Présentation de Murielle Georges-Leroy au séminaire "LIDAR et façons culturales" (Besançon, 19-20 mai 2015), dans le cadre du cycle "Lidar et Pratiques" initié par la MSHE C.N. Ledoux (USR 3124, CNRS / Univ. Franche-Comté).
Auteur du diaporama et des commentaires : Murielle GEORGES-LEROY, Conservatrice régionale de l’Archéologie, Lorraine. Mise en forme du document pdf : L. Nuninger (chercheur CNRS, Chrono-Environnement / MSHE C.N. Ledoux) ; Mise en forme de l'en-tête : A. Crozet (Ingénieur d'Etude, ODIT / MSHE C.N. Ledoux).
Les apports du LiDAR pour appréhender les modelés agraires, l'exemple du foss...
Typologie des structures agraires et parcellaires fossilisés sous couvert forestier en Lorraine
1. Séminaire 1
LiDAR et façons
culturales
19-20 mai 2015
Lieu : DRAC de Franche-
Comté, Besançon
Typologie des structures agraires et parcellaires fossilisées
sous couvert forestier en Lorraine
Murielle Georges-Leroy
Cycle de séminaire sur le LiDAR et les pratiques socio-culturelles liées à l’utilisation du sol et à l’exploitation des ressources naturelles
Organisé et financé par :
LiDAR & Pratiques
MSHE C.N. Ledoux, USR 3124 (CNRS-UFC)
ODIT – PRES BFC TP2Com
Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE)
ERC RURLAND
2. 1
Cette typologie est basée sur des analyses de levés lidar complétées par des vérifications au sol. Ces travaux sont menés
dans le cadre de recherches associant la DRAC de Lorraine (Service régional de l’archéologie), l’INRA de Nancy et l’ONF (pour
la bibliographie complète sur ce programme, cf. Georges-Leroy et al. 2014).
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3. 2
Les archéologues lorrains disposent actuellement d'un certain nombre de données lidar, qu’elles aient été acquises
spécifiquement ou mises à disposition par d’autres organismes. Elles couvrent plus de 1000 km² dont 600 km² sous couvert
forestier.
Des parcellaires et des structures agraires ont été identifiés dans presque toutes les forêts couvertes : particulièrement sur le
plateau de Haye, où des structures agraires ont aussi été repérées sous prairie, dans le sud meusien (zone OPE) et le secteur
de Grand, sur la LGV Est, mais seulement dans partie nord de la forêt de Darney. Elles se localisent principalement sur des
sols pierreux, mais des exemples existent aussi sur des terrains marneux et limoneux (LGV Est) ou des marnes et des grès du
Muschelkalk (Darney).
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4. 3
La présentation suit la progression suivante :
1) description des formes de base qui sont peu nombreuses sur les levés lidar,
2) origines de formation de ces structures,
3) morphologie des organisations parcellaires avec une approche chronologique (la datation de ces structures est en effet
un point extrêmement délicat).
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5. 4
1. Formes de base
Première forme visible sur les images lidar, le tas (c, d).
Au sol, il se présente comme un tas de pierres (a, b). Un sondage dans un tas à Gondreville a montré un amoncellement de
pierres colmatées par de la terre (b). A ne pas confondre avec les structures funéraires (plutôt en terre) (c).
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6. 5
Deuxième forme, la levée linéaire (c).
Au sol, il peut s’agir d’un mur plus ou moins effondré (b), d’une murée (pierrier linéaire plus ou moins colmaté par de la terre,
qui peut avoir été à l'origine un mur en pierres sèches) (a), d’une levée de terre (parmi lesquelles ont été rangés les champs
bombés - d - car ils apparaissent ainsi sur les images lidar).
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7. 6
Troisième forme, le talus (c).
Au sol il se présente comme un talus de terre (a), un talus avec une murée à la base du talus (b) ou un talus surmonté d’une
murée.
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8. 7
Quatrième forme, une levée associée à un fossé.
2. Origines
L’ensemble de ces structures (à l’exception de cette quatrième catégorie) peuvent résulter d'actions agraires différentes. Il est
important de souligner la dualité de la fonction de nombre de celles-ci, car beaucoup matérialisent une limite et ont donc
une fonction parcellaire.
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9. 8
Certains de ces vestiges correspondent à des structures d'épierrement, comme les tas (a) ou les murées (b).
Les agronomes latins préconisent l’épierrement des champs mais aussi des prairies de fauche, en recommandant la mise en
tas ou en « murailles » des pierres, voire leur enfouissement (Collumelle, R. R., II, 2 ; II, 17 – Palladius, R. R., VI, 3 – trad. Nisard).
Pour les 18e et 19e s., Ph. Blanchemanche (1990) énumère les diverses utilisations pour se débarrasser des pierres extraites
des champs, parmi lesquelles la réalisation de tas à l'extrémité ou au milieu des champs ou de murgers.
En forêt de Haye, les champs antiques sont implantés de préférence sur les sols les moins pierreux actuellement, mais s’agit-
il d’un choix ou d’une conséquence de l’épierrement ?
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10. 9
Des coupes à travers 3 talus antiques de la forêt de Haye ont permis de comprendre leur mise en place : au départ une
murée d’épierrement est implantée en limite de champ et du fait d’une légère pente la mise en culture va provoquer un
colluvionnement des terres qui vont être bloquées par le talus en amont, tandis qu’en aval le sol sera surcreusé. Mais s’agit-il
d’une mise en place volontaire pour augmenter l’épaisseur du sol en amont des talus ? ou d’une simple conséquence de
l'épierrement ?
Ces structures se situeraient donc entre le rideau de culture (cf. dia suivante) et la terrasse construite.
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11. 10
D’autres talus uniquement composés de terre correspondent à des traces de culture, de type rideaux de culture
(dénivellation en pente forte séparant deux bandes de terre cultivée plus ou moins horizontales – Zadora-Rio 1991). Cette
interprétation ne pose en général pas de problème dans les zones pentues, mais est parfois moins évidente dans des zones
faiblement pentues.
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12. 11
Parmi ces talus de terre, ceux explorés lors des sondages menés sur la LGV Est par l’Inrap en 2008 (resp. S. Viller) en forêt de
Fénétrange ont une origine qui nous échappe pour l’instant. Il est difficile d'y voir uniquement le résultat d'une mise en
culture du fait de leur organisation (ils délimitent des parcellaires à trame polygonale). S’agit-il d’une édification volontaire
et dans ce cas de structures parcellaires uniquement ?
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Les billons, nommés champs bombés en Lorraine, correspondent à des levées parallèles séparées par une raie ou petit fossé
(pour leur formation cf. diaporama de B. Sittler, même si G. Haudricourt (2000) évoque des exemples de bombement central
d'un champ obtenu avec une araire ou une houe). Fréquents dans les zones de prairie du plateau de Haye, les champs
bombés sont peu nombreux dans les forêts étudiées par lidar. Dans la forêt de Haye, ils sont peu élevés (10-15 cm) et larges
de 6 à 12 m.
Les plus anciens champs bombés connus en Lorraine sont datés du 9e s. par l’archéologie (Blaising 2010, Gérard 2012).
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14. 13
D’autres traces pourraient également être interprétées comme des traces de labours, dans la forêt de Haye, à Gondreville.
Dans un secteur de parcellaires antiques, on peut observer de petits talus parallèles très peu marqués, distants de 17 à 20 m,
à l'intérieur d'une parcelle (a) et plus loin des traces en creux allongées et très rapprochées recoupant les parcellaires
antiques (b).
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De probables crêtes de labour ont également été repérées dans la forêt de Haye (la crête de labour est due à l’accumulation
de terre involontaire en bout de parcelle là où la charrue tourne).
En b : levée de terre en bout d'un champ bombé.
En a et c, bourrelets de terre parallèles longs de 8-12 m et larges de quelques mètres, espacés d'autant, formant un talus
discontinu ; sur certains amas de grosses pierres témoignant probablement d'un épierrement. Il pourrait s’agir de crêtes de
labours en cours de formation (Hall 1982, p. 6-9).
Les crêtes de labour sont typiques de l’utilisation de la charrue (ou du moins d’un instrument aratoire avec versoir) et donc
plutôt postérieures à l’Antiquité.
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16. Autre origine, le mur. Les murées correspondent parfois à des murs en pierres sèches effondrées. Des murs maçonnés plus
ou moins effondrés peuvent également prendre la forme d’une levée sur les images lidar, par exemple des murs de
cloisonnements viticoles (c) ou le mur du parc Lattier (b, d), ancien parc de chasse du 18e s., qui ressemble à une murée par
endroits.
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Enfin on peut évoquer des structures liées à la forêt, comme les limites forestières, nommées woodbank (Szabo 2010) ou
fossés Colbert, composées d’une levée de terre associée à un fossé. En forêt de Haye ou dans le sud meusien, où elles ont été
systématiquement cartographiées, elles correspondent aux limites des forêts du cadastre napoléonien, mais elles sont
probablement plus anciennes.
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3. Morphologie des parcellaires
Certaines de ces structures ayant une fonction de limite, il est donc utile de faire un inventaire des morphologies de
parcellaires identifiées dans les forêts lorraines. On trouve en premier lieu des parcellaires à trame polygonale. Lorsqu’ils sont
localisés sur des sols pierreux, qui ont nécessité un épierrement pour être cultivés, ils sont composés de murées et de talus
(simples ou surmontés de murées). Les exemples bien étudiés sont antiques comme ceux de la forêt de Haye, datés grâce
aux fermes connectées au parcellaire. Celui-ci délimite des parcelles ou groupes de parcelles de surfaces parfois importantes
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19. Dans les zones non pierreuses, ces parcellaires à trame polygonale sont composés de talus terreux, comme dans la forêt de
Fénétrange. Ces talus quasi invisibles au sol (impossibles à attester sans lidar) ne sont pas datés. Une datation gauloise ou
antique est toutefois envisageable, d’après les analyses palynologiques réalisées sur les mardelles tourbeuses localisées à
proximité, qui montrent une ouverture du milieu durant l’Antiquité, puis une reforestation jusqu’à nos jours avec quelques
rares défrichements durant le Moyen Age (Etienne 2013). Ces analyses ainsi que des analyses ADN suggèrent plutôt la
présence de pâtures et de troupeaux durant l’Antiquité (Etienne 2015).
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Des parcellaires à trame en bandes coaxiales ont aussi été identifiés. Egalement composés de murées et de talus, les
exemples lorrains sont antiques, comme par exemple à Saint-Amond ou à Allain, sur le plateau bajocien au sud de la forêt de
Haye.
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Des parcellaires organisés en petites unités quadrangulaires délimitées par des murs en partie effondrés sont connus sur
quelques secteurs pentus de la forêt de Haye. La vigne y est attestée au début du 19e s. d’après le cadastre napoléonien.
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Deux types de parcellaires laniérés, parfois croisés, ont été identifiés.
Le premier correspond à des groupes de talus parallèles assez rapprochés (entre 7 et 30 m) plus ou moins marqués (talus
terreux parfois légèrement bombés), rectilignes (a) ou courbes (épousant la forme du relief - c) et s'organisant en quartier
rarement délimités. Ces talus sont plutôt interprétés comme des rideaux de culture même s’ils sont peu élevés.
A Liverdun (a, b), au nord de la forêt de Haye, plusieurs blocs longs de 150 à 650 m ont été repérés sur environ 350 ha. Leur
datation est délicate car aucun établissement n’est connu dans ce secteur. Toutefois un faisceau d’éléments permet de
proposer une datation médiévale ou moderne (16e s.) (Georges-Leroy, Zeller-Belleville à paraître).
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Le second type correspond aux champs bombés. Ceux de la forêt de Haye sont à une exception près datés du 19e s., d'après
cadastre napoléonien.
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24. 23
Dans certains secteurs de la forêt Haye, on observe une organisation moins structurée, du moins dans les traces parvenues à
nous. Celles-ci se composent de talus terreux, moins denses que les parcellaires laniérés, aux longueurs et orientations
variées et fréquemment courbes voire sinueux. Ils sont parfois groupés en lanières de 3-4 talus. Ces talus correspondent
peut-être à des rideaux de culture. Ils sont associés aux bourrelets parallèles qui sont probablement des crêtes de labours.
Ici, l’exemple du secteur de la Petite Haye où ces structures sont présentes sur 430 ha.
On a les mêmes difficultés de datation que pour les parcellaires laniérés, du fait de l’absence de connexion avec des habitats,
mais ces vestiges sont probablement médiévaux ou modernes. On pourrait être en présence d'essarts en forêt cultivés
durant une courte durée (on a quelques indices dans les textes médiévaux) voire de cultures par les habitants réfugiés en
forêt au 17e s.
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25. Cette dernière diapositive permet, en conclusion, de revenir sur l’ensemble des structures agraires et parcellaires médiévales
et modernes de la forêt de Haye qui couvrent 2000 à 2500 ha, soit une ampleur très nettement sous-estimée avant les
analyses du levé lidar. Ces espaces ont été exploités par les communautés villageoises implantées tout autour du massif,
même si les processus de mise en valeur des sols ont pu être différents.
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26. Comparaisons
Blanchemanche Ph. 1990, Bâtisseurs de paysages. Terrassements, épierrements et petite hydraulique agricoles en Europe. XVIIe-XIXe siècles, Paris.
Callot H. J. 1980, La plaine d'Alsace. Modelé agraire et parcellaire, Nancy.
Hall D. 1982, Medieval Fields, Aylesbury, Bucks, UK (Shire archaeology 28).
Haudricourt A. G. et Brunhes M. J. 2000, L'homme et la charrue à travers le monde, Tournai.
Szabo P. 2010, Ancient woodlands boundaries in Europe, Journal of Historical Geography, 36, p. 205-214.
Zadora-Rio E. 1991, Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l'Europe, in Guilaine J., Pour une archéologie agraire : à la croisée des sciences de
l'homme et de la nature, Paris, p. 165-192.
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