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Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
1
Université de Paris Ouest
Master 2 MOI Classique
Concept-store :
Limites et conditions d'efficacités
Emilia Korba
n° 28009112
UFR Segmi – Département Gestion
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
2
SOMMAIRE
1 Introduction ....................................................................................................................................3
2 Le cadre d'analyse ...........................................................................................................................5
2.1 Le comportement du consommateur .......................................................................................5
2.1.1 Le consommateur, "éternel frustré"..................................................................................5
2.1.2 Le consommateur à la recherche de l'expérience, de la surprise et de l'émotion..............9
2.2 Le Marketing de l'expérience..................................................................................................12
2.2.1 Rappel historique............................................................................................................12
2.2.2 L'expérience et ses implication pour le Marketing...........................................................13
2.2.3 Implications (solutions) marketing de l’expérience et valorisation de l’offre ...................14
2.3 Concept-store: fine fleur du Marketing expérientiel ...............................................................15
2.3.1 Historique.......................................................................................................................15
2.3.2 Définition des magasins d’atmosphère et typologies des caractéristiques.......................16
2.3.3 Caractéristiques communes des concept-stores..............................................................18
3 Hypothèses et propositions de recherche......................................................................................20
4 Méthodologie................................................................................................................................23
4.1 Type de recherche..................................................................................................................23
4.2 Echantillon et recueil de données...........................................................................................24
4.3 Définition des variables ..........................................................................................................28
4.4 Traitement des données.........................................................................................................31
5 Résultats .......................................................................................................................................34
5.1 Résultats globaux ...................................................................................................................34
5.1.1 Chez Colette ...................................................................................................................34
5.1.2 Chez L'Eclaireur...............................................................................................................38
5.2 Résultats principaux: La surprise et les réactions qui l'accompagnent.....................................40
5.2.1 Quand la perte de repères s'accompagne d'une réaction positive (de la curiosité à
l'euphorie)......................................................................................................................44
5.2.2 Quand la perte de repères entraine une réaction négative (réactance psychologique,
dénigrement et rejet)......................................................................................................47
5.3 L'authenticité .........................................................................................................................50
5.3.1 L'authenticité, un jugement "objectif"............................................................................50
5.3.2 L'authenticité, jugement lié à la perte de repères et à l'identification..............................54
5.4 Identification..........................................................................................................................57
5.4.1 Quand authenticité rime avec identification ...................................................................57
5.4.2 Quand authenticité ne rime pas avec identification ........................................................60
5.4.3 Quand inauthenticité rime avec désidentification...........................................................62
6 Discussion .....................................................................................................................................66
Conclusion.............................................................................................................................................76
Références.............................................................................................................................................79
Annexes.................................................................................................................................................85
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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1 INTRODUCTION
"Ce n’est pas un magasin, c’est une expérience. Ce projet est la mise en forme d’un rêve, d’une intention
nourrie d’émotions, d’histoires, de mémoire, comme un conte dans lequel, j’espère, chacun pourra
retrouver un peu de lui-même."
Arne Quinze
Le marketing expérientiel est devenu en l’espace des deux décennies précédentes un des pans
les plus marquants et les plus significatifs du marketing. L’introduction de l’approche
expérientielle en marketing a permis à la recherche d’intégrer et de mettre en avant des
concepts issus d’autres domaines tels que la sociologie, l’anthropologie et surtout la
psychologie, en plaçant au centre des préoccupations des chercheurs l’observation des
comportements et du vécu intérieur du consommateur.
Le principal acquis de l’approche expérientielle consiste à ne plus réduire le consommateur à
un être exclusivement rationnel et objectif, mais au contraire à le voir comme doué d’émotions,
cherchant à satisfaire des besoins autres que matériels à travers l’acte d’achat. La démarche
des professionnels du marketing, et plus généralement des entreprises, avait consisté
exclusivement, jusqu’à l’introduction de cette approche, à axer l’offre sur des éléments
objectifs, tels que le prix du produit ou service, ou sa qualité. Cette approche rationalisante
avait provoqué un véritable désenchantement de l’environnement du consommateur. En
réaction, ce dernier a ressenti, de manière plus ou moins consciente et exprimée, le besoin de
redonner une dimension magique à cet environnement, de se retourner vers le merveilleux, le
rêve, bref, de redonner du sens à l’acte d’achat. Le consommateur, désenchanté et blasé par
une offre trop abondante, tant en quantité qu’en qualité, attendait un renouvellement de
l’offre. C’est donc en tant que réponse des entreprises à ce besoin qu’est intervenu le
marketing expérientiel, et qu'est apparu un nouveau type de magasins : les concept-stores. On
a pu observer au cours de ces dernières années une multiplication de ce type de magasins. On
peut dorénavant en trouver des exemples un peu partout dans le monde. Surtout, le concept
s’est étendu à tous les secteurs d’activités. Néanmoins, leurs caractéristiques générales restent
les mêmes : il s’agit de regrouper sur un même lieu plusieurs types d’offres de produits et/ou
de services en les mettant en scène dans le cadre d’une théâtralisation totale de l’espace.
Le concept-store s’appuie sur l’idée que la manière la plus significative de différencier l’offre
compte tenue des évolutions des schémas de productions, des évolutions des technologies et
des comportements de consommation, consiste à faire vivre au client une expérience forte à
l’occasion de l’acte d’achat. Celle-ci doit être aussi inoubliable que possible, marquer
durablement le consommateur pour tenter de le fidéliser et l'inciter à l'achat grâce aux tous les
éléments de décor, d’architecture et d’ambiance. La relation client/lieu de vente est vue
comme une véritable symbiose. Elle doit permettre aux deux parties un gain : l’entreprise
attirera le client et le fidélisera, assurant ainsi ses ventes, alors que le client retrouvera la
dimension « enchantée » qui lui faisait défaut.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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L’approche expérientielle a donné une justification théorique au concept-store. Les concept-
stores mettent en effet tout un arsenal de conceptions plus ou moins novatrices en application
pour assurer leur succès. Celles-ci seront développées en détail dans le corps de cette étude.
Ces théories consistent avant tout à considérer qu’en agissant par divers moyens sur le ressenti
du consommateur, on crée pour lui une réelle valeur ajoutée. L'expérience permet de plonger
le client dans un état affectif et émotionnel. Cet état émotionnel aboutira à son tour
idéalement à la constitution d’un lien fort entre le client et le magasin à travers un processus
d’identification. La question est donc ici de déterminer l’adéquation de ces conceptions avec la
réalité du ressenti du consommateur. Le concept-store s’érige effectivement en réponse au
désenchantement du consommateur en lui procurant de l’extraordinaire, du plaisir, de la
découverte et de l’inoubliable. Il doit incarner l’air du temps tout en donnant un aperçu des
tendances à venir et rester unique et inédit dans l’objectif de transcender l’espace de vente, et
surtout surprendre tout en gardant la personnalité qui lui donne sa légitimité aux yeux de sa
clientèle. Ces objectifs ambitieux et en même temps apparemment difficilement conciliables
nous amènent à nous poser un certain nombre de questions : l’expérience vécue réenchante-t-
elle réellement le quotidien du consommateur ? De quelle nature doit être la surprise
provoquée par le concept-store pour obtenir l’effet désiré sur le client ? Cette surprise est-elle
forcément créatrice de valeur pour le consommateur?
Indéniablement, l’approche expérientielle du marketing et les concept-stores en particulier ont
permis un renouvellement et une redynamisation de l’offre, effectivement suivie d’effets, à en
juger par l’engouement qu’ils provoquent auprès de la clientèle et surtout la multiplication de
ce type de magasins. Il est donc intéressant de se demander d’où provient leur succès : quels
sont les éléments qui le permettent? Est-il pérenne, ou s’agit-il d’un simple effet de mode ?
L’objet de cette étude est donc de vérifier la véracité de la théorie du marketing expérientiel en
la confrontant à l’expérience pour tenter d’identifier ses limites et le cas échéant, déterminer
des pistes pour les dépasser. Les concept-stores prétendent en effet asseoir leur succès sur de
l’immatériel, du ressenti, donc de l’indescriptible. Quelle est concrètement la réaction du
consommateur ? Y a-t-il pour lui une réelle valeur ajoutée ?
La première partie de cette étude aura pour but de déterminer le cadre de l’analyse. Le
comportement du consommateur fait apparaître un certain nombre de traits dominants: la
lassitude, la frustration et la recherche d'une expérience qui lui permettra de redonner un sens
à l’acte d’achat. Les conceptions du marketing expérientiel, apparues relativement récemment
sont en effet avant tout axées sur la notion de vécu qui doit contribuer à valoriser l’offre aux
yeux du client. C’est dans le cadre des concept-stores qu’on peut observer la meilleure mise en
application des théories du marketing expérientiel. Par leurs spécificités par rapport à un
espace de vente classique, ils en constituent la matérialisation.
A partir de cette base de départ, je développerai un certain nombre d’hypothèses concernant la
validité de ces théories. Je suis partie du postulat de la focalisation du consommateur sur ses
émotions, aspect particulièrement mis en avant par les concept-stores, qui cherchent à les
susciter, en particulier en provoquant la surprise. Mon étude va consister à vérifier par
l'expérience, en envoyant un panel de visiteurs-test dans deux concept-stores représentatifs,
l'efficacité de ces théories telles que mises en œuvre dans les deux magasins. Les
consommateurs ont-ils vécu lors de leur visite une expérience extraordinaire?
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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La partie suivante sera plus spécifiquement consacrée à la méthodologie suivie dans le cadre de
cette étude. J'ai choisi de procéder à une étude qualitative, plus précisément de type
exploratoire et descriptif. Concrètement, j'ai fait visiter 2 concept-stores parisiens (Colette et
L’Eclaireur) par 19 personnes peu familières avec ce type de boutiques (pour un total de 25
visites) avant de leur faire répondre à un questionnaire selon une procédure semi-directive. Les
deux magasins ont été choisis en fonction de leur notoriété et de leur pérennité, ces deux
critères m'ayant amené à supposer que tous deux maîtrisent leur concept de manière
satisfaisante.
J'en viendrai ensuite à la présentation des résultats. J'analyserai tout d’abord les résultats
globaux. Il s'agit de l'exposition des réactions des visiteurs après leurs visites des magasins par
leurs réponses à la série de questions préparée au préalable. Ces questions concernent le
comportement du consommateur et les caractéristiques du concept-store, ainsi que les
tendances qui en ressortent. Je m'intéresserai ensuite aux résultats principaux, en particuliers
aux aspects liés aux notions de surprise, d’authenticité et d’identification et en particulier à
leurs interactions.
La dernière partie de cette étude sera enfin consacrée à la discussion des résultats. Les
principaux axes développés concerneront la maitrise de la surprise et de la déstabilisation du
consommateur par le concept-store, le lien qui existe entre cet aspect et la notion
d’authenticité, et enfin aux facteurs déterminant l’identification ou non du consommateur au
concept-store.
La conclusion sera axée sur les apports de mon étude, en particulier ceux concernant les limites
de l’efficacité des concept-stores, et sur les voies de recherche à développer ultérieurement
dans cette optique.
2 LE CADRE D'ANALYSE
2.1 LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR
2.1.1 LE CONSOMMATEUR, "ETERNEL FRUSTRE".
"Nous passons d’une culture fondée sur le refoulement des désirs et donc des névroses à une
autre qui recommande leur libre expression et promeut la perversion. La "santé mentale" relève
aujourd’hui d’une harmonie non plus avec l’idéal mais avec un objet de satisfaction." C’est par
ces mots que Charles Melman, éditorialiste de la revue Passage, exprime l’avènement de la
société postmoderne, qui accorde une place toujours plus grande à l’individu et à la satisfaction
de ses désirs plus qu'à celle de ses besoins.
Pour l’homme postmoderne qui est avant tout un consommateur ou homo cliens, pour
reprendre la terminologie de Chétochine, (Chétochine, 2005) cette satisfaction immédiate des
désirs est un facteur déterminant de l’équilibre, de la santé mentale. Plus que la satisfaction
d’un réel besoin, c’est tout le processus - la mise en scène de la satisfaction immédiate de son
désir - qui devient primordiale.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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De plus, il est intéressant de constater que cette satisfaction immédiate, comme toutes les
addictions, provoque un effet d’accoutumance, c'est-à-dire qu’elle devient avec le temps, et
surtout la pratique, de moins en moins effective.
Ce que promettent la publicité et le marketing est trop souvent démenti par le cadre de
consommation, voire le produit lui-même. Cette déception, cette impossibilité à satisfaire ses
pulsions, amène le consommateur à un sentiment de frustration. L’intervention de la notion de
pulsion nous montre bien à quel point, pour le consommateur, l’acte de consommation s’est
inscrit dans le registre de l’irrationnel. La pulsion se définit en effet comme un "état d’excitation
qui oriente l’organisme vers un objet grâce auquel la tension sera réduite" (Chétochine, 2005).
Le consommateur est donc soumis à cet état de tension provoqué par le désir de
consommation, or la satisfaction de ce désir ne suffit plus à faire disparaître cette tension, pas
même, semble-t-il, à la réduire de manière significative.
Le consommateur, aiguillonné par les arguments du marketing est poussé vers l’objet de
consommation, s’exaspère en espérant que l’acte de consommation lui procurera un sentiment
d’accomplissement, mais se trouve immanquablement déçu dans ses attentes. L’acte de
consommation n’aura donc plus qu’à être recherché de nouveau, avec frénésie. On a pu voir
par ce raisonnement comment l’objet de consommation lui-même semble occulté par le
cérémonial que représente la consommation. Il reste pourtant au centre du raisonnement du
marketing puisque c’est lui qui est le prétexte à l’acte de consommation.
La nature de l’objet de jouissance peut être très variée. Il peut s’agir tout simplement d’un
produit, dans le cas le plus évident, mais aussi d’un repas dans un restaurant, d’une exposition,
d’une émission de télévision, ou encore d’une promotion. Le marketing, en particulier par
l’intermédiaire des média, met en avant ces objets de jouissance auprès du consommateur,
attisent sa convoitise tout en entretenant en lui le sentiment – déjà fortement ancré – que le
droit à l’assouvissement de son désir et à la jouissance est un droit inaltérable. D’où par
exemple des slogans du type "Soyez raisonnables : faites-vous plaisir !"1
. La publicité et le
marketing mènent leur offensive sur plusieurs fronts, en mettant en avant à la fois un produit
ou un service, mais aussi la marque, voire un mode de vie dont la marque s’érige en archétype.
Le mécanisme de la frustration s’articule en deux temps. D’abord un début d’accomplissement,
rapidement compensé ensuite par un brusque arrêt. La jouissance ne peut donc jamais être
complète. La frustration, en l’empêchant d’atteindre un état de satisfaction complète,
provoque au contraire chez le consommateur un sentiment d’insatisfaction totale. Il faut
pourtant au préalable que le consommateur soit fermement convaincu de son plein droit à la
jouissance. Pour le consommateur, ce droit devient en effet une manière de se définir,
d’atteindre l’accomplissement à partir du moment où il a pris la décision de consommation ou
de possession.
Confronté à ce sentiment d’être arrêté dans un de ses droits les plus inaliénables, celui de la
jouissance, le consommateur éprouve un sentiment d’injustice. Cette injustice correspond au
1
Slogan publicitaire de la Renault Mégane, cité par Hetzel, in Planète Conso, Editions d’Organisation, Paris, 2002
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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fait d’avoir été indument privé des bénéfices réels ou supposés promis par le marketing. Par
cette injustice, le consommateur devient victime. Victime, il est amené à éprouver de la
rancœur pour ceux qui l’ont arbitrairement privé de la jouissance. Le droit de vengeance prend
pour lui naturellement la relève du droit à la jouissance, et est tout aussi profondément ancré
en lui.
La frustration devient donc à ce stade indiscutable. Elle est une perception et entraine
naturellement une réaction, un comportement. Ce comportement est en général une
agressivité incontrôlable, pulsionnelle, irrationnelle (d’autant plus qu’elle est à ses propres yeux
parfaitement justifiée et rationnelle). Le consommateur frustré cherche premièrement à tirer
vengeance des responsables de sa victimisation injustifiée et à voir reconnue son innocence, à
être réhabilité. Ces responsables ne sont autres que les entités chargées de permettre au client
d’assouvir son désir de consommation, c'est-à-dire les marques ou enseignes de distribution,
entreprises, magasins, restaurants, cinémas, en général tout type d’entreprise lui proposant
biens ou services… Par rapport à ces responsables de sa frustration, le client cherche à faire
valoir un nouveau droit : celui d’être plaint par des témoins qui - à ce qu’il imagine - ne
pourront que constater l’injustice et prendre son parti. Cette fois encore, il est souvent déçu
dans ses attentes et la frustration s’accumule à d’autres. En règle générale, ces frustrations
peuvent être classifiées en sept types différents (Chétochine, 2005):
Les sept types de frustration
Le premier type de frustration est celui qui se rattache à la perte de temps, qu’elle soit justifiée
ou non. Cette frustration agit de deux manières sur le consommateur. Premièrement, elle le
rend particulièrement agressif. Deuxièmement, elle a tendance à réduire la volonté d’achat : le
consommateur qui a l’impression de perdre son temps prêtera moins d’attention aux offres et
aux promotions diverses et aura moins tendance à se livrer à un achat d’impulsion.
Le deuxième type de frustration concerne la relation aux normes. Le consommateur est enclin
à de moins en moins bien supporter la norme, perçue par lui comme une contrainte inutile et
contreproductive. Ces normes lui sont imposées par des organismes (administration, banques
ou encore compagnies d’assurance) sur lesquelles l’individu, le consommateur, n’a aucune
prise. Le cadre considéré comme étroit de la norme que ces organismes imposent est donc
perçu comme extrêmement victimisant et frustrant. La relation de l’individu à l’égard de ces
organismes est pourtant largement ambiguë. En effet, l’individu attend d’eux qu’ils assurent sa
protection et sa sécurité, sans pour autant empiéter sur sa marge de manœuvre et sa liberté.
Pour caricaturer, l’individu attend d’eux qu’ils le prennent en charge tout en le laissant
tranquille.
Le type suivant de frustration s’applique à la sphère de la relation à l’autre. La notion de
communication en général ne se réduit pas au seul aspect verbal (ou écrit) et intentionnel. Elle
s’élargit à tout processus par lequel les êtres humains influent les uns sur les autres. Tous
gestes, regards, intonations ou même silences qui pourraient trahir une intention font donc
partie de la communication et peuvent être source de frustration. Le consommateur y est
particulièrement sensible. Un mot plus haut qu’un autre, un regard, un ton soit peu malveillant
ou un geste malencontreux pourront déclencher la frustration du client. Il peut alors réagir de
deux manières : la première est l’agressivité, la deuxième est la fuite.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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La quatrième frustration est provoquée par le sentiment d’asymétrie. Le propre de l’individu
consommateur contemporain est de ressentir avec une intensité particulière le sentiment de
son unicité. Le consommateur est pourtant environné en permanence de ses semblables. Il lui
suffit de s’en rendre compte pour se sentir anonyme, pour avoir l’impression de faire partie
d’une masse indifférenciée. Chacun va donc faire en sorte de tenter de se différencier tout en
essayant d’empêcher l’autre de lui être différent, ou au moins d’être "mieux" que lui.
La cinquième frustration est provoquée par la société d’abondance elle-même. Vivant au
milieu d’un système de surenchère de l’offre, le consommateur est, nous l’avons vu,
fermement convaincu d’avoir droit à tout. Les limitations financières elles-mêmes trouvent le
moyen d’être écartées par les ressources des divers types de facilité de paiement ou du crédit à
la consommation. Les organismes qui proposent ce type de facilité entretiennent l'idée chez le
client que tout lui est possible et qu’il peut s’affranchir de la limitation de ses moyens financiers.
Se voir refuser son droit à l’assouvissement pour un argument financier est doublement
traumatisant : à la fois frustrant et complexant, puisque l’individu se trouve rabaissé par
rapport à d’autres, qui eux peuvent se permettre ce qu’on lui refuse.
Le sixième type de frustration provient du fait que le consommateur n’est pas disposé à
accepter l’imperfection lorsqu’il s’agit de sa propre consommation. Le consommateur refuse
d’être soumis à l’aléatoire et à l’incertain. Il les perçoit comme une tromperie, ce qui provoque
à nouveau la frustration. Cette fois encore, il aura tendance à se mettre en quête des coupables
pour se venger.
Le septième et dernier type de frustration est une sorte de mise en abyme de la frustration.
Paradoxalement, les usages de nos sociétés qui promeuvent l’expression de l’individualisme et
de la singularisation enferment les individus dans des comportements stéréotypés. On a le
sentiment que, contrairement à ce qui est partout affirmé et ressassé, la marge de manœuvre
accordée à l’individu est en fait très réduite, ce qui est en soi vecteur de frustration. De plus, les
comportements sociaux exigent que seuls les sentiments valorisants soient exprimés. Une
chose aussi négative que la frustration doit être intériorisée et non s’exprimer en public avec
exubérance. A la rigueur, elle peut être l’objet d’une manifestation collective (manifestation de
masse, grève), à la condition néanmoins de garder une certaine retenue et surtout qu’aucun
des individus qui y prennent part ne se singularise par un comportement asymétrique.
En définitive, les cadres sociaux génèrent toutes ces différentes frustrations dont nous venons
de faire l’inventaire, mais empêchent en même temps l’individu de s’en soulager en les
exprimant. Cet état de fait paradoxal a pour conséquence l’exaspération du sentiment de
frustration. Le principal danger est de rendre l’individu frustré tellement agressif qu’il en
deviendrait incontrôlable.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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2.1.2 LE CONSOMMATEUR A LA RECHERCHE DE L'EXPERIENCE, DE LA SURPRISE ET
DE L'EMOTION
La frustration est une focalisation du consommateur sur l’aspect affectif de l’acte de
consommation. En réaction, les marketeurs se sont employés à la compenser par d’autres
éléments se situant sur ce même plan affectif, mais chargés d’un ressenti positif. Ainsi les
notions de "bien-être", de "plaisir", de "convivialité" ou encore de "passion" sont-elles mises en
avant.
Les profondes mutations sociétales qui se sont produites lors des trois dernières décennies vont
considérablement influencer le comportement du consommateur. Ainsi vont se développer de
nouvelles tendances en matière de consommation. Les attentes et les besoins des
consommateurs vont évoluer dans plusieurs directions qui seront parfois divergentes et parfois
convergentes. On parle alors de métissage (Boyer et Burgaud, 2000).
Des styles, des goûts, des groupes différents coexistent et créent une diversité saisissante. La
consommation permet à tous et à chacun d’affirmer son identité et son appartenance à ses
divers groupes de référence. "Le consommateur est devenu caméléon, arlequin, multifacette et
ne peut donc plus être identifié par les seules variables de type sociodémographique." (Boyer et
Burgaud, 2000). Bien entendu, l’utilité reste une condition nécessaire, mais non suffisante.
L’utile doit dorénavant être en même temps agréable. Car, plus qu’un être simplement
rationnel à la recherche de produits strictement fonctionnels, le consommateur actuel s’affirme
comme un être à part entière, doué de sentiments et d’émotions. Si le consommateur attend
des entreprises qu’elles le séduisent et le surprennent, alors celles-ci doivent logiquement
intégrer une dimension immatérielle et émotionnelle.
Nous allons nous appuyer sur un article de Vézina (1999) afin de mieux définir ce que l’on
entend par expérience du consommateur. Vézina présente quatre propositions caractérisant
cette notion :
1) Le consommateur n’est pas que consommateur.
Les individus ne sont pas uniquement des consommateurs mais tiennent dans la société
différents rôles qui vont influencer leur manière de consommer, de choisir leurs produits,… Il
est de ce fait important de s’interroger sur la place qu’occupe la consommation dans la vie
d'individus qui ne consacrent pas tous autant de temps ou d’effort à leur rôle de
consommateur.
2) Le consommateur agit à l’intérieur de situations.
Il n’est pas possible de produire des lois de comportement universelles car les facteurs
situationnels influencent les sujets étudiés. La situation joue un rôle majeur en comportement
du consommateur. On ne peut pas isoler les consommateurs de leur environnement.
Concernant le rapport à l’espace, le critère déterminant concerne le lien entre l’individu et le
milieu dans lequel il s’inscrit. Un consommateur agira différemment, par exemple, selon sa
situation financière ou le temps dont il dispose pour faire ses achats. De plus, un même
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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consommateur peut agir de façon différente selon les situations d’où la nature insaisissable du
consommateur.
3) Le consommateur est à la recherche de sens.
Le consommateur est également un individu qui cherche à donner du sens à sa vie et qui, par
conséquent, s’intéresse à la symbolique des produits ou services qu’il consomme. De ce fait,
certains chercheurs s’intéressent à des thèmes tels que le lien entre une marque et le concept
de soi du consommateur, le rôle des produits dans la cohésion sociale ou encore les valeurs et
l’identité du consommateur. Si l’on peut dire que l’environnement d’un individu influence sa
manière de consommer, on peut également avancer que "la consommation influence notre vie,
nous aide à lui donner du sens, une direction, à l’ancrer dans la réalité. " (Belk, 1991, cité par
Vézina, 1999)
Hetzel, dans son ouvrage consacré au marketing expérientiel, a opéré une distinction entre les
comportements et les attentes du consommateur (Hetzel, 2002). Concernant les
comportements, il s’est appuyé sur l’interprétation postmoderne. Celle-ci repose sur avant tout
sur ce que Lyotard (1979) a appelé « l’incrédulité à l’égard des métarécits ». A partir de là, il
déduit toute une série d’éléments qui selon lui matérialisent la rupture entre cette époque et la
précédente : l’époque moderne. Il s’agit en particulier de la fin des référentiels uniques, avant
tout du référentiel temporel, de l’abandon des normes collectives au profit des normes fixées
par l’individu, de l’élargissement des phénomènes de mode, plus généralement, de la mutation
globale du système des valeurs.
L’éclectisme :
Selon ce principe, tous les styles, genres ou tendances bénéficient du même droit de cité sur le
marché. De cette manière, tout individu pourra trouver à travers la consommation de produits
qui lui correspondent une manière « authentique » d’exprimer et de développer sa propre
personnalité.
L’hédonisme :
Dans une perspective hédoniste, la consommation devient avant tout une distraction pour
l’individu. La consommation telle qu’elle se présente actuellement fait passer l’aspect
esthétique du produit avant l’aspect utilitaire. En effet, les produits peuvent être classifiés en
deux catégories : produits utilitaires d’un côté ; produits esthétiques de l’autre. Or, la
conception traditionnelle du marketing s’est concentrée exclusivement sur les produits
utilitaires. Hirschman et Holbrook (1993) considèrent que les outils de mesure de la
consommation sont le reflet de cet apriori. Pour eux, il est nécessaire de développer de
nouveaux outils d’évaluation applicables aux produits esthétiques (par exemple un concert). En
outre, ils estiment que la démarche traditionnelle ne mesure que les affects, qui sont eux-
mêmes une sous-catégorie de la réponse émotionnelle, qui n’est elle-même qu’une sous-
catégorie de la réponse hédoniste (Hirschman and Holbrook, 1993). En fait, le consommateur
est de plus en plus amené à réduire le temps qu’il consacre à ses achats de nécessité (ou "achat
contraint"), pour consacrer proportionnellement plus de temps aux "achats de plaisir", plus
relaxants. Par exemple, il peut s’agir pour le client d’une grande surface, de faire de la manière
la plus efficace et la plus rapide possible son choix de nourriture pour la semaine avant d’aller
flâner au rayon librairie. Pour Hetzel (2002),
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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" … l’accélération temporelle est un retour des émotions où les esprits peuvent s’enflammer. A
cet égard, si l’on parle donc justement aujourd’hui de marketing expérientiel, c’est
probablement en raison de cette réapparition plus forte des passions ".
Le tribalisme :
A travers la consommation, des groupes se constituent. Au sein de ces groupes, les individus
partagent une culture particulière, un certain nombre de valeurs communes. Au sein de ces
groupes, l’individu est poussé par une double nécessité qui peut sembler contradictoire : imiter
les autres membres de la "tribu" et s’en distinguer (dans la mesure qui sera tolérée par le
groupe). A travers le tribalisme, on peut donc considérer que la consommation acquiert une
dimension socialisante.
La recherche de nouvelles expériences :
Au cours des dernières années, on a pu se rendre compte que, confrontés à la banalisation de
leur environnement, conséquence de la rationalisation à l’extrême, les consommateurs se
montrent de plus en plus souvent en quête d’éléments qui tendent à "réenchanter" l’acte
d’achat.
Cette idée a été développée par plusieurs auteurs, en particulier Gottdiener (1997), Schmitt
(1999) et Simonson (1997).
"[les consommateurs sont en quête d’immersion dans des expériences variées+ afin d’explorer
une multiplicité de nouveaux sens à donner à leurs vies en l’absence d’un modèle unique à
suivre. Les consommateurs sont ainsi sur le marché pour produire leur propre identité et pour
cela ils cherchent à s’immerger dans des expériences plutôt qu’à simplement rencontrer des
produits finis ; ils privilégient ainsi les lieux de consommation “enclavés” dans lesquels ils
peuvent faire l’expérience spectaculaire d’une marque en dehors de l’intrusion de tout élément
extérieur."
Plongé dans un tel cadre, le consommateur aura tendance à développer un type de
comportement particulier, appelé "comportement expérientiel". Les travaux de Bourgeon et
Filser (1995); Helme-Guizon (2001), fournissent pas exemple un éclairage particulièrement
intéressant sur ce sujet.
Concrètement, ce besoin de réenchantement se traduit par la recherche de rituels ou
d’environnements qui permettront au consommateur de transcender des actions aussi
quotidiennes et prosaïques que faire ses courses hebdomadaires dans son supermarché
habituel.
La dimension affective :
Cet aspect consiste à considérer que le consommateur n’est pas seulement un individu
strictement économiquement rationnel, mais cherche aussi à donner à ses achats un côté
ludique. Les entreprises ont intégré cet aspect depuis un certain temps et, en conséquence, le
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marketing prend en compte cette évolution du comportement du consommateur vers
l'irrationnel et le passionnel.
L’esthétique :
Cet élément intervient en conclusion logique des développements précédents. La dimension
esthétique est devenue primordiale dans l’offre. Elle participe à la fois au réenchantement du
quotidien et à la dimension émotionnelle de l’offre. L’esthétique ne concerne en effet pas
seulement l’objet de consommation, mais aussi et de plus en plus le cadre de consommation.
Désormais, les professionnels du marketing ont compris que les consommateurs sont des êtres
humains vivants, avec un besoin expérientiel : les consommateurs veulent être stimulés,
divertis, veulent apprendre et être défiés. Ils recherchent des marques qui leur procurent des
expériences signifiantes et feront ainsi partie de leurs vies. Les expériences sont des
événements intimes qui se produisent en réponse à certaines stimulations (par exemple par les
efforts du marketing avant et après l’achat). L’expérience implique l’être tout entier et peut
être insufflée dans un produit, utilisée pour améliorer un service, ou conçue comme une entité
en soi. Les expériences donnent la possibilité au consommateur de prendre part à la
consommation du produit ou du service à la fois physiquement, psychologiquement,
émotionnellement, socialement et spirituellement, et rendent de ce fait l’interaction
significativement réelle (Blois, 1997).
2.2 LE MARKETING DE L'EXPERIENCE
2.2.1 RAPPEL HISTORIQUE
Pour le marketing, les années 80 ont été marquées par une crise qui a abouti à un éclatement
de la discipline (Badot, O. et Cova, B, 1992). De nombreux professionnels du marketing ont pu
penser que les années 90 seraient marquées par une réarticulation de la discipline autour de la
notion de « relation ». Le marketing s’était en effet approprié ce concept, emprunté à la
sociologie, en réduisant néanmoins son sens. Pourtant, certains chercheurs, en particulier Blois
(1997), ont montré les limites de cette tentative de réorganisation.
A l’heure actuelle, on cherche à redéfinir la discipline autour du concept d’"expérience". Après
les premiers jalons posés par Holbrook et Hirschman dès le début des années 1980, plusieurs
travaux ont montré toute la pertinence de ce concept, en particulier Hetzel. A l’heure actuelle,
plus de 20 ans plus tard, il est en effet largement utilisé pour décrypter les comportements du
consommateur.
Depuis plusieurs années, les entreprises ont en effet adopté cette notion et l’ont mise au centre
de leurs stratégies de différenciations, où elle a pris une nouvelle place aux côtés de celles, plus
anciennes, de qualité et de service. Pour le consommateur, l’expérience contribue à donner du
sens à l’acte d’achat, à réenchanter le quotidien, répondant ainsi à un besoin implicitement
exprimé, comme nous l’avons vu plus haut. Par la thématisation de l’offre, l’expérience va alors
contribuer à fidéliser la clientèle en donnant au consommateur l’impression que par cette
expérience, il a désormais quelque chose en commun avec l’entreprise, qu’il partage une sorte
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de complicité avec elle. Le marketing expérientiel, en faisant intervenir des éléments non
marchands dans l’offre, a impliqué la création de tout un arsenal d’éléments théoriques
nouveaux. Depuis le début des années 2000, la recherche en matière de marketing expérientiel
connait un développement particulièrement dynamique, en particulier grâce aux travaux de
Schmidt (1999) et Hetzel (2002) et cette sous-discipline a acquis une véritable légitimité, en
même temps qu’une audience significative.
2.2.2 L'EXPERIENCE ET SES IMPLICATION POUR LE MARKETING
Dans son sens général, la notion d’expérience renvoie à une situation vécue, éprouvée par un
individu, et susceptible de lui avoir permis de découvrir quelque chose de nouveau. Essayons
maintenant de préciser le sens de cette notion en l’appliquant au marketing.
Définitions de l’expérience et composantes
En matière de marketing expérientiel, l’expérience est constitué d’un événement vécu par le
consommateur avec un ressenti émotionnel plus ou moins fort. Ce vécu émotionnel a pour
support le produit ou le service proposé à la consommation. Ce vécu peut être
émotionnellement tellement fort qu’il peut, si on en croit les travaux d’Arnould et Price, aller
jusqu’à changer le consommateur. (Arnould et Price, 1993)
La consommation s’affranchit grâce à l’introduction de sa conception purement économique ou
productiviste, en un mot, fonctionnelle, puisqu’elle devient génératrice de sens pour l’individu
(Vézina, 1999). Elle permet donc à la consommation d’acquérir une dimension véritablement
humaine. Par l’introduction de la notion d’expérience, des concepts jusqu’alors totalement
ignorés par le marketing font leur apparition. Pine et Gilmore (1999) par exemple ont
déterminé deux nouvelles variables dans lesquelles s’inscrit l’expérience. Il s’agit tout d’abord
du degré de participation du consommateur à l’expérience ; cette dimension prend en compte
la possibilité plus ou moins grande accordée à l’individu d’agir sur le déroulement de
l’expérience. La seconde variable est l’intensité avec laquelle le consommateur s’immerge dans
l’expérience ; plus cette intensité est forte, plus le consommateur s’intègre, physiquement et
mentalement dans l’expérience ; au contraire, plus elle est faible, plus le consommateur reste
extérieur à l’expérience. A partir de ces deux axes, quatre champs ont été définis :-
divertissement- esthétique- évasion- éducation.
"…le rôle des émotions dans le comportement, le fait que les consommateurs soient autant des
sensitifs que des penseurs ou des acteurs, l’importance du symbolisme dans la consommation, le
besoin d’amusement et de plaisir du consommateur, et le rôle des consommateurs, au-delà de
l’acte d’achat, dans l’utilisation des produits." (Addis et Holbrook, 2001)
Apparaît même l’idée que l’expérience est une nouvelle forme d’offre qui vient s’ajouter aux
catégories classiques de bien et de service et pour laquelle le consommateur postmoderne est
prêt à payer. Plus l’impression que l’expérience laisse sur le consommateur est importante, plus
elle le marque, plus elle a de valeur. C’est là qu’intervient la nécessité de mobiliser les sens du
consommateur. Une expérience qui fait intervenir les cinq sens du client a plus de chance
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d’être perçue comme significative, voire inoubliable. Sa charge émotionnelle en sera d’autant
plus forte. Filser définit ainsi l’expérience de consommation :
"(…) l’ensemble des conséquences positives et négatives que le consommateur retire de l’usage
d’un bien ou d’un service. " (Filser, 2002).
En affinant cette définition en s’appuyant sur les travaux de différents chercheurs (pour ce faire,
nous nous baserons essentiellement sur les articles de Filser (2002) et de Benavent et Evrard
(2002)), on peut lui attribuer les caractéristiques suivantes. Tout d’abord, puisqu’elle provoque
des réactions émotionnelles chez le consommateur, celle-ci est avant tout subjective. Elle est
donc singulière et unique, puisqu’elle dépend exclusivement de l’individu qui la vit et du sens
qu’il lui confère. Ensuite, au-delà de l’acte d’achat lui-même, l’expérience de consommation
commence avant l’achat lui-même et se poursuit après l’achat, influant par la même occasion
sur les achats à venir (cette idée sera développée ultérieurement). Arnould et Price (1993)
comptent 4 grandes étapes : l’anticipated consumption experience, qui regroupe toutes les
phases préparatoires à l’achat (planification, budgétisation, fantasme de l’expérience, etc…) ; la
purchase experience, l’expérience d’achat proprement dite (choix, paiement, prise de
possession) ; la remembered consumption experience et la nostalgia experience, qui
consistent dans le fait de revivre l’expérience ou de la faire revivre par le récit à des tiers.
L’expérience d’achat englobe donc non seulement les aspects expérientiels, mais aussi les
aspects fonctionnels. En conséquence, si on pousse ce raisonnement, on peut en conclure que
tout acte d’achat constitue une expérience (Holbrook, 2000). Une expérience de
consommation peut ne pas se limiter à une expérience individuelle, mais peut être effectuée
conjointement par un groupe d’individus. Il est important de souligner une fois de plus que,
pour reprendre la définition de Filser citée plus haut, toute expérience de consommation n’est
pas nécessairement bonne, mais peut au contraire être vécue de manière très négative.
2.2.3 IMPLICATIONS (SOLUTIONS) MARKETING DE L’EXPERIENCE ET VALORISATION
DE L’OFFRE
L’intégration de la notion de marketing expérientiel a provoqué des modifications importantes
dans la manière dont les entreprises présentent désormais leur offre. Les effets recherchés sont
de natures diverses et ont pour but de permettre au consommateur de "s’immerger" dans
l’expérience. A ce titre, le meilleur exemple de telles mutations est donné par la mise en
application du concept de thématisation de l’offre.
L'expérience doit remplir plusieurs conditions (Covà et Covà (2004) afin de valoriser la
perception de l’offre par le client. Il s’agit tout d’abord de surprendre le consommateur en lui
proposant de l’inhabituel, qui s’inscrira en rupture avec son quotidien "désenchanté". Le
contexte doit être enclavé, c'est-à-dire qu’elle doit être en rupture avec le quotidien du
consommateur, afin de lui procurer un sentiment d’évasion.
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Il faut ensuite lui offrir de l’extraordinaire par un travail sur les proportions (centres
commerciaux surdimensionnés) ou sur l’authenticité ou le spectaculaire. En revanche le
contexte doit être sécurisé, c'est-à-dire que le consommateur doit pouvoir se concentrer sur
l’expérience sans être distrait par des perturbations externes.
Il est ensuite nécessaire de stimuler ses cinq sens, afin de plonger le consommateur dans des
expériences sensorielles fortes pour provoquer chez lui une réaction instinctive. Le support
physique doit dorénavant permettre une parfaite gestion de la perception sensorielle. Nous
avons déjà évoqué la nécessité de solliciter au maximum tous les sens du consommateur. Le
renforcement de la sollicitation sensorielle a pour conséquence l’approfondissement de la
dimension émotionnelle de l’expérience vécue par le consommateur. Enfin, l’organisation du
support physique doit permettre de gérer le degré de liberté accordé au consommateur.
Il faut enfin établir un lien fort entre l’entreprise et le consommateur pour créer une complicité,
en thématisant l'offre, ce qui implique de s’intéresser à la notion de participation du client par
l’intermédiaire d’aspects ludiques et interactifs non-marchand. Il peut s’agir de l’organisation
d’ateliers, de jeux ou d’animations diverses, par exemple. Il peut aussi s’agir de la gestion du
personnel de contact, avec une véritable politique en matière de relationnel afin de permettre
un contact plus humain, voire passionnel entre le personnel et le client. Le support physique
est bien entendu lui aussi à prendre en compte.
L'ambiance particulière censée en résulter doit servir de cadre à l’expérience pour permettre à
l’individu de donner du sens à l’acte de consommation. Un des moyens consiste à établir des
renvois permanents à la marque en se servant de la symbolique associée à celle-ci afin de jouer
sur les notions de repérages et d’identification.
2.3 CONCEPT-STORE: FINE FLEUR DU MARKETING EXPERIENTIEL
2.3.1 HISTORIQUE
Avant l’apparition des grands magasins au cours du XIX° siècle, la consommation n’avait existé
que sous la forme d’une simple interaction binaire client/vendeur. Dans le cadre de ce schéma
simple, la distribution était assurée par le vendeur uniquement, au cours de foires ou dans son
échoppe. C’est cette manière de procéder qui s’est a perduré pendant des siècles. La première
évolution notable a été la création des passages, dont Paris a gardé un certain nombre
d’exemples. Le passage offre au chaland un cadre préservé de la circulation et des intempéries.
Pour la première fois, une réflexion concertée vise à concevoir un lieu d’achat multiservices qui
prenne en compte le confort du client potentiel.
L’apparition des grands magasins, au milieu du XIX° siècle, marque le franchissement d’une
étape supplémentaire : cette fois, c’est un bâtiment aux proportions imposantes qui est conçu
pour proposer à des clients des marchandises de toutes sortes. Surtout, apparait l’idée que
l’acte d’achat n’est plus réduit à une tâche ingrate, rébarbative et donc confiée au petit
personnel (le commissionnaire, l’économe ou la bonne), mais peut devenir en soi une activité
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agréable à laquelle la bourgeoisie peut s’adonner sans déchoir, dans un lieu de consommation
dédié "au bonheur des dames"…
Au cours des années et des générations suivantes, le concept a évolué vers le super- puis
l’hypermarché, et surtout s’est généralisé. Le rapport client/vendeur a été bousculé par
l’apparition du libre-service, l’extension des surfaces de vente et surtout l’explosion du nombre
de clients dans un même lieu rendant de plus en plus difficile l’affectation d’un vendeur à
chaque client. Le choix se multipliant, les étalages gagnent en étendue et le client est mis en
contact direct avec le produit.
Pourtant, le consommateur se lasse vite à cause de la surenchère d’offre opérée par les
grandes enseignes de la distribution en particulier. Les aspirant-vendeurs semblant être au
bout de leur logique concernant l’amélioration du produit vont devoir imaginer des moyens
inédits de conférer une valeur supplémentaire.
De plus, à l’heure où la technologie à tellement facilité l’acte d’achat que le client peut disposer
des produits sans avoir même besoin de quitter son chez-soi (achats sur internet, services de
livraison à domicile,…), ce dernier risque de se sentir isolé chez lui, en manque de contact
humain. C’est donc sur l’environnement de l’acte d’achat que vont se porter les efforts des
professionnels du marketing en offrant au client distraction et convivialité. Pour lui redonner
l’envie de venir acheter dans un magasin, les marketeurs ont décidé de tirer profit de ce
nouveau besoin par la création du concept-store.
Le concept-store doit procurer au consommateur un sentiment d’étonnement et partant
d’évasion. Chacun cherche à rivaliser d’originalité et en même temps à se renouveler aussi vite
que possible afin e continuer à tenir en haleine un client blasé par cette surenchère d’offre que
nous avons évoqué plus haut. Il en existe un nombre toujours plus grand et différents types,
tous cherchant à fidéliser le client par leur créativité sans borne et leur capacité à offrir au
client des expériences qui sortent de l’ordinaire.
2.3.2 DEFINITION DES MAGASINS D’ATMOSPHERE ET TYPOLOGIES DES
CARACTERISTIQUES
Le concept-store est avant tout un espace de vente unique. Il s’agit d’un lieu où l’enseigne tire
sa représentativité et sa notoriété d’une créativité non pas tant concernant les produits
proposés que l’espace lui-même, par son architecture, son organisation interne, son design et
les autres facteurs d’ambiance que sont les fonds sonores ou olfactifs. C’est cet important
travail créatif sur l’ambiance qui va permettre l’unicité du lieu de vente. C’est donc le cadre de
vente qui conférera leur valeur ajoutée aux produits.
C’est dans le domaine des loisirs que sont apparues ces innovations, avant de s’étendre peu à
peu à tous les secteurs marchands. Pour reprendre les mots de Hetzel (2002), "l’heure est à la
création d’ambiance. C’est un axe de réenchantement des espaces quotidiens du
consommateur." Cette idée de réenchantement de l’offre est partagée par Filser qui développe
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l’idée que, pour obtenir ce résultat, les entreprises doivent suivre une démarche visant à
"donner du sens" à leur offre.
Bien qu’il soit souvent difficile de catégoriser les concept-stores vu leur parti pris d’originalité,
on peut en différencier deux grands types : les magasins multimarques et unimarques.
Les magasins multimarques regroupent plusieurs types de produits et plusieurs marques sous
une même thématique. Pour pouvoir proposer une thématique crédible, le magasin doit avoir
acquis une certaine notoriété, qui rendra l’esprit du magasin, sa « personnalité » clairement
identifiable. Dans le cas de ce type de magasin, c’est donc le fait d’être proposé à la vente par
tel magasin qui fera que tel objet sera « tendance ». Le cadre de vente devient ainsi
effectivement une véritable valeur ajoutée. Pour cette raison, l’ouverture de tels magasins
donne presque toujours lieu à une opération de communication, souvent de type « buzz »,
diffusée, en fonction de la stratégie choisie, soit le plus largement possible, soit uniquement à
une catégorie d’ « initiés » triés sur le volet. Si l’ouverture du magasin est une réussite et que
les clients reconnaissent comme légitime l’esprit du magasin, celui-ci pourra présenter une
offre variée, mais devra chercher à la fois à garder sa personnalité tout en renouvelant
constamment l’offre et en cherchant à proposer des objets originaux, qu’on ne trouve pas
ailleurs. D’où l’importance des séries limitées et des exclusivités.
Le magasin unimarque, couramment appelé flagship-store, cherche à renforcer la visibilité
d’une marque Leur objectif est de surprendre le consommateur, le faire réagir pour obtenir un
ressenti par rapport à la marque et à ses « valeurs ». Tous les moyens sont donc mis en œuvre
pour donner une image aussi forte de la marque. Plus que des espaces de ventes, ces lieux sont
conçus comme des lieux de divertissement. Le rapport qui doit être maximisé est le ratio
image/investissement financier. De fait, les marques se donnent souvent les moyens de ce
genre de politique d’image. Qu’ils soient permanents ou provisoires (dans leurs versions
appelées pup-up stores), les flagship–stores sont toujours installés dans des endroits
emblématiques.
L’atmosphère est un aspect primordial de la stratégie des concept-stores. Elle est en effet à la
fois un facteur de différenciation et un moyen d’agir sur le comportement d’achat du client.
L’atmosphère fait intervenir toutes les ressources du design et des facteurs d’ambiance (sons,
odeurs, couleurs, lumières…) et les met au service de sa stratégie de positionnement
expérientiel. Elle prend aussi en compte l’organisation spatiale du magasin et les interactions
client/personnel.
Un des principaux aspects de la stratégie de différenciation des concept-stores repose donc sur
le travail sur l’atmosphère. Ce travail prend en compte tous les éléments qui peuvent solliciter
les sens du consommateur : couleurs, luminosité, fond sonore, parfums, voir goûts. Ces
éléments sont intégrés au design global du magasin au même titre que le mobilier ou
l’agencement interne pour offrir une cohérence à l’espace de vente. Sont aussi pris en compte
les interactions de la clientèle avec le personnel. Tous ces effets sur la perception sensorielle et
les réactions cognitives et émotionnelles du consommateur sont le fruit de l'ambiance globale
du concept-store.
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Selon Turley et Milliman (2000), l’atmosphère d’un point de vente est constituée de 5
éléments :
-l’extérieur (emplacement, parking, enseigne, architecture, façade et décoration
extérieure)
-l’intérieur (lumière, couleurs)
-l’aménagement du magasin (organisation de l’espace, groupement des produits)
-la décoration intérieure (exposition des produits, décoration)
-les variables humaines (caractéristiques du personnel, mais aussi de la clientèle)
Le travail sur ces 5 critères intervient pour obtenir un certain effet qui n’est plus d’inciter le
consommateur à acheter avant toute autre chose, mais de le faire rester dans le magasin le
plus longtemps possible, afin de créer une sorte de complicité entre le consommateur et la
marque : la reconnaissance de la marque. Le critère le plus important dans cette perspective
relève donc plus d’une logique marketing à long terme que de la rentabilité commerciale
immédiate. Il s’agit pour résumer de fidéliser avant de vendre.
2.3.3 CARACTERISTIQUES COMMUNES DES CONCEPT-STORES
Design
La réalisation d’un concept-store fait appel aux talents des créateurs d’espace. Qu'ils soient
architectes ou spécialistes du design, ils sont de plus en plus impliqués au processus
d'élaboration du concept-store et de plus en plus tôt. Ils savent mettre en relation le
positionnement stratégique d’une enseigne, ses produits, les consommateurs, le merchandising
et l’architecture commerciale. Leur travail ne porte plus uniquement sur les produits, mais plus
encore sur le point de vente. L'esthétique de l'endroit devant mettre le produit en valeur, leur
rôle est d'esthétiser le cadre, pour qu'un produit possiblement banal devienne extraordinaire.
"Nous employons des architectes visionnaires car nous devons concevoir quelque chose qui
fonctionnera encore dans 50 ans". (Radic, 2003)
Atmosphère et ambiances
Tout doit être fait pour donner au consommateur l’impression que le milieu dans lequel il
pénètre est en réelle rupture avec son quotidien. Un important travail est donc fait pour créer
cette illusion de transplantation vers un ailleurs aussi bien spatial (ambiances tropicales,
galactiques, ou autres) que temporel (retours vers un passé magnifié ou anticipation d’un futur
fantasmé). Il est possible d'aller dans un concept-store sans avoir l'intention de passer à l'acte
d'achat. Le consommateur peut tout simplement venir chercher une ambiance, une
atmosphère, l'évocation d'un style de vie, voire d'un art de vivre à découvrir ou auquel
s'identifier.
Théâtralisation
Quel que soit le thème qu'il choisit, le concepteur doit théâtraliser le lieu de vente tout en
gardant à l'esprit les différents aspects à prendre en compte. Il s’agit premièrement de
l’énonciation du thème: le référent sur lequel l’offre s’appuie doit être clairement identifiable
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par le consommateur, afin que ce dernier puisse s’y rattacher en permanence. Il s’agit ensuite
de la mise en scène de l’offre. Le thème énoncé doit être rendu aussi visible que possible par
l’intermédiaire des styles qui peuvent être considérés comme de véritables carrefours de la
création. C'est la "mix attitude" contemporaine qui a donné naissance à des styles tels que le
minimalisme, le rationnel (venu du Japon), le nouveau baroque, le kitch, les styles traditionnels
qui restituent une époque, les classiques intemporels et les styles rassurants qui perdurent et
incarnent des valeurs fortes. Tous ces styles sont devenus des classiques de l’aménagement
architectural. Enfin, on retrouve des styles tels que l’avant-gardisme, les concept-stores
s’inspirant de la muséologie, et dont élaboration requiert des savoir-faire d’une haute qualité.
Intervient encore la création d’un récit sur le produit : le consommateur doit pouvoir
comprendre le produit, son origine et sa vie afin que s’instaure un lien entre les deux.
Normalement, ce récit participe à la création d’une relation à l’expérience qui permettra au
consommateur de s’impliquer dans l’acte d’achat sur une base valorisante pour lui, puisqu’il ne
se contentera pas seulement de pénétrer le lieu de vente pour consommer, mais pour se
détendre et s’évader. La transaction marchande elle-même passe au second plan.
Lieu de vie et convivialité
Dans une société de "shopaholics", le concept-store devient à la fois un lieu pour se montrer,
un endroit qu'on visite pour se sentir "chez soi", pour voir, pour "sentir" la tendance, ou encore
pour partager de bons moments. Le consommateur, devenant hostile aux techniques de
marketing trop agressives, voudrait pouvoir faire confiance à la marque ou l'enseigne de son
choix. Pour ce faire, celle-ci n’hésite pas à inviter le consommateur à essayer ses produits dans
une atmosphère de convivialité. Prenons l'exemple des espaces de restauration: que ce soit
pour grignoter ou déguster un repas de gourmet, l'intention est bien celle de garder le client
sur place, afin de prolonger le temps de sa visite, qu'il se concentre sur ses achats en ne
quittant pas les lieux. Son temps de visite est alors accru et la potentialité d'achat plus forte.
Emplacement
Pour mieux attirer l’attention, les emplacements sont choisis avec une grande attention dans
les endroits les plus emblématiques du paysage urbain. Il s’agit souvent le plus souvent de
l’artère ou du quartier prestigieux (Ginza, à Tokyo, les Champs Elysées à Paris, la 5° avenue à
New York, etc…). Ils peuvent au contraire apparaître dans des lieux des plus incongrus : friches
urbaines ou zone industrielle à l’abandon. Dans ce cas, le lieu lui-même attire l’attention et
provoque la curiosité. Dans chacun de ces cas de figure en tous cas, on peut constater que le
choix de l’emplacement fait partie intégrante de la stratégie de communication, puisqu’il
contient en soi un "message".
Entrée
Le premier effet à obtenir pour l’espace de vente consiste à donner au consommateur l’envie
d’entrer. Pour les concepteurs de magasins d’ambiance, il peut y avoir deux approches. La
première est bien entendu le travail sur la vitrine, qui doit accrocher le regard immédiatement
et séduire le badaud dès le premier coup d’œil. Les concepteurs rivalisent en la matière de
créativité et d’originalité, en n’hésitant pas à utiliser les moyens techniques les plus avancés
pour faire de la vitrine un média à part entière. Une seconde manière de procéder consisterait
à jouer sur le rapport extérieur/intérieur. On peut par exemple inciter le client à entrer sans
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qu'il s'en rende compte, à franchir la porte sans avoir l’impression de la pousser en quelque
sorte. Dans cette optique, l’agencement intérieur du magasin peut par exemple présenter un
mimétisme avec l’espace extérieur, en rappelant le revêtement du trottoir. A l’inverse, on peut
procéder en marquant une rupture franche avec la rue, pour accentuer l’impression de
découverte d’un lieu hors de l’espace ordinaire, c'est-à-dire du commun.
Le coût élevé
L'investissement est très important pour la plupart des enseignes. Inévitablement élevé, le
budget se divise de manière variable entre les éléments suivants: choix du designer et du
créateur (même si c'est parfois le même); emplacement de la boutique, souvent dans les
endroits prestigieux, donc valorisant mais coûteux; surface au sol; choix des matériaux
constituants le décor intérieur et extérieur; promotion qui devra accompagner l'ouverture,
quasi "vernissage" de la boutique.
Réputation et pérennité
La réputation provient de l'ancienneté (c'est par exemple le cas de Colette ou L'Eclaireur,
pionniers en la matière). La réputation peut aussi provenir d'une situation dans un endroit
insolite déjà réputés pour son originalité, ou encore d'un "buzz", qu'il soit provoqué par des
personnalités publiques ou par les clients eux-mêmes. En dehors des traditionnels facteurs de
gestion, la pérennité de l'enseigne ou de la marque dépendra essentiellement de sa puissance
(c'est le cas des flagships stores qui s'assurent de pouvoir investir dans le changement et
garantir leur futur), de sa performance dans la course à la nouveauté, du choix proposé prestige
et de la qualité de ses produits, particulièrement pour les enseignes multimarques.
Multi-produits, multi-services
Les concepts-stores sont avant tout des espaces multiservices, même dans le cas des flagship-
stores dédiés à une seule marque ou à un type de produit unique. En effet, en plus de présenter
la marque et ses valeurs, incarnées par ses produits, ils comprennent souvent un restaurant ou
un bar. Ils peuvent ou non proposer les produits à la vente, inclure un service après-vente ou
des ateliers didactiques donnant consacrés aux produits et à leur utilisation.
3 HYPOTHESES ET PROPOSITIONS DE RECHERCHE
Depuis les travaux d'Holbrook/Hirschman en 1982, beaucoup d'études ont contribué à faire
évoluer l'image du consommateur et à faire émerger la dimension expérientielle de son
comportement. Aujourd'hui, nous sommes donc en présence d'un nouveau consommateur
dont les attentes et les besoins évoluent dans plusieurs directions. Il est hédoniste, très focalisé
sur ses émotions et sur la recherche de la satisfaction immédiate. De plus, et comme l'affirme
Chétochine, dans la société postmoderne le consommateur est devenu plus individualiste. Il ne
veut pas se priver, recherche de nouvelles valeurs. Mais plus que tout, le consommateur se
sent en droit indéniable à satisfaire ses désirs, ses exigences et attentes, à se faire plaisir
surtout dans un environnement d'abondance et de promesses répétées de bonheur. Il veut
tout et tout de suite, et comme il ne l'a pas, il se place en victime et connait la frustration. Il
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semble que ni lui et ni le marché ne puisse remédier à son état. Ses émotions prennent de plus
en plus d'importance. Les dimensions affectives et émotionnelles rappellent que le
consommateur ne se limite à des comportements d'achat purement rationnels mais qu'il est
mu par des réactions pouvant être passionnelles, pulsionnelles, voire totalement irrationnelles.
Devenu capricieux, mécontent et en fin compte "blasé" la majeur partie du temps, le
consommateur est alors à la recherche de l’exceptionnel. Il souhaite être surpris pour s'évader
de son quotidien monotone et sans faste.
Face à ce consommateur aigri, le concept-store est considéré comme l’aboutissement des
théories sur le marketing expérientiel. Plus qu’un simple lieu de vente, le concept-store
ambitionne de devenir un lieu de vie à part entière. Pour ce faire, le consommateur doit trouver
dans cet espace unique toutes les catégories d’offres. Pourtant, cette diversification de l’offre
ne doit pas constituer un éparpillement. La légitimité de la marque doit être préservée aux yeux
du client et celle-ci doit mettre en avant son authenticité en imprimant sa personnalité et ses
valeurs à la totalité des éléments sensoriels qui constituent l’ambiance du lieu de vente. Dans le
cadre d’un concept-store, cette ambiance doit devenir un véritable manifeste des valeurs de la
marque en reflétant un certain art de vivre : celui qu’incarne la marque.
Après avoir pris en compte les nouveaux principes du comportement du consommateur, les
concept-stores doivent proposer en réaction une offre expérientielle afin de divertir, mais aussi
stimuler ce dernier:
• Stimuler les cinq sens en vue de créer une expérience sensorielle prégnante.
• Surprendre, pour sortir le consommateur de son quotidien.
• Offrir de l’extraordinaire par la thématisation du lieu de vente et donner ainsi au
consommateur l’impression de s’approcher du merveilleux.
Le concept-store s'impose ainsi naturellement comme la solution miracle avec à l’appui, le
réenchantement. Il doit incarner en outre l’air du temps et donner le ton en restant en
permanence un véritable précurseur des tendances à venir. De là la stratégie des concept-
stores consistant à s'établir dans des endroits certes très en vue, prestigieux, mais aussi très
inédits. Plus qu’un espace de vente, le concept-store se conçoit comme un lieu de promotion
visant avant tout à immerger le consommateur dans univers surprenant. On comprendra
aisément à quel point le travail sur l’atmosphère et l’environnement sensoriel et expérientiel
est primordial dans le cadre d’un tel espace. Ceci m'amène donc logiquement à me poser un
certain nombre de questions. En premier lieu, quel est l'apport de la surprise prônée par les
chercheurs et managers de concept-stores ? Est-ce que la surprise et l’extraordinaire sont
forcément positifs et créent de la valeur pour le consommateur? Comment l'expérience est-elle
vécue et réenchante-t-elle réellement le consommateur ?
Les concept-stores, en utilisant toute une gamme d'outils, cherchent à tisser des liens avec le
consommateur pour qu'il ait l’impression de vivre une expérience affective forte dans laquelle il
se reconnait. Leurs actions consistent à :
• Créer du lien, en valorisant l’individu dans son rapport aux autres.
• Faire penser en permettant au consommateur une implication créatrice.
• Faire agir le consommateur pour lui permettre un certain enrichissement.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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Et cela, afin que la marque puisse obtenir l’effet d’identification. Le consommateur doit pouvoir
retrouver le cadre qui lui est familier notamment par les interactions proposées sur le lieu de
vente. De fait, l’individu ne se rend plus sur le lieu de vente uniquement pour consommer, mais
aussi pour y faire des rencontres, y communiquer. Cette connotation sociale dont s’est doté le
lieu de vente a été permise grâce au travail sur la convivialité du lieu de consommation effectué
par les professionnels du marketing. Visiter un magasin est de plus en plus perçu comme une
fin en soi par des consommateurs potentiels qui ne se voient plus uniquement comme des
clients obligés.
L'enquête pourrait donner l'occasion d'observer les réactions des consommateurs au contenu
de l'expérience qui leur est proposée pour voir si les effets recherchés développés par la
théorie s'observent réellement dans le comportement du consommateur. L'enquête
consisterait par exemple à examiner si la perception de l'ambiance du concept-store par le
consommateur correspond à celle que ses créateurs ont souhaité obtenir. Lorsque celle-ci
correspond, qu'est-ce que cela suscite chez le consommateur? L’affectif prend-il le dessus sur
le rationnel ? Si oui, de quelle manière? Sinon, pourquoi?
Les entretiens permettront peut-être de déterminer si le concept-store crée de nouvelles
frustrations ou amplifie celles déjà éprouvées par le consommateur. Bien que l'échantillon soit
réduit, il est néanmoins représentatif d'une certaine population. Il sera donc possible d'obtenir
des indices, premiers éléments de réponse au problème de la frustration du consommateur.
Qu’en reste-t-il après sa visite ? Les concept-stores sont-ils une solution à la frustration du
consommateur ?
En proposant une telle variété de produits, en théâtralisant le point de vente, en rendant
interactive l'expérience du consommateur, le concept-store cherche à satisfaire le
consommateur et susciter l'irrésistible envie de céder à la tentation de l'acte d'achat. Mais la
préoccupation première reste la volonté d'imprimer un souvenir inoubliable, qui fidélisera le
consommateur sur le long terme. D’où vient vraiment la valeur pour le consommateur lors de
sa visite dans le concept-store ?
A partir des indices réunis, il sera peut-être possible de confronter certaines constructions
théoriques aux réactions des consommateurs. Il ne s'agit pas ici de valider ou de contredire un
modèle théorique mais simplement d'identifier certains thèmes qui mériteraient d'être étudiés
plus avant et de repérer certaines tendances.
Il est de mon avis que ce ne sera que par l'étude des thèmes principaux dégagés par les
entretiens, et par la réalisation d'enquêtes plus poussées sur des échantillons plus vastes qu'il
sera possible de déterminer les éventuelles limites du modèle expérientiel du marketing et de
ses application par les concept-stores. Les concept-stores sont-ils "la solution miracle" ? Les
techniques utilisées par le concept-store sont-elles suffisantes pour créer une véritable
expérience ? Concept-stores produisent-ils réellement un "enchantement" du consommateur ?
Est-ce que tout ce qu'on raconte sur le concept-store est vrai?
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4 METHODOLOGIE
4.1 TYPE DE RECHERCHE
Ce travail se rattache à la catégorie de la recherche exploratoire et descriptive. Concrètement, il
s’est agi de choisir une population test et de lui faire visiter des concept-stores préalablement
sélectionnés parce qu'étant particulièrement représentatifs de ce type de magasins. Chacune
des personnes choisies devant, au sortir du magasin, donner "à chaud" ses impressions lors
d’une discussion aussi spontanée que possible avec l’interviewer (moi-même). Un des points
centraux de cette collecte de données a consisté à tenter de saisir les impressions ressenties
par la personne testée avant de lui avoir laissé le temps de prendre du recul par rapport à ses
réactions et à analyser son expérience.
Au lieu de s’appuyer sur des hypothèses ou sur des idées préexistantes, cette étude a au
contraire cherché à élaborer une interprétation sur un sujet à propos duquel la documentation
est assez difficile à trouver et les sources limitées. La documentation sur les concept-stores est
donc surtout constituée d'ouvrages académiques généralistes sur le marketing, mais
relativement récents car réédités. On trouve également des articles de presse ou des revues
spécialisées, et enfin des sites internet journalistiques ou académiques, reprenant parfois les
différent types de ressources que je viens de mentionner. Cependant parmi toutes ces sources,
je n'en ai trouvé qu'une seule en français entièrement consacrée aux concept-stores. La
littérature consacrée exclusivement au seul sujet des concept-stores est en effet restreinte en
volume. Les concept-stores y étaient essentiellement abordés d'un point de vue esthétique, le
livre comportant de très nombreuses photos. C'est pour cela que j'ai dû "puiser" extensivement
dans les ouvrages consacrés au marketing pour trouver des informations sur la stratégie, le
marketing expérientiel, ou le comportement du consommateur.
Ne disposant donc que de peu de sources, et ne souhaitant pas les suivre aveuglément, j’ai tout
naturellement choisi de me baser avant tout sur les données qualitatives fournies par des
personnes-test relativement peu familières avec ce type de lieu de vente pour obtenir un
éclairage neuf et aussi spontané que possible sur le sujet.
C’est donc pour mieux cerner le problème à explorer et définir de nouvelles hypothèses à
élucider ultérieurement que j’ai défini mon mode opératoire. Il s’est agi pour moi de me servir
des données recueillies au cours de l’étude (en l’occurrence, des réactions et des émotions
"brutes" ressenties par une personne peu familière lors d’une première expérience de visite
d’un concept-store, ou de deux expériences très rapprochées l'une de l'autre) pour vérifier le
degré de cohérence des idées mises en avant par les concepteurs des magasins pour un regard
extérieur, et en tester la pertinence en les mettant en perspective.
Cette exigence m’a tout naturellement fourni le choix de la méthode opératoire à utiliser.
Compte tenu du degré de complexité des éléments à cerner et analyser des interviewés, j’ai
choisi la technique de l’entrevue face à face. Bien que présentant plusieurs inconvénients de
taille, en particulier celui de représenter un investissement important en temps, ce mode
opératoire m’a semblé de loin le plus adapté et le plus prometteur au regard du propos de ma
recherche. Il est le seul à permettre une investigation des réactions et des impressions
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
24
personnelles des personnes testées avec une telle précision. Consciente du risque important de
biaiser les entretiens qu'induit cette méthode de travail, j’ai tenté de me tenir le plus en retrait
possible par rapport à l’interviewé. J’ai cherché à le faire parler spontanément au maximum
avant d’intervenir directement pour le guider par des questions dont le canevas avait été
préparé à l’avance.
Le contact visuel inhérent à cette méthode permet en outre de pouvoir aller au-delà des
renseignements strictement fournis par les réponses de l’interviewé, et de tirer des
informations particulièrement précieuses de ses intonations ou de sa gestuelle, des non-dits, de
ses gênes ou même de la manière dont certains ont pu répondre à côté de certaines questions,
volontairement ou non. En conséquence, l’entretien face à face permet d’aller beaucoup plus
loin que la stricte réponse verbale ce qui, dans le cas d’une étude comme la mienne, me
semblait primordial.
4.2 ECHANTILLON ET RECUEIL DE DONNEES
Définition du cadre d'échantillonnage
Dans un premier temps, le point de départ de ce travail a consisté à isoler deux concept-stores
suffisamment représentatifs dans leur catégorie. Après recherche et analyse, mon choix s’est
porté sur deux magasins au centre de Paris: Colette, 213 rue Saint-Honoré dans le 1°
arrondissement de Paris, et L’Eclaireur, 40 rue de Sévigné dans le 3° arrondissement. Ces deux
magasins ont été choisis en fonction de plusieurs critères. En premier lieu, leur notoriété en fait
deux excellents exemples de ces magasins "phare" de la consommation "branchée" parisienne.
De plus, cette notoriété s’étend largement à l’étranger. Ces deux enseignes sont en effet
considérées comme de véritables leaders dans leur domaine, et ce dans le monde entier. Elles
sont copiées et suivies bien plus que suiveuses. Ce dernier aspect a lui aussi été déterminant
dans le choix du cadre d’échantillonnage.
La pérennité était un élément de crédibilité déterminant. Dans les deux cas, la parfaite maîtrise
du concept permet à ces deux magasins d’occuper le devant de la scène depuis plusieurs
années, satisfaisant à la fois à l’impératif de renouvellement permanent (les devantures de
Colette sont réinventées chaque début de semaine) tout en maintenant inaltéré l’"esprit" qui
fait leur succès.
Plus que tous autres, Colette et L’Eclaireur semblent donc constituer les exemples les plus
aboutis de ces concept-stores parisiens qui annoncent les tendances, ont en permanence une
longueur d’avance sur les modes, et sont créateurs d’un univers cohérent tout en restant
multiple et protéiforme dans leur espace de vente. Ils semblent réussir ainsi le pari de remplir
toutes les exigences difficilement conciliables voire contradictoires qui font le succès d’un
concept-store auprès de sa clientèle : se réinventer en permanence sans altérer le concept et
surprendre sans décevoir.
Enfin, au-delà de ces lignes générales qui semblent les lier, ces deux magasins restent très
différents, tant dans l’articulation de leur concept, cet "esprit" propre qui fait leur identité, que
dans les produits qu’ils proposent et, bien entendu, de leur clientèle cible. Il a donc semblé
particulièrement éclairant d’étudier la perception de ces deux magasins qui maîtrisent si
parfaitement leur concept tout en le déclinant de manières si différentes.
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Définition de la population étudiée
Ce travail est avant tout une étude qualitative. La population recensée est en effet assez limitée
en quantité, mais le temps consacré à la collecte d’information a justifié un échantillonnage de
taille réduite. La population étudiée est constituée à quasi parité d’hommes et de femmes.
Tous sont âgés de 25 à 30 ans. Bien que certains soient déjà sur le marché du travail
contrairement à d’autres encore fraîchement diplômés, leur catégorie socio-professionnelle est
globalement homogène.
Malgré des différences de qualifications et de niveau d’études, effectif ou visé, il s’agit de
jeunes actifs ou jeunes diplômés. Leurs secteurs d’activité sont de plus relativement proches les
uns des autres. Enfin, tous ces individus font partie de mes connaissances directes ou indirectes.
Tous ont très aimablement accepté de se prêter à cette expérience de manière volontaire et
spontanée.
Définition précise des unités d'échantillonnage
Le groupe est constitué de 8 femmes et de 11 hommes.
Femmes Age Profession
Nalinee 28 ans diplômée en sciences politiques
Agathe 28 ans diplômée en sciences politiques
Eva 28 ans diplômée en marketing
Delphine 27 ans responsable administrative
Flavie 26 ans diplômée en sciences politiques
Malina 29 ans traductrice/interprète
Laetitia 26 ans diplômée en droit international
Emilie 29 ans diplômée en finances
internationales
Hommes Age Profession
Cédric 29 ans commerce international
Benjamin 28 ans diplômée en sciences politiques
Tao 28 ans chef de projet
Jérôme 30 ans diplômé d'HEC
Florian 26 ans diplômé des beaux-arts
Emmanuel 29 ans agent administratif
Guillaume 28 ans diplômé en sciences politiques
Jonathan 29 ans diplômé en droit
Michael 29 ans graphiste
Aurélien 29 ans artiste
Florent 26 ans diplômé en sciences politiques
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25 visites réparties sur deux magasins ont été effectuées par 19 personnes différentes :
Nom du magasin Nombre des individus Sexe des Nom des individus
Colette
(uniquement) 6
4 Hommes Benjamin, Cédric, Tao, Jérôme
2 Femmes Agathe, Nalinee
L'Eclaireur
(uniquement) 7
4 Hommes Emmanuel, Florian, Guillaume,
Jonathan
3 Femmes Delphine, Flavie, Eva
Colette et L'Eclaireur
(l'un après l'autre)* 6
3 Hommes Aurélien, Michael, Florent
3 Femmes Emilie, Malina, Laëtitia
*Dans l’intérêt de l’expérience, parmi ces 6 personnes, 3 ont visité Colette en premier lieu et
L’Eclaireur ensuite, et inversement pour les autres. La constitution de ce dernier groupe a eu
pour objectif d'enrichir la qualité des informations recueillies durant les entretiens, et
d'apporter des précisions potentiellement intéressantes. Ce choix m'a semblé pertinent d'un
point de vue scientifique, car il permettait de nuancer les opinions des visites uniques
effectuées par la plupart des participants. En effet, comme ceux-ci étaient limités à un seul
entretien concernant un seul magasin, il aurait été parfois difficile d'interpréter des opinions
positives ou négatives, chaque fois que les interviewés auraient eu du mal argumenter, justifier
leurs opinions ou identifier la cause de leurs émotions. Bien que ces données sur la confusion
soient intéressantes en elles-mêmes, j'ai pensé que de présenter à l'interviewé un autre
concept-store aux variables structurelles identiques mais doté d'une thématisation très
différente, pourrait permettre d'isoler les opinions concernant le concept-store dans sa
structure générale, de celles jugeant en fait la thématisation si particulière de l'un ou l'autre
magasin. Malheureusement, pour des raisons de temps et de charge de travail, je n'ai pu
appliquer cette méthode pour tous les candidats.
Définition de la méthode d'échantillonnage
Dans le cadre de cette étude, aucun des individus interviewés n’a été informé au préalable de la
nature de la visite qu’il allait faire, et encore moins du nom et de l’adresse du magasin concerné.
Chacun a été mis au courant du fait qu’il s’agissait d’une étude concernant mon mémoire de
master 2, consistant en une visite de courte durée (une vingtaine de minutes environ). Nous
avons d'abord convenu d'un lieu de rendez-vous à proximité du magasin. La personne a ensuite
été informée que cette visite serait suivie d’un entretien d’une vingtaine de minutes lui aussi
(en fait, la durée moyenne de l’entretien a varié d’un quart d’heure à plus de quarante minutes
en fonction de la loquacité du candidat). La totalité des enregistrements s'élevant à environ
neuf heures.
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27
J’ai bien entendu pris toutes les précautions pour ne pas communiquer aux futurs visiteurs ni
l’objet de mes recherches ni les aspects de l’expérience qui m’intéressaient plus
particulièrement. Le but de cette démarche était bien entendu de ne rien faire qui puisse
orienter la personne, ou lui donner la possibilité de se renseigner par avance sur le magasin, ce
qui aurait eu pour conséquence de fausser les résultats de cette étude. Il était impératif pour
moi que cette expérience se déroule sur un terrain inconnu pour l'individu, afin de préserver la
spontanéité de ses réactions et de ne pas biaiser sa perception de l'expérience.
Après le rendez-vous pris non loin de la boutique et une rapide mise au point concernant la
durée de la visite, j’ai accompagné chacun des participants de mon expérience à la porte du
magasin. J'ai fait en sorte que chacun d’entre eux pénètre seul après avoir tenté de le mettre le
plus à l’aise possible en lui demandant de prendre son temps pour observer ce qui
l’intéresserait, d’éviter de rester moins de quinze minutes, de ne pas se sentir obligé à l’achat et
de ressortir quand bon lui semblerait une fois fait le tour de l’espace de vente. Je lui ai précisée
que je l’attendrai à un endroit convenu non loin de l’entrée de la boutique. J'ai ensuite laissé la
personne pénétrer seule à l’intérieur du magasin, et lui ai indiquée qu'elle pouvait se
comporter à l'intérieur comme si elle visitait une boutique dans laquelle elle aurait décidé
d’entrer par elle-même.
Une fois à l’intérieur, la personne a pu se déplacer à sa guise en se laissant guider par ses
intérêts ou ses envies, en portant suffisamment d’attention pour pouvoir ensuite en discuter de
manière informelle durant l'interview. Dans le but de ne pas biaiser les résultats de l’étude,
j’avais demandé aux personnes de ne pas être accompagnées, afin d’isoler l’expérience
personnelle et le perçu individuel.
La personne une fois sortie du magasin devait me retrouver dans un cadre aussi agréable que
possible et permettant une relative tranquillité, mais situé dans les environs immédiats du lieu
visité, afin de ne pas lui laisser le temps de prendre du recul ou d’analyser son expérience, le
ressenti "brut" étant primordial pour mon étude.
Les lieux choisis ont donc été un banc dans un parc tout proche (L’Eclaireur), les marches de
l’église suitée de l’autre côté de la rue (Colette) ou encore un café. J’ai considéré que le temps
de latence entre l’expérience et l’interview devait être aussi court que possible. Ce point
revêtait pour moi une importance capitale pour assurer la stabilité et la cohérence des
informations que je voulais recueillir.
L’endroit choisi pour l’interview devait de plus être appréhendé comme suffisamment agréable
pour se livrer à une discussion spontanée pour le participant de l’expérience et très contrôlée
pour l’interviewer. En effet, j’avais préparé un enregistreur MP3 que j’ai tenté de rendre aussi
peu présent pour la personne interviewée que possible. J’avais aussi préparé une liste de
questions tout en gardant pour objectif de ne m’en servir de manière semi directive, en me
réservant la liberté de rebondir sur une question, de trouver des précisions, voire reposer une
question en la formulant de manière différente, tout en laissant bien entendu à la personne le
temps nécessaire pour répondre librement et naturellement. Le fait que je connaissais chacune
de ces personne a permis une plus grande liberté de ton et une plus grande spontanéité,
permettant ainsi de collecter plus d’informations dans un laps de temps plus réduit.
Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest
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J’ai en effet fait en sorte que les gens se sentent aussi à l’aise que possible en ma présence. Le
guide des questions m’a été utile en particulier pour ne pas me laisser perdre par la masse des
informations recueillies et réflexions parasites ou digressions de l’interviewé. Enfin, j’ai toujours
eu à l’esprit de m’obliger à garder un maximum de distance et de conserver un maximum de
professionnalisme.
Ces entretiens m’ont pourtant permis d’observer dans certains cas que la personne interrogée
pouvait avoir du mal à s’exprimer ou à faire ressentir ses impressions et à les partager
(sémiotique, précision du sens des mots, etc…). Il m’a donc aussi fallu tenir compte de
l’appréhension, de l’expression corporelle, des intonations ou de la manière d’utiliser certaines
expressions ou métaphores. Il m’a encore fallu faire tout particulièrement attention aux non-
dits et aux sous-entendus utilisés consciemment ou non par les interviewés.
Pour finir, un important travail d’analyse et de passage au crible de ces réponses m’a permis
d’extraire de cette masse d’informations des expériences individuelles et des tendances
générales bien différenciées en me concentrant sur les variables recherchées.
Les individus après l'interview ont été mis en courant de l'objet de mon étude et bien sûr
remerciés pour leur coopération
Mode de recueil
Le nombre d’interviews que j’ai jugé suffisant a été de 25. J’ai constitué ensuite trois dossiers,
deux nommés d’après le nom du magasin visité et un comportant les entretiens des personnes
ayant visité les deux magasins l'un après l'autre. J'ai par la suite groupé dans ces dossiers les
différents enregistrements sonores individuels de chacune des personnes interrogées, classés
en fonction du prénom de l’interviewé.
4.3 DEFINITION DES VARIABLES
Une étude du type de celle à laquelle je me suis livrée répond à plusieurs questions. Dans
l'approche ouverte et inductive de généralisation et d’abstraction des données qualitatives qui
est la mienne, les données sont d'abord regroupées dans des catégories. Leurs choix a été
établi en fonction des questions que j'avais posé durant les entretiens.
La série de questions que j'avais élaborées et systématiquement utilisées durant les entretiens,
a ensuite servie de base pour créer deux grandes catégories: Les questions touchant au
comportement du consommateur ainsi qu'aux aspects relevant du concept-store lui-même.
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Thèmes abordés ayant trait au
comportement du consommateur et à
ses états affectifs:
Thèmes abordés ayant trait au
concept-store:
Premières impressions Design / décor (extérieur/
intérieur)
La qualification de l'expérience
par le consommateur
Produit
L'état émotionnel /sentiments Prix
La perception de l'ambiance/
atmosphère
Personnel
Les cinq sens : la vue, l'ouïe, le
toucher, l'odorat, (le gout)
Clients
Envie d'acheter Emplacement du magasin
Envie de revenir Lieu de vie
Envie de recommander
Les remarques propres
Le magasin qui lui ressemble
Recueil des données
Au fur et à mesure que les visites et les entretiens s'enchainaient, sur une période qui a duré
deux mois environ, chacun des enregistrements a été réécouté afin de procéder à leur
retranscription manuelle sur format Word de manière aussi précise que possible.
Cette méthode de travail et de recueil des données m’a demandé de consacrer un temps assez
important, mais s’est avérée particulièrement précise et fiable. Une fois le travail de
retranscription effectué, la méthode s’est révélée particulièrement pratique compte tenu de la
souplesse avec laquelle elle permettait de travailler sur les données, de les articuler et de les
organiser.
La première étape de l'analyse de contenu a consisté à transformer le discours de l’interviewé
en un verbatim, c'est-à-dire à transformer le document oral (enregistrement audio Mp3) en un
texte écrit. Je suis cependant allée un peu plus loin en prenant en compte en plus du simple
discours de la personne interviewée un certain nombre d’éléments non exprimés et qui sont
particulièrement significatifs : les comportements, la gestuelle, le choix des mots, les non-dits
et les sous-entendus ont été notés quand nécessaires, sous forme de didascalies.
Ensuite ces entretiens ont été "découpés" et replacés dans un tableau construit sur la base des
questions du guide d'entretiens. En effet les discussions ayant été assez libres, ont permis au à
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l'interviewé de digresser, de répondre à une autre question que celle qui venait d'être posée,
ou d'interrompre sa pensée pour revenir sur un thème déjà évoqué. Tous ces comportements
durant l'entretien ont eu pour résultat des informations ne répondant pas aux questions
préalablement posées, ou du moins pas au moment voulu par l'interviewer. L'utilité du tableau
a été de faire correspondre le thème l'information recueillie à la bonne question.
De plus, et au passage, les informations ont pu être divisées dans deux parties distinctes
correspondant aux opinions et critiques plutôt positives, ainsi qu'à celles plutôt négatives. Cela
m'a permis en un coup d'œil d'identifier l'opinion générale d'un visiteur sur l'expérience qu'il
vient de vivre et en même temps de voir quels éléments constitutifs de l'expérience sont jugés
plus négativement ou positivement que les autres.
Codification
Les données ont été synthétisées, et après avoir effectué un repérage thématique, elles ont été
classées en fonction des catégories d’analyse qui sont ressorties des interviews.
A l’aide du tableau basé sur le guide d’entretien et grâce à une connaissance générale accrue
des thèmes environnant les consommateurs d'un concept-store, j'ai recherché les sous-
ensembles dans le texte en les surlignant, d'une couleur différente. J'ai ainsi pu opérer une
codification sélective.
Certaines règles de codification se sont avérées difficilement applicables. Celle selon laquelle
tous les propos des interviewés devraient être codées sans qu'aucune ne échappe ni ne soit
écartée de l’analyse, n'a pas pu être appliquée à la lettre, même si tout a été mis en œuvre
pour éviter que des informations soient négligées et que l'analyse en ressorte biaisée.
Cependant, la quantité relativement importante de propos hors sujets ou non pertinents qu'ont
révélée les analyses, a irrémédiablement entrainé l'exclusion de certains d'entre eux.
Une autre difficulté a résidé dans le fait d'avoir des catégories isolant les informations les unes
des autres exclusivement. En effet, certains propos, certaines unités sémantiques semblant
insécables donnaient pourtant l'impression de contenir plusieurs informations en même temps,
les rendant classables dans deux ou plusieurs thèmes à la fois. Ces thèmes ayant été rencontré
lors de la revue de la littérature sur le sujet, il est apparu qu'il ne s'agissait pas d'une erreur
dans le choix du thème mais qu'effectivement, des idées, des phrases contenaient une
multiplicité de thèmes. J'ai cependant évité de copier l'unité sémantique dans deux ou
plusieurs cases à la fois pour ne pas être induite en erreur, et ai essayé autant que possible de
classer l'unité dans la catégorie lui correspondant le plus.
Les unités de sens choisies ont été diverses, mais l'unité principalement utilisée a été l'unité
sémantique. Je me suis d'abord intéressée aux passages clés ayant une signification pertinente.
J'ai repéré dans le texte les phrases, les morceaux de phrases, voire même les mots, qui
évoquaient une même idée, comme par exemple "la surprise" et les surlignais. Cela a impliqué
de s'arrêter presque à chaque phrase afin d'identifier si les noms, verbes et adjectifs analysés
correspondaient à l'idée recherchée ou appartenait à son champs lexical. L'utilisation des outils
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  • 1. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 1 Université de Paris Ouest Master 2 MOI Classique Concept-store : Limites et conditions d'efficacités Emilia Korba n° 28009112 UFR Segmi – Département Gestion
  • 2. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 2 SOMMAIRE 1 Introduction ....................................................................................................................................3 2 Le cadre d'analyse ...........................................................................................................................5 2.1 Le comportement du consommateur .......................................................................................5 2.1.1 Le consommateur, "éternel frustré"..................................................................................5 2.1.2 Le consommateur à la recherche de l'expérience, de la surprise et de l'émotion..............9 2.2 Le Marketing de l'expérience..................................................................................................12 2.2.1 Rappel historique............................................................................................................12 2.2.2 L'expérience et ses implication pour le Marketing...........................................................13 2.2.3 Implications (solutions) marketing de l’expérience et valorisation de l’offre ...................14 2.3 Concept-store: fine fleur du Marketing expérientiel ...............................................................15 2.3.1 Historique.......................................................................................................................15 2.3.2 Définition des magasins d’atmosphère et typologies des caractéristiques.......................16 2.3.3 Caractéristiques communes des concept-stores..............................................................18 3 Hypothèses et propositions de recherche......................................................................................20 4 Méthodologie................................................................................................................................23 4.1 Type de recherche..................................................................................................................23 4.2 Echantillon et recueil de données...........................................................................................24 4.3 Définition des variables ..........................................................................................................28 4.4 Traitement des données.........................................................................................................31 5 Résultats .......................................................................................................................................34 5.1 Résultats globaux ...................................................................................................................34 5.1.1 Chez Colette ...................................................................................................................34 5.1.2 Chez L'Eclaireur...............................................................................................................38 5.2 Résultats principaux: La surprise et les réactions qui l'accompagnent.....................................40 5.2.1 Quand la perte de repères s'accompagne d'une réaction positive (de la curiosité à l'euphorie)......................................................................................................................44 5.2.2 Quand la perte de repères entraine une réaction négative (réactance psychologique, dénigrement et rejet)......................................................................................................47 5.3 L'authenticité .........................................................................................................................50 5.3.1 L'authenticité, un jugement "objectif"............................................................................50 5.3.2 L'authenticité, jugement lié à la perte de repères et à l'identification..............................54 5.4 Identification..........................................................................................................................57 5.4.1 Quand authenticité rime avec identification ...................................................................57 5.4.2 Quand authenticité ne rime pas avec identification ........................................................60 5.4.3 Quand inauthenticité rime avec désidentification...........................................................62 6 Discussion .....................................................................................................................................66 Conclusion.............................................................................................................................................76 Références.............................................................................................................................................79 Annexes.................................................................................................................................................85
  • 3. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 3 1 INTRODUCTION "Ce n’est pas un magasin, c’est une expérience. Ce projet est la mise en forme d’un rêve, d’une intention nourrie d’émotions, d’histoires, de mémoire, comme un conte dans lequel, j’espère, chacun pourra retrouver un peu de lui-même." Arne Quinze Le marketing expérientiel est devenu en l’espace des deux décennies précédentes un des pans les plus marquants et les plus significatifs du marketing. L’introduction de l’approche expérientielle en marketing a permis à la recherche d’intégrer et de mettre en avant des concepts issus d’autres domaines tels que la sociologie, l’anthropologie et surtout la psychologie, en plaçant au centre des préoccupations des chercheurs l’observation des comportements et du vécu intérieur du consommateur. Le principal acquis de l’approche expérientielle consiste à ne plus réduire le consommateur à un être exclusivement rationnel et objectif, mais au contraire à le voir comme doué d’émotions, cherchant à satisfaire des besoins autres que matériels à travers l’acte d’achat. La démarche des professionnels du marketing, et plus généralement des entreprises, avait consisté exclusivement, jusqu’à l’introduction de cette approche, à axer l’offre sur des éléments objectifs, tels que le prix du produit ou service, ou sa qualité. Cette approche rationalisante avait provoqué un véritable désenchantement de l’environnement du consommateur. En réaction, ce dernier a ressenti, de manière plus ou moins consciente et exprimée, le besoin de redonner une dimension magique à cet environnement, de se retourner vers le merveilleux, le rêve, bref, de redonner du sens à l’acte d’achat. Le consommateur, désenchanté et blasé par une offre trop abondante, tant en quantité qu’en qualité, attendait un renouvellement de l’offre. C’est donc en tant que réponse des entreprises à ce besoin qu’est intervenu le marketing expérientiel, et qu'est apparu un nouveau type de magasins : les concept-stores. On a pu observer au cours de ces dernières années une multiplication de ce type de magasins. On peut dorénavant en trouver des exemples un peu partout dans le monde. Surtout, le concept s’est étendu à tous les secteurs d’activités. Néanmoins, leurs caractéristiques générales restent les mêmes : il s’agit de regrouper sur un même lieu plusieurs types d’offres de produits et/ou de services en les mettant en scène dans le cadre d’une théâtralisation totale de l’espace. Le concept-store s’appuie sur l’idée que la manière la plus significative de différencier l’offre compte tenue des évolutions des schémas de productions, des évolutions des technologies et des comportements de consommation, consiste à faire vivre au client une expérience forte à l’occasion de l’acte d’achat. Celle-ci doit être aussi inoubliable que possible, marquer durablement le consommateur pour tenter de le fidéliser et l'inciter à l'achat grâce aux tous les éléments de décor, d’architecture et d’ambiance. La relation client/lieu de vente est vue comme une véritable symbiose. Elle doit permettre aux deux parties un gain : l’entreprise attirera le client et le fidélisera, assurant ainsi ses ventes, alors que le client retrouvera la dimension « enchantée » qui lui faisait défaut.
  • 4. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 4 L’approche expérientielle a donné une justification théorique au concept-store. Les concept- stores mettent en effet tout un arsenal de conceptions plus ou moins novatrices en application pour assurer leur succès. Celles-ci seront développées en détail dans le corps de cette étude. Ces théories consistent avant tout à considérer qu’en agissant par divers moyens sur le ressenti du consommateur, on crée pour lui une réelle valeur ajoutée. L'expérience permet de plonger le client dans un état affectif et émotionnel. Cet état émotionnel aboutira à son tour idéalement à la constitution d’un lien fort entre le client et le magasin à travers un processus d’identification. La question est donc ici de déterminer l’adéquation de ces conceptions avec la réalité du ressenti du consommateur. Le concept-store s’érige effectivement en réponse au désenchantement du consommateur en lui procurant de l’extraordinaire, du plaisir, de la découverte et de l’inoubliable. Il doit incarner l’air du temps tout en donnant un aperçu des tendances à venir et rester unique et inédit dans l’objectif de transcender l’espace de vente, et surtout surprendre tout en gardant la personnalité qui lui donne sa légitimité aux yeux de sa clientèle. Ces objectifs ambitieux et en même temps apparemment difficilement conciliables nous amènent à nous poser un certain nombre de questions : l’expérience vécue réenchante-t- elle réellement le quotidien du consommateur ? De quelle nature doit être la surprise provoquée par le concept-store pour obtenir l’effet désiré sur le client ? Cette surprise est-elle forcément créatrice de valeur pour le consommateur? Indéniablement, l’approche expérientielle du marketing et les concept-stores en particulier ont permis un renouvellement et une redynamisation de l’offre, effectivement suivie d’effets, à en juger par l’engouement qu’ils provoquent auprès de la clientèle et surtout la multiplication de ce type de magasins. Il est donc intéressant de se demander d’où provient leur succès : quels sont les éléments qui le permettent? Est-il pérenne, ou s’agit-il d’un simple effet de mode ? L’objet de cette étude est donc de vérifier la véracité de la théorie du marketing expérientiel en la confrontant à l’expérience pour tenter d’identifier ses limites et le cas échéant, déterminer des pistes pour les dépasser. Les concept-stores prétendent en effet asseoir leur succès sur de l’immatériel, du ressenti, donc de l’indescriptible. Quelle est concrètement la réaction du consommateur ? Y a-t-il pour lui une réelle valeur ajoutée ? La première partie de cette étude aura pour but de déterminer le cadre de l’analyse. Le comportement du consommateur fait apparaître un certain nombre de traits dominants: la lassitude, la frustration et la recherche d'une expérience qui lui permettra de redonner un sens à l’acte d’achat. Les conceptions du marketing expérientiel, apparues relativement récemment sont en effet avant tout axées sur la notion de vécu qui doit contribuer à valoriser l’offre aux yeux du client. C’est dans le cadre des concept-stores qu’on peut observer la meilleure mise en application des théories du marketing expérientiel. Par leurs spécificités par rapport à un espace de vente classique, ils en constituent la matérialisation. A partir de cette base de départ, je développerai un certain nombre d’hypothèses concernant la validité de ces théories. Je suis partie du postulat de la focalisation du consommateur sur ses émotions, aspect particulièrement mis en avant par les concept-stores, qui cherchent à les susciter, en particulier en provoquant la surprise. Mon étude va consister à vérifier par l'expérience, en envoyant un panel de visiteurs-test dans deux concept-stores représentatifs, l'efficacité de ces théories telles que mises en œuvre dans les deux magasins. Les consommateurs ont-ils vécu lors de leur visite une expérience extraordinaire?
  • 5. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 5 La partie suivante sera plus spécifiquement consacrée à la méthodologie suivie dans le cadre de cette étude. J'ai choisi de procéder à une étude qualitative, plus précisément de type exploratoire et descriptif. Concrètement, j'ai fait visiter 2 concept-stores parisiens (Colette et L’Eclaireur) par 19 personnes peu familières avec ce type de boutiques (pour un total de 25 visites) avant de leur faire répondre à un questionnaire selon une procédure semi-directive. Les deux magasins ont été choisis en fonction de leur notoriété et de leur pérennité, ces deux critères m'ayant amené à supposer que tous deux maîtrisent leur concept de manière satisfaisante. J'en viendrai ensuite à la présentation des résultats. J'analyserai tout d’abord les résultats globaux. Il s'agit de l'exposition des réactions des visiteurs après leurs visites des magasins par leurs réponses à la série de questions préparée au préalable. Ces questions concernent le comportement du consommateur et les caractéristiques du concept-store, ainsi que les tendances qui en ressortent. Je m'intéresserai ensuite aux résultats principaux, en particuliers aux aspects liés aux notions de surprise, d’authenticité et d’identification et en particulier à leurs interactions. La dernière partie de cette étude sera enfin consacrée à la discussion des résultats. Les principaux axes développés concerneront la maitrise de la surprise et de la déstabilisation du consommateur par le concept-store, le lien qui existe entre cet aspect et la notion d’authenticité, et enfin aux facteurs déterminant l’identification ou non du consommateur au concept-store. La conclusion sera axée sur les apports de mon étude, en particulier ceux concernant les limites de l’efficacité des concept-stores, et sur les voies de recherche à développer ultérieurement dans cette optique. 2 LE CADRE D'ANALYSE 2.1 LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR 2.1.1 LE CONSOMMATEUR, "ETERNEL FRUSTRE". "Nous passons d’une culture fondée sur le refoulement des désirs et donc des névroses à une autre qui recommande leur libre expression et promeut la perversion. La "santé mentale" relève aujourd’hui d’une harmonie non plus avec l’idéal mais avec un objet de satisfaction." C’est par ces mots que Charles Melman, éditorialiste de la revue Passage, exprime l’avènement de la société postmoderne, qui accorde une place toujours plus grande à l’individu et à la satisfaction de ses désirs plus qu'à celle de ses besoins. Pour l’homme postmoderne qui est avant tout un consommateur ou homo cliens, pour reprendre la terminologie de Chétochine, (Chétochine, 2005) cette satisfaction immédiate des désirs est un facteur déterminant de l’équilibre, de la santé mentale. Plus que la satisfaction d’un réel besoin, c’est tout le processus - la mise en scène de la satisfaction immédiate de son désir - qui devient primordiale.
  • 6. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 6 De plus, il est intéressant de constater que cette satisfaction immédiate, comme toutes les addictions, provoque un effet d’accoutumance, c'est-à-dire qu’elle devient avec le temps, et surtout la pratique, de moins en moins effective. Ce que promettent la publicité et le marketing est trop souvent démenti par le cadre de consommation, voire le produit lui-même. Cette déception, cette impossibilité à satisfaire ses pulsions, amène le consommateur à un sentiment de frustration. L’intervention de la notion de pulsion nous montre bien à quel point, pour le consommateur, l’acte de consommation s’est inscrit dans le registre de l’irrationnel. La pulsion se définit en effet comme un "état d’excitation qui oriente l’organisme vers un objet grâce auquel la tension sera réduite" (Chétochine, 2005). Le consommateur est donc soumis à cet état de tension provoqué par le désir de consommation, or la satisfaction de ce désir ne suffit plus à faire disparaître cette tension, pas même, semble-t-il, à la réduire de manière significative. Le consommateur, aiguillonné par les arguments du marketing est poussé vers l’objet de consommation, s’exaspère en espérant que l’acte de consommation lui procurera un sentiment d’accomplissement, mais se trouve immanquablement déçu dans ses attentes. L’acte de consommation n’aura donc plus qu’à être recherché de nouveau, avec frénésie. On a pu voir par ce raisonnement comment l’objet de consommation lui-même semble occulté par le cérémonial que représente la consommation. Il reste pourtant au centre du raisonnement du marketing puisque c’est lui qui est le prétexte à l’acte de consommation. La nature de l’objet de jouissance peut être très variée. Il peut s’agir tout simplement d’un produit, dans le cas le plus évident, mais aussi d’un repas dans un restaurant, d’une exposition, d’une émission de télévision, ou encore d’une promotion. Le marketing, en particulier par l’intermédiaire des média, met en avant ces objets de jouissance auprès du consommateur, attisent sa convoitise tout en entretenant en lui le sentiment – déjà fortement ancré – que le droit à l’assouvissement de son désir et à la jouissance est un droit inaltérable. D’où par exemple des slogans du type "Soyez raisonnables : faites-vous plaisir !"1 . La publicité et le marketing mènent leur offensive sur plusieurs fronts, en mettant en avant à la fois un produit ou un service, mais aussi la marque, voire un mode de vie dont la marque s’érige en archétype. Le mécanisme de la frustration s’articule en deux temps. D’abord un début d’accomplissement, rapidement compensé ensuite par un brusque arrêt. La jouissance ne peut donc jamais être complète. La frustration, en l’empêchant d’atteindre un état de satisfaction complète, provoque au contraire chez le consommateur un sentiment d’insatisfaction totale. Il faut pourtant au préalable que le consommateur soit fermement convaincu de son plein droit à la jouissance. Pour le consommateur, ce droit devient en effet une manière de se définir, d’atteindre l’accomplissement à partir du moment où il a pris la décision de consommation ou de possession. Confronté à ce sentiment d’être arrêté dans un de ses droits les plus inaliénables, celui de la jouissance, le consommateur éprouve un sentiment d’injustice. Cette injustice correspond au 1 Slogan publicitaire de la Renault Mégane, cité par Hetzel, in Planète Conso, Editions d’Organisation, Paris, 2002
  • 7. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 7 fait d’avoir été indument privé des bénéfices réels ou supposés promis par le marketing. Par cette injustice, le consommateur devient victime. Victime, il est amené à éprouver de la rancœur pour ceux qui l’ont arbitrairement privé de la jouissance. Le droit de vengeance prend pour lui naturellement la relève du droit à la jouissance, et est tout aussi profondément ancré en lui. La frustration devient donc à ce stade indiscutable. Elle est une perception et entraine naturellement une réaction, un comportement. Ce comportement est en général une agressivité incontrôlable, pulsionnelle, irrationnelle (d’autant plus qu’elle est à ses propres yeux parfaitement justifiée et rationnelle). Le consommateur frustré cherche premièrement à tirer vengeance des responsables de sa victimisation injustifiée et à voir reconnue son innocence, à être réhabilité. Ces responsables ne sont autres que les entités chargées de permettre au client d’assouvir son désir de consommation, c'est-à-dire les marques ou enseignes de distribution, entreprises, magasins, restaurants, cinémas, en général tout type d’entreprise lui proposant biens ou services… Par rapport à ces responsables de sa frustration, le client cherche à faire valoir un nouveau droit : celui d’être plaint par des témoins qui - à ce qu’il imagine - ne pourront que constater l’injustice et prendre son parti. Cette fois encore, il est souvent déçu dans ses attentes et la frustration s’accumule à d’autres. En règle générale, ces frustrations peuvent être classifiées en sept types différents (Chétochine, 2005): Les sept types de frustration Le premier type de frustration est celui qui se rattache à la perte de temps, qu’elle soit justifiée ou non. Cette frustration agit de deux manières sur le consommateur. Premièrement, elle le rend particulièrement agressif. Deuxièmement, elle a tendance à réduire la volonté d’achat : le consommateur qui a l’impression de perdre son temps prêtera moins d’attention aux offres et aux promotions diverses et aura moins tendance à se livrer à un achat d’impulsion. Le deuxième type de frustration concerne la relation aux normes. Le consommateur est enclin à de moins en moins bien supporter la norme, perçue par lui comme une contrainte inutile et contreproductive. Ces normes lui sont imposées par des organismes (administration, banques ou encore compagnies d’assurance) sur lesquelles l’individu, le consommateur, n’a aucune prise. Le cadre considéré comme étroit de la norme que ces organismes imposent est donc perçu comme extrêmement victimisant et frustrant. La relation de l’individu à l’égard de ces organismes est pourtant largement ambiguë. En effet, l’individu attend d’eux qu’ils assurent sa protection et sa sécurité, sans pour autant empiéter sur sa marge de manœuvre et sa liberté. Pour caricaturer, l’individu attend d’eux qu’ils le prennent en charge tout en le laissant tranquille. Le type suivant de frustration s’applique à la sphère de la relation à l’autre. La notion de communication en général ne se réduit pas au seul aspect verbal (ou écrit) et intentionnel. Elle s’élargit à tout processus par lequel les êtres humains influent les uns sur les autres. Tous gestes, regards, intonations ou même silences qui pourraient trahir une intention font donc partie de la communication et peuvent être source de frustration. Le consommateur y est particulièrement sensible. Un mot plus haut qu’un autre, un regard, un ton soit peu malveillant ou un geste malencontreux pourront déclencher la frustration du client. Il peut alors réagir de deux manières : la première est l’agressivité, la deuxième est la fuite.
  • 8. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 8 La quatrième frustration est provoquée par le sentiment d’asymétrie. Le propre de l’individu consommateur contemporain est de ressentir avec une intensité particulière le sentiment de son unicité. Le consommateur est pourtant environné en permanence de ses semblables. Il lui suffit de s’en rendre compte pour se sentir anonyme, pour avoir l’impression de faire partie d’une masse indifférenciée. Chacun va donc faire en sorte de tenter de se différencier tout en essayant d’empêcher l’autre de lui être différent, ou au moins d’être "mieux" que lui. La cinquième frustration est provoquée par la société d’abondance elle-même. Vivant au milieu d’un système de surenchère de l’offre, le consommateur est, nous l’avons vu, fermement convaincu d’avoir droit à tout. Les limitations financières elles-mêmes trouvent le moyen d’être écartées par les ressources des divers types de facilité de paiement ou du crédit à la consommation. Les organismes qui proposent ce type de facilité entretiennent l'idée chez le client que tout lui est possible et qu’il peut s’affranchir de la limitation de ses moyens financiers. Se voir refuser son droit à l’assouvissement pour un argument financier est doublement traumatisant : à la fois frustrant et complexant, puisque l’individu se trouve rabaissé par rapport à d’autres, qui eux peuvent se permettre ce qu’on lui refuse. Le sixième type de frustration provient du fait que le consommateur n’est pas disposé à accepter l’imperfection lorsqu’il s’agit de sa propre consommation. Le consommateur refuse d’être soumis à l’aléatoire et à l’incertain. Il les perçoit comme une tromperie, ce qui provoque à nouveau la frustration. Cette fois encore, il aura tendance à se mettre en quête des coupables pour se venger. Le septième et dernier type de frustration est une sorte de mise en abyme de la frustration. Paradoxalement, les usages de nos sociétés qui promeuvent l’expression de l’individualisme et de la singularisation enferment les individus dans des comportements stéréotypés. On a le sentiment que, contrairement à ce qui est partout affirmé et ressassé, la marge de manœuvre accordée à l’individu est en fait très réduite, ce qui est en soi vecteur de frustration. De plus, les comportements sociaux exigent que seuls les sentiments valorisants soient exprimés. Une chose aussi négative que la frustration doit être intériorisée et non s’exprimer en public avec exubérance. A la rigueur, elle peut être l’objet d’une manifestation collective (manifestation de masse, grève), à la condition néanmoins de garder une certaine retenue et surtout qu’aucun des individus qui y prennent part ne se singularise par un comportement asymétrique. En définitive, les cadres sociaux génèrent toutes ces différentes frustrations dont nous venons de faire l’inventaire, mais empêchent en même temps l’individu de s’en soulager en les exprimant. Cet état de fait paradoxal a pour conséquence l’exaspération du sentiment de frustration. Le principal danger est de rendre l’individu frustré tellement agressif qu’il en deviendrait incontrôlable.
  • 9. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 9 2.1.2 LE CONSOMMATEUR A LA RECHERCHE DE L'EXPERIENCE, DE LA SURPRISE ET DE L'EMOTION La frustration est une focalisation du consommateur sur l’aspect affectif de l’acte de consommation. En réaction, les marketeurs se sont employés à la compenser par d’autres éléments se situant sur ce même plan affectif, mais chargés d’un ressenti positif. Ainsi les notions de "bien-être", de "plaisir", de "convivialité" ou encore de "passion" sont-elles mises en avant. Les profondes mutations sociétales qui se sont produites lors des trois dernières décennies vont considérablement influencer le comportement du consommateur. Ainsi vont se développer de nouvelles tendances en matière de consommation. Les attentes et les besoins des consommateurs vont évoluer dans plusieurs directions qui seront parfois divergentes et parfois convergentes. On parle alors de métissage (Boyer et Burgaud, 2000). Des styles, des goûts, des groupes différents coexistent et créent une diversité saisissante. La consommation permet à tous et à chacun d’affirmer son identité et son appartenance à ses divers groupes de référence. "Le consommateur est devenu caméléon, arlequin, multifacette et ne peut donc plus être identifié par les seules variables de type sociodémographique." (Boyer et Burgaud, 2000). Bien entendu, l’utilité reste une condition nécessaire, mais non suffisante. L’utile doit dorénavant être en même temps agréable. Car, plus qu’un être simplement rationnel à la recherche de produits strictement fonctionnels, le consommateur actuel s’affirme comme un être à part entière, doué de sentiments et d’émotions. Si le consommateur attend des entreprises qu’elles le séduisent et le surprennent, alors celles-ci doivent logiquement intégrer une dimension immatérielle et émotionnelle. Nous allons nous appuyer sur un article de Vézina (1999) afin de mieux définir ce que l’on entend par expérience du consommateur. Vézina présente quatre propositions caractérisant cette notion : 1) Le consommateur n’est pas que consommateur. Les individus ne sont pas uniquement des consommateurs mais tiennent dans la société différents rôles qui vont influencer leur manière de consommer, de choisir leurs produits,… Il est de ce fait important de s’interroger sur la place qu’occupe la consommation dans la vie d'individus qui ne consacrent pas tous autant de temps ou d’effort à leur rôle de consommateur. 2) Le consommateur agit à l’intérieur de situations. Il n’est pas possible de produire des lois de comportement universelles car les facteurs situationnels influencent les sujets étudiés. La situation joue un rôle majeur en comportement du consommateur. On ne peut pas isoler les consommateurs de leur environnement. Concernant le rapport à l’espace, le critère déterminant concerne le lien entre l’individu et le milieu dans lequel il s’inscrit. Un consommateur agira différemment, par exemple, selon sa situation financière ou le temps dont il dispose pour faire ses achats. De plus, un même
  • 10. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 10 consommateur peut agir de façon différente selon les situations d’où la nature insaisissable du consommateur. 3) Le consommateur est à la recherche de sens. Le consommateur est également un individu qui cherche à donner du sens à sa vie et qui, par conséquent, s’intéresse à la symbolique des produits ou services qu’il consomme. De ce fait, certains chercheurs s’intéressent à des thèmes tels que le lien entre une marque et le concept de soi du consommateur, le rôle des produits dans la cohésion sociale ou encore les valeurs et l’identité du consommateur. Si l’on peut dire que l’environnement d’un individu influence sa manière de consommer, on peut également avancer que "la consommation influence notre vie, nous aide à lui donner du sens, une direction, à l’ancrer dans la réalité. " (Belk, 1991, cité par Vézina, 1999) Hetzel, dans son ouvrage consacré au marketing expérientiel, a opéré une distinction entre les comportements et les attentes du consommateur (Hetzel, 2002). Concernant les comportements, il s’est appuyé sur l’interprétation postmoderne. Celle-ci repose sur avant tout sur ce que Lyotard (1979) a appelé « l’incrédulité à l’égard des métarécits ». A partir de là, il déduit toute une série d’éléments qui selon lui matérialisent la rupture entre cette époque et la précédente : l’époque moderne. Il s’agit en particulier de la fin des référentiels uniques, avant tout du référentiel temporel, de l’abandon des normes collectives au profit des normes fixées par l’individu, de l’élargissement des phénomènes de mode, plus généralement, de la mutation globale du système des valeurs. L’éclectisme : Selon ce principe, tous les styles, genres ou tendances bénéficient du même droit de cité sur le marché. De cette manière, tout individu pourra trouver à travers la consommation de produits qui lui correspondent une manière « authentique » d’exprimer et de développer sa propre personnalité. L’hédonisme : Dans une perspective hédoniste, la consommation devient avant tout une distraction pour l’individu. La consommation telle qu’elle se présente actuellement fait passer l’aspect esthétique du produit avant l’aspect utilitaire. En effet, les produits peuvent être classifiés en deux catégories : produits utilitaires d’un côté ; produits esthétiques de l’autre. Or, la conception traditionnelle du marketing s’est concentrée exclusivement sur les produits utilitaires. Hirschman et Holbrook (1993) considèrent que les outils de mesure de la consommation sont le reflet de cet apriori. Pour eux, il est nécessaire de développer de nouveaux outils d’évaluation applicables aux produits esthétiques (par exemple un concert). En outre, ils estiment que la démarche traditionnelle ne mesure que les affects, qui sont eux- mêmes une sous-catégorie de la réponse émotionnelle, qui n’est elle-même qu’une sous- catégorie de la réponse hédoniste (Hirschman and Holbrook, 1993). En fait, le consommateur est de plus en plus amené à réduire le temps qu’il consacre à ses achats de nécessité (ou "achat contraint"), pour consacrer proportionnellement plus de temps aux "achats de plaisir", plus relaxants. Par exemple, il peut s’agir pour le client d’une grande surface, de faire de la manière la plus efficace et la plus rapide possible son choix de nourriture pour la semaine avant d’aller flâner au rayon librairie. Pour Hetzel (2002),
  • 11. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 11 " … l’accélération temporelle est un retour des émotions où les esprits peuvent s’enflammer. A cet égard, si l’on parle donc justement aujourd’hui de marketing expérientiel, c’est probablement en raison de cette réapparition plus forte des passions ". Le tribalisme : A travers la consommation, des groupes se constituent. Au sein de ces groupes, les individus partagent une culture particulière, un certain nombre de valeurs communes. Au sein de ces groupes, l’individu est poussé par une double nécessité qui peut sembler contradictoire : imiter les autres membres de la "tribu" et s’en distinguer (dans la mesure qui sera tolérée par le groupe). A travers le tribalisme, on peut donc considérer que la consommation acquiert une dimension socialisante. La recherche de nouvelles expériences : Au cours des dernières années, on a pu se rendre compte que, confrontés à la banalisation de leur environnement, conséquence de la rationalisation à l’extrême, les consommateurs se montrent de plus en plus souvent en quête d’éléments qui tendent à "réenchanter" l’acte d’achat. Cette idée a été développée par plusieurs auteurs, en particulier Gottdiener (1997), Schmitt (1999) et Simonson (1997). "[les consommateurs sont en quête d’immersion dans des expériences variées+ afin d’explorer une multiplicité de nouveaux sens à donner à leurs vies en l’absence d’un modèle unique à suivre. Les consommateurs sont ainsi sur le marché pour produire leur propre identité et pour cela ils cherchent à s’immerger dans des expériences plutôt qu’à simplement rencontrer des produits finis ; ils privilégient ainsi les lieux de consommation “enclavés” dans lesquels ils peuvent faire l’expérience spectaculaire d’une marque en dehors de l’intrusion de tout élément extérieur." Plongé dans un tel cadre, le consommateur aura tendance à développer un type de comportement particulier, appelé "comportement expérientiel". Les travaux de Bourgeon et Filser (1995); Helme-Guizon (2001), fournissent pas exemple un éclairage particulièrement intéressant sur ce sujet. Concrètement, ce besoin de réenchantement se traduit par la recherche de rituels ou d’environnements qui permettront au consommateur de transcender des actions aussi quotidiennes et prosaïques que faire ses courses hebdomadaires dans son supermarché habituel. La dimension affective : Cet aspect consiste à considérer que le consommateur n’est pas seulement un individu strictement économiquement rationnel, mais cherche aussi à donner à ses achats un côté ludique. Les entreprises ont intégré cet aspect depuis un certain temps et, en conséquence, le
  • 12. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 12 marketing prend en compte cette évolution du comportement du consommateur vers l'irrationnel et le passionnel. L’esthétique : Cet élément intervient en conclusion logique des développements précédents. La dimension esthétique est devenue primordiale dans l’offre. Elle participe à la fois au réenchantement du quotidien et à la dimension émotionnelle de l’offre. L’esthétique ne concerne en effet pas seulement l’objet de consommation, mais aussi et de plus en plus le cadre de consommation. Désormais, les professionnels du marketing ont compris que les consommateurs sont des êtres humains vivants, avec un besoin expérientiel : les consommateurs veulent être stimulés, divertis, veulent apprendre et être défiés. Ils recherchent des marques qui leur procurent des expériences signifiantes et feront ainsi partie de leurs vies. Les expériences sont des événements intimes qui se produisent en réponse à certaines stimulations (par exemple par les efforts du marketing avant et après l’achat). L’expérience implique l’être tout entier et peut être insufflée dans un produit, utilisée pour améliorer un service, ou conçue comme une entité en soi. Les expériences donnent la possibilité au consommateur de prendre part à la consommation du produit ou du service à la fois physiquement, psychologiquement, émotionnellement, socialement et spirituellement, et rendent de ce fait l’interaction significativement réelle (Blois, 1997). 2.2 LE MARKETING DE L'EXPERIENCE 2.2.1 RAPPEL HISTORIQUE Pour le marketing, les années 80 ont été marquées par une crise qui a abouti à un éclatement de la discipline (Badot, O. et Cova, B, 1992). De nombreux professionnels du marketing ont pu penser que les années 90 seraient marquées par une réarticulation de la discipline autour de la notion de « relation ». Le marketing s’était en effet approprié ce concept, emprunté à la sociologie, en réduisant néanmoins son sens. Pourtant, certains chercheurs, en particulier Blois (1997), ont montré les limites de cette tentative de réorganisation. A l’heure actuelle, on cherche à redéfinir la discipline autour du concept d’"expérience". Après les premiers jalons posés par Holbrook et Hirschman dès le début des années 1980, plusieurs travaux ont montré toute la pertinence de ce concept, en particulier Hetzel. A l’heure actuelle, plus de 20 ans plus tard, il est en effet largement utilisé pour décrypter les comportements du consommateur. Depuis plusieurs années, les entreprises ont en effet adopté cette notion et l’ont mise au centre de leurs stratégies de différenciations, où elle a pris une nouvelle place aux côtés de celles, plus anciennes, de qualité et de service. Pour le consommateur, l’expérience contribue à donner du sens à l’acte d’achat, à réenchanter le quotidien, répondant ainsi à un besoin implicitement exprimé, comme nous l’avons vu plus haut. Par la thématisation de l’offre, l’expérience va alors contribuer à fidéliser la clientèle en donnant au consommateur l’impression que par cette expérience, il a désormais quelque chose en commun avec l’entreprise, qu’il partage une sorte
  • 13. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 13 de complicité avec elle. Le marketing expérientiel, en faisant intervenir des éléments non marchands dans l’offre, a impliqué la création de tout un arsenal d’éléments théoriques nouveaux. Depuis le début des années 2000, la recherche en matière de marketing expérientiel connait un développement particulièrement dynamique, en particulier grâce aux travaux de Schmidt (1999) et Hetzel (2002) et cette sous-discipline a acquis une véritable légitimité, en même temps qu’une audience significative. 2.2.2 L'EXPERIENCE ET SES IMPLICATION POUR LE MARKETING Dans son sens général, la notion d’expérience renvoie à une situation vécue, éprouvée par un individu, et susceptible de lui avoir permis de découvrir quelque chose de nouveau. Essayons maintenant de préciser le sens de cette notion en l’appliquant au marketing. Définitions de l’expérience et composantes En matière de marketing expérientiel, l’expérience est constitué d’un événement vécu par le consommateur avec un ressenti émotionnel plus ou moins fort. Ce vécu émotionnel a pour support le produit ou le service proposé à la consommation. Ce vécu peut être émotionnellement tellement fort qu’il peut, si on en croit les travaux d’Arnould et Price, aller jusqu’à changer le consommateur. (Arnould et Price, 1993) La consommation s’affranchit grâce à l’introduction de sa conception purement économique ou productiviste, en un mot, fonctionnelle, puisqu’elle devient génératrice de sens pour l’individu (Vézina, 1999). Elle permet donc à la consommation d’acquérir une dimension véritablement humaine. Par l’introduction de la notion d’expérience, des concepts jusqu’alors totalement ignorés par le marketing font leur apparition. Pine et Gilmore (1999) par exemple ont déterminé deux nouvelles variables dans lesquelles s’inscrit l’expérience. Il s’agit tout d’abord du degré de participation du consommateur à l’expérience ; cette dimension prend en compte la possibilité plus ou moins grande accordée à l’individu d’agir sur le déroulement de l’expérience. La seconde variable est l’intensité avec laquelle le consommateur s’immerge dans l’expérience ; plus cette intensité est forte, plus le consommateur s’intègre, physiquement et mentalement dans l’expérience ; au contraire, plus elle est faible, plus le consommateur reste extérieur à l’expérience. A partir de ces deux axes, quatre champs ont été définis :- divertissement- esthétique- évasion- éducation. "…le rôle des émotions dans le comportement, le fait que les consommateurs soient autant des sensitifs que des penseurs ou des acteurs, l’importance du symbolisme dans la consommation, le besoin d’amusement et de plaisir du consommateur, et le rôle des consommateurs, au-delà de l’acte d’achat, dans l’utilisation des produits." (Addis et Holbrook, 2001) Apparaît même l’idée que l’expérience est une nouvelle forme d’offre qui vient s’ajouter aux catégories classiques de bien et de service et pour laquelle le consommateur postmoderne est prêt à payer. Plus l’impression que l’expérience laisse sur le consommateur est importante, plus elle le marque, plus elle a de valeur. C’est là qu’intervient la nécessité de mobiliser les sens du consommateur. Une expérience qui fait intervenir les cinq sens du client a plus de chance
  • 14. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 14 d’être perçue comme significative, voire inoubliable. Sa charge émotionnelle en sera d’autant plus forte. Filser définit ainsi l’expérience de consommation : "(…) l’ensemble des conséquences positives et négatives que le consommateur retire de l’usage d’un bien ou d’un service. " (Filser, 2002). En affinant cette définition en s’appuyant sur les travaux de différents chercheurs (pour ce faire, nous nous baserons essentiellement sur les articles de Filser (2002) et de Benavent et Evrard (2002)), on peut lui attribuer les caractéristiques suivantes. Tout d’abord, puisqu’elle provoque des réactions émotionnelles chez le consommateur, celle-ci est avant tout subjective. Elle est donc singulière et unique, puisqu’elle dépend exclusivement de l’individu qui la vit et du sens qu’il lui confère. Ensuite, au-delà de l’acte d’achat lui-même, l’expérience de consommation commence avant l’achat lui-même et se poursuit après l’achat, influant par la même occasion sur les achats à venir (cette idée sera développée ultérieurement). Arnould et Price (1993) comptent 4 grandes étapes : l’anticipated consumption experience, qui regroupe toutes les phases préparatoires à l’achat (planification, budgétisation, fantasme de l’expérience, etc…) ; la purchase experience, l’expérience d’achat proprement dite (choix, paiement, prise de possession) ; la remembered consumption experience et la nostalgia experience, qui consistent dans le fait de revivre l’expérience ou de la faire revivre par le récit à des tiers. L’expérience d’achat englobe donc non seulement les aspects expérientiels, mais aussi les aspects fonctionnels. En conséquence, si on pousse ce raisonnement, on peut en conclure que tout acte d’achat constitue une expérience (Holbrook, 2000). Une expérience de consommation peut ne pas se limiter à une expérience individuelle, mais peut être effectuée conjointement par un groupe d’individus. Il est important de souligner une fois de plus que, pour reprendre la définition de Filser citée plus haut, toute expérience de consommation n’est pas nécessairement bonne, mais peut au contraire être vécue de manière très négative. 2.2.3 IMPLICATIONS (SOLUTIONS) MARKETING DE L’EXPERIENCE ET VALORISATION DE L’OFFRE L’intégration de la notion de marketing expérientiel a provoqué des modifications importantes dans la manière dont les entreprises présentent désormais leur offre. Les effets recherchés sont de natures diverses et ont pour but de permettre au consommateur de "s’immerger" dans l’expérience. A ce titre, le meilleur exemple de telles mutations est donné par la mise en application du concept de thématisation de l’offre. L'expérience doit remplir plusieurs conditions (Covà et Covà (2004) afin de valoriser la perception de l’offre par le client. Il s’agit tout d’abord de surprendre le consommateur en lui proposant de l’inhabituel, qui s’inscrira en rupture avec son quotidien "désenchanté". Le contexte doit être enclavé, c'est-à-dire qu’elle doit être en rupture avec le quotidien du consommateur, afin de lui procurer un sentiment d’évasion.
  • 15. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 15 Il faut ensuite lui offrir de l’extraordinaire par un travail sur les proportions (centres commerciaux surdimensionnés) ou sur l’authenticité ou le spectaculaire. En revanche le contexte doit être sécurisé, c'est-à-dire que le consommateur doit pouvoir se concentrer sur l’expérience sans être distrait par des perturbations externes. Il est ensuite nécessaire de stimuler ses cinq sens, afin de plonger le consommateur dans des expériences sensorielles fortes pour provoquer chez lui une réaction instinctive. Le support physique doit dorénavant permettre une parfaite gestion de la perception sensorielle. Nous avons déjà évoqué la nécessité de solliciter au maximum tous les sens du consommateur. Le renforcement de la sollicitation sensorielle a pour conséquence l’approfondissement de la dimension émotionnelle de l’expérience vécue par le consommateur. Enfin, l’organisation du support physique doit permettre de gérer le degré de liberté accordé au consommateur. Il faut enfin établir un lien fort entre l’entreprise et le consommateur pour créer une complicité, en thématisant l'offre, ce qui implique de s’intéresser à la notion de participation du client par l’intermédiaire d’aspects ludiques et interactifs non-marchand. Il peut s’agir de l’organisation d’ateliers, de jeux ou d’animations diverses, par exemple. Il peut aussi s’agir de la gestion du personnel de contact, avec une véritable politique en matière de relationnel afin de permettre un contact plus humain, voire passionnel entre le personnel et le client. Le support physique est bien entendu lui aussi à prendre en compte. L'ambiance particulière censée en résulter doit servir de cadre à l’expérience pour permettre à l’individu de donner du sens à l’acte de consommation. Un des moyens consiste à établir des renvois permanents à la marque en se servant de la symbolique associée à celle-ci afin de jouer sur les notions de repérages et d’identification. 2.3 CONCEPT-STORE: FINE FLEUR DU MARKETING EXPERIENTIEL 2.3.1 HISTORIQUE Avant l’apparition des grands magasins au cours du XIX° siècle, la consommation n’avait existé que sous la forme d’une simple interaction binaire client/vendeur. Dans le cadre de ce schéma simple, la distribution était assurée par le vendeur uniquement, au cours de foires ou dans son échoppe. C’est cette manière de procéder qui s’est a perduré pendant des siècles. La première évolution notable a été la création des passages, dont Paris a gardé un certain nombre d’exemples. Le passage offre au chaland un cadre préservé de la circulation et des intempéries. Pour la première fois, une réflexion concertée vise à concevoir un lieu d’achat multiservices qui prenne en compte le confort du client potentiel. L’apparition des grands magasins, au milieu du XIX° siècle, marque le franchissement d’une étape supplémentaire : cette fois, c’est un bâtiment aux proportions imposantes qui est conçu pour proposer à des clients des marchandises de toutes sortes. Surtout, apparait l’idée que l’acte d’achat n’est plus réduit à une tâche ingrate, rébarbative et donc confiée au petit personnel (le commissionnaire, l’économe ou la bonne), mais peut devenir en soi une activité
  • 16. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 16 agréable à laquelle la bourgeoisie peut s’adonner sans déchoir, dans un lieu de consommation dédié "au bonheur des dames"… Au cours des années et des générations suivantes, le concept a évolué vers le super- puis l’hypermarché, et surtout s’est généralisé. Le rapport client/vendeur a été bousculé par l’apparition du libre-service, l’extension des surfaces de vente et surtout l’explosion du nombre de clients dans un même lieu rendant de plus en plus difficile l’affectation d’un vendeur à chaque client. Le choix se multipliant, les étalages gagnent en étendue et le client est mis en contact direct avec le produit. Pourtant, le consommateur se lasse vite à cause de la surenchère d’offre opérée par les grandes enseignes de la distribution en particulier. Les aspirant-vendeurs semblant être au bout de leur logique concernant l’amélioration du produit vont devoir imaginer des moyens inédits de conférer une valeur supplémentaire. De plus, à l’heure où la technologie à tellement facilité l’acte d’achat que le client peut disposer des produits sans avoir même besoin de quitter son chez-soi (achats sur internet, services de livraison à domicile,…), ce dernier risque de se sentir isolé chez lui, en manque de contact humain. C’est donc sur l’environnement de l’acte d’achat que vont se porter les efforts des professionnels du marketing en offrant au client distraction et convivialité. Pour lui redonner l’envie de venir acheter dans un magasin, les marketeurs ont décidé de tirer profit de ce nouveau besoin par la création du concept-store. Le concept-store doit procurer au consommateur un sentiment d’étonnement et partant d’évasion. Chacun cherche à rivaliser d’originalité et en même temps à se renouveler aussi vite que possible afin e continuer à tenir en haleine un client blasé par cette surenchère d’offre que nous avons évoqué plus haut. Il en existe un nombre toujours plus grand et différents types, tous cherchant à fidéliser le client par leur créativité sans borne et leur capacité à offrir au client des expériences qui sortent de l’ordinaire. 2.3.2 DEFINITION DES MAGASINS D’ATMOSPHERE ET TYPOLOGIES DES CARACTERISTIQUES Le concept-store est avant tout un espace de vente unique. Il s’agit d’un lieu où l’enseigne tire sa représentativité et sa notoriété d’une créativité non pas tant concernant les produits proposés que l’espace lui-même, par son architecture, son organisation interne, son design et les autres facteurs d’ambiance que sont les fonds sonores ou olfactifs. C’est cet important travail créatif sur l’ambiance qui va permettre l’unicité du lieu de vente. C’est donc le cadre de vente qui conférera leur valeur ajoutée aux produits. C’est dans le domaine des loisirs que sont apparues ces innovations, avant de s’étendre peu à peu à tous les secteurs marchands. Pour reprendre les mots de Hetzel (2002), "l’heure est à la création d’ambiance. C’est un axe de réenchantement des espaces quotidiens du consommateur." Cette idée de réenchantement de l’offre est partagée par Filser qui développe
  • 17. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 17 l’idée que, pour obtenir ce résultat, les entreprises doivent suivre une démarche visant à "donner du sens" à leur offre. Bien qu’il soit souvent difficile de catégoriser les concept-stores vu leur parti pris d’originalité, on peut en différencier deux grands types : les magasins multimarques et unimarques. Les magasins multimarques regroupent plusieurs types de produits et plusieurs marques sous une même thématique. Pour pouvoir proposer une thématique crédible, le magasin doit avoir acquis une certaine notoriété, qui rendra l’esprit du magasin, sa « personnalité » clairement identifiable. Dans le cas de ce type de magasin, c’est donc le fait d’être proposé à la vente par tel magasin qui fera que tel objet sera « tendance ». Le cadre de vente devient ainsi effectivement une véritable valeur ajoutée. Pour cette raison, l’ouverture de tels magasins donne presque toujours lieu à une opération de communication, souvent de type « buzz », diffusée, en fonction de la stratégie choisie, soit le plus largement possible, soit uniquement à une catégorie d’ « initiés » triés sur le volet. Si l’ouverture du magasin est une réussite et que les clients reconnaissent comme légitime l’esprit du magasin, celui-ci pourra présenter une offre variée, mais devra chercher à la fois à garder sa personnalité tout en renouvelant constamment l’offre et en cherchant à proposer des objets originaux, qu’on ne trouve pas ailleurs. D’où l’importance des séries limitées et des exclusivités. Le magasin unimarque, couramment appelé flagship-store, cherche à renforcer la visibilité d’une marque Leur objectif est de surprendre le consommateur, le faire réagir pour obtenir un ressenti par rapport à la marque et à ses « valeurs ». Tous les moyens sont donc mis en œuvre pour donner une image aussi forte de la marque. Plus que des espaces de ventes, ces lieux sont conçus comme des lieux de divertissement. Le rapport qui doit être maximisé est le ratio image/investissement financier. De fait, les marques se donnent souvent les moyens de ce genre de politique d’image. Qu’ils soient permanents ou provisoires (dans leurs versions appelées pup-up stores), les flagship–stores sont toujours installés dans des endroits emblématiques. L’atmosphère est un aspect primordial de la stratégie des concept-stores. Elle est en effet à la fois un facteur de différenciation et un moyen d’agir sur le comportement d’achat du client. L’atmosphère fait intervenir toutes les ressources du design et des facteurs d’ambiance (sons, odeurs, couleurs, lumières…) et les met au service de sa stratégie de positionnement expérientiel. Elle prend aussi en compte l’organisation spatiale du magasin et les interactions client/personnel. Un des principaux aspects de la stratégie de différenciation des concept-stores repose donc sur le travail sur l’atmosphère. Ce travail prend en compte tous les éléments qui peuvent solliciter les sens du consommateur : couleurs, luminosité, fond sonore, parfums, voir goûts. Ces éléments sont intégrés au design global du magasin au même titre que le mobilier ou l’agencement interne pour offrir une cohérence à l’espace de vente. Sont aussi pris en compte les interactions de la clientèle avec le personnel. Tous ces effets sur la perception sensorielle et les réactions cognitives et émotionnelles du consommateur sont le fruit de l'ambiance globale du concept-store.
  • 18. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 18 Selon Turley et Milliman (2000), l’atmosphère d’un point de vente est constituée de 5 éléments : -l’extérieur (emplacement, parking, enseigne, architecture, façade et décoration extérieure) -l’intérieur (lumière, couleurs) -l’aménagement du magasin (organisation de l’espace, groupement des produits) -la décoration intérieure (exposition des produits, décoration) -les variables humaines (caractéristiques du personnel, mais aussi de la clientèle) Le travail sur ces 5 critères intervient pour obtenir un certain effet qui n’est plus d’inciter le consommateur à acheter avant toute autre chose, mais de le faire rester dans le magasin le plus longtemps possible, afin de créer une sorte de complicité entre le consommateur et la marque : la reconnaissance de la marque. Le critère le plus important dans cette perspective relève donc plus d’une logique marketing à long terme que de la rentabilité commerciale immédiate. Il s’agit pour résumer de fidéliser avant de vendre. 2.3.3 CARACTERISTIQUES COMMUNES DES CONCEPT-STORES Design La réalisation d’un concept-store fait appel aux talents des créateurs d’espace. Qu'ils soient architectes ou spécialistes du design, ils sont de plus en plus impliqués au processus d'élaboration du concept-store et de plus en plus tôt. Ils savent mettre en relation le positionnement stratégique d’une enseigne, ses produits, les consommateurs, le merchandising et l’architecture commerciale. Leur travail ne porte plus uniquement sur les produits, mais plus encore sur le point de vente. L'esthétique de l'endroit devant mettre le produit en valeur, leur rôle est d'esthétiser le cadre, pour qu'un produit possiblement banal devienne extraordinaire. "Nous employons des architectes visionnaires car nous devons concevoir quelque chose qui fonctionnera encore dans 50 ans". (Radic, 2003) Atmosphère et ambiances Tout doit être fait pour donner au consommateur l’impression que le milieu dans lequel il pénètre est en réelle rupture avec son quotidien. Un important travail est donc fait pour créer cette illusion de transplantation vers un ailleurs aussi bien spatial (ambiances tropicales, galactiques, ou autres) que temporel (retours vers un passé magnifié ou anticipation d’un futur fantasmé). Il est possible d'aller dans un concept-store sans avoir l'intention de passer à l'acte d'achat. Le consommateur peut tout simplement venir chercher une ambiance, une atmosphère, l'évocation d'un style de vie, voire d'un art de vivre à découvrir ou auquel s'identifier. Théâtralisation Quel que soit le thème qu'il choisit, le concepteur doit théâtraliser le lieu de vente tout en gardant à l'esprit les différents aspects à prendre en compte. Il s’agit premièrement de l’énonciation du thème: le référent sur lequel l’offre s’appuie doit être clairement identifiable
  • 19. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 19 par le consommateur, afin que ce dernier puisse s’y rattacher en permanence. Il s’agit ensuite de la mise en scène de l’offre. Le thème énoncé doit être rendu aussi visible que possible par l’intermédiaire des styles qui peuvent être considérés comme de véritables carrefours de la création. C'est la "mix attitude" contemporaine qui a donné naissance à des styles tels que le minimalisme, le rationnel (venu du Japon), le nouveau baroque, le kitch, les styles traditionnels qui restituent une époque, les classiques intemporels et les styles rassurants qui perdurent et incarnent des valeurs fortes. Tous ces styles sont devenus des classiques de l’aménagement architectural. Enfin, on retrouve des styles tels que l’avant-gardisme, les concept-stores s’inspirant de la muséologie, et dont élaboration requiert des savoir-faire d’une haute qualité. Intervient encore la création d’un récit sur le produit : le consommateur doit pouvoir comprendre le produit, son origine et sa vie afin que s’instaure un lien entre les deux. Normalement, ce récit participe à la création d’une relation à l’expérience qui permettra au consommateur de s’impliquer dans l’acte d’achat sur une base valorisante pour lui, puisqu’il ne se contentera pas seulement de pénétrer le lieu de vente pour consommer, mais pour se détendre et s’évader. La transaction marchande elle-même passe au second plan. Lieu de vie et convivialité Dans une société de "shopaholics", le concept-store devient à la fois un lieu pour se montrer, un endroit qu'on visite pour se sentir "chez soi", pour voir, pour "sentir" la tendance, ou encore pour partager de bons moments. Le consommateur, devenant hostile aux techniques de marketing trop agressives, voudrait pouvoir faire confiance à la marque ou l'enseigne de son choix. Pour ce faire, celle-ci n’hésite pas à inviter le consommateur à essayer ses produits dans une atmosphère de convivialité. Prenons l'exemple des espaces de restauration: que ce soit pour grignoter ou déguster un repas de gourmet, l'intention est bien celle de garder le client sur place, afin de prolonger le temps de sa visite, qu'il se concentre sur ses achats en ne quittant pas les lieux. Son temps de visite est alors accru et la potentialité d'achat plus forte. Emplacement Pour mieux attirer l’attention, les emplacements sont choisis avec une grande attention dans les endroits les plus emblématiques du paysage urbain. Il s’agit souvent le plus souvent de l’artère ou du quartier prestigieux (Ginza, à Tokyo, les Champs Elysées à Paris, la 5° avenue à New York, etc…). Ils peuvent au contraire apparaître dans des lieux des plus incongrus : friches urbaines ou zone industrielle à l’abandon. Dans ce cas, le lieu lui-même attire l’attention et provoque la curiosité. Dans chacun de ces cas de figure en tous cas, on peut constater que le choix de l’emplacement fait partie intégrante de la stratégie de communication, puisqu’il contient en soi un "message". Entrée Le premier effet à obtenir pour l’espace de vente consiste à donner au consommateur l’envie d’entrer. Pour les concepteurs de magasins d’ambiance, il peut y avoir deux approches. La première est bien entendu le travail sur la vitrine, qui doit accrocher le regard immédiatement et séduire le badaud dès le premier coup d’œil. Les concepteurs rivalisent en la matière de créativité et d’originalité, en n’hésitant pas à utiliser les moyens techniques les plus avancés pour faire de la vitrine un média à part entière. Une seconde manière de procéder consisterait à jouer sur le rapport extérieur/intérieur. On peut par exemple inciter le client à entrer sans
  • 20. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 20 qu'il s'en rende compte, à franchir la porte sans avoir l’impression de la pousser en quelque sorte. Dans cette optique, l’agencement intérieur du magasin peut par exemple présenter un mimétisme avec l’espace extérieur, en rappelant le revêtement du trottoir. A l’inverse, on peut procéder en marquant une rupture franche avec la rue, pour accentuer l’impression de découverte d’un lieu hors de l’espace ordinaire, c'est-à-dire du commun. Le coût élevé L'investissement est très important pour la plupart des enseignes. Inévitablement élevé, le budget se divise de manière variable entre les éléments suivants: choix du designer et du créateur (même si c'est parfois le même); emplacement de la boutique, souvent dans les endroits prestigieux, donc valorisant mais coûteux; surface au sol; choix des matériaux constituants le décor intérieur et extérieur; promotion qui devra accompagner l'ouverture, quasi "vernissage" de la boutique. Réputation et pérennité La réputation provient de l'ancienneté (c'est par exemple le cas de Colette ou L'Eclaireur, pionniers en la matière). La réputation peut aussi provenir d'une situation dans un endroit insolite déjà réputés pour son originalité, ou encore d'un "buzz", qu'il soit provoqué par des personnalités publiques ou par les clients eux-mêmes. En dehors des traditionnels facteurs de gestion, la pérennité de l'enseigne ou de la marque dépendra essentiellement de sa puissance (c'est le cas des flagships stores qui s'assurent de pouvoir investir dans le changement et garantir leur futur), de sa performance dans la course à la nouveauté, du choix proposé prestige et de la qualité de ses produits, particulièrement pour les enseignes multimarques. Multi-produits, multi-services Les concepts-stores sont avant tout des espaces multiservices, même dans le cas des flagship- stores dédiés à une seule marque ou à un type de produit unique. En effet, en plus de présenter la marque et ses valeurs, incarnées par ses produits, ils comprennent souvent un restaurant ou un bar. Ils peuvent ou non proposer les produits à la vente, inclure un service après-vente ou des ateliers didactiques donnant consacrés aux produits et à leur utilisation. 3 HYPOTHESES ET PROPOSITIONS DE RECHERCHE Depuis les travaux d'Holbrook/Hirschman en 1982, beaucoup d'études ont contribué à faire évoluer l'image du consommateur et à faire émerger la dimension expérientielle de son comportement. Aujourd'hui, nous sommes donc en présence d'un nouveau consommateur dont les attentes et les besoins évoluent dans plusieurs directions. Il est hédoniste, très focalisé sur ses émotions et sur la recherche de la satisfaction immédiate. De plus, et comme l'affirme Chétochine, dans la société postmoderne le consommateur est devenu plus individualiste. Il ne veut pas se priver, recherche de nouvelles valeurs. Mais plus que tout, le consommateur se sent en droit indéniable à satisfaire ses désirs, ses exigences et attentes, à se faire plaisir surtout dans un environnement d'abondance et de promesses répétées de bonheur. Il veut tout et tout de suite, et comme il ne l'a pas, il se place en victime et connait la frustration. Il
  • 21. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 21 semble que ni lui et ni le marché ne puisse remédier à son état. Ses émotions prennent de plus en plus d'importance. Les dimensions affectives et émotionnelles rappellent que le consommateur ne se limite à des comportements d'achat purement rationnels mais qu'il est mu par des réactions pouvant être passionnelles, pulsionnelles, voire totalement irrationnelles. Devenu capricieux, mécontent et en fin compte "blasé" la majeur partie du temps, le consommateur est alors à la recherche de l’exceptionnel. Il souhaite être surpris pour s'évader de son quotidien monotone et sans faste. Face à ce consommateur aigri, le concept-store est considéré comme l’aboutissement des théories sur le marketing expérientiel. Plus qu’un simple lieu de vente, le concept-store ambitionne de devenir un lieu de vie à part entière. Pour ce faire, le consommateur doit trouver dans cet espace unique toutes les catégories d’offres. Pourtant, cette diversification de l’offre ne doit pas constituer un éparpillement. La légitimité de la marque doit être préservée aux yeux du client et celle-ci doit mettre en avant son authenticité en imprimant sa personnalité et ses valeurs à la totalité des éléments sensoriels qui constituent l’ambiance du lieu de vente. Dans le cadre d’un concept-store, cette ambiance doit devenir un véritable manifeste des valeurs de la marque en reflétant un certain art de vivre : celui qu’incarne la marque. Après avoir pris en compte les nouveaux principes du comportement du consommateur, les concept-stores doivent proposer en réaction une offre expérientielle afin de divertir, mais aussi stimuler ce dernier: • Stimuler les cinq sens en vue de créer une expérience sensorielle prégnante. • Surprendre, pour sortir le consommateur de son quotidien. • Offrir de l’extraordinaire par la thématisation du lieu de vente et donner ainsi au consommateur l’impression de s’approcher du merveilleux. Le concept-store s'impose ainsi naturellement comme la solution miracle avec à l’appui, le réenchantement. Il doit incarner en outre l’air du temps et donner le ton en restant en permanence un véritable précurseur des tendances à venir. De là la stratégie des concept- stores consistant à s'établir dans des endroits certes très en vue, prestigieux, mais aussi très inédits. Plus qu’un espace de vente, le concept-store se conçoit comme un lieu de promotion visant avant tout à immerger le consommateur dans univers surprenant. On comprendra aisément à quel point le travail sur l’atmosphère et l’environnement sensoriel et expérientiel est primordial dans le cadre d’un tel espace. Ceci m'amène donc logiquement à me poser un certain nombre de questions. En premier lieu, quel est l'apport de la surprise prônée par les chercheurs et managers de concept-stores ? Est-ce que la surprise et l’extraordinaire sont forcément positifs et créent de la valeur pour le consommateur? Comment l'expérience est-elle vécue et réenchante-t-elle réellement le consommateur ? Les concept-stores, en utilisant toute une gamme d'outils, cherchent à tisser des liens avec le consommateur pour qu'il ait l’impression de vivre une expérience affective forte dans laquelle il se reconnait. Leurs actions consistent à : • Créer du lien, en valorisant l’individu dans son rapport aux autres. • Faire penser en permettant au consommateur une implication créatrice. • Faire agir le consommateur pour lui permettre un certain enrichissement.
  • 22. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 22 Et cela, afin que la marque puisse obtenir l’effet d’identification. Le consommateur doit pouvoir retrouver le cadre qui lui est familier notamment par les interactions proposées sur le lieu de vente. De fait, l’individu ne se rend plus sur le lieu de vente uniquement pour consommer, mais aussi pour y faire des rencontres, y communiquer. Cette connotation sociale dont s’est doté le lieu de vente a été permise grâce au travail sur la convivialité du lieu de consommation effectué par les professionnels du marketing. Visiter un magasin est de plus en plus perçu comme une fin en soi par des consommateurs potentiels qui ne se voient plus uniquement comme des clients obligés. L'enquête pourrait donner l'occasion d'observer les réactions des consommateurs au contenu de l'expérience qui leur est proposée pour voir si les effets recherchés développés par la théorie s'observent réellement dans le comportement du consommateur. L'enquête consisterait par exemple à examiner si la perception de l'ambiance du concept-store par le consommateur correspond à celle que ses créateurs ont souhaité obtenir. Lorsque celle-ci correspond, qu'est-ce que cela suscite chez le consommateur? L’affectif prend-il le dessus sur le rationnel ? Si oui, de quelle manière? Sinon, pourquoi? Les entretiens permettront peut-être de déterminer si le concept-store crée de nouvelles frustrations ou amplifie celles déjà éprouvées par le consommateur. Bien que l'échantillon soit réduit, il est néanmoins représentatif d'une certaine population. Il sera donc possible d'obtenir des indices, premiers éléments de réponse au problème de la frustration du consommateur. Qu’en reste-t-il après sa visite ? Les concept-stores sont-ils une solution à la frustration du consommateur ? En proposant une telle variété de produits, en théâtralisant le point de vente, en rendant interactive l'expérience du consommateur, le concept-store cherche à satisfaire le consommateur et susciter l'irrésistible envie de céder à la tentation de l'acte d'achat. Mais la préoccupation première reste la volonté d'imprimer un souvenir inoubliable, qui fidélisera le consommateur sur le long terme. D’où vient vraiment la valeur pour le consommateur lors de sa visite dans le concept-store ? A partir des indices réunis, il sera peut-être possible de confronter certaines constructions théoriques aux réactions des consommateurs. Il ne s'agit pas ici de valider ou de contredire un modèle théorique mais simplement d'identifier certains thèmes qui mériteraient d'être étudiés plus avant et de repérer certaines tendances. Il est de mon avis que ce ne sera que par l'étude des thèmes principaux dégagés par les entretiens, et par la réalisation d'enquêtes plus poussées sur des échantillons plus vastes qu'il sera possible de déterminer les éventuelles limites du modèle expérientiel du marketing et de ses application par les concept-stores. Les concept-stores sont-ils "la solution miracle" ? Les techniques utilisées par le concept-store sont-elles suffisantes pour créer une véritable expérience ? Concept-stores produisent-ils réellement un "enchantement" du consommateur ? Est-ce que tout ce qu'on raconte sur le concept-store est vrai?
  • 23. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 23 4 METHODOLOGIE 4.1 TYPE DE RECHERCHE Ce travail se rattache à la catégorie de la recherche exploratoire et descriptive. Concrètement, il s’est agi de choisir une population test et de lui faire visiter des concept-stores préalablement sélectionnés parce qu'étant particulièrement représentatifs de ce type de magasins. Chacune des personnes choisies devant, au sortir du magasin, donner "à chaud" ses impressions lors d’une discussion aussi spontanée que possible avec l’interviewer (moi-même). Un des points centraux de cette collecte de données a consisté à tenter de saisir les impressions ressenties par la personne testée avant de lui avoir laissé le temps de prendre du recul par rapport à ses réactions et à analyser son expérience. Au lieu de s’appuyer sur des hypothèses ou sur des idées préexistantes, cette étude a au contraire cherché à élaborer une interprétation sur un sujet à propos duquel la documentation est assez difficile à trouver et les sources limitées. La documentation sur les concept-stores est donc surtout constituée d'ouvrages académiques généralistes sur le marketing, mais relativement récents car réédités. On trouve également des articles de presse ou des revues spécialisées, et enfin des sites internet journalistiques ou académiques, reprenant parfois les différent types de ressources que je viens de mentionner. Cependant parmi toutes ces sources, je n'en ai trouvé qu'une seule en français entièrement consacrée aux concept-stores. La littérature consacrée exclusivement au seul sujet des concept-stores est en effet restreinte en volume. Les concept-stores y étaient essentiellement abordés d'un point de vue esthétique, le livre comportant de très nombreuses photos. C'est pour cela que j'ai dû "puiser" extensivement dans les ouvrages consacrés au marketing pour trouver des informations sur la stratégie, le marketing expérientiel, ou le comportement du consommateur. Ne disposant donc que de peu de sources, et ne souhaitant pas les suivre aveuglément, j’ai tout naturellement choisi de me baser avant tout sur les données qualitatives fournies par des personnes-test relativement peu familières avec ce type de lieu de vente pour obtenir un éclairage neuf et aussi spontané que possible sur le sujet. C’est donc pour mieux cerner le problème à explorer et définir de nouvelles hypothèses à élucider ultérieurement que j’ai défini mon mode opératoire. Il s’est agi pour moi de me servir des données recueillies au cours de l’étude (en l’occurrence, des réactions et des émotions "brutes" ressenties par une personne peu familière lors d’une première expérience de visite d’un concept-store, ou de deux expériences très rapprochées l'une de l'autre) pour vérifier le degré de cohérence des idées mises en avant par les concepteurs des magasins pour un regard extérieur, et en tester la pertinence en les mettant en perspective. Cette exigence m’a tout naturellement fourni le choix de la méthode opératoire à utiliser. Compte tenu du degré de complexité des éléments à cerner et analyser des interviewés, j’ai choisi la technique de l’entrevue face à face. Bien que présentant plusieurs inconvénients de taille, en particulier celui de représenter un investissement important en temps, ce mode opératoire m’a semblé de loin le plus adapté et le plus prometteur au regard du propos de ma recherche. Il est le seul à permettre une investigation des réactions et des impressions
  • 24. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 24 personnelles des personnes testées avec une telle précision. Consciente du risque important de biaiser les entretiens qu'induit cette méthode de travail, j’ai tenté de me tenir le plus en retrait possible par rapport à l’interviewé. J’ai cherché à le faire parler spontanément au maximum avant d’intervenir directement pour le guider par des questions dont le canevas avait été préparé à l’avance. Le contact visuel inhérent à cette méthode permet en outre de pouvoir aller au-delà des renseignements strictement fournis par les réponses de l’interviewé, et de tirer des informations particulièrement précieuses de ses intonations ou de sa gestuelle, des non-dits, de ses gênes ou même de la manière dont certains ont pu répondre à côté de certaines questions, volontairement ou non. En conséquence, l’entretien face à face permet d’aller beaucoup plus loin que la stricte réponse verbale ce qui, dans le cas d’une étude comme la mienne, me semblait primordial. 4.2 ECHANTILLON ET RECUEIL DE DONNEES Définition du cadre d'échantillonnage Dans un premier temps, le point de départ de ce travail a consisté à isoler deux concept-stores suffisamment représentatifs dans leur catégorie. Après recherche et analyse, mon choix s’est porté sur deux magasins au centre de Paris: Colette, 213 rue Saint-Honoré dans le 1° arrondissement de Paris, et L’Eclaireur, 40 rue de Sévigné dans le 3° arrondissement. Ces deux magasins ont été choisis en fonction de plusieurs critères. En premier lieu, leur notoriété en fait deux excellents exemples de ces magasins "phare" de la consommation "branchée" parisienne. De plus, cette notoriété s’étend largement à l’étranger. Ces deux enseignes sont en effet considérées comme de véritables leaders dans leur domaine, et ce dans le monde entier. Elles sont copiées et suivies bien plus que suiveuses. Ce dernier aspect a lui aussi été déterminant dans le choix du cadre d’échantillonnage. La pérennité était un élément de crédibilité déterminant. Dans les deux cas, la parfaite maîtrise du concept permet à ces deux magasins d’occuper le devant de la scène depuis plusieurs années, satisfaisant à la fois à l’impératif de renouvellement permanent (les devantures de Colette sont réinventées chaque début de semaine) tout en maintenant inaltéré l’"esprit" qui fait leur succès. Plus que tous autres, Colette et L’Eclaireur semblent donc constituer les exemples les plus aboutis de ces concept-stores parisiens qui annoncent les tendances, ont en permanence une longueur d’avance sur les modes, et sont créateurs d’un univers cohérent tout en restant multiple et protéiforme dans leur espace de vente. Ils semblent réussir ainsi le pari de remplir toutes les exigences difficilement conciliables voire contradictoires qui font le succès d’un concept-store auprès de sa clientèle : se réinventer en permanence sans altérer le concept et surprendre sans décevoir. Enfin, au-delà de ces lignes générales qui semblent les lier, ces deux magasins restent très différents, tant dans l’articulation de leur concept, cet "esprit" propre qui fait leur identité, que dans les produits qu’ils proposent et, bien entendu, de leur clientèle cible. Il a donc semblé particulièrement éclairant d’étudier la perception de ces deux magasins qui maîtrisent si parfaitement leur concept tout en le déclinant de manières si différentes.
  • 25. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 25 Définition de la population étudiée Ce travail est avant tout une étude qualitative. La population recensée est en effet assez limitée en quantité, mais le temps consacré à la collecte d’information a justifié un échantillonnage de taille réduite. La population étudiée est constituée à quasi parité d’hommes et de femmes. Tous sont âgés de 25 à 30 ans. Bien que certains soient déjà sur le marché du travail contrairement à d’autres encore fraîchement diplômés, leur catégorie socio-professionnelle est globalement homogène. Malgré des différences de qualifications et de niveau d’études, effectif ou visé, il s’agit de jeunes actifs ou jeunes diplômés. Leurs secteurs d’activité sont de plus relativement proches les uns des autres. Enfin, tous ces individus font partie de mes connaissances directes ou indirectes. Tous ont très aimablement accepté de se prêter à cette expérience de manière volontaire et spontanée. Définition précise des unités d'échantillonnage Le groupe est constitué de 8 femmes et de 11 hommes. Femmes Age Profession Nalinee 28 ans diplômée en sciences politiques Agathe 28 ans diplômée en sciences politiques Eva 28 ans diplômée en marketing Delphine 27 ans responsable administrative Flavie 26 ans diplômée en sciences politiques Malina 29 ans traductrice/interprète Laetitia 26 ans diplômée en droit international Emilie 29 ans diplômée en finances internationales Hommes Age Profession Cédric 29 ans commerce international Benjamin 28 ans diplômée en sciences politiques Tao 28 ans chef de projet Jérôme 30 ans diplômé d'HEC Florian 26 ans diplômé des beaux-arts Emmanuel 29 ans agent administratif Guillaume 28 ans diplômé en sciences politiques Jonathan 29 ans diplômé en droit Michael 29 ans graphiste Aurélien 29 ans artiste Florent 26 ans diplômé en sciences politiques
  • 26. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 26 25 visites réparties sur deux magasins ont été effectuées par 19 personnes différentes : Nom du magasin Nombre des individus Sexe des Nom des individus Colette (uniquement) 6 4 Hommes Benjamin, Cédric, Tao, Jérôme 2 Femmes Agathe, Nalinee L'Eclaireur (uniquement) 7 4 Hommes Emmanuel, Florian, Guillaume, Jonathan 3 Femmes Delphine, Flavie, Eva Colette et L'Eclaireur (l'un après l'autre)* 6 3 Hommes Aurélien, Michael, Florent 3 Femmes Emilie, Malina, Laëtitia *Dans l’intérêt de l’expérience, parmi ces 6 personnes, 3 ont visité Colette en premier lieu et L’Eclaireur ensuite, et inversement pour les autres. La constitution de ce dernier groupe a eu pour objectif d'enrichir la qualité des informations recueillies durant les entretiens, et d'apporter des précisions potentiellement intéressantes. Ce choix m'a semblé pertinent d'un point de vue scientifique, car il permettait de nuancer les opinions des visites uniques effectuées par la plupart des participants. En effet, comme ceux-ci étaient limités à un seul entretien concernant un seul magasin, il aurait été parfois difficile d'interpréter des opinions positives ou négatives, chaque fois que les interviewés auraient eu du mal argumenter, justifier leurs opinions ou identifier la cause de leurs émotions. Bien que ces données sur la confusion soient intéressantes en elles-mêmes, j'ai pensé que de présenter à l'interviewé un autre concept-store aux variables structurelles identiques mais doté d'une thématisation très différente, pourrait permettre d'isoler les opinions concernant le concept-store dans sa structure générale, de celles jugeant en fait la thématisation si particulière de l'un ou l'autre magasin. Malheureusement, pour des raisons de temps et de charge de travail, je n'ai pu appliquer cette méthode pour tous les candidats. Définition de la méthode d'échantillonnage Dans le cadre de cette étude, aucun des individus interviewés n’a été informé au préalable de la nature de la visite qu’il allait faire, et encore moins du nom et de l’adresse du magasin concerné. Chacun a été mis au courant du fait qu’il s’agissait d’une étude concernant mon mémoire de master 2, consistant en une visite de courte durée (une vingtaine de minutes environ). Nous avons d'abord convenu d'un lieu de rendez-vous à proximité du magasin. La personne a ensuite été informée que cette visite serait suivie d’un entretien d’une vingtaine de minutes lui aussi (en fait, la durée moyenne de l’entretien a varié d’un quart d’heure à plus de quarante minutes en fonction de la loquacité du candidat). La totalité des enregistrements s'élevant à environ neuf heures.
  • 27. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 27 J’ai bien entendu pris toutes les précautions pour ne pas communiquer aux futurs visiteurs ni l’objet de mes recherches ni les aspects de l’expérience qui m’intéressaient plus particulièrement. Le but de cette démarche était bien entendu de ne rien faire qui puisse orienter la personne, ou lui donner la possibilité de se renseigner par avance sur le magasin, ce qui aurait eu pour conséquence de fausser les résultats de cette étude. Il était impératif pour moi que cette expérience se déroule sur un terrain inconnu pour l'individu, afin de préserver la spontanéité de ses réactions et de ne pas biaiser sa perception de l'expérience. Après le rendez-vous pris non loin de la boutique et une rapide mise au point concernant la durée de la visite, j’ai accompagné chacun des participants de mon expérience à la porte du magasin. J'ai fait en sorte que chacun d’entre eux pénètre seul après avoir tenté de le mettre le plus à l’aise possible en lui demandant de prendre son temps pour observer ce qui l’intéresserait, d’éviter de rester moins de quinze minutes, de ne pas se sentir obligé à l’achat et de ressortir quand bon lui semblerait une fois fait le tour de l’espace de vente. Je lui ai précisée que je l’attendrai à un endroit convenu non loin de l’entrée de la boutique. J'ai ensuite laissé la personne pénétrer seule à l’intérieur du magasin, et lui ai indiquée qu'elle pouvait se comporter à l'intérieur comme si elle visitait une boutique dans laquelle elle aurait décidé d’entrer par elle-même. Une fois à l’intérieur, la personne a pu se déplacer à sa guise en se laissant guider par ses intérêts ou ses envies, en portant suffisamment d’attention pour pouvoir ensuite en discuter de manière informelle durant l'interview. Dans le but de ne pas biaiser les résultats de l’étude, j’avais demandé aux personnes de ne pas être accompagnées, afin d’isoler l’expérience personnelle et le perçu individuel. La personne une fois sortie du magasin devait me retrouver dans un cadre aussi agréable que possible et permettant une relative tranquillité, mais situé dans les environs immédiats du lieu visité, afin de ne pas lui laisser le temps de prendre du recul ou d’analyser son expérience, le ressenti "brut" étant primordial pour mon étude. Les lieux choisis ont donc été un banc dans un parc tout proche (L’Eclaireur), les marches de l’église suitée de l’autre côté de la rue (Colette) ou encore un café. J’ai considéré que le temps de latence entre l’expérience et l’interview devait être aussi court que possible. Ce point revêtait pour moi une importance capitale pour assurer la stabilité et la cohérence des informations que je voulais recueillir. L’endroit choisi pour l’interview devait de plus être appréhendé comme suffisamment agréable pour se livrer à une discussion spontanée pour le participant de l’expérience et très contrôlée pour l’interviewer. En effet, j’avais préparé un enregistreur MP3 que j’ai tenté de rendre aussi peu présent pour la personne interviewée que possible. J’avais aussi préparé une liste de questions tout en gardant pour objectif de ne m’en servir de manière semi directive, en me réservant la liberté de rebondir sur une question, de trouver des précisions, voire reposer une question en la formulant de manière différente, tout en laissant bien entendu à la personne le temps nécessaire pour répondre librement et naturellement. Le fait que je connaissais chacune de ces personne a permis une plus grande liberté de ton et une plus grande spontanéité, permettant ainsi de collecter plus d’informations dans un laps de temps plus réduit.
  • 28. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 28 J’ai en effet fait en sorte que les gens se sentent aussi à l’aise que possible en ma présence. Le guide des questions m’a été utile en particulier pour ne pas me laisser perdre par la masse des informations recueillies et réflexions parasites ou digressions de l’interviewé. Enfin, j’ai toujours eu à l’esprit de m’obliger à garder un maximum de distance et de conserver un maximum de professionnalisme. Ces entretiens m’ont pourtant permis d’observer dans certains cas que la personne interrogée pouvait avoir du mal à s’exprimer ou à faire ressentir ses impressions et à les partager (sémiotique, précision du sens des mots, etc…). Il m’a donc aussi fallu tenir compte de l’appréhension, de l’expression corporelle, des intonations ou de la manière d’utiliser certaines expressions ou métaphores. Il m’a encore fallu faire tout particulièrement attention aux non- dits et aux sous-entendus utilisés consciemment ou non par les interviewés. Pour finir, un important travail d’analyse et de passage au crible de ces réponses m’a permis d’extraire de cette masse d’informations des expériences individuelles et des tendances générales bien différenciées en me concentrant sur les variables recherchées. Les individus après l'interview ont été mis en courant de l'objet de mon étude et bien sûr remerciés pour leur coopération Mode de recueil Le nombre d’interviews que j’ai jugé suffisant a été de 25. J’ai constitué ensuite trois dossiers, deux nommés d’après le nom du magasin visité et un comportant les entretiens des personnes ayant visité les deux magasins l'un après l'autre. J'ai par la suite groupé dans ces dossiers les différents enregistrements sonores individuels de chacune des personnes interrogées, classés en fonction du prénom de l’interviewé. 4.3 DEFINITION DES VARIABLES Une étude du type de celle à laquelle je me suis livrée répond à plusieurs questions. Dans l'approche ouverte et inductive de généralisation et d’abstraction des données qualitatives qui est la mienne, les données sont d'abord regroupées dans des catégories. Leurs choix a été établi en fonction des questions que j'avais posé durant les entretiens. La série de questions que j'avais élaborées et systématiquement utilisées durant les entretiens, a ensuite servie de base pour créer deux grandes catégories: Les questions touchant au comportement du consommateur ainsi qu'aux aspects relevant du concept-store lui-même.
  • 29. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 29 Thèmes abordés ayant trait au comportement du consommateur et à ses états affectifs: Thèmes abordés ayant trait au concept-store: Premières impressions Design / décor (extérieur/ intérieur) La qualification de l'expérience par le consommateur Produit L'état émotionnel /sentiments Prix La perception de l'ambiance/ atmosphère Personnel Les cinq sens : la vue, l'ouïe, le toucher, l'odorat, (le gout) Clients Envie d'acheter Emplacement du magasin Envie de revenir Lieu de vie Envie de recommander Les remarques propres Le magasin qui lui ressemble Recueil des données Au fur et à mesure que les visites et les entretiens s'enchainaient, sur une période qui a duré deux mois environ, chacun des enregistrements a été réécouté afin de procéder à leur retranscription manuelle sur format Word de manière aussi précise que possible. Cette méthode de travail et de recueil des données m’a demandé de consacrer un temps assez important, mais s’est avérée particulièrement précise et fiable. Une fois le travail de retranscription effectué, la méthode s’est révélée particulièrement pratique compte tenu de la souplesse avec laquelle elle permettait de travailler sur les données, de les articuler et de les organiser. La première étape de l'analyse de contenu a consisté à transformer le discours de l’interviewé en un verbatim, c'est-à-dire à transformer le document oral (enregistrement audio Mp3) en un texte écrit. Je suis cependant allée un peu plus loin en prenant en compte en plus du simple discours de la personne interviewée un certain nombre d’éléments non exprimés et qui sont particulièrement significatifs : les comportements, la gestuelle, le choix des mots, les non-dits et les sous-entendus ont été notés quand nécessaires, sous forme de didascalies. Ensuite ces entretiens ont été "découpés" et replacés dans un tableau construit sur la base des questions du guide d'entretiens. En effet les discussions ayant été assez libres, ont permis au à
  • 30. Master MOI 2009 / 2010 – Université Paris Ouest 30 l'interviewé de digresser, de répondre à une autre question que celle qui venait d'être posée, ou d'interrompre sa pensée pour revenir sur un thème déjà évoqué. Tous ces comportements durant l'entretien ont eu pour résultat des informations ne répondant pas aux questions préalablement posées, ou du moins pas au moment voulu par l'interviewer. L'utilité du tableau a été de faire correspondre le thème l'information recueillie à la bonne question. De plus, et au passage, les informations ont pu être divisées dans deux parties distinctes correspondant aux opinions et critiques plutôt positives, ainsi qu'à celles plutôt négatives. Cela m'a permis en un coup d'œil d'identifier l'opinion générale d'un visiteur sur l'expérience qu'il vient de vivre et en même temps de voir quels éléments constitutifs de l'expérience sont jugés plus négativement ou positivement que les autres. Codification Les données ont été synthétisées, et après avoir effectué un repérage thématique, elles ont été classées en fonction des catégories d’analyse qui sont ressorties des interviews. A l’aide du tableau basé sur le guide d’entretien et grâce à une connaissance générale accrue des thèmes environnant les consommateurs d'un concept-store, j'ai recherché les sous- ensembles dans le texte en les surlignant, d'une couleur différente. J'ai ainsi pu opérer une codification sélective. Certaines règles de codification se sont avérées difficilement applicables. Celle selon laquelle tous les propos des interviewés devraient être codées sans qu'aucune ne échappe ni ne soit écartée de l’analyse, n'a pas pu être appliquée à la lettre, même si tout a été mis en œuvre pour éviter que des informations soient négligées et que l'analyse en ressorte biaisée. Cependant, la quantité relativement importante de propos hors sujets ou non pertinents qu'ont révélée les analyses, a irrémédiablement entrainé l'exclusion de certains d'entre eux. Une autre difficulté a résidé dans le fait d'avoir des catégories isolant les informations les unes des autres exclusivement. En effet, certains propos, certaines unités sémantiques semblant insécables donnaient pourtant l'impression de contenir plusieurs informations en même temps, les rendant classables dans deux ou plusieurs thèmes à la fois. Ces thèmes ayant été rencontré lors de la revue de la littérature sur le sujet, il est apparu qu'il ne s'agissait pas d'une erreur dans le choix du thème mais qu'effectivement, des idées, des phrases contenaient une multiplicité de thèmes. J'ai cependant évité de copier l'unité sémantique dans deux ou plusieurs cases à la fois pour ne pas être induite en erreur, et ai essayé autant que possible de classer l'unité dans la catégorie lui correspondant le plus. Les unités de sens choisies ont été diverses, mais l'unité principalement utilisée a été l'unité sémantique. Je me suis d'abord intéressée aux passages clés ayant une signification pertinente. J'ai repéré dans le texte les phrases, les morceaux de phrases, voire même les mots, qui évoquaient une même idée, comme par exemple "la surprise" et les surlignais. Cela a impliqué de s'arrêter presque à chaque phrase afin d'identifier si les noms, verbes et adjectifs analysés correspondaient à l'idée recherchée ou appartenait à son champs lexical. L'utilisation des outils