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Hugo Andrieu - Orianne Etancelin - Merlin Hicks
La gestion des eaux du Nil en Égypte :
le cas du lac Nasser et le barrage d’Assouan
Santé, environnement et développement humain
Sous la Direction de Madame DOVIS
M2 Economie appliquée : projets et politique d’aide au développement
2
Sommaire
1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté
2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau
3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil
3
L'eau, parfois appelée l'or bleu, est source de toute vie. La question de l'accès à l'eau
notamment dans les pays en voie de développement revêt une importance capitale. En effet, il s'agit
d'un des objectifs du millénaire pour le développement que se sont fixées les Nations – Unies. L'accès
à l'eau permet la production de denrées de première nécessité, favorise une meilleure santé et
hygiène de vie et contribue également au développement économique de toutes les Nations.
En Méditerranée, comme partout ailleurs dans le monde, la question de l'eau est traditionnellement
abordée selon la distribution géographique de la ressource hydraulique laquelle permet de faire
apparaître les zones de rareté ou d’abondance. A plus petite échelle, il s’agit d'étudier les politiques
hydrauliques nationales. L'étude des politiques hydrauliques peuvent se construire autour de la
pauvreté, en observant les modes, les conditions d’accès à la ressource hydraulique et sa gestion
permettant ainsi d'observer les clivages existants et de mettre en évidence des déséquilibres qu'ils
soient humains, sectoriels ou encore géographiques. Depuis les années 1990, on observe un
engouement tout particulier relatif aux questions de la géopolitique de l'eau, parfois appelée
hydropolitique. Ces analyses de la question de l’eau portent pour l’essentiel sur les conflits autour
des ressources hydrauliques en Orient ou en Afrique.
En étudiant la situation hydraulique en Méditerranée, force est de constater une fracture entre un
Sud “pauvre et dominé ou soumis” malgré des richesses parfois considérables, et un Nord “riche et
libre”. Pour autant, qu'il s'agisse du Nord ou du Sud, l’abondance ou la pénurie de l’eau ne peuvent
expliquer à elles seules les différentes situations sociales et politiques. Par ailleurs, tous les pays du
Sud ne souffrent pas de pénuries chroniques de ressources en eau et certains connaissent même des
situations de confort hydraulique enviables1
.
Un retour sur le passé montre que l'Afrique du Nord n'était pas dépourvue de traditions et de savoir-
faire dans le domaine de l'eau et des ouvrages hydraulique : l'ère pharaonique forte de ses grands
ouvrages en est un exemple. En Égypte, l'eau ne manque pas. Pour autant, la gouvernance de l'eau
et les conditions de son accès laisse transparaître des failles. Le Nil, première ressource en eau du
pays est un fleuve complexe, ne fut-ce que par sa longueur de 6 671 km et par la superficie de son
bassin versant 2 850 000 km2
, deux données qui contrastent parfois avec la médiocrité de son débit.
L'absence de régulation des eaux du Nil a été responsable de nombreuses inondations et c'est ainsi
que les gouvernements égyptiens se sont lancés dans une politique de construction de barrages.
A l’origine, le gouvernement Egyptien souhaitait créer des infrastructures de déviation et de stockage
en amont au Soudan. L’histoire en décida autrement. En effet le soulèvement Mahdiste, contré dans
un premier temps avec l’aide des britanniques, permis d’allouer l’indépendance au Soudan. Cela
engendra l’impossibilité pure et simple des projets d’aménagement en amont ce qui constitue un
camouflet pour le Caire. Cette situation géopolitique fragile, combiné à l’occupation britannique, a
contraint le Caire à créer le barrage d’Assouan afin de suivre la progression démographique. D’où le
projet imaginé dès 1945 par Daninos. Le financement de ce projet a conduit l’Egypte à se positionner
sur l’échiquier politique. Si Nasser et les siens, étant plus proche des frères musulmans que du parti
communiste égyptien, souhaitaient être financés par les Etats-Unis, leur volonté de faire la guerre
avec Israël changeât la donne. L’achat d’armes à l’URSS par l’entremise des pays de l’Est, révélé par
1 La pénurie hydraulique chronique est fixée à moins de 500 mètres cubes par personne et par an. On considère qu'un
accès de plus de 1000 mètres cubes par personne et par an caractérise une situation de confort hydraulique.
4
Tito à courroucé Washington. Cela a contraint le gouvernement égyptien à nationaliser le canal de
Suez pour financer aux deux tiers le projet du haut barrage et à un tiers, en acceptant l’aide
financière et technique soviétique. Cet acte a définitivement rangé l’Egypte du côté des pro-
soviétiques, jusqu’en 1972, où le nouveau président Sadate exigea des soviétiques qu’ils quittent
l’Egypte. En janvier 1963, le colonel Nasser décida donc de la construction d'un haut-barrage lequel
devait venir en complément du premier barrage d'Assouan construit en 1902. Le haut barrage est un
ouvrage d’une longueur de 3 600 mètres pour une hauteur de 111 mètres complété par une usine
hydroélectrique d’une capacité de 2 100 MW. Cet ouvrage colossal commande une retenue de 162
km3 pour une superficie maximale de 6 540 km² : il s'agit du Lac Nasser dont la gestion est partagée
entre l’Égypte et le Soudan frontalier. Grâce à sa capacité de retenue 157 milliards de m³ le Lac
Nasser est la deuxième retenue du monde après celui du Zambèze. La construction de l'ouvrage
devait répondre à plusieurs objectifs : régulariser le débit d’un fleuve dont les variations ont toujours
été une source d’inquiétude, légitimer un régime né de la conjonction d’un mouvement populaire et
d’un coup d’état militaire ; satisfaire dans un contexte de forte croissance démographique, la
demande du secteur primaire afin d’assurer l’autonomie alimentaire du pays en augmentant la
surface irriguée2
et enfin régler définitivement le contentieux qui oppose l’Égypte au Soudan
s’agissant du partage de la ressource en eau.
En définitive, la réalisation du Haut-barrage devait résoudre tous les problèmes de l’Egypte. Mais
qu'en est-il exactement aujourd'hui ? La construction du haut barrage a-t-elle permis de garantir à
l'ensemble des égyptiens un accès équitable à une eau de qualité et de régler les tensions politiques
entre l’Égypte et les autres État de Nil ?
Force est de constater qu'en dépit d'une abondance de l'eau, de nombreux égyptiens n'ont pas
toujours accès à une eau de qualité (1). Les difficiles conditions d'accès à l'eau et sa mauvaise qualité
n'est pas sans conséquences sanitaires. Si le haut barrage en Égypte a permis de faire face aux crues,
sa construction n'est pas sans graves conséquences sur l'environnement (2). Quant aux conflits
politiques relatifs à la gestion des eaux Nil, ils sont toujours omniprésents (3).
2 En Égypte, la surface irriguée se confond avec la surface cultivée.
5
1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté
Le Nil est le plus long fleuve du monde et constitue la principale ressource en eau de
l’Égypte3
et en fournit en abondance.
Pourtant, lorsqu'on parle de disponibilité de la ressource en eau, il faut considérer que les ressources
hydrauliques sont techniquement accessibles et exploitables. Pour être exploitée par les usagers,
l'eau doit être propre et potable. L'accès doit être garanti en permanence sauf à ce que les usagers
soient équipés de systèmes de stockage. Les ruptures et coupures d'eau intempestives doivent être
strictement limitées aux situations de dysfonctionnements accidentels ou encore de situations
exceptionnelles, comme les phénomènes naturels imprévisibles. D'après les standards
internationaux, l’eau doit être disponible à moins d’un kilomètre et d’un quart d’heure de marche.
L’accès à la quantité d’eau indispensable à la vie humaine et à la production vivrière doit être garanti
en toute circonstance. A ces conditions s'ajoute l'existence d’un système d'assainissement et
d'évacuation des eaux usées.
Bien que l'eau ne manque pas en Égypte, les conditions d'accès à l'eau sont très souvent inégales
(1.1). Alors que certains habitants souffrent de cette situation, l'eau est pourtant gaspillée (1.2). Le
pays souffre d'un manque cruel d'infrastructures d'assainissement rendant sa qualité parfois
impropre (1.3).
1.1 - État des lieux des conditions d’accès à l’eau
L’Egypte est un pays en grande partie désertique et la totalité de ses ressources en eau
douce proviennent du Nil. D’ailleurs, au travers de l’accord signé avec le Soudan en 1959 sur le
partage des eaux du Nil, l’Egypte ne peut utiliser qu’environ 75% du débit moyen du fleuve au niveau
du barrage d’Assouan. En additionnant les différentes ressources en eau, l’Égypte dispose d’environ
65 milliards de mètres cubes d’eau, dont 55,5 milliards proviennent des eaux du Nil, environ 4 à 5
milliards des nappes fossiles du désert occidental et presque 4 milliards de mètres cubes de la nappe
aquifère de la vallée et du delta du Nil, continuellement alimentée par le fleuve et l’irrigation. À ces
chiffres, il faut ajouter les quantités d’eau importantes que constitue la réutilisation quasi
systématique des eaux qui ont déjà servi à l’irrigation. En effet, le système hydraulique égyptien est
totalement clos jusqu’à la côte méditerranéenne. L’eau qui a servi à l’irrigation débouche dans le
canal de drainage qui revient, en général, dans le circuit en aboutissant dans un canal principal de
drainage ou plus directement dans le Nil.
L’Égypte bénéficie d’une disponibilité moyenne en eau qui avoisine les 900 mètres cubes par
personne et par an. Loin de constituer un niveau de manque ou de pénurie chronique, on ne peut
pas pour autant parler de confort hydraulique en Égypte. Pour autant, sans parler de crise, le
déséquilibre entre population et quantité disponible va s’aggraver avec le temps. En effet la
3 Il existe un débat concernant le plus long fleuve du monde. Entre l'Amazone et le Nil, le consensus actuel est de
considérer que l'Amazone est le plus important en volume et que le Nil est le plus long. Néanmoins les mesures varient
entre 6 259 km et 6 800 km pour l'Amazone et6 499 km et 6 718 km pour le Nil.
6
population augmente d’environ 2,3% par an entre le début des années 1980 et le milieu des années
1990, alors que le volume d’eau disponible reste le même. Sur les 20 prochaines années, les
prévisions de croissance démographique sont estimées à 1,9% par an. Malgré tout, cette disponibilité
constitue actuellement un véritable confort dont la majorité des autres États du Sud et de l’Est de la
Méditerranée ne peuvent se prévaloir.
Pour autant, le cas égyptien, comme celui d’autres pays méditerranéens, ne fait pas figure
d'exception. Il ne suffit pas d’une grande disponibilité volumétrique de la ressource pour garantir un
accès à l'eau, encore faut-il que les usagers puissent y avoir accès dans les meilleures conditions. La
présence d’un volume d’eau ne signifie donc pas forcément qu’on puisse l’utiliser, et ne renseigne en
aucune manière sur l’inégalité des usagers devant l’accès à cette eau.
En Egypte, la politique et la gouvernance de l’eau est relativement récente, des efforts sont fournis
par le gouvernement afin d’améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau et de son accès, notamment
en prônant la décentralisation, la gestion participative et une privatisation progressive des
infrastructures de distribution d’eau. Par deux décrets du mois de mai 2004, le président Moubarak a
annoncé la privatisation des services de gestion de l’eau potable et de l’assainissement présent dans
chaque gouvernorat. Ainsi, toutes les autorités locales de chaque gouvernorat auparavant en charge
de la gestion de l’eau potable font désormais partie d’une grande entreprise centralisée au Caire :
une Holding Company pour l’eau et l’assainissement. Le rôle de cette compagnie est de purifier,
dessaler, transporter, distribuer et vendre l’eau potable, la collecte, la traiter et de se débarrasser en
sécurité des eaux usées. Le deuxième décret prévoit l’établissement d’une Agence de Régulation
pour la gestion de l’eau et des déchets et protection des usagers : la Regulatory Agency for Water
and Waste and Customer Protection. Le rôle de cette agence devrait être d’organiser et contrôler
toutes les activités des entreprises affiliées à la grande compagnie citée ci-dessus liées à l’eau
potable et à l’assainissement. Toutefois, il semblerait que la naissance de ces deux institutions ne soit
pas parvenue à établir une véritable gestion décentralisée de la ressource en eau et fait face à des
difficultés concernant notamment la tarification de l’eau.
Malgré un taux moyen d’accès à l’eau potable relativement élevé, les inégalités restent très fortes en
Égypte. En effet, il convient de distinguer le pourcentage de la population ayant un accès à l’eau
potable et celui des ménages disposant d’un point d’eau à l’intérieur du domicile. La réalité de ces
chiffres souligne les inégalités qui existent Égypte quant à l'accès à l'eau.
Selon les chiffres officiels 96 % de la population disposent d'un accès à l'eau potable mais seulement
environ 65 % ont un point d’eau à domicile. A cela s'ajoutent des disparités entre les populations
urbaines et rurales. En zone rurale, seule 60 % de la population bénéficie d'un accès à l'eau et très
peu bénéficient d'un point d'eau à domicile. C'est dans ces mêmes zones que vivent les 3 millions de
paysans égyptiens, dénommés « fellhas », dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté. La question de
l’eau en zone rurale ne se décline pas en termes de manque quantitatif de la ressource, mais plutôt
en termes de risques potentiels d’un manque physique d’une eau propre et potable. Par exemple,
bien que l’habitat rural soit situé à proximité des grandes quantités d’eau, amenées par les 120 000
km de canaux à travers la campagne égyptienne, les populations rurales ne sont pas connectées au
réseau d’eau potable, et leur eau disponible est très polluée. A cela s’ajoutent des réseaux de canaux
7
en piteux état, occasionnant ainsi nombre de perte et une distribution au tour d’eau4
laquelle ne
permet pas une alimentation en eau continue.
D’autres pays dans le monde ont le problème d’accès à l’eau combiné à la question de l’espace, mais
en Egypte cela atteint un paroxysme. Le lien ici est que toute l’organisation du territoire se fait grâce
au Nil. Il est difficile de mesurer la rareté de l’eau, car par exemple le débit du Nil à l’embouchure,
n’est pas évalué de manière précise. Par ailleurs, les spécialistes estiment les capacités disponibles
dans une large proportion (de 15% à 40%). Si des ouvrages comme le nouveau barrage d’Assouan
permettent de régulariser les capacités en eau et donc de pallier à une forme de rareté, les
ressources disponibles sont menacées par la situation géopolitique du Nil.
Au niveau de l’espace agricole disponible, la surface agricole utile n’est que de 50 000 km2 soit 4% du
territoire, alors que 95% de la population est concentré autour du Nil, sur moins de 5% du territoire.
On s’aperçoit depuis les années 1960 que 800 000 feddans5
, soit environ 6 à 7% de la surface agricole
utile, ont été pris par l’urbanisation. Afin d’y pallier, 1.5 millions de feddans ont été gagnés sur le
désert. Pour autant si l’urbanisation se poursuit, la bonification de terres désertiques, coûteuse en
eau, va vite s’essouffler.
Cette rareté des terres, oblige les exploitants à aller chercher dans les gains de productivités afin de
faire augmenter le volume de la production. Mais ces gains sont très faibles depuis les années 60
pour différentes raisons : si les engrais améliorent la productivité, le barrage d’Assouan empêche cet
engrais naturel qu’est le limon, autrefois transporté par le Nil, de fertiliser les cultures. Aussi les
terres gagnées sur le désert sont moins productives que les terres perdues suite au phénomène
d’urbanisation. Enfin, la productivité du travail n’a pas progressé, conséquence l’exode rurale, sans
doute renforcé par le fait que la vallée du Nil constitue un continuum urbain.
Ces problèmes de productivité et donc de quantité produite, liés à une croissance démographique
forte, entraine l’Egypte, depuis les années 60, à un déficit des échanges agricoles. Il faut ajouter que
l’autosuffisance alimentaire, que l’Egypte n’a pas connue, n’implique pas forcément un déficit des
échanges agricoles (en effet les exportations de coton allouaient un excédent). Cette distinction
permet de mieux comprendre la politique agricole en perspective des contraintes naturelles. Ici
l’autosuffisance alimentaire n’est pas forcément souhaitable, de par les avantages comparatifs de
l’Egypte. Il vaut mieux utiliser ces avantages afin de viser à un rééquilibrage des échanges agro-
alimentaires. Si on souhaitait être autosuffisant, le développement de la production céréalière se
fera au détriment de cultures intensives à plus fortes valeurs ajoutées par hectare, ou de cultures qui
consomment peu d’eau. Ainsi l’Egypte serait autosuffisante mais y perdrait plus globalement.
L’Egypte profite donc de ses avantages pour acheter sur le marché céréalier, structurellement
excédentaire, à de bons prix, stratégie qui a fait ses preuves auprès de l’Australie, des Etats-Unis ou
encore de la France.
Si la rareté de l’eau en Egypte constitue aujourd’hui un problème majeur pour les habitants, il faut
souligner que ce problème s’accompagne aussi du phénomène du gaspillage. Cela peut se retrouver
en zone rurale et urbaine. Les réseaux vétustes, et la conception de l’eau par les usagers, qui est vue
4
Le tour d’eau est une technique de distribution d’eau discontinue, dont les horaires et le temps de
distribution sont aléatoires.
5
Le feddan est l’unité de mesure des surfaces agraires (1 feddan = 0,42 ha, 4200 m²)
8
comme un don, amène à une inadéquation avec la situation réelle de l’eau, qui est couteuse à
mobiliser. Les difficultés d’accès à l’eau potable et les lacunes en matière d’assainissement ne sont
finalement qu’une illustration de l’impasse non résolue aujourd’hui.
1.2 - Les usages de l’eau en Egypte
Au début du 19e
siècle, la construction de divers barrages tout au long du fleuve, notamment
à Assouan et dans le delta du Nil, témoigne d’une volonté de contrôler et régulariser l’eau. Le
barrage d’Assouan et ses rehaussements ont commencé à influencer la ville et sa structure sociale.
Cela s’est produit principalement par l’arrivée d’ouvriers et de touristes européens pour la période
hivernale. Le fait le plus marquant correspond à la construction du Haut-Barrage, car il est celui qui a
entrainé une croissance urbaine forte. De cela découle qu’Assouan est devenu un point de transition
entre nord, la vie en Haute-Egypte, et le sud, le désert. Des fonctions résidentielles en furent
affectées (commerce d’épices, produits exotiques), mais les potentialités de l’énergie
hydroélectrique et la puissance urbaine a largement compensé ces pertes.
Ce Haut-Barrage a donc contribué à un flux de travailleurs plus ou moins qualifiés, venant de deux
sources : des paysans pauvres souhaitant augmenter leur revenu d’une part, et des Nubiens revenant
sur leur terre d’autre part. Le cœur de ville a donc migré du fleuve et du marché vers les chantiers.
L’agglomération s’est déplacée en fonction des nouvelles activités, administrative, hôtelière, ce qui a
contribué au surnom de « Ville du Barrage ».
A ce moment le gouvernement souhaitait à tout prix industrialiser la zone, au travers de ses
politiques d’aménagements, en respectant les activités locales. Différentes réalisation ont ainsi vu le
jour comme une usine d’engrais azotés de la Kima, ou encore une mine de fer de la « Steel & Iron
Company ». Durant les années 60-70, tous ces changements ont transformé la ville en pôle industriel,
en atteste la population qui travaillait sur le chantier du Haut-Barrage (plus de 30 000 ouvriers et
cadres). La Kima quant à elle comptait environ 3 000 employés.
Par ailleurs, l’immigration des cadres liée à ces activités était limitée. Ils venaient d’Egypte et leur
logement était prévu à l’avance. En revanche la main d’œuvre « basique » est arrivée en masse.
Comme ils étaient sans qualification et extérieurs à la région, ils connurent des difficultés pour se
loger. Leur milieu, leur métier et leur logement était en mutation. Ce changement a ainsi modifié la
ville en elle-même. Ainsi le gouvernorat et les compagnies s’attelèrent à créer les logements
manquants. La production publique de logement avoisinait d’ailleurs les 18% en 1961. Mais cela ne
suffisait pas et de la sorte, des extensions spontanées non conventionnelles, type squat, absorbèrent
la population. Ce type de logement s’est très vite développé le long du canal de la Kima, qui été à
l’origine conçu pour évacuer les déchets de l’usine notamment.
La station d’électricité du Barrage d’Assouan et la nouvelle obtenue grâce au Haut-Barrage offrit de
l’énergie en abondance, et la ville fut aisément alimentée. Les branchements s’effectuaient sur des
lignes publiques ou chez les voisins. En ce qui concerne l’eau potable, des robinets publics virent le
jour le long de la route qui longe le canal, mais également dans les rues principales. Plus tard,
certains habitants ont pu avoir l’eau directement chez eux. L’évacuation des eaux usée se faisait
9
manuellement, par les femmes et les enfants, dans le canal. Parfois des fossés servent entrainant
ainsi nuisances olfactives et problématiques d’hygiène.
En Egypte, 85 % l’eau de l’Egypte est employée pour l’usage agricole, contre 6 % destiné à l’usage des
ménages, le restant étant destiné à l’industrie ou au milieu tertiaire. L’eau est un enjeu majeur car il
existe un décalage entre la politique officielle, et ce qui se passe en réalité. « L’eau est un bienfait de
Dieu et on ne saurait abuser des bienfaits de Dieu ». Ce message porté par des agronomes n’exprime
qu’une réaction globale après des millénaires de frustration. Dès l’instant où il est ancré dans les
consciences que l’on ne serait abusé des bienfaits de dieu, l’usage de l’eau est en proie à de
nombreux gaspillages. Ces excès se réalisent par un processus simple, l’eau n’est pas payée, elle est
distribuée de façon laxiste, les infrastructures sont souvent en piteux états occasionnant ainsi des
pertes et n’est pas usée de façon rationnelle. Au niveau global, la gratuité est compensée par la
faiblesse des prix fixés par l’Etat sur les cultures comme le blé et le coton. Le passage à la sakkiéh6
remplaçant la vache à motopompe transportable a aussi permis d’augmenté considérablement les
volumes d’eau distribué à chaque tour. L’abondance d’eau utilisée pour l’agriculture a eu pour
conséquence de maintenir une surface trop humide au niveau du sol qui facilite la remontée du sel. A
terme, 30 à 40% des sols sont touchés par la salinisation, notamment dans les secteurs utilisant de
l’eau recyclées, et cela en dépit du plan de drainage systématique.
Malgré le gaspillage de l’eau dans le secteur agricole, beaucoup d’exploitation souffrent d’un
manque. Le désert égyptien est une région où aucune agriculture n’est possible sans irrigation. Donc
une absence d’eau est synonyme de perte de cultures et donc de revenus agricoles. Bien
qu’officiellement, tout le monde puissent s’exprimer sur les questions de gestion des eaux, les
paysans sont exclus des sphères de décision, même si quelques projets de développement isolés
tentent de promouvoir la gestion de l’eau par les agriculteurs à un niveau décentralisé7
.
En tout état de cause, il s’avère à terme indispensable pour l’Egypte d’adopter une restructuration et
une politique de réhabilitation de ses canaux afin d’amoindrir les pertes liées à l’irrigation, et de
mettre en place une politique d’éducation des usagers pour une consommation plus raisonnée de
l’eau. Concernant l’usage agricole, il pourrait être envisagé de modifier les techniques d’irrigations en
les remplaçant peu à peu par l’arrosage au goute à goute ou encore par aspersion, ces deux
techniques étant plus économes en eau. La possibilité de confier la gestion de l’eau aux agriculteurs
est néanmoins à prendre avec des pincettes, d’une part parce que les agriculteurs sont les plus
grands consommateurs d’eau en Egypte et d’autre part parce qu’elle n’est pas forcément garante
d’un partage équitable de la ressource entre tous les usagers.
Malgré les critiques faites suite à la construction du barrage d’Assouan, il convient de noter que le
barrage a une capacité de régulation modulable en fonction du calendrier agricole qui permet le
lâcher de 7 km3 en juillet contre 3 km3 en décembre. Ce dispositif permet de récolter deux à trois
fois par an, quand dans le passé la récolte annuelle était commandée par la crue. Par ailleurs les
6
Pompe motorisée
7
Voir en ce sens : Ferraton N., Formation aux approches socio -institutionnelles de la gestion locale de l'eau : Etude d'un
périmètre irrigué en voie de réhabilitation dans la province de Beheira, Delta du Nil, Egypte, Centre national d'études
agronomiques des régions chaudes de Montpellier, Juin 2004
10
surfaces cultivées sont passées de 5,2 M° de feddans en 1952 à 7,5 M° en 2002, et cela dans un pays
ou le stress hydrique est fort et où seule la vallée du Nil fait figure d’alternative.
A postériori, les diverses critiques qui concernaient le barrage étaient peut être plus portées sur le
contexte politique de sa mise en œuvre que sur son bien-fondé. Comme nous l’avons déjà évoqué
précédemment, à l’origine le projet était soutenu par la Banque Internationale pour le
Développement et les Etats-Unis. Le consensus se forma jusqu’au moment de la nationalisation du
canal de Suez en 1956. Le conflit autour du barrage s’est aggravé lorsque les Soviétiques ont alloué
une aide technique et financière pour contribuer au projet. En contrepartie l’Etat égyptien s’est
lancée sur la voie de la planification économique, avec de manière plus précise, la socialisation des
terres, la limitation des propriétés à 50 feddans, la distribution des terres expropriées aux métayers
qui la travaillaient. Par ailleurs des coopératives agricoles furent crées à l’ouest du delta sur le
modèle du kolkhoze, mais également du sovkhoze avec de vastes exploitations. Ces réformes étaient
donc une sorte d’affirmation du nouveau pouvoir égyptien issu du coup d’Etat de 1952 envers ses
nouveaux alliés.
Au final, quand Nasser disparu en 1970, le retour au libéralisme s’opéra sans heurts. Les usuriers ont
repris leurs possessions terrestres. Il y eu des ventes des terres anciennement collectivisés. L’Etat
garde par ailleurs un certain contrôle des « nouvelles terres » et permet la création de nouveaux
villages où les « diplômés » jouent un rôle majeur, en comparaison des fellahs, puisqu’ils gèrent à la
fois les hectares, la dotation en eau et l’utilisation du matériel. En réalité, l’objectif autour de ces
nouveaux villages n’est pas tellement la production agricole que l’infrastructure et les services mis en
place pour la population. D’ailleurs, on trouve dans ces villages plus de non agriculteurs que
d’agriculteurs.
En ce qui concerne plus précisément la réforme agraire, l’objectif était double : d’une part il fallait
satisfaire les besoins fonciers d’une population qui comptait quelques 65% d’agriculteurs dans la
population active, et par ailleurs augmenter les surfaces cultivées et intensifier la production pour
approcher l’autonomie alimentaire du pays.
Pour le premier objectif, malgré la baisse de la part d’agriculteurs dans la population active (35%) la
pression foncière existe toujours. Les agriculteurs restants occupent d’ailleurs une fonction
secondaire pour compléter leur revenu, comme par exemple de travailler sur des grandes
exploitations en tant qu’ouvrier agricole. En effet le regroupement en grande parcelle a été rendu
nécessaire par la croissance démographique, car l’Egypte est passée de 9.7 millions d’habitants en
1900 contre 71 millions en 2002, et toutes les projections démographiques, optimistes ou non,
tablent sur une hausse poursuivie.
Au sujet des surfaces cultivées, sur la même période la surface cultivée est passée de 5,3 millions de
feddans en 1900 à 7,5 millions en 2000 et la superficie récoltée de 7,5 à 13.9 millions de feddans. Si
l’extension de l’agriculture constitue un bienfait pour la population, la part de culture par habitants
n’a cessé de baisser (0.5 feddans par habitants en 1900 contre 0,10 en 2000). A long terme
l’agriculture sera en récession, en termes de consommation d’eau, ou de superficie, d’où
l’importance pour le gouvernement égyptien à réfléchir à un après.
11
Cette récession de l’agriculture est tout à fait sensible au vu de la part de ce secteur dans le bilan
hydrique global. La part a diminué de 91% en 1975 à 82% en 2001, tandis que l’urbain et l’industrie
ont progressé (OSS-UNESCO 2001). D’ailleurs l’eau utilisée par l’agriculture ne vient qu’en partie du
Nil (41 km3). Des nouvelles sources alimentent le secteur primaire comme l’eau de drainage recyclée
(4,7 km3), l’eau salée (3 km3) et les eaux municipales usées (0,7 km3). Si l’on couple cette évolution à
celle de la démographie, on constate que l’impasse est proche (l’agriculture aurait besoin de 95,3
km3 en 2025). Malgré tout, des améliorations substantielles nuancent le problème.
En effet le rendement de l’eau est mauvais pour l’agriculture. Selon la FAO, en 1996, l’agriculture
prélève 47,8 km3/an mais n’en utilise que 28,25 km3 de manière effective. L’espoir est permis.
Différents facteurs amène à ce manque d’efficacité. Le plus évident concerne le modèle d’irrigation,
gravitaire, avec des canaux non cimentés qui laissent échapper une partie de l’eau, qui plus est sur
des sols poreux. L’autre facteur concerne les apports excessifs. Les besoins en eau sont déjà plus
élevés que sur la rive nord de la Méditerranée. Mais par ailleurs les normes à l’hectare ne sont pas
respectées dans les directives transmises aux coopératives. Dans le delta, on prévoit 2 900 m3 dans
la norme contre 3 500 m3 réel pour le blé ou encore 5 226 m3 pour le maïs contre 7 000 m 3 réels.
1.3 - Le Paiement de l’accès à l’eau et assainissement
La question de paiement de l’eau en Egypte est un sujet tabou. L’eau est un don de Dieu et se
doit d’être gratuite. Cela pose problème pour la gestion de cette eau, d’où la question suivante,
comment rendre payant l’accès à l’eau en respectant les mœurs ? Outre la question des mœurs
comment garantir un accès à l’eau aux populations les plus défavorisés si l’eau est payante ?
Actuellement la tarification de l’eau ne permet de couvrir que 35% des coûts. C’est la contrainte
majeure au développement du secteur. Les autorités locales définissent les systèmes de tarification.
En général, les eaux destinées à l’agriculture sont les moins chères, ou sont gratuites. C’est donc un
secteur qui dépend de l’aide internationale pour se financer (Banque Mondiale, UE), pour réaliser
des projets.
Malgré les discours sur l’autonomisation du secteur de l’eau, les tarifs restent donc faibles. Le
Ministère de l’Habitat fixe les prix, qui sont parmi les plus bas en Afrique en partie dû à l’héritage
paternaliste du pays. Il est à noter que depuis 1995, seul Le Caire et Alexandrie ont connu des
hausses de tarifs. Les prix sont les suivants : environ 0,05 €/m3 pour l’eau et 0,02€/m3 pour
l’assainissement en moyenne pour les 4 gouvernorats du Delta.
Des solutions existent, outre les hausses tarifaires, pour remédier aux problèmes de gaspillage, aux
impacts et améliorer la productivité de l’eau. Le paiement de l’eau pourrait se réaliser en termes de
volume consommé et non au tour d’eau. Par ailleurs, éviter l’arrosage gravitaire et opter pour de
l’aspersion voir du goutte à goutte. Cependant, comme le droit coranique ne permet pas de donner
un prix à l’eau, la pose de compteurs est difficile à mettre en place et nécessite une réforme
conséquente du système. Par ailleurs, les capacités d’investissement pour améliorer le système
d’irrigation sont insuffisantes. Il convient de noter malgré tout que dans les grandes agglomérations,
12
les réseaux anciens dont le rendement n’excédait pas 50% sont en cours de modernisation sous
l’initiative (et pour le profit) d’entreprises étrangères comme l’American Black & Veatch Int. ou le
français Degrémont. Ces derniers font payer le service rendu et non pas l’eau.
Toujours au sujet des tarifs, un autre problème posé est la justice sociale. Car dans le cas des villes,
un prix trop élevé va défavoriser les classes sociales les moins aisées. Il est donc nécessaire de créer
un système de barèmes progressifs. En ce qui concerne l’agriculture, le problème se pose aussi car
l’eau trop chère n’incitera pas les paysans à l’utiliser, et si elle est gratuite, ils en abuseront.
Autour de ce secteur, les institutions sont en plein bouleversement. Beaucoup de récents décrets
(2004) ont eu pour objectif de rendre le système de gestion urbaine de l’eau plus efficace. Une
agence de régulation de l’eau potable, l’assainissement et la protection du consommateur a été créé
(« Egyptian Water Regulatory Agency » et « Holding Company for Water and Wastewater » ). Cela
engendra une privatisation des ex sociétés publiques. Mais l’ensemble reste chapeauté par le
Ministère du Logement. En revanche les projets d’investissement sont réalisés par d’autres
organismes : CAPWO pour le Caire et Alexandrie et NOPWASD pour le reste du pays. Il faut noter que
les gouvernorats locaux restent des acteurs prépondérants des décisions.
Les données concernant les volumes globaux ne donnent pas de réelles informations sur la qualité de
l’eau. Les quartiers pauvres et la campagne luttent pour une eau traitée. Les stations permettraient
de fournir 6 millions de m3/jour. Mais les infrastructures obsolètes posent problèmes car des pertes
dans le réseau, et le faible rendement des stations, empêche le bon fonctionnement du système
d’assainissement dans son ensemble. Aussi le monde rural n’a pas accès à l’approvisionnement
public et les populations sont amenées à pomper directement des eaux souterraines non traitées.
Souvent aucun système de tout à l’égout n’est présent. Les maisons ont une dalle en deux parties,
avec un trou sur une fosse. Pour la vider, soit on creuse un trou dans une cour tous les deux ans, en
vidant la fosse, ou alors on enlève une des deux parties de la dalles par le haut. Les extraits dans tous
les cas sont amenés à errer dans la montagne, sous le soleil et l’air sec.
D’un point de vue général, la situation empire et constitue un enjeu majeur pour l’Egypte. Selon
l’OMS, le taux global d’accès à un système d’assainissement est passé de 54% à 70% entre 1990 et
2004. L’assainissement collectif dessert 68% des urbains contre 13% des ruraux. Et finalement les
ruraux ne sont pas forcément les moins bien servis, car la situation du delta du Nil, qui compte un
tiers de la population égyptienne, est alarmante. La pollution des eaux usées a des conséquences
directes sur la pérennité de l’agriculture intensive dans le delta et sur l’eau potable, et bien sûr sur
l’état sanitaire de la population. Par ailleurs cela menace l’écosystème. Au niveau rural les rares
systèmes d’assainissement ne sont pas adaptés à la situation concrète du fait d’une inadéquation
avec le niveau des nappes phréatiques.
Les projets financés par les institutions internationales portent sur l’amélioration des capacités de
traitement des eaux usées en ville comme pour le Caire, qui possède la station de Gabal El Afsar.
Cette dernière aura une capacité de 1,5 million de m3/j soit la plus importante du monde.
13
2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau
La qualité de l’eau du Nil et la construction du barrage d'Assouan ont largement contribué à
la dégradation des conditions sanitaires et environnementales des égyptiens. Certains effets pervers
induits par le barrage étaient prévisibles mais les divers enjeux et objectifs poursuivis par ce projet
ont légitimés, l’existence d’une crise sanitaire (2.1) ainsi que la dégradation de l’environnement (2.2).
2.1 - Les conséquences sanitaires induites par la mauvaise qualité de l’eau du Nil
Le Nil est la source d'eau principale en l'Égypte. Compte tenu de la croissance
démographique ainsi que le développement économique du pays, force est de constater que les
pressions anthropiques en constante augmentation affectent la qualité des eaux du Nil. En effet, la
pollution constatée dans les eaux du Nil et à l’origine d’une crise sanitaire. On relève principalement
trois causes de pollution du fleuve : l’absence d’infrastructure d’assainissement de qualité, les rejets
d’origine industrielle et le drainage des eaux d’irrigations.
L’absence d’infrastructure d’assainissement est la principale cause de contamination des eaux
égyptiennes. En effet seuls 60 % des villes et 4 % des villages jouissent d’un réseau d’égouts. Les eaux
usées, sont, pour la grande majorité non traités et directement rejetées dans le Nil avant d'être
redistribuées et une nouvelle fois consommées. Les eaux des canaux non traitées ont un usage
multiple : elles servent à la consommation alimentaire, la lessive est souvent faite dans les canaux et
les égyptiens s’y baignent parfois. On dénombre en Egypte 1,8 millions de mètres cubes d’eaux usées
non traitées.
Ce problème est amplifié par la forte pollution présente en Égypte, conséquence, outre du
comportement des habitants du fort trafic portuaire et des rejets en provenance des industries
implantées le long des berges du Nil. La présence d’hydrocarbures et de composés chimiques dans le
Nil y est particulièrement importante. 549 millions de mètres cube de déchets industriels constitué
de liquides, produits chimiques et métaux lourds seraient présents dans les eaux du Nil.
Enfin le drainage agricole des eaux d’irrigation, déversé directement dans le fleuve, s’élèverait à 12,2
milliards de mètres cube par an. On relève dans ces eaux des pesticides et des nitrates en forte
concentration.
Ces sources de pollution entrainent de graves effets sanitaires.
En Egypte, un enfant meurt toutes les huit secondes du fait de la pollution de l’eau.
Ces maladies d’origine hydriques sont des diarrhées, des hépatites on encore des maladies comme la
Bilharziose8
. La schistosomiase a des répercussions économiques et sanitaires considérables. Cette
maladie tropicale négligée est responsable pour 280 000 décès chaque année dans le monde. La
présence d’amibe est également à l’origine de graves troubles intestinaux et hépatiques.
Outre cela on observe en Egypte de nombreux cas de fièvre typhoïde, d’hépatites A et E, de choléra
ou encore de saturnisme. Les médecins égyptiens observent une recrudescence de manifestation de
maladies congénitales, de dysfonctionnements des reins, d’atteinte à la fertilité ou encore d’atrophie
cérébrale.
Ces pathologies affectent l’économie nationale et provoqueraient, selon le rapport du CEDL (centre
égyptien pour le droit au logement), une chute du PNB de l’ordre de 17,5 à 35 %.
En Egypte, le débit du fleuve diminue à la mesure que la pollution augmente et se concentrent.
8
Appelée également schistosomiase ou hématurie d’Egypte est causée par un ver parasite qui infecte l’eau.
14
Le manque d’infrastructures d'assainissement et d'évacuation des eaux usées ainsi que le mauvais
état d’entretien des ouvrages existants est lié à plusieurs facteurs tels que le manque de moyens, la
mauvaise gouvernance égyptienne ainsi que la corruption.
Tant qu'un réseau efficace de traitement et d'évacuation des eaux sales n'est pas mis en place, et
que leur entretien n'est pas garanti, la population l'Égyptienne sera victime d'une multitude de
maladies hydriques. Ce qui est d’autant plus grave sachant que 25 % des maladies prévalant en
Egypte sont des maladies hydriques selon le CEDEL dans un rapport intitulé « La catastrophe de l’eau
potable en Egypte ». Il est donc impératif que le gouvernement en prenne la mesure et classe la
question de l’assainissement au rang de ces priorités. Par ailleurs, il est nécessaire que la législation
relative aux rejets de polluants soit renforcée et que le gouvernement s’assure de son application.
Outre le renforcement de la gouvernance et de la législation, il est temps que l’Egypte investisse dans
la prévention, l’éducation et la sensibilisation des populations afin de faire évoluer les consciences.
2.2 – Les conséquences environnementales induites par la pollution des eaux du Nil
L’absence de traitement des eaux usées impliquent l'absorption des nitrates, pesticides, et
divers produits chimiques par le sol. On penserait que le secteur agricole et celui de la chimie serait
les plus pollueurs, mais les secteurs alimentaire et celui du textile sont de sérieux concurrents9
.
Cette absorption a des effets catastrophiques sur la faune et la flore locale ainsi que sur l'état et la
richesse du sol. Les premières espèces concernées sont bien sûr les poissons qui vivent directement
dans cet environnement pollué, et qui sont sûrement impropre à la consommation. Leur nombre doit
être aussi grandement limité à cause du barrage qui fait obstacle à leur déplacement modifiant ainsi
leur environnement naturel ainsi que leurs habitudes. 40 espèces de poissons sont actuellement
menacées en Egypte selon les indicateurs mondiaux de développement, à ceci s’ajoute la disparition
corrélative de sardines.
Le barrage limite contribue à la fragilisation des berges jusqu’à 100km en aval, cette modification
d’environnement est la raisons pour laquelle on assiste à la disparition de multiples espèces.
Le barrage d’Assouan a permis une limitation des inondations des terres agricoles en avales ainsi que
limiter les effets de la sècheresse grâce à sa capacité de stockage d’eau. De prime abord l’idée selon
laquelle le barrage contribue à réguler le débit et éviter des catastrophes naturelles est séduisante, il
ne faut pas négliger les effets pervers sur le sol. En effet, sans les inondations, le Nil n’amène plus de
nutriments et minéraux essentiels à la fertilité des terres. Ceci a un effet structurel extrêmement
négatif pour les terres égyptiennes car cet effet sous-entend une dépendance envers les pesticides
pour pallier ce manque de fertilité des terres. De plus les nutriments, alluvions et limons fertilisants
retenus au barrage, causeront dans leur trop grande proportion le développement de
phytoplanctons qui nuit à la faune en réduisant le taux d’oxygène présent dans l’eau ainsi que
l’envasement du barrage.
Par ailleurs, on observe un phénomène de salinisation qui concerne principalement les terres
irriguées. Quand le sol est trop irrigué en profondeur, les eaux stagnent et permettent la remonté du
sel, entrainant ainsi une dégradation des sols ainsi qu’une toxicité pour les végétaux.
La salinisation entraine également un effet sur les nappes phréatiques qui se remplissent
9
D’après les données de la banque mondiale le secteur alimentaire est responsable à 17% et 31% pour le secteur
textile.
15
progressivement et qui finissent par déborder et inonder des agglomérations ou des monuments
dont la structure se retrouve affectée.
Si le barrage à su d’une façon contrôler la nature et permettre de réguler le flux du Nil il a également
contribué au dérèglement de l’environnement et se montrer être un risque pour la faune et flore
égyptienne. Il faudrait donc mettre en place certaines actions pour pallier certains de ces effets. Par
exemple il faudrait veiller au nom cumul des phytoplanctons au niveau du barrage. Ou encore
trouver un moyen de permettre la fertilité des terres et le déplacement des poissons.
Par exemple sur le Rhône une rivière artificielle permet maintenant aux poissons de contourner le
barrage de Jons-Niévroz.
Au même titre que les conséquences sanitaires induites par la pollution des sols, la banque mondiale
estimait en 1999 que les atteintes à l’environnement étaient responsables de la perte de 5 % du PNB
égyptien. Il devient donc urgent pour le développement de l’Egypte que le Nil retrouve sa place de
trésor nationale et non pas de décharge.
3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil
D’après la communauté scientifique10
il existe assez d’eau dans le Nil pour subvenir aux
besoins de l’ensemble des états riverains. Pour autant les eaux du Nil est un vrai sujet de tension
géopolitique à l’échelle du bassin. Le développement économique de ces pays dépend
incontestablement des eaux du Nil (3.1). Pour autant l’entente pour la gestion des eaux du Nil
s’avère difficile : les conflits ont été renforcés par l’existence d’accords coloniaux assurant la
suprématie de l’Egypte en ce domaine (3.2). Si un début de coopération entre les états riverains du
Nil à vu les jours ces dernières décennies, les accords n’ont pas permis d’apaiser l’ensemble des
tensions (3.3).
3.1 – Des pays dépendant des eaux du Nil
300 millions de personnes répartis dans dix états11
dépendent des eaux du fleuve Nil. Compte
tenu de la croissance démographique observée dans les états riverains du Nil, la population
dépendante de ses eaux devrait doubler d’ici à 2030. Tous ces pays ne sont pourtant pas égaux
concernant la ressource en eau disponible par habitant. Le tableau ci-dessous permet de comparer la
ressource renouvelable en eau par habitant dans chacun des Etats riverains des eaux du Nil, et
permet de constater que le taux des égyptiens est un des plus faibles bien que l’Egypte soit l’Etat le
plus consommateur.
10
Allocution de Simon Langan, directeur du Bureau Afrique de l’Est et Bassin du Nil de l’Institut international de gestion
des ressources en eau (International Water Management Institute, IWMI)
11
Les Etats dépendant des eaux du Nil sont les suivants : Egypte, Soudan, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Rwanda,
Ouganda, Tanzanie, République démocratique du Congo, Burundi.
16
Pays Consommation en eau
(hab/m3/an)
Ressource en eau
(hab/m3/an)
Burundi 42.56 538
Rwanda 17.57 815
Tanzanie 144.88 2655
Kenya 72.44 997
Ouganda 12.66 3030
Ethiopie 80.48 1758
Erythrée 121.7 2286
Somalie 377.6 1537
Soudan 1.02 2357
Egypte 937 851
Tab : Tableau comparatif de la consommation d’eau effective par habitant et la ressource en eau
renouvelable – Source données de la banque mondiale
Dans ce contexte, l’Egypte détient une position délicate. D’un point de vue historique, la civilisation
égyptienne qui a su mettre en valeur le fleuve depuis des temps très ancien, le Nil est considéré
encore aujourd’hui comme un héritage consacrant aux égyptiens un droit naturel a consommé les
eaux du Nil. La majorité des eaux du Nils desservent le territoire Egyptien qui en consomme les trois
quarts. Pour autant, l’Egypte est l’état le plus dépendant des eaux du Nil dès lors qu’il constitue sa
seule ressource en eau douce. La consommation annuelle des égyptiens ne cesse d’augmenter,
notamment pour l’usage agricole sur des territoires désertiques nouvellement conquis, et dépasse la
capacité de renouvellement de la ressource. Par ailleurs, d’agissant d’un état situé en aval de la
source du Nil, l’Egypte est dans l’incapacité de contrôler le débit du fleuve, contrairement à
l’Ethiopie, état situé en amont qui contrôle 85 % du débit du fleuve. Dans ces conditions, la question
de la gestion des eaux du Nil est particulièrement épineuse pour le gouvernement égyptien eu égard
à sa dépendance.
Au regard d’une telle situation, une gestion intégrée de la ressource s’avère indispensable. Il est
nécessaire d’assurer le développement économique et social par une utilisation équitable et
bénéfique des ressources hydriques communes au bassin du Nil, d’autant que le risque de conflits
liés au partage de la ressource augmente à mesure qu’elle diminue. La recherche d’un
aménagement global et concerté du bassin ainsi que la rédaction d’un cadre légal permettrait
d’éviter tout conflit dans une zone géographique déjà fort instable. Pour autant, la gestion d’un
fleuve transfrontalier s’avère particulièrement délicate d’un point de vue géopolitique. Le dialogue
entre les Etats ainsi que la création d’une autorité de gestion indépendante dans laquelle chacun des
états serait représenté est de prime importance. Bien que le bassin du Nil connaisse des tensions
politiques récurrentes, il fait également l’objet d’initiatives de la part des états riverains en vue de sa
gestion.
17
3.2 – Des accords coloniaux sources de conflits dans le bassin du Nil
Dès le XIXe siècle, des accords ont été signés entre les puissances coloniales. Ces derniers
témoignent des privilèges accordés à l’Egypte par rapport aux autres pays riverains du Nil concernant
la consommation des ces eaux. C’est ainsi qu’en 1891, le protocole de Rome signé entre l’Italie et la
Grande-Bretagne relatif aux frontières entre l’Érythrée et le Soudan, stipulait que les autorités
coloniales italiennes avaient l’interdiction d’ériger des ouvrages sur un affluent du Nil afin de ne pas
en diminuer le débit. Au début du XXe siècle, des accords similaires ont été conclus avec la France à
l’Italie en Éthiopie et en Érythrée. Le dernier grand traité de la période coloniale a été conclu entre
l’Égypte et le Soudan en 1929. Le traité stipulait que l’ensemble des projets de barrage ou de
détournement d’eau en amont devaient être soumis à l’approbation des autorités égyptiennes. Le
traité de 1929 répartissait le débit du fleuve à Assouan à 48 milliards de mètres cubes pour l’Égypte
et 4 milliards pour le Soudan. Les 32 milliards restant étaient destinés à rejoindre la mer
Méditerranée. Force est de constater que les puissances coloniales en présence ont contribué à
accorder à l’Egypte une certaine suprématie sur les eaux du Nil. Mais les puissances coloniales
étaient certainement loin d’imaginer que cette série de traités et accords constituait une véritable
bombe à retardement, source de conflit entre les états du bassin du Nil.
En 1956, le Soudan devenu alors indépendant a développé une politique de développement de
grandes fermes mécanisées lesquelles nécessitaient un fort apport hydraulique notamment pour
l’irrigation. C’est dans ce contexte et dans le cadre des travaux du barrage d’Assouan que le traité de
1929 a été révisé en 1959 accordant à l’Egypte la possibilité de prélever 55,6 milliards de mètres
cubes contre 18,5 pour le Soudan. Le traité stipulait également, que les projets de construction
d’ouvrages de stockage et de régulation devaient être programmés avec l’accord de l’Egypte et sous
réverse de l’accroissement de la réserve en eau. Pour autant, dans les faits, ni l’Egypte, ni le Soudan
ne respectent les engagements du traité puisque les quotas d’eau prélevés à Assouan sont
supérieurs à ceux initialement prévus12
.
Cet accord a donné naissance à un conflit latent entre l’Egypte et le Soudan, d’une part et les états
situés en amont, d’autre part. Ces derniers et plus fortement l’Ethiopie où se situe le plus fort du
débit, s’opposaient au traité pour plusieurs raisons. Premièrement, ils considéraient que les accords
entre l’Egypte et le Soudan étaient le fruit de négociations coloniales désormais obsolètes.
Deuxièmement, les états d’amont s’offusquaient de ne pas avoir été consultés pour ces accords.
Enfin, les Etats d’amont souhaitaient faire valoir leur droit à prélever et gérer les eaux du Nil afin de
contribuer à leur propre développement économique13
. On comprend alors aisément que les pays
situés en amont souhaitaient renégocier ou abolir les traités en place. Or, l’Égypte a longtemps
refusé de remettre en cause sa part des eaux du Nil allant même jusqu'à indiqué aux états d’amont
être prête à envisager des actions militaires pour faire respecter « ses droits ». Par ailleurs le
12
D’après les dernières sources l’Egypte prélève 57 km3 par an et le Soudan 20 km3. Au regard du traité
antérieurement signé, on constate que l’augmentation des quotas de prélèvement pour ces deux pays se fait
au détriment du déversement des eaux du Nil dans la Méditerranée.
13
Il est utile de préciser que l’Ethiopie, après des années de guerre civile, a développé de nombreux projets de
développement autour des eaux du Nil : projets d’irrigation agricole, construction de réservoirs dans le but
d’éviter les pertes par évaporation, barrages, centrales hydro-électriques.
18
développement des infrastructures hydrauliques égyptiennes sans le consentement des états
d’amont n’a fait que détériorer les relations entre les états riverains du Nil.
Les états d’amont ont également eu tendance à multiplier les projets d’ouvrage sur le Nil au cours de
ces dernières années. L’Éthiopie et le Soudan envisagent la construction de barrages afin
d’augmenter leurs zones irriguées et produire de l’énergie électrique. L’Ouganda cherche également
à combler son manque d’électricité en construisant des centrales sur le fleuve. Enfin, les pays
riverains du lac Victoria (Ouganda, Tanzanie, Kenya), confrontés à la sécheresse, souhaitent obtenir
l’accès à l’eau de cette vaste étendue d’eau douce, source du Nil Blanc, pour mettre en œuvre leurs
projets agricoles et hydroélectriques. Ces projets sont notamment soutenus par la Chine et Israël ce
qui n’a pas manqué d’irriter le gouvernement égyptien.
3.3 – Un pas vers la coopération transfrontalière malgré un bilan en demi-teinte
Depuis 1970, l’ONU a crée une commission relative aux droits des fleuves transfrontalier.
Mais cette commission qui n’émet que des recommandations n’a pas donné naissance à un corpus
législatif qui aurait permis de donner un cadre de gestion du bassin du Nil.
Malgré une situation tendue, les états riverains du Nil ont tenté d’instaurer une coopération
transfrontalière et interétatique en vue de la gestion du fleuve.
En 1983, l’Egypte a tenté de lancer une politique de coopération technique avec les pays d’aval,
appelée « Endugu14
», mais l’Ethiopie a refusé de participer à cette initiative qui s’est donc révélée
infructueuse.
Ce n’est véritablement qu’en 1999 qu’une véritable coopération s’instaure entre les états riverains
du Nil. En effet, sous l’impulsion de l’ONU l’agence pour le développement de l’initiative pour le
bassin du Nil15
, à laquelle sont associés les 10 états riverains du Nil, voit le jour. C’est ainsi que
débute une série de longues négociations relatives à la gestion des eaux du Nil. La création de cette
instance coopérative de gestion du fleuve visait d’une part la résolution des conflit ainsi que la
signature d’un nouveau traité entre tous les états riverains permettant d’élaborer les bases d’un
accord relatif à l’aménagement global du Nil.
Viser la réalisation des buts communs fondés sur un développement socio-économique durable est
une évolution et incarne le changement dans les visions des riverains nilotiques. Une coopération
bilatérale ne réalise pas les intérêts d'un bassin commun à dix Etats mais. En revanche, la
coopération multilatérale établit une gestion commune pour ce bassin. L'accord de 1959
conséquence de l’histoire visait les intérêts de deux pays n’a plus sa place à l’échelle du bassin, en
revanche, l'initiative du Bassin du Nil visant la réalisation de buts communs à véritablement sa place
et constitue l’avenir de l’approvisionnement en eau des états nilotiques.
14
Le mot « Endugu » signifie entraide en swahili
15
Nile Bassin Initiative (NBI) est basée à Nairobi au Kenya et à Kampala en Ouganda
19
La mise en place de la commission a permis de récolter davantage d’aides internationales en vue de
la réalisation de certains projets d’aménagement. Jusque là, du fait d’un contexte politique
particulièrement mouvementé, le secteur privé était peu impliqué. Le soutien technique et
l’expertise sont toutefois tout aussi importants, et les dispositifs communs à tous les pays constituent
une manière de renforcer leur collaboration et de les habituer au travail conjoint. A titre d’exemple
un projet de mise en place de dispositifs d’information et de gestion des ressources hydriques du
bassin du Nil, qui doit permettre aux pays concernés de prendre des décisions mieux informées dans
ce domaine a été mis en place par l’Italie et la FAO. Par ailleurs, le document d’orientation
stratégique français de la gestion intégrée des ressources en eau ont fait de la problématique de la
gestion de du bassin nilotique une de ses priorités.
Ce n’est pas sans grande difficulté que ces négociations ont fait l’objet, en 2010, d’un projet d’accord
cadre de coopération pour le bassin du Nil. Malheureusement cet accord n’a pas emporté
l’approbation de l’ensemble des états riverains. En effet, l’accord cadre prévoit qu’aucun pays ne
peut exercer d’hégémonie sur les eaux du Nil et leur utilisation, ni revendiquer de droit exclusif.
Cette disposition est la résultante de la volonté des états d’amont qui rejettent le droit de veto
accordé à l’Egypte concernant les projets proposés en amont du Nil. Or, l’Egypte et le Soudan ont
refusé de renoncer à leurs prérogatives entérinés dans les traités antérieurs et n’ont pas adhéré à cet
accord cadre. En conséquence, les longues années de négociations n’ont pas permis de parvenir à un
accord entre l’ensemble des pays concernés.
Malgré l’opposition marquée de l’Egypte et du Soudan, l’Ethiopie, le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le
Rwanda et la Tanzanie ont signé l’accord cadre qui est entré en vigueur en mai 2010. Ce texte prévoit
la création d’une commission, regroupant tous les Etats riverains signataires, chargée de valider ou
de rejeter les projets de grands travaux hydrauliques, qu’il s’agisse de barrages, de canaux ou de tout
autre ouvrage ayant un impact sur le cours, le volume ou la qualité des eaux du fleuve.
Une telle alliance est venue bouleverser la situation jusqu’alors existante privant ainsi l’Egypte d’un
droit de regard sur les projets affectant le bassin du Nil. Le succès de l’Ethiopie à mener ces
négociations est d’autant plus remarquable que l’état a récemment obtenu le soutien du Soudan du
Sud et du Soudan, alors que ce dernier étant initialement l’allié de l’Egypte. Depuis la signature de ce
traité, l’Egypte est dans une situation délicate dès lors qu’elle se retrouve seule face aux autres Etats
riverains du Nil.
Pour autant, il semble dans le plus grand intérêt économique et politique de l’Egypte de participer à
la gestion des eaux du Nil. Pour résoudre ce délicat problème, une solution pacifique est possible,
mais elle passe par la reconnaissance de l’Egypte qu’elle n’a pas de droit particulier sur les eaux du
fleuve, et par l’acceptation de tous les gouvernements riverains que leur politique hydraulique doit
être conçue et gérée au niveau du bassin versant. A ce jour, le traité n’a toujours pas été ratifié par
l’Egypte.
20
Selon Riccardo PETRELLA16
, l'accès de base à l'eau est un droit politique, économique et social
fondamental, individuel et collectif, car de la jouissance de ce droit dépend la sécurité biologique,
économique et sociale de chaque être humain de toute communauté humaine.
La gouvernance de l’eau est un grand défi de l’Egypte et développement de l’accès et la gestion
durable de la ressource hydrique doit poursuivre son chemin.
Le développement économique et social de l’Egypte dépend de cette ressource, aussi il est impératif
pour le gouvernement égyptien de prendre la mesure de l’importance de la ressource.
L’investissement dans un système d’assainissement efficace est indispensable tout comme
l’incitation à un usage raisonné de l’eau et la préservation de la ressource.
Le renforcement de la gouvernance de l’eau passe par de grand bouleversement et nécessite de faire
face à un dilemme de taille engageant les gouvernements dans un nouvel équilibre des rapports de
forces, entre les enjeux politiques et les enjeux économiques, la rationalité d'Etat comme garant des
services vitaux et la rationalité commerciale.
L’eau est elle un bien commun ou une marchandise au même titre que le pétrole ?
Outre le défi interne, le défi est externe. Nous avons pu voir que les aspects transnationaux ont une
importance capitale et pourraient être un vecteur d’amélioration pour l’Egypte, à porter de main.
Compétition ou coopération définissent les deux grands pôles de tension autour d'une ressource
essentielle à tous et qu'il est nécessaire de partager. L'eau n'a jamais été et ne sera jamais limitée à
un espace circonscrit sous l’autorité d’un gouvernement. Il faut espérer que le gouvernement
égyptien saura intégrer cet aspect à sa gouvernance pour le bien de son peuple.
16
Politologue et économiste italien, il est aussi secrétaire général du comité international pour un contrat
mondial de l’eau
21
Bibliographie
Ouvrages
Ayeb H., L'Eau au Proche-Orient: la Guerre n'aura pas lieu. Paris et Caire : Karthala et Cedej, 1998,
231 p.
Burton J., la Gestion Intégrée des Ressources en Eau par Bassin. Paris : Agence Intergouvernementale
de la Francophonie & IEPF, 2001, 260p
http://www.reseaux.org/GestionBassins.pdf
Articles
Al Amrawy M. et Ballais JL. , « Les risques naturels dans le gouvernorat d'Assouan (Égypte) : le rôle
du Haut Barrage », Physio-Géo, Volume 8, 2014
Ayeb H., « Les inondations de novembre 1994 en Égypte », Égypte/Monde arabe, Première série,
Géographies de l’Égypte 1, 08 juillet 2008
Ayeb H., « De la pauvreté hydraulique en méditerranée : le cas de l'Egypte », Confluences
Méditerranée 3/2006 (N°58), p. 21-38
Bethemont J., « Le Nil, l’Egypte et les autres » VertigO - la revue électronique en sciences de
l'environnement, Volume 4 n° 3, décembre 2003
Cabrillac B., « Les spécificités de l'économie égyptienne », Égypte/Monde arabe, Première série, Une
économie en transition, 08 juillet 2008
Hugonin P., « Le Sud Soudan ou Juba-Soudan : un nouvel état, nouveau défi » VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 02 septembre 2011
König C., Dossier géopolitique de l’eau – Futura Science- 25 mai 2006
Labib A., « L'Habitat spontané à Assouan », Égypte/Monde arabe, Première série, Modes
d'urbanisation en Égypte, 08 juillet 2008.
Perennes JJ., « Un aspect de la question hydraulique au Maghreb : la politique des barrages »,
Égypte/ Monde arabe, Première série, Partage de l’eau dans le monde arabe, 08 juillet 2008
22
Rapports
AFD, L’initiative du Bassin du Nil
http://www.afd.fr/webdav/shared/PORTAILS/PAYS/ETHIOPIE/fen%C3%AAtre%20IBN.pdf
Réseau international des organismes de bassin, Manuel de gestion intégrée des ressources en eau
dans les bassins des fleuves, lacs et des aquifères transfrontaliers, mars 2012
http://www.riob.org/IMG/pdf/MGIREB-FR-2012.pdf
Ferraton N., Formation aux approches socio -institutionnelles de la gestion locale de l'eau : Etude
d'un périmètre irrigué en voie de réhabilitation dans la province de Beheira, Delta du Nil, Egypte,
Centre national d'études agronomiques des régions chaudes de Montpellier, Juin 2004
http://www.isiimm.agropolis.org/OSIRIS/report/egBehElResqa_GSE-IAV-ISIIMM.pdf
Sites internet
www.fao.org
www.worldbank.org
www.nilebasin.org
www.afd.fr
www.oieau.fr
www.afdb.org
Infographie
Vu du Lac Nasser et du barrage (page de couverture)
Delucq – Gueules d’humour pour Futura Sciences (p 20)
23
Table des matières
Sommaire 2
Introduction 3
1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté 5
1.1 - État des lieux des conditions d’accès à l’eau 5
1.2 - Les usages de l’eau en Egypte 7
1.3 - Le Paiement de l’accès à l’eau et assainissement 10
2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau 13
2.1 - Les conséquences sanitaires induites par la mauvaise qualité de l’eau du Nil 13
2.2 – Les conséquences environnementales induites par la pollution des eaux du Nil 14
3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil 15
3.1 – Des pays dépendant des eaux du Nil 15
3.2 – Des accords coloniaux sources de conflits dans le bassin du Nil 17
3.3 – Un pas vers la coopération transfrontalière malgré un bilan en demi-teinte 18
Bibliographie 21

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  • 1. 1 Hugo Andrieu - Orianne Etancelin - Merlin Hicks La gestion des eaux du Nil en Égypte : le cas du lac Nasser et le barrage d’Assouan Santé, environnement et développement humain Sous la Direction de Madame DOVIS M2 Economie appliquée : projets et politique d’aide au développement
  • 2. 2 Sommaire 1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté 2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau 3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil
  • 3. 3 L'eau, parfois appelée l'or bleu, est source de toute vie. La question de l'accès à l'eau notamment dans les pays en voie de développement revêt une importance capitale. En effet, il s'agit d'un des objectifs du millénaire pour le développement que se sont fixées les Nations – Unies. L'accès à l'eau permet la production de denrées de première nécessité, favorise une meilleure santé et hygiène de vie et contribue également au développement économique de toutes les Nations. En Méditerranée, comme partout ailleurs dans le monde, la question de l'eau est traditionnellement abordée selon la distribution géographique de la ressource hydraulique laquelle permet de faire apparaître les zones de rareté ou d’abondance. A plus petite échelle, il s’agit d'étudier les politiques hydrauliques nationales. L'étude des politiques hydrauliques peuvent se construire autour de la pauvreté, en observant les modes, les conditions d’accès à la ressource hydraulique et sa gestion permettant ainsi d'observer les clivages existants et de mettre en évidence des déséquilibres qu'ils soient humains, sectoriels ou encore géographiques. Depuis les années 1990, on observe un engouement tout particulier relatif aux questions de la géopolitique de l'eau, parfois appelée hydropolitique. Ces analyses de la question de l’eau portent pour l’essentiel sur les conflits autour des ressources hydrauliques en Orient ou en Afrique. En étudiant la situation hydraulique en Méditerranée, force est de constater une fracture entre un Sud “pauvre et dominé ou soumis” malgré des richesses parfois considérables, et un Nord “riche et libre”. Pour autant, qu'il s'agisse du Nord ou du Sud, l’abondance ou la pénurie de l’eau ne peuvent expliquer à elles seules les différentes situations sociales et politiques. Par ailleurs, tous les pays du Sud ne souffrent pas de pénuries chroniques de ressources en eau et certains connaissent même des situations de confort hydraulique enviables1 . Un retour sur le passé montre que l'Afrique du Nord n'était pas dépourvue de traditions et de savoir- faire dans le domaine de l'eau et des ouvrages hydraulique : l'ère pharaonique forte de ses grands ouvrages en est un exemple. En Égypte, l'eau ne manque pas. Pour autant, la gouvernance de l'eau et les conditions de son accès laisse transparaître des failles. Le Nil, première ressource en eau du pays est un fleuve complexe, ne fut-ce que par sa longueur de 6 671 km et par la superficie de son bassin versant 2 850 000 km2 , deux données qui contrastent parfois avec la médiocrité de son débit. L'absence de régulation des eaux du Nil a été responsable de nombreuses inondations et c'est ainsi que les gouvernements égyptiens se sont lancés dans une politique de construction de barrages. A l’origine, le gouvernement Egyptien souhaitait créer des infrastructures de déviation et de stockage en amont au Soudan. L’histoire en décida autrement. En effet le soulèvement Mahdiste, contré dans un premier temps avec l’aide des britanniques, permis d’allouer l’indépendance au Soudan. Cela engendra l’impossibilité pure et simple des projets d’aménagement en amont ce qui constitue un camouflet pour le Caire. Cette situation géopolitique fragile, combiné à l’occupation britannique, a contraint le Caire à créer le barrage d’Assouan afin de suivre la progression démographique. D’où le projet imaginé dès 1945 par Daninos. Le financement de ce projet a conduit l’Egypte à se positionner sur l’échiquier politique. Si Nasser et les siens, étant plus proche des frères musulmans que du parti communiste égyptien, souhaitaient être financés par les Etats-Unis, leur volonté de faire la guerre avec Israël changeât la donne. L’achat d’armes à l’URSS par l’entremise des pays de l’Est, révélé par 1 La pénurie hydraulique chronique est fixée à moins de 500 mètres cubes par personne et par an. On considère qu'un accès de plus de 1000 mètres cubes par personne et par an caractérise une situation de confort hydraulique.
  • 4. 4 Tito à courroucé Washington. Cela a contraint le gouvernement égyptien à nationaliser le canal de Suez pour financer aux deux tiers le projet du haut barrage et à un tiers, en acceptant l’aide financière et technique soviétique. Cet acte a définitivement rangé l’Egypte du côté des pro- soviétiques, jusqu’en 1972, où le nouveau président Sadate exigea des soviétiques qu’ils quittent l’Egypte. En janvier 1963, le colonel Nasser décida donc de la construction d'un haut-barrage lequel devait venir en complément du premier barrage d'Assouan construit en 1902. Le haut barrage est un ouvrage d’une longueur de 3 600 mètres pour une hauteur de 111 mètres complété par une usine hydroélectrique d’une capacité de 2 100 MW. Cet ouvrage colossal commande une retenue de 162 km3 pour une superficie maximale de 6 540 km² : il s'agit du Lac Nasser dont la gestion est partagée entre l’Égypte et le Soudan frontalier. Grâce à sa capacité de retenue 157 milliards de m³ le Lac Nasser est la deuxième retenue du monde après celui du Zambèze. La construction de l'ouvrage devait répondre à plusieurs objectifs : régulariser le débit d’un fleuve dont les variations ont toujours été une source d’inquiétude, légitimer un régime né de la conjonction d’un mouvement populaire et d’un coup d’état militaire ; satisfaire dans un contexte de forte croissance démographique, la demande du secteur primaire afin d’assurer l’autonomie alimentaire du pays en augmentant la surface irriguée2 et enfin régler définitivement le contentieux qui oppose l’Égypte au Soudan s’agissant du partage de la ressource en eau. En définitive, la réalisation du Haut-barrage devait résoudre tous les problèmes de l’Egypte. Mais qu'en est-il exactement aujourd'hui ? La construction du haut barrage a-t-elle permis de garantir à l'ensemble des égyptiens un accès équitable à une eau de qualité et de régler les tensions politiques entre l’Égypte et les autres État de Nil ? Force est de constater qu'en dépit d'une abondance de l'eau, de nombreux égyptiens n'ont pas toujours accès à une eau de qualité (1). Les difficiles conditions d'accès à l'eau et sa mauvaise qualité n'est pas sans conséquences sanitaires. Si le haut barrage en Égypte a permis de faire face aux crues, sa construction n'est pas sans graves conséquences sur l'environnement (2). Quant aux conflits politiques relatifs à la gestion des eaux Nil, ils sont toujours omniprésents (3). 2 En Égypte, la surface irriguée se confond avec la surface cultivée.
  • 5. 5 1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté Le Nil est le plus long fleuve du monde et constitue la principale ressource en eau de l’Égypte3 et en fournit en abondance. Pourtant, lorsqu'on parle de disponibilité de la ressource en eau, il faut considérer que les ressources hydrauliques sont techniquement accessibles et exploitables. Pour être exploitée par les usagers, l'eau doit être propre et potable. L'accès doit être garanti en permanence sauf à ce que les usagers soient équipés de systèmes de stockage. Les ruptures et coupures d'eau intempestives doivent être strictement limitées aux situations de dysfonctionnements accidentels ou encore de situations exceptionnelles, comme les phénomènes naturels imprévisibles. D'après les standards internationaux, l’eau doit être disponible à moins d’un kilomètre et d’un quart d’heure de marche. L’accès à la quantité d’eau indispensable à la vie humaine et à la production vivrière doit être garanti en toute circonstance. A ces conditions s'ajoute l'existence d’un système d'assainissement et d'évacuation des eaux usées. Bien que l'eau ne manque pas en Égypte, les conditions d'accès à l'eau sont très souvent inégales (1.1). Alors que certains habitants souffrent de cette situation, l'eau est pourtant gaspillée (1.2). Le pays souffre d'un manque cruel d'infrastructures d'assainissement rendant sa qualité parfois impropre (1.3). 1.1 - État des lieux des conditions d’accès à l’eau L’Egypte est un pays en grande partie désertique et la totalité de ses ressources en eau douce proviennent du Nil. D’ailleurs, au travers de l’accord signé avec le Soudan en 1959 sur le partage des eaux du Nil, l’Egypte ne peut utiliser qu’environ 75% du débit moyen du fleuve au niveau du barrage d’Assouan. En additionnant les différentes ressources en eau, l’Égypte dispose d’environ 65 milliards de mètres cubes d’eau, dont 55,5 milliards proviennent des eaux du Nil, environ 4 à 5 milliards des nappes fossiles du désert occidental et presque 4 milliards de mètres cubes de la nappe aquifère de la vallée et du delta du Nil, continuellement alimentée par le fleuve et l’irrigation. À ces chiffres, il faut ajouter les quantités d’eau importantes que constitue la réutilisation quasi systématique des eaux qui ont déjà servi à l’irrigation. En effet, le système hydraulique égyptien est totalement clos jusqu’à la côte méditerranéenne. L’eau qui a servi à l’irrigation débouche dans le canal de drainage qui revient, en général, dans le circuit en aboutissant dans un canal principal de drainage ou plus directement dans le Nil. L’Égypte bénéficie d’une disponibilité moyenne en eau qui avoisine les 900 mètres cubes par personne et par an. Loin de constituer un niveau de manque ou de pénurie chronique, on ne peut pas pour autant parler de confort hydraulique en Égypte. Pour autant, sans parler de crise, le déséquilibre entre population et quantité disponible va s’aggraver avec le temps. En effet la 3 Il existe un débat concernant le plus long fleuve du monde. Entre l'Amazone et le Nil, le consensus actuel est de considérer que l'Amazone est le plus important en volume et que le Nil est le plus long. Néanmoins les mesures varient entre 6 259 km et 6 800 km pour l'Amazone et6 499 km et 6 718 km pour le Nil.
  • 6. 6 population augmente d’environ 2,3% par an entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990, alors que le volume d’eau disponible reste le même. Sur les 20 prochaines années, les prévisions de croissance démographique sont estimées à 1,9% par an. Malgré tout, cette disponibilité constitue actuellement un véritable confort dont la majorité des autres États du Sud et de l’Est de la Méditerranée ne peuvent se prévaloir. Pour autant, le cas égyptien, comme celui d’autres pays méditerranéens, ne fait pas figure d'exception. Il ne suffit pas d’une grande disponibilité volumétrique de la ressource pour garantir un accès à l'eau, encore faut-il que les usagers puissent y avoir accès dans les meilleures conditions. La présence d’un volume d’eau ne signifie donc pas forcément qu’on puisse l’utiliser, et ne renseigne en aucune manière sur l’inégalité des usagers devant l’accès à cette eau. En Egypte, la politique et la gouvernance de l’eau est relativement récente, des efforts sont fournis par le gouvernement afin d’améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau et de son accès, notamment en prônant la décentralisation, la gestion participative et une privatisation progressive des infrastructures de distribution d’eau. Par deux décrets du mois de mai 2004, le président Moubarak a annoncé la privatisation des services de gestion de l’eau potable et de l’assainissement présent dans chaque gouvernorat. Ainsi, toutes les autorités locales de chaque gouvernorat auparavant en charge de la gestion de l’eau potable font désormais partie d’une grande entreprise centralisée au Caire : une Holding Company pour l’eau et l’assainissement. Le rôle de cette compagnie est de purifier, dessaler, transporter, distribuer et vendre l’eau potable, la collecte, la traiter et de se débarrasser en sécurité des eaux usées. Le deuxième décret prévoit l’établissement d’une Agence de Régulation pour la gestion de l’eau et des déchets et protection des usagers : la Regulatory Agency for Water and Waste and Customer Protection. Le rôle de cette agence devrait être d’organiser et contrôler toutes les activités des entreprises affiliées à la grande compagnie citée ci-dessus liées à l’eau potable et à l’assainissement. Toutefois, il semblerait que la naissance de ces deux institutions ne soit pas parvenue à établir une véritable gestion décentralisée de la ressource en eau et fait face à des difficultés concernant notamment la tarification de l’eau. Malgré un taux moyen d’accès à l’eau potable relativement élevé, les inégalités restent très fortes en Égypte. En effet, il convient de distinguer le pourcentage de la population ayant un accès à l’eau potable et celui des ménages disposant d’un point d’eau à l’intérieur du domicile. La réalité de ces chiffres souligne les inégalités qui existent Égypte quant à l'accès à l'eau. Selon les chiffres officiels 96 % de la population disposent d'un accès à l'eau potable mais seulement environ 65 % ont un point d’eau à domicile. A cela s'ajoutent des disparités entre les populations urbaines et rurales. En zone rurale, seule 60 % de la population bénéficie d'un accès à l'eau et très peu bénéficient d'un point d'eau à domicile. C'est dans ces mêmes zones que vivent les 3 millions de paysans égyptiens, dénommés « fellhas », dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté. La question de l’eau en zone rurale ne se décline pas en termes de manque quantitatif de la ressource, mais plutôt en termes de risques potentiels d’un manque physique d’une eau propre et potable. Par exemple, bien que l’habitat rural soit situé à proximité des grandes quantités d’eau, amenées par les 120 000 km de canaux à travers la campagne égyptienne, les populations rurales ne sont pas connectées au réseau d’eau potable, et leur eau disponible est très polluée. A cela s’ajoutent des réseaux de canaux
  • 7. 7 en piteux état, occasionnant ainsi nombre de perte et une distribution au tour d’eau4 laquelle ne permet pas une alimentation en eau continue. D’autres pays dans le monde ont le problème d’accès à l’eau combiné à la question de l’espace, mais en Egypte cela atteint un paroxysme. Le lien ici est que toute l’organisation du territoire se fait grâce au Nil. Il est difficile de mesurer la rareté de l’eau, car par exemple le débit du Nil à l’embouchure, n’est pas évalué de manière précise. Par ailleurs, les spécialistes estiment les capacités disponibles dans une large proportion (de 15% à 40%). Si des ouvrages comme le nouveau barrage d’Assouan permettent de régulariser les capacités en eau et donc de pallier à une forme de rareté, les ressources disponibles sont menacées par la situation géopolitique du Nil. Au niveau de l’espace agricole disponible, la surface agricole utile n’est que de 50 000 km2 soit 4% du territoire, alors que 95% de la population est concentré autour du Nil, sur moins de 5% du territoire. On s’aperçoit depuis les années 1960 que 800 000 feddans5 , soit environ 6 à 7% de la surface agricole utile, ont été pris par l’urbanisation. Afin d’y pallier, 1.5 millions de feddans ont été gagnés sur le désert. Pour autant si l’urbanisation se poursuit, la bonification de terres désertiques, coûteuse en eau, va vite s’essouffler. Cette rareté des terres, oblige les exploitants à aller chercher dans les gains de productivités afin de faire augmenter le volume de la production. Mais ces gains sont très faibles depuis les années 60 pour différentes raisons : si les engrais améliorent la productivité, le barrage d’Assouan empêche cet engrais naturel qu’est le limon, autrefois transporté par le Nil, de fertiliser les cultures. Aussi les terres gagnées sur le désert sont moins productives que les terres perdues suite au phénomène d’urbanisation. Enfin, la productivité du travail n’a pas progressé, conséquence l’exode rurale, sans doute renforcé par le fait que la vallée du Nil constitue un continuum urbain. Ces problèmes de productivité et donc de quantité produite, liés à une croissance démographique forte, entraine l’Egypte, depuis les années 60, à un déficit des échanges agricoles. Il faut ajouter que l’autosuffisance alimentaire, que l’Egypte n’a pas connue, n’implique pas forcément un déficit des échanges agricoles (en effet les exportations de coton allouaient un excédent). Cette distinction permet de mieux comprendre la politique agricole en perspective des contraintes naturelles. Ici l’autosuffisance alimentaire n’est pas forcément souhaitable, de par les avantages comparatifs de l’Egypte. Il vaut mieux utiliser ces avantages afin de viser à un rééquilibrage des échanges agro- alimentaires. Si on souhaitait être autosuffisant, le développement de la production céréalière se fera au détriment de cultures intensives à plus fortes valeurs ajoutées par hectare, ou de cultures qui consomment peu d’eau. Ainsi l’Egypte serait autosuffisante mais y perdrait plus globalement. L’Egypte profite donc de ses avantages pour acheter sur le marché céréalier, structurellement excédentaire, à de bons prix, stratégie qui a fait ses preuves auprès de l’Australie, des Etats-Unis ou encore de la France. Si la rareté de l’eau en Egypte constitue aujourd’hui un problème majeur pour les habitants, il faut souligner que ce problème s’accompagne aussi du phénomène du gaspillage. Cela peut se retrouver en zone rurale et urbaine. Les réseaux vétustes, et la conception de l’eau par les usagers, qui est vue 4 Le tour d’eau est une technique de distribution d’eau discontinue, dont les horaires et le temps de distribution sont aléatoires. 5 Le feddan est l’unité de mesure des surfaces agraires (1 feddan = 0,42 ha, 4200 m²)
  • 8. 8 comme un don, amène à une inadéquation avec la situation réelle de l’eau, qui est couteuse à mobiliser. Les difficultés d’accès à l’eau potable et les lacunes en matière d’assainissement ne sont finalement qu’une illustration de l’impasse non résolue aujourd’hui. 1.2 - Les usages de l’eau en Egypte Au début du 19e siècle, la construction de divers barrages tout au long du fleuve, notamment à Assouan et dans le delta du Nil, témoigne d’une volonté de contrôler et régulariser l’eau. Le barrage d’Assouan et ses rehaussements ont commencé à influencer la ville et sa structure sociale. Cela s’est produit principalement par l’arrivée d’ouvriers et de touristes européens pour la période hivernale. Le fait le plus marquant correspond à la construction du Haut-Barrage, car il est celui qui a entrainé une croissance urbaine forte. De cela découle qu’Assouan est devenu un point de transition entre nord, la vie en Haute-Egypte, et le sud, le désert. Des fonctions résidentielles en furent affectées (commerce d’épices, produits exotiques), mais les potentialités de l’énergie hydroélectrique et la puissance urbaine a largement compensé ces pertes. Ce Haut-Barrage a donc contribué à un flux de travailleurs plus ou moins qualifiés, venant de deux sources : des paysans pauvres souhaitant augmenter leur revenu d’une part, et des Nubiens revenant sur leur terre d’autre part. Le cœur de ville a donc migré du fleuve et du marché vers les chantiers. L’agglomération s’est déplacée en fonction des nouvelles activités, administrative, hôtelière, ce qui a contribué au surnom de « Ville du Barrage ». A ce moment le gouvernement souhaitait à tout prix industrialiser la zone, au travers de ses politiques d’aménagements, en respectant les activités locales. Différentes réalisation ont ainsi vu le jour comme une usine d’engrais azotés de la Kima, ou encore une mine de fer de la « Steel & Iron Company ». Durant les années 60-70, tous ces changements ont transformé la ville en pôle industriel, en atteste la population qui travaillait sur le chantier du Haut-Barrage (plus de 30 000 ouvriers et cadres). La Kima quant à elle comptait environ 3 000 employés. Par ailleurs, l’immigration des cadres liée à ces activités était limitée. Ils venaient d’Egypte et leur logement était prévu à l’avance. En revanche la main d’œuvre « basique » est arrivée en masse. Comme ils étaient sans qualification et extérieurs à la région, ils connurent des difficultés pour se loger. Leur milieu, leur métier et leur logement était en mutation. Ce changement a ainsi modifié la ville en elle-même. Ainsi le gouvernorat et les compagnies s’attelèrent à créer les logements manquants. La production publique de logement avoisinait d’ailleurs les 18% en 1961. Mais cela ne suffisait pas et de la sorte, des extensions spontanées non conventionnelles, type squat, absorbèrent la population. Ce type de logement s’est très vite développé le long du canal de la Kima, qui été à l’origine conçu pour évacuer les déchets de l’usine notamment. La station d’électricité du Barrage d’Assouan et la nouvelle obtenue grâce au Haut-Barrage offrit de l’énergie en abondance, et la ville fut aisément alimentée. Les branchements s’effectuaient sur des lignes publiques ou chez les voisins. En ce qui concerne l’eau potable, des robinets publics virent le jour le long de la route qui longe le canal, mais également dans les rues principales. Plus tard, certains habitants ont pu avoir l’eau directement chez eux. L’évacuation des eaux usée se faisait
  • 9. 9 manuellement, par les femmes et les enfants, dans le canal. Parfois des fossés servent entrainant ainsi nuisances olfactives et problématiques d’hygiène. En Egypte, 85 % l’eau de l’Egypte est employée pour l’usage agricole, contre 6 % destiné à l’usage des ménages, le restant étant destiné à l’industrie ou au milieu tertiaire. L’eau est un enjeu majeur car il existe un décalage entre la politique officielle, et ce qui se passe en réalité. « L’eau est un bienfait de Dieu et on ne saurait abuser des bienfaits de Dieu ». Ce message porté par des agronomes n’exprime qu’une réaction globale après des millénaires de frustration. Dès l’instant où il est ancré dans les consciences que l’on ne serait abusé des bienfaits de dieu, l’usage de l’eau est en proie à de nombreux gaspillages. Ces excès se réalisent par un processus simple, l’eau n’est pas payée, elle est distribuée de façon laxiste, les infrastructures sont souvent en piteux états occasionnant ainsi des pertes et n’est pas usée de façon rationnelle. Au niveau global, la gratuité est compensée par la faiblesse des prix fixés par l’Etat sur les cultures comme le blé et le coton. Le passage à la sakkiéh6 remplaçant la vache à motopompe transportable a aussi permis d’augmenté considérablement les volumes d’eau distribué à chaque tour. L’abondance d’eau utilisée pour l’agriculture a eu pour conséquence de maintenir une surface trop humide au niveau du sol qui facilite la remontée du sel. A terme, 30 à 40% des sols sont touchés par la salinisation, notamment dans les secteurs utilisant de l’eau recyclées, et cela en dépit du plan de drainage systématique. Malgré le gaspillage de l’eau dans le secteur agricole, beaucoup d’exploitation souffrent d’un manque. Le désert égyptien est une région où aucune agriculture n’est possible sans irrigation. Donc une absence d’eau est synonyme de perte de cultures et donc de revenus agricoles. Bien qu’officiellement, tout le monde puissent s’exprimer sur les questions de gestion des eaux, les paysans sont exclus des sphères de décision, même si quelques projets de développement isolés tentent de promouvoir la gestion de l’eau par les agriculteurs à un niveau décentralisé7 . En tout état de cause, il s’avère à terme indispensable pour l’Egypte d’adopter une restructuration et une politique de réhabilitation de ses canaux afin d’amoindrir les pertes liées à l’irrigation, et de mettre en place une politique d’éducation des usagers pour une consommation plus raisonnée de l’eau. Concernant l’usage agricole, il pourrait être envisagé de modifier les techniques d’irrigations en les remplaçant peu à peu par l’arrosage au goute à goute ou encore par aspersion, ces deux techniques étant plus économes en eau. La possibilité de confier la gestion de l’eau aux agriculteurs est néanmoins à prendre avec des pincettes, d’une part parce que les agriculteurs sont les plus grands consommateurs d’eau en Egypte et d’autre part parce qu’elle n’est pas forcément garante d’un partage équitable de la ressource entre tous les usagers. Malgré les critiques faites suite à la construction du barrage d’Assouan, il convient de noter que le barrage a une capacité de régulation modulable en fonction du calendrier agricole qui permet le lâcher de 7 km3 en juillet contre 3 km3 en décembre. Ce dispositif permet de récolter deux à trois fois par an, quand dans le passé la récolte annuelle était commandée par la crue. Par ailleurs les 6 Pompe motorisée 7 Voir en ce sens : Ferraton N., Formation aux approches socio -institutionnelles de la gestion locale de l'eau : Etude d'un périmètre irrigué en voie de réhabilitation dans la province de Beheira, Delta du Nil, Egypte, Centre national d'études agronomiques des régions chaudes de Montpellier, Juin 2004
  • 10. 10 surfaces cultivées sont passées de 5,2 M° de feddans en 1952 à 7,5 M° en 2002, et cela dans un pays ou le stress hydrique est fort et où seule la vallée du Nil fait figure d’alternative. A postériori, les diverses critiques qui concernaient le barrage étaient peut être plus portées sur le contexte politique de sa mise en œuvre que sur son bien-fondé. Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, à l’origine le projet était soutenu par la Banque Internationale pour le Développement et les Etats-Unis. Le consensus se forma jusqu’au moment de la nationalisation du canal de Suez en 1956. Le conflit autour du barrage s’est aggravé lorsque les Soviétiques ont alloué une aide technique et financière pour contribuer au projet. En contrepartie l’Etat égyptien s’est lancée sur la voie de la planification économique, avec de manière plus précise, la socialisation des terres, la limitation des propriétés à 50 feddans, la distribution des terres expropriées aux métayers qui la travaillaient. Par ailleurs des coopératives agricoles furent crées à l’ouest du delta sur le modèle du kolkhoze, mais également du sovkhoze avec de vastes exploitations. Ces réformes étaient donc une sorte d’affirmation du nouveau pouvoir égyptien issu du coup d’Etat de 1952 envers ses nouveaux alliés. Au final, quand Nasser disparu en 1970, le retour au libéralisme s’opéra sans heurts. Les usuriers ont repris leurs possessions terrestres. Il y eu des ventes des terres anciennement collectivisés. L’Etat garde par ailleurs un certain contrôle des « nouvelles terres » et permet la création de nouveaux villages où les « diplômés » jouent un rôle majeur, en comparaison des fellahs, puisqu’ils gèrent à la fois les hectares, la dotation en eau et l’utilisation du matériel. En réalité, l’objectif autour de ces nouveaux villages n’est pas tellement la production agricole que l’infrastructure et les services mis en place pour la population. D’ailleurs, on trouve dans ces villages plus de non agriculteurs que d’agriculteurs. En ce qui concerne plus précisément la réforme agraire, l’objectif était double : d’une part il fallait satisfaire les besoins fonciers d’une population qui comptait quelques 65% d’agriculteurs dans la population active, et par ailleurs augmenter les surfaces cultivées et intensifier la production pour approcher l’autonomie alimentaire du pays. Pour le premier objectif, malgré la baisse de la part d’agriculteurs dans la population active (35%) la pression foncière existe toujours. Les agriculteurs restants occupent d’ailleurs une fonction secondaire pour compléter leur revenu, comme par exemple de travailler sur des grandes exploitations en tant qu’ouvrier agricole. En effet le regroupement en grande parcelle a été rendu nécessaire par la croissance démographique, car l’Egypte est passée de 9.7 millions d’habitants en 1900 contre 71 millions en 2002, et toutes les projections démographiques, optimistes ou non, tablent sur une hausse poursuivie. Au sujet des surfaces cultivées, sur la même période la surface cultivée est passée de 5,3 millions de feddans en 1900 à 7,5 millions en 2000 et la superficie récoltée de 7,5 à 13.9 millions de feddans. Si l’extension de l’agriculture constitue un bienfait pour la population, la part de culture par habitants n’a cessé de baisser (0.5 feddans par habitants en 1900 contre 0,10 en 2000). A long terme l’agriculture sera en récession, en termes de consommation d’eau, ou de superficie, d’où l’importance pour le gouvernement égyptien à réfléchir à un après.
  • 11. 11 Cette récession de l’agriculture est tout à fait sensible au vu de la part de ce secteur dans le bilan hydrique global. La part a diminué de 91% en 1975 à 82% en 2001, tandis que l’urbain et l’industrie ont progressé (OSS-UNESCO 2001). D’ailleurs l’eau utilisée par l’agriculture ne vient qu’en partie du Nil (41 km3). Des nouvelles sources alimentent le secteur primaire comme l’eau de drainage recyclée (4,7 km3), l’eau salée (3 km3) et les eaux municipales usées (0,7 km3). Si l’on couple cette évolution à celle de la démographie, on constate que l’impasse est proche (l’agriculture aurait besoin de 95,3 km3 en 2025). Malgré tout, des améliorations substantielles nuancent le problème. En effet le rendement de l’eau est mauvais pour l’agriculture. Selon la FAO, en 1996, l’agriculture prélève 47,8 km3/an mais n’en utilise que 28,25 km3 de manière effective. L’espoir est permis. Différents facteurs amène à ce manque d’efficacité. Le plus évident concerne le modèle d’irrigation, gravitaire, avec des canaux non cimentés qui laissent échapper une partie de l’eau, qui plus est sur des sols poreux. L’autre facteur concerne les apports excessifs. Les besoins en eau sont déjà plus élevés que sur la rive nord de la Méditerranée. Mais par ailleurs les normes à l’hectare ne sont pas respectées dans les directives transmises aux coopératives. Dans le delta, on prévoit 2 900 m3 dans la norme contre 3 500 m3 réel pour le blé ou encore 5 226 m3 pour le maïs contre 7 000 m 3 réels. 1.3 - Le Paiement de l’accès à l’eau et assainissement La question de paiement de l’eau en Egypte est un sujet tabou. L’eau est un don de Dieu et se doit d’être gratuite. Cela pose problème pour la gestion de cette eau, d’où la question suivante, comment rendre payant l’accès à l’eau en respectant les mœurs ? Outre la question des mœurs comment garantir un accès à l’eau aux populations les plus défavorisés si l’eau est payante ? Actuellement la tarification de l’eau ne permet de couvrir que 35% des coûts. C’est la contrainte majeure au développement du secteur. Les autorités locales définissent les systèmes de tarification. En général, les eaux destinées à l’agriculture sont les moins chères, ou sont gratuites. C’est donc un secteur qui dépend de l’aide internationale pour se financer (Banque Mondiale, UE), pour réaliser des projets. Malgré les discours sur l’autonomisation du secteur de l’eau, les tarifs restent donc faibles. Le Ministère de l’Habitat fixe les prix, qui sont parmi les plus bas en Afrique en partie dû à l’héritage paternaliste du pays. Il est à noter que depuis 1995, seul Le Caire et Alexandrie ont connu des hausses de tarifs. Les prix sont les suivants : environ 0,05 €/m3 pour l’eau et 0,02€/m3 pour l’assainissement en moyenne pour les 4 gouvernorats du Delta. Des solutions existent, outre les hausses tarifaires, pour remédier aux problèmes de gaspillage, aux impacts et améliorer la productivité de l’eau. Le paiement de l’eau pourrait se réaliser en termes de volume consommé et non au tour d’eau. Par ailleurs, éviter l’arrosage gravitaire et opter pour de l’aspersion voir du goutte à goutte. Cependant, comme le droit coranique ne permet pas de donner un prix à l’eau, la pose de compteurs est difficile à mettre en place et nécessite une réforme conséquente du système. Par ailleurs, les capacités d’investissement pour améliorer le système d’irrigation sont insuffisantes. Il convient de noter malgré tout que dans les grandes agglomérations,
  • 12. 12 les réseaux anciens dont le rendement n’excédait pas 50% sont en cours de modernisation sous l’initiative (et pour le profit) d’entreprises étrangères comme l’American Black & Veatch Int. ou le français Degrémont. Ces derniers font payer le service rendu et non pas l’eau. Toujours au sujet des tarifs, un autre problème posé est la justice sociale. Car dans le cas des villes, un prix trop élevé va défavoriser les classes sociales les moins aisées. Il est donc nécessaire de créer un système de barèmes progressifs. En ce qui concerne l’agriculture, le problème se pose aussi car l’eau trop chère n’incitera pas les paysans à l’utiliser, et si elle est gratuite, ils en abuseront. Autour de ce secteur, les institutions sont en plein bouleversement. Beaucoup de récents décrets (2004) ont eu pour objectif de rendre le système de gestion urbaine de l’eau plus efficace. Une agence de régulation de l’eau potable, l’assainissement et la protection du consommateur a été créé (« Egyptian Water Regulatory Agency » et « Holding Company for Water and Wastewater » ). Cela engendra une privatisation des ex sociétés publiques. Mais l’ensemble reste chapeauté par le Ministère du Logement. En revanche les projets d’investissement sont réalisés par d’autres organismes : CAPWO pour le Caire et Alexandrie et NOPWASD pour le reste du pays. Il faut noter que les gouvernorats locaux restent des acteurs prépondérants des décisions. Les données concernant les volumes globaux ne donnent pas de réelles informations sur la qualité de l’eau. Les quartiers pauvres et la campagne luttent pour une eau traitée. Les stations permettraient de fournir 6 millions de m3/jour. Mais les infrastructures obsolètes posent problèmes car des pertes dans le réseau, et le faible rendement des stations, empêche le bon fonctionnement du système d’assainissement dans son ensemble. Aussi le monde rural n’a pas accès à l’approvisionnement public et les populations sont amenées à pomper directement des eaux souterraines non traitées. Souvent aucun système de tout à l’égout n’est présent. Les maisons ont une dalle en deux parties, avec un trou sur une fosse. Pour la vider, soit on creuse un trou dans une cour tous les deux ans, en vidant la fosse, ou alors on enlève une des deux parties de la dalles par le haut. Les extraits dans tous les cas sont amenés à errer dans la montagne, sous le soleil et l’air sec. D’un point de vue général, la situation empire et constitue un enjeu majeur pour l’Egypte. Selon l’OMS, le taux global d’accès à un système d’assainissement est passé de 54% à 70% entre 1990 et 2004. L’assainissement collectif dessert 68% des urbains contre 13% des ruraux. Et finalement les ruraux ne sont pas forcément les moins bien servis, car la situation du delta du Nil, qui compte un tiers de la population égyptienne, est alarmante. La pollution des eaux usées a des conséquences directes sur la pérennité de l’agriculture intensive dans le delta et sur l’eau potable, et bien sûr sur l’état sanitaire de la population. Par ailleurs cela menace l’écosystème. Au niveau rural les rares systèmes d’assainissement ne sont pas adaptés à la situation concrète du fait d’une inadéquation avec le niveau des nappes phréatiques. Les projets financés par les institutions internationales portent sur l’amélioration des capacités de traitement des eaux usées en ville comme pour le Caire, qui possède la station de Gabal El Afsar. Cette dernière aura une capacité de 1,5 million de m3/j soit la plus importante du monde.
  • 13. 13 2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau La qualité de l’eau du Nil et la construction du barrage d'Assouan ont largement contribué à la dégradation des conditions sanitaires et environnementales des égyptiens. Certains effets pervers induits par le barrage étaient prévisibles mais les divers enjeux et objectifs poursuivis par ce projet ont légitimés, l’existence d’une crise sanitaire (2.1) ainsi que la dégradation de l’environnement (2.2). 2.1 - Les conséquences sanitaires induites par la mauvaise qualité de l’eau du Nil Le Nil est la source d'eau principale en l'Égypte. Compte tenu de la croissance démographique ainsi que le développement économique du pays, force est de constater que les pressions anthropiques en constante augmentation affectent la qualité des eaux du Nil. En effet, la pollution constatée dans les eaux du Nil et à l’origine d’une crise sanitaire. On relève principalement trois causes de pollution du fleuve : l’absence d’infrastructure d’assainissement de qualité, les rejets d’origine industrielle et le drainage des eaux d’irrigations. L’absence d’infrastructure d’assainissement est la principale cause de contamination des eaux égyptiennes. En effet seuls 60 % des villes et 4 % des villages jouissent d’un réseau d’égouts. Les eaux usées, sont, pour la grande majorité non traités et directement rejetées dans le Nil avant d'être redistribuées et une nouvelle fois consommées. Les eaux des canaux non traitées ont un usage multiple : elles servent à la consommation alimentaire, la lessive est souvent faite dans les canaux et les égyptiens s’y baignent parfois. On dénombre en Egypte 1,8 millions de mètres cubes d’eaux usées non traitées. Ce problème est amplifié par la forte pollution présente en Égypte, conséquence, outre du comportement des habitants du fort trafic portuaire et des rejets en provenance des industries implantées le long des berges du Nil. La présence d’hydrocarbures et de composés chimiques dans le Nil y est particulièrement importante. 549 millions de mètres cube de déchets industriels constitué de liquides, produits chimiques et métaux lourds seraient présents dans les eaux du Nil. Enfin le drainage agricole des eaux d’irrigation, déversé directement dans le fleuve, s’élèverait à 12,2 milliards de mètres cube par an. On relève dans ces eaux des pesticides et des nitrates en forte concentration. Ces sources de pollution entrainent de graves effets sanitaires. En Egypte, un enfant meurt toutes les huit secondes du fait de la pollution de l’eau. Ces maladies d’origine hydriques sont des diarrhées, des hépatites on encore des maladies comme la Bilharziose8 . La schistosomiase a des répercussions économiques et sanitaires considérables. Cette maladie tropicale négligée est responsable pour 280 000 décès chaque année dans le monde. La présence d’amibe est également à l’origine de graves troubles intestinaux et hépatiques. Outre cela on observe en Egypte de nombreux cas de fièvre typhoïde, d’hépatites A et E, de choléra ou encore de saturnisme. Les médecins égyptiens observent une recrudescence de manifestation de maladies congénitales, de dysfonctionnements des reins, d’atteinte à la fertilité ou encore d’atrophie cérébrale. Ces pathologies affectent l’économie nationale et provoqueraient, selon le rapport du CEDL (centre égyptien pour le droit au logement), une chute du PNB de l’ordre de 17,5 à 35 %. En Egypte, le débit du fleuve diminue à la mesure que la pollution augmente et se concentrent. 8 Appelée également schistosomiase ou hématurie d’Egypte est causée par un ver parasite qui infecte l’eau.
  • 14. 14 Le manque d’infrastructures d'assainissement et d'évacuation des eaux usées ainsi que le mauvais état d’entretien des ouvrages existants est lié à plusieurs facteurs tels que le manque de moyens, la mauvaise gouvernance égyptienne ainsi que la corruption. Tant qu'un réseau efficace de traitement et d'évacuation des eaux sales n'est pas mis en place, et que leur entretien n'est pas garanti, la population l'Égyptienne sera victime d'une multitude de maladies hydriques. Ce qui est d’autant plus grave sachant que 25 % des maladies prévalant en Egypte sont des maladies hydriques selon le CEDEL dans un rapport intitulé « La catastrophe de l’eau potable en Egypte ». Il est donc impératif que le gouvernement en prenne la mesure et classe la question de l’assainissement au rang de ces priorités. Par ailleurs, il est nécessaire que la législation relative aux rejets de polluants soit renforcée et que le gouvernement s’assure de son application. Outre le renforcement de la gouvernance et de la législation, il est temps que l’Egypte investisse dans la prévention, l’éducation et la sensibilisation des populations afin de faire évoluer les consciences. 2.2 – Les conséquences environnementales induites par la pollution des eaux du Nil L’absence de traitement des eaux usées impliquent l'absorption des nitrates, pesticides, et divers produits chimiques par le sol. On penserait que le secteur agricole et celui de la chimie serait les plus pollueurs, mais les secteurs alimentaire et celui du textile sont de sérieux concurrents9 . Cette absorption a des effets catastrophiques sur la faune et la flore locale ainsi que sur l'état et la richesse du sol. Les premières espèces concernées sont bien sûr les poissons qui vivent directement dans cet environnement pollué, et qui sont sûrement impropre à la consommation. Leur nombre doit être aussi grandement limité à cause du barrage qui fait obstacle à leur déplacement modifiant ainsi leur environnement naturel ainsi que leurs habitudes. 40 espèces de poissons sont actuellement menacées en Egypte selon les indicateurs mondiaux de développement, à ceci s’ajoute la disparition corrélative de sardines. Le barrage limite contribue à la fragilisation des berges jusqu’à 100km en aval, cette modification d’environnement est la raisons pour laquelle on assiste à la disparition de multiples espèces. Le barrage d’Assouan a permis une limitation des inondations des terres agricoles en avales ainsi que limiter les effets de la sècheresse grâce à sa capacité de stockage d’eau. De prime abord l’idée selon laquelle le barrage contribue à réguler le débit et éviter des catastrophes naturelles est séduisante, il ne faut pas négliger les effets pervers sur le sol. En effet, sans les inondations, le Nil n’amène plus de nutriments et minéraux essentiels à la fertilité des terres. Ceci a un effet structurel extrêmement négatif pour les terres égyptiennes car cet effet sous-entend une dépendance envers les pesticides pour pallier ce manque de fertilité des terres. De plus les nutriments, alluvions et limons fertilisants retenus au barrage, causeront dans leur trop grande proportion le développement de phytoplanctons qui nuit à la faune en réduisant le taux d’oxygène présent dans l’eau ainsi que l’envasement du barrage. Par ailleurs, on observe un phénomène de salinisation qui concerne principalement les terres irriguées. Quand le sol est trop irrigué en profondeur, les eaux stagnent et permettent la remonté du sel, entrainant ainsi une dégradation des sols ainsi qu’une toxicité pour les végétaux. La salinisation entraine également un effet sur les nappes phréatiques qui se remplissent 9 D’après les données de la banque mondiale le secteur alimentaire est responsable à 17% et 31% pour le secteur textile.
  • 15. 15 progressivement et qui finissent par déborder et inonder des agglomérations ou des monuments dont la structure se retrouve affectée. Si le barrage à su d’une façon contrôler la nature et permettre de réguler le flux du Nil il a également contribué au dérèglement de l’environnement et se montrer être un risque pour la faune et flore égyptienne. Il faudrait donc mettre en place certaines actions pour pallier certains de ces effets. Par exemple il faudrait veiller au nom cumul des phytoplanctons au niveau du barrage. Ou encore trouver un moyen de permettre la fertilité des terres et le déplacement des poissons. Par exemple sur le Rhône une rivière artificielle permet maintenant aux poissons de contourner le barrage de Jons-Niévroz. Au même titre que les conséquences sanitaires induites par la pollution des sols, la banque mondiale estimait en 1999 que les atteintes à l’environnement étaient responsables de la perte de 5 % du PNB égyptien. Il devient donc urgent pour le développement de l’Egypte que le Nil retrouve sa place de trésor nationale et non pas de décharge. 3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil D’après la communauté scientifique10 il existe assez d’eau dans le Nil pour subvenir aux besoins de l’ensemble des états riverains. Pour autant les eaux du Nil est un vrai sujet de tension géopolitique à l’échelle du bassin. Le développement économique de ces pays dépend incontestablement des eaux du Nil (3.1). Pour autant l’entente pour la gestion des eaux du Nil s’avère difficile : les conflits ont été renforcés par l’existence d’accords coloniaux assurant la suprématie de l’Egypte en ce domaine (3.2). Si un début de coopération entre les états riverains du Nil à vu les jours ces dernières décennies, les accords n’ont pas permis d’apaiser l’ensemble des tensions (3.3). 3.1 – Des pays dépendant des eaux du Nil 300 millions de personnes répartis dans dix états11 dépendent des eaux du fleuve Nil. Compte tenu de la croissance démographique observée dans les états riverains du Nil, la population dépendante de ses eaux devrait doubler d’ici à 2030. Tous ces pays ne sont pourtant pas égaux concernant la ressource en eau disponible par habitant. Le tableau ci-dessous permet de comparer la ressource renouvelable en eau par habitant dans chacun des Etats riverains des eaux du Nil, et permet de constater que le taux des égyptiens est un des plus faibles bien que l’Egypte soit l’Etat le plus consommateur. 10 Allocution de Simon Langan, directeur du Bureau Afrique de l’Est et Bassin du Nil de l’Institut international de gestion des ressources en eau (International Water Management Institute, IWMI) 11 Les Etats dépendant des eaux du Nil sont les suivants : Egypte, Soudan, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, République démocratique du Congo, Burundi.
  • 16. 16 Pays Consommation en eau (hab/m3/an) Ressource en eau (hab/m3/an) Burundi 42.56 538 Rwanda 17.57 815 Tanzanie 144.88 2655 Kenya 72.44 997 Ouganda 12.66 3030 Ethiopie 80.48 1758 Erythrée 121.7 2286 Somalie 377.6 1537 Soudan 1.02 2357 Egypte 937 851 Tab : Tableau comparatif de la consommation d’eau effective par habitant et la ressource en eau renouvelable – Source données de la banque mondiale Dans ce contexte, l’Egypte détient une position délicate. D’un point de vue historique, la civilisation égyptienne qui a su mettre en valeur le fleuve depuis des temps très ancien, le Nil est considéré encore aujourd’hui comme un héritage consacrant aux égyptiens un droit naturel a consommé les eaux du Nil. La majorité des eaux du Nils desservent le territoire Egyptien qui en consomme les trois quarts. Pour autant, l’Egypte est l’état le plus dépendant des eaux du Nil dès lors qu’il constitue sa seule ressource en eau douce. La consommation annuelle des égyptiens ne cesse d’augmenter, notamment pour l’usage agricole sur des territoires désertiques nouvellement conquis, et dépasse la capacité de renouvellement de la ressource. Par ailleurs, d’agissant d’un état situé en aval de la source du Nil, l’Egypte est dans l’incapacité de contrôler le débit du fleuve, contrairement à l’Ethiopie, état situé en amont qui contrôle 85 % du débit du fleuve. Dans ces conditions, la question de la gestion des eaux du Nil est particulièrement épineuse pour le gouvernement égyptien eu égard à sa dépendance. Au regard d’une telle situation, une gestion intégrée de la ressource s’avère indispensable. Il est nécessaire d’assurer le développement économique et social par une utilisation équitable et bénéfique des ressources hydriques communes au bassin du Nil, d’autant que le risque de conflits liés au partage de la ressource augmente à mesure qu’elle diminue. La recherche d’un aménagement global et concerté du bassin ainsi que la rédaction d’un cadre légal permettrait d’éviter tout conflit dans une zone géographique déjà fort instable. Pour autant, la gestion d’un fleuve transfrontalier s’avère particulièrement délicate d’un point de vue géopolitique. Le dialogue entre les Etats ainsi que la création d’une autorité de gestion indépendante dans laquelle chacun des états serait représenté est de prime importance. Bien que le bassin du Nil connaisse des tensions politiques récurrentes, il fait également l’objet d’initiatives de la part des états riverains en vue de sa gestion.
  • 17. 17 3.2 – Des accords coloniaux sources de conflits dans le bassin du Nil Dès le XIXe siècle, des accords ont été signés entre les puissances coloniales. Ces derniers témoignent des privilèges accordés à l’Egypte par rapport aux autres pays riverains du Nil concernant la consommation des ces eaux. C’est ainsi qu’en 1891, le protocole de Rome signé entre l’Italie et la Grande-Bretagne relatif aux frontières entre l’Érythrée et le Soudan, stipulait que les autorités coloniales italiennes avaient l’interdiction d’ériger des ouvrages sur un affluent du Nil afin de ne pas en diminuer le débit. Au début du XXe siècle, des accords similaires ont été conclus avec la France à l’Italie en Éthiopie et en Érythrée. Le dernier grand traité de la période coloniale a été conclu entre l’Égypte et le Soudan en 1929. Le traité stipulait que l’ensemble des projets de barrage ou de détournement d’eau en amont devaient être soumis à l’approbation des autorités égyptiennes. Le traité de 1929 répartissait le débit du fleuve à Assouan à 48 milliards de mètres cubes pour l’Égypte et 4 milliards pour le Soudan. Les 32 milliards restant étaient destinés à rejoindre la mer Méditerranée. Force est de constater que les puissances coloniales en présence ont contribué à accorder à l’Egypte une certaine suprématie sur les eaux du Nil. Mais les puissances coloniales étaient certainement loin d’imaginer que cette série de traités et accords constituait une véritable bombe à retardement, source de conflit entre les états du bassin du Nil. En 1956, le Soudan devenu alors indépendant a développé une politique de développement de grandes fermes mécanisées lesquelles nécessitaient un fort apport hydraulique notamment pour l’irrigation. C’est dans ce contexte et dans le cadre des travaux du barrage d’Assouan que le traité de 1929 a été révisé en 1959 accordant à l’Egypte la possibilité de prélever 55,6 milliards de mètres cubes contre 18,5 pour le Soudan. Le traité stipulait également, que les projets de construction d’ouvrages de stockage et de régulation devaient être programmés avec l’accord de l’Egypte et sous réverse de l’accroissement de la réserve en eau. Pour autant, dans les faits, ni l’Egypte, ni le Soudan ne respectent les engagements du traité puisque les quotas d’eau prélevés à Assouan sont supérieurs à ceux initialement prévus12 . Cet accord a donné naissance à un conflit latent entre l’Egypte et le Soudan, d’une part et les états situés en amont, d’autre part. Ces derniers et plus fortement l’Ethiopie où se situe le plus fort du débit, s’opposaient au traité pour plusieurs raisons. Premièrement, ils considéraient que les accords entre l’Egypte et le Soudan étaient le fruit de négociations coloniales désormais obsolètes. Deuxièmement, les états d’amont s’offusquaient de ne pas avoir été consultés pour ces accords. Enfin, les Etats d’amont souhaitaient faire valoir leur droit à prélever et gérer les eaux du Nil afin de contribuer à leur propre développement économique13 . On comprend alors aisément que les pays situés en amont souhaitaient renégocier ou abolir les traités en place. Or, l’Égypte a longtemps refusé de remettre en cause sa part des eaux du Nil allant même jusqu'à indiqué aux états d’amont être prête à envisager des actions militaires pour faire respecter « ses droits ». Par ailleurs le 12 D’après les dernières sources l’Egypte prélève 57 km3 par an et le Soudan 20 km3. Au regard du traité antérieurement signé, on constate que l’augmentation des quotas de prélèvement pour ces deux pays se fait au détriment du déversement des eaux du Nil dans la Méditerranée. 13 Il est utile de préciser que l’Ethiopie, après des années de guerre civile, a développé de nombreux projets de développement autour des eaux du Nil : projets d’irrigation agricole, construction de réservoirs dans le but d’éviter les pertes par évaporation, barrages, centrales hydro-électriques.
  • 18. 18 développement des infrastructures hydrauliques égyptiennes sans le consentement des états d’amont n’a fait que détériorer les relations entre les états riverains du Nil. Les états d’amont ont également eu tendance à multiplier les projets d’ouvrage sur le Nil au cours de ces dernières années. L’Éthiopie et le Soudan envisagent la construction de barrages afin d’augmenter leurs zones irriguées et produire de l’énergie électrique. L’Ouganda cherche également à combler son manque d’électricité en construisant des centrales sur le fleuve. Enfin, les pays riverains du lac Victoria (Ouganda, Tanzanie, Kenya), confrontés à la sécheresse, souhaitent obtenir l’accès à l’eau de cette vaste étendue d’eau douce, source du Nil Blanc, pour mettre en œuvre leurs projets agricoles et hydroélectriques. Ces projets sont notamment soutenus par la Chine et Israël ce qui n’a pas manqué d’irriter le gouvernement égyptien. 3.3 – Un pas vers la coopération transfrontalière malgré un bilan en demi-teinte Depuis 1970, l’ONU a crée une commission relative aux droits des fleuves transfrontalier. Mais cette commission qui n’émet que des recommandations n’a pas donné naissance à un corpus législatif qui aurait permis de donner un cadre de gestion du bassin du Nil. Malgré une situation tendue, les états riverains du Nil ont tenté d’instaurer une coopération transfrontalière et interétatique en vue de la gestion du fleuve. En 1983, l’Egypte a tenté de lancer une politique de coopération technique avec les pays d’aval, appelée « Endugu14 », mais l’Ethiopie a refusé de participer à cette initiative qui s’est donc révélée infructueuse. Ce n’est véritablement qu’en 1999 qu’une véritable coopération s’instaure entre les états riverains du Nil. En effet, sous l’impulsion de l’ONU l’agence pour le développement de l’initiative pour le bassin du Nil15 , à laquelle sont associés les 10 états riverains du Nil, voit le jour. C’est ainsi que débute une série de longues négociations relatives à la gestion des eaux du Nil. La création de cette instance coopérative de gestion du fleuve visait d’une part la résolution des conflit ainsi que la signature d’un nouveau traité entre tous les états riverains permettant d’élaborer les bases d’un accord relatif à l’aménagement global du Nil. Viser la réalisation des buts communs fondés sur un développement socio-économique durable est une évolution et incarne le changement dans les visions des riverains nilotiques. Une coopération bilatérale ne réalise pas les intérêts d'un bassin commun à dix Etats mais. En revanche, la coopération multilatérale établit une gestion commune pour ce bassin. L'accord de 1959 conséquence de l’histoire visait les intérêts de deux pays n’a plus sa place à l’échelle du bassin, en revanche, l'initiative du Bassin du Nil visant la réalisation de buts communs à véritablement sa place et constitue l’avenir de l’approvisionnement en eau des états nilotiques. 14 Le mot « Endugu » signifie entraide en swahili 15 Nile Bassin Initiative (NBI) est basée à Nairobi au Kenya et à Kampala en Ouganda
  • 19. 19 La mise en place de la commission a permis de récolter davantage d’aides internationales en vue de la réalisation de certains projets d’aménagement. Jusque là, du fait d’un contexte politique particulièrement mouvementé, le secteur privé était peu impliqué. Le soutien technique et l’expertise sont toutefois tout aussi importants, et les dispositifs communs à tous les pays constituent une manière de renforcer leur collaboration et de les habituer au travail conjoint. A titre d’exemple un projet de mise en place de dispositifs d’information et de gestion des ressources hydriques du bassin du Nil, qui doit permettre aux pays concernés de prendre des décisions mieux informées dans ce domaine a été mis en place par l’Italie et la FAO. Par ailleurs, le document d’orientation stratégique français de la gestion intégrée des ressources en eau ont fait de la problématique de la gestion de du bassin nilotique une de ses priorités. Ce n’est pas sans grande difficulté que ces négociations ont fait l’objet, en 2010, d’un projet d’accord cadre de coopération pour le bassin du Nil. Malheureusement cet accord n’a pas emporté l’approbation de l’ensemble des états riverains. En effet, l’accord cadre prévoit qu’aucun pays ne peut exercer d’hégémonie sur les eaux du Nil et leur utilisation, ni revendiquer de droit exclusif. Cette disposition est la résultante de la volonté des états d’amont qui rejettent le droit de veto accordé à l’Egypte concernant les projets proposés en amont du Nil. Or, l’Egypte et le Soudan ont refusé de renoncer à leurs prérogatives entérinés dans les traités antérieurs et n’ont pas adhéré à cet accord cadre. En conséquence, les longues années de négociations n’ont pas permis de parvenir à un accord entre l’ensemble des pays concernés. Malgré l’opposition marquée de l’Egypte et du Soudan, l’Ethiopie, le Burundi, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont signé l’accord cadre qui est entré en vigueur en mai 2010. Ce texte prévoit la création d’une commission, regroupant tous les Etats riverains signataires, chargée de valider ou de rejeter les projets de grands travaux hydrauliques, qu’il s’agisse de barrages, de canaux ou de tout autre ouvrage ayant un impact sur le cours, le volume ou la qualité des eaux du fleuve. Une telle alliance est venue bouleverser la situation jusqu’alors existante privant ainsi l’Egypte d’un droit de regard sur les projets affectant le bassin du Nil. Le succès de l’Ethiopie à mener ces négociations est d’autant plus remarquable que l’état a récemment obtenu le soutien du Soudan du Sud et du Soudan, alors que ce dernier étant initialement l’allié de l’Egypte. Depuis la signature de ce traité, l’Egypte est dans une situation délicate dès lors qu’elle se retrouve seule face aux autres Etats riverains du Nil. Pour autant, il semble dans le plus grand intérêt économique et politique de l’Egypte de participer à la gestion des eaux du Nil. Pour résoudre ce délicat problème, une solution pacifique est possible, mais elle passe par la reconnaissance de l’Egypte qu’elle n’a pas de droit particulier sur les eaux du fleuve, et par l’acceptation de tous les gouvernements riverains que leur politique hydraulique doit être conçue et gérée au niveau du bassin versant. A ce jour, le traité n’a toujours pas été ratifié par l’Egypte.
  • 20. 20 Selon Riccardo PETRELLA16 , l'accès de base à l'eau est un droit politique, économique et social fondamental, individuel et collectif, car de la jouissance de ce droit dépend la sécurité biologique, économique et sociale de chaque être humain de toute communauté humaine. La gouvernance de l’eau est un grand défi de l’Egypte et développement de l’accès et la gestion durable de la ressource hydrique doit poursuivre son chemin. Le développement économique et social de l’Egypte dépend de cette ressource, aussi il est impératif pour le gouvernement égyptien de prendre la mesure de l’importance de la ressource. L’investissement dans un système d’assainissement efficace est indispensable tout comme l’incitation à un usage raisonné de l’eau et la préservation de la ressource. Le renforcement de la gouvernance de l’eau passe par de grand bouleversement et nécessite de faire face à un dilemme de taille engageant les gouvernements dans un nouvel équilibre des rapports de forces, entre les enjeux politiques et les enjeux économiques, la rationalité d'Etat comme garant des services vitaux et la rationalité commerciale. L’eau est elle un bien commun ou une marchandise au même titre que le pétrole ? Outre le défi interne, le défi est externe. Nous avons pu voir que les aspects transnationaux ont une importance capitale et pourraient être un vecteur d’amélioration pour l’Egypte, à porter de main. Compétition ou coopération définissent les deux grands pôles de tension autour d'une ressource essentielle à tous et qu'il est nécessaire de partager. L'eau n'a jamais été et ne sera jamais limitée à un espace circonscrit sous l’autorité d’un gouvernement. Il faut espérer que le gouvernement égyptien saura intégrer cet aspect à sa gouvernance pour le bien de son peuple. 16 Politologue et économiste italien, il est aussi secrétaire général du comité international pour un contrat mondial de l’eau
  • 21. 21 Bibliographie Ouvrages Ayeb H., L'Eau au Proche-Orient: la Guerre n'aura pas lieu. Paris et Caire : Karthala et Cedej, 1998, 231 p. Burton J., la Gestion Intégrée des Ressources en Eau par Bassin. Paris : Agence Intergouvernementale de la Francophonie & IEPF, 2001, 260p http://www.reseaux.org/GestionBassins.pdf Articles Al Amrawy M. et Ballais JL. , « Les risques naturels dans le gouvernorat d'Assouan (Égypte) : le rôle du Haut Barrage », Physio-Géo, Volume 8, 2014 Ayeb H., « Les inondations de novembre 1994 en Égypte », Égypte/Monde arabe, Première série, Géographies de l’Égypte 1, 08 juillet 2008 Ayeb H., « De la pauvreté hydraulique en méditerranée : le cas de l'Egypte », Confluences Méditerranée 3/2006 (N°58), p. 21-38 Bethemont J., « Le Nil, l’Egypte et les autres » VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 4 n° 3, décembre 2003 Cabrillac B., « Les spécificités de l'économie égyptienne », Égypte/Monde arabe, Première série, Une économie en transition, 08 juillet 2008 Hugonin P., « Le Sud Soudan ou Juba-Soudan : un nouvel état, nouveau défi » VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 02 septembre 2011 König C., Dossier géopolitique de l’eau – Futura Science- 25 mai 2006 Labib A., « L'Habitat spontané à Assouan », Égypte/Monde arabe, Première série, Modes d'urbanisation en Égypte, 08 juillet 2008. Perennes JJ., « Un aspect de la question hydraulique au Maghreb : la politique des barrages », Égypte/ Monde arabe, Première série, Partage de l’eau dans le monde arabe, 08 juillet 2008
  • 22. 22 Rapports AFD, L’initiative du Bassin du Nil http://www.afd.fr/webdav/shared/PORTAILS/PAYS/ETHIOPIE/fen%C3%AAtre%20IBN.pdf Réseau international des organismes de bassin, Manuel de gestion intégrée des ressources en eau dans les bassins des fleuves, lacs et des aquifères transfrontaliers, mars 2012 http://www.riob.org/IMG/pdf/MGIREB-FR-2012.pdf Ferraton N., Formation aux approches socio -institutionnelles de la gestion locale de l'eau : Etude d'un périmètre irrigué en voie de réhabilitation dans la province de Beheira, Delta du Nil, Egypte, Centre national d'études agronomiques des régions chaudes de Montpellier, Juin 2004 http://www.isiimm.agropolis.org/OSIRIS/report/egBehElResqa_GSE-IAV-ISIIMM.pdf Sites internet www.fao.org www.worldbank.org www.nilebasin.org www.afd.fr www.oieau.fr www.afdb.org Infographie Vu du Lac Nasser et du barrage (page de couverture) Delucq – Gueules d’humour pour Futura Sciences (p 20)
  • 23. 23 Table des matières Sommaire 2 Introduction 3 1 – L’eau en Égypte : le paradoxe de l'abondance et de la rareté 5 1.1 - État des lieux des conditions d’accès à l’eau 5 1.2 - Les usages de l’eau en Egypte 7 1.3 - Le Paiement de l’accès à l’eau et assainissement 10 2 – Les conséquences sanitaires et environnementales de la mauvaise gouvernance de l’eau 13 2.1 - Les conséquences sanitaires induites par la mauvaise qualité de l’eau du Nil 13 2.2 – Les conséquences environnementales induites par la pollution des eaux du Nil 14 3 – Les conflits géopolitiques liés à la gestion des eaux du Nil 15 3.1 – Des pays dépendant des eaux du Nil 15 3.2 – Des accords coloniaux sources de conflits dans le bassin du Nil 17 3.3 – Un pas vers la coopération transfrontalière malgré un bilan en demi-teinte 18 Bibliographie 21