L'affaire saint marcel.Chronique sociologique d'un boulevard pas comme les autres.
1. L’affaire Saint Marcel.
Chronique sociologique d’un boulevard
pas comme les autres
Présentation au colloque COPIE
le 8/11/2007
Laurent Fouillé, Doctorant en Sociologie
LAS/Rennes Métropole
laurent.fouille@agglo-rennesmetropole.fr
2. SOMMAIRE
1. Introduction
2. Géographie du Mobilien 91
3. Petite chronologie des faits
4. La controverse de Saint-Marcel
5. Adapter les piétons: faire plier la société
6. Adapter l’environnement: faire plier la technique
7. Exemples en images
8. Conclusion
3. 1. Introduction
• Les notions « d’affaire » et de
« dénonciation » Boltanski (1984)
• L’aménagement du Mobilien 91
• Le principe d’indétermination et « l’épreuve
de réalité »
• Heuristique du dysfonctionnement
4. 2. Géographie du Mobilien 91
Sources: RATP
TCSP unilatéral au Sud
5. 3. Petite chronologie des faits
• de novembre 2004 à août 2005 : travaux de réaménagement du
boulevard. Transformation d’un boulevard classique en « espace
civilisé » avec site propre unilatéral (côté 13e
arrondissement).
• 09/06 : premier décès, un homme de 55 ans renversé par une
ambulance.
• 8/11/06 : second décès, une femme de 27 ans renversée par une
automobile.
• 21/11/06 : article dans 20 minutes « Il attaque Delanoë après un
accident » de Magali Gruet
• 29/11/06 : éditorial du Perroquet Libéré n°39 « Le boulevard de la
peur » par François Devoucoux du Buysson.
• 1/12/06 : arrêté municipal (n° 2006-193) pris par Denis Baupin
(adjoint aux transport de la Ville de Paris)
• 12/12/06 : article dans Libération « Paris Boulevard de la peur » de
Didier Arnaud
6. 4. La controverse de Saint-Marcel
• 3.1. Précisions méthodologiques
- des sources à la représentativité discutable.
- focalisation sur le traitement médiatique et sur les
réactions des internautes sur des forums web (3
forums et 39 commentaires).
- intérêt de la non intrusion de l’enquêteur (parole
libre et non orienté par le sociologue).
- mise à l’écart de la dimension politique des débats.
7. 4. La controverse de Saint-Marcel
• 3.2. Généralisation des arguments
Soit les usagers sont irresponsables : il faut les
éduquer et réguler leurs comportements.
Faire plier la société
Soit l’aménagement est dangereux : il faut le
modifier et le sécuriser davantage.
Faire plier la technique
8. 5. Adapter les piétons : faire plier la
société
• La plasticité des comportements humains :
l’éducation piétonnière, le code de la rue…
« Innover, c’est changer le consommateur » selon
Akrich, Callon et Latour (1988)
• La résistance au changement : habitudes,
routines, « coût cognitif », « effet de coupure »,
complexité organisationnelle, saturation
informationnelle…
9. 5. Adapter les piétons : faire plier la
société (suite)
Ex: « « du point de vue d’un piéton l’aménagement du bd St-
Marcel est aberrant et, au niveau de la jonction avec le bd de
l’Hôpital, le rythme des feux est incompréhensible. »
« changer complètement les règles établies en faisant passer les
bus un coup sur le coté des rues et un coup au centre (parfois
sur le même axe !!!) c’est à n’y plus rien comprendre ! Et que
l’on ne vienne surtout pas me dire que c’est pour ma
sécurité !!! ».
« les non habitués ont de quoi être complètement déboussolés par
la configuration pour le moins inhabituelle du Boulevard Saint
Marcel. Etant passé par là, une fois, je me suis moi-même fait
peur en traversant. Dommage qu’on n’ait pas cru pouvoir
adopter une configuration plus habituelle... ».
10. 5. Adapter les piétons : faire plier la
société (suite)
Ex: « Pourquoi faire simple quand on peut faire (très)
compliqué ? Pour traverser, il faut désormais être diplômé de
l’école Polytechnique en plus d’avoir une vue et une ouie
impeccables. Les circulations motorisées sur ces axes, il en vient
de tous les côtés et dans toutes les directions. Effrayant ! J’ai
parcouru à plusieurs reprises le Boulevard de Port Royal et
traversé la place d’Italie. Il est clair que désormais pour
traverser sur ces axes, le classique réflexe écoute des bruits
environnants plus un coup d’oeil à gauche puis à droite pour
s’engager dans une traversée ne suffit plus. ».
11. 6. Adapter l’environnement :
faire plier la technique
• La rigidité des aménagements : « couler dans
le béton » et besoin de flexibilité
• Compenser par la signalisation : panneaux,
peinture, etc… attirer l’attention
• Apprendre et intégrer les comportements en
amont : quel porte-parole choisir ?
12. 6. Adapter l’environnement :
faire plier la technique (suite)
Ex: « il est, je trouve, dangereux, par exemple d’avoir les voitures
dans les deux sens de circulation d’un côté et les voies de bus
dans les deux sens également de l’autre, pourquoi ne pas avoir
laissé les bus circuler dans le même sens que les voitures ?,
piétons, on doit redoubler de vigilance, même en traversant sur
les clous ! »
« Les autoroutes de bus au milieu d’un boulevard c’est d’une
absurdité totale, tout comme les traversées en deux temps, il n’y
a qu’à Paris pour inventer des pièges à piétons comme cela. ».
13. 6. Adapter l’environnement :
faire plier la technique (suite)
Ex: « Je pense que globalement, le réaménagement des rues afin de
favoriser les bus est positif. […] Je pense cependant qu’il
faudrait éviter les traversées en deux temps. Comment en effet
se douter que le feu est au rouge pour une voie mais au vert
pour la suivante (j’en ai fait l’expérience à Lorette). Cela est
contre-intuitif. Donc je pense que quelle que soit la
configuration, que les voies bus soient au milieu, sur les côtés,
séparées ou ensemble, il vaudrait mieux organiser les
traversées de façon à ce qu’elles se fassent en une seule fois. »
21. 8. Conclusion
• Rendre compte des difficultés et utiliser les
dénonciations à des fins instructives.
• Le « monstre » et sa capacité à faire parler
tous les acteurs.
• L’erreur et le SAV: prendre en compte la
parole des usagers.
• Le point de départ d’une enquête
sociologique plus ambitieuse.
22. 8. Conclusion (suite)
Ex: « La « matière » sociale et la « matière » technique sont
toutes deux relativement malléables et l’innovation réussie est
celle qui stabilise un arrangement acceptable à la fois par les
acteurs humains (utilisateurs, négociants, réparateurs,…) et
par les entités non-humaines (électrons, tubes, batteries…). »
(Akrich, Callon et Latour, 1988b)
Cet arrangement acceptable pour l’ensemble des usagers de la
voirie et le design de cet environnement construit reste à
trouver. Déjà faut-il concevoir une configuration satisfaisante
pour chaque mode de déplacement pris isolément.
L’usager étant multiple la solution ne peut pas être simple.