratique du Congo au regard des droits de l’homme ?
http://www.universitedesfemmes.be
47
camps militaires où elles ont été amenées pour y subir des sévices
sexuels, faire des travaux de cuisine, de nettoyage.
Certaines femmes enceintes ont été éventrées à l’arme blanche
devant les membres proches de leur famille, ce que les assaillants
qualifiaient de «césarienne obligatoire», d’autres encore ont vu leurs
organes sexuels mutilés. Des nombreuses victimes de viol souffrent
de fistules recto-vaginales, de prolapsus, c’est-à-dire descente de
l’utérus dans le vagin, de fistules vésico-vaginales et de fistules
provoquant l’incontinence urinaire et fécale22
.
2. Les droits garantis
Nous allons dans ce point insister sur les droits spécifiques à la femme
ou les droits tout en appartenant à l’ensemble du genre humain ne se
décline pas de la même manière pour les deux sexes.
A. Economie générale
- Elimination de toutes les formes de discrimination et de violence à
l'égard des femmes en Afrique et la mise en œuvre d'une politique
d'égalité entre hommes et femmes.
- Inclure dans leur constitution nationale et autres instruments
législatifs ces principes fondamentaux et à veiller à leur application
effective.
- Intégrer à leurs décisions politiques, à leur législation, à leurs plans
de développement, à leurs actions, la notion de discrimination fondée
sur le sexe
- Veiller au bien-être général des femmes
- Le protocole s’inscrit en prolongation de l’article 2 de la Charte
22
Déclaration de la MONUC, Sud-Kivu: 4.500 cas de violence sexuelle au cours de
six premiers mois de l'année, 27 juillet 2007, http://www.monuc.org.
48
- Reconnaissance du rôle crucial des femmes dans la préservation des
valeurs africaines
- En dépit de la ratification par la majorité des Etats Partis à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples et de tous les autres
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la femme en
Afrique continue d'être l'objet de discriminations et de pratiques
néfastes;
A. Elimination de la discrimination à l’égard de la femme
La discrimination à l'égard des femmes désigne toute distinction,
exclusion, restriction ou tout traitement différencié fondés sur le sexe,
et qui ont pour but ou pour effet de compromettre ou d'interdire la
reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quelle
que soit leur situation matrimoniale, des droits humains et des libertés
fondamentales dans tous les domaines de la vie. Les auteurs du pacte
préconisent les mesures suivantes pour éliminer les discriminations à
l’égard de la femme :
a. Adopter les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel
et autre qui consistent pour les Etats à :
- Inscrire dans la Constitution et autres instruments législatifs, si cela
n'est pas encore fait, le principe de l'égalité entre les hommes et les
femmes, et à en assurer l'application effective
-Adopter et à mettre en œuvre effectivement les mesures législatives
et réglementaires appropriées, y compris celles interdisant et
réprimant toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes
qui compromettent la santé et le bien-être général des femmes
-Intégrer les préoccupations des femmes dans leurs décisions
politiques : législations, plans, programmes et activités de
développement ainsi que dans tous les autres domaines de la vie;
Prendre des mesures correctives et positives dans les domaines où
des discriminations de droit et de fait à l'égard des femmes continuent
d'exister , mesures que certains auteurs qualifient de discrimination
positive mais qu’il convient d’appeler actions positives en vue de
49
corriger les tares d’une inégalité structurelle qui ne se résoudre par la
simple affirmation de l’égalité.
- Appuyer les initiatives locales, nationales, régionales et continentales
visant à éradiquer toutes les formes de discrimination à l'égard de la
femme. Ainsi les actions des ONG en faveur des droits de la femme
devraient bénéficier d’un appui de la puissance publique.
b. Modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels
de la femme et de l'homme, par l'éducation du public, par le biais des
stratégies d'information, d'éducation et de communication, en vue de
parvenir à l'élimination de toutes les pratiques culturelles et
traditionnelles néfastes et de toutes autres pratiques fondées sur l'idée
d'infériorité ou de supériorité de l'un ou l'autre sexe, ou sur les rôles
stéréotypés de la femme et de l'homme. Il s’agit de briser les us et
coutumes assez rependus en Afrique et qui briment la femme.
A. Droit à la dignité
La dignité est une notion fondamentale dans la Charte, son inscription
en faveur de la femme dans le pacte rappelle surtout l’urgence de
lutter contre les violences sexuelles et verbales qui affectent la dignité
de la femme jusqu’à la réduire à un simple objet.
B. Droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité
Au delà du contenu ordinaire de ces droits, cette disposition voudrait
protéger la femme contre toutes formes d'exploitation, de punition et
de traitement inhumain ou dégradant, les rapports sexuels non désirés
ou forcés, qu'elles aient lieu en privé ou en public; non seulement le
viol mais aussi les violences sexuelles conjugales incluant les rapports
contre nature.
Elle rappelle la nécessité d’identifier les causes et les conséquences
des violences contre les femmes et prendre des mesures appropriées
pour les prévenir et les éliminer.
Elle réitère l’obligation pour les Etats de réprimer les auteurs de la
violence à l'égard des femmes et réaliser des programmes en vue de
50
la réhabilitation de celles-ci; de mettre en place des mécanismes et
des services accessibles pour assurer l'information, la réhabilitation et
l'indemnisation effective des femmes victimes des violences; de
prévenir et condamner le trafic de femmes, poursuivre les auteurs de
ce trafic et protéger les femmes les plus exposées.
C. Interdiction des pratiques néfastes
Les pratiques néfastes désignent tout comportement, attitude ou
pratique qui affecte négativement les droits fondamentaux des
femmes, tels que le droit à la vie, à la santé, à l'éducation, à la dignité
et à l'intégrité physique. Pour éradiquer ces pratiques, les Etats
s’engagent à sensibiliser tous les secteurs de la société sur les
pratiques néfastes par des campagnes et programmes d'information,
d'éducation formelle et informelle et de communication; interdire par
des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de
mutilation génitale féminine, la scarification, la médicalisation et la
para-médicalisation des mutilations génitales féminines et toutes les
autres pratiques néfastes;
apporter le soutien nécessaire aux victimes des pratiques néfastes et
protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques
néfastes ou toutes autres formes de violence, d'abus et d'intolérance.
D. Mariage
Contrairement à plusieurs législations internes prétendument
conformes à la tradition africaine, le mariage ne devrait pas conduire à
l’infirmité juridique de la femme ou limiter ses droits, l’homme et la
femme mariés ont les mêmes droits qu’ils exercent en partenaires
égaux. Pour assurer cette égalité, les Etats veilleront à ce que aucun
mariage ne soit conclu sans le plein et libre consentement de deux
époux, d’où la fixation de l'âge minimum de mariage pour la fille à18
ans; âge elle est capable de donner un consentement libre et éclairé.
La monogamie est encouragée comme forme préférée du mariage ;
elle n’est donc pas imposée. Il nous semble qu’il est urgent de réfléchir
51
aujourd’hui sur la compatibilité ou la possibilité de rendre compatible la
polygamie à l’égalité entre mari et femme.
Le mariage sera enregistré et les deux époux choisiront de commun
accord leur régime matrimonial et leur résidence.
E. Séparation de corps, divorce et annulation du mariage
L’égalité entre époux prévaut aussi au moment de la dissolution du
mariage. Pour s’en assurer , une intervention du juge est nécessaire
pour prononcer la dissolution ou la séparation ; les décisions
unilatérales, les instances coutumières ou religieuses où les garanties
d’impartialité ne sont pas assurées ne sont pas admises à mettre fin
aux effets du mariage. L’homme et la femme auront le droit de
demander la dissolution ou l’annulation du mariage et lorsque celle-ci
est prononcée ils auront les mêmes droits et devoirs envers les
enfants et les biens du ménage. Ils auront également droit au partage
équitable des biens communs acquis durant le mariage.
F. Accès à justice et l’égale protection devant la loi
Ici il s’agit également d’un droit reconnu aussi bien aux hommes
qu’aux femmes mais pour lesquels les dirigeants africains ont pensé
(avec raison) que certaines mesures étaient nécessaires afin que les
femmes puissent en jouir effectivement. Parmi ces mesures figure
l’appui à l’accès effectif à des femmes à l'assistance et aux services
juridiques et judiciaires; des actions éducatives, la formation des
acteurs judiciaires sur l’interprétation et l’application de l’égalité des
droits entre l'homme et la femme ; une représentation équitable
femmes dans les institutions judiciaires, la réforme des lois et
pratiques discriminatoires en vue de promouvoir et de protéger les
droits de la femme…
52
G. Droit de participation au processus politique et à la prise de
décisions
Les femmes ont été pendant longtemps exclues de la gestion de la
cité ; l’affirmation de la règle « une personne une voix » ne suffit pas
pour redresser la situation. C’est pourquoi les Etats entreprennent des
actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance
participative et la participation paritaire des femmes dans la vie
politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une
législation nationale et d'autres mesures.
H. Droit à la paix
Pour matérialiser ce droit, les Etats ont pris l’engagement d’assurer
l’éducation à la paix et à la culture de la paix; de mettre en place des
mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits
aux niveaux local, national, régional, continental et international. Le
droit à la paix suppose aussi la réduction des dépenses militaires au
profit du développement social en général, et de la promotion des
femmes en particulier. Ce droit implique aussi la garantie des
protections physiques, psychologiques, sociales et juridiques des
requérants d’asile, réfugiées, rapatriés et personnes déplacées, en
particulier les femmes. Enfin la mise sur pied des programmes de
reconstruction et de réhabilitation post-conflits.
I. Protection des femmes dans le conflit armé
Le contenu de ce droit peut s’épuiser dans les règles dans les règles
classiques du droit international humanitaire mais les auteurs insistent
sur la protection contre toutes les formes de violence, le viol et autres
formes d'exploitation sexuelle et à s'assurer que de telles violences
sont considérées comme des crimes de guerre, de génocide et/ou de
crimes contre l'humanité et que les auteurs de tels crimes sont traduits
en justice devant des juridictions compétentes.
53
I. Droit à l’éducation et à la formation
Au contenu classique de ce droit, les Etats africains ajoutent pour la
femme la nécessité d’éliminer tous les stéréotypes qui perpétuent
cette discrimination ; la protection de la petite fille contre toutes les
formes d'abus, y compris le harcèlement sexuel dans les écoles et
autres établissements et prévoir des sanctions contre les auteurs de
ces pratiques.
Faire bénéficier les femmes victimes d'abus et de harcèlements
sexuels de conseils et de services de réhabilitation; intégrer la
dimension genre et l'éducation aux droits humains à tous les niveaux
des programmes d'enseignement scolaire y compris la formation des
enseignants.
K. Droits économiques et protection sociale
- Garantir aux femmes l'égalité des chances en matière d'emploi,
d'avancement dans la carrière et d'accès à d'autres activités
économiques. Cette égalité passe par l’accès à l'emploi; une
rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de
valeur égale;
- répression du harcèlement sexuel dans les lieux de travail; la liberté
de choisir leur emploi et les protéger contre l’exploitation, promouvoir
et soutenir les métiers et activités économiques des femmes, valoriser
le travail domestique des femmes; garantir aux femmes des congés de
maternité, droits aux mêmes indemnités et avantages, combattre
l'exploitation ou l'utilisation des femmes à des fins de publicité à
caractère pornographique ou dégradant pour leur dignité.
J. Droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction
Les spécificités du protocole sur ce droit porte sur : le droit d'exercer
un contrôle sur leur fécondité; le droit de décider de leur maternité, du
nombre d'enfants et de l'espacement des naissances; le libre choix
des méthodes de contraception; le droit de se protéger et d'être
protégées contre les infections sexuellement transmissibles, y compris
le VIH/SIDA…
54
K. Les droits de la veuve
Les Etats africains se sont engagés à ce que :
-La veuve ne soit pas soumise à ce traitement inhumain, humiliant ou
dégradant;
- Après le décès du mari, la veuve devient d'office la tutrice de ses
enfants, sauf si cela est contraire aux intérêts et au bien-être de ces
derniers;
- La veuve a le droit de se remarier à l'homme de son choix.
L. Droit de succession
La veuve a le droit à une part équitable dans l'héritage des biens de
son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial,
de continuer d'habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage,
elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été
dévolu en héritage. Tout comme les hommes, les femmes ont le droit
d'hériter des biens de leurs parents, en parts équitables.
M. Protection spéciale des femmes âgées
Cette protection porte sur l’assistance que nécessitent les femmes
âgées mais aussi sur leur protection contre les abus auxquels leur
fragilité les expose.
N. Protection spéciale des femmes handicapées
Assistance et protection.
O. Protection spéciale des femmes en situation de détresse
Les femmes pauvres, les femmes chefs de famille, les femmes issues
des populations marginalisées ainsi que les femmes en détention en
état de grossesse ou allaitant.
Q. Autres droits
- Droit à la sécurité alimentaire
- Droit à un habitat adéquat
55
- Droit à un environnement culturel positif
- Droit à un environnement sain et viable
- Droit à un développement durable
3. Mécanismes de mise en œuvre
Comme protocole additionnel, les mécanismes de la Charte
s’appliquent aux dispositions du protocole mais quelques précisions
s’imposent.
Les Etats s'engagent à garantir une réparation appropriée et s'assurer
que de telles réparations sont déterminées par les autorités judiciaires,
administratives et législatives compétentes ou par toute autre autorité
compétente prévue par la loi.
56
LES DROITS DE L’ENFANT EN AFRIQUE
Par Maître NYALUMA MULAGANO Arnold
Introduction
La Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant23
, adoptée en
juillet 1990 par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), rappelle que "
l'enfant occupe une position unique et privilégiée dans la société
africaine ". La Charte égrène ensuite une série de normes dont
certaines, hautement innovatrices, vont bien au-delà des exigences de
la Convention aux Droits de l'Enfant (CDE) adoptée par l'ONU et
entrée en vigueur en 1990, et placent l'enfant au cœur des enjeux et
impératifs de paix, de développement et de progrès. Ce tableau
donnerait à penser que les droits de l’enfant en Afrique sont à leur
meilleur jours et pourtant la réalité et toute sombre. Les droits de
l'homme des enfants africains sont violés tous les jours de leur vie,
avec de graves conséquences qui s'étendent bien au-delà de leur
enfance", a déclaré Amnesty International24
.
Dans la présente communication, nous ferons un bref aperçu sur la
situation des droits de l’enfant en Afrique avant d’examiner les droits
substantiels reconnus à l’enfant africain (en insistant sur les droits
spécifiques). Nous allons clôturer par l’étude des mécanismes de
sauvegarde mis en place par la Charte africaine des droits et du bien
être de l’enfant africain.
23
Extraits de l'article paru dans SEDOS Bulletin, vol. 35, n° 3-4, Mars -Avril 2003,
pp. 42-48, www.Org
24
http://www.amnesty.org. for
57
1. Etat de lieu
La dernière décennie du 20ème25
siècle aura été celle d'un
engagement diplomatique, juridique et politique sans précédent en
faveur des enfants… Malheureusement, pour la majorité des enfants
africains, la grande espérance née de cette effervescente activité
diplomatique et juridique attend toujours de prendre corps dans leur
vie de chaque jour.
A quoi tient cet échec du droit et du politique à garantir efficacement
les droits de l'enfant en Afrique ?
Si l'on peut relever l'absence de bonne foi de nombreux dirigeants
africains, ce manque de volonté politique n'est pas seul en cause…
Aux facteurs structurels qui tiennent à l'échec des politiques de
développement économique et social, aggravé par la marginalisation
dans le processus de mondialisation, s'ajoutent des facteurs
conjoncturels liés à l'absence de démocratisation, à la déliquescence
du pouvoir étatique, ainsi qu'à des conflits armés persistants.
A. La misère économique
La grave crise économique que subit actuellement l'Afrique affecte au
premier chef les enfants, " caste d'abandonnés, sans assistance et
avec très peu d'espoir de s'en sortir". Ainsi, de plus en plus nombreux
sont les enfants du continent qui sont contraints de se débrouiller par
eux-mêmes pour survivre. Le travail est en passe de
devenir la seule voie de survie de nombreux enfants en Afrique. En
Côte d'Ivoire, par exemple, le gouvernement reconnaît que " la
paupérisation des familles pousse les parents à avoir recours aux
revenus du travail de leurs enfants ". De plus, dans les grands centres
urbains du pays, on constate " l'existence d'une prostitution
25
Extraits de l'article paru dans SEDOS Bulletin, vol. 35, n° 3-4, Mars -Avril 2003,
pp. 42-48, www, Org
58
occasionnelle, masquée par des activités de façade (vendeuses
ambulantes, petits gardiens, domestiques) et une prostitution
professionnelle encadrée par des réseaux criminels évoluant en marge
et hors de la loi. Au Gabon, on observe une augmentation du nombre
d'enfants travaillant avant l'âge de 16 ans de manière informelle. Si
certains enfants travaillent pour leur compte et à leur rythme (laveurs
de voiture, gardiens sur les parkings), d'autres sont exploités par des
adultes. C'est notamment le cas des enfants victimes de trafic (Bénin,
Togo, Nigeria).
B. Un nouvel esclavage ?
Le drame de la majorité des enfants utilisés comme main-d'œuvre
corvéable dans les grandes plantations industrielles d'Afrique de
l'Ouest et Centrale notamment, a conduit certains observateurs à
soutenir que " l'esclavage et la traite des Noirs existent encore en
Afrique, mais, cette fois-ci, les négriers sont les Africains eux-mêmes,
et leurs marchandises, des enfants africains26. Force est
malheureusement de reconnaître que l'extrémisme du propos est
peut-être à la mesure de la démesure des tragédies vécues par les
enfants sur ce continent. De manière générale, l'on observe que
chaque année, quelque 200.000 enfants des régions les plus pauvres
d'Afrique sont vendus comme esclaves27 Doublement victime - d'une
crise économique galopante et d'une abominable résurrection du
mythe de " Nègre dur à la tâche " - l'enfant africain est en train de
devenir une " denrée " fortement sollicitée à travers le monde entier, à
des fins d'exploitation économique ou sexuelle. En Europe, dans un
pays comme la France par exemple, l'on constate une aggravation de
26
Joëlle Billé, Esclavage : le bateau de la honte, L'Autre Afrique, 19 décembre 2001-
8 janvier 2002 ; in SEDOS op. cit.
27
Olenka Frenkiel, Trafic d'enfants africains : Etireno, le bateau de l'esclavage,
Courrier International n° 580, 13-19 décembre 2001, p. 66.
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Manuel de formation des défenseurs des droits de l'homme

  • 2. 2 Dimension Sociale Bénin tient à remercier la Commission Européenne dont l’appui financier l’a aidée à produire la première édition du présent manuel de formation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique. Commission Européenne
  • 3. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION MODULE 1 : DROITS DE LA PERSONNE EN AFRIQUE Les Droits individuels garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Les Droits de la Femme en Afrique Les Droits de l’Enfant Droits de l’Homme et Société de l’Information en Afrique Les obligations des Etats dans la mise en œuvre des instruments relatifs aux Droits de l’Homme MODULE 2 : PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE EN AFRIQUE Les mécanismes onusiens de protection des Droits de l’Homme : Les organes de la Charte Les mécanismes onusiens de protection des Droits de l’Homme : Les organes de Traités Mécanismes juridictionnels (Commission et Cour) de protection des Droits de l’Homme en Afrique Mécanismes non juridictionnels de protection des Droits de l’Homme en Afrique La cour Pénale internationale : Place des victimes et rôle des ONG Justiciabilité des Droits de l’Homme MODULE 3 : DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE Rôle des ONG devant les institutions Internationales de Défense Des Droits de l’Homme Monitoring des violations des Droits de l’Homme en Afrique Techniques de Lobbying Règles essentielles pour la sécurité d’un militant des Droits de l’Homme en Afrique 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
  • 4. 4
  • 5. 5 INTRODUCTION Le présent manuel de formation est rédigé dans le cadre de la mise en œuvre du Projet Synergie d’Actions pour la Professionnalisation et la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique (SAPPDDHA). Le Projet couvre 15 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre (Tchad, R. D. Congo, Congo Brazzaville, Cameroun, Rwanda, Burundi, République centrafricaine, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal, et Togo) et est financé à 73.41% par la Commission Européenne et à 26.59% par Dimension Sociale Bénin (et ses partenaires locaux) qui en est l’organisme de mise en œuvre. L’activité de défense et de promotion des droits de l’homme en ce 21ème siècle n’est plus seulement une question de militantisme ni d’engagement mais une question de connaissance et de compétence. C’est plutôt une question de professionnalisme et d’expérience. Et même si on a du mal à l’affirmer, ne devient pas défenseur des droits de l’homme qui veut, mais qui peut car le travail d’un défenseur des droits de l’homme est le travail le plus compliqué et en même temps le plus simple. Il importe en effet de connaître, vivre et pratiquer les droits de l’homme dans la vie courante et quotidiennement avant de passer à sa promotion et à sa défense. Un défenseur des droits de l’homme c’est cette personne qui décide après mûre réflexion de s’engager pour la liberté et le bien-être des autres et partant de lui-même. C’est donc un engagement humanitaire mais un engagement qui demande assez de sacrifices. Un défenseur des droits de l’homme doit pouvoir connaître les textes qui promeuvent les droits de l’homme, les règles et les mécanismes de promotion et de défense de ces droits, en être profondément convaincu avant de décider d’agir publiquement pour faire respecter ces droits. Il trouvera souvent en face de lui un système politique prêt à répondre à toutes les dénonciations, à toutes les réclamations et à toutes les accusations. Les organisations de défense des droits de
  • 6. 6 l’homme, malgré leurs expériences et leurs compétences, ont toujours été la cible d’Etats accusés de violer ces droits. Il est donc important et même stratégique que les défenseurs des droits de l’homme surtout en Afrique renforcent quotidiennement leurs capacités dans ce vaste domaine d’action que constituent la promotion et la défense des droits de l’homme. L’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place des mécanismes devant faire avancer l’idéal de paix, d’harmonie et de bien-être des hommes, des femmes et des enfants. La plupart des Etats se sont engagés pour que ces mécanismes soient respectés. Des instruments universels ont été adoptés pour assurer à l’homme sa dignité dans tous les sens ; de nouveaux textes sont adoptés ou en cours d’étude tous les jours pour prendre en compte les nouvelles préoccupations de l’humanité. En outre la mise en œuvre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme a conduit à l’adoption des instruments régionaux de protection des Droits de l’Homme. La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Convention Américaine Relative aux Droits de l’Homme en sont une illustration éloquente. Malgré toutes ces dispositions louables, les intérêts politiques et économiques conduisent malheureusement le monde dans les guerres civiles, les génocides et les violations massives des droits de l’homme. Le métier de défenseur des droits de l’homme devient donc plus ardu compte tenu de la récurrence des violations des droits de l’homme malgré les textes. La connaissance des textes s’impose alors. Le présent manuel destiné aux défenseurs des droits de l’homme en général et aux défenseurs africains en particulier a pour vocation d’être un outil pratique de la pratique des droits de l’homme sur le terrain.
  • 7. 7 Loin d’être un document exhaustif de réflexion sur les droits de l’homme, il propose dans un langage simple avec des exemples concrets les différents droits de l’homme consacrés par les instruments universels et africains relatifs aux droits de l’homme, les différents mécanismes universels et africains de protection des droits de l’homme et les techniques nécessaires à la sécurisation des défenseurs des droits de l’homme. Le manuel se veut un guide pour les défenseurs des droits de l’homme en Afrique. Il se veut également un guide de formation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique. Il met en effet à la disposition des défenseurs des droits de l’homme des connaissances nécessaires pour une militance éclairée, dynamique et efficace. Si le travail du défenseur des droits de l’homme est difficile en général, celui du défenseur africain est ardu et nécessite du courage et encore de la persévérance. Certains défenseurs africains en payent de leurs vies malheureusement. C’est pourquoi le présent manuel se veut un manuel de promotion du nouveau paradigme de la défense des droits de l’homme en Afrique. Ce nouveau modèle de défense des droits de l’homme commande d’utiliser des méthodes nouvelles telles le dialogue, l’accompagnement, la synergie, susceptibles d’éviter la persécution des défenseurs des Droits de l’Homme. Rédigé par une équipe de spécialistes en droits de l’homme, le manuel est divisé en trois parties relatives respectivement aux droits de la personne en Afrique, à la protection des droits de la personne en Afrique, et aux défenseurs des droits de l’homme en Afrique.
  • 8. 8
  • 9. 9 MODULE 1 : DROITS DE LA PERSONNE EN AFRIQUE Ce premier module est structuré en cinq thèmes complémentaires qui se présentent comme ci-après : • Les droits individuels garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples Ce thème énonce les principaux droits individuels garantis par la Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples en insistant sur ces spécificités à travers une analyse comparative avec les autres instruments régionaux. • Les droits de la femme en Afrique Après un état des lieux de la situation des femmes en Afrique, ce thème énonce les principaux droits reconnus à la femme africaine, les analyse et aborde enfin les obligations des Etats. • Les droits de l’enfant en Afrique Après un état des lieux de la situation des enfants en Afrique, ce thème énonce les principaux droits reconnus à l’enfant africain, les analyse et aborde enfin les obligations des Etats. • Les Droits de l’Homme et la société de l’information en Afrique L’auteur a abordé sous ce thème la protection des données à caractère personnel, les risques liés à l’utilisation d’Internet, et, la vie privée et les nouvelles techniques de surveillance.
  • 10. 10 • Les obligations de l’Etats dans la mise en œuvre des Droits de l’Homme. Pour que les différents droits reconnus à l’individu soient une réalité, il est important que les obligations de l’Etat qui est le débiteur de ces droits soient précisées, d’une part, et que les voies de leur justiciabilité soient connues et mises en œuvre, d’autre part. L’auteur a ainsi abordé les diverses obligations de l’Etat dans la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l’homme : il s’agit des obligations de respecter, de protéger et de réaliser.
  • 11. 11 LES DROITS INDIVIDUELS GARANTIS PAR LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES Par M. Félix AHOUANSOU L’Afrique, à l’instar de l’Europe et de l’Amérique dans le domaine de la protection des droits de l’homme, a trouvé le moyen de mettre sur pied un système de protection propre à elle. Ce moyen n’est rien d’autre que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée à Nairobi, au Kenya, le 27 juin 1981. Elle est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Comme objectif cette Charte vise à ‘’assurer la promotion et la protection des droits et libertés de l’homme et des peuples, compte dûment tenu de l’importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés’’1 . Comme mesure de sauvegarde du respect des droits énoncés dans cette Charte, il est créé une Commission des droits de l’homme et des peuples qui tire son fondement de l’article 30 de la Charte. Il s’agit d’un mécanisme non juridictionnel comme cela a été le cas en Europe, en Amérique. Les premiers sont passés aussi par les Commissions - et aux Nations Unies où les mécanismes non juridictionnels, caractéristiques d’un système de protection faible, perdurent. Ce sont des mécanismes dont les décisions ne peuvent avoir force obligatoire en droit, faute d’un contrôle juridictionnel (une cour) sanctionné par une décision (arrêt) revêtue de l’autorité de la chose jugée. Du moment où les décisions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, comme celles des Commissions européenne et américaine, ne revêtent pas un caractère contraignant, cela va sans dire que ce mécanisme, non juridictionnel, ne peut protéger efficacement les droits individuels des citoyens. Les droits individuels garantis par la Charte n’auraient donc aucun effet utile. C’est ainsi que, pour suivre l’exemple de l’Europe (avec la Cour européenne des droits de l’homme) et de l’Amérique (avec la Cour 1 Préambule de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
  • 12. 12 interaméricaine des droits de l’homme), l’Afrique a pensé à mettre sur pied une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le 9 juin 1998 à Ouagadougou, au Burkina Faso, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a été créée par l’adoption du protocole de Ouagadougou (entré en vigueur le 25 janvier 2004). Le protocole de 1998 vient donner un sens aux droits individuels prétendument garantis par la Charte depuis 1981. La Charte se distingue d’autres instruments régionaux de protection des droits de l’homme à travers le mérite qu’elle a de faire des ‘peuples’ des sujets de droit à part entière. Ceci constitue une originalité qu’il faut reconnaître à la Charte du fait qu’elle reste le seul instrument régional à prescrire expressément des droits pour les peuples, lorsqu’on la compare à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH). La Charte est également le seul instrument régional à contenir des dispositions garantissant, à la fois, les droits civils et politiques et les droits économiques sociaux et culturels. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples consacre paradoxalement des devoirs de l’individu alors qu’il s’agit d’un instrument de protection des droits de l’homme. Quoiqu’elle ne soit pas le seul instrument régional à faire cas des devoirs de l’individu, c’est quand même le seul instrument à imposer incomparablement des devoirs à l’individu. En l’occurrence, les articles 27, 28 et 29 de la Charte sont entièrement consacrés aux devoirs de l’individu envers la famille et la société, envers l’État et les autres collectivités légalement reconnues, et envers la communauté internationale. Ce n’est pas pour autant qu’il faille s’en offusquer car même les droits de l’homme les mieux garantis induisent, on le verra plus loin, des obligations et responsabilités pour leurs titulaires. Ce sont autant d’éléments qui témoignent de l’originalité de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
  • 13. 13 Dans le présent article, nous nous intéresserons aux droits individuels consacrés par la Charte. Nous allons ici analyser dans les détails les principaux droits individuels garantis par la Charte. Il s’agira d’une analyse comparative centrée sur les possibles interprétations des différents articles consacrés aux droits des individus dans la Charte. I- Enoncé des droits individuels garantis par la Charte. La base juridique des droits consacrés aux individus se trouve dans les articles 2 à 18 de la Charte africaine. Ces droits ont bien sûr pour la plupart des équivalences dans d’autres instruments internationaux [le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)] et régionaux [ci avant cités] de protection des droits de l’homme. Pour donner une lisibilité à ces droits individuels dans la Charte africaine, nous avons emprunté à Frédéric Sudre2 une classification, quoique arbitraire, qui nous a permis de regrouper lesdits droits en 8 catégories, à savoir : Intégrité de la personne (art.4 et 5) ; Libertés de la personne physique (art.6 et 12) ; Droits de procédure (art.3 et 7) ; Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 4 et 18); Libertés de la pensée (art. 8, 9 et 17); Libertés de l’action sociale et politique (art.10, 11 et 13) ; Droit de propriété (art.14); et Droit des étrangers (art.12). Le droit à la non-discrimination consacré par les articles 2, 3, 15, 16 et 17(1) et (2)) constitue un “droit transversal’’3 , l’ensemble des droits garantis étant en effet gouverné par le principe de l’interdiction de la discrimination. 2 Frédéric Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, PUF, 2006, pp. 258- 259. 3 Frédéric Sudre, Ibid., p. 259.
  • 14. 14 Nous allons procéder à présent à l’analyse de ces droits principaux liés à l’autonomie de la personne. II- Analyse II-1. Le droit à la non – discrimination (principe posé par l’art.2) L’étude des droits protégés par la Charte commencera par celle du droit à la non-discrimination qui fait figure de ‘’droit transversal’’. L’article 2 de la Charte africaine, à l’instar de l’article 14 de la CEDH et de l’article 1 § 1 de la CADH, pose en effet un principe général et neutre de non discrimination qui gouverne la jouissance de tous les droits garantis par la Charte. Issu du postulat général de l’égale dignité de tous les êtres humains, posé par l’article 1er de la DUDH, le principe de non –discrimination est un principe matriciel de la protection internationale des droits de l’homme que l’on retrouve dans tous les instruments internationaux de proclamation des droits de l’homme. La portée de l’interdiction de discrimination Au plan régional, la clause de non discrimination posée par l’article 2, puisqu’elle vaut uniquement pour les droits garantis par la Charte, n’a pas d’existence indépendante. En effet, le domaine d’application de l’égalité prescrite par l’article 2 de la Charte est celui constitué par l’ensemble des droits protégés par la Charte. De même, l’article 14 de la CEDH ne vaut que pour les droits garantis par la Convention. L’article 2 est alors inapplicable s’il n’est pas invoqué en liaison avec une autre disposition de la Charte. Car, il n’ajoute pas à la liste des droits garantis mais renforce leur protection. C’est l’égalité devant la Charte et non devant le Droit en général qui est proclamé. C’est ainsi que la Commission africaine a conclu à la violation de l’article 2 dans l’affaire Amnesty International c. Zambie, § 37, 43 et 44, du 5 mai 1999, Communication 212/98 :
  • 15. 15 « 37. (…) Il ne faut pas perdre de vue la preuve que William Steven Banda était un opposant politique du MMD au pouvoir. (…). Il apparaît qu’il a été ciblé en raison de son origine ethnique qui par hasard existe aussi en Zambie. (…) 43. L’article 2 de la Charte stipule que : (…) 44. En expulsant de force de la Zambie les deux victimes, l’Etat a violé leur droit de jouir de tous les droits garantis par la Charte Africaine. L’article cité impose au gouvernement zambien l’obligation d’assurer à toute personne résidant sur son territoire, la jouissance des droits garantis par la Charte Africaine, indépendamment de leur opinion politique ou autre. Cette obligation a été réaffirmée par la Commission dans le cas ‘‘Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme c/ Zambie’’ (communication 71/92). L’annulation arbitraire de la nationalité dans le cas de Chinula ne peut pas se justifier». Selon cette jurisprudence, d’autres dispositions de la Charte ont été violées par la Zambie : « Par ces motifs, la Commission déclare qu’il y a eu violation des articles 2, 7(1) (a), 8, 9(2), 10 et 18(1) et (2) de la Charte Africaine»4 . Il faut toutefois apporter la précision suivante : il n’est pas nécessaire que la mesure litigieuse viole en soi un des droits garantis par la Charte pour invoquer l’article 2. Même si une mesure respecte l’une ou l’autre disposition de la Charte, l’article 2 peut être utilement invoqué en liaison avec celle-ci pour autant qu’une discrimination soit décelable. Le principe posé par l’article 2 de la Charte étant le même que celui de l’article 14 CEDH, nous citons, à ce propos, l’affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique, arrêt du 23 juillet 1968 pages 33-34 §9 dans laquelle la Cour a consacré l’autonomie de l’article 14 CEDH. Selon cette jurisprudence de la Cour, l’article 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la Convention et fait « partie intégrante de chacune des dispositions garantissant des droits et libertés » (aussi 4 CADHP, affaire Amnesty International c. Zambie, du 5 mai 1999, Communication : 212/98, par. 37, 43 et 44 : < http://www1.umn.edu/humanrts/africa/comcases/comcases.html>
  • 16. 16 Marckx c/ Belgique, 13 juin 1979). Nous n’avons pas encore eu de décision de la Commission africaine allant dans le sens de l’autonomie de l’article 2. Cela pourrait être le cas avec la Cour africaine. L’article 2 de la Charte comme l’article 14 de la CEDH peuvent permettre donc de censurer la discrimination dans la jouissance d’un droit respecté. Quant aux articles 3, 15, 16 et 17(1) et (2) de la Charte, ils jouissent d’une existence indépendante comme toutes les autres dispositions, d’autant plus qu’ils s’appliquent à des situations particulières de non discrimination. Il n’est pas besoin de les invoquer conjointement avec un autre article de la Charte. Chacun d’eux constitue un droit à part entière. Au plan universel, le principe de non - discrimination a une portée générale en matière de protection des droits de l’homme (obs.gén.18/37 sur l’article 26, in Manuel…, p87)5 . Le comité des droits de l’homme a fait une interprétation constructive de l’article 26 PIDCP (« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi »). L’article 26 visant la législation nationale impose à l’Etat de ne pas adopter et mettre en œuvre une loi dont les dispositions seraient discriminatoires vis-à-vis des citoyens. Le droit à la non discrimination garanti par l’article 26 est donc un droit autonome dont la portée ne se limite pas aux seuls droits énoncés par le pacte. II-2. INTEGRITE DE LA PERSONNE On peut y regrouper le droit à la vie, l’interdiction de la torture et l’interdiction de l’esclavage qui concourent à préserver l’intégrité physique et morale de la personne humaine. Les articles 4 et 5 de la Charte constituent la base de cette protection. 5 Cité par Frédéric Sudre, op. cit. p. 260.
  • 17. 17 II.2.1. Le droit à la vie La jouissance du droit à la vie (art. 4 Charte Afr. DHP, art. 2 CEDH, art.6 PIDCP) fait peser sur l’Etat trois types d’obligation afin de satisfaire l’individu : L’obligation de respecter (ne pas porter atteinte arbitrairement) ; L’obligation de protéger (dimension substantielle et procédurale) ; et l’obligation de réaliser. A- OBLIGATION DE RESPECTER L’obligation de respecter le droit à la vie trouve sa source tant dans l’article 4 de la Charte africaine, l’article 2 CEDH, l’article 6 PIDCP que dans certains codes de conduite ou principes au plan universel (Voir annexe n°01 ). Article 4 Charte africaine : La personne humaine est inviolable. Tout être humain a le droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne : nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit. Article 2 CEDH : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire: a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale; b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;
  • 18. 18 c. pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. Article 6 PIDCP : Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. NATURE ET AMPLEUR DE L’OBLIGATION : Pour appréhender la nature et l’ampleur de l’obligation de respecter le droit à la vie, nous allons nous inspirer de l’observation générale n°6 du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies et des décisions de la Cour Européenne des droits de l’homme En effet, dans son observation générale n°6 relativ e au droit à la vie, au paragraphe 3, le Comité des Droits de l’homme estime que : « la protection contre la privation arbitraire de la vie, qui est expressément requise dans la troisième phrase du paragraphe 1 de l'article 6, est d'une importance capitale. Le Comité considère que les Etats parties doivent prendre des mesures, non seulement pour prévenir et réprimer les actes criminels qui entraînent la privation de la vie, mais également pour empêcher que leurs propres forces de sécurité ne tuent des individus de façon arbitraire. La privation de la vie par les autorités de l'Etat est une question extrêmement grave. La législation doit donc réglementer et limiter strictement les cas dans lesquels une personne peut être privée de la vie par ces autorités ». Dans une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire KARAGIANNOPOULOS c. GRÈCE (21 juin 2007), la Cour a eu l'occasion de revoir sa jurisprudence relative à l'article 2 de la Convention. Elle décida ainsi que cette disposition s'applique même s'il n'y a pas eu décès de la victime, dès lors que la force utilisée à l'encontre d'une personne était potentiellement meurtrière et que c'est pur hasard si celle-ci a eu la vie sauve.
  • 19. 19 Lorsque la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose en son article 4, relatif au droit à la vie, que «nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit », elle ne précise pas les circonstances dans lesquelles la privation de la vie peut se justifier. L’article 6 du PIDCP ne le précise pas non plus, mais l’observation générale n° 6 relative au droit à la vie, nous l’avons vu supra, précise que les législations doivent réglementer et limiter strictement les cas dans lesquels une personne peut être privée de la vie par les autorités. Les législations étant diverses et variées, il paraît utile de prendre l’exemple de la Convention européenne des droits de l’homme en son article 2. Le texte de l'article 2, pris dans son ensemble, démontre que le § 2 ne définit pas avant tout les situations dans lesquelles il est permis d'infliger intentionnellement la mort, mais décrit celles où il est possible d'avoir "recours à la force", ce qui peut conduire à donner la mort de façon involontaire. Le recours à la force doit cependant être rendu "absolument nécessaire" pour atteindre l'un des objectifs mentionnés aux alinéas a), b) ou c).6 Les termes "absolument nécessaire" figurant à l'article 2 § 2 indiquent que la force utilisée par des agents de l’Etat doit en particulier être strictement proportionnée aux buts mentionnés. (Cf. Cour eur. DH, arrêt McCann et al. c Royaume-Uni du 27 septembre 1995). OBLIGATIONS PROCÉDURALES Lorsque les autorités sont mises au courant de la mort d’une personne par le fait des agents de l’Etat, il leur est fait obligation de commander d’office une enquête. Cette enquête doit être menée par des enquêteurs indépendants, elle doit être effective et marquée d’une célérité et d’une diligence raisonnable avec un droit de regard suffisant du public7 . 6 Cour eur. DH, arrêt McCann et al. c Royaume-Uni du 27 septembre 1995, § 148. 7 Cour eur. DH, arrêt McKerr c. Royaume-Uni du 4 mai 2001
  • 20. 20 Pour atteindre ces objectifs, les autorités doivent agir d'office, dès que l'affaire est portée à leur attention. Elles ne sauraient laisser aux proches du défunt l'initiative de déposer une plainte formelle ou d'assumer la responsabilité d'une procédure d'enquête. D'une manière générale, on peut considérer que pour qu'une enquête sur une allégation d'homicide illégal commis par des agents de l'Etat soit efficace il faut que les personnes qui en sont chargées soient indépendantes des personnes impliquées. Cela suppose non seulement l'absence de lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi une indépendance concrète. L'enquête doit également être effective en ce sens qu'elle doit permettre de déterminer si le recours à la force était justifié ou non dans les circonstances de l’affaire et d'identifier et de sanctionner les responsables. Il s'agit d'une obligation non pas de résultat, mais de moyen. Les autorités doivent en effet avoir pris les mesures raisonnables dont elles disposaient pour assurer l'obtention des preuves relatives aux faits en question, y compris, entre autres, les dépositions des témoins oculaires, des expertises et, le cas échéant, une autopsie propre à fournir un compte rendu complet et précis des blessures et une analyse objective des constatations cliniques, notamment de la cause du décès. Toute déficience de l'enquête affaiblissant sa capacité à établir la cause du décès ou les responsabilités risque de faire conclure qu'elle ne répond pas à cette norme. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite dans ce contexte. Même si l’on peut admettre qu'il peut y avoir des obstacles ou des difficultés empêchant l'enquête de progresser dans une situation particulière, une réponse rapide des autorités lorsqu'il s'agit d'enquêter sur le recours à la force meurtrière peut généralement être considérée comme essentielle pour préserver la confiance du public dans le respect du principe de légalité et pour
  • 21. 21 éviter toute apparence de complicité ou de tolérance relativement à des actes illégaux. Pour les mêmes raisons, le public doit avoir un droit de regard suffisant sur l'enquête ou sur ses conclusions, de sorte qu'il puisse y avoir mise en cause de la responsabilité tant en pratique qu'en théorie. Le degré requis de contrôle du public peut varier d'une situation à l'autre. Dans tous les cas, toutefois, les proches de la victime doivent être associés à la procédure dans toute la mesure nécessaire à la protection de leurs intérêts légitimes. QUESTIONS SPÉCIFIQUES : AVORTEMENT ET PEINE DE MORT En ce qui concerne l’avortement dans le système européen des droits de l’homme, on peut se référer à l’affaire du mari dont on avait refusé la demande visant à obtenir une injonction empêchant son épouse enceinte de mettre fin à sa grossesse (Paton c/ Royaume-Uni). Selon la Commission européenne des droits de l’homme, le droit à la vie du foetus ne l’emportait pas sur les intérêts de la femme enceinte car l’usage de l’expression « toute personne » figurant à l’article 2 de la CEDH et dans d’autres dispositions de la Convention tendait à étayer la thèse qu’elle ne s’appliquait pas au foetus. « La vie du foetus est intimement liée à la vie de la femme qui le porte et ne saurait être considérée isolément. Si l’on déclarait que la portée de l’article 2 s’étend au fœtus et que la protection accordée par cet article devait, en l’absence de limitation expresse, être considérée comme absolue, il faudrait en déduire qu’un avortement est interdit, même lorsque la poursuite de la grossesse mettrait gravement en danger la vie de la future mère. Cela signifierait que « la vie à naître » du foetus serait considérée comme plus précieuse que celle de la femme enceinte. » Sur cette question les avis sont partagés en Europe car la Convention elle-même ne parle pas expressément du droit à la vie du fœtus. Et
  • 22. 22 alors chaque législation est particulière sur la question. La tendance est quand même de protéger la vie de la mère face à celle du fœtus. En Afrique, l’article 4 de la Charte africaine ne fournit aucun indice qui permette d’affirmer que le droit à la vie trouve à s’appliquer à un fœtus. Le protocole de Maputo relatif aux droits des femmes en Afrique non encore entré en vigueur précise en son article 14, 2, c, que les Etats prennent toutes mesures appropriées pour « protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ». Le même texte en son article 14, 1, confère aux femmes africaines le droit au libre choix des méthodes de contraception et le droit d’exercer un contrôle sur leur fécondité. L’application de ces dispositions ne peut raisonnablement conduire à privilégier la vie du fœtus par rapport à celle de la femme enceinte pour autant que cette dernière ait une raison valable de se débarrasser de sa grossesse. En revanche, la Charte africaine des droits et du bien être de l’enfant entrée en vigueur le 29 novembre 1999 tend à faire penser qu’un fœtus peut être considéré comme un être humain, donc comme ‘toute personne’, au sens de l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. En effet, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant définit l’enfant en son article 2 comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans ». En vue de protéger ce dernier, la Charte met à la charge des Etats l’obligation de prendre des mesures aux fins de réduire la mortalité prénatale et infantile (article 14, 2, a de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant). Cela voudra –t- il dire que le fœtus doit être considéré comme un enfant, donc comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans » qu’il faille protéger au sens de l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ?
  • 23. 23 En répondant par l’affirmative, on serait amené à considérer que l’avortement est interdit même lorsque la grossesse menace la santé de la mère. Mais il serait absurde de vouloir protéger le droit à la vie d’un fœtus en acceptant de violer celui de sa mère. De plus, le protocole de Maputo qui protège la femme contre certains types de grossesse prendrait le contre-pied de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant qui semble protéger l’enfant depuis le ventre de sa mère sans aucune réserve. Quid de la peine de mort ? Il est contradictoire de consacrer « le droit à la vie » et « la peine de mort » dans un même instrument international de protection des droits de l’homme. Car la peine de mort ne saurait être un droit de l’homme. C’est pourquoi la tendance dans les différents traités internationaux va vers l’abolition de la peine de mort. C’est ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 6 du Pacte) au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en passant par l’Observation générale no 6 du Comité des droits de l'homme sur l'article 6 du Pacte (1982), on ne peut que conclure à l’abolition de la peine de mort. Lorsque nous consultons la Convention relative aux droits de l'enfant en son article 37, nous notons que les Etats parties veillent à ce que a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans. S'il ressort des §§ 2 à 6 de l'article 6 que les Etats parties ne sont pas tenus d'abolir totalement la peine capitale, ils doivent en limiter
  • 24. 24 l'application et, en particulier, l'abolir pour tout ce qui n'entre pas dans la catégorie des "crimes les plus graves". Ils devraient donc envisager de revoir leur législation pénale en tenant compte de cette obligation et, dans tous les cas, ils sont tenus de limiter l'application de la peine de mort aux "crimes les plus graves". D'une manière générale, l'abolition est évoquée dans cet article en des termes qui suggèrent sans ambiguïté (par. 2 et 6) que l'abolition est souhaitable. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies estime que l'expression "les crimes les plus graves" doit être interprétée d'une manière restrictive, comme signifiant que la peine capitale doit être une mesure tout à fait exceptionnelle8 . Aujourd’hui, l’on peut se féliciter de l’adoption du 2ème protocole facultatif PIDCP visant à abolir la peine de mort qui vient clôturer le débat sur la question de l’abolition de la peine de mort. L’article premier du protocole dispose : 1. Aucune personne relevant de la juridiction d'un Etat partie au présent Protocole ne sera exécutée. 2. Chaque Etat partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction. Il reste que les Etats ayant ratifié ce protocole s’y conforment dans leur législation nationale. Au plan régional africain, les textes ci après interdisent la peine de mort : article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples article 5 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant article 4 du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes 8 Cf Observation générale n°6 relative au droit à la vie, § 7.
  • 25. 25 En outre, il y a eu une session extraordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples suite à des exécutions capitales au Nigéria en 1995 et résolution sur la peine de mort en 1999. En Europe, on peut citer les textes ci-après relatifs à la question de la peine de mort : article 2 CEDH – droit à la vie Protocole 6 - abolition peine de mort Protocole 13 - abolition peine de mort en toutes circonstances Les arrêts Soering -1989 et Oçalan -2002 de la Cour européenne des droits de l'homme peuvent être intéressants à étudier dans ce cadre. OBLIGATION DE PROTEGER L’obligation de protéger qui pèse sur les Etats peut s’analyser dans les cas de disparitions forcées et d’éloignement du territoire. Selon le Comité des droits de l'homme, Observation générale n°6: le droit à la vie (27 juillet 1982), “les États parties doivent aussi prendre des mesures spécifiques et efficaces pour empêcher la disparition des individus, ce qui malheureusement est devenu trop fréquent et entraîne trop souvent la privation arbitraire de la vie. En outre, les États doivent mettre en place des moyens et des procédures efficaces pour mener des enquêtes approfondies sur les cas de personnes disparues dans des circonstances pouvant impliquer une violation du droit à la vie”. Nous avons aussi comme source de cette protection la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées approuvée par le Conseil des droits de l’homme lors de sa 1ère session, le 16 juin 2006 qui définit en son article 2 la disparition forcée comme:
  • 26. 26 « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté commis par des agents de l’Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’Etat, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ». La convention contient en outre des dispositions relatives, notamment, à : - l’obligation d’incrimination des comportements visés - l’obligation de conduire une enquête indépendante et effective L’obligation d’établir sa compétence à l’égard des actes de disparition forcée commis sur le territoire ou par des nationaux de l’Etat concerné (voire, si l’Etat le juge approprié, lorsque la personne disparue a sa nationalité) et le principe aut dedere, aut judicare lorsqu’une personne soupçonnée d’avoir causé des disparitions forcées se trouve sur le territoire. Dans ce domaine, on peut citer l’affaire Cour IADH, arrêt Godinez Cruz c. Honduras du 20 janvier 1989. Pour étayer le cas d’éloignement du territoire qui pose problème en ce qui concerne l’obligation de protéger qui pèse sur l’Etat, nous allons citer l’arrêt Soering de la Cour Eur. D. H. (vu supra) C- OBLIGATION DE REALISER Cette obligation de réaliser le droit à la vie trouve sa meilleure justification dans le paragraphe 5 de l’Observation générale n°6 : le droit à la vie (1982) du Comité des droits de l’homme : « De plus, le Comité a noté que le droit à la vie était trop souvent interprété de façon étroite. L'expression "le droit à la vie ... inhérent à la personne humaine" ne peut pas être entendue de façon restrictive,
  • 27. 27 et la protection de ce droit exige que les Etats adoptent des mesures positives. A cet égard, le Comité estime qu'il serait souhaitable que les Etats parties prennent toutes les mesures possibles pour diminuer la mortalité infantile et pour accroître l'espérance de vie, et en particulier des mesures permettant d'éliminer la malnutrition et les épidémies ». II.2.2. INTERDICTION DE LA TORTURE Sources : Article 5 de la Charte africaine : « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites » Article 3 CEDH : « Nul ne peut être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » Article 7 PIDCP : « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. … » Portée de l’interdiction : L’interdiction de la torture a une portée absolue. C’est ce qui ressort de l’affaire Com. Afr. D.H.P., MBDHP v. Burkina Faso, 23 avril 2001, § 43: La communication fait état entre autres de la mort de citoyens abattus par balles ou décédés des suites de tortures, de même que de la mort du décès de deux jeunes élèves descendus dans la rue avec leurs camarades pour exprimer certaines revendications et soutenir celles des enseignants du secondaire et du supérieur. La Commission déplore l'usage abusif des moyens de violence de l'Etat contre des
  • 28. 28 manifestants ; même lorsqu'il s'agit de manifestations non autorisées par l'autorité administrative compétente. L'article 5 de la Charte prohibe en termes absolus la torture physique ou morale et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants, quels que soient les agissements de la victime. Cet article ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Charte, il ne souffre nulle dérogation même en cas de danger public menaçant la vie de la nation. Par voie de conséquence, l’arrêt Ribitsch c. Autriche du 4 décembre 1995 est l’occasion pour la Cour européenne des droits de l’homme d’indiquer (arrêt Ribitsch c. Autriche du 4 décembre 1995, Requête n° 18896/91, Recueil A 336, paragraphe 38) que : A l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention. Elle rappelle que les nécessités de l’enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne. Il est à noter qu’il existe même une présomption de violation de l’interdiction de la torture lorsqu’une personne détenue présente des blessures à sa libération alors qu’elle était en bonne santé au début de sa privation de liberté. On peut se référer à cet égard à l’arrêt Selmouni c. France du 28 juillet 1999 (Recueil 1999-V § 87) : La Cour considère que lorsqu individu est placé en garde à vue alors qu’il se trouve en bonne santé et que l’on constate qu’il est blessé au moment de sa libération, il incombe à l’Etat de fournir une explication plausible pour l’origine des blessures, à défaut de quoi l’article 3 de la Convention trouve manifestement à s’appliquer (Voir aussi Tomasi c. France, du 27 aout 1992 §§ 40-41 et §§108-111).
  • 29. 29 L’absoluité du principe implique que le fait d'avoir agi sur les ordres d'autorités supérieures n'exonère pas de la responsabilité pénale attachée à la perpétration du crime de torture. L’atteinte ne peut être justifiée par les motifs poursuivis. De plus, chaque Etat voit sa juridiction étendue du fait qu’il est obligé de juger un responsable de crime de torture où qu’il soit commis ou alors de l’extrader afin qu’il soit jugé par un autre Etat. C’est qui ressort des dispositions telles que : art. 4 de la Convention interaméricaine sur la prévention et la répression de la torture, article 2 § 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Comité des droits de l’homme, Obs. Générale n°20 (1992), para. 3). Implications procédurales : Comme pour le droit à la vie, l’interdiction de la torture entraîne pour l’Etat une obligation procédurale d’effectuer une enquête officielle approfondie et effective en vue de l’identification et de la punition des responsables, chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire que des traitements contraires à l’article 5 de la Charte africaine. DEFINITIONS La torture a été définie par l’article 1 § 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) comme : tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire
  • 30. 30 pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. Notion de traitements inhumains ou dégradants Les notions employées dans l’article 5 de la Charte africaine et dans l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que dans la définition de la Convention contre la torture sont relatives par essence. Il faut faire une appréciation contextualisée de la notion. C’est ainsi que pour la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH, Chamaiev et 12 autres c. Georgie et Russie du 12 avril 2005, § 338) : Pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des « données de la cause », et notamment de la nature et du contexte du traitement ainsi que de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la personne concernée (arrêt Irlande c. Royaume Uni). La Cour a estimé un certain traitement à la fois « inhumain », pour avoir été appliqué avec préméditation pendant des heures et avoir causé « sinon de véritables lésions, du moins de vives souffrances physiques et morales », et « dégradant » parce que de nature à créer chez les intéressées des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale (Irlande c. royaume Uni).
  • 31. 31 Notion de torture La définition de la Convention contre la torture permet d’établir trois éléments constitutifs de la torture : intensité des souffrances, intention délibérée, but déterminé. En effet, outre la gravité des traitements, la notion de torture suppose un élément intentionnel, reconnu par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, entré en vigueur le 26 juin 1987, qui précise que le terme « torture » s’entend de l’infliction intentionnelle d’une douleur ou de souffrances aiguës aux fins notamment d’obtenir des renseignements, de punir ou d’intimider (article1). Exemples d’application L’interdiction de la torture a vocation à s’appliquer à de multiples situations : Lors d’une arrestation ; Pendant une garde à vue ; Lors d’une tentative de fuite, évasion ; Sanctions disciplinaires et châtiments corporels ; Détention (personnes souffrant de troubles mentaux, personnes handicapées) ; Extradition ; Expulsion ; Refoulement ; etc.
  • 32. 32 II.2.3. Interdiction de l’esclavage Sources L’interdiction de cette forme d’exploitation et d’avilissement se trouve tout d’abord dans des textes universels particuliers, i.e. qui ont pour objet spécifique d’interdire l’esclavage. Il s’agit par exemple de la Convention relative à l’esclavage, adoptée à Genève le 25 septembre 1926, entrée en vigueur le 9 mars 1927 et amendé par le Protocole du 7 décembre 1953, entré en vigueur le 7 juillet 19559 . Ensuite, cette interdiction est reprise dans les textes universels à caractère général, comme la DUDH : son article 4 interdit aussi bien l’esclavage que la traite des esclaves. De même, le ICCPR interdit les deux pratiques (art.8), et en fait une interdiction à laquelle on ne peut déroger (art. 4 § 2). La nature non dérogatoire de l’interdiction de l’esclavage est reprise dans la CEDH (art. 4 §1 : ‘Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude’ combiné à l’article 15 § 2 de la Convention). De même, les autres textes régionaux contiennent une interdiction semblable : art. 6 CADH, art. 5 CAfrDHP. Remarquons que la CAfrDHP a ceci de particulier qu’elle inscrit au sein du même article ce qui est séparé dans les autres conventions : « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites ». 9 Code de droit international des droits de l’homme, 3è édition, 2005, p. 228.
  • 33. 33 L’interdiction du travail forcé Selon la jurisprudence européenne, le travail forcé ou obligatoire, au sens de l’article 4 de la Convention européenne relative aux droits de l’homme, se définit par référence expresse à la définition donnée par la Convention de OIT n°29 (art. 2 § 2), comme « to ut travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de son plein gré ». On peut se référer à cette occasion à l’arrêt Cour eur. D. H. Van der Mussele c/ Belgique, 23 novembre 1983, A. 70, § 32 dans laquelle la cour déclare que l’obligation pour un avocat stagiaire d’assister gratuitement un prévenu ne peut être qualifié de travail forcé et obligatoire. Par contre dans l’affaire Siliadin § 116, la Cour constate que « la requérante a, au minimum, été soumise à un travail forcé ». En effet, pendant trois ans, la requérante, mineure, d’origine togolaise, travailla dans une famille française environs quinze heures par jour, sans jour de repos, sans, être payée, sans être scolarisée, sans papiers d’identité (son passeport ayant été confisqué), sans que sa situation administrative soit régularisée, dormant par terre dans la chambre des enfants. La situation de contrainte, physique ou morale est caractéristique du travail forcé et elle patente dans l’affaire Siliadin. Les textes internationaux précisent que les la notion de « travail forcé » ne couvre pas un certain nombre de cas limitativement énumérés : service militaire ou service d’un objecteur de conscience, travail d’un détenu, travail en cas de force majeur ou de sinistre, travail résultant des obligations civiques normales. Ces exceptions reposent sur « les idées maîtresses d’intérêt général, de solidarité sociale et de normalité »10 . 10 Frédéric Sudre, Page 314.
  • 34. 34 En matière d’interdiction de travail forcé, il faut relever la spécificité de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Tout d’abord la Charte mélange dans un même article l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants et l’interdiction de l’esclavage et de la traite des personnes. C’est une différence fondamentale car toutes les autres conventions ont séparé ces deux interdictions qui sont de différents ordres et obéissent à différents critères d’analyse et de qualification. Mais la spécificité la plus remarquable est soulignée par Frédéric Sudre. Il remarque en effet que la Charte prohibe l’esclavage (art. 5) mais ne fait pas mention de l’interdiction du travail forcé et obligatoire, à la différence des autres conventions générales. « Surtout, la Charte précise que l’individu, au nom de l’ « obligation de solidarité » qui s’impose à lui, a le devoir de travailler et « de s’acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société » (art. 29, § 6) : une telle disposition, aux contours mal définis, est lourde d’incertitudes et ne permet pas d’affirmer que la Charte africaine reconnaît à l’individu le droit fondamental de ne pas être contraint de faire un travail contre son gré »11 . Travail forcé, Servitude et Esclavage : Gradation La Convention de 1926 contient une définition de l’esclavage : L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exerce les attributs du droit de la propriété ou certains d’entre eux12 . C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme ne peut que constater que Mlle Siliadin n’a pas été « tenue en esclavage au sens propre » (§ 122). 11 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, Paris, Presses Universitaires de France, 2005, pp. 315. 12 Art. 1 § 1 de la Convention relative à l’esclavage.
  • 35. 35 Une différenciation du champ d’application de chacun de ces concepts – travail forcé, servitude ou esclavage - a été esquissée par le juge européen, telle que la « servitude » apparaît comme moins que l’ « esclavage » mais comme plus que le « travail forcé »13 . Le juge européen a donc fait de la notion de « servitude » un concept utile, permettant d’offrir la garantie de la protection aux victimes des détestables formes contemporaines d’asservissement et d’exploitation de la personne( prostitution, esclavage domestique, exploitation de la mendicité, prélèvement d’organes. La situation de Mlle Siliadin est ainsi qualifiée d’ « état de servitude » au sens de l’article 4 de la Convention » (§129). Il en résulte pour les Etats une obligation positive qui apparaît à la fois de nature substantielle et procédurale. En effet, cette obligation positive impose à l’Etat de promulguer une législation pénale permettant de punir effectivement le travail forcé et le maintien en état de servitude et de l’appliquer au moyen d’une enquête et de poursuites effectives. Il faut avouer les lacunes de la Charte africaine dans le domaine du travail forcé et de la servitude et prendre appui sur le droit international des droits de l’homme pour la compléter. C’est sans nul doute le travail du juge africain du moment où la Charte elle-même dispose que le juge s’inspire du droit international relatif aux droits de l’homme et des peuples pour déterminer les principes applicables (art. 60). Car même si la Charte impose à l’individu de travailler et de s’acquitter des contributions fixées par la loi (article 29), elle ne saurait autoriser le « travail forcé » au sens propre du terme. Il s’agit plutôt de souligner l’indétermination et le manque de précision qui caractérise la Charte par endroit et qui ne faciliterait pas la tâche du juge africain. 13 F. Sudre, op. cit., p. 315.
  • 36. 36 II. 3. Les libertés de la personne physique Le droit à la liberté et à la sécurité et le droit à la libre circulation sont l’un et l’autre susceptibles de faire l’objet de dérogations et de restrictions. II.3.1. Le droit à la liberté et à la sécurité Sources : Le droit à la liberté et les modalités de sa privation sont inclues dans les majeurs textes internationaux : art. 6 CAfrDHP, art. 5 § 1 CEDH, art. 9 DUDH, art. 9 ICCPR. La Charte dispose que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. Les motifs pour lesquels et les conditions dans lesquelles il peut y avoir privation de liberté n’ont pas été précisés par l’article 6 de la Charte africaine. Le juge étudiera au cas par cas les affaires selon la législation de chaque pays africain. Or, le dialogue des juridictions peut conduire le juge africain à considérer par exemple les conditions de privation limitativement énumérées par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Principes : Deux principes généraux caractérisent le droit à la liberté. Premièrement, la liberté est le principe, la privation l’exception. Cela implique qu’une loi qui prévoit des limitations de la liberté doit être interprétée de façon restrictive.
  • 37. 37 De plus, le droit à la liberté n’est pas un droit indérogeable, c'est-à-dire qu’il peut y avoir des situations exceptionnelles énumérées par l’article 4 du ICCPR et par l’article 15 de la CEDH dans lesquelles on peut y déroger. La Convention américaine prévoit également la possibilité de déroger au droit à la liberté (art. 27), mais la Cour américaine a précisé que dans ces cas, certaines conditions restent en vigueur, telle la garantie du habeas corpus : le droit à un recours n’est pas dérogeable selon elle14 . De manière surprenante, la Charte africaine ne prévoit aucune dérogation à ce droit ni à aucun autre droit garanti par elle. C’est à croire que tous les droits doivent être respectés en toute circonstance. Ce qui n’est pas très réaliste lorsqu’on sait que l’Afrique est le continent sur lequel les violations des droits de l’homme sont plus accentuées. Contenu : Le droit à la liberté et à la sécurité vise à protéger la liberté physique de la personne contre toute arrestation et détention arbitraire ou abusive. Ce droit occupe une place centrale dans le dispositif protecteur des droits individuels. On a observé un cas de détention arbitraire de 11 militaires nigérians dans l’affaire Constitutional Rights Project c. Nigeria, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 148/96, 26ème Session Ordinaire, Kigali, 15 novembre, 1999 : 15. Le gouvernement n'ayant pas présenté une autre explication pour la détention des 11 soldats, la Commission doit considérer qu'ils sont encore détenus pour des faits dont ils ont été acquittés au cours de deux procès séparés. Cela est une violation flagrante de l'article 6 et dénote d'un manque de respect choquant des jugements des tribunaux par le gouvernement nigérian. 14 Cité par Jean Yves Carlier, Syllabus du Cours d’Autonomie au Master Complémentaire en Droits de l’Homme, 2007-2008.
  • 38. 38 16. Plus tard, (bien que ce n'était plus nécessaire comme ils avaient été jugés innocents), ces militaires ont été graciés, mais n'ont pas été libérés. Il s'agit encore une fois d'une violation de l'article 6 et il est incompréhensible que ces détenus ne soient pas encore libérés. La Commission a déclaré que l’article 6 de la Charte a été violé par le Gouvernement nigérian et recommandé que le Gouvernement se conforme aux jugements des tribunaux nationaux et libère les 11 militaires. L’Etat peut cependant priver de liberté des personnes qui représentent une menace pour l’ordre social. Si les autres instruments internationaux et régionaux ne précisent pas dans quelles conditions l’Etat peut détenir des individus, la CEDH en son article 5 § 1 dresse la liste de six cas autorisés de privation de liberté : Il s’agit par exemple de : détention après condamnation, détention d’un mineur, détention d’un aliéné, détention en vue d’une expulsion, détention d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse. La Cour européenne précise qu’il s’agit d’une liste exhaustive devant l’objet d’une interprétation étroite, ce qui ne laisse aux Etats qu’une très faible marge d’appréciation pour l’application de l’article 5 de la Convention15 . Faut-il faire une différence entre privation et restriction de liberté ? La précision a été donnée par la CrEDH dans l’affaire Guzzardi v Italie16 . Dans cette affaire, M. Guzzardi ne se trouvait pas en prison mais sur une île devant la côte de la Sardenne. L’Italie invoque donc qu’il ne s’agit pas d’une privation de liberté (art. 5) mais d’une limitation à la liberté de circulation. Selon cette dernière qualification l’Italie n’aurait pas pu être condamné. Toutefois, la Cour estime que : 15 F. Sudre, op. cit. p. 318. 16 CrEDH, Guzzardi v Italie, arrêt du 6 novembre 1980.
  • 39. 39 Entre privation et restriction de liberté, il n’y a pourtant qu’une différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence. Le classement dans l’une ou l’autre de ces catégories se révèle parfois ardu, car dans certains cas marginaux il s’agit d’une pure affaire d’appréciation, mais la Cour ne saurait éluder un choix dont dépendent l’applicabilité ou l’inapplicabilité de l’article 517 . II.3.2 Le droit à la liberté de circulation L’article 12 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que : 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat, sous réserve de se conformer aux règles éditées par la loi. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques. 3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de chaque pays et aux conventions internationales. 4. L’étranger légalement admis sur le territoire d’un Etat … ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi. 5. L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux, ethniques ou religieux. 17 Ibid, §§ 50-54.
  • 40. 40 Le droit de circuler et de résider librement sur le territoire d’un Etat est reconnu à tous sans exception, nationaux comme étrangers. Ce droit est accordé sous réserve de la régularité de la situation des étrangers. Ce qui renvoie au droit interne de chaque pays et laisse le soin à l’Etat de définir les conditions rendant régulières la présence d’un étranger sur son territoire. (Voy. Arrêt Piermont c/ France, 26 avril 1995 de la Cour européenne des droits de l’homme.) Les simples restrictions au droit de circuler relèvent donc de la liberté de circulation. Il peut s’agir par exemple de mesures préventives telles que l’assignation à résidence, le placement sous la surveillance de la police, le retrait du permis de conduire prises à l’encontre d’un individu appartenant à la mafia. La liberté de circulation peut se trouver liée à la liberté de réunion. Ainsi, un refus d’autorisation de déplacement dans le but de participer à une manifestation ou à une réunion peut constituer une ingérence dans le droit à la liberté de réunion. Le droit de quitter tout pays y compris le sien est reconnu par l’article 12 alinéa 2 de manière identique aux nationaux comme aux étrangers sans réserve. Par contre, ce droit peut faire l’objet de restrictions si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques. La Cour européenne a interprété ce droit comme impliquant le droit de se rendre dans un pays de son choix et incluant, en conséquence, un « droit au passeport ». Dès lors la dépossession d’un document d’identité tel un passeport constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté de circulation (Baumann c/ France, 22 mai 2001). La Charte garantit aussi le droit de rechercher et d’obtenir asile dans un pays étranger conformément à la loi de chaque pays et aux conventions internationales. Ce droit semble consacrer les mêmes prérogatives que celui de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat sauf que ici la raison valable selon la Charte est la persécution. La Charte interdit d’expulser sans une décision judiciaire un étranger établi régulièrement sur un territoire étranger. A cet égard, on peut faire allusion à Mohamed Lamine Diakité c. Gabon, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
  • 41. 41 Communication 73/92, 27e Session Ordinaire, Alger, 11 mai 2000. Si cette communication avait été déclarée recevable et étudiée au fond par la Commission, l’article 12 al. 4 qui était en cause trouverait à s’appliquer. II.4. Les droits de procédure Les droits de procédure s’analysent en des garanties dont dispose un individu dans un état de droit pour faire valoir ses droits et libertés. Il s’agit essentiellement du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif. Les droits de procédure sont garantis par la Charte africaine en ces articles 3 et 7. Ne pouvant aller en profondeur sur ces droits ici, nous avons juste voulu préciser que le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif consacre le principe fondamental de la prééminence du droit dans une société démocratique. La protection des droits et libertés des citoyens seraient vide de sens si elle n’était pas confiée à une justice indépendante et impartiale. Les articles 3 et 7 de la Charte en constituent la base. Ces droits sont aussi reconnus par le PIDCP (art. 14.1), la CADH (art. 8) etc. III. DES DEVOIRS DE L’INDIVIDU Dans les dispositions de la Charte en son article 27. (1), chaque individu a des devoirs envers la famille et la société, envers l’État et les autres collectivités légalement reconnues, et envers la communauté internationale. L’article 28 dispose que chaque individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans discriminations aucune, et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de promouvoir, de sauvegarder et renforcer le respect et la tolérance réciproques.
  • 42. 42 La Charte semble transposer en droit des normes qui relèvent normalement de la morale, surtout lorsqu’il s’agit en son article 28 de respect, de considération et de tolérance envers ses semblables. Cela est d’autant plus vrai que le manquement à ces devoirs ne fait encourir à son auteur aucune sanction légale. Par ailleurs, la Charte en son article 29 met à la charge de l’individu un « devoir de travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses possibilités ». Lorsque nous considérons le taux de chômage dans nos Etats africains, malgré les capacités et les possibilités que ces chômeurs pourraient offrir à leurs Etats respectifs, on peut se demander si « travailler » est un devoir de l’individu ou une obligation de l’Etat. « Travailler » ne devrait pas être un devoir pour l’individu à moins de considérer que la Charte ne reconnaît pas à l’individu son droit fondamental de ne pas être contraint de faire un travail contre son gré. Par conséquent, « le devoir de travailler » consacré par la Charte devrait être analysé comme une obligation pour l’Etat d’offrir à l’individu un travail selon ses capacités et ses possibilités ou de créer les conditions économiques et juridiques qui lui permettent de s’auto employer. Cette interprétation de l’article 29 (6) de la Charte paraît plus logique d’autant plus que le même alinéa précise plus loin que l’individu doit s’acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société. Conclusion Tous ces droits seraient inutiles si les individus qui en sont titulaires n’ont pas la possibilité de saisir l’organe juridictionnel de contrôle qu’est la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Il est donc important que les Etats acceptent la compétence de la Cour à connaître des communications individuelles après bien sûr l’épuisement des voies de recours internes. C’est la seule condition pour que les articles de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples aient un effet utile.
  • 43. 43 LES DROITS DE LA FEMME EN AFRIQUE. Par Maître NYALUMA MULAGANO Arnold Il y a 360 ans 18 les femmes de Londres adressèrent, en 1649, leur « humble requête » au parlement anglais, qui avait édicté, vingt ans auparavant, la Pétition of Rights de 1628.Elles posèrent la question suivante : « serait-ce que les libertés et les garanties des Pétition of Rights et autres bonnes lois du royaume ne sont pas faites pour nous comme pour les hommes ? » Aujourd’hui les femmes africaines sont en droit de poser la même question. En effet l’Afrique est parmi les continents où la marginalisation de la femme trouve sa base dans les coutumes et même dans des législatifs. La Charte africaine des droits de l’homme et de peuple n’a pas vider la question la règle d’égalité et non discrimination qu’il s’est avéré nécessaire de la compléter par un protocole additionnel. Adopté à Maputo le 11juillet 2003 ce protocole relatif aux droits de la femme n’a pas été ratifié par plusieurs Etats et rencontre des graves résistances même au sein de la société civile, y compris dans les mouvements féministes. Il y a donc une urgence pour un engagement en faveur des droits de la femme en Afrique, ce à quoi veut participer ce travail composé de trois chapitres. Le premier porte sur l’état de lieu des droits de la femme en Afrique, le second sur les droits garantis par le protocole et le troisième sur les mécanismes de sauvegarde. 1. Etat de lieu des droits de la femme en Afrique Les enquêtes réalisées par la FIDH19 en 2007 au Mali, en Gambie, au Mozambique, au Niger, en République Centre Africaine renseignent que les mariages forcés ou précoces, les violences conjugales, les 18 Abderrahman Youssoufi, « Le rôle des organisations non gouvernementales dans la lutte contre les violations des droits de l’homme » in UNESCO, Violations des droits de l’homme, quels recours, quelles résistances ? Paris, Imprimerie des Presses Universitaires de France, 1983, p.109 19 FIDH, L’Afrique pour les droits de la femme, http//www. africa4womensrights.org
  • 44. 44 violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, les trafics des femmes, la prostitution forcée, les pratiques traditionnelles discriminatoires, les difficultés d’accès à la propriété, au travail, à l’éducation, à l’héritage ou encore à la santé pour les femmes restent largement rependus sur le continent. Ces violations sont principalement favorisées par le déficit législatif en matière de droits des femmes qui prévaut dans de nombreux pays et qui leur est particulièrement préjudiciable. Ainsi, en Gambie, malgré les interdictions de toutes les discriminations fondées sur le genre, le Code Pénal n’interdit pas les mutilations génitales féminines et ne prévoit pas de sanction à leur encontre. En Afrique Australe, le vide juridique en matière de répression des trafics de femmes, contribue à la propagation de ce phénomène, en dépit des préoccupations soulevées par les experts du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard de la femme, lors de l’examen du rapport remis par la Namibie. Au Mozambique, aucune loi ne pénalise jusqu’à présent les violences domestiques et conjugales bien que de phénomène, sous toutes ses formes soit massif et représente une des atteintes les plus graves aux droits des femmes mozambicaines. Au Niger, en l’absence de l’adoption de tout code de la famille, pourtant en projet depuis 1975 le droit des femmes à l’héritage, la répudiation et ses conséquences, le rôle et les droits des femmes au sein de la famille, ne sont pas garantis par la loi, mais régis par les droits coutumiers et traditionnels, ce qui entraîne de nombreux abus aux conséquences sociales particulièrement graves. Si ce déficit législatif empêche les femmes de faire valoir leurs droits, l’existence de lois discriminatoires matérialise juridiquement la violation de ces droits. Ainsi, au Mali, l’enquête mandatée par FIDH a permis de faire état de certaines dispositions législatives qui pénalisent les femmes dans le domaine de la santé, de la famille, de l’héritage, de même que dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale. Au Mozambique, malgré la promulgation en décembre 2004 du nouveau code de la famille, les dispositions en matière d’héritage restent insuffisantes, notamment dans le cadre de l’union de fait où le conjoint ne peut hériter directement des biens de son époux défunt, une disposition qui laisse de nombreuses femmes sans revenus.
  • 45. 45 Si cette traduction juridique des discriminations à l’égard des femmes leur enlève toute possibilité d’avoir recours aux instances judiciaires pour défendre leurs droits, l’existence de lois en leur faveur n’est pas toujours synonyme d’une amélioration de leur condition du fait de pratiques faisant fi de la législation en vigueur. Ainsi, au Niger, où une loi criminalisant la pratique de l’esclavage a été promulguée le 13 juillet 2003, la persistance de cette pratique, en particulier à l’encontre des femmes, démontre la faible application dans les faits de cette législation. Au Burkina Faso, pourtant contraire à l’article 234 du code des personnes et de la famille, la pratique du lévirat, qui touche principalement les femmes dans les zones rurales, continue de porter atteinte à leur intégrité psychologique voire physique. Dans les pays en situation de conflit ou post-conflit les femmes sont particulièrement exposées aux violences sexuelles, souvent utilisées comme une arme de guerre, les femmes souffrent de la double peine de l’indifférence de la communauté internationale et d’une stigmatisé au sein de leur société. Ainsi, au Darfour, les milices et factions rebelles sont tenues responsables de violences dans le conflit qui sévit depuis 2003, touchant non seulement les populations locales mais également les personnels féminins des organisations humanitaires présentes sur le terrain. En République centre africaine, les femmes victimes de viols à l’occasion des combats entre groupes rebelles en 2002/2003. Une impunité prévaut au Togo, où des auteurs des crimes sexuels commis à l’occasion de la répression des manifestations antérieures et postérieures aux élections présidentielles d’Avril 2005, n’ont toujours pas fait l’objet de poursuites judicaires. En République Démocratique du Congo les femmes sont encore victimes d’enlèvements, de maltraitance ou de violences sexuelles systématiques avec une grande impunité. Les troupes et milices étrangères qui ont occupé le pays depuis 1996 ont utilisé les violences sexuelles pour soumettre et humilier les communautés locales. Cette pratique qui est devenue systématique a fait à ces jours plus d’un demi million de victimes et en dépit du vote des lois du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles, les auteurs restent impunis. Un peu avant ce
  • 46. 46 désastre le Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a fait les observations suivantes à propos de la situation des droits de la femme 20 le comité s'est déclaré vivement préoccupé par la situation des femmes zaïroises dans les zones où le conflit avait éclaté et où les populations de réfugiés étaient nombreuses. Le Comité a regretté que le rapport oral de l'État partie n'ait pas suffisamment souligné les liens étroits existant entre la discrimination contre les femmes, la violence à leur encontre et la violation de leurs droits et libertés fondamentales, eu égard en particulier à la situation régnant actuellement dans le pays. Le Comité a invité l'État partie, lors de la présentation de son rapport initial et des rapports ultérieurs, à donner des précisions sur les conséquences que le conflit armé avait eues sur la vie des femmes zaïroises et sur la vie des femmes réfugiées des pays voisins du Zaïre. A ce jour la situation s’est plutôt empirée comme indiqué avant. Des dizaines des milliers21 de femmes, de jeunes filles, de femmes âgées ont été violées, réduites à l’esclavage sexuel, aux travaux forcés, torturées, enterrées vivantes ou tuées. Ces agressions sexuelles de fillettes de six ans à des femmes de 75 ans ont été commises par toutes les forces combattantes. Selon les rapports des ONG, toutes les forces armées impliquées en RDC, y compris les forces armées gouvernementales, celles du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda ont commis des actes de violence. Pour certaines femmes, les assaillants ont utilisé leur appareil génital pour les violer ou ont enfoncé des pierres, des morceaux de bâton, des couteaux, des clous rouillés, des verres, des baïonnettes, des morceaux de bois pointus, du sable et du piment dans leur appareil génital. D’autres encore ont été violées à plusieurs reprises dans les 20 Observations finales du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Zaïre, U.N. Doc. 21 Alphonsine Ndaya Kabulu, Congo : le droit contre les violences sexuelles quelle protection pour les femmes victimes de violences a l’est de la République démocratique du Congo au regard des droits de l’homme ? http://www.universitedesfemmes.be
  • 47. 47 camps militaires où elles ont été amenées pour y subir des sévices sexuels, faire des travaux de cuisine, de nettoyage. Certaines femmes enceintes ont été éventrées à l’arme blanche devant les membres proches de leur famille, ce que les assaillants qualifiaient de «césarienne obligatoire», d’autres encore ont vu leurs organes sexuels mutilés. Des nombreuses victimes de viol souffrent de fistules recto-vaginales, de prolapsus, c’est-à-dire descente de l’utérus dans le vagin, de fistules vésico-vaginales et de fistules provoquant l’incontinence urinaire et fécale22 . 2. Les droits garantis Nous allons dans ce point insister sur les droits spécifiques à la femme ou les droits tout en appartenant à l’ensemble du genre humain ne se décline pas de la même manière pour les deux sexes. A. Economie générale - Elimination de toutes les formes de discrimination et de violence à l'égard des femmes en Afrique et la mise en œuvre d'une politique d'égalité entre hommes et femmes. - Inclure dans leur constitution nationale et autres instruments législatifs ces principes fondamentaux et à veiller à leur application effective. - Intégrer à leurs décisions politiques, à leur législation, à leurs plans de développement, à leurs actions, la notion de discrimination fondée sur le sexe - Veiller au bien-être général des femmes - Le protocole s’inscrit en prolongation de l’article 2 de la Charte 22 Déclaration de la MONUC, Sud-Kivu: 4.500 cas de violence sexuelle au cours de six premiers mois de l'année, 27 juillet 2007, http://www.monuc.org.
  • 48. 48 - Reconnaissance du rôle crucial des femmes dans la préservation des valeurs africaines - En dépit de la ratification par la majorité des Etats Partis à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la femme en Afrique continue d'être l'objet de discriminations et de pratiques néfastes; A. Elimination de la discrimination à l’égard de la femme La discrimination à l'égard des femmes désigne toute distinction, exclusion, restriction ou tout traitement différencié fondés sur le sexe, et qui ont pour but ou pour effet de compromettre ou d'interdire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale, des droits humains et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Les auteurs du pacte préconisent les mesures suivantes pour éliminer les discriminations à l’égard de la femme : a. Adopter les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autre qui consistent pour les Etats à : - Inscrire dans la Constitution et autres instruments législatifs, si cela n'est pas encore fait, le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, et à en assurer l'application effective -Adopter et à mettre en œuvre effectivement les mesures législatives et réglementaires appropriées, y compris celles interdisant et réprimant toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes qui compromettent la santé et le bien-être général des femmes -Intégrer les préoccupations des femmes dans leurs décisions politiques : législations, plans, programmes et activités de développement ainsi que dans tous les autres domaines de la vie; Prendre des mesures correctives et positives dans les domaines où des discriminations de droit et de fait à l'égard des femmes continuent d'exister , mesures que certains auteurs qualifient de discrimination positive mais qu’il convient d’appeler actions positives en vue de
  • 49. 49 corriger les tares d’une inégalité structurelle qui ne se résoudre par la simple affirmation de l’égalité. - Appuyer les initiatives locales, nationales, régionales et continentales visant à éradiquer toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme. Ainsi les actions des ONG en faveur des droits de la femme devraient bénéficier d’un appui de la puissance publique. b. Modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels de la femme et de l'homme, par l'éducation du public, par le biais des stratégies d'information, d'éducation et de communication, en vue de parvenir à l'élimination de toutes les pratiques culturelles et traditionnelles néfastes et de toutes autres pratiques fondées sur l'idée d'infériorité ou de supériorité de l'un ou l'autre sexe, ou sur les rôles stéréotypés de la femme et de l'homme. Il s’agit de briser les us et coutumes assez rependus en Afrique et qui briment la femme. A. Droit à la dignité La dignité est une notion fondamentale dans la Charte, son inscription en faveur de la femme dans le pacte rappelle surtout l’urgence de lutter contre les violences sexuelles et verbales qui affectent la dignité de la femme jusqu’à la réduire à un simple objet. B. Droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité Au delà du contenu ordinaire de ces droits, cette disposition voudrait protéger la femme contre toutes formes d'exploitation, de punition et de traitement inhumain ou dégradant, les rapports sexuels non désirés ou forcés, qu'elles aient lieu en privé ou en public; non seulement le viol mais aussi les violences sexuelles conjugales incluant les rapports contre nature. Elle rappelle la nécessité d’identifier les causes et les conséquences des violences contre les femmes et prendre des mesures appropriées pour les prévenir et les éliminer. Elle réitère l’obligation pour les Etats de réprimer les auteurs de la violence à l'égard des femmes et réaliser des programmes en vue de
  • 50. 50 la réhabilitation de celles-ci; de mettre en place des mécanismes et des services accessibles pour assurer l'information, la réhabilitation et l'indemnisation effective des femmes victimes des violences; de prévenir et condamner le trafic de femmes, poursuivre les auteurs de ce trafic et protéger les femmes les plus exposées. C. Interdiction des pratiques néfastes Les pratiques néfastes désignent tout comportement, attitude ou pratique qui affecte négativement les droits fondamentaux des femmes, tels que le droit à la vie, à la santé, à l'éducation, à la dignité et à l'intégrité physique. Pour éradiquer ces pratiques, les Etats s’engagent à sensibiliser tous les secteurs de la société sur les pratiques néfastes par des campagnes et programmes d'information, d'éducation formelle et informelle et de communication; interdire par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de mutilation génitale féminine, la scarification, la médicalisation et la para-médicalisation des mutilations génitales féminines et toutes les autres pratiques néfastes; apporter le soutien nécessaire aux victimes des pratiques néfastes et protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques néfastes ou toutes autres formes de violence, d'abus et d'intolérance. D. Mariage Contrairement à plusieurs législations internes prétendument conformes à la tradition africaine, le mariage ne devrait pas conduire à l’infirmité juridique de la femme ou limiter ses droits, l’homme et la femme mariés ont les mêmes droits qu’ils exercent en partenaires égaux. Pour assurer cette égalité, les Etats veilleront à ce que aucun mariage ne soit conclu sans le plein et libre consentement de deux époux, d’où la fixation de l'âge minimum de mariage pour la fille à18 ans; âge elle est capable de donner un consentement libre et éclairé. La monogamie est encouragée comme forme préférée du mariage ; elle n’est donc pas imposée. Il nous semble qu’il est urgent de réfléchir
  • 51. 51 aujourd’hui sur la compatibilité ou la possibilité de rendre compatible la polygamie à l’égalité entre mari et femme. Le mariage sera enregistré et les deux époux choisiront de commun accord leur régime matrimonial et leur résidence. E. Séparation de corps, divorce et annulation du mariage L’égalité entre époux prévaut aussi au moment de la dissolution du mariage. Pour s’en assurer , une intervention du juge est nécessaire pour prononcer la dissolution ou la séparation ; les décisions unilatérales, les instances coutumières ou religieuses où les garanties d’impartialité ne sont pas assurées ne sont pas admises à mettre fin aux effets du mariage. L’homme et la femme auront le droit de demander la dissolution ou l’annulation du mariage et lorsque celle-ci est prononcée ils auront les mêmes droits et devoirs envers les enfants et les biens du ménage. Ils auront également droit au partage équitable des biens communs acquis durant le mariage. F. Accès à justice et l’égale protection devant la loi Ici il s’agit également d’un droit reconnu aussi bien aux hommes qu’aux femmes mais pour lesquels les dirigeants africains ont pensé (avec raison) que certaines mesures étaient nécessaires afin que les femmes puissent en jouir effectivement. Parmi ces mesures figure l’appui à l’accès effectif à des femmes à l'assistance et aux services juridiques et judiciaires; des actions éducatives, la formation des acteurs judiciaires sur l’interprétation et l’application de l’égalité des droits entre l'homme et la femme ; une représentation équitable femmes dans les institutions judiciaires, la réforme des lois et pratiques discriminatoires en vue de promouvoir et de protéger les droits de la femme…
  • 52. 52 G. Droit de participation au processus politique et à la prise de décisions Les femmes ont été pendant longtemps exclues de la gestion de la cité ; l’affirmation de la règle « une personne une voix » ne suffit pas pour redresser la situation. C’est pourquoi les Etats entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d'autres mesures. H. Droit à la paix Pour matérialiser ce droit, les Etats ont pris l’engagement d’assurer l’éducation à la paix et à la culture de la paix; de mettre en place des mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits aux niveaux local, national, régional, continental et international. Le droit à la paix suppose aussi la réduction des dépenses militaires au profit du développement social en général, et de la promotion des femmes en particulier. Ce droit implique aussi la garantie des protections physiques, psychologiques, sociales et juridiques des requérants d’asile, réfugiées, rapatriés et personnes déplacées, en particulier les femmes. Enfin la mise sur pied des programmes de reconstruction et de réhabilitation post-conflits. I. Protection des femmes dans le conflit armé Le contenu de ce droit peut s’épuiser dans les règles dans les règles classiques du droit international humanitaire mais les auteurs insistent sur la protection contre toutes les formes de violence, le viol et autres formes d'exploitation sexuelle et à s'assurer que de telles violences sont considérées comme des crimes de guerre, de génocide et/ou de crimes contre l'humanité et que les auteurs de tels crimes sont traduits en justice devant des juridictions compétentes.
  • 53. 53 I. Droit à l’éducation et à la formation Au contenu classique de ce droit, les Etats africains ajoutent pour la femme la nécessité d’éliminer tous les stéréotypes qui perpétuent cette discrimination ; la protection de la petite fille contre toutes les formes d'abus, y compris le harcèlement sexuel dans les écoles et autres établissements et prévoir des sanctions contre les auteurs de ces pratiques. Faire bénéficier les femmes victimes d'abus et de harcèlements sexuels de conseils et de services de réhabilitation; intégrer la dimension genre et l'éducation aux droits humains à tous les niveaux des programmes d'enseignement scolaire y compris la formation des enseignants. K. Droits économiques et protection sociale - Garantir aux femmes l'égalité des chances en matière d'emploi, d'avancement dans la carrière et d'accès à d'autres activités économiques. Cette égalité passe par l’accès à l'emploi; une rémunération égale des hommes et des femmes pour des emplois de valeur égale; - répression du harcèlement sexuel dans les lieux de travail; la liberté de choisir leur emploi et les protéger contre l’exploitation, promouvoir et soutenir les métiers et activités économiques des femmes, valoriser le travail domestique des femmes; garantir aux femmes des congés de maternité, droits aux mêmes indemnités et avantages, combattre l'exploitation ou l'utilisation des femmes à des fins de publicité à caractère pornographique ou dégradant pour leur dignité. J. Droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction Les spécificités du protocole sur ce droit porte sur : le droit d'exercer un contrôle sur leur fécondité; le droit de décider de leur maternité, du nombre d'enfants et de l'espacement des naissances; le libre choix des méthodes de contraception; le droit de se protéger et d'être protégées contre les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA…
  • 54. 54 K. Les droits de la veuve Les Etats africains se sont engagés à ce que : -La veuve ne soit pas soumise à ce traitement inhumain, humiliant ou dégradant; - Après le décès du mari, la veuve devient d'office la tutrice de ses enfants, sauf si cela est contraire aux intérêts et au bien-être de ces derniers; - La veuve a le droit de se remarier à l'homme de son choix. L. Droit de succession La veuve a le droit à une part équitable dans l'héritage des biens de son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de continuer d'habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été dévolu en héritage. Tout comme les hommes, les femmes ont le droit d'hériter des biens de leurs parents, en parts équitables. M. Protection spéciale des femmes âgées Cette protection porte sur l’assistance que nécessitent les femmes âgées mais aussi sur leur protection contre les abus auxquels leur fragilité les expose. N. Protection spéciale des femmes handicapées Assistance et protection. O. Protection spéciale des femmes en situation de détresse Les femmes pauvres, les femmes chefs de famille, les femmes issues des populations marginalisées ainsi que les femmes en détention en état de grossesse ou allaitant. Q. Autres droits - Droit à la sécurité alimentaire - Droit à un habitat adéquat
  • 55. 55 - Droit à un environnement culturel positif - Droit à un environnement sain et viable - Droit à un développement durable 3. Mécanismes de mise en œuvre Comme protocole additionnel, les mécanismes de la Charte s’appliquent aux dispositions du protocole mais quelques précisions s’imposent. Les Etats s'engagent à garantir une réparation appropriée et s'assurer que de telles réparations sont déterminées par les autorités judiciaires, administratives et législatives compétentes ou par toute autre autorité compétente prévue par la loi.
  • 56. 56 LES DROITS DE L’ENFANT EN AFRIQUE Par Maître NYALUMA MULAGANO Arnold Introduction La Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant23 , adoptée en juillet 1990 par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), rappelle que " l'enfant occupe une position unique et privilégiée dans la société africaine ". La Charte égrène ensuite une série de normes dont certaines, hautement innovatrices, vont bien au-delà des exigences de la Convention aux Droits de l'Enfant (CDE) adoptée par l'ONU et entrée en vigueur en 1990, et placent l'enfant au cœur des enjeux et impératifs de paix, de développement et de progrès. Ce tableau donnerait à penser que les droits de l’enfant en Afrique sont à leur meilleur jours et pourtant la réalité et toute sombre. Les droits de l'homme des enfants africains sont violés tous les jours de leur vie, avec de graves conséquences qui s'étendent bien au-delà de leur enfance", a déclaré Amnesty International24 . Dans la présente communication, nous ferons un bref aperçu sur la situation des droits de l’enfant en Afrique avant d’examiner les droits substantiels reconnus à l’enfant africain (en insistant sur les droits spécifiques). Nous allons clôturer par l’étude des mécanismes de sauvegarde mis en place par la Charte africaine des droits et du bien être de l’enfant africain. 23 Extraits de l'article paru dans SEDOS Bulletin, vol. 35, n° 3-4, Mars -Avril 2003, pp. 42-48, www.Org 24 http://www.amnesty.org. for
  • 57. 57 1. Etat de lieu La dernière décennie du 20ème25 siècle aura été celle d'un engagement diplomatique, juridique et politique sans précédent en faveur des enfants… Malheureusement, pour la majorité des enfants africains, la grande espérance née de cette effervescente activité diplomatique et juridique attend toujours de prendre corps dans leur vie de chaque jour. A quoi tient cet échec du droit et du politique à garantir efficacement les droits de l'enfant en Afrique ? Si l'on peut relever l'absence de bonne foi de nombreux dirigeants africains, ce manque de volonté politique n'est pas seul en cause… Aux facteurs structurels qui tiennent à l'échec des politiques de développement économique et social, aggravé par la marginalisation dans le processus de mondialisation, s'ajoutent des facteurs conjoncturels liés à l'absence de démocratisation, à la déliquescence du pouvoir étatique, ainsi qu'à des conflits armés persistants. A. La misère économique La grave crise économique que subit actuellement l'Afrique affecte au premier chef les enfants, " caste d'abandonnés, sans assistance et avec très peu d'espoir de s'en sortir". Ainsi, de plus en plus nombreux sont les enfants du continent qui sont contraints de se débrouiller par eux-mêmes pour survivre. Le travail est en passe de devenir la seule voie de survie de nombreux enfants en Afrique. En Côte d'Ivoire, par exemple, le gouvernement reconnaît que " la paupérisation des familles pousse les parents à avoir recours aux revenus du travail de leurs enfants ". De plus, dans les grands centres urbains du pays, on constate " l'existence d'une prostitution 25 Extraits de l'article paru dans SEDOS Bulletin, vol. 35, n° 3-4, Mars -Avril 2003, pp. 42-48, www, Org
  • 58. 58 occasionnelle, masquée par des activités de façade (vendeuses ambulantes, petits gardiens, domestiques) et une prostitution professionnelle encadrée par des réseaux criminels évoluant en marge et hors de la loi. Au Gabon, on observe une augmentation du nombre d'enfants travaillant avant l'âge de 16 ans de manière informelle. Si certains enfants travaillent pour leur compte et à leur rythme (laveurs de voiture, gardiens sur les parkings), d'autres sont exploités par des adultes. C'est notamment le cas des enfants victimes de trafic (Bénin, Togo, Nigeria). B. Un nouvel esclavage ? Le drame de la majorité des enfants utilisés comme main-d'œuvre corvéable dans les grandes plantations industrielles d'Afrique de l'Ouest et Centrale notamment, a conduit certains observateurs à soutenir que " l'esclavage et la traite des Noirs existent encore en Afrique, mais, cette fois-ci, les négriers sont les Africains eux-mêmes, et leurs marchandises, des enfants africains26. Force est malheureusement de reconnaître que l'extrémisme du propos est peut-être à la mesure de la démesure des tragédies vécues par les enfants sur ce continent. De manière générale, l'on observe que chaque année, quelque 200.000 enfants des régions les plus pauvres d'Afrique sont vendus comme esclaves27 Doublement victime - d'une crise économique galopante et d'une abominable résurrection du mythe de " Nègre dur à la tâche " - l'enfant africain est en train de devenir une " denrée " fortement sollicitée à travers le monde entier, à des fins d'exploitation économique ou sexuelle. En Europe, dans un pays comme la France par exemple, l'on constate une aggravation de 26 Joëlle Billé, Esclavage : le bateau de la honte, L'Autre Afrique, 19 décembre 2001- 8 janvier 2002 ; in SEDOS op. cit. 27 Olenka Frenkiel, Trafic d'enfants africains : Etireno, le bateau de l'esclavage, Courrier International n° 580, 13-19 décembre 2001, p. 66.