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32 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012
dossier
INFLUENCES Chuchoter à l’oreille de nos chers
parlementaires. Rien de tel pour faire valoir ses
intérêts. C’est le jeu. Les entreprises du CAC 40 l’ont
compris depuis longtemps. Et les quartiers populaires
semblent visiblement prêts à entrer dans la partie.
Par Nadia Henni-Moulaï
L
obby. Si, en France, le terme
suscite la méfiance, la pratique,
elle, est pourtant monnaie cou-
rante dans les arcanes du pou-
voir. Pas un article de loi qui ne soit
passé au crible de ces réseaux d’in-
fluence soucieux des intérêts de leurs
clients, souvent de grands comptes.
Aujourd’hui, les quartiers sensibles
s’emparent de cette méthode pour
faire valoir leurs droits. Défendue bec
et ongles par le collectif Stop le
contrôle au faciès, la délivrance d’un
récépissé de contrôle d’identité pour-
rait marquer un tournant dans l’ap-
proche militante menée par les habi-
tants de ces zones laissées
visiblement en jachère.
Une course de fond
Réda Didi, fondateur de Graines de
France, think tank dédié aux quar-
tiers populaires, en a fait un cheval
de bataille: “Véritable moyen d’objecti-
ver les contrôles policiers, le récépissé
permet à la population de détenir un
document comportant l’ensemble des
éléments de ce contrôle.” Appuyée par
les collectifs de banlieues, dont AC
Le Feu, durant la dernière campagne
présidentielle, la proposition avait
alors retenu l’attention du candidat
socialiste François Hollande. Mais
les associations de terrain – princi-
palement Stop le contrôle au faciès –
restent en éveil.
Les banlieues
apprennent
le lobbying
Car tous ne voient pas la mesure
d’un bon œil, fussent-ils de gauche.
A commencer par Manuel Valls, mi-
nistre de l’Intérieur. L’ancien maire
d’Evry (Essonne), défenseur de
“l’ordre républicain”, semble même
traîner la patte. Une posture qui
n’empêche pas Tara Dickman, fon-
datrice de Stop le contrôle au faciès,
d’espérer l’entrée en vigueur de cette
proposition. “Le président de la Répu-
blique a dit oui, le Premier ministre a
dit oui. Manuel Valls est le seul à blo-
quer”, constate-t-elle.
Adoptant une démarche de lob-
byiste, Tara Dickman anticipe d’ail-
leurs les attentes: “Nous venons d’éla-
borer un kit destiné aux parlementaires
de tous bords.” Objectif? Sensibiliser
les élus à la question des contrôles
d’identité et les accompagner. “Notre
travail consiste à leur mâcher le travail
sur cette question”, ajoute-t-elle. A l’in-
térieur du kit, un abécédaire censé
couper court aux idées reçues liées au
récépissé et un prototype du formu-
laire de contrôle.
“Notre action suit une stratégie de
fond, explique Tara Dickman. Tout le
monde doit y trouver son compte. Il nous
faut montrer que le sujet concerne l’en-
semble de la société française: politiques,
magistrats et policiers.” Et d’ajouter :
“Nous réfléchissons à une bonne straté-
gie afin d’associer d’autres collectifs à
notre action.” Etendre son influence à
la manière des lobbyistes en somme!
Pour autant, on est loin des tech-
niques déployés par les 150 lob-
byistes officiellement déclarés au re-
gistre légal de l’Assemblée nationale,
créé en 2009 pour introduire davan-
tage de transparence dans ce milieu
réputé opaque.
Inverser le rapport de force
Mais les défenseurs des quartiers po-
pulaires ont encore de beaux jours de-
vant eux. Tant leur influence sur les
décideurs reste insignifiante. Farid
Temsamani, cofondateur, en 2009, de
l’association Banlieue+, dont l’ambi-
tion est de peser sur les pouvoirs pu-
blics, dresse un constat mitigé: “On ne
peut pas parler de lobbying des quartiers
populaires.” Et d’évoquer même un
“lobbying à l’envers”.
Force est de constater que les élus
locaux, en première ligne, savent user
de leurs atouts pour s’attirer les voix
Le lobbying
en faveur
du récépissé
de contrôle
d’identité
constitue un
test pour les
associations
NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012 LE COURRIER DE L’ATLAS 33
2005-2012 quartiers populaires qu’est-ce qui a changé?
de leurs administrés. Par exemple,
lors de l’octroi de subventions. “Une
aide publique attribuée à une structure
ne pose pas problème tant qu’elle n’est
pas conditionnée par un encartage poli-
tique”, note Farid Temsamani.
Mais l’influence des élus est aussi
tangible lorsqu’on manipule l’idée de
communauté. Michel Kokoreff, pro-
fesseur de sociologie à l’université Pa-
ris-VIII, fait l’analyse suivante: “Entre
les élus locaux et les quartiers, on passe
d’un registre à l’autre. Les élus pour-
fendent le communautarisme, mais ils
sont bien contents de trouver les associa-
tions communautaires pour assurer le
soutien scolaire…” A l’inverse, certains
habitants des quartiers donnent le bâ-
ton pour se faire battre, si l’on peut
dire: “On est dans une vraie schizophré-
nie”, ajoute l’universitaire.
Dans ce jeu de dupes, beaucoup de
structures associatives y trouvent leur
compte, surtout quand les subven-
“Les militants
ont du mal
à mobiliser
en interne.
Souvent ils ne
représentent
qu’eux-mêmes”
tions viennent abonder leurs caisses.
Avec plus de 300 millions d’euros de
budget pour financer les mesures de
la politique de la ville, l’Agence natio-
nale pour la cohésion sociale et l’éga-
lité des chances (Acsé) attise bien des
convoitises, favorisant à coup sûr une
concurrence entre associations qui ne
dit pas son nom.
Mais cette rivalité, réelle ou suppo-
sée, n’est que la partie immergée de
l’iceberg. Toujours selon Michel Ko-
koreff, “il existe un véritable clivage
idéologique et générationnel entre les
acteurs des quartiers”. Le sociologue
cite l’expérience de Convergence :
“Le mouvement a éclaté en vol. Les
membres étaient incapables de jouer
collectif et d’agir dans la durée de façon
organisée…” Une conséquence plutôt
qu’une cause. Si l’on en croit ce fin
observateur des mouvements mili-
tants de banlieue, “l’absence de sou-
tien explique leur difficulté à toucher les
foules. Ils ont du mal à mobiliser en in-
terne. Souvent ils ne représentent
qu’eux-mêmes. A l’extérieur, politiques
et médias les méprisent…”
S’il pointe les défaillances, Michel
Kokoreff reconnaît néanmoins “un
véritable potentiel des quartiers pour
lancer un lobby.” A condition de bien
définir les termes des messages à
porter. Les quartiers sensibles ont
beau cumuler les handicaps, ils
drainent, ne l’oublions pas, des pro-
fils divers et variés.
Des enjeux divergents
Quartier populaire. “Cette termino-
logie est un piège!” tonne Yassine La-
maoui, porte-parole du Parti des Gé-
n o v é f a i n s ( P D G ) , à
Sainte-Geneviève-des-Bois (Es-
sonne). Le trentenaire n’a pas la
langue dans sa poche. “Que ce soit le
FSQP (1) ou Emergence, un mouve-
34 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012
dossier
ment indépendant mené par le Fresnois
Almamy Kanouté, l’ancrage ‘quartier
populaire’ me dérange.” Il prône pour
sa part une vision globale de l’enga-
gement issu des quartiers: “On est en
France, on s’intéresse à toutes les ques-
tions !” Dernièrement, il a transmis
un courrier au maire de sa ville l’in-
terpellant au sujet de l’extension de
la zone industrielle. “Je l’ai interrogé
sur les conséquences écologiques de ces
travaux”, précise-t-il
Un point auquel souscrit Domi-
nique Reynié, professeur à
Sciences-Po Paris et directeur de la
Fondapol (2), un think tank libéral,
européen et progressiste. “Les quar-
tiers populaires posent un entremêle-
ment de problèmes, constate-t-il.
Comment en parler comme des zones
homogènes ?” Contrairement aux
idées reçues, les enjeux ne sont pas
forcément convergents. “On y
trouve, par exemple, des entrepreneurs
portés sur les questions fiscales, des étu-
diants ou des familles monoparen-
tales”, ajoute Yassine Lamaoui, du
Parti des Génovéfains.
Si le PDG n’a pas brillé aux der-
nières élections législatives – il a ob-
tenu 1,07 % – son porte-parole reste
combatif : “Le but pour nous, c’était
d’être identifiés. Aujourd’hui, on conti-
nue dans la perspective des municipales
de 2014.” Militant de la première
heure, le jeune homme compte bien
entraîner les jeunes de son quartier
dans son engagement. Et dans sa
course au pouvoir, il utilise les
moyens du bord.
Des idées, mais pas d’argent
“Chaque soir, je fais un tour dans ma
cité. Je parle avec les gens, je les incite à
s’impliquer”, insiste Yassine Lamaoui,
qui n’hésite pas à rappeler le soutien
financier au bon souvenir de ses in-
terlocuteurs. Il l’affirme sans com-
plexe: “Bien sûr qu’il nous faut créer un
lobby, mais le nerf de la guerre, c’est bien
l’argent! Ne soyons pas naïfs.”
Il n’a pas tort. A Bruxelles, les acti-
vités de lobbying représenteraient
1 milliard d’euros en 2012, d’après
l’ONG Corporate Europe. Difficile,
donc, d’initier un réseau d’influence
sans mettre la main au portefeuille.
Farid Temsamani, également
conseiller en lobby, est clair: “La cré-
dibilité des acteurs des quartiers repose
aussi sur une vraie stratégie de commu-
nication. Or, on le sait, les communi-
cants ont un coût.” Et le cofondateur
de l’association Banlieue+ de pour-
suivre: “L’argent permet aussi de se dé-
faire d’une mainmise des pouvoirs pu-
blics. Quand on n’a plus besoin de
subventions, on est indépendant.”
Sauf que pour lever des fonds pri-
vés, la banlieue va devoir se structu-
rer. Si d’innombrables collectifs mi-
litants prospèrent dans les quartiers
populaires, l’absence de leadership
est criante. Il serait donc judicieux
de s’inspirer de nos voisins euro-
péens. “Le réseau Cedar (3) regroupe
par exemple des cadres européens de
confession musulmane. Nous devrions
nous inspirer de ces lobbies, car ils se
donnent les moyens de leur influence”,
explique Sihame Arbib, directrice gé-
nérale de Link World Vision, un ca-
binet de conseil en communication
politique. Levées de fonds, mise en
avant de têtes d’affiches: la bonne re-
cette pour peser!
Pour Yassine Lamaoui, néan-
moins, “il est prématuré de parler de
lobby des quartiers”. Caustique, il fus-
tige la “médiocrité ambiante”. Pour
lui, “le simple fait d’habiter un quartier
n’est pas un référentiel valable pour
lancer un lobby”. Ces associations
doivent poser carte sur table quitte à
mener une introspection sans com-
plaisance: “Investissons un leader ca-
pable de prendre tous les sujets de la so-
ciété française à bras-le-corps!”
Il serait temps. En 2013, la Marche
des Beurs aura 30 ans. Les quar-
tiers, eux, n’ont pas encore atteint la
majorité…
(1) Forum social des quartiers populaires.
(2) Fondation pour l’innovation politique.
(3) Réseau européen de professionnels
musulmans.
“Les quartiers
populaires
posent un
entremêlement
de problèmes.
Comment en
parler comme
des zones
homogènes?”

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  • 1. 32 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012 dossier INFLUENCES Chuchoter à l’oreille de nos chers parlementaires. Rien de tel pour faire valoir ses intérêts. C’est le jeu. Les entreprises du CAC 40 l’ont compris depuis longtemps. Et les quartiers populaires semblent visiblement prêts à entrer dans la partie. Par Nadia Henni-Moulaï L obby. Si, en France, le terme suscite la méfiance, la pratique, elle, est pourtant monnaie cou- rante dans les arcanes du pou- voir. Pas un article de loi qui ne soit passé au crible de ces réseaux d’in- fluence soucieux des intérêts de leurs clients, souvent de grands comptes. Aujourd’hui, les quartiers sensibles s’emparent de cette méthode pour faire valoir leurs droits. Défendue bec et ongles par le collectif Stop le contrôle au faciès, la délivrance d’un récépissé de contrôle d’identité pour- rait marquer un tournant dans l’ap- proche militante menée par les habi- tants de ces zones laissées visiblement en jachère. Une course de fond Réda Didi, fondateur de Graines de France, think tank dédié aux quar- tiers populaires, en a fait un cheval de bataille: “Véritable moyen d’objecti- ver les contrôles policiers, le récépissé permet à la population de détenir un document comportant l’ensemble des éléments de ce contrôle.” Appuyée par les collectifs de banlieues, dont AC Le Feu, durant la dernière campagne présidentielle, la proposition avait alors retenu l’attention du candidat socialiste François Hollande. Mais les associations de terrain – princi- palement Stop le contrôle au faciès – restent en éveil. Les banlieues apprennent le lobbying Car tous ne voient pas la mesure d’un bon œil, fussent-ils de gauche. A commencer par Manuel Valls, mi- nistre de l’Intérieur. L’ancien maire d’Evry (Essonne), défenseur de “l’ordre républicain”, semble même traîner la patte. Une posture qui n’empêche pas Tara Dickman, fon- datrice de Stop le contrôle au faciès, d’espérer l’entrée en vigueur de cette proposition. “Le président de la Répu- blique a dit oui, le Premier ministre a dit oui. Manuel Valls est le seul à blo- quer”, constate-t-elle. Adoptant une démarche de lob- byiste, Tara Dickman anticipe d’ail- leurs les attentes: “Nous venons d’éla- borer un kit destiné aux parlementaires de tous bords.” Objectif? Sensibiliser les élus à la question des contrôles d’identité et les accompagner. “Notre travail consiste à leur mâcher le travail sur cette question”, ajoute-t-elle. A l’in- térieur du kit, un abécédaire censé couper court aux idées reçues liées au récépissé et un prototype du formu- laire de contrôle. “Notre action suit une stratégie de fond, explique Tara Dickman. Tout le monde doit y trouver son compte. Il nous faut montrer que le sujet concerne l’en- semble de la société française: politiques, magistrats et policiers.” Et d’ajouter : “Nous réfléchissons à une bonne straté- gie afin d’associer d’autres collectifs à notre action.” Etendre son influence à la manière des lobbyistes en somme! Pour autant, on est loin des tech- niques déployés par les 150 lob- byistes officiellement déclarés au re- gistre légal de l’Assemblée nationale, créé en 2009 pour introduire davan- tage de transparence dans ce milieu réputé opaque. Inverser le rapport de force Mais les défenseurs des quartiers po- pulaires ont encore de beaux jours de- vant eux. Tant leur influence sur les décideurs reste insignifiante. Farid Temsamani, cofondateur, en 2009, de l’association Banlieue+, dont l’ambi- tion est de peser sur les pouvoirs pu- blics, dresse un constat mitigé: “On ne peut pas parler de lobbying des quartiers populaires.” Et d’évoquer même un “lobbying à l’envers”. Force est de constater que les élus locaux, en première ligne, savent user de leurs atouts pour s’attirer les voix Le lobbying en faveur du récépissé de contrôle d’identité constitue un test pour les associations
  • 2. NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012 LE COURRIER DE L’ATLAS 33 2005-2012 quartiers populaires qu’est-ce qui a changé? de leurs administrés. Par exemple, lors de l’octroi de subventions. “Une aide publique attribuée à une structure ne pose pas problème tant qu’elle n’est pas conditionnée par un encartage poli- tique”, note Farid Temsamani. Mais l’influence des élus est aussi tangible lorsqu’on manipule l’idée de communauté. Michel Kokoreff, pro- fesseur de sociologie à l’université Pa- ris-VIII, fait l’analyse suivante: “Entre les élus locaux et les quartiers, on passe d’un registre à l’autre. Les élus pour- fendent le communautarisme, mais ils sont bien contents de trouver les associa- tions communautaires pour assurer le soutien scolaire…” A l’inverse, certains habitants des quartiers donnent le bâ- ton pour se faire battre, si l’on peut dire: “On est dans une vraie schizophré- nie”, ajoute l’universitaire. Dans ce jeu de dupes, beaucoup de structures associatives y trouvent leur compte, surtout quand les subven- “Les militants ont du mal à mobiliser en interne. Souvent ils ne représentent qu’eux-mêmes” tions viennent abonder leurs caisses. Avec plus de 300 millions d’euros de budget pour financer les mesures de la politique de la ville, l’Agence natio- nale pour la cohésion sociale et l’éga- lité des chances (Acsé) attise bien des convoitises, favorisant à coup sûr une concurrence entre associations qui ne dit pas son nom. Mais cette rivalité, réelle ou suppo- sée, n’est que la partie immergée de l’iceberg. Toujours selon Michel Ko- koreff, “il existe un véritable clivage idéologique et générationnel entre les acteurs des quartiers”. Le sociologue cite l’expérience de Convergence : “Le mouvement a éclaté en vol. Les membres étaient incapables de jouer collectif et d’agir dans la durée de façon organisée…” Une conséquence plutôt qu’une cause. Si l’on en croit ce fin observateur des mouvements mili- tants de banlieue, “l’absence de sou- tien explique leur difficulté à toucher les foules. Ils ont du mal à mobiliser en in- terne. Souvent ils ne représentent qu’eux-mêmes. A l’extérieur, politiques et médias les méprisent…” S’il pointe les défaillances, Michel Kokoreff reconnaît néanmoins “un véritable potentiel des quartiers pour lancer un lobby.” A condition de bien définir les termes des messages à porter. Les quartiers sensibles ont beau cumuler les handicaps, ils drainent, ne l’oublions pas, des pro- fils divers et variés. Des enjeux divergents Quartier populaire. “Cette termino- logie est un piège!” tonne Yassine La- maoui, porte-parole du Parti des Gé- n o v é f a i n s ( P D G ) , à Sainte-Geneviève-des-Bois (Es- sonne). Le trentenaire n’a pas la langue dans sa poche. “Que ce soit le FSQP (1) ou Emergence, un mouve-
  • 3. 34 LE COURRIER DE L’ATLAS NUMÉRO 63 OCTOBRE 2012 dossier ment indépendant mené par le Fresnois Almamy Kanouté, l’ancrage ‘quartier populaire’ me dérange.” Il prône pour sa part une vision globale de l’enga- gement issu des quartiers: “On est en France, on s’intéresse à toutes les ques- tions !” Dernièrement, il a transmis un courrier au maire de sa ville l’in- terpellant au sujet de l’extension de la zone industrielle. “Je l’ai interrogé sur les conséquences écologiques de ces travaux”, précise-t-il Un point auquel souscrit Domi- nique Reynié, professeur à Sciences-Po Paris et directeur de la Fondapol (2), un think tank libéral, européen et progressiste. “Les quar- tiers populaires posent un entremêle- ment de problèmes, constate-t-il. Comment en parler comme des zones homogènes ?” Contrairement aux idées reçues, les enjeux ne sont pas forcément convergents. “On y trouve, par exemple, des entrepreneurs portés sur les questions fiscales, des étu- diants ou des familles monoparen- tales”, ajoute Yassine Lamaoui, du Parti des Génovéfains. Si le PDG n’a pas brillé aux der- nières élections législatives – il a ob- tenu 1,07 % – son porte-parole reste combatif : “Le but pour nous, c’était d’être identifiés. Aujourd’hui, on conti- nue dans la perspective des municipales de 2014.” Militant de la première heure, le jeune homme compte bien entraîner les jeunes de son quartier dans son engagement. Et dans sa course au pouvoir, il utilise les moyens du bord. Des idées, mais pas d’argent “Chaque soir, je fais un tour dans ma cité. Je parle avec les gens, je les incite à s’impliquer”, insiste Yassine Lamaoui, qui n’hésite pas à rappeler le soutien financier au bon souvenir de ses in- terlocuteurs. Il l’affirme sans com- plexe: “Bien sûr qu’il nous faut créer un lobby, mais le nerf de la guerre, c’est bien l’argent! Ne soyons pas naïfs.” Il n’a pas tort. A Bruxelles, les acti- vités de lobbying représenteraient 1 milliard d’euros en 2012, d’après l’ONG Corporate Europe. Difficile, donc, d’initier un réseau d’influence sans mettre la main au portefeuille. Farid Temsamani, également conseiller en lobby, est clair: “La cré- dibilité des acteurs des quartiers repose aussi sur une vraie stratégie de commu- nication. Or, on le sait, les communi- cants ont un coût.” Et le cofondateur de l’association Banlieue+ de pour- suivre: “L’argent permet aussi de se dé- faire d’une mainmise des pouvoirs pu- blics. Quand on n’a plus besoin de subventions, on est indépendant.” Sauf que pour lever des fonds pri- vés, la banlieue va devoir se structu- rer. Si d’innombrables collectifs mi- litants prospèrent dans les quartiers populaires, l’absence de leadership est criante. Il serait donc judicieux de s’inspirer de nos voisins euro- péens. “Le réseau Cedar (3) regroupe par exemple des cadres européens de confession musulmane. Nous devrions nous inspirer de ces lobbies, car ils se donnent les moyens de leur influence”, explique Sihame Arbib, directrice gé- nérale de Link World Vision, un ca- binet de conseil en communication politique. Levées de fonds, mise en avant de têtes d’affiches: la bonne re- cette pour peser! Pour Yassine Lamaoui, néan- moins, “il est prématuré de parler de lobby des quartiers”. Caustique, il fus- tige la “médiocrité ambiante”. Pour lui, “le simple fait d’habiter un quartier n’est pas un référentiel valable pour lancer un lobby”. Ces associations doivent poser carte sur table quitte à mener une introspection sans com- plaisance: “Investissons un leader ca- pable de prendre tous les sujets de la so- ciété française à bras-le-corps!” Il serait temps. En 2013, la Marche des Beurs aura 30 ans. Les quar- tiers, eux, n’ont pas encore atteint la majorité… (1) Forum social des quartiers populaires. (2) Fondation pour l’innovation politique. (3) Réseau européen de professionnels musulmans. “Les quartiers populaires posent un entremêlement de problèmes. Comment en parler comme des zones homogènes?”