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MOOC ET UBERISATION
DE L'ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR
QUELLE PLACE POUR LA FRANCE ?
3. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 2
ISLEAN CONSULTING EST UN CABINET DE CONSEIL EN
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4. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 3
1. PREAMBULE : CADRE DE NOTRE ETUDE ......................................................................................... 4
2. INTRODUCTION ET CONTEXTE....................................................................................................... 5
2.1. DEPUIS 10 ANS, LA MONDIALISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR (ESR) S’ACCELERE ................................ 5
2.2. LES INSTITUTIONS DE L’ESR DOIVENT TROUVER DE NOUVEAUX FINANCEMENTS ............................................. 6
2.3. LES DIGITAL & MOBILE NATIVES SONT MAINTENANT ETUDIANTS................................................................. 7
2.4. LES ETUDIANTS SONT PARTICULIEREMENT SENSIBLES A L’UTILITE DE LEURS ETUDES.......................................... 8
3. DE LA DEMATERIALISATION A L’UNIVERSITE AU MODELE DES MOOC............................................11
3.1. L’ENSEIGNEMENT EN RECHERCHE CONTINUE DE SOLUTIONS INFORMATIQUES ...............................................11
3.2. LE NUMERIQUE AMENE SES BARBARES ET LES MOOC.............................................................................11
3.3. LE MOOC DONNE UN CADRE ET UNE TEMPORALITE POUR UNE COMMUNAUTE D’APPRENANTS ........................14
3.4. L’ACCES AU SAVOIR POUR TOUS, BELLE PROMESSE !...............................................................................14
3.5. UN MODELE QUI SE CHERCHE ENCORE.................................................................................................15
4. UNE CHANCE POUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE ? ...................................................17
4.1. UNE PLACE POUR LA FRANCE DANS LES MOOC ?..................................................................................17
4.2. DES CHANGEMENTS DE PARADIGMES POUR LES ACTEURS DE L’ESR............................................................18
4.3. LE MOOC : UNE OPPORTUNITE IMMEDIATE D’AFFAIRES POUR L’ESR.........................................................20
4.4. UNE RELATION RENOUVELEE VERS SES ALUMNI ET LE DEFI DE LA FORMATION CONTINUE..................................22
5. REMERCIEMENTS.........................................................................................................................24
6. EQUIPE DE L’ETUDE......................................................................................................................25
5. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 4
1. PREAMBULE : CADRE DE NOTRE ETUDE
Malgré leur relative jeunesse, les MOOC sont devenus un phénomène à la fois global et fortement
visible dans notre société.
Si les Etats-Unis ont été les premiers à faire savoir qu’ils ouvraient ce bal, ils ont été suivis de près
par de nombreux autres pays qui proposent dorénavant une farandole de cours en ligne. Des
institutions prestigieuses de renommée mondiale, mais aussi des start-up spécialisées et locales
ont développé des offres et des modèles d’affaires autour de ce concept pas encore stabilisé.
Cette nouvelle approche de la diffusion du savoir et de la reconnaissance de ses acquis dépasse
les murs des vénérables institutions. Elle interroge plus fondamentalement la posture de l’expert
et celle des masses, dans la société de la connaissance distribuée par internet.
Avides des ruptures d’usages et de modèles d’affaires, accélérées par les technologies, nous
sommes heureux d’être associés à ces premières transformations et questionnements de
l’enseignement supérieur, et nous prenons le risque, avec ce document, d’apporter notre pierre à
l’édifice, au travers de la structuration de ce sujet émergent et à fort impact.
Nous souhaitions apporter des éléments de réflexion, de modélisation et d’actions aux décideurs
du monde de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche français, aux premières loges de ces
transformations, mais aussi donner des pistes d’usages pour les entreprises face à l’émergence
de ces nouveaux modèles pouvant les associer plus fortement dans la production et la promotion
de la connaissance.
Connaissant les risques de points de vue sur les sujets numériques et d’innovations digitales, dont
la durée de vie est parfois de quelques mois, et face aux paris et aux incertitudes de l’avenir, nous
dressons un premier panorama que le temps prendra le soin de confirmer ou d’infirmer.
Nous tenons à remercier tous les contributeurs de cette étude, spécialistes de l’enseignement et/ou
des MOOC, pour leurs précieux témoignages, qui ont permis d’alimenter les volets théoriques de
« tranches de vie » et d’expériences pratiques.
Nous remercions en particulier M. Romain Soubeyran, directeur de l’Ecole des MinesParisTech,
qui a partagé notre démarche et nous a permis de mener l’enquête auprès d’un puissant réseau
de 15 000 Alumni, avec l’appui des associations des Ecoles des Mines (Paris, Nancy et Saint-
Etienne). Nous remercions également M. Christian Michaud, Alumni de cette école, qui nous a
éclairés par ses réflexions menées depuis 10 ans dans ses activités « militantes » au service des
Alumni.
Nous vous souhaitons une bonne lecture et serons ravis de prolonger le débat qu’aura pu ouvrir
notre étude avec tout lecteur.
Louis-Alexandre.Louvet@islean-consulting.com
6. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 5
2. INTRODUCTION ET CONTEXTE
2.1. DEPUIS 10 ANS, LA MONDIALISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
(ESR) S’ACCELERE
Depuis les textes fondateurs de la réforme L.M.D1
en 2002, l’Europe œuvre pour construire un
marché européen de l’enseignement supérieur. La réforme positionne les diplômes des Universités
et des Grandes Ecoles sur un référentiel commun en France et au sein de l’Union Européenne.
Par ailleurs, plutôt réservés à une élite dans les années 90, les échanges, passerelles et double-
cursus se sont grandement multipliés depuis 10 ans, comme peut en témoigner notamment le
succès d’Erasmus et ses 3 millions d’Alumni en 20132
. Au-delà du témoignage cinématographique
sur le programme3
, la France est dans le peloton de tête du nombre d’étudiants qui partent à
l’étranger, avec entre 30 000 et 35 000 étudiants entre 2010 et 20124
. La France est également
l’un des cinq pays les plus attractifs au monde pour les étudiants5
.
A l’image de l’accélération du nombre d’étudiants de ce programme européen (le premier million
est atteint en 15 ans, le second en 6 ans, et le troisième en 4 ans6
), le monde de l’enseignement
supérieur est en cours de globalisation accélérée.
Pour donner des repères face à l’offre des institutions d’éducation supérieure, les classements se
sont multipliés et certains classements se sont imposés au niveau mondial dès leur origine, de
manière inattendue : le classement de Shanghai, devenu une référence autant crainte que
contestée, était une commande du Président Chinois pour envoyer les bons élèves à l’étranger,
en comparant les universités chinoises aux universités internationales d’alors. La reconnaissance
aussi rapide de ce classement illustre à la fois sa pertinence face à des besoins de repères
mondiaux, ainsi que le déplacement des centres de gravité de l’enseignement supérieur au-delà
des Etats-Unis et de l’Europe. Electrochoc dans le monde de l’enseignement supérieur ou vision
différente des traditions françaises, le classement fait l’objet depuis 2003 d’autant de communiqués
de presse des Ministres7
sur les limites de la méthode, que de la part des universités françaises
qui y rentrent. Après 10 ans d’existence, le classement de Shanghai compte 20 établissements
français dans les 500 premières universités mondiales selon ses critères. En réaction face à cette
remise en perspective mondiale, certaines institutions construisent leurs propres classements, sur
la base de nouveaux critères8
.
Si ces classements, et leurs critères, sont par construction partiels, ils reflètent l’intensification de
la concurrence entre les institutions qui cherchent toutes à attirer les meilleurs élèves (et les
meilleurs professeurs).
Cette période a aussi vu la multiplication de stratégie de croissance des institutions, que ce soit
pour augmenter leur notoriété, simplifier leur offre, ou pour mutualiser leurs moyens : les écoles et
les universités en France espéraient limiter la « casse » d’abord au niveau national, et dans certains
cas au niveau international (face aux moyens déployés par les universités américaines, déjà
dotées d’une empreinte mondiale et de financement à cette hauteur9
). Aux Etats-Unis, les
investisseurs ont identifié que le monde de l’enseignement entrait dans une phase de
1 Réforme LMD : Licence / Master / Doctorat de la rentrée 2003 pour Licence et Master, et rentrée 2006 pour les Doctorats
2 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-657_fr.htm
3 « L’auberge espagnole », film de Cédric Klapish avec Romain Duris (2002)
4 « On the way to ERASMUS+ : A Statistical Overview of the ERASMUS Programme in 2011-12 » European Commission
5 « La France figure dans les cinq pays les plus attractifs à l’échelle mondiale en termes d’étudiants, loin derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, à peu près au
niveau de l’Allemagne et de l’Australie. » Source : « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
6 « On the way to ERASMUS+ : A Statistical Overview of the ERASMUS Programme in 2011-12 » European Commission
7 http://www.liberation.fr/monde/2013/08/15/classement-de-shanghai-les-universites-americaines-toujours-au-top_924901
8 http://www.mines-paristech.fr/Ecole/Classements/
9 Parmi les nombreux exemples : le récent partenariat entre L’Ecole Centrale Paris et l’ESSEC, le regroupement plus ancien de l’ESCP et de l’EAP, la création
d’Euromed Business School, celle de France Business School, ou de Skema, l’institut MinesTelecom, ou encore Paris Sciences Lettres Research University, ou
Paris School of Economy…
7. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 6
transformation digitale et ont dépassé le milliard de dollars d’investissement en deux ans, dans les
sociétés liées aux technologies de l’éducation dès 201210
.
Et comme le décrit avec enthousiasme et vision le livre11
de notre Digital Champion, Gilles Babinet,
nous ne sommes qu’au début de l’une des 5 ruptures numériques majeures !
2.2. LES INSTITUTIONS DE L’ESR DOIVENT TROUVER DE NOUVEAUX
FINANCEMENTS
Avec en 2014, un budget annuel d’environ 23 milliards d’euros, pour près de 2,5 millions
d’étudiants, la France consacre au financement de l’enseignement supérieur, des moyens
légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Toutefois ces fonds sont loin derrière
les champions mondiaux12
.
Si le budget est relativement stable depuis 201113
, le nombre d’étudiants continue à augmenter,
que ce soit pour une raison d’élargissement de l’accès aux études supérieures et d’attractivité des
études supérieures, ou pour retarder l’entrée sur un marché de l’emploi plus compliqué.
Cette tendance haussière, qualifiée de « démocratisation de l’enseignement supérieur » par le
Ministère de l’Enseignement supérieur, se poursuit : en 2011, 55 % des 20-24 ans ont fait des
études supérieures (diplômés ou non), contre 28 % des 45-49 ans14
.
Cette augmentation concerne tous les milieux sociaux :
Parmi les enfants de cadres ou professions intermédiaires, 76 % des 20-24 ans étudient
ou ont étudié dans le supérieur contre 56 % des 45-49 ans ;
parmi les enfants d’ouvriers ou d’employés c’est le cas de 40 % des 20-24 ans contre
17 % des 45-49 ans.
10 « According to venture capital database CB Insights, education technology companies received $1.1 billion in both 2011 and 2012 from investors. » cité dans
What Matters Now: Education. The top digital trends transforming education, 6 septembre 2013.
11 « L’ère numérique, nouvel âge de l’humanité – cinq mutations qui vont bouleverser nos vies » Gilles Babinet
12 « En consacrant 1,5 % de son PIB en 2009 à l’enseignement supérieur, la France se situe un dixième de point au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE
(1,6 %) et se positionne loin derrière les États-Unis (2,6 %), la Corée du Sud (2,6 %) et le Canada (2,5 %). » Source : « L’état de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche en France », MESR, Février 2013
13 Source : Budget MESR, sommes des budgets des programmes 150, 142, 172, 186, 187, 190 à 193, 325 à 329
14 « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
8. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 7
Paradoxalement, la démocratisation des études supérieures se fait malgré la hausse de la dépense
individuelle d’enseignement supérieur depuis 1980 : en 2010, la dépense moyenne par étudiant
s’élève, en effet, à 11 630 euros, soit 41,8 % de plus qu’en 198015
.
Alors que les coûts continuent d’augmenter au niveau global, avec plus d’étudiants, et au niveau
individuel, avec des parcours plus techniques et plus onéreux, les institutions d’ESR voient leurs
dotations publiques baisser. Les deux réformes récentes16
ont, en effet, consacré un principe de
plus grande autonomie des universités, notamment dans leur financement. A ce titre, elles ont
ouvert la possibilité pour les universités de collecter directement des fonds au travers de
Fondations. Ces réformes prenant du temps, la Cour des comptes constate que 19 universités ont
clôturé un budget en déficit en 2013. Et certaines d’entre elles ont mis en place des pratiques de
financement complémentaires aux frais d’inscription, dénoncées par un des principaux syndicats
d’étudiants comme « illégales17
», pour les aider à gérer dorénavant une situation de pénurie
budgétaire.
De la même façon, les CCI18
, prises elles-mêmes dans les réformes gouvernementales, subissent
une baisse de leur capacité de dotation à leurs propres réseaux de l’ESR. La CCI Grand Paris
souhaite par exemple engager la réflexion sur la création d’un statut d’entreprise à but non lucratif,
pour bénéficier de nouvelles marges de manœuvre pour ses nombreuses écoles, tout en
uniformisant leurs statuts récupérés lors de la fusion des CCI de Paris et de banlieue.
Publics ou privés, les financements traditionnels ne suffisent plus.
2.3. LES DIGITAL & MOBILE NATIVES SONT MAINTENANT ETUDIANTS
Le monde de l’enseignement supérieur accueille et forme les premiers rangs d’adultes de la
génération des « digital & mobile natives », c’est-à-dire la génération qui a grandi avec un accès
aux terminaux mobiles connectés aux réseaux sociaux19
:
100% des 18-24 ans sont équipés de téléphones portables, et 75% de smartphone,
94% des 18-24 ans ont un ordinateur à domicile, et 7 adolescents sur 10 vivent dans un
foyer équipé de plusieurs ordinateurs, avec 97% des possesseurs d’ordinateurs connectés
à internet.
De plus, ces pionniers dans l’adoption de nouveaux terminaux ne font que précéder un
mouvement, plus général en France, de montée en puissance des outils et terminaux mobiles :
Le taux d’équipement en tablettes tactiles a doublé depuis 2013 (de 8 % à 17 %) ;
55 % des Français sont équipés d’un smartphone en 2015 (17 % en 2011)20
.
Avec la multiplication des tablettes tactiles et des smartphones, une part croissante et significative
des Français se connecte en permanence à Internet, quel que soit l’endroit : 37 % naviguent ainsi
sur Internet avec leur téléphone mobile, 29 % y téléchargent des applications et 30 % envoient des
courriels.
Avec un niveau d’équipement de 95% aux outils mobiles connectés à internet, les 18-24 ans
passent en moyenne 24 heures par semaine sur internet.
En plus de cette connexion en mobilité, cette génération d’étudiants utilise à 86% les réseaux
sociaux (ex : Facebook, Myspace…), ce qui bouleverse la perception des relations par rapport aux
modèles précédents :
15 « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
16 En France, les dernières années ont amené des ambitions de réforme qui se sont traduites par deux lois emblématiques de chaque majorité : la loi relative aux
libertés et responsabilités des universités (dite LRU ou encore « loi Pécresse ») suivie de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (dite « loi
Fioraso »).
17 UNEF, « Frais d’inscription, sélection: les pratiques illégales encouragées par la pénurie budgétaire », palmarès 2014
18 Chambres de Commerce et d’Industrie
19 « La diffusion des technologies de L’information et de La communication dans La société française », CREDOC (2013)
20 L’Express : le M-commerce en 5 chiffres, mars 2015
9. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 8
Les réseaux sociaux favorisent la mise en relation instantanée et horizontale, en gommant
les hiérarchies traditionnelles,
Les réseaux sociaux gomment également les titres, pour mettre en relation des individus
notés par leur propre réseau, selon les critères qu’ils peuvent définir,
Les interactions peuvent être immédiates, spontanées et surtout chacun peut intervenir sur
un sujet qui lui tient à cœur, sans autre limite que les commentaires des autres membres
du groupe : ces réseaux gomment les diplômes et les relations « expert » versus « masse ».
Globalement, le numérique remet en question la confiance des français vis-à-vis des « fournisseurs
d’informations ». Nous pouvons distinguer, à partir d’une étude de 201421
, 4 groupes de
fournisseurs d’informations selon le niveau de confiance qui passent d’une confiance très forte de
la part des français, à un niveau de défiance « systématique » ou « allergique ».
L’école et la position du « maitre » restent en haut du deuxième groupe, avec un niveau de
confiance relativement élevé. Toutefois, comme nous l’avons vu, internet, ses réseaux sociaux et
les nouveaux usages ont tendance à laminer les attributs historiques de l’autorité de statut pour
valoriser encore plus l’autorité de la compétence.
2.4. LES ETUDIANTS SONT PARTICULIEREMENT SENSIBLES A L’UTILITE DE LEURS
ETUDES
La génération actuelle d’étudiants a grandi avec un niveau de chômage élevé en France.
Certes la « crise » financière, puis celle des dettes souveraines, ont fait s’envoler le taux de
chômage dans certains autres pays européens (ex : Espagne), quand d’autres pays « co-
opétiteurs » tels le Royaume Uni et l’Allemagne gardent des taux de chômage bien plus bas.
Indépendamment des causes détaillées qui font l‘objet de nombreuses analyses et de débats, les
étudiants actuels ont grandi dans un pays au chômage relativement élevé.
21 Etude IPSOS « France : les nouvelles fractures » : la confiance dans les institutions, janvier 2014
10. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
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Source : INSEE, taux de chômage en France métropolitaine au sens BIT, série longue.
La promotion débutant ses études le fait dans un climat général de pessimisme jamais atteint en
France22
:
90 % des français pensent que le niveau de vie de l’ensemble des Français a diminué
depuis dix ans ;
76 % craignent que le chômage augmente encore (+7 points en un an sur la crainte).
Certes, pour se protéger du chômage, les diplômes conservent une valeur forte : entre 2004 et
2011, le taux de chômage des jeunes sortants du système éducatif sans diplôme en 2004 est
pratiquement toujours supérieur à 15 %, alors que le taux de chômage des diplômés de
l’enseignement supérieur tombe au bout de trois ans en dessous de 5%. 23
Dans l’attente d’une amélioration de leur situation individuelle, et face à des charges en hausse,
les étudiants actuels rentrent davantage dans le monde professionnel :
45% des étudiants exercent dans l’année une activité rémunérée24
;
En ajoutant les jobs et stages d’été, seuls 25% des étudiants n’exercent pas d’activité
rémunérées ;
29,6% des étudiants salariés ont des emplois à plein temps en 2014 contre 18,5% en
200625
;
46% des étudiants rémunérés exercent une activité plus de 6 mois par an en 2014, contre
25% en 200626
;
51% de ces étudiants salariés estiment que ces revenus leurs sont indispensables en 2014
contre 40% en 201127
.
De plus, les étudiants contribuent plus aux charges de leur vie étudiante, comme le montrent les
études récentes des principaux syndicats étudiants28
. Avec une rentrée universitaire 2014-2015
qui coutera en moyenne 2 525 € par étudiant, les coûts assumés directement par les étudiants
pour leurs études ou leur vie quotidienne augmentent 3 à 4 fois plus vite que l’inflation.
22 « La diffusion des technologies de L’information et de La communication dans La société française », CREDOC (2013)
23 Source : « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
24 OVE [Observatoire de la Vie Etudiante], « Enquête nationale Conditions de vie des étudiants 2013 », juillet 2014
25 OVE cité par l’UNEF, « conditions de vie étudiantes publiées en 2006, 2014 »
26 OVE, « Enquête nationale Conditions de vie des étudiants 2013 », juillet 2014 et OVE, « Présentation des principaux résultats de l’enquête Conditions de vie
des étudiants 2006 »
27 UNEF, « Enquête sur le coût de la vie étudiante à la rentrée 2014 »
28 FAGE « L’INDICATEUR FAGE du COÛT de la RENTRÉE ÉTUDIANTE », édition 2014 d’août 2014, ou encore UNEF, « ENQUÊTE SUR LE COÛT DE LA VIE
ETUDIANTE » du 18 août 2014
11. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 10
Au-delà de considérations conjoncturelles ou politiques, et quitte à enfoncer une porte ouverte, les
parcours et les diplômes n’ont pas tous le même effet sur une carrière. Malgré les crises, certaines
filières ont des taux de chômage particulièrement bas29
:
de 2 à 5 % pour les titulaires d’un DUT, d’un BTS ou d’une licence professionnelle ;
entre 2 et 4 % pour les sortants d’une école d’ingénieur ou de commerce et les titulaires
d’un Master.
Les étudiants, de plus en plus professionnels, manifestent des signes de mécontentement comme
le feraient des clients face à une offre qui n’a pas suffisamment évolué face à leurs attentes30
:
63% des étudiants pensent que leur réussite n’est pas une priorité de l’université ;
77% des étudiants pensent que l’université ne prend pas en compte leur avis ;
47% des étudiants de première année (hors IUT) ne se sentent pas suffisamment
encadrés ;
25% des étudiants de première année souhaitent se réorienter.
Plus grave encore, malgré la nouvelle mission d’orientation et d’insertion professionnelles de l’ESR
(loi LRU de 2007), 69% des étudiants pensent que l’université ne prépare pas suffisamment leur
insertion professionnelle31
.
Symptôme de cette inadéquation entre la demande et l’offre, le symbole de l’enseignement
supérieur qu’est le cours magistral est contesté : 52% des étudiants souffrent de leur manque
d’interactivité, 40% les trouvent trop théoriques32
.
Dans son rapport de juin 2014, un syndicat étudiant résume ce décalage dans un de ses titres
« Les cours magistraux, cet archaïsme ».
29 Source : « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
30 Baromètre des conditions d’étude « Etre étudiant à l’université en 2014 », 4 juin 2014, publication UNEF, syndicat étudiant
31 Baromètre des conditions d’étude « Etre étudiant à l’université en 2014 », 4 juin 2014, publication UNEF, syndicat étudiant
32 Baromètre des conditions d’étude « Etre étudiant à l’université en 2014 », 4 juin 2014, publication UNEF, syndicat étudiant
12. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 11
3. DE LA DEMATERIALISATION A L’UNIVERSITE AU
MODELE DES MOOC
3.1. L’ENSEIGNEMENT EN RECHERCHE CONTINUE DE SOLUTIONS INFORMATIQUES
Le monde de l’enseignement est un relai des différentes innovations techniques et technologiques.
Comme la plupart des organisations de ce niveau de taille, les universités et grandes écoles se
sont équipées de solutions informatiques et ont souvent créé des cellules TICE33
pour
accompagner les enseignements des technologies de l’information et de la communication.
Le monde de l’enseignement supérieur a également adopté des progiciels de gestion intégré (ou
ERP) pour gérer ses ressources et mieux piloter son administration selon les normes attendues
par le Ministère et l’Etat.
Il a enfin été promoteur de solutions de simplification de la relation entre le professeur et les élèves
au travers d’outils métiers pour les professeurs (ex : Moodle34
) de remise de copies, partage
d’agenda, correction…
Le monde de l’enseignement supérieur a donc en partie dématérialisé ses processus sur les volets
métier et les processus administratifs.
Quant à eux, les organismes de formation professionnelle se sont emparés de solutions de e-
learning pour compléter leurs catalogues de formation aux entreprises.
De nombreux professeurs ne se sentent pas encore suffisamment accompagnés dans leur prise
en main des outils numériques avec le dispositif actuel de formation et de certification (notamment
avec le déploiement du C2i2e, obligatoire depuis 2004 et revu en 2010-2011)35
.
Même si toutes ces solutions ont permis d’améliorer le modèle académique existant, en optimisant
le modèle traditionnel de diffusion et de gestion de savoir, comme souvent, face aux ruptures
digitales, cela ne suffit pas.
Comme témoigne une cellule TICE, l’image des technologies reste … technologique. « Notre
communication orientée sur les technologies éducatives nous a coupé des enseignants non
technophiles. Ce choix a conduit à donner une image principalement technologique à la cellule. »36
.
Malgré les efforts de pédagogie sur les nouveaux paradigmes du digital, les changements culturels
induits n’ont pas encore été entendus de tous les enseignants et administratifs.
3.2. LE NUMERIQUE AMENE SES BARBARES ET LES MOOC
3.2.1. Internet bouleverse l’accès au savoir
Par ses mécanismes de distribution et de décentralisation, Internet remet en cause la détention du
savoir37
.
Auparavant réservées à des spécialistes, les connaissances, mêmes pointues, sont désormais
accessibles à tous, au travers des moteurs de recherche. Les étudiants peuvent dorénavant
interrompre un professeur en citant une source contradictoire trouvée « en trois clics ». Certes,
toutes les sources ne se valent pas, mais comment accepter cette irruption de la contradiction en
ligne dans les amphis ?
33 Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement
34 Pour les détails des fonctionnalités de Moodle, voir le site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Moodle
35 CF. rapports des missions Fourgous 2010 « et 2012 « « Apprendre autrement à l’ère numérique Se former, collaborer, innover : Un nouveau modèle éducatif
pour une égalité des chances ».
36 Stratégie d’évolution d’une cellule TICE en un Centre d’Appui aux Pratiques d’Enseignement Christian Colin, Sylvie Pires da rocha École des Mines de Nantes
37 Voir le livre « Ere numérique : un nouvel âge de l’humanité » de Gilles Babinet, Digital champion français auprès de l’Union européenne
13. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 12
La production de contenu a été fortement décentralisée par internet. Un professeur, habitué à des
publications après des années de recherche, se voit concurrencer par le blog d’un professionnel
du secteur, le dépassant en notoriété, grâce aux moteurs de recherche et au nombre de visiteurs.
Bien sûr, certains professeurs ont sauté le pas du rythme accéléré d’internet et ont des blogs. Mais
comment faire entrer les autres producteurs de contenu dans son propre amphi, sans que cela
ressemble à une défaillance de connaissance ?
Les réseaux sociaux ont bousculé les hiérarchies :
Comment intégrer l’interpellation de ses élèves qui prolongent les discussions des amphis
par des messages sur les « wall » de facebook ?
Comment un professeur des universités pourrait accepter d’être évalué par ses élèves qui
eux-mêmes sont habitués à tout noter - « liker » - sur internet ?
Enfin, la multiplication des savoirs en ligne permet de se former à son rythme et selon ses besoins :
le professeur perd son autorité dans la définition du parcours d’apprentissage. La
« consommation » de savoirs, à la fois plus immédiate et parcellaire, mais aussi plus personnelle,
questionne plus largement les diplômes.
3.2.2. Les barbares38 lancent les MOOC
Les MOOC sont l’une des réponses à ces mutations d’usages.
Tout d’abord, rappelons rapidement la définition du MOOC :
# Massive : les cours sont disponibles à grande échelle (plusieurs milliers, plusieurs dizaines
voire centaines de milliers d’inscrits) ;
# Open : tout le monde peut s’inscrire, sans avoir à justifier de diplôme ou prérequis (open
ne signifie pas gratuit) ;
# Online : le cours peut être suivi entièrement en ligne, bien que les participants organisent
parfois des rencontres afin d’échanger et travailler ensemble ;
# Courses : des cours interactifs avec des objectifs et pas seulement une bibliothèque de
documents.
Ce « véhicule de savoir » a été lancé récemment aux Etats Unis, et son accélération est tout
simplement époustouflante :
38 Appellation dans le monde numérique ou digital du nouvel entrant à l’origine externe au secteur, mais proposant au marché un produit (au sens numérique) en
rupture avec les codes et us de la profession. Il s’agit d’un créateur d’entreprise proposant en fait un nouveau modèle d’affaires.
14. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 13
en 2006, la Khan Academy pose un premier modèle et prend son envol en 2010 quand le
créateur peut s’y consacrer à plein temps : une pédagogie découpée, dotée de
financements privés et proposée par un « profane » issu du monde de la finance – et non
de l’enseignement –,
à partir de 2012, les grandes plateformes américaines s’ouvrent en moins de 6 mois et sont
suivies par des plateformes anglaises, espagnoles, et enfin françaises entre fin 2012 et fin
2013.
C’est un particulier – ou un « barbare » - qui ouvre donc le bal avec la Khan Academy. Fort des
succès de ses vidéos pédagogiques, conçues pour expliquer les mathématiques à sa nièce, et
diffusées sur YouTube, Salman Khan décide
de développer une plateforme de diffusion de
savoir.
Bien que professeur à Stanford, c’est
également à titre particulier que Sebastian
Thrun crée Udacity, soutenu par Bill Gates et
Salman Khan. La plateforme est un modèle
« For Profit », qui commercialise son offre de
formation. En 2014, c’est la première
plateforme à proposer un programme
complet, avec la Georgia Tech University,
pour un coût de 7 000 USD, nettement
inférieur à celui du programme sur campus.
Face à ces menaces – ou à ces initiatives
prometteuses – les grandes universités
américaines ne tardent pas à réagir, en
regroupant leurs moyens et unissant leurs
savoirs de référence sous la même bannière :
Coursera est plutôt côte Ouest, avec Stanford
en pole position, et EdX plutôt côte Est avec
Harvard et le MIT.
En France, c’est également un professeur – à titre individuel d’enseignant – qui devient le premier
pionnier des MOOC du pays. Avec une forte dose d’audace et d’inventivité, Rémi Bachelet lance
le premier MOOC en France, sur la gestion de projet, plébiscité par de nombreux participants.
Le MOOC est devenu presque générique dans le secteur de l’enseignement, voire auprès du grand
public, alors que les premières plateformes des universités américaines sont en fait très récentes.
MÊME LES RESEAUX PROFESSIONNELS
SE LANCENT DANS L’EDUCATION
Depuis peu, Linkedin a lancé deux nouvelles
sections (menu « intérêts / interests ») avec :
Education : depuis juin 2015, Linkedin propose
un classement des meilleurs diplômes par type
de fonction. Pour le moment, sur les diplômes
anglais et US. Qui d’autre au monde peut
s’appuyer en temps réel à autant de données
que Linkedin et ses 350 millions de membres (fin
2014) ?
Elearning : Linkedin a racheté en avril 2015 le
site Lynda de Elearning, dorénavant intégré
dans son offre. Après le rachat de Slideshare,
c’est un nouveau pas dans l’offre de contenu
personnalisé. Un mouvement stratégique de
1,5 milliards de dollars pour Linkedin.
15. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 14
3.3. LE MOOC DONNE UN CADRE ET UNE TEMPORALITE POUR UNE COMMUNAUTE
D’APPRENANTS
Les MOOC sont souvent regroupés sur des plateformes de LMS (Learning Management System),
aux fonctionnalités différentes qui encadrent alors la forme du cours (présence de quiz obligatoire,
pourcentage minimum de supports vidéo, etc.). Les internautes peuvent y accéder au travers de
moteurs de recherche, par sujet, par université, etc.
Les MOOC se structurent en cours hebdomadaires (environ 10 vidéos de 5 à 10 minutes par
semaine) et durent entre 8 et 10 semaines. Les supports des cours sont disponibles pour les
personnes inscrites mais il est possible de s’inscrire alors que le MOOC a commencé. Dans
certains cas, les supports de cours restent disponibles après la fin du cours.
Tout comme les cours en présentiel, les semaines de cours sont ponctuées de quizz (inopinés ou
programmés chaque semaine) et d’exercices notés par les apprenants, qui sont pris en compte
dans la note ou appréciation finale (Peer grading).
Ce qui fait le succès des MOOC, c’est ce rythme collectif.
A la différence du E-learning, qui reste souvent un vœu pieux que l’on remet à plus tard, le MOOC
n’est disponible qu’à un moment donné. Une fois inscrit, on suit et on apprend avec le reste du
groupe, ou on déserte ! Le MOOC n’est pas à l’abri d’inscriptions velléitaires, comme l’est
également la première année de faculté, ainsi que d’abandons en cours de route. Toutefois, les
professeurs ayant tenté l’expérience partagent tous la fierté d’avoir ouvert leur savoir à un nombre
d’étudiants qu’une année d’amphithéâtres ne leur permettrait jamais d’atteindre.
Les retours d’expérience de certains MOOC mettent en avant également les rencontres entre
apprenants, voire la constitution de groupes de révisions, c’est-à-dire la constitution spontanée de
communautés, comme par exemple un ensemble d’apprenants localisés dans la même ville.
Toujours fondés sur l’initiative individuelle, ces mécanismes ne sont pas systématiques.
3.4. L’ACCES AU SAVOIR POUR TOUS, BELLE PROMESSE !
Comme souvent lors de l’émergence d’une innovation, les MOOC font l’objet de nombreuses
promesses – et comme toujours, elles s’avèrent difficiles à tenir dans la durée - : sur la base de
l’accès gratuit aux contenus d’institutions prestigieuses, le monde entier va se transformer en
communauté d’étudiants érudits et avides de savoir.
Même en France, les MOOC peuvent permettre à ceux qui avaient été obligés de suivre des
parcours courts, de les compléter après leurs études – sans « bourse délier ». Les statistiques du
MESR39
rappellent que nous ne sommes pas égaux devant les études, et que malgré toute la
volonté de l’Etat, les études longues posent une problématique de financement par l’étudiant.
39 « Si les diplômes technologiques courts, tels que les BTS et DUT, sont peu sélectifs socialement, les filières universitaires longues et les grandes écoles le sont
beaucoup plus : 27 % des enfants de cadres sortent diplômés d’une grande école ou de l’université (bac +5 ou plus) contre 6 % des enfants d’ouvriers. » dans
L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France, MESR, Février 2013
Evolution des recherches
francophones sur le terme
MOOC – source Google
trends – juillet 2015
16. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 15
Les premiers retours des plateformes donnent l’impression que pour les MOOC, « on ne prête
qu’aux riches » 40
!
les utilisateurs des MOOC sont d’abord des diplômés de formation supérieure ;
les apprenants sont également en général des personnes ayant déjà un emploi.
Gardons en tête que les MOOC, c’est déjà 870 000 personnes inscrites sur FUN41
et entre 16 et
18 millions de personnes dans le monde42
ayant exprimé et engagé - voire terminé – un parcours
de formation qui n’existait pas il y a trois ans...
3.5. UN MODELE QUI SE CHERCHE ENCORE
Bien que nous utilisions à longueur de journée le terme « innovation », nous restons encore très
attachés aux raisonnements traditionnels qui visent à identifier rapidement le retour sur
investissement et le modèle d’affaires.
Les MOOC restent une exploration récente, mais dont l’usage a pris si rapidement que de
nombreux tests ont pu être menés sur différents modèles d’affaires. Pour le moment, malgré les
observations, les plateformes « pivotent » encore (c’est-à-dire qu’elles utilisent leurs observations
immédiates pour changer leur modèle économique, leur offre, etc.)
Tiraillées par les besoins de financements
(cf. supra), une grande partie des
institutions de l’Enseignement supérieur
n’a pas attendu la stabilisation du modèle
pour proposer un portefeuille de MOOC
suffisants aux plateformes qui testent ainsi
plusieurs modèles d’affaires :
Des modèles d’affaires plutôt tirés
par les modèles internet du
Freemium : la vente de certificat.
Le cours répond aux
fondamentaux : il est gratuit, en
ligne, ouvert à tous pendant une
session limitée dans le temps.
Tout internaute peut donc le
suivre. Si l’apprenant veut faire
valoir son assiduité et sa réussite,
il doit, en revanche, payer une
certification. Sorte de label de
reconnaissance, on se rapproche
des modèles internet, où le
fondamental est gratuit, et
l’accessoire ou les fonctionnalités
avancées sont payantes. Dans ce
cas, l’offreur mise sur l’attraction
de volume sur son site à très forte
notoriété pour récupérer les
quelques pourcents d’utilisateurs qui financent le site. Les incontournables de ce modèles
sont : une marque mondiale et une offre de base – gratuite – déjà attractive.
40 CF. infra les statistiques sur FUN, ou pour les chiffres plus internationaux, Etude menée en 2013 pour Coursera :
http://chronicle.com/blogs/wiredcampus/MOOCs-are-reaching-only-privileged-learners-survey-finds/48567
41 Conférence Futur en Seine, intervention de Madame Catherine Montgenet, chargée de mission France Université Numérique, juin 2015.
42 https://www.class-central.com/report/MOOCs-stats-and-trends-2014/
L’EVOLUTION DE FUN : la plateforme
FRANCE UNIVERSITE NUMERIQUE
Lancée par l’Etat (cf. supra), FUN a visé à répondre
à la problématique de création rapide d’une
plateforme. Selon le prisme, le verre est à moitié
plein ou vide, mais FUN a eu l’immense mérite de
tenter d’explorer cette rupture – au travers d’une
expérimentation collective et non d’une commission
- et de proposer une solution opérationnelle aux
universités et aux écoles en France.
C’est une preuve que l’Etat peut encore jouer un rôle
de stratège de filière. Toutefois, si l’Etat est le seul
capable de lancer des fusées dans l’espace – jusqu’à
présent… - il doit accepter d’avoir initié un
mouvement et de s’en retirer pour mieux laisser les
acteurs économiques prendre les positions que le
marché attend.
A ce titre, FUN va quitter le giron du Ministère pour
se transformer en GIP – Groupement d’Intérêt Public
– co-détenu à 50% par l’Etat et à 50% par les
universités. Ouverte dans les faits aux acteurs privés
de l’enseignement – les grandes écoles en France
sont souvent des institutions privées -, ce montage a
permis de prolonger l’expérience, tout en respectant,
à la lettre, le code des marchés publics.
17. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 16
D’autres modèles ont également été développés et testés : ils pourraient être considérés
comme la réplication du modèle historique. Il s’agit du MOOC payant et réservé à ses
clients. On peut alors parler de SPOC – Single Private Open Course -. Toutefois, le SPOC
peut également être utilisé, dans le cas de la réutilisation d’un MOOC : le MOOC est alors
réintégré dans l’enseignement auprès de leurs élèves « traditionnels » (ayant déjà payé
leurs frais d’inscription). Ce SPOC sert alors à faire l’introduction pour les concepts
fondamentaux avant les classes ou les cours magistraux.
Enfin, on trouve des modèles hybrides entre le monde numérique en ligne et le monde réel :
cela peut se traduire par une colonne vertébrale d’apprentissage en format MOOC (gratuit),
assortie de séminaires dédiés ou de conférences thématiques (payants). Ce modèle
permet aux enseignants de partager leur savoir à un public plus large. L’apprenant peut
combiner les formats d’apprentissage, voire la profondeur du savoir appris. A la différence
des SPOC dédiés aux élèves et étudiants de l’institution, l’ambition de ces formats est de
rassembler un public plus large.
Le modèle des MOOC et des plateformes est encore ouvert aux explorations et expérimentations.
18. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 17
4. UNE CHANCE POUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN
FRANCE ?
4.1. UNE PLACE POUR LA FRANCE DANS LES MOOC ?
4.1.1. La France a de forts atouts académiques et de rayonnement sur
le savoir
La France garde une attractivité forte auprès des étudiants étrangers43
:
9 étudiants étrangers sur 10 recommandent la France comme destination d’étude,
51% de ces étudiants ont choisi la France pour la qualité de son enseignement,
37% ont choisi la France pour la réputation des établissements ou des enseignants en
France.
De plus, la France conserve un rang élevé dans les producteurs de savoirs et de connaissances :
Avec 74 universités et 1500 écoles44
, le tissu académique de la France est très vivant,
Avec près de 2,5 millions d’étudiants en 201445
, la France a plus de 4% de sa population,
à la fois consommateurs directs - et incitateurs - de la production de contenu académique,
Des reconnaissances internationales prestigieuses : 2ème
pays derrière les Etats-Unis avec
13 médailles Fields46
, 4ème
pays dans le Monde avec 61 prix Nobel47
,
Une production de contenu remarquable en termes de savoirs technologiques et
techniques : 2ème
rang européen et 6ème
rang mondial en termes de dépôts de brevets48
.
Enfin, forte de sa production de contenu, la France est bien positionnée en matière de compétition
des savoirs, avec un marché cible immédiat de 220 millions de personnes actuellement, avec des
prévisions de 770 millions en 2015… dont 80% en Afrique : l’ensemble des pays francophones
représente 16% du PIB mondial et connaît un taux de croissance de 7%49
.
4.1.2. L’expérience de FUN : France Université Numérique
A rebours d’autres projets d’Etat (ex : ONP, Louvois50
…), FUN est un projet rondement mené.
Décidée en juillet 2013 par la Ministre, la plateforme est officiellement lancée en octobre 2013, et
les premiers cours sont accessibles début 2014. C’est la réutilisation des technologies edX –
plateforme lancée par Harvard et le MIT – qui a notamment permis de tenir ces délais. Cette fois,
la France décide de ne pas « réinventer la roue », et d’adapter une technologie existante et ouverte.
Dès son lancement, le gouvernement et le Ministère affirment leur volonté de faire de FUN une
initiative permettant de renforcer la visibilité voire l’attractivité de la France sur la scène
internationale, et de faire face également aux développements transatlantiques.
43 « Image et attractivité de la France auprès des étudiants étrangers - Principaux résultats du baromètre Campus france/tns sofres 2013 », novembre 2013
44 « Propositions pour une stratégie nationale de l’enseignement supérieur », Ministère de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Rapport remis au Président de la République, septembre 2015 (StraNES)
45 Voir supra.
46 « Médaille Fields : la France, pays le plus titré avec les Etats-Unis », Le Monde.fr avec AFP | 13.08.2014
47 « Prix Nobel: la France est l'un des pays les plus récompensés après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne », Le HuffPost, Publication: 13/10/2014
48 Site du Ministère des Affaires étrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-
exterieur/actualites-liees-a-la-diplomatie-economique-et-au-commerce-exterieur/2014-23094/article/depots-de-brevets-la-france-au-2e
49 Site http://www.gouvernement.fr/action/la-francophonie, mis à jour le 23 juillet 2015.
50 http://www.silicon.fr/onp-le-cadavre-informatique-dans-le-placard-du-gouvernement-93618.html
19. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 18
4.1.3. Après 18 mois, quels résultats pour FUN ?
Depuis son lancement en 2014, FUN a fortement densifié son
offre51
:
En passant de 24 MOOC au premier trimestre 2014,
à 140 MOOC (2ème
trimestre 2015), dont 102
nouveaux, et 34 pour lesquels c’était la deuxième
édition et 4 la troisième,
En ouvrant la production à 50 institutions dont 2
universités tunisiennes, une belge et une suisse.
Forte de son offre, FUN a également rencontré son marché :
En juin 2015, FUN a plus de 368 880 comptes et
totalise un cumul de
870 000 inscrits ;
En moyenne, 2,35 MOOC sont suivis par apprenant
et 7 535 sont inscrits par MOOC ;
On retrouve les débouchés sur le marché francophone, avec 15,2% des apprenants venant
du continent africain (chiffre en constante augmentation).
Les statistiques d’inscription sur FUN semblent confirmer les analyses des plateformes
américaines : le MOOC est un véhicule de savoir plutôt consommé par des professionnels
en poste.
Près des deux tiers des apprenants sont dans la tranche d’âge entre 25 et 45 ans.
4.2. DES CHANGEMENTS DE PARADIGMES POUR LES ACTEURS DE L’ESR
Plus des deux tiers de la dépense52
de l’enseignement supérieur concernent le personnel : « le
potentiel d’enseignement et de recherche dans l’enseignement supérieur public sous tutelle du
MESR est de 97 900 enseignants dont 56 500 enseignants-chercheurs et assimilés, soit 57,7 %
de l’ensemble53
».
51 Conférence Futur en Seine, intervention de Madame Catherine Montgenet, chargée de mission France Université Numérique, juin 2015.
52 Cf. chiffres supra
53 Source : « L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France », MESR, Février 2013
LA « PRUDENCE
REVOLUTIONNAIRE » A LA
FRANÇAISE
Dès 2013, avant même le lancement
des premiers cours en France sur FUN
(en janvier 2014), des appels étaient
lancés par le collectif anti-MOOC, sur
le thème de la « privatisation des
savoirs », en réaction à la mise en
ligne de 3 MOOC par l’ENS.
Source : Libération, 26 décembre
2013
20. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 19
Tout d’abord, le MOOC renvoie le professeur de l’enseignement supérieur à ses propres
paradoxes :
Le professeur, historiquement détenteur du savoir qu’il contribue à diffuser, doit accepter
d’ouvrir son amphithéâtre à tous, y compris à ses collègues,
Le professeur passe d’un événement éphémère pour transmettre un savoir de référence –
son cours en chaire – à un support reproductible, auditable a posteriori et fortement
diffusable qui le met en scène,
Le professeur, auparavant seul à répondre des notations, face à ses étudiants doit accepter
de faire intervenir des étudiants dans le processus d’évaluation – en plus de ses équipes
de doctorants dans l’animation de son MOOC,
Enfin, le professeur change de public d’apprenants : auparavant face à de jeunes adultes,
il est maintenant confronté à une population plus large, aux profils nettement plus variés,
et surtout fait face à des expériences plus lourdes, notamment en cas de contradiction. En
effet, rien n’empêche un expert du secteur privé d’assister au MOOC, et d’y animer une
partie des débats sur le forum.
Lors de notre recherche auprès d’un réseau d’Alumni54
, nous avons pu constater que les anciens
élèves vont encore plus loin et que la majorité d’entre eux se sentent prêts à prendre un rôle actif
dans la transmission de savoir. Cette envie est encore plus forte chez les anciens ayant déjà suivi
un MOOC.
L’administration - et l’institution – sont également concernées par le bouleversement des règles ;
elles doivent revoir leurs pilotages statistiques : il faut basculer du calcul de référence sur un taux
de réussite à des examens, à un taux de certification, nettement plus bas, mais sur un volume
nettement plus élevé.
Enfin, le format du MOOC fait passer l’apprenant d’un parcours pédagogique – et diplôme final –
tracé à l’avance (tronc commun puis spécialisation) à un parcours plus à la carte. L’apprenant
devient complètement acteur de la construction, dès le départ, de son parcours.
54 Recherche ISlean consulting menée auprès de 1500 Alumni du réseau des écoles des Mines (Paris, Nancy et Saint Etienne) - 2014
21. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 20
4.3. LE MOOC : UNE OPPORTUNITE IMMEDIATE D’AFFAIRES POUR L’ESR
Ce paragraphe explore les opportunités pour transformer le modèle économique du monde
académique.
Les universités et grandes écoles en France sont dans un « océan rouge »55
, dans lequel les
dotations baissent et les coûts augmentent. Les MOOC créent-ils un « océan bleu » pour les
pionniers ?
4.3.1. Le MOOC : un produit rentable rapidement (et durablement ?)
Sur le plan financier, le MOOC est un produit dont il est facile d’évaluer la rentabilité économique.
En effet, le modèle pour une université / école doit prendre en compte :
Un coût de « fabrication » du MOOC évalué à environ 50 000 € (hypothèse moyenne pour
le recours à une société externe pour un premier MOOC, hors charges des personnels
enseignants),
Des revenus sur la base des recettes fournies par les plateformes : 80% des recettes de la
certification (modèle de Coursera).
Avec ces hypothèses, il « suffit » de 12 500 inscrits avec un taux de certification de 10%56
à 50 € /
pièce pour assurer l’équilibre entre les dépenses et les recettes de la première session du MOOC.
Les sessions suivantes permettent
d’augmenter la rentabilité du produit : le coût
d’amélioration devient – normalement –
marginal, alors que les bons retours de la
première session encouragent les
inscriptions et installent le MOOC dans les
cours demandés et reconduits.
Au niveau extra-financier, les retours
d’expérience des pionniers des MOOC en
Europe permettent de faire émerger ces
points de création de valeur :
Un accroissement systématique de la
visibilité internationale de l’institution
que ce soit en tant que marque, mais
aussi sur des savoirs de pointe,
comme cela a été le cas pour
l’université de Genève qui a renforcé son rayonnement mondial avec le MOOC santé
globale,
Un projet fédérateur et valorisant pour les participants au sein de chaque faculté, avec une
émulation entre les facultés et au sein des équipes,
La formation des professeurs à un nouveau format d’enseignement, prenant en compte les
nouvelles technos dans l’apprentissage par les professeurs.
Enfin, vu au sein de l’institution, cette production pourrait permettre de réduire les coûts voire de
prendre des mesures concrètes de développement durable dans un contexte international : une
fois construit, le MOOC peut être réutilisé pour proposer aux étudiants de campus lointains l’accès
55 Cf. l’ouvrage Blue Ocean Strategy, 2005, de W. Chan Kim et Renée Mauborgne - chercheurs et professeurs en stratégie et management à l’INSEAD - : en
synthèse, un océan rouge est un secteur économique fortement concurrentiel, dans lequel - à l’image des poissons - les compétiteurs sont trop nombreux pour ne
pas chercher à s’attaquer, se blesser et se tuer. Selon les auteurs, cette zone est à quitter rapidement, pour aller vers un océan bleu (c’est-à-dire une nouvelle
zone dans laquelle l’organisation peut évoluer et croître plus librement). Les auteurs développent les méthodes pour créer le mouvement vers l’Océan bleu.
56 Sur la base des chiffres communiqués par le MOOC de FUN « Ville durable : être acteur du changement » réalisé par l’IUT de Béziers ayant rassemblé 6 500
inscrits sur 6 semaines de fin janvier à mi-avril 2014, avec 800 attestations de suivi délivrées (conférence Future en Seine, juin 2015)
L’EXPERIENCE NEODEMIA :
LE MOOC ATELIERS D’ECRITURE
Neodemia lance son 1er
MOOC en septembre 2013 en
partenariat avec une start-up de l’édition.
Il cible les apprenant(e)s qui veulent développer
leurs techniques d’écriture.
Les retours de ce MOOC dépassent même les
attentes initiales du créateur du cours : à l’issue de
ce 1er
MOOC (seulement filmé), les apprenants
saisissent entièrement le cours (en Wiki), tout en
l’enrichissant, et en font un livre, dont ils trouvent le
financement via des sites de financement participatif.
22. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 21
au même contenu. L’institution peut espérer gagner en frais de personnel, et surtout en frais de
déplacements ! Pour le moment, ces impacts ne sont pas constatés sur le terrain.
Dans certains cas, cela permettrait également aux professeurs / chercheurs de dégager plus de
temps pour leurs recherches.
4.3.2. Le champ concurrentiel possible
Pour le moment, le MOOC est vu par le monde académique comme une extension de son savoir-
faire traditionnel, c’est-à-dire la construction et la transmission de savoir.
Nos échanges avec les professionnels de l’enseignement ont souvent fait apparaitre un premier
type de segmentation en trois niveaux, fort proche des normes LMD (Licence, Master, Doctorat) :
Un savoir de niveau général, sorte de socle fondamental encore large et ne nécessitant
pas un bagage antérieur fort ;
Un savoir de spécialiste, accessible à celui qui a déjà le socle ci-dessus ;
Un savoir d’expert, souvent ouvert à plus d’autonomie, où l’élève devient thésard ou plus,
et construit une connaissance très profonde de sa spécialité. Cette expertise est alimentée
par la recherche.
Jusqu’à récemment, les institutions de l’ESR se pensaient protégées dans les couches supérieures
du savoir, à la fois par leur ancienneté – et légitimité – dans certains secteurs, mais aussi par leur
activité de recherche.
Or, c’est aussi là que Coursera commence à faire une percée – au moins en termes de
communication – en proposant une série de cours avancés57
. Produits par les grandes universités
et écoles de rang mondial – selon la sélection de Coursera -, ces cours de spécialisation visent à
proposer aux professionnels, 3 « clusters » de savoirs : Business, Data et Computer Sciences. Sur
les 5 MOOC proposés par des institutions européennes (sur 30 MOOC de spécialisation au total),
3 sont faits par des écoles de commerce françaises, dont 2 par l’ESSEC Business School.
C’est la démonstration que les plateformes de MOOC – a minima Coursera - sont en train de
remonter sur le niveau de savoir, de manière plus structurée qu’auparavant. Ces MOOC sont
payants et sur un
format plus court
(3 – 5 semaines).
Par ailleurs, ils
sont très souvent
proposés en
partenariat avec
des entreprises.
Ce mouvement
répond au constat
que les MOOC
sont fortement
consommés par
les professionnels
(cf. supra) qui
cherchent un
contenu plus
précis et plus
opérationnel. Cela
57 Source : Coursera, Essec business School.
23. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 22
correspond au deuxième axe de notre matrice, l’axe de contextualisation du savoir.
Comme pour l’axe « savoir », nous avons découpé cet axe en trois niveaux : une mise en contexte
général (ex : la bureautique dans le monde), utilisable (ex : utilisation du Pack Office Windows), et
enfin applicable (ex : l’utilisation de l’outil métier de mon entreprise).
Comme pour l’axe savoir, l’axe « contextualisation » semble aboutir par des prestations tellement
contextualisées qu’elles s’apparentent plus à du consulting, adapté à des besoins très précis.
4.3.3. Plus d’interventions dans la formation continue et avec les
entreprises
Avant les plateformes mondiales de MOOC (qui évoluent vers les formations plus spécialisées,
plus professionnelles), les institutions de l’ESR avaient déjà tenté de se positionner sur ce segment.
Mais, avec un budget de 411 millions d’euros collectés au travers de la formation continue58
, les
établissements publics d’enseignement sont encore loin de compenser les mouvements du budget
de dotation par le MESR (env. 25 Milliards d’euros par an).
Le marché de la formation continue est en fait un nouveau marché pour les universités. Il est aussi
important – et non concurrent - que celui des dotations publiques.
Les MOOC peuvent servir à valoriser leurs savoir-faire auprès d’un public élargi afin de décliner
des interventions plus ponctuelles auprès des entreprises.
Perçues avec beaucoup de respect par les professionnels, les universités ne sont pas positionnées
comme sources de savoirs pratiques.
De l’autre côté, les entreprises sont à la fois consommateurs – voire producteurs – de savoirs, et
intéressées par la guerre des talents. Souhaitant se rapprocher d’une autre manière des étudiants,
les très grandes entreprises ont déjà pris l’habitude de sponsoriser des chaires dans les institutions
de l’ESR. Restent maintenant à faire fructifier ces liens sur ces nouveaux véhicules de savoir.
4.4. UNE RELATION RENOUVELEE VERS SES ALUMNI ET LE DEFI DE LA FORMATION
CONTINUE
L’accélération de la transformation du monde qui nous entoure a rarement été aussi forte. Cette
accélération suscite autant de fantasmes que de craintes.
Le monde économique est profondément parcouru par plusieurs ruptures, dont certaines remettent
l’enseignement supérieur devant certaines
responsabilités ou opportunités :
Un choc de compétences, avec des
pans de l’économie, et de nombreux
métiers amenés à disparaitre très
rapidement,
Une rupture de trajectoire et statut
professionnels : le changement de
situation professionnelle (changement
d’entreprise, licenciement…) et de statut
peut paraitre fragiliser les
« indéterminations » du CDI, autant que
rappeler que peu de carrières sont
linéaires. Au-delà des belles histoires
sur la vigueur de l’entrepreneuriat en
58 Source : MESR, DEPP_NI_2013_20_Croissance_moderee_formation_continue_universitaire_2011_270010.pdf
LE LIFELONG ESSEC :
PIONNIER DU LIFELONG LEARNING EN
FRANCE
Dans sa stratégie 2020 (Stratégie 3I, publiée en
2014), l’ESSEC a déjà exprimé son souhait de
s’inscrire dans une relation de long terme auprès
de ses Alumni, pour les accompagner tout au
long de leur parcours professionnel.
Elle ouvre ainsi la voie aux actes d’engagement
vers ses Alumni, et attend en retour un
rapprochement avec leurs entreprises.
Cet axe stratégique renforce les liens entre
l’école les structures de l’association des anciens
et de la Fondation.
24. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 23
France, un certain nombre de salariés licenciés se retrouvent dans l’obligation de
« s’inventer un travail ».
Ces deux ruptures amplifient le besoin individuel d’employabilité, c’est-à-dire d’avoir une valeur
reconnue par le marché de ses compétences.
Lors de notre enquête auprès des Alumni de 3 écoles françaises d’ingénieur prestigieuses59
, nous
avons pu constater que :
35% des Alumni vont jusqu’à changer de secteur professionnel dans leurs carrières,
ces changements de carrière se produisent dans tous les secteurs.
Pour les actifs depuis plus de 10 ans, le taux de changement de secteur monte à 40%. Il est déjà
de plus de 20% dans la population des jeunes actifs (depuis moins de 10 ans).
Ceux qui changent de secteur ont plus le sentiment de se « prendre en main » : ces Alumni
organisent eux-mêmes leur parcours et leur formation. Les MOOC – et les autres offres de valeur
– de leur établissement supérieur d’origine, ou ceux d’établissements concurrents, leur permettront
de réaliser rapidement et efficacement cette démarche.
Dans ce contexte, la relation entre un établissement de formation initiale et ses Alumni peut se
développer selon deux scénarios contrastés
Soit l’établissement cantonne son action à ses domaines universitaires d’excellence, et
prend ainsi le risque de laisser ses Alumni rejoindre d’autres communautés à travers des
cursus de formation continue leur permettant de changer d’activité ;
Soit l’établissement se positionne en conseil et guichet, en mesure de proposer des offres
de formation effectuées par d’autres institutions en se portant garant des prérequis de ses
anciens étudiants et en les orientant sur leur parcours.
Il devient donc critique, pour chaque institution, de savoir comment ses Alumni positionnent le rôle
de leur université ou école d’origine dans leur quête individuelle de formation tout au long de leur
vie. Rester le partenaire de la courte période d’acquisition de diplôme initial, ou assurer l’entretien
des aptitudes professionnelles garantissant l’employabilité à long terme
59 ISlean consulting, étude 2014 auprès du réseau des Ecoles des Mines (Nancy, Paris et Saint Etienne)
25. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
SEPTEMBRE 2015 © ISLEAN CONSULTING PAGE 24
5. REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leurs précieuses contributions.
Que ce soit lors d’entretiens qu’ils nous ont fait l’honneur d’accepter, ou de conférences publiques
auxquelles nous ne pouvions pas ne pas assister, les contributeurs cités nous ont permis
d’alimenter notre étude par leurs témoignages, leurs expériences et leurs visions.
Université de Genève
Professeur Antoine Geissbuhler, Médecin-chef, Service de cybersanté & télémédecine, Hôpitaux
Universitaires de Genève
Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)
Professeur Pierre Dillenbourg, CHILI Lab, Center for Digital Education
ESSEC
Claire Bertrand, innovation et développement pédagogique
Benjamin Six, pôle innovation
Mines ParisTech :
Romain Soubeyran, Directeur
Christian Michaud, Alumni Mines ParisTech
Jérôme Adnot, Directeur de l’enseignement
Philippe Mustar, professeur responsable d’option
Eric Ballot, professeur et responsable d’option
Sarah Lauzon, responsable de formation continue
Ecole des Mines de Nantes
Christian Colin, directeur du centre d’appui aux techniques d’enseignement et responsable de la
cellule TICE
EM Lyon / Ecole Polytechnique
Philippe Silberzahn, Professeur Associé en Stratégie et Organisation, Professeur à EMLYON
Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique.
ESIEE
Nicolas Trüb, enseignant - entrepreneur
Elia Habib, enseignant et adjoint au directeur des études
Institut Mines Telecom
Nicolas Sennequier, Directeur de la pédagogie numérique IMT
Telecom ParisTech
Alain Riesen, directeur de la formation continue Telecom Evolutions
Créateurs de plateformes privées de MOOC
Laurent Boinot, Neodemia
Fabrice Demichel, First Finance
Intervenants lors de la conférence de l’Ecole de Paris du Management (janvier 2014) :
Philippe Durance (CNAM) Cécile Dejoux (CNAM), Dominique Boullier (Sciences Po Paris)
26. MOOC ET UBERISATION DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
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6. EQUIPE DE L’ETUDE
A propos de l’auteur : Louis Alexandre Louvet
Depuis 15 ans dans le conseil, Louis-Alexandre s'est spécialisé dans les problématiques d'innovation et de
lancement de nouvelles offres s'appuyant sur les technologies.
Entrepreneur, Louis-Alexandre a créé un label musical (nouveau-né, 2003-2011) pour accompagner les
jeunes talents de la chanson. Cette aventure lui a permis de vivre de l’intérieur la rupture digitale de la
musique au moment où les CD et albums étaient remplacés par les mp3 et les concerts. Après 8 ans, 6
albums et une centaine de concerts, le label a été dissout.
Louis-Alexandre a accompagné le cours Essec / Centrale Paris / Strate Collège, création d'un produit
innovant pendant 2 ans.
Citoyen passionné par la transformation des usages, Louis-Alexandre est également membre du bureau
de Démocratie Ouverte, association qui conçoit, développe et teste de nouveaux modèles de
gouvernance citoyenne. Il a également contribué à la consultation numérique du CNNum.
Louis-Alexandre est diplômé de l'Essec et d'une maitrise de droit des affaires et a débuté sa carrière de
conseil en stratégie et management chez Booz Allen & Hamiton avant de travailler chez Capgemini
consulting pendant plus de 12 ans. Il a rejoint ISlean consulting en 2012.
Contributeurs à cette recherche ISlean consulting
# Philippe Kalousdian, associé fondateur d’ISlean consulting.
# Louis-Aimé de Fouquières, senior advisor ISlean consulting.
# Laurène Guillot, consultante ISlean consulting.