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LE BLANCHIMENT D’ARGENT AU LIBAN
‘Béryte, l’écho des Cèdres’, Issue 21, February 2011
The essential pillar in the Lebanese economy is the banking system. Driven by solid laws, it has firmly established
a cash-friendly environment and has attracted different types of capitals. And what particularly attracts these
investments? Banking secrecy law- as tight and legitimate as Switzerland’s. But this key asset doesn’t come
without any disadvantages. Here is why:
“Sanitary cleaning shops” est une chaine de blanchisserie achetée par Al Capone à Chicago au début du
20ème siècle. Cette façade légale lui permettait de recycler les ressources provenant d’activités illicites.
Cette blanchisserie a donné nom au phénomène ingénieux et en perpétuelle mutation : le blanchiment
d’argent.
Le capital illicite est issu d’activités de malfaiteurs, d’actes ou d’organisations terroristes, de trafic
d’armes, ou encore d’origines plus banales et détectables dans la vie courante tel que le vol,
l’escroquerie, la contrefaçon de monnaie ou de carte de crédit, le détournement de fond, etc..
Un blanchiment est établi quand l’agent parvient à effacer la traçabilité entre la source du capital illicite
et sa destination finale. On obtient en fin de compte une façade légale construite à partir du capital
illicite: un compte bancaire, une société commerciale, un bien immobilier, qui a pour origine un argent
maffieux, une escroquerie, un trafic de drogues, un réseau de prostitution, etc.
Pour dissiper l’illicéité du capital, nombreuses techniques sont utilisées par les agents. La créativité, la
complexité et l’innovation de celles-ci étonnent. Les moyens recensés de blanchiments ne sont pas
nombreux, mais on peut énumérer trois stades dans tout blanchiment d’argent, quel que soit son
ingéniosité :
1- le prélavage : le fait d’introduire le capital d’origine illicite dans le marché
2- le lavage : les processus consécutifs et progressifs pour ‘pulvériser’ le capital illicite
3- le recyclage : la réintroduction des fonds issus du capital illicite dans des activités d’origines légitimes
(acquisition immobilières, rachat d’entreprises, etc.)
On peut citer à titre énonciatif quelques moyens de blanchiment décelés:
1- Le shtrumphage : la plus courante des ‘structuring methods’. L’agent divise son capital illicite en de
nombreuses sommes inferieures à 10.000 dollars. Il dépose ensuite progressivement ces sommes dans
un ou plusieurs comptes bancaires pour dissiper toute suspicion et pour éviter les procédures bancaires
déclenchées par un dépôt de plus de 10.000 dollars.
2- L’altération des valeurs : l’agent achète un bien de valeur réelle de 100.000 dollars. Mais il s’entend
avec le vendeur pour fixer le prix dans le contrat de vente et dans les documents légaux à 75.000 dollars.
Le prix légal est déboursé au compte de l’agent. Les 25.000 dollars sont déboursés secrètement au
vendeur. L’agent a blanchi 25.000 dollars. Il a dissipé leur origine illégale et il les a incorporés dans une
transaction légale.
3- Les casinos : supposons que le capital illicite est de 100.000 dollars. Les quatre agents complices se le
divisent entre eux. Ils échangent leurs sommes respectives en pions pour pouvoir jouer au casino, poker
ou autres jeux. Après la partie, le complice qui gagne reprend tous les pions, les reconvertit en 100.000
dollars. Les agents ont alors reconstitué licitement leur argent sale.
4- L’intégration des fonds illicites dans des entreprises honnêtes : l’agent incorpore son capital illicite
dans une entreprise qui effectue des transactions au comptant tel que restaurants, bars, boites de nuit,
hôtels, bureaux de change, etc. en vue d’’un brassage de capitaux illicites et propres. L’argent sale est
converti en une activité commerciale légitime.
5- L’auto-prêt : l’agent contracte un prêt auprès d’une banque, documents légaux à l’appui. Il rembourse
la somme et les intérêts avec son capital illicite.
6- Complicité bancaire : un employé de banque facilite à l’agent le processus de blanchiment d’argent.
Tous ces moyens n’ont été décelés que récemment dans les systèmes bancaires nationaux.
Face à l’ampleur des répercussions du blanchiment d’argent sur l’économie, l’ordre public interne et
international, le GAFI (Groupe d’Action Financière) ou FATF (Financial Task Action Force) pour les
anglophones, a été créée à Paris en 1989. Le but de cet organisme intergouvernental est de lutter contre
ce fléau croissant. Différents moyens sont mis en œuvre par le GAFI. Le GAFI a d’abord créé des normes
qui doivent être suivies par les gouvernements pour promouvoir la lutte contre le blanchiment d’argent.
En 2001, ont été ajoutées quarante recommandations générales et neuf recommandations spéciales
concernant le terrorisme. Le GAFI a aussi mis en place en place une liste de pays ou de territoires non
coopératifs quant à la lutte anti-blanchiment et anti-terrorisme.
LE CAS LIBANAIS
En 1996, des législations nationales concernant le blanchiment d’argent apparaissent : en France, la loi
96-392 du 13 Mai et la loi sur le blanchiment d’argent LBA en suisse. Au Liban, on ne parle pas encore de
législations. L‘obstacle à cette avancée normative est posé par la loi du 3 septembre 1956 relative au
secret bancaire. Ce souci de préserver l’anonymat des opérations et des transactions, et même l’identité
du détenteur du compte bancaire empêche toute investigation sur les agents jugés suspects et sur les
opérations jugées suspectes. On ne peut établir un mécanisme de lutte contre le blanchiment en tant
que tel dans un système bancaire aussi hermétique et libéral que celui présenté par la loi de 56.
Conscientes de cette faille législative, les banques libanaises contractent la due diligence convention,
par laquelle elles fixent une procédure commune à adopter face à des manœuvres suspectes de
blanchiment d’argent. Ces institutions financières se donnent l’obligation de fermer le compte bancaire
de l’agent suspect et de lui rendre ses liquidités. Mais, face au manque de techniques législatives, en
2000, le GAFI place le Liban sur sa liste noire des pays non coopératifs. En réponse, la loi 318 du 20 Avril
2001 est votée. Elle créé une commission d’enquêtes spéciales. Cette entité indépendante à caractère
judiciaire a pour double mission d’enquêter sur les opérations de blanchiment de capitaux et de veiller
au respect de toutes les obligations citées dans la loi de 2001. Cette commission est dotée de maintes
prérogatives, elle peut demander aux banques de lui donner toutes les informations qu’elle juge
adéquates concernant le dossier examiné, même sans l’approbation de l’agent. Elle analyse ensuite
toutes les données pour constituer une éventuelle preuve de blanchiment d’argent. Quand la
commission juge que l’opération suspecte est bel et bien un blanchiment, elle transmet le dossier aux
autorités judiciaires compétentes. Le secret bancaire est, à ce moment, levé. On parle d’exception à la
loi de 1956. Les opérations de blanchiment d’argent deviennent après la loi de 2001 non seulement
décelables, mais contrôlées. Des sanctions pénales sont aussi infligées. Après évaluation périodique du
degré de conformité du Liban aux recommandations, le GAFI, au grand soulagement de la commission
d’enquête, a rayé le Liban de sa liste noire. Les techniques du blanchiment d’argent déjà décelées sont
minimes face à celles pratiquées. Très souvent l’activité qui engendre le capital illicite n’est même pas
classifiée. Une zone d’ombres ou maffia, crimes et illégalités prolifèrent. La législation est encore
atrophiée et impuissante face à ses réseaux complexes.
QUE DIT L’ARTICLE 5 DE LA LOI DE 2001
Le moyen de lutte contre le blanchiment d’argent commence par l’établissement de crédit. Des mesures
de vigilance sont effectuées. On parle de travail préventif. Lors de l’entrée en relation avec le client, la
banque doit obtenir les renseignements adéquats et doit être convaincue de leur vraisemblance. La
même vigilance s’impose dans le cadre du fonctionnement du compte et lors de l’ouverture des
comptes a distances.
1- Parmi les mesures de vigilance, on cite
A- La vérification de l’identité du client et de celle de l’ayant droit économique au cas où l’opération
s’effectue de façon indirecte, par mandataire, par société interposée ou par personne interposée
B- La conservation des photocopies et des opérations effectuées
C- L’abstention des banques de délivrer des attestations contraires aux faits
2- Des déclarations de soupçons à la BDL
Lorsque le véritable donneur d’ordre d’une opération n’est pas clairement identifié, ou plus
couramment lorsque les opérations effectuées sont jugées anormales et suspectes, l’établissement e
crédit est dans l’obligation de déclarer auprès de la DBL cette anormalité.
APERCU SUR LA COMMISSION D’ENQUETE SPECIALE
1- La commission est saisie par les institutions soumises à la loi de 1956, celles non soumises à la loi de
1956, celles non soumises à la loi de 1956 et par la commission de contrôle des banques
2- Les dispositions de la loi de 1956 ne sont pas opposables aux membres de la commission. Cette non-
applicabilité est contrebalancée par une obligation de confidentialité
3- Nombreuses prérogatives lui sont confiées : immunité pour tout acte accomplis dans le cadre de leurs
fonctions, pouvoir général de renseignements, pouvoir de régler les comptes suspects
4- Seul le président de la commission, en l’occurrence le président de la BDL peut décider de lever le
secret bancaire au profit de l’autorité judiciaire compétente, et dans le cadre du procès de l’agent.
QUELQUES CHIFFRES ET RENSEIGNEMENTS EN 2009 :
1- 63% des cas suspects de blanchiment d’argent proviennent d’autorités locales
37% des cas suspects proviennent d’autorités internationales
2- Les autorités étrangères demandent plus de renseignements que de levée du secret bancaire
3- Provenance des capitaux illégaux : Falsification, terrorisme, trafic de drogues, trafic d’armes
(seulement 1%)
4- Très souvent l’activité qui engendre le capita illicite n’est pas classifiée
5- 54% des déclarations de blanchiment proviennent de Beyrouth, 29% du Mont Liban, 9% du Sud, 4%
du Liban nord, 5% de la Béquaa.
Remerciements : Commission d’enquête spéciale (Special Investigation Commission) de la Banque du Liban

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LE BLANCHIMENT D'ARGENT AU LIBAN

  • 1. LE BLANCHIMENT D’ARGENT AU LIBAN ‘Béryte, l’écho des Cèdres’, Issue 21, February 2011 The essential pillar in the Lebanese economy is the banking system. Driven by solid laws, it has firmly established a cash-friendly environment and has attracted different types of capitals. And what particularly attracts these investments? Banking secrecy law- as tight and legitimate as Switzerland’s. But this key asset doesn’t come without any disadvantages. Here is why: “Sanitary cleaning shops” est une chaine de blanchisserie achetée par Al Capone à Chicago au début du 20ème siècle. Cette façade légale lui permettait de recycler les ressources provenant d’activités illicites. Cette blanchisserie a donné nom au phénomène ingénieux et en perpétuelle mutation : le blanchiment d’argent. Le capital illicite est issu d’activités de malfaiteurs, d’actes ou d’organisations terroristes, de trafic d’armes, ou encore d’origines plus banales et détectables dans la vie courante tel que le vol, l’escroquerie, la contrefaçon de monnaie ou de carte de crédit, le détournement de fond, etc.. Un blanchiment est établi quand l’agent parvient à effacer la traçabilité entre la source du capital illicite et sa destination finale. On obtient en fin de compte une façade légale construite à partir du capital illicite: un compte bancaire, une société commerciale, un bien immobilier, qui a pour origine un argent maffieux, une escroquerie, un trafic de drogues, un réseau de prostitution, etc. Pour dissiper l’illicéité du capital, nombreuses techniques sont utilisées par les agents. La créativité, la complexité et l’innovation de celles-ci étonnent. Les moyens recensés de blanchiments ne sont pas nombreux, mais on peut énumérer trois stades dans tout blanchiment d’argent, quel que soit son ingéniosité : 1- le prélavage : le fait d’introduire le capital d’origine illicite dans le marché 2- le lavage : les processus consécutifs et progressifs pour ‘pulvériser’ le capital illicite 3- le recyclage : la réintroduction des fonds issus du capital illicite dans des activités d’origines légitimes (acquisition immobilières, rachat d’entreprises, etc.) On peut citer à titre énonciatif quelques moyens de blanchiment décelés: 1- Le shtrumphage : la plus courante des ‘structuring methods’. L’agent divise son capital illicite en de nombreuses sommes inferieures à 10.000 dollars. Il dépose ensuite progressivement ces sommes dans un ou plusieurs comptes bancaires pour dissiper toute suspicion et pour éviter les procédures bancaires déclenchées par un dépôt de plus de 10.000 dollars. 2- L’altération des valeurs : l’agent achète un bien de valeur réelle de 100.000 dollars. Mais il s’entend avec le vendeur pour fixer le prix dans le contrat de vente et dans les documents légaux à 75.000 dollars. Le prix légal est déboursé au compte de l’agent. Les 25.000 dollars sont déboursés secrètement au vendeur. L’agent a blanchi 25.000 dollars. Il a dissipé leur origine illégale et il les a incorporés dans une transaction légale. 3- Les casinos : supposons que le capital illicite est de 100.000 dollars. Les quatre agents complices se le divisent entre eux. Ils échangent leurs sommes respectives en pions pour pouvoir jouer au casino, poker
  • 2. ou autres jeux. Après la partie, le complice qui gagne reprend tous les pions, les reconvertit en 100.000 dollars. Les agents ont alors reconstitué licitement leur argent sale. 4- L’intégration des fonds illicites dans des entreprises honnêtes : l’agent incorpore son capital illicite dans une entreprise qui effectue des transactions au comptant tel que restaurants, bars, boites de nuit, hôtels, bureaux de change, etc. en vue d’’un brassage de capitaux illicites et propres. L’argent sale est converti en une activité commerciale légitime. 5- L’auto-prêt : l’agent contracte un prêt auprès d’une banque, documents légaux à l’appui. Il rembourse la somme et les intérêts avec son capital illicite. 6- Complicité bancaire : un employé de banque facilite à l’agent le processus de blanchiment d’argent. Tous ces moyens n’ont été décelés que récemment dans les systèmes bancaires nationaux. Face à l’ampleur des répercussions du blanchiment d’argent sur l’économie, l’ordre public interne et international, le GAFI (Groupe d’Action Financière) ou FATF (Financial Task Action Force) pour les anglophones, a été créée à Paris en 1989. Le but de cet organisme intergouvernental est de lutter contre ce fléau croissant. Différents moyens sont mis en œuvre par le GAFI. Le GAFI a d’abord créé des normes qui doivent être suivies par les gouvernements pour promouvoir la lutte contre le blanchiment d’argent. En 2001, ont été ajoutées quarante recommandations générales et neuf recommandations spéciales concernant le terrorisme. Le GAFI a aussi mis en place en place une liste de pays ou de territoires non coopératifs quant à la lutte anti-blanchiment et anti-terrorisme. LE CAS LIBANAIS En 1996, des législations nationales concernant le blanchiment d’argent apparaissent : en France, la loi 96-392 du 13 Mai et la loi sur le blanchiment d’argent LBA en suisse. Au Liban, on ne parle pas encore de législations. L‘obstacle à cette avancée normative est posé par la loi du 3 septembre 1956 relative au secret bancaire. Ce souci de préserver l’anonymat des opérations et des transactions, et même l’identité du détenteur du compte bancaire empêche toute investigation sur les agents jugés suspects et sur les opérations jugées suspectes. On ne peut établir un mécanisme de lutte contre le blanchiment en tant que tel dans un système bancaire aussi hermétique et libéral que celui présenté par la loi de 56. Conscientes de cette faille législative, les banques libanaises contractent la due diligence convention, par laquelle elles fixent une procédure commune à adopter face à des manœuvres suspectes de blanchiment d’argent. Ces institutions financières se donnent l’obligation de fermer le compte bancaire de l’agent suspect et de lui rendre ses liquidités. Mais, face au manque de techniques législatives, en 2000, le GAFI place le Liban sur sa liste noire des pays non coopératifs. En réponse, la loi 318 du 20 Avril 2001 est votée. Elle créé une commission d’enquêtes spéciales. Cette entité indépendante à caractère judiciaire a pour double mission d’enquêter sur les opérations de blanchiment de capitaux et de veiller au respect de toutes les obligations citées dans la loi de 2001. Cette commission est dotée de maintes prérogatives, elle peut demander aux banques de lui donner toutes les informations qu’elle juge adéquates concernant le dossier examiné, même sans l’approbation de l’agent. Elle analyse ensuite toutes les données pour constituer une éventuelle preuve de blanchiment d’argent. Quand la commission juge que l’opération suspecte est bel et bien un blanchiment, elle transmet le dossier aux autorités judiciaires compétentes. Le secret bancaire est, à ce moment, levé. On parle d’exception à la loi de 1956. Les opérations de blanchiment d’argent deviennent après la loi de 2001 non seulement décelables, mais contrôlées. Des sanctions pénales sont aussi infligées. Après évaluation périodique du degré de conformité du Liban aux recommandations, le GAFI, au grand soulagement de la commission
  • 3. d’enquête, a rayé le Liban de sa liste noire. Les techniques du blanchiment d’argent déjà décelées sont minimes face à celles pratiquées. Très souvent l’activité qui engendre le capital illicite n’est même pas classifiée. Une zone d’ombres ou maffia, crimes et illégalités prolifèrent. La législation est encore atrophiée et impuissante face à ses réseaux complexes. QUE DIT L’ARTICLE 5 DE LA LOI DE 2001 Le moyen de lutte contre le blanchiment d’argent commence par l’établissement de crédit. Des mesures de vigilance sont effectuées. On parle de travail préventif. Lors de l’entrée en relation avec le client, la banque doit obtenir les renseignements adéquats et doit être convaincue de leur vraisemblance. La même vigilance s’impose dans le cadre du fonctionnement du compte et lors de l’ouverture des comptes a distances. 1- Parmi les mesures de vigilance, on cite A- La vérification de l’identité du client et de celle de l’ayant droit économique au cas où l’opération s’effectue de façon indirecte, par mandataire, par société interposée ou par personne interposée B- La conservation des photocopies et des opérations effectuées C- L’abstention des banques de délivrer des attestations contraires aux faits 2- Des déclarations de soupçons à la BDL Lorsque le véritable donneur d’ordre d’une opération n’est pas clairement identifié, ou plus couramment lorsque les opérations effectuées sont jugées anormales et suspectes, l’établissement e crédit est dans l’obligation de déclarer auprès de la DBL cette anormalité. APERCU SUR LA COMMISSION D’ENQUETE SPECIALE 1- La commission est saisie par les institutions soumises à la loi de 1956, celles non soumises à la loi de 1956, celles non soumises à la loi de 1956 et par la commission de contrôle des banques 2- Les dispositions de la loi de 1956 ne sont pas opposables aux membres de la commission. Cette non- applicabilité est contrebalancée par une obligation de confidentialité 3- Nombreuses prérogatives lui sont confiées : immunité pour tout acte accomplis dans le cadre de leurs fonctions, pouvoir général de renseignements, pouvoir de régler les comptes suspects 4- Seul le président de la commission, en l’occurrence le président de la BDL peut décider de lever le secret bancaire au profit de l’autorité judiciaire compétente, et dans le cadre du procès de l’agent. QUELQUES CHIFFRES ET RENSEIGNEMENTS EN 2009 : 1- 63% des cas suspects de blanchiment d’argent proviennent d’autorités locales 37% des cas suspects proviennent d’autorités internationales 2- Les autorités étrangères demandent plus de renseignements que de levée du secret bancaire 3- Provenance des capitaux illégaux : Falsification, terrorisme, trafic de drogues, trafic d’armes (seulement 1%) 4- Très souvent l’activité qui engendre le capita illicite n’est pas classifiée 5- 54% des déclarations de blanchiment proviennent de Beyrouth, 29% du Mont Liban, 9% du Sud, 4% du Liban nord, 5% de la Béquaa. Remerciements : Commission d’enquête spéciale (Special Investigation Commission) de la Banque du Liban