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SEPTEMBRE 2014
SEPTEMBRE 2014
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Le contenu des articles de cette parution appartient entièrement à leurs auteurs. Les propos et faits rapportés sont sous leur entière responsabilité.
Membres exécutifs du journal : Hugo Morin (rédacteur en chef), Louis-Emile Ambourhouet-Bigmann (finances), Julien McDonald-Guimond (correction).
Participants non membres de l’exécutif : Martin St-Denis, Viviane Renard, Manuel Paquette-Dupuis, Alexis Bureau-Thibault, Charles-A P-Demontigny,
Olivier Fortin-Gagnon. Un grand merci pour le travail de graphisme de Dali Wu pour la page couverture.
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
Une chance
unique pour
l’enseignement
de l’économie
Le Bixi:
Transport en
commun?
L’économie sociale et les
marchés financiers
Merci aux principaux partenaires d’Horizons Économiques pour l’année 2014 - 2015
AECSE
ISSN 2291-207X
L’évolution de
la conjoncture
du Poker
SORTONS DES
SENTIERS BATTUS
L’incitatif du bon
samaritain
Qu’est-ce que
la valeur?
D’un horizon à
l’autre
DOSSIER SPÉCIAL:
70 ANS APRÈS BRETTON WOOD,
OÙ EN EST LE MONDE?
Le FMI: Aide illusoire?
La Banque Mondiale: en guerre contre la
pauvreté depuis 70 ans
La Banque Mondiale: en guerre contre la
pauvreté depuis 70 ans
QUI SONT NOS CHERCHEURS?
Entrevue avec
Kristian Behrens
ZONE DE
DIVERTISSEMENT
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SEPTEMBRE 2014
C’est donc un outil à double usage: permettre au lecteur,
tant aux néophytes de la science économique que ceux qui
abordent ce type de questions pour la première fois, d’aller
chercher des nouvelles connaissances et réflexions. Aussi,
les personne s’y impliquant apprennent à manier les outils
de transmission des connaissances, apprennent à manier
leur plume et à structurer une pensée qui leur est propre.
J’ai une chance immense de porter ce projet, et surtout
d’être si bien entouré d’autres étudiants, s’impliquant de
près ou de loin, ayant écrit un court papier dans une seule
parution ou plusieurs articles à chaque fois. Ce journal ne
peut exister que grâce à la participation de tous ceux qui
s’y impliquent et, au vu des développement que le journal a
connu depuis sa création, je peux affirmer sans l’ombre
d’un doute qu’il continuera d’offrir des articles de qualité
pour une très longe période.
Vous trouverez donc, dans les prochaines pages, des
articles abordant des sujets qui sortent des sentiers battus,
un dossier décortiquant les institutions de Bretton Wood,
une zone de divertissement toujours florissante, et j’en
passe. J’espère que ce journal saura éveiller votre curiosité
et vous donnera le goût d’approfondir certaines réflexions
qui sortent du cadre établi du cursus scolaire régulier.
Bonne lecture!
C
’est avec grand plaisir que, mon équipe et moi-
même, nous vous offrons cette toute nouvelle
parution d’Horizons Économiques. Par le fait
même, nous franchissons le seuil de la quatrième année de
vie du journal, et ma deuxième en tant que rédacteur en
chef. J’ai toujours une grande fébrilité au moment où
j’enverrai le fichier à l’impression. Une fébrilité qui vient
d’une part d’un désir de répondre à l’énigmatique question
« Et maintenant, on fait quoi? ».
La première question est animée par l’insatiable désir de
connaissance, de réflexions. À chaque moment où nous
nous réunissons, avec l’équipe de rédaction, et que mes
collaborateurs m’énumèrent leurs idées d’articles, leurs
intuitions et leurs hypothèse, j’en ai soif de voir où se
rendront ces idées. On ne peut laisser mourir un éclair de
génie. La seule idée qui n’est pas bonne est celle qui est
tue. Je suis motivé par la force que prendra chacune des
réflexions que j’entrevois, et mon objectif est de donner un
tremplin à tous ceux qui souhaitent porter leur voix dans la
société. Il nous arrive tous, en plein milieu d’un cours, de
penser plus loin que les simples notions vues en classe,
d’interpréter et d’utiliser les outils qui nous sont
enseignées, dans un tout autre domaine. Think outside the
box qu’ils disent, en anglais. Je sais que tous les étudiants
vivent ce type d’éveil, je le vois dans leurs questions posées
à l’enseignant, ou encore dans les discussions aux pauses.
Je veux donc offrir à ces idées-filantes un endroit où se
poser, tout en permettant aux lecteurs de s’en abreuver.
Vous souhaitez vous impliquer?
Le journal Horizons Économiques est toujours à la recherche de nouvelles personnes pour s’y impliquer. Tant pour la rédaction d’articles,
l’organisation de la visibilité ou encore dans l’administration du journal en soi, toute aide nous est bénéfique. Il s’agit d’une expérience hors
du commun où tous apprennent à mettre à contribution leur forces et talents, selon leurs disponibilités.
N’hésitez pas à nous écrire pour de plus amples informations, écrivez-nous, grâce à notre page Facebook.
Toute l’équipe d’Horizons Économiques
MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF
Par Hugo Morin
SEPTEMBRE 2014
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H
orizons Économiques, c'est une initiative
étudiante. Il y a bien des manières de vivre son
passage à l'université. On peut se contenter de
suivre et réussir ses cours. On peut estimer qu'obtenir un
diplôme est bien suffisant. Mais on peut aussi profiter du
large éventail de projets qu'offrent la communauté
étudiante. Horizons Économiques est une opportunité,
offerte par des étudiants et pour des étudiants, d'enrichir la
période universitaire d'autres activités que nos seuls cours.
Horizons Économiques, c'est la curiosité. Avec un diplôme
d'économie, on quitte l’université pour le marché du
travail. On pourra utiliser notre formation afin de
l'échanger contre une rémunération. L'université, elle, est
un milieu d'apprentissage; mais surtout un lieu de création
de savoir et d'idées en ébullition, sans qu'il soit essentiel
d'étudier la chimie. Ce terreau est extrêmement fertile,
mais il nécessite des coups de pouce. Il s'agit de stimuler
ce beau potentiel intellectuel. Ce journal permet
d’approfondir la matière vue en cours. Il donne également
l'opportunité d'explorer des sujets que nous n'avons pas la
chance d'aborder dans notre cursus académique. Horizons
économiques, c'est un espace de découvertes et
d'échanges.
Horizons Économiques, c'est un exercice d'écriture. Nous,
aspirants-économistes, avons systématiquement soif de
mathématiques. Nous passons toute notre formation à
sympathiser avec calculs différentiels et corrélations.
Malheureusement, quand vient le moment de
communiquer avec des personnes étrangères à la sphère
économique, on se rend compte que le langage
mathématique n'est pas connu de tous. Malgré la
pertinence de cet outil, il est nécessaire de pouvoir
partager nos connaissances. Écrire un article est un défi de
vulgarisation de nos connaissances. Horizons Économiques,
c'est un exercice enrichissant pour les futurs économistes.
Horizons Économiques, c'est un projet. Un projet bourré de
positif, tel qu'exposé ci-dessus. Malheureusement, les
bonnes intentions ne suffisent pas. Horizons Économiques
a besoin de ressources. L'AESE est ravie de pouvoir
contribuer à ce beau projet qu'elle juge Pareto-optimal
(parce qu'un éditorial d'économiste ne peut se passer de
vocabulaire microéconomique).
Horizons Économiques, c'est une porte ouverte à tous les
amateurs d'économie. Et si tu ne l'es pas (encore), nous
espérons que ce premier numéro de l'année 2014-2015
saura éveiller ta curiosité!
MOT DU PRÉSIDENT DE L’AESE
Par Alexis Bureau-Thibault
L’exécutif de l’AESE 2014-2015
De gauche à droite: Manuel Paquette-Dupuis, Louis-Philippe Véronneau, Alexis Bureau-
Thibault, Charles-A P-Demontigny, Julien Mc Donald-Guimond, Joel Tremblay
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SEPTEMBRE 2014
L
e monde du poker a beaucoup changé dans les
quinze dernières années. Autant l’offre que la
demande de jeu ont subi de grandes
modifications. On a seulement à penser au film Rounders
avec Matt Damon. Ce film, qui est sorti en 1998, tente de
raconter, de façon romancée, la vie des joueurs
professionnels de poker aux États-Unis et spécifiquement à
New York. Ces joueurs font la tournée des salles illégales,
des casinos et des parties dans des clubs quelconques. Ils
cachent leurs fonds de roulement dans leurs
appartements. Leurs vies ressemblent plus à
celles d’un membre du crime organisé qu’à
celui d’un professionnel qui maitrise la
stratégie d’un jeu à la perfection comme celui
d’un maître des échecs. Par contre, de nos
jours, la réalité est toute autre. La majorité des
joueurs jouent devant leur ordinateur, leur
cellulaire ou leur tablette. Souvent plusieurs
parties à la fois. Les meilleurs joueurs sont
devenus des vedettes et sont commandités
par des sites en ligne. Mais que s’est-il passé
pour que le mode de vie et le statut des
joueurs professionnels de poker changent en
si peu de temps? Qu’est-ce que cela à avoir
avec l’évolution de la conjoncture du poker?
Le lien est assez simple à comprendre. Les
causes sont les mêmes: deux chocs
technologiques positifs sur l’économie du
poker qui ont eu lieu au début des années
2000. Le premier étant un choc sur la demande de jeu. Le
poker à la télévision a été popularisé grâce à une invention,
la hole cam, qui a été introduite en Angleterre à l’émission
Late Night Poker. C’est une caméra dissimulée derrière les
cartes de chaque joueur, ce qui permet donc de voir si le
joueur bluffe ou non. Cette invention a été reprise par les
plus grands tournois de poker tel que les Worlds Series of
Poker et le World Poker Tour. Les grandes chaînes de
sports états-uniennes ont suivi le pas et ont commencé à
présenter le contenu. Ce qui a permis de présenter, en
2003, la victoire de Chris Moneymaker pour un million de
dollars à l’évènement principal des Worlds Series of Poker.
La victoire de Monsieur Moneymaker, de son vrai nom,
allait changer le cours de l’histoire du poker. Dans un
premier temps, Chris n’est pas un joueur professionnel,
mais plutôt un simple comptable du Tennessee et il a
gagné la somme symbolique d’un million de dollars. Dans
un deuxième temps, il a
gagné son droit d’entrée
au World Series of Poker
en misant 39$ sur un site
de poker en ligne. Donc
grâce à la hole cam, son
gain qui a été télédiffusé à
travers l’Amérique du Nord,
a amené plusieurs de
tenter le coup. Il était le
symbole du rêve américain:
devenir millionnaire à partir
de quelques dollars. Ça
semblait si simple, vous
n’avez qu’à jouer au poker
de votre ordinateur et vous
n’aurez plus jamais à aller
travailler. La demande a
explosé comme on peut le
voir en regardant les
entrées du Main event des
WSOP. Ce qu’on a aussi appelé la bulle du poker.
Le deuxième choc a affecté l’offre de jeu. Historiquement,
pour jouer on devait se déplacer dans un salon de poker. Il
coûte cher d’exploiter ce genre de salles. On doit avoir un
croupier par table en plus d’un établissement et bien
d’autres coûts. Les coûts fixes ainsi que le coût marginal
sont plutôt élevés. Par contre à la fin des années 90, on voit
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
L’ÉVOLUTION DE LA CONJONCTURE DU POKER
Par Charles-A P-Demontigny
Chris Moneymaker
SEPTEMBRE 2014
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apparaître les
premiers sites de
jeux en ligne. La
fonction de coût de
production change
d r a s t i q u e m e n t .
Comme la plupart
des producteurs de
biens numériques,
pour des films ou de
la musique par exemple, le coût marginal est
pratiquement nul. Contrairement à un casino, offrir
une table supplémentaire sur le serveur ne coûte rien. Avec
ces deux évènements, en plus de plusieurs autres indirects,
on observe au milieu des années 2000 une quantité
consommée de poker considérablement plus élevée que
quelques années auparavant. Le marché devient énorme et
tant le nombre de joueurs professionnels que le nombre
de sites en ligne explosent. Tout le monde veut sa part du
gâteau.
Il y a donc plus de joueurs
professionnels. Des joueurs
que je qualifierais de
rationnels, puisque pour être
capables de gagner sa vie avec
ce jeu, ils doivent avoir une
connaissance poussée des
statistiques, des tendances des
adversaires et des faiblesses de
leur jeu. L’impact de
l’augmentation de ce type de
joueurs se traduit en la
diminution des revenus pour
ceux-ci. Plusieurs ont préféré
travailler davantage afin
d’améliorer leur jeu que de
perdre du profit. Des logiciels sont sortis sur le marché afin
d’entreposer les mains jouées et ainsi pouvoir les analyser.
Ils permettaient de faire des simulations, étant donné un
éventail de mains possible chez notre adversaire, de notre
gain espéré et donc trouver la façon optimale de jouer. Des
gens ont commencé à discuter sur les forums que le Texas
Hold’em sans limites, la variante de poker la plus populaire,
pouvait être résolue. Qu’il pouvait avoir une façon de jouer
optimale qui ne pouvait pas être battue dans aucune
circonstance. Il est important de comprendre ici qu’on ne
parle pas d’un équilibre de Nash, qui est la réponse
optimale peu importe la stratégie de notre adversaire, mais
bien de la meilleure réponse étant donné la meilleure
réponse de notre adversaire. L’équilibre se trouve donc en
stratégie mixte. Ce qui implique que lorsque notre
adversaire dévie de l’optimalité, pour faire un profit
maximal, on doit aussi dévier.
Pour faire un exemple simple, prenons le jeu Roche, Papier,
Ciseau. Ici la façon de jouer optimale, en stratégie mixte,
est de jouer aléatoirement un tiers du temps roche, papier
et ciseau. On ne peut pas perdre à long terme de cette
façon. Par contre, si l’on joue contre quelqu’un qui dévierait
de cette stratégie par exemple quelqu’un qui aimerait bien
les roches, la stratégie qui nous
ferait gagner plus changerait.
On devrait opter plus souvent
pour papier bien sûr. D’après
certains, il en serait de même
au poker, mais avec une
quantité de possibilité
beaucoup plus grande. Il est
même assez probable que la
stratégie des meilleurs joueurs
au monde soit assez proche de
cette optimalité. Pour ce qui est
de mes observations
personnelles, depuis peut-être
cinq ans j’ai pu observer une
convergence des styles avant le
flop. C’est la partie du jeu où le
nombre de possibilités est le plus limité, étant donné que
chaque joueur ne possède que deux cartes. La plupart des
joueurs rationnels jouent d’une façon assez similaire
utilisant un bon mixte de bluffs et de bonnes mains.
La question qu’on
doit se poser est la
suivante: quel serait
l’impact si le jeu était
résolu?
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
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SEPTEMBRE 2014
Auparavant on pouvait voir des joueurs qui gagnaient,
grâce à l’abondance de mauvais joueurs, en utilisant des
stratégies exploitables telles que ne pratiquement jamais
bluffer ou bluffer pratiquement tout le temps. Il devenait
donc assez facile de s’ajuster afin de pouvoir faire un bon
profit contre ces joueurs. Une autre tactique employée afin
d’atteindre un gain optimal a été d’utiliser des données
empiriques afin de trouver les tendances moyennes de
joueurs. On parle ici d’analyse de bases de données de
plusieurs millions de mains jouées. On devrait donc jouer,
pour reprendre l’exemple, plus souvent papier dans telle
situation et vice versa. Par contre, cette méthode manque
un peu de précision et nécessite, telle que la précédente,
des ajustements en temps réel. La meilleure façon de jouer
doit probablement être d’utiliser les deux méthodes pour
des situations particulières.
La question qu’on doit se poser est la suivante: quel serait
l’impact si le jeu était résolu? S’il était possible, de façon
assez simple avec quelques dizaines d’heures d’étude, de
jouer un style optimal en théorie des jeux? Ma prédiction
serait que le jeu perdrait sa popularité. L’exemple qui me
vient en tête est celui du backgammon. Il peut paraître
assez farfelu de faire ce constat, mais ce jeu est similaire en
plusieurs points au poker. C’est un jeu assez complexe qui
rallie chance et stratégie. On peut y jouer sur internet, mais
pratiquement personne n’y joue. Pourquoi? La réponse est
fort simple, le jeu a été pratiquement résolu. Cela implique
qui est impossible de battre, à long terme, les joueurs
professionnels. Il est même possible de trouver des
logiciels gratuits sur internet pour générer les coups
optimaux à partir de la situation de la partie. Il est aussi
important de comprendre que ces jeux sont à somme
négative. Ce qui signifie que si l’on sommait l’ensemble des
gains et des pertes de tous les joueurs le résultat serait
dans le rouge. Et ceci, étant donné que les fournisseurs de
jeux en ligne se prennent une cote sur chaque partie jouée.
Alors, à quoi bon jouer à un jeu résolu si l’on est certain de
subir une perte?
Au cours des deux dernières décennies, on a donc pu voir
un changement complet dans le monde du poker. Le jeu
qui se jouait exclusivement en face à face et est devenu un
jeu qui se joue majoritaire sur internet. L’affluence de
joueurs sur le site Pokerstars monte souvent au-dessus de
la barre des 100 000 joueurs, plus que la population de la
merveilleuse ville de Brossard. Par contre, les bonnes
années sont bel et bien derrière nous. On ne voit
pratiquement plus de partie haute mise et le nombre de
sites a baissé considérablement. On a passé d’un marché
avec un coefficient de concurrence élevé à ce qui ressemble
plutôt à un oligopole avec comme meneur Pokerstars.
Plusieurs pays ont aussi légiféré et ont monopolisé l’offre
de jeu en ligne. Ceci vient se greffer à la menace d’une
perte de popularité marqué possible face à la résolution du
jeu. L’avenir n’est pas rose pour le monde des joueurs
professionnels. La seule lueur d’espoir est le retour du
poker en ligne aux États-Unis. Alors un conseil pour les
jeunes à l’écoute, allez à l’école et devenez dentistes, pas
joueur de poker professionnel.
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
SEPTEMBRE 2014
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A
u moment de prendre une décision,
tout individu évaluera les possibilités
qui s’offrent à lui pour ensuite
sélectionner l’option la plus intéressante. C’est
une base de la microéconomie : les individus
font des choix rationnels en fonction de leurs
intérêts, pour maximiser leur utilité ou leur bien-
être. Suivant cela, si on offre deux emplois
identiques en tous points à une personne, mais
avec des salaires différents, la personne choisira
logiquement l’emploi le plus rémunéré. Selon cette
théorie, l’incitatif financier reste le plus puissant. Par contre,
ce fondement de la théorie économique ne semble plus
tenir la route lorsqu’on porte attention aux faits. Pourquoi
une personne poserait un geste aussi irrationnel que faire
du bénévolat, ou soutenir un organisme caritatif? C’est
caricatural, mais elle n’a techniquement aucun intérêt à
faire cela; il n’y a aucune compensation financière.
J’élaborerai ici sur ce que je nomme « l’incitatif du bon
samaritain », soit le sentiment de satisfaction sociale qui
motive les gens à faire des gestes pour lesquels ils ne
reçoivent aucune compensation financière.
Avant toute chose, rappelons que plusieurs auteurs se sont
penchés sur la question de l’irrationalité des
comportements humains. Dan Ariely, dans son ouvrage
Predictibly irrational (2008), élabore en suivant de
nombreuses études, expériences et anecdotes. Par
exemple, une personne doit choisir entre trois hôtels pour
ses vacances : un premier à Paris, avec déjeuner d’inclus, un
second à Rome, avec déjeuner d’inclus, et un troisième
aussi à Rome, mais sans déjeuner. Presque
systématiquement, les gens choisissent Rome, avec
déjeuner, sans nécessairement avoir une prédisposition
pour cette ville; simplement en ayant la possibilité de
comparer plus facilement les options et de choisir la
meilleure. Il est plus complexe de comparer Paris à Rome,
que Rome à elle-même, et les gens prennent ce raccourci
de prise de
décision. Une autre
des expériences a
été faite avec des
avocats à qui on
aurait demandé de
traiter des dossiers
de personnes
retraitées dans le
besoin pour 30$, et ceux-ci refusaient. Toutefois,
lorsqu’on leur demandait de traiter gratuitement ces
dossiers, le mot GRATUIT créerait une certaine satisfaction
et les avocats acceptaient davantage. Le sentiment d’avoir
aidé inciterait à poser des actions illogiques en apparence.
Theory of the leisure class (1899) de Thorstoein Veblen est
aussi un incontournable. Dans cet ouvrage, Veblen a entre
autres analysé toute l’énergie et le temps qui sont utilisés
pour le « paraître ». Alors que ce n’est aucunement utile, les
individus tentent d’élever leur statut social et de se hisser
au dessus de la masse. Bien paraître pour bien se sentir.
Évidemment, ce sentiment est purement relatif au contexte
où la personne évolue. Une personne vivant dans le luxe,
l’abondance et roulant sur l’or, dans un certain endroit
pourrait être bien normal, voir pauvre, dans un tout autre
lieu. La démonstration ostentatoire de ses richesses ne
procure rien d’autre qu’un sentiment de fierté. Ce ne sont
que deux brefs exemple, mais ceux qui sont intéressés par
ces questions sont invités à approfondir les ouvrages
d’auteurs d’économie comportementale.
De façon plus spécifique, nous approfondirons l’aspect des
dons aux organismes caritatifs. Selon l’Institut de la
statistique du Québec (ISQ), « Près de 85% de la population
québécoise a fait un don en 2010 et a versé, en moyenne,
208$ au cours de l’année »1
. Entre 2004 et 2010, la
proportion de donateurs est stable et le montant moyen ne
varie que peu. La très vaste majorité de la population,
volontairement, donne à des organismes de la société civile
« L’INCITATIF DU BON SAMARITAIN »
Par Hugo Morin
Ce serait cette motivation,
difficilement quantifiable
sans recherches plus
approfondies, qui serait à la
base de gestes
communautaires.
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
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SEPTEMBRE 2014
une part de son salaire. Cela semble complètement
illogique, puisqu’il n’y a aucun intérêt. On pourrait penser
que l’objectif est de recevoir un crédit d’impôt en retour.
Selon l’étude, seulement 15,7% des donateurs l’ont fait
pour recevoir des crédits d’impôts, alors que 88,4% ont été
motivé par la compassion et 80,5% par croyance à la
cause2
(les raisons n’étaient pas mutuellement exclusives).
Au Québec, pour un don de 208$, seulement 74,24$ sont
retournés en crédits d’impôts non-remboursables3
, et
seulement si l’organisme est enregistré comme organisme
de bienfaisance auprès de l’Agence de revenu du Canada.
Ce n’est donc pas suffisant pour expliquer un
comportement si largement répandu. Les gens semblent
motivés par un besoin de contribuer à la société dans
laquelle ils évoluent, un besoin de se sentir utile et d’aider.
Est-ce que cet incitatif est purement égoïste : ces individus
aimeraient recevoir
la même aide s’ils se
retrouvent dans une
situation difficile?
Sinon, au contraire,
serait-il possible
que les gens
agissent par pur
altruisme? Ce
dilemme serait très
c o m p l e x e à
démystifier, mais
une chose semble
certaine : des
réactions émotives
détachées de
l’incitatif financier
pousse une grande
majorité de la
population à donner à des organismes de bienfaisance, ce
que j’appelle « l’incitatif du bon samaritain ». Ce serait
cette motivation, difficilement quantifiable sans recherches
plus approfondies, qui serait à la base de gestes
communautaires.
Si beaucoup soutiennent que nous vivons dans une société
d’individualistes égocentriques, ces données démontrent le
contraire. Cela se retrouve aussi dans les statistiques liées
au bénévolat. « Le bénévolat rythme la vie de millions de
personnes aux quatre coins du Québec. Au total, selon les
données de l’ECDBP (2007), près de 2 371 700 personnes
âgées de 15 ans et plus ont effectivement affirmé avoir
effectué au moins une activité bénévole au cours de
l’année. Cela correspond à près de deux personnes sur
cinq »4
. Chaque bénévole aurait offert, en moyenne,
« l’équivalent de près d’une demi-journée de travail par
semaine ». Ces chiffres ne sont pas comptabilisés dans le
calcul du PIB, mais cela crée tout de même une grande
richesse collective supplémentaire. Encore une fois, rien
n’explique ce type de comportement dans la théorie
économique conventionnelle. Par contre, il est indéniable
que cela fait partie des
habitudes de vie de nos
concitoyens. Et encore une
fois, l’incitatif qui semble
motiver ces gens est la
gratification personnelle, le
besoin de se sentir utile et
l’impression de devoir.
En voyant ces données, une
idée m’est venue à l’esprit.
Prenons un exemple :
lorsqu’une personne donne
mensuellement un montant
d’argent à Greenpeace,
l’organisme fera parvenir de la
documentation sur ce qu’a fait
l’organisme avec le don, ou ira
même jusqu’à téléphoner au
donateur pour le remercier.
Cette initiative fera croître le sentiment de fierté, motivant
la personne à continuer à donner. L’individu se fait
remercier pour son support à la cause et peut constater
concrètement ce que son don a permis à l’organisme de
faire. La personne se sent utile à la cause.
The parable of the Good Samaritan, par Jan Wijnants, 1670
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
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Et maintenant, si les gouvernements utilisaient la même
tactique avec l’ensemble de la population et informaient
chaque citoyen de ce que ses taxes et impôts auront
permis au de faire comme projet, de façon très concrète?
Les citoyens seraient fiers de contribuer à leur société et
prendraient conscience que tous les projets
gouvernementaux et institutions qui aident la population
n’existent que grâce à notre contribution. Un don à la Croix
Rouge aide des peuples dans des moments de crises, et
c’est très valorisant de contribuer à cette aide. Payer des
taxes aide chaque individu de notre pays, autant dans des
moments de crises que dans des projets d’avenir, autant
les gens dans le besoin que ceux qui nous font avancer. Si
je paie X dollars en taxes et impôts, cela équivaut à
l’éducation de Y enfants, au pavage d’un certain nombre
de route, ou encore à une certaine quantité de livres dans
les bibliothèques scolaires. Si on dit que l’on doit briser le
cynisme ambiant qui touche le monde politique, je dis
plutôt que l’on doit souligner les efforts que nous faisons
collectivement. La vaste majorité cherche déjà ce sentiment
de fierté du devoir accomplis, aussi bien utiliser ce levier
social. Évidemment que les erreurs de nombreux politiciens
ne doivent pas être tues, mais la machine politique
conserve des outils inestimables qui peuvent et doivent
être utilisés à bon escient, ce qui est trop souvent oublié.
Q
u'est-ce que la valeur? Qu'est-ce qui la
détermine? Qu'est-ce qu'implique la valeur?
Des interrogations simples, mais non moins
cruciales pour le discours économique.
La définition de la valeur est relativement large. Elle peut
désigner la qualité et la justesse d'un bien. La valeur
désigne également l'importance et l'intérêt qu'on porte à
un objet. Enfin, elle est un déterminant indispensable à
l'échange économique.
Valeur objective et valeur subjective
En science économique, il existe deux définitions de la
valeur.
La valeur peut être un concept objectif. Cela signifie que la
valeur est indépendante des préférences individuelles. Elle
est déterminée par des attributs intrinsèques à l'objet.
Cette position fût défendue par les physiocrates, pour qui
la base de la valeur est la terre. Celle-ci est le point de
départ de l'activité économique: toute production
artisanale ou commerciale est basée sur la production
agricole. Cette conception objective est reprise par les
économistes classiques comme Hume, Smith et Ricardo,
ainsi que par Marx. Sous le nom de « valeur-travail », ils
soutiennent que la valeur d'un objet dépend du temps de
travail direct et indirect nécessaire à la fabrication d'un
bien.
On peut également concevoir la valeur comme un concept
subjectif. Dans ce cas, il dépend de l'appréciation qu'un
individu accorde à un bien. Cette idée se fonde sur des
principes psychologiques et non sur des critères
marchands. Pour les marginalistes, la valeur mesure le désir
d'obtenir un bien. Sur ce principe, la valeur n'est pas un
concept fini car le désir d'obtenir un bien n'est pas
immuable. L'utilité d'un bien diminue au fur et à mesure
que sa consommation augmente. Lorsqu'on a soif, le
QU’EST-CE QUE LA VALEUR?
Par Alexis Bureau-Thibault
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
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SEPTEMBRE 2014
premier verre d'eau sera plus satisfaisant que le second, et
ainsi de suite. De plus, l'utilité d'un bien varie selon les
individus et leur situation historique. Elle est donc sujette à
une évolution continuelle.
Valeur et utilité
Dans le courant néoclassique, le débat sur la valeur s'est
éteint. Les concepts de valeur d'usage et de valeur
d'échange sont devenus interchangeables. L'utilité d'un
bien correspond à son prix sur le marché, ce dernier
résultant de l'équilibre entre offre et demande. Le
processus d'ajustement correspond aux variations de
l'utilité que les agents économiques accordent à un bien.
Dans cette « synthèse », il reste que la valeur d'un bien
dépend de son utilité. Celle-ci est intimement liée à la
notion de besoin et de rareté. Or, le consensus actuel
voulant que la valeur s'exprime par le prix, les biens qui ne
transitent pas sur le marché n'ont aucune valeur. Cela
exclut le bénévolat, les ressources naturelles comme l'air,
etc. Pourtant, si ces éléments n'ont pas de valeur, ils ont
une utilité. Ils répondent à des besoins au même titre que
les autres biens auxquels on accorde une valeur monétaire.
Est-ce bien légitime que le marché soit un passage
obligatoire afin de déterminer la valeur?
Valeur et échange
Au sens économique, un échange est le transfert d'un bien
contre un objet de valeur équivalente. Le troc étant peu
répandu dans le monde actuel, la monnaie fait office
d'intermédiaire d'échange, une de ces trois fonctions avec
la réserve de valeur et l'unité de compte. Actuellement,
l'argent ne fait qu'exprimer la valeur des autres biens afin
de faciliter les échanges et n'a aucune valeur intrinsèque.
Ainsi, le cours des prix peut fluctuer, sans que l'utilité des
biens en soit changée. Comme on a pu observer lors la
crise immobilière de 2008, de nombreuses villes ont vu les
prix des logements diminuer drastiquement. Or, si une
maison perd de sa valeur monétaire, son utilité ne change
pas. Elle garde ses attributs.
En conclusion, on fait face à deux caractéristiques
principales de la valeur. Elle peut correspondre à un prix
monétaire ou à l'utilité d'un bien. La première
caractéristique est l'expression de la valeur d'échange d'un
bien vis-à-vis de tous les autres sur le marché. La seconde
désigne la satisfaction qu’entraîne sa consommation. On
remarque que la valeur-travail, concept qui a toujours
occupé une place importante dans les discussions
économiques, a complètement disparu de nos jours. De
plus, bien que l'utilité est le maître-mot de la théorie
microéconomique et macroéconomique, elle est restreinte
à s'exprimer par le système de prix. En fin de compte,
l'économie ne considère qu'une partie des nombreuses
caractéristiques de la valeur. La question se pose de savoir
si cette science devrait élargir sa définition de la valeur ou
si les différentes facettes appartiennent chacune à des
domaines de recherche distincts.
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
SEPTEMBRE 2014
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S
abrons le champagne! Cette parution marque le
début de la 4e année d'existence d'Horizons
économiques, et quelle existence! Bien que le journal
ait connu des hauts et des bas depuis sa première diffusion
en septembre 2011, sa mission a toujours été de diffuser
un contenu varié, mettant de l'avant les propos et sujets
d'intérêts des étudiants en économie. Depuis son idéation,
résultat du désir avoué d'une poignée
d'étudiants revendiquant une plateforme pour
diffuser un savoir économique plus élargi, plus
approfondi ou plus pratique que ce que les cours
permettaient d'acquérir, à l'effervescence de la
nouvelle équipe qui ne cesse d'impressionner
par ses idées hautes en couleur et l'efficacité de
ses plumes, Horizons Économiques a toujours
tenu la promesse de son nom: ouvrir les horizons
de ce qu'est la science économique sans
s'asseoir sur des idées préconçues. Et parce que
ses nouvelles plumes sont bien affûtées, l'ornant
d'un plumage des plus coloré, et parce qu'il vol
de ses propres ailes depuis maintenant plus d'un
an, cette dernière contribution de ma part veut
rendre hommage à ce bout de papier pour son
chemin parcouru depuis sa première envolée.
Et quelle meilleure façon de célébrer un
anniversaire qu'en racontant des anecdotes et en
faisant le bilan des années passées? Avouons-
nous-le, il en existe plusieurs autres, mais elles
ne peuvent pas toutes faire l'objet d'un article.
Contentons-nous donc d'anecdotes.
Des idées de grandeurs
Dans la foulée de la première année de vie d'Horizons
Économiques, le succès retentissant auprès du lectorat
nous amenait une foule d'idées. Aux aspirations de devenir
un journal universitaire panmontréalais sur l'actualité
économique à l'ambition de devenir une revue publiant des
travaux de recherche scientifique révisés par les pairs, rien
n'arrêtait notre imagination sans borne, avide de la
conquête d'un lectorat toujours plus grand.
Mais la réalité nous a rapidement rattrapés. Les
commanditaires étant difficiles à trouver, un tirage trop
élevé n'aurait probablement pas été soutenable à long
terme. De plus, le temps
requis à la gestion de la
diffusion à grande échelle
dépassait largement ce que
nous permettait notre
horaire d'étudiant. Nous
avons alors décidé de miser
sur la diffusion à l'échelle
du département et sur la
nature locale et collective
du journal. Notre vision
était de revenir au
département dans dix ans
et retrouver le journal que
nous avions fait naître,
toujours à la poursuite des
débats d'idées.
L'année de vaches
maigres
La deuxième année
d'existence du journal marque un certain plat. Après une
année effervescente, le départ de certains étudiants vers
d'autres projets nous a amenés à composer avec une
équipe réduite. Je me souviens qu'à cette époque, nous
avions tenu un comité de rédaction à seulement trois
personnes. La possibilité d'établir un partenariat avec les
autres journaux étudiants de l'UQAM avait même été
D’UN HORIZON À L’AUTRE:
LE BILAN DU CHEMIN PARCOURU
Par Martin Ste-Denis, co-fondateur d’Horizons Économiques, M. Sc. Économique
La première parution
d’Horizons Économiques, septembre 2011
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
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SEPTEMBRE 2014
sérieusement envisagée afin de partager des ressources et
stimuler les échanges interfacultaires. Les divergences
d'idées et de façons de faire ont toutefois éliminé cette
possibilité. Loin de baisser les bras, nous avons ensuite
entamé une tournée des classes et sommes allés à la
reconquête du département d'économie. Ce fut un succès
qui a établi les bases de l'évolution qui suivit.
Chapitre 2: après l'établissement, place à la création
Enfin, depuis mai 2013, avec à sa tête un rédacteur en chef
dynamique, très accessible et professionnel en la personne
d'Hugo Morin, l'équipe du journal promet plusieurs belles
années de débats d'idées et d'examens de problématiques
économiques. Voulant pousser plus loin la réflexion des
grands enjeux sociaux et académiques, les journalistes
n'hésitent pas à fournir les dossiers de recherches et
témoignages les plus pertinents les uns des autres.
Horizons économiques est maintenant devenu un des
rouages de la revendication d'un enseignement pluriel de
l'économie au niveau universitaire en publiant
constamment des articles qui sortent des sentiers battus.
L'année 2012-2013 marque aussi le retour à des comités
de rédaction bouillonnants et inclusifs, accueillant tout un
chacun voulant partager ses idées et mettre à contribution
sa plume.
En bout de la ligne, ça donne quoi d'écrire pour
Horizons économiques?
Les économistes aiment bien connaître l'effet des efforts
qui sont mis de l'avant. Certains effets, bien que très réels,
sont difficiles à mesurer. On peut penser aux nouveaux
contacts établis auprès des autres étudiants qui participent
au journal ou l'expérience de l'engagement étudiant.
Depuis trois ans, certains journalistes ayant contribué au
journal ont fini leurs études et sont entrés sur le marché du
travail. Lorsque convoqués en entretien d'embauche, du
monde syndical au monde académique, en passant par la
fonction publique québécoise, au moins une demi-
douzaine d'entre eux ont été questionnés sur leur
implication au journal. À la fin de leur entretien, on leur a
même demandé une copie d'un de leurs articles! Lukas
Jasmin-Tucci, collaborateur de longue date, raconte
comment il a obtenu l'emploi qu'il occupe aujourd'hui : « À
compétences égales, c'est le petit "plus" qui a pu me
donner un avantage sur les autres candidats, en prouvant
que je savais rédiger des textes avec un style à la fois
journalistique et scientifique. Autrement dit, c'est une
démonstration de mes capacités de vulgarisateur. La
rédaction est d'ailleurs un aspect important de la formation
d'économiste qui, étrangement, n'est jamais abordé dans
les cours. »
Je peux aussi témoigner personnellement sur l'effet du
journal sur mon CV. En entrevue d'embauche, on m'a
demandé « Êtes-vous plus Excel ou plus Word? » (sic). Être
capable de vanter les mérites d'avoir une formation en
économique très quantitative, tout en pouvant affirmer,
sans ciller, pouvoir rédiger de façon critique, tout en
fondant ses dires sur de la recherche, m'a permis de
convaincre le chasseur de talents que je suis la ressource
polyvalente dont il avait besoin. Ne reste plus, ensuite, qu'à
signer en bas de la page.
En conclusion, bien que cette estimation repose encore sur
bien peu d'observations, il n'est pas insensé d'affirmer
qu'une contribution au journal pourrait avoir un effet
positif et significatif sur votre future carrière, mais aussi sur
la qualité de votre expérience universitaire. Être le meilleur
économiste du monde ne veut rien dire si personne n'arrive
à déchiffrer ce que vous voulez démontrer entre Epsilon, le
théorème de Frisch-Waugh et une expansion de Taylor. Il
ne vous suffit plus qu'à vous activer la syntaxe, la
grammaire et l'orthographe et profiter de cette
merveilleuse plateforme qu'est Horizons économiques pour
montrer à la face du monde ce que vos idées valent. À vos
dactylos!
SORTONS DES SENTIERS BATTUS
SEPTEMBRE 2014
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N
é du concept de gouvernance économique et
financière internationale, le Fonds monétaire
international est un organisme des Nations
Unies qui a comme première mission de « veiller à la
stabilité du système monétaire international ».1
Il compte
aujourd’hui 188 membres. L’organisme a été créé en 1944
par 29 gouvernements à la conférence de Bretton Woods.
Les membres créateurs avaient alors l’intention la mise en
place d’un cadre permettant d’éviter les erreurs commises
dans les années 30 à l’échelle internationale. On percevait,
à cette époque, une série de problèmes qu’il fallait à tout
prix éviter, soit les fluctuations majeures des taux de
change de l’après Première Guerre mondiale, la réaction en
chaîne causée par la déflation américaine, les barrières
commerciales s’aggravant et la diminution du
multilatéralisme laissant plus de place au bilatéralisme.2
Mais, au-delà de la recherche de solutions aux problèmes
perçus à cette époque, le FMI avait d’ores et déjà comme
but d’assurer la croissance économique en empêchant le
retour à l’autarcie et au protectionnisme. Mais, comment a-
t-il évolué depuis et comment parvient-il à atteindre ses
objectifs et à faire appliquer ses politiques?
Le Fonds monétaire international a évolué conjointement à
la mondialisation depuis sa création. En 1944, les flux
financiers privés représentaient une part mineure de
l’investissement. Le rôle du FMI lors de situations de crises
était alors de prêter des fonds aux pays avec une balance
de paiements déficitaire. Puis, avec la croissance
importante des flux financiers internationaux privés dans
les années 1970 et 1980, les prêts du FMI, en plus de
rétablir la balance des paiements, servaient à augmenter la
confiance des agents économiques. Une fois la confiance
acquise, les créanciers recommençaient à financer les
projets d’investissement des pays en difficultés.
L’importance grandissante des marchés financiers qui a
permis aux pays avancés de financer leurs paiements
extérieurs par les flux privés a créé deux groupes au sein
du FMI soit les débiteurs et les créanciers. Puis, la crise de
la dette de 1982 a aussi conféré au FMI un nouveau rôle de
prévenir et gérer les crises économiques internationales.
Les prêts accordés par le FMI ont grandement fluctué au
cours des années. Alors que le choc pétrolier des années
1970, la crise de la dette des années 1980 et la crise
asiatique de la fin des années 1990 ont nécessité des prêts
considérables du Fonds, le début des années 2000, jusqu’à
la crise de 2008, a rendu le rôle du FMI plus marginal. La
bonne conjoncture permettait aux débiteurs de rembourser
rapidement leur prêt et aux pays avancés de pratiquement
ignorer la surveillance du FMI. Or, la crise de 2008 a fait
passer les prêts du Fonds de 10 milliards de DTS en 2007 à
80 milliards de DTS en 2011.
Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont achetés par les
pays membres désirant s’acquitter de leurs obligations
envers le FMI et vendus par les pays membres voulant
augmenter leur réserve. Le FMI agit à titre d’intermédiaire
entre les membres en s’assurant de la liquidité et du
caractère de réserve du DTS.
Comment fait le FMI pour faire appliquer ses politiques
économiques? Les prêts du Fonds sont assortis d’une
politique économique que le pays emprunteur doit
respecter. Ce dernier est tenu d’adopter les mesures qu’il
s’est engagé à prendre pour régler ses problèmes de
balance des paiements. Ces conditions structurelles font
l’objet de beaucoup de critiques puisqu’elles sont
assujetties à l’idéologie économique du FMI qui se
caractérise souvent par la promotion de mesures
d’austérité. En effet, depuis les années 1990 jusqu’à la crise
de 2008, le FMI appliquait le consensus de Washington. Ce
consensus désigne la doctrine néolibérale s’appuyant
notamment sur l’équilibre budgétaire, la libéralisation
financière et commerciale et la privatisation des
entreprises. Dans le but d’amener les pays en voie de
développement vers la mondialisation, il a été appliqué
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
LE FMI: AIDE ILLUSOIRE?
Par Manuel Paquette
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
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SEPTEMBRE 2014
sévèrement par le FMI au cours des années 1990.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, a fait une critique,
dans « La grande désillusion », des institutions financières
internationales notamment du FMI. En 1998, l’économiste
s’est rendu dans plusieurs villages du Maroc pour y
constater l’impact de la Banque Mondiale sur la vie des
habitants. Une entreprise d’État financée par la Banque
distribuait des poussins aux villageoises et leur apprenait à
en faire l’élevage. Le FMI, avec ses politiques de
privatisation avait signifié au gouvernement marocain que
ce n’était pas son rôle de distribuer des poussins. Un
nouveau distributeur privé avait alors pris le relais de la
distribution. Cependant, en considérant le haut taux de
mortalité des poussins, les villageoises ne pouvaient pas
prendre le risque de s’en procurer et de subir les pertes. Le
programme s’était alors éteint. Selon Stiglitz, le FMI
focalise ses efforts sur les problèmes macroéconomiques
et non sur l’efficacité et la compétitivité des marchés
intérieurs. De plus, la privatisation imposée par le fonds
amène des pertes d’emploi qui ont souvent un coût pour
l’État supérieur au gain de la privatisation et de son
efficience.3
Selon Kenneth Rogoff, alors économiste en chef du Fonds
monétaire international et en réponse à Joseph Stiglitz, le
FMI agit comme prêteur en dernier ressort et « intervient là
où aucun créancier privé n’est prêt à le faire et *…+
consentit des prêts à des taux que ces pays
n’ambitionneraient pas d’obtenir même dans les
circonstances les plus avantageuses.
Ils comprennent que, à court terme,
les crédits du FMI leur permettront
d’adopter des mesures d’austérité
moins pénibles que celles auxquelles il
leur faudrait autrement se résoudre. »
Il rajoute que « les États conservent
généralement une marge considérable
de liberté dans leurs choix politiques,
notamment pour ce qui est de la
sélection des programmes assujettis à
des coupes. »4
Le FMI admet aujourd’hui certaines de
ses erreurs de gestion des crises
asiatiques et grecques. Il se sépare de
l’application complète du consensus
de Washington. Dans de récents
bulletins sur sa politique générale, le
Fonds accorde une nouvelle importance à la lutte contre les
inégalités.5
Elle souligne que cette lutte peut se faire avec
de politiques redistributives. Dans une sphère économique
toujours instable, plusieurs défis attendent toujours le FMI.
Est-ce que ces changements mineurs de politique lui
permettront d’être à la hauteur des attentes et est-ce que
les erreurs produites dans le passé seront commises à
nouveau ou pourront-elles être évitées?
Notes
FMI, Le FMI en un clin d’oeil, www.imf.org
Henry, Gérard Marie. LE FMI, 2012, Studyrama, p.21
Stiglitz, Joseph. (2002). La grande désillusion. Paris : Fayard.
Cuny, Olivier. (2006). La gouvernance économique internationale. Paris :
Montchrestien.
Fonds monétaire international (FMI). Bulettin du FMI : politique générale.
Récupéré le 19 août 2014 de http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/survey/
so/2014/pol031314af.htm
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
SEPTEMBRE 2014
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E
n 2014, nous, citoyens ordinaires, vivons dans un
monde d’une complexité croissante dans lequel nos
pouvoirs relativement modestes face aux
institutions qui nous représentent ne cessent de se diluer
ou de disparaître, purement et simplement. Le Fond
Monétaire International, l’Organisation Mondiale du
Commerce, la Banque Centrale Européenne et la Banque
Mondiale sont des organismes de calibre international qui
ont l’autorité et les moyens suffisants pour prendre des
décisions qui affectent plusieurs millions d’individus à
travers plusieurs frontières. Au regard de ces faits, il est
légitime de se questionner sur la
pertinence de telles organisations.
Quelles sont les causes qui ont mené
à l’émergence de ces structures ? Qui
les dirigent et comment ces
dirigeants sont-ils choisis ? À qui
rendent-ils des comptes ? Examinons
plus en détail le cas de la Banque
Mondiale.
La Banque Mondiale a été créée
durant la Seconde Guerre Mondiale dans le
but d’aider à financer la reconstruction de
l’Europe. Soixante-dix ans plus tard, cet objectif est
toujours au cœur de la mission de cette institution qui,
hélas, a toujours fort à faire dans ce domaine. Son rôle ne
se limite toutefois plus à ça et l’augmentation de son
champ d’action a mené à une plus grande diversification et
spécialisation de ses employés à travers le monde.
Aujourd’hui, la Banque Mondiale est composée de cinq
organismes distincts : la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD), l’Association
internationale de développement (IDA), la Société
financière internationale (SFI), l’Agence multilatérale de
garantie des investissements (MIGA) et le Centre
international de règlement des différends
internationaux (CIRDI). Ces cinq entités travaillent de
concert pour mener à bien les deux objectifs actuels de la
banque qui sont de réduire l’extrême pauvreté et
d’augmenter le revenu des 40 % plus pauvres individus de
chaque pays.
En ce qui a trait à sa structure organisationnelle, la Banque
Mondiale semble avoir à cœur une juste représentation de
ses 188 pays membres. Chacun d’eux est représenté par un
gouverneur – lequel est généralement le ministre des
finances d’un pays donné – qui siège au Conseil des
Gouverneurs, lequel se tient une fois par an. En plus des
gouverneurs, 25
administrateurs sont appointés
par le Conseil des Gouverneurs
pour veiller à la bonne marche
des activités courantes de
l’organisation. Les gouverneurs
des cinq principaux pays
membres de la Banque
Mondiale – en fonction de la
taille de leur économie –
nomment chacun un administrateur et les 20 autres sont
élus pour représenter les 183 pays restants. Ce système
peut sembler avantager disproportionnellement les plus
gros ‘’actionnaires’’ de cette coopérative qu’est la Banque
Mondiale, mais si l’on considère les buts principaux de
cette organisation, il est logique que les pays ayant une
plus grosse économie bénéficient d’une attention plus
importante.
Rien dans le système de fonctionnement de la Banque
Mondiale ne nous permet de suggérer que cette
organisation n’agit pas dans le meilleur intérêt des
populations qu’elle dessert, et l’étendue de son action suffit
à justifier son caractère multinational. Ceci m’amène à me
poser la question suivante : les organisations de cette
nature ne sont-elles pas indispensables dans un contexte
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
LA BANQUE MONDIALE:
EN GUERRE CONTRE LA PAUVRETÉ DEPUIS 70 ANS
Par Louis-Emile Ambourhouet-Bigmann
Les organisations de cette
nature ne sont-elles pas
indispensables dans un
contexte de mondialisation
comme celui dans lequel nous
vivons ?
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
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SEPTEMBRE 2014
encore aujourd’hui un rôle majeur à jouer dans la lutte
contre la pauvreté, par des investissements et la mise en
place de politiques et d’infrastructure ciblant les personnes
qui en ont le plus cruellement besoin, pas uniquement des
marchés dans leur ensemble sans égard aux individus qui
les composent. L’étude de la science économique nous
enseigne que sa pratique vise l’efficacité des marchés et de
leurs mécanismes d’allocation des ressources globalement,
mais est-ce encore à l’avantage du plus grand nombre ? Et
si nos systèmes ne sont pas conçus pour venir en aide aux
plus démunis, qui le fera à l’échelle de la planète, si ce n’est
la Banque Mondiale ?
L’
organisation mondiale du commerce aura vu le
jour 50 ans après ses premiers balbutiements.
L’idée d’un organisme supranational, dont
l’objectif premier est de régulariser les échanges
commerciaux entre pays, a été emmenée pour la première
fois lors de la signature des Accords de Bretton Wood, en
1944. À ce moment fut ratifié l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commercer (GATT), qui a mis des premières
balises claires quant aux échanges commerciaux. L’idée
fondamentale était d’éviter toutes les distorsions des
différents marchés qui pouvaient subvenir lorsqu’un pays
instaurait des tarifs douaniers, subventionnait une
entreprise locale ou encore instaurait des quotas sur les
de mondialisation comme celui dans lequel nous vivons ?
Les détracteurs de cette institution affirment qu’elle est
désormais obsolète dans un contexte d’efficacité
grandissante des marchés financiers et de croissance
rapide des économies en développement.
L’interdépendance ‘‘naturelle’’ de nos systèmes financiers
ne saurait souffrir les interventions d’un organe régulateur
dont la capacité et les moyens d’intervention ne seraient
plus en phase avec notre réalité. Cet argument ne peut
provenir que d’individus qui ont une compréhension
limitée du rôle de la Banque Mondiale dans la réduction de
la pauvreté à travers le monde, ou qui ne saisissent pas
pleinement les facteurs inhérents à la pauvreté systémique.
La croissance empiriquement observable des économies
qui comptaient jadis parmi les plus pauvres de la planète
est certes encourageante, mais elle ne devrait nous faire
oublier les laisser pour compte : une économie peut croître
de manière exceptionnelle sur le papier au détriment des
classes les moins fortunées, dont les conditions changent
rarement au même rythme – ou dans la même direction –
que celles de leurs pays respectifs. La Banque Mondiale a
importations. Cela permet aux pays de développer les
entreprises où ils ont un avantage comparatif face aux
autres nations, tout en évitant d’être étouffés dans son
développement. L’accord de Bretton Wood faisait suite à la
Deuxième Guerre mondiale; une époque où les grands
décideurs mondiaux voulaient relancer l’économie
mondiale, pour se relever du conflit. 50 ans plus tard, en
1994, l’Organisation Mondial du Commerce a été
institutionnalisée et a pu concrétiser les idées transmises
par le GATT et se doter d’une structure beaucoup plus
solide. Entre 1994 et 2013, la valeur totale des
marchandises exportées est passée de l’équivalent de plus
de 4 millions de millions US$ à plus de 18 millions de
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
LA MÉCANIQUE DE L’OMC: SES FORCES
ET SES LIMITES
Par Hugo Morin
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
SEPTEMBRE 2014
- 18 -
millions US$.1
Un code de conduite était nécessaire. Nous
aborderons ici différents aspects, soient la structure de
l’OMC en tant que telle, la portée coercitive de cette
organisation, certains points négatifs qui sont soulevés
face à l’OMC, ainsi que les
améliorations que pourrait
prendre l’OMC pour répondre à
ces détracteurs.
L’OMC fonctionne par
consensus et a une structure
pyramidale où la Conférence
ministérielle, regroupant les
représentants des 160 pays
membres, est la tête de la
pyramide. La Conférence
ministérielle élit un Conseil
général, qui a comme rôle de
ratifier les conclusions des
différents conseils et comités de
l’organisation, tout en s’assurant
que les différents accords sont
suivis et respectés. Les accords
de l’OMC sont l’Accord général
sur les tarifs douaniers et le
commerce (GATT 1994), l’Accord
général sur le commerce des
services (AGCS) et l’Accord sur
les Aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ils
regroupent l’entièreté des règles de l’OMC et chacun a un
conseil, qui met sur pieds des comités de révision
permettant de vérifier tous les échanges commerciaux
pour s’assurer de faire respecter les décisions prises. De
plus, le Conseil général peut se réunir sous deux autres
appellations, soient l’Organe de règlement des différends
(ORD) et l’Organe d’Examen des politiques commerciales. 2
Cette description de l’Organisation est évidemment
simplifiée, mais elle en reprend les grandes lignes. En bref,
« L'OMC offre une enceinte où sont négociés des accords
destinés à réduire les obstacles au commerce international,
à garantir des conditions égales pour tous et à contribuer
ainsi à la croissance économique et au développement. »3
Un aspect très intéressant dans la structure de l’OMC réside
dans son pouvoir coercitif. C’est-à-dire que lorsqu’un pays
membre se sent lésé et croit
qu’un autre pays membre
contrevient à une règle établie, il
peut déposer une plainte qui
sera traitée par l’Organe de
règlement des différends (ORD).
Il s’agit ici d’un tribunal
administratif qui tranche les
litiges entre les États membres.
Étonnamment, lorsqu’on regarde
la liste des plaignants et
défendeurs, ce ne sont pas que
les grandes nations qui gagnent
leurs causes. En effet, autant les
nations riches que défavorisées
font appel à ce tribunal et, dans
un ratio plutôt équitable, sortent
victorieuses. Suite à un verdict,
l’État perdant doit cesser sa
pratique reconnue illégale, ou se
verra subir des sanctions
économiques. Cet aspect semble
plutôt respecté. En complément
à l’ORD se trouve l’Organe
d’Examen des politiques. Grâce à cet outil, l’OMC peut
s’assurer que toutes les politiques nationales des États
membres. Contrairement à d’autres institutions, par
exemple l’ONU, l’OMC a le pouvoir d’imposer ce qui y est
adopté grâce à différents mécanismes.
Ici se situe un nœud important. En fait, beaucoup
s’inquiètent justement de la portée de l’OMC. Ce qui y est
adopté se voit unilatéralement appliqué. Cette lame a un
double tranchant. Un cadre mondial doit être mis en œuvre
sans exception, pour permettre à tous les pays d’avoir un
respect pour ces règles. La force de ces balises réside dans
la confiance que tous les pays membres ont envers celle-ci,
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
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et cette confiance ne tient qu’au fait que tous s’y
conforment. Aucun ne peut en dévier, et l’Organisation est
là pour s’en assurer. Pour beaucoup, l’OMC est devenue,
par la force des choses, l’Institution internationale la plus
puissante. Son pouvoir supplante toute autre juridiction,
tant locale que globale, dans les questions qui sont sous sa
gouverne. Par contre, une critique soulevée fait référence à
la légitimité dudit consensus. En effet, les accords ont été
négociés en grande partie derrière des portes closes (plus
précisément lors de Green room meetings, rencontre
presque informelles entre les grandes puissances pour faire
ressortir un « consensus », qui sera ensuite adopté à la
Conférence ministérielle). L’Organisation se draperait donc
d’un voile de consensus pour avoir une image de cohésion
globale, alors qu’il s’agirait de consensus pré-fabriqué.4
D’autant plus frustrant qu’il n’y a pas d’équité des chances
entre les nations. Un pays riche peut se payer un grand
nombre de professionnels, juristes et négociateurs, alors
que les pays défavorisés ne se rendent aux réunions
qu’avec de très petites délégations. D’autant plus que le
siège social se situe à Genève, un pays où le coût de la vie
est très élevé. Cela rend presque impossible à une nation
défavorisée d’avoir un représentant siégeant toute l’année.
Ce ne sont donc pas tous les points de vue qui y sont
défendus, et pourtant tous doivent s’y contraindre. Une
autre contestation vient du fait que les Accords ont été
adoptés il y a maintenant 20 ans. La procédure pour les
revoir est très complexe et rend toute modification
presque impossible. L’OMC aurait donc une difficulté à
s’adapter aux changements structurels du commerce
mondial.
Finalement, l’OMC aurait préséance sur toutes les autres
institutions mondiales, mais n’a absolument aucun accord
lié à la protection de l’environnement ou encore des droits
humains. Cela signifie donc que lorsqu’un choix doit être
fait entre la défense des droits de populations et le libre
commerce, l’OMC privilégiera uniquement le commerce. Il
n’est aucunement question de vouloir restreindre le
développement économique, en termes d’agrégé mondial,
mais plutôt d’en revoir les systèmes de redistribution de la
richesse pour s’assurer d’une plus grande équité. Non
seulement venir en aide aux populations défavorisées est
un devoir moral pour l’humanité, mais c’est aussi rentable
économiquement. Offrir un salaire minimal et des
conditions de travail décentes à une personne en fera, un
jour ou l’autre, un consommateur qui activera la roue du
développement économique. La préservation de
l’environnement a une importance tout aussi capitale,
puisque la richesse mondiale sera beaucoup plus
importante, à long terme, si on travaille de concert avec les
limites et contraintes de notre environnement. L’OMC
devrait donc inclure ces principes à sa mission
fondamentale, et qu’en découlent des Accords qui
garderait cette importance. Les enjeux de redistribution de
la richesse et de protection de l’environnement sont de
plus en plus imbriqués aux questions liées au
développement économique et aux interactions
commerciales. Plusieurs soutiennent que l’on doit plutôt
créer des organismes qui s’occuperaient exclusivement de
ces questions parallèles, et laisser à l’OMC l’unique tâche
de s’occuper du commerce. Je crois qu’il s’agit d’une erreur.
L’OMC a un pouvoir structurel extrêmement puissant. Lui
créer un alter ego s’occupant de l’environnement
reviendrait à créer une dichotomie et nous assurerait d’un
bras de fer constant entre ces deux organismes, qui
ralentirait toute avancée, tant d’un côté comme de l’autre.
Au contraire, doter une machine aussi puissante que l’OMC
d’une mission qui impliquerait une équité globale et
intergénérationnelle et la protection de l’environnement
donnerait à ces combats une toute nouvelle légitimité tout
en leur donnant le moyen de leurs ambitions.
DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde?
DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
SEPTEMBRE 2014
- 20 -
D
ans le cadre du dossier spécial d’Horizon
Économique sur les professeurs du
département de l’UQAM, j’ai eu le plaisir de
rencontrer Monsieur Kristian Behrens, professeur
d’économie – spécialisé en économie régionale et urbaine
au Département des sciences économiques de l’ESG
UQAM. Ce jeune professeur, côté 3e
parmi les professeurs
germanophones de moins de 40 ans s’étant le plus illustré
en recherche selon le journal d’Affaires allemand
Handelsblatt, a reçu le Prix Geoffrey J.D. Hewing et le Prix
August Lösch1
en 2012. Il a aussi publié 3 articles en 2013
dans des revues scientifiques reconnues et est membre
régulier du Centre Interuniversitaire sur le Risque, les
Politiques Économiques et l’Emploi (CIRPÉE) et du
programme International Trade and Regional Economics
du CEPR2
. C’est donc malgré un horaire chargé qu’il a
accepté notre demande d’entrevue afin de nous permettre
d’en savoir plus sur l’économie urbaine et régionale.
Nous avons parfois tendance à l’oublier, mais « tout
phénomène économique se déroule dans l’espace ». La
crise des « subprimes » aux États-Unis est venue nous le
rappeler bien cruellement. En effet, comme me l’a expliqué
Monsieur Behrens, bien que l’on ait surtout parlé de
l’effondrement du marché immobilier au pays, les impacts
régionaux dans les différents états américains étaient
extrêmement différents. Ces constatations ont alimenté la
réflexion sur le bien-fondé d’une analyse basée
uniquement sur la Nation. « Les régions deviennent de plus
en plus l’objet d’analyse et, bien sûr, les regards se portent
plus particulièrement sur les villes puisqu’on y retrouve une
portion importante de l’activité économique régionale. »
Mais comment définir l’économie régionale et urbaine par
rapport à la microéconomie et la macroéconomie, par
exemple? « En économie, on travaille beaucoup avec des
modèles microfondés. Comme les gens sont plus ou moins
mobiles, les villes se forment suite à leurs décisions de
déménager à un endroit ou un autre en fonction,
notamment, de leur emploi. Les villes, finalement, se
forment par l’agrégation des décisions individuelles de
mobilités. Donc, c’est effectivement quelque chose de
micro, mais puisqu’on réfléchit au niveau de villes ou de
régions, c’est aussi, quelque part, quelque chose de
macro. » L’économie urbaine et régionale permet donc de
trouver des réponses aux questions soulevées par le fait
que les agents économiques (firmes, individus) se
concentrent en un endroit précis plutôt que de, par
exemple, se répartir sur le territoire. « La réponse simple et
intuitive à ces questions est qu’il y a des gains de
productivité à la concentration spatiale. Cela fait partie des
choses que l’on souhaite comprendre : quels sont les
mécanismes qui génèrent des gains de productivité au
niveau des villes et qui expliquent que l’activité
économique a tendance à s’y concentrer. » Qu’obtient-on
concrètement comme résultat? « On peut, par exemple,
mesurer la productivité au niveau d’une ville, regarder la
valeur ajoutée totale, ramener ça au niveau des travailleurs
embauchés et avoir une valeur ajoutée par travailleur. »
Mais, évidemment, plusieurs mécanismes influencent le
résultat comme « la composition en terme industriel de la
ville et la composition en terme de capital humain. »
En l’interrogeant sur ses travaux, il m’a raconté qu’à
l’époque de sa thèse, il travaillait surtout sur les modèles
d’économie géographique lancés par Monsieur Paul
Krugman3
. Ces modèles s’intéressaient au fait qu’il existe
certaines régions où l’on retrouve beaucoup d’activité
économique et d’autres où l’on en trouve très peu. « Je
m’intéressais aux coûts en terme de bien-être parce que,
évidemment, il y a des gains en productivité, mais ça
génère des inégalités. Comment est-ce qu’on peut les
compenser et comment la concentration spatiale change-t-
elle dans le temps notamment avec la baisse des coûts de
transport et des coûts liés au commerce? C’était les
questions fondamentales sur lesquelles je travaillais. » Il
m’explique alors que l’Europe, à cette époque, craignait
qu’avec la mondialisation, le développement économique
ne se concentre que dans certaines régions au détriment
ENTREVUE AVEC KRISTIAN BEHRENS
Par Viviane Renard
Qui sont nos chercheurs?
- 21 -
SEPTEMBRE 2014
des autres. Beaucoup de recherches ont été menées sur le
sujet. « Donc, depuis, j’ai diversifié mon approche au
niveau du commerce international. Ce que je veux
essentiellement comprendre c’est d’où vient l’avantage de
productivité des grandes villes. Plusieurs mécanismes sont
importants, mais les mécanismes d’auto-sélection qui font
que les gens, en fonction de leur talent, choisissent un
endroit plutôt qu’un autre ne sont pas encore bien
compris. » Et pour analyser cela, on observe quoi?
« Certaines grandes villes attirent des gens plus talentueux
et donc on regarde, par exemple, le pourcentage des gens
qui ont une éducation universitaire et on corrèle ça avec,
par exemple, la taille des villes. On cherche ensuite à
comprendre comment les agents se distribuent entre les
villes, qu’est-ce que ça implique en terme de succès ou
d’échec ou au niveau des inégalités de revenus, y a-t-il un
lien avec la taille de la ville?...etc»
De plus, Monsieur Behrens travaille, en collaboration avec
Monsieur Théophile Bougna – doctorant au département
des Sciences Économiques – et conjointement avec
Statistique Canada, sur des questions liées à la structure
spatiale de l’économie canadienne. Grâce à des données
géocodées, il peut connaître l’emplacement exact des sites
de production et analyser comment la structure spatiale de
l’industrie canadienne change à travers le temps. « Par
exemple, la fin de l’accord sur le textile en 2005 a modifié
la structure spatiale de l’économie canadienne. On se rend
compte qu’il y a eu beaucoup de dispersion, c’est-à-dire
que l’industrie textile, qui était auparavant composée de
grosses grappes, a eu tendance à disparaître. On observe
aujourd’hui une structure beaucoup plus dispersée et cette
dispersion est due, en grande partie, au fait que l’abolition
des tarifs a tué beaucoup d’entreprises dans l’économie
canadienne, mais pas de manière aléatoire dans l’espace.
Certains endroits ont mieux résisté que d’autres. »
Avant de conclure, votre humble servante a cru bon de
demander à Monsieur Behrens, diplômé de l’Université de
Bourgogne en France et détenteur d’un post-doctorat du
CORE, s’il avait des suggestions de sujets en économie
régionale et urbaine qui seraient susceptibles d’intéresser
des étudiants désireux de poursuivre leurs études à la
maîtrise ou au doctorat. C’est en souriant qu’il s’est prêté
au jeu et d’y répondre : « Les sujets qui reviennent le plus
souvent, c’est «la libéralisation commerciale dans un pays
XY», le problème avec ce type de sujet c’est qu’il est
tellement vague qu’on ne sache pas ce qu’on va faire avec
exactement. Le risque c’est que ça nous mène à des sujets
qui ne sont pas particulièrement trippants comme la
libéralisation du commerce de poulet congelé au Ghana… »
Mais alors par où commence-t-on? « Ça dépend de si
l’étudiant veut faire quelque chose de plus théorique ou de
plus pratique ou quelque chose entre les deux. La tendance
en ce moment en régional et urbain c’est de s’orienter vers
l’estimation structurelle, c’est-à-dire qu’on va prendre un
modèle existant et le calibrer en imposant les données
qu’on a comme équilibre initial. Une fois que cela est fait,
on peut ‚jouer‛ avec le modèle, c’est-à-dire qu’on peut
poser des questions contrefactuelles comme : si j’augmente
les taxes dans telle province, qu’est-ce qui va se passer en
terme de mobilité des gens, ça va bénéficier à quelles villes,
quelles villes vont perdre de la population, lesquelles vont
en gagner, de combien seront les gains de productivité et
comment ça va se répartir ? C’est intéressant et il y a
beaucoup de choses à faire dans ce domaine. Et ça, ce
serait quelque chose sur lequel on pourrait brancher des
étudiants au niveau doctoral. »
Pour conclure, auriez-vous une recommandation à faire aux
étudiants en général? Après quelques secondes
d’introspection, voici ce qu’il m’a répondu : « Regardez
autour de vous, le département a beaucoup évolué, il y a
plein de jeunes professeurs qualifiés et enthousiastes. On
est en train de construire un beau département qui est
devenu le plus important département d’économie à
Montréal en termes de corps professoral. Donc, ma
recommandation c’est de le prendre en considération
lorsque viendra le choix de poursuivre vos études en
économie. »
Qui sont nos chercheurs?
SEPTEMBRE 2014
- 22 -
ZONE DE DIVERTISSEMENTS
L’équipe du journal d’Horizons Économiques comprend qu’à travers nos cours, nos études et nos travaux, il est aussi
important de décompresser et de se distraire un peu, d’avoir du plaisir malgré tout. Voilà pourquoi nous vous offrons cette
Zone de divertissements. Vous y trouverez dans cette section quelques petits jeux et amusements.
Sudokus du journal
Notre version de ce petit jeu distrayant. Les règles sont fort simples: Dans chacun des quatre tableaux de jeu suivants, vous
devez placer un chiffre de 1 à 9 dans chaque case vide. Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 3X3, délimitées par un
trait plus épais, doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît donc une seule fois dans chaque ligne,
chaque colonne et dans chaque boîte 3X3. Bonne chance!
8 2 9 3
2 9
9 6 5
7 1 5 9 4
9 3
3 9
9 3
3 5 2
9
4
7 3 9 6
6 3 4 5
3 6 4 2 1
3 6
2 9
2 4
1 2 6
4 5 6 9
3
1 3 2
2 1 9 3 8
4 5 1 7
8 3
2 3 6
4 2
3 2 8 5 9 1
7
2 4
7 6 9 3 2 1
2
7 8 6
1 9 7 4 5
4
6 9 2 7
9
1 5 9 4
ZONE DE DIVERTISEMENTS
- 23 -
SEPTEMBRE 2014
.
Petite rubrique de blagues d’économistes
(parce que c’est important d’apprendre à rire de soi)
 La seule chose plus dangereuse qu’un économiste est un économiste amateur.
 Le modèle est parfait, c’est la réalité qui ne l’est pas.
 Les économistes sont des gens trop intelligents pour leur propre bien, mais pas assez intelligents pour le bien des
autres.
 La définition de « perte »: Un autobus qui plonge dans un précipice, avec trois sièges vacants.
 Un médecin, un psychologue et un économiste jouent au golf. Ils s’ennuient un peu, car le groupe juste devant eux
est très lent. Leur balle va à gauche, à droite, ils ne sont vraiment pas bons. On dirait presque ils font par exprès
pour être mauvais. Après plusieurs trous, les trois hommes se frustrent et commencent à crier des insultes aux
joueurs devant eux. Un homme vient les voir pour leur faire part que les gens devant eux sont aveugles. Le
médecin se dit « ça n’a pas de bon sens, je traite des patients toute la journée, je tente de les guérir et maintenant
je les insulte?!? » Le psychologue se dit « ça n’a pas de bon sens, ils ne voudront plus jamais venir jouer, je dois
leur avoir infligé des séquelles mentales terribles. » Et l’économiste se dit : ça n’a pas de bon sens, ça serait
beaucoup plus efficace s’ils jouaient la nuit! »
 Q: Quel a été l’impact de la révolution française sur la croissance mondiale?
R: C’est trop tôt pour le dire…
 Q: Quelle est la différence entre un
économiste et une voyante?
R: Le diplôme
Citation d’enseignants
Notez que ces citations sont anonymes, recueillies
par vos chroniqueurs, et sont faites dans le plus
grand respect du corps professoral. Nous vous
invitons à garder l’oreille ouverte dans vos cours, et
à nous en faire parvenir si vous en dénichez.
 « Les financiers, ce sont des physiciens sur la cocaïne. Non mais c’est vrai. Vous prenez un bon physicien, vous lui
donnez de la coke et un ordinateur, et il se transforme en financier. »
 « Ça, c’est toujours difficile à avaler, mais il faut ouvrir la bouche très grand et avaler quand même. »
 « Vous n’êtes pas tenus responsables d’apprendre cela. »
 « L’élimination de stratégies faiblement dominées, c’est… euh… périlleux! »
 « C’est moi qui corrige. Faites-moi pas chier. »
 « Dans le fond, les modèles que vous avez vu en macro, en micro et en économétrie, ben… ça marche pas. »
ZONE DE DIVERTISEMENTS
SEPTEMBRE 2014
- 24 -
C
ertains d'entre vous ont dû avoir connaissance
d'une certaine agitation dans la sphère
économique au cours des derniers mois. En fait, il
est assez juste de dire que cette agitation est présente,
sous différentes formes, depuis la dernière crise financière.
Bien que celle-ci remontre déjà à plusieurs années (six!), un
malaise dure et perdure chez les experts économiques.
Comment expliquer cela? Certes, cette crise frappa
durement le monde occidental, mais aujourd'hui on n'en
parle presque plus...
Voilà exactement où est le problème.
L'économie reprend tranquillement sont cours normal et
pourtant, une impression de tâche inaccomplie,
d'opportunité manquée, persiste.
C'est que dans les années qui suivirent la crise, il y a eu un
mouvement généralisé de remise en question et de
réflexion. Faut-il renforcer les règles financières? Réguler
les flux de capitaux? Plusieurs ont avancé qu'il faudrait
mieux intégrer le système financier dans les modèles
macroéconomiques. Bonnes ou mauvaises, toutes ces
idées étaient gage d'un futur économique mieux compris
et plus stable. Malheureusement, le temps et la pénible
reprise eurent raison de ce brainstorming et maintenant
très peu ou rien du tout n'a changé.
Cela dit, comme je l'ai mentionné, une agitation perdure en
ce qui a trait à l'enseignement universitaire de l'économie.
L'hiver dernier fut créé un mouvement international
regroupant des associations d'étudiants en économie dans
le but de lancer un appel clair et fort aux milieux
académique et professionnel. Sous l'acronyme ISIPE1
,
l’International Student Initiative for Pluralism in Economics,
dont le Mouvement Étudiant Québécois pour un
Enseignement Pluralisme en Économie2
fait partie, souhaite
amener plus de pluralisme dans l'enseignement de
l'économie. Le but ultime n'étant pas de rejeter le courant
dominant (néoclassique, pour ne pas le nommer), mais bien
d'ouvrir les cursus à différentes théories et méthodologies
lors de l'analyse de phénomènes.
Certains répondront sans doute que si ces théories «
alternatives » ne sont pas enseignées, c'est simplement
parce qu'elles ont échoué par le passé. C'est probablement
UNE CHANCE UNIQUE POUR L’ENSEIGNEMENT DE
L’ÉCONOMIE
Par Julien Mc Donald-Guimond
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
- 25 -
SEPTEMBRE 2014
en partie vrai. Pour d'autres alternatives, c'est simplement
qu'elles sont « trop » récentes et donc ignorées par le
courant dominant. Dans tous les cas, est-ce des motifs
suffisants pour les rejeter totalement? Certainement pas. La
théorie monétaire de Friedman (école de Chicago)
complémente la vision keynésienne, le modèle de
croissance Schumpetérien est aussi valable que celui de
Solow-Swan... De tels exemples se retrouvent parfois dans
les cursus actuels, mais ils sont marginalisés,
éventuellement délaissés et surtout, vidés de leur contexte
sociohistorique.
Il y a bien, à l'UQAM, deux cours obligatoires sur la pensée
économique et un cours d'histoire, ce qui est loin d'être la
norme, mais ceux-ci dégagent plutôt une impression de «
mal nécessaire » que de véritable intérêt. Ils sont d'ailleurs
si décalés par rapport aux autres cours qu'ils sont perçus
comme un thème à part au lieu de permettre une véritable
mise en contexte globale. Loin de moi l'idée de se défaire
des ces bijoux de cours, mais il faut assurément revoir leur
intégration par rapport aux cours de tronc commun ainsi
que réaffirmer leur importance. Les chiffres montrent bien
que de moins en moins d'étudiants choisissent des
carrières en pensée, philosophie ou histoire économique.
Comment en sommes-nous arrivés là? Trop de poids
accordé à l'aspect technique de la formation? Pressions du
marché de l'emploi? Sans doute les deux.
À noter que le pluralisme ne s'inscrit pas seulement au sein
de l'univers économique, mais également dans
l'intégration de concepts d'autres disciplines humaines et
en favorisant la collaboration plutôt que la fragmentation.
Encore une fois, plusieurs craignent qu'une telle démarche
mène à la disparition de l'économique comme discipline à
part entière. Or, voici ce que le rapport Hautcoeur3
sur
l'enseignement de l'économie en France a à dire à ce sujet:
« Reconnaître les différentes manières de faire de
l'économie ne revient pas pour autant à diluer la discipline
et à réduire cette dernière à son objet, sans quoi le
principe d'identité disciplinaire sur lequel se fonde
l’Université perdrait de son sens, et la discipline
économique serait dans l'incapacité de présenter ce qui la
distingue, par exemple, de la philosophie de l'économie, de
la sociologie économique ou des mathématiques
appliquées à l'économie. Développer une identité
disciplinaire présente des vertus pédagogiques importantes
et la compréhension de cette identité, notamment en la
confrontant à celles d'autres disciplines, constitue un des
objectifs de la formation des étudiants. »
Enfin, est-ce utopique de vouloir ajouter des connaissances
à un cursus déjà surchargé? Moi-même le croyais jusqu'à
tout récemment...
Ces économistes anglais qui n'ont qu'un bac
L'hiver dernier, j'ai eu la chance de partir en échange
étudiant à Exeter en Angleterre. Outre les nombreuses
tasses de thé et leur accent terrible (croyez-moi, il est bien
moins sexy que le stéréotype le dit), j'ai évidemment pu
expérimenter leur façon d'enseigner l'économie. Ce que j'y
ai trouvé? Des théories, des modèles, des graphiques, etc.
Or, le tout est présenté de manière très différente. Les
théories sont certes transmises en classe, mais également
par la lecture de véritables papiers économiques sur le
sujet, plus souvent qu'autrement en contradiction entre
eux. Les modèles sont encore une fois présentés
conjointement avec les papiers originaux et sont
rapidement mis en application pour l'analyse de cas
concrets. Les modèles endogènes, Schumpetérien,
néoclassique et de Lucas expliquent tous avec justesse la
croissance, dépendamment des exemples qui sont retenus.
Les graphiques sont rigoureusement analysés et la
méthodologie questionnée afin de nous sensibiliser à la
lecture de papiers académiques complexes.
Leur cursus n'inclut peut-être pas de cours obligatoires
d'histoire et de pensée, mais ces thèmes sont fortement
intégrés au sein même des autres cours ce qui à défaut
d'aller très en profondeur, renforce la compréhension
globale de l'économique.
Leurs travaux sont très axés sur la lecture de textes et la
rédaction d'analyses et d'essais. À quoi bon déplacer
bêtement 100 courbes d'offre et dériver 1000 demandes
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
SEPTEMBRE 2014
- 26 -
marshalliennes si l'on ne sait même pas déchiffrer un
papier de la banque centrale ou encore rédiger une
analyse sur les causes de la crise de 29? Ces qualités «
critiques » plutôt que « mécaniques » me semblent tout
aussi pertinentes et quand je les vois enseignées au
baccalauréat anglais, je ne suis pas surpris que l'on puisse
travailler comme économiste sans maîtrise là-bas. Ils ont
comme qui dirait, « appris à apprendre ».
C'est bien beau tout ça, mais les employeurs veulent
que je régresse!
Si vous êtes rendus aussi loin dans cette lecture, j'espère
que vous partagez un peu l'impression que quelque chose
cloche avec l'enseignement actuel de l'économie.
Néanmoins, en tant que dignes économistes, nous savons
aborder les problèmes dans leur ensemble. Que faire alors
de la composante : « À la fin de mes études, j'aimerais
avoir la meilleure job possible i.e. qui requiert de savoir
faire des tas de régressions multiples. » ?
Il s'avère que cette considération n'en est pas vraiment
une.
Tout d'abord, personne ne soutient qu'il faille diminuer la
part de l'enseignement accordée aux mathématiques, au
contraire. La démarche vise plutôt à ancrer ces outils dans
le réel plus tôt dans notre parcours ainsi qu'à orienter
davantage les apprentissages vers les notions
fondamentales. Connaître les forces et faiblesses de
chaque technique plutôt que d'aspirer à une maîtrise
superficielle d'outils surpuissants. Ensuite, que l'on fasse de
la recherche ou de l'analyse, il faut savoir communiquer,
vulgariser et argumenter tant avec nos collègues, le public
qu'avec les autres spécialistes. Force est donc de constater
qu'il nous serait bénéfique d'ajouter du pluralisme, du
raisonnement critique et du concret au cursus universitaire
et ce, avant les cycles supérieurs.
Et maintenant?
Bien évidemment, il ne revient pas aux étudiants de
concevoir les cursus universitaires ou encore les plans de
cours. Heureusement, il s'avère quand de rares occasions
les planètes s'alignent et les étudiants disposent alors
d'une tribune sans pareil: l'évaluation de programme. Ce
phénomène, observable seulement tous les 10 ans
(quoique le dernier remonte à 1988), aura justement lieu
cette année (!). Cette évaluation est l'occasion pour tous les
étudiants en économie d'exprimer leurs idées/
commentaires/observations aux instances départementales
avec un réel espoir de changement étant donné que toutes
les modalités du programme seront discutées.
Cela dit, il serait naïf de penser que des changements, aussi
modestes soient-ils, puissent survenir sans une mobilisation
de la part des étudiants. D’autre part, comme toute saine
instance académique, le comité de programme devra
écouter la voix de l’ensemble des étudiants, et non pas
uniquement celle d’un petit groupe d’intérêt particulier.
Pour ouvrir un dialogue sérieux et honnête, il nous faut
nous manifester; aux conseils de l'AESE, aux Assemblées
Générales, dans les corridors, dans les cours auprès de nos
professeurs... Dans cette optique, des 5@7 seront organisés
par l'AESE pour discuter de l'évaluation de programme et
des mandats importants seront discutés en AG dès le début
de la session.
Venez discuter, échanger et prendre la parole. Ne faites pas
l'erreur de croire que ces considérations sont futiles parce
que notre parcours universitaire ne dure que quelques
années. L'enseignement façonne les experts de demain qui
eux façonneront le monde d'après-demain.
À bientôt.
« Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de
la même manière qu'il a été créé. »
- Albert Einstein
Notes
www.isipe.net
www.pluralisme.economieautrement.org
L'avenir des sciences économiques à l'université en France, par Pierre-
Cyrille Hautcoeur, 2014. Disponible en ligne.
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
- 27 -
SEPTEMBRE 2014
L
e Bixi est à sa mi-saison. Les résultats du vélo
urbain collectif sont décevants en plus d’une baisse
annuelle des abonnements, le Bixi peine à se
développer. Le seul moteur d’innovation de la marque est
l’idée de cyclisme partagé
en ville. Depuis lors, sa
stagnation nous montre
qu’une bonne idée n’égale
pas un bon produit.
Mis à part la météo, le
service de vélo doit
affronter plusieurs
obstacles évidents: le Bixi
n’est pas un système de
transport universel, il
dessert une gamme
d’usagers spécifiques et il
est victime d'une mauvaise
redistribution des vélos
à travers la ville.
Pour différentes raisons, ce
moyen de transport ne
permet pas d’accommoder
les individus ayant un
handicap. Le vélo ne peut
pas être utilisé pour de
longues distances et son
utilisation est dépendante
de la météo. Le vélo urbain
fait face à différents types
de clientèle: les abonnés,
les usagers sporadiques et
les touristes. En plus,
chaque type de clientèle est subdivisé en sous-catégories:
cyclistes ardus et cyclistes de plaisances. Ce moyen de
transport collectif fait aussi face à un problème couteux,
soit la redistribution asymétrique des vélos à travers la ville
par les usagers. En d’autres mots, l’inefficience de
l’autorégulation des usagers qui ne vont pas où une borne
est disponible, mais le plus près possible d’un point
d’intérêt. L’utilisateur n’a
aucun intérêt à chercher
une borne vide. On se
retrouve donc avec des
supports vides et d’autres
d é b o r d a n t s . C e t t e
distorsion de la distribution
doit être corrigée par des
camions et quelques
employés qui vont
redistribuer les Bixi à travers
la ville.
La création de « corridors
Bixi » pourrait améliorer le
système de transport
collectif à Montréal. Un plan
d’urbanisation qui inclut
des pistes cyclables entre
certains points achalandés
peut encourager les
personnes à dégorger les
métros et les autobus. Créer
des « corridors Bixi » est un
bon moyen d’encourager
les usagers à faire des
chemins logiques et éviter
le phénomène de camions
pour replacer les vélos.
Avec des pistes cyclables,
c’est possible d’encourager l’emprunt de certains chemins
et ainsi améliorer les autres systèmes de transport.
Un autre moyen de mieux répartir les vélos serait
LE BIXI,
TRANSPORT EN COMMUN?
Par Olivier Fortin-Gagnon
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
SEPTEMBRE 2014
- 28 -
l’adoption d’une
nouvelle tarification. Bixi
utilise déjà une
tarification basée sur la
durée de l'emprunt.
Cependant, ceci
n’encourage pas l’usage
de différentes bornes,
mais incite plutôt une
concentration de pistes
utilisées et engorge les
s u p p o r t s d é j à
surutilisées. En effet,
l’usager a intérêt à se départir du vélo le plus rapidement
possible. Un moyen pour corriger la redistribution des
vélos à travers les différents supports serait une
discrimination par les prix selon le nombre de Bixi sur la
borne. Par exemple, lorsque le support est vide, le prix est
au minimum – ou il y aurait un crédit sur le tarif annuel
payé. Lorsque la borne n’a qu’une place disponible, le prix
serait au maximum. La différence doit être assez grande
afin de motiver l'utilisateur à aller chercher un support
moins rempli.
De cette façon, la tarification récompenserait
l’effort et l’usager aurait un intérêt monétaire à conduire
son vélo jusqu’à une borne vide. Je crois que cette solution,
de pair avec les « corridors Bixi », peut rendre plus efficace
la distribution des vélos sans avoir recours aux camions qui
les replacent. De plus,
cela pourrait aussi
en coura ger un e
nouvelle clientèle qui
n’utilisait pas ces vélos
auparavant en raison
des prix élevés.
D’un point de vue
économique, je crois
qu’il pourrait être
intéressant d’analyser
en profondeur la
situation. Je suis
persuadé qu’il n’y a pas qu’une seule solution à la non-
rentabilité du Bixi et qu’une vraie remise en question est
requise. Le vélo urbain fait partie du transport en commun
et peut être plus efficace, mais il nécessite aussi de faire
partie d’un plan d’urbanisation plus général.
On ne lui demande pas de devenir le système de transport
universel à Montréal. À cause de la taille de la ville, de nos
conditions météorologiques et des habitudes des
consommateurs, le Bixi demeure un complément au
système de transport en commun. Cela ne veut pas dire
que le projet est voué à l’échec. Il faut simplement
apprécier sa spécialisation et l’utiliser à son avantage. Le
Bixi peut mieux desservir les besoins de la population,
générer des profits et bien sûr, augmenter la qualité de vie
des Montréalais.
- 29 -
SEPTEMBRE 2014
C
et article est la deuxième partie d’un article paru
en mars 2014 intitulé L’économie sociale et les
marchés financiers. La première partie visait à
définir l’économie sociale afin de permettre à tous de saisir
le type de défi que pouvait poser la juxtaposition de ces
deux éléments. À titre de rappel, voici, en rafale, les
principaux éléments qui forment les caractéristiques d’une
entreprise d’économie sociale.
L’entreprise d’économie sociale
 a pour finalité de servir ses membres ou la collectivité;
 a une autonomie de gestion par rapport à l’État;
 défend la primauté des personnes sur le capital dans la
répartition de ses surplus;
 fonde ses activités et ses façons de faire sur les
principes de démocratie, de participation, de prise en
charge et de responsabilité individuelle et collective.
On parle de plus en
plus, ces dernières
années, de finance
responsable. Cet
engouement est associé
à une réponse face à la
financiarisation de
l’économie; le fait que
des financiers orientent
désormais, dans une
grande proportion, les
décisions des directions
d’entreprises et donc,
de l’ensemble de
l’économie. Aujourd’hui,
la finance permet
l’enrichissement
d’individus sans qu’il y ait nécessairement création de
richesse1
ce qui sème l’inquiétude. Cependant, la finance
responsable ne date pas d’hier. En effet, lors de la guerre
de Sécession aux États-Unis, la communauté des Quakers
(mouvement religieux composé de dissidents de l'Église
anglicane) avaient décidé de n’a pas placer leurs avoirs
dans des compagnies qui profitaient de la vente d’armes
ou d’esclave. Cette nouvelle attitude a inspiré plus d’une
organisation, surtout des congrégations religieuses, a
emboîté le pas et à appliquer des critères d’exclusion (ou
filtres négatifs) dans le choix de leurs investissements.
Aujourd’hui, on appelle ces instruments financiers,
généralement des fonds de placement, des « fonds
éthiques ». Ce n’est qu’en 1971 qu’ils deviendront
disponibles pour le grand public. Dans les années 80, suite
à un appel au boycottage de la communauté noire
d’Afrique du Sud envers les entreprises profitant de
l’apartheid, Leon Sullivan proposera une nouvelle approche
soit celle d’investir dans des entreprises ayant des
caractéristiques précises (dictées par un code d’éthique)
dans le but d’inciter les
entreprises à changer
leurs pratiques. Cette
initiative a donné lieu au
développement de
l’idée de «responsabilité
sociale» des entreprises
et à la finance
socialement
responsable. Ces
pratiques vont
progressivement
s’institutionnaliser et
bénéficier d’une
reconnaissance officielle.
Lors de la rédaction de
son portrait de la
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET LES MARCHÉS FINANCIERS.
DEUXIÈME PARTIE
Par Viviane Renard
L’ÉCONOMIE AUTREMENT
SEPTEMBRE 2014
- 30 -
finance responsable au Québec, Investir solidairement :
Bilan et perspectives, le Groupe de Recherche sur le
Portrait de la Finance Socialement Responsable a défini
quatre composantes de la finance responsable : les
placements responsables de base (avec filtres négatifs ou
positifs), les placements responsables élargis (qui
permettent d’utiliser le rôle d’actionnaire pour changer les
pratiques de l’entreprise), la finance solidaire (les
investissements faits dans des entreprises d’économie
sociale sous forme de prêts) et le capital de
développement (les investissements visant la création
d’emploi et le développement économique). La
composante à laquelle je me suis davantage intéressé pour
le présent article est celle de la finance solidaire, soit le
financement de l’économie sociale. Au Québec, lors de la
création des premières entreprises d’économie sociale,
celles-ci se finançaient à même les contributions de leurs
membres, puis au 20e
siècle, des coopératives agricoles ont
vu le jour grâce notamment aux apports des Caisses
Desjardins. C’est dans les années 80 que l’on verra
apparaître les premières grandes institutions de capital de
développement et presque 20 ans plus tard, en 1996, les
institutions de finance solidaire (le Réseau québécois du
crédit communautaire, le Réseau d’investissement social du
Québec (RISQ), etc). Le Groupe de Recherche sur le Portrait
de la Finance Socialement Responsable a tenté de faire un
portrait du développement de la finance solidaire. Pour ce
faire, ils ont colligé des données provenant de tous les
organismes de financement.2
On remarque une augmentation d’un peu moins de 600 %
entre 1997 et 2004 (les données de l’année 2005 ne sont
pas complètes). En 2013, Le Cirano a procédé à une
recherche du même type, mais avec une méthodologie très
différente. Ils ont considéré que les Centre locaux de
développement (CLD) étaient les principaux interlocuteurs
des entrepreneurs sociaux et se sont donc adressés à eux
uniquement pour connaître la valeur des investissements
effectués. Ils ont ensuite estimé la part de financement que
« Autonomisation de l’ESG »: Un pas de plus vers la marchandisation
Part du CLD
dans l’inves-
tissement
total
2004 2005 2006 2007 2008 2009
9 % 157,72 $ 167,40 $ 161,18 $ 198,54 $ 164,20 $ 178,34 $
10 % 141,95 $ 150,66 $ 145,07 $ 178,68 $ 147,78 $ 160,51 $
11 % 129,04 $ 136,97 $ 131,88 $ 162,4 $ 134, 35 $ 145,92 $
Investissements totaux (estimations, en millions de dollars)
- 31 -
SEPTEMBRE 2014
et des acteurs impliqués crée une certaine insécurité1
notamment parce qu’ils craignent de voir le capital investit
gouverné suivant des logiques autres que la leur.7
Cette
incertitude crée une impression de risque plus élevé, ce qui
est paradoxal puisque, dans les faits, les entreprises
d’économie sociale font moins faillite que les entreprises
capitalistes. Cela s’explique par le fait qu’elles répondent à
des besoins réels et qu’elles sont généralement soutenues
par la communauté1
grâce à leur volet social. Finalement,
les entreprises d’économies sociales intéressent moins les
investisseurs parce que les rendements économiques
n’étant pas l’unique objectif visé, les investissements sont
moins bien rémunérés. Il est vrai toutefois qu’elles ont
accès à du financement public (subvention) plus important.
Par contre, une trop grande dépendance à l’égard des
fonds publics entre en contradiction avec le principe
d’autonomie qui anime l’entrepreneuriat collectif et social.
L’économie sociale est donc à la recherche d’outils de
financement différents qui lui permettent de combiner ses
valeurs, l’accès à du capital et une certaine autonomie. Un
défi de taille!!
les CLD représentaient (les projets bénéficiant
généralement de la participation de plusieurs institutions
dans leur montage financier). Fait étonnant, ils arrivent,
pour l’année 2004, à des résultats cohérents avec ceux
présentés ci-haut.
On note une croissance nettement inférieure à celle
observée plus tôt avec un taux annuel composé de 2,49 %
et une variation totale estimée de 6,5 % entre 2005 et
2009. Cela peut paraître normal; l’engouement
exceptionnel lié à la création des fonds étant terminé.
Plusieurs textes évoquent la stabilité de la finance solidaire
par rapport à la finance traditionnelle. Il est intéressant de
noter une augmentation de 23 % entre 2006 et 2007, alors
qu’au Québec on observait une augmentation de 10 % des
investissements du 2e
trimestre de 2006 au 2e
trimestre de
20075
. De plus, on notera aussi une baisse de 17 % entre
2007 et 2008 alors que celle-ci était de 36 % pour
l’ensemble du Canada et de 46 % si l’on ne considérait que
le Québec5
. La variation des investissements étrangers,
absent de l’économie sociale, étant en grande partie
responsable de cette diminution. Cependant, notons que
les chercheurs du Cirano reconnaissent certaines faiblesses
à leur analyse. En effet, dans leur rapport, ils évoquent la
difficulté d’avoir accès à des données précises sur le
financement accordé aux entreprises d’économie sociale
notamment à cause des disparités dans l’interprétation de
la définition de celle-ci, mais aussi à cause du manque
d’uniformité des données collectées par les CLD.
La distinction fondamentale entre les entreprises
d’économie sociale et les entreprises capitalistes6
, c’est
qu’elles cherchent à créer un équilibre entre les différents
principes d’allocation des ressources associées à chacun de
pôles de l’économie (les marchés, la redistribution et la
réciprocité)7
. Cependant, aussi louable que soit la
recherche de cet équilibre, il pose plusieurs défis en
matière de financement. En effet, l’entreprise d’économie
sociale attire peu les investisseurs. D’abord, les coûts de
transactions rattachés à ce type d’investissement (en
général, de petits prêts) sont jugés trop élevés. Ensuite, la
méconnaissance des financiers à l’égard de la gouvernance
L’Autonomie ou l’avenir de l’ESG. Entrevue avec Stéphane Pallage.
SEPTEMBRE 2014
- 32 -
The Darwin economy: Liberty, competition and the common good
Merci de nous avoir lu.
En espérant que vous ayez apprécié cette parution
de septembre 2014 d’Horizons Économiques.
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  • 2. SEPTEMBRE 2014 - 2 - Le contenu des articles de cette parution appartient entièrement à leurs auteurs. Les propos et faits rapportés sont sous leur entière responsabilité. Membres exécutifs du journal : Hugo Morin (rédacteur en chef), Louis-Emile Ambourhouet-Bigmann (finances), Julien McDonald-Guimond (correction). Participants non membres de l’exécutif : Martin St-Denis, Viviane Renard, Manuel Paquette-Dupuis, Alexis Bureau-Thibault, Charles-A P-Demontigny, Olivier Fortin-Gagnon. Un grand merci pour le travail de graphisme de Dali Wu pour la page couverture. L’ÉCONOMIE AUTREMENT Une chance unique pour l’enseignement de l’économie Le Bixi: Transport en commun? L’économie sociale et les marchés financiers Merci aux principaux partenaires d’Horizons Économiques pour l’année 2014 - 2015 AECSE ISSN 2291-207X L’évolution de la conjoncture du Poker SORTONS DES SENTIERS BATTUS L’incitatif du bon samaritain Qu’est-ce que la valeur? D’un horizon à l’autre DOSSIER SPÉCIAL: 70 ANS APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE? Le FMI: Aide illusoire? La Banque Mondiale: en guerre contre la pauvreté depuis 70 ans La Banque Mondiale: en guerre contre la pauvreté depuis 70 ans QUI SONT NOS CHERCHEURS? Entrevue avec Kristian Behrens ZONE DE DIVERTISSEMENT
  • 3. - 3 - SEPTEMBRE 2014 C’est donc un outil à double usage: permettre au lecteur, tant aux néophytes de la science économique que ceux qui abordent ce type de questions pour la première fois, d’aller chercher des nouvelles connaissances et réflexions. Aussi, les personne s’y impliquant apprennent à manier les outils de transmission des connaissances, apprennent à manier leur plume et à structurer une pensée qui leur est propre. J’ai une chance immense de porter ce projet, et surtout d’être si bien entouré d’autres étudiants, s’impliquant de près ou de loin, ayant écrit un court papier dans une seule parution ou plusieurs articles à chaque fois. Ce journal ne peut exister que grâce à la participation de tous ceux qui s’y impliquent et, au vu des développement que le journal a connu depuis sa création, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’il continuera d’offrir des articles de qualité pour une très longe période. Vous trouverez donc, dans les prochaines pages, des articles abordant des sujets qui sortent des sentiers battus, un dossier décortiquant les institutions de Bretton Wood, une zone de divertissement toujours florissante, et j’en passe. J’espère que ce journal saura éveiller votre curiosité et vous donnera le goût d’approfondir certaines réflexions qui sortent du cadre établi du cursus scolaire régulier. Bonne lecture! C ’est avec grand plaisir que, mon équipe et moi- même, nous vous offrons cette toute nouvelle parution d’Horizons Économiques. Par le fait même, nous franchissons le seuil de la quatrième année de vie du journal, et ma deuxième en tant que rédacteur en chef. J’ai toujours une grande fébrilité au moment où j’enverrai le fichier à l’impression. Une fébrilité qui vient d’une part d’un désir de répondre à l’énigmatique question « Et maintenant, on fait quoi? ». La première question est animée par l’insatiable désir de connaissance, de réflexions. À chaque moment où nous nous réunissons, avec l’équipe de rédaction, et que mes collaborateurs m’énumèrent leurs idées d’articles, leurs intuitions et leurs hypothèse, j’en ai soif de voir où se rendront ces idées. On ne peut laisser mourir un éclair de génie. La seule idée qui n’est pas bonne est celle qui est tue. Je suis motivé par la force que prendra chacune des réflexions que j’entrevois, et mon objectif est de donner un tremplin à tous ceux qui souhaitent porter leur voix dans la société. Il nous arrive tous, en plein milieu d’un cours, de penser plus loin que les simples notions vues en classe, d’interpréter et d’utiliser les outils qui nous sont enseignées, dans un tout autre domaine. Think outside the box qu’ils disent, en anglais. Je sais que tous les étudiants vivent ce type d’éveil, je le vois dans leurs questions posées à l’enseignant, ou encore dans les discussions aux pauses. Je veux donc offrir à ces idées-filantes un endroit où se poser, tout en permettant aux lecteurs de s’en abreuver. Vous souhaitez vous impliquer? Le journal Horizons Économiques est toujours à la recherche de nouvelles personnes pour s’y impliquer. Tant pour la rédaction d’articles, l’organisation de la visibilité ou encore dans l’administration du journal en soi, toute aide nous est bénéfique. Il s’agit d’une expérience hors du commun où tous apprennent à mettre à contribution leur forces et talents, selon leurs disponibilités. N’hésitez pas à nous écrire pour de plus amples informations, écrivez-nous, grâce à notre page Facebook. Toute l’équipe d’Horizons Économiques MOT DU RÉDACTEUR EN CHEF Par Hugo Morin
  • 4. SEPTEMBRE 2014 - 4 - H orizons Économiques, c'est une initiative étudiante. Il y a bien des manières de vivre son passage à l'université. On peut se contenter de suivre et réussir ses cours. On peut estimer qu'obtenir un diplôme est bien suffisant. Mais on peut aussi profiter du large éventail de projets qu'offrent la communauté étudiante. Horizons Économiques est une opportunité, offerte par des étudiants et pour des étudiants, d'enrichir la période universitaire d'autres activités que nos seuls cours. Horizons Économiques, c'est la curiosité. Avec un diplôme d'économie, on quitte l’université pour le marché du travail. On pourra utiliser notre formation afin de l'échanger contre une rémunération. L'université, elle, est un milieu d'apprentissage; mais surtout un lieu de création de savoir et d'idées en ébullition, sans qu'il soit essentiel d'étudier la chimie. Ce terreau est extrêmement fertile, mais il nécessite des coups de pouce. Il s'agit de stimuler ce beau potentiel intellectuel. Ce journal permet d’approfondir la matière vue en cours. Il donne également l'opportunité d'explorer des sujets que nous n'avons pas la chance d'aborder dans notre cursus académique. Horizons économiques, c'est un espace de découvertes et d'échanges. Horizons Économiques, c'est un exercice d'écriture. Nous, aspirants-économistes, avons systématiquement soif de mathématiques. Nous passons toute notre formation à sympathiser avec calculs différentiels et corrélations. Malheureusement, quand vient le moment de communiquer avec des personnes étrangères à la sphère économique, on se rend compte que le langage mathématique n'est pas connu de tous. Malgré la pertinence de cet outil, il est nécessaire de pouvoir partager nos connaissances. Écrire un article est un défi de vulgarisation de nos connaissances. Horizons Économiques, c'est un exercice enrichissant pour les futurs économistes. Horizons Économiques, c'est un projet. Un projet bourré de positif, tel qu'exposé ci-dessus. Malheureusement, les bonnes intentions ne suffisent pas. Horizons Économiques a besoin de ressources. L'AESE est ravie de pouvoir contribuer à ce beau projet qu'elle juge Pareto-optimal (parce qu'un éditorial d'économiste ne peut se passer de vocabulaire microéconomique). Horizons Économiques, c'est une porte ouverte à tous les amateurs d'économie. Et si tu ne l'es pas (encore), nous espérons que ce premier numéro de l'année 2014-2015 saura éveiller ta curiosité! MOT DU PRÉSIDENT DE L’AESE Par Alexis Bureau-Thibault L’exécutif de l’AESE 2014-2015 De gauche à droite: Manuel Paquette-Dupuis, Louis-Philippe Véronneau, Alexis Bureau- Thibault, Charles-A P-Demontigny, Julien Mc Donald-Guimond, Joel Tremblay
  • 5. - 5 - SEPTEMBRE 2014 L e monde du poker a beaucoup changé dans les quinze dernières années. Autant l’offre que la demande de jeu ont subi de grandes modifications. On a seulement à penser au film Rounders avec Matt Damon. Ce film, qui est sorti en 1998, tente de raconter, de façon romancée, la vie des joueurs professionnels de poker aux États-Unis et spécifiquement à New York. Ces joueurs font la tournée des salles illégales, des casinos et des parties dans des clubs quelconques. Ils cachent leurs fonds de roulement dans leurs appartements. Leurs vies ressemblent plus à celles d’un membre du crime organisé qu’à celui d’un professionnel qui maitrise la stratégie d’un jeu à la perfection comme celui d’un maître des échecs. Par contre, de nos jours, la réalité est toute autre. La majorité des joueurs jouent devant leur ordinateur, leur cellulaire ou leur tablette. Souvent plusieurs parties à la fois. Les meilleurs joueurs sont devenus des vedettes et sont commandités par des sites en ligne. Mais que s’est-il passé pour que le mode de vie et le statut des joueurs professionnels de poker changent en si peu de temps? Qu’est-ce que cela à avoir avec l’évolution de la conjoncture du poker? Le lien est assez simple à comprendre. Les causes sont les mêmes: deux chocs technologiques positifs sur l’économie du poker qui ont eu lieu au début des années 2000. Le premier étant un choc sur la demande de jeu. Le poker à la télévision a été popularisé grâce à une invention, la hole cam, qui a été introduite en Angleterre à l’émission Late Night Poker. C’est une caméra dissimulée derrière les cartes de chaque joueur, ce qui permet donc de voir si le joueur bluffe ou non. Cette invention a été reprise par les plus grands tournois de poker tel que les Worlds Series of Poker et le World Poker Tour. Les grandes chaînes de sports états-uniennes ont suivi le pas et ont commencé à présenter le contenu. Ce qui a permis de présenter, en 2003, la victoire de Chris Moneymaker pour un million de dollars à l’évènement principal des Worlds Series of Poker. La victoire de Monsieur Moneymaker, de son vrai nom, allait changer le cours de l’histoire du poker. Dans un premier temps, Chris n’est pas un joueur professionnel, mais plutôt un simple comptable du Tennessee et il a gagné la somme symbolique d’un million de dollars. Dans un deuxième temps, il a gagné son droit d’entrée au World Series of Poker en misant 39$ sur un site de poker en ligne. Donc grâce à la hole cam, son gain qui a été télédiffusé à travers l’Amérique du Nord, a amené plusieurs de tenter le coup. Il était le symbole du rêve américain: devenir millionnaire à partir de quelques dollars. Ça semblait si simple, vous n’avez qu’à jouer au poker de votre ordinateur et vous n’aurez plus jamais à aller travailler. La demande a explosé comme on peut le voir en regardant les entrées du Main event des WSOP. Ce qu’on a aussi appelé la bulle du poker. Le deuxième choc a affecté l’offre de jeu. Historiquement, pour jouer on devait se déplacer dans un salon de poker. Il coûte cher d’exploiter ce genre de salles. On doit avoir un croupier par table en plus d’un établissement et bien d’autres coûts. Les coûts fixes ainsi que le coût marginal sont plutôt élevés. Par contre à la fin des années 90, on voit SORTONS DES SENTIERS BATTUS L’ÉVOLUTION DE LA CONJONCTURE DU POKER Par Charles-A P-Demontigny Chris Moneymaker
  • 6. SEPTEMBRE 2014 - 6 - apparaître les premiers sites de jeux en ligne. La fonction de coût de production change d r a s t i q u e m e n t . Comme la plupart des producteurs de biens numériques, pour des films ou de la musique par exemple, le coût marginal est pratiquement nul. Contrairement à un casino, offrir une table supplémentaire sur le serveur ne coûte rien. Avec ces deux évènements, en plus de plusieurs autres indirects, on observe au milieu des années 2000 une quantité consommée de poker considérablement plus élevée que quelques années auparavant. Le marché devient énorme et tant le nombre de joueurs professionnels que le nombre de sites en ligne explosent. Tout le monde veut sa part du gâteau. Il y a donc plus de joueurs professionnels. Des joueurs que je qualifierais de rationnels, puisque pour être capables de gagner sa vie avec ce jeu, ils doivent avoir une connaissance poussée des statistiques, des tendances des adversaires et des faiblesses de leur jeu. L’impact de l’augmentation de ce type de joueurs se traduit en la diminution des revenus pour ceux-ci. Plusieurs ont préféré travailler davantage afin d’améliorer leur jeu que de perdre du profit. Des logiciels sont sortis sur le marché afin d’entreposer les mains jouées et ainsi pouvoir les analyser. Ils permettaient de faire des simulations, étant donné un éventail de mains possible chez notre adversaire, de notre gain espéré et donc trouver la façon optimale de jouer. Des gens ont commencé à discuter sur les forums que le Texas Hold’em sans limites, la variante de poker la plus populaire, pouvait être résolue. Qu’il pouvait avoir une façon de jouer optimale qui ne pouvait pas être battue dans aucune circonstance. Il est important de comprendre ici qu’on ne parle pas d’un équilibre de Nash, qui est la réponse optimale peu importe la stratégie de notre adversaire, mais bien de la meilleure réponse étant donné la meilleure réponse de notre adversaire. L’équilibre se trouve donc en stratégie mixte. Ce qui implique que lorsque notre adversaire dévie de l’optimalité, pour faire un profit maximal, on doit aussi dévier. Pour faire un exemple simple, prenons le jeu Roche, Papier, Ciseau. Ici la façon de jouer optimale, en stratégie mixte, est de jouer aléatoirement un tiers du temps roche, papier et ciseau. On ne peut pas perdre à long terme de cette façon. Par contre, si l’on joue contre quelqu’un qui dévierait de cette stratégie par exemple quelqu’un qui aimerait bien les roches, la stratégie qui nous ferait gagner plus changerait. On devrait opter plus souvent pour papier bien sûr. D’après certains, il en serait de même au poker, mais avec une quantité de possibilité beaucoup plus grande. Il est même assez probable que la stratégie des meilleurs joueurs au monde soit assez proche de cette optimalité. Pour ce qui est de mes observations personnelles, depuis peut-être cinq ans j’ai pu observer une convergence des styles avant le flop. C’est la partie du jeu où le nombre de possibilités est le plus limité, étant donné que chaque joueur ne possède que deux cartes. La plupart des joueurs rationnels jouent d’une façon assez similaire utilisant un bon mixte de bluffs et de bonnes mains. La question qu’on doit se poser est la suivante: quel serait l’impact si le jeu était résolu? SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 7. - 7 - SEPTEMBRE 2014 Auparavant on pouvait voir des joueurs qui gagnaient, grâce à l’abondance de mauvais joueurs, en utilisant des stratégies exploitables telles que ne pratiquement jamais bluffer ou bluffer pratiquement tout le temps. Il devenait donc assez facile de s’ajuster afin de pouvoir faire un bon profit contre ces joueurs. Une autre tactique employée afin d’atteindre un gain optimal a été d’utiliser des données empiriques afin de trouver les tendances moyennes de joueurs. On parle ici d’analyse de bases de données de plusieurs millions de mains jouées. On devrait donc jouer, pour reprendre l’exemple, plus souvent papier dans telle situation et vice versa. Par contre, cette méthode manque un peu de précision et nécessite, telle que la précédente, des ajustements en temps réel. La meilleure façon de jouer doit probablement être d’utiliser les deux méthodes pour des situations particulières. La question qu’on doit se poser est la suivante: quel serait l’impact si le jeu était résolu? S’il était possible, de façon assez simple avec quelques dizaines d’heures d’étude, de jouer un style optimal en théorie des jeux? Ma prédiction serait que le jeu perdrait sa popularité. L’exemple qui me vient en tête est celui du backgammon. Il peut paraître assez farfelu de faire ce constat, mais ce jeu est similaire en plusieurs points au poker. C’est un jeu assez complexe qui rallie chance et stratégie. On peut y jouer sur internet, mais pratiquement personne n’y joue. Pourquoi? La réponse est fort simple, le jeu a été pratiquement résolu. Cela implique qui est impossible de battre, à long terme, les joueurs professionnels. Il est même possible de trouver des logiciels gratuits sur internet pour générer les coups optimaux à partir de la situation de la partie. Il est aussi important de comprendre que ces jeux sont à somme négative. Ce qui signifie que si l’on sommait l’ensemble des gains et des pertes de tous les joueurs le résultat serait dans le rouge. Et ceci, étant donné que les fournisseurs de jeux en ligne se prennent une cote sur chaque partie jouée. Alors, à quoi bon jouer à un jeu résolu si l’on est certain de subir une perte? Au cours des deux dernières décennies, on a donc pu voir un changement complet dans le monde du poker. Le jeu qui se jouait exclusivement en face à face et est devenu un jeu qui se joue majoritaire sur internet. L’affluence de joueurs sur le site Pokerstars monte souvent au-dessus de la barre des 100 000 joueurs, plus que la population de la merveilleuse ville de Brossard. Par contre, les bonnes années sont bel et bien derrière nous. On ne voit pratiquement plus de partie haute mise et le nombre de sites a baissé considérablement. On a passé d’un marché avec un coefficient de concurrence élevé à ce qui ressemble plutôt à un oligopole avec comme meneur Pokerstars. Plusieurs pays ont aussi légiféré et ont monopolisé l’offre de jeu en ligne. Ceci vient se greffer à la menace d’une perte de popularité marqué possible face à la résolution du jeu. L’avenir n’est pas rose pour le monde des joueurs professionnels. La seule lueur d’espoir est le retour du poker en ligne aux États-Unis. Alors un conseil pour les jeunes à l’écoute, allez à l’école et devenez dentistes, pas joueur de poker professionnel. SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 8. SEPTEMBRE 2014 - 8 - A u moment de prendre une décision, tout individu évaluera les possibilités qui s’offrent à lui pour ensuite sélectionner l’option la plus intéressante. C’est une base de la microéconomie : les individus font des choix rationnels en fonction de leurs intérêts, pour maximiser leur utilité ou leur bien- être. Suivant cela, si on offre deux emplois identiques en tous points à une personne, mais avec des salaires différents, la personne choisira logiquement l’emploi le plus rémunéré. Selon cette théorie, l’incitatif financier reste le plus puissant. Par contre, ce fondement de la théorie économique ne semble plus tenir la route lorsqu’on porte attention aux faits. Pourquoi une personne poserait un geste aussi irrationnel que faire du bénévolat, ou soutenir un organisme caritatif? C’est caricatural, mais elle n’a techniquement aucun intérêt à faire cela; il n’y a aucune compensation financière. J’élaborerai ici sur ce que je nomme « l’incitatif du bon samaritain », soit le sentiment de satisfaction sociale qui motive les gens à faire des gestes pour lesquels ils ne reçoivent aucune compensation financière. Avant toute chose, rappelons que plusieurs auteurs se sont penchés sur la question de l’irrationalité des comportements humains. Dan Ariely, dans son ouvrage Predictibly irrational (2008), élabore en suivant de nombreuses études, expériences et anecdotes. Par exemple, une personne doit choisir entre trois hôtels pour ses vacances : un premier à Paris, avec déjeuner d’inclus, un second à Rome, avec déjeuner d’inclus, et un troisième aussi à Rome, mais sans déjeuner. Presque systématiquement, les gens choisissent Rome, avec déjeuner, sans nécessairement avoir une prédisposition pour cette ville; simplement en ayant la possibilité de comparer plus facilement les options et de choisir la meilleure. Il est plus complexe de comparer Paris à Rome, que Rome à elle-même, et les gens prennent ce raccourci de prise de décision. Une autre des expériences a été faite avec des avocats à qui on aurait demandé de traiter des dossiers de personnes retraitées dans le besoin pour 30$, et ceux-ci refusaient. Toutefois, lorsqu’on leur demandait de traiter gratuitement ces dossiers, le mot GRATUIT créerait une certaine satisfaction et les avocats acceptaient davantage. Le sentiment d’avoir aidé inciterait à poser des actions illogiques en apparence. Theory of the leisure class (1899) de Thorstoein Veblen est aussi un incontournable. Dans cet ouvrage, Veblen a entre autres analysé toute l’énergie et le temps qui sont utilisés pour le « paraître ». Alors que ce n’est aucunement utile, les individus tentent d’élever leur statut social et de se hisser au dessus de la masse. Bien paraître pour bien se sentir. Évidemment, ce sentiment est purement relatif au contexte où la personne évolue. Une personne vivant dans le luxe, l’abondance et roulant sur l’or, dans un certain endroit pourrait être bien normal, voir pauvre, dans un tout autre lieu. La démonstration ostentatoire de ses richesses ne procure rien d’autre qu’un sentiment de fierté. Ce ne sont que deux brefs exemple, mais ceux qui sont intéressés par ces questions sont invités à approfondir les ouvrages d’auteurs d’économie comportementale. De façon plus spécifique, nous approfondirons l’aspect des dons aux organismes caritatifs. Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), « Près de 85% de la population québécoise a fait un don en 2010 et a versé, en moyenne, 208$ au cours de l’année »1 . Entre 2004 et 2010, la proportion de donateurs est stable et le montant moyen ne varie que peu. La très vaste majorité de la population, volontairement, donne à des organismes de la société civile « L’INCITATIF DU BON SAMARITAIN » Par Hugo Morin Ce serait cette motivation, difficilement quantifiable sans recherches plus approfondies, qui serait à la base de gestes communautaires. SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 9. - 9 - SEPTEMBRE 2014 une part de son salaire. Cela semble complètement illogique, puisqu’il n’y a aucun intérêt. On pourrait penser que l’objectif est de recevoir un crédit d’impôt en retour. Selon l’étude, seulement 15,7% des donateurs l’ont fait pour recevoir des crédits d’impôts, alors que 88,4% ont été motivé par la compassion et 80,5% par croyance à la cause2 (les raisons n’étaient pas mutuellement exclusives). Au Québec, pour un don de 208$, seulement 74,24$ sont retournés en crédits d’impôts non-remboursables3 , et seulement si l’organisme est enregistré comme organisme de bienfaisance auprès de l’Agence de revenu du Canada. Ce n’est donc pas suffisant pour expliquer un comportement si largement répandu. Les gens semblent motivés par un besoin de contribuer à la société dans laquelle ils évoluent, un besoin de se sentir utile et d’aider. Est-ce que cet incitatif est purement égoïste : ces individus aimeraient recevoir la même aide s’ils se retrouvent dans une situation difficile? Sinon, au contraire, serait-il possible que les gens agissent par pur altruisme? Ce dilemme serait très c o m p l e x e à démystifier, mais une chose semble certaine : des réactions émotives détachées de l’incitatif financier pousse une grande majorité de la population à donner à des organismes de bienfaisance, ce que j’appelle « l’incitatif du bon samaritain ». Ce serait cette motivation, difficilement quantifiable sans recherches plus approfondies, qui serait à la base de gestes communautaires. Si beaucoup soutiennent que nous vivons dans une société d’individualistes égocentriques, ces données démontrent le contraire. Cela se retrouve aussi dans les statistiques liées au bénévolat. « Le bénévolat rythme la vie de millions de personnes aux quatre coins du Québec. Au total, selon les données de l’ECDBP (2007), près de 2 371 700 personnes âgées de 15 ans et plus ont effectivement affirmé avoir effectué au moins une activité bénévole au cours de l’année. Cela correspond à près de deux personnes sur cinq »4 . Chaque bénévole aurait offert, en moyenne, « l’équivalent de près d’une demi-journée de travail par semaine ». Ces chiffres ne sont pas comptabilisés dans le calcul du PIB, mais cela crée tout de même une grande richesse collective supplémentaire. Encore une fois, rien n’explique ce type de comportement dans la théorie économique conventionnelle. Par contre, il est indéniable que cela fait partie des habitudes de vie de nos concitoyens. Et encore une fois, l’incitatif qui semble motiver ces gens est la gratification personnelle, le besoin de se sentir utile et l’impression de devoir. En voyant ces données, une idée m’est venue à l’esprit. Prenons un exemple : lorsqu’une personne donne mensuellement un montant d’argent à Greenpeace, l’organisme fera parvenir de la documentation sur ce qu’a fait l’organisme avec le don, ou ira même jusqu’à téléphoner au donateur pour le remercier. Cette initiative fera croître le sentiment de fierté, motivant la personne à continuer à donner. L’individu se fait remercier pour son support à la cause et peut constater concrètement ce que son don a permis à l’organisme de faire. La personne se sent utile à la cause. The parable of the Good Samaritan, par Jan Wijnants, 1670 SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 10. SEPTEMBRE 2014 - 10 - Et maintenant, si les gouvernements utilisaient la même tactique avec l’ensemble de la population et informaient chaque citoyen de ce que ses taxes et impôts auront permis au de faire comme projet, de façon très concrète? Les citoyens seraient fiers de contribuer à leur société et prendraient conscience que tous les projets gouvernementaux et institutions qui aident la population n’existent que grâce à notre contribution. Un don à la Croix Rouge aide des peuples dans des moments de crises, et c’est très valorisant de contribuer à cette aide. Payer des taxes aide chaque individu de notre pays, autant dans des moments de crises que dans des projets d’avenir, autant les gens dans le besoin que ceux qui nous font avancer. Si je paie X dollars en taxes et impôts, cela équivaut à l’éducation de Y enfants, au pavage d’un certain nombre de route, ou encore à une certaine quantité de livres dans les bibliothèques scolaires. Si on dit que l’on doit briser le cynisme ambiant qui touche le monde politique, je dis plutôt que l’on doit souligner les efforts que nous faisons collectivement. La vaste majorité cherche déjà ce sentiment de fierté du devoir accomplis, aussi bien utiliser ce levier social. Évidemment que les erreurs de nombreux politiciens ne doivent pas être tues, mais la machine politique conserve des outils inestimables qui peuvent et doivent être utilisés à bon escient, ce qui est trop souvent oublié. Q u'est-ce que la valeur? Qu'est-ce qui la détermine? Qu'est-ce qu'implique la valeur? Des interrogations simples, mais non moins cruciales pour le discours économique. La définition de la valeur est relativement large. Elle peut désigner la qualité et la justesse d'un bien. La valeur désigne également l'importance et l'intérêt qu'on porte à un objet. Enfin, elle est un déterminant indispensable à l'échange économique. Valeur objective et valeur subjective En science économique, il existe deux définitions de la valeur. La valeur peut être un concept objectif. Cela signifie que la valeur est indépendante des préférences individuelles. Elle est déterminée par des attributs intrinsèques à l'objet. Cette position fût défendue par les physiocrates, pour qui la base de la valeur est la terre. Celle-ci est le point de départ de l'activité économique: toute production artisanale ou commerciale est basée sur la production agricole. Cette conception objective est reprise par les économistes classiques comme Hume, Smith et Ricardo, ainsi que par Marx. Sous le nom de « valeur-travail », ils soutiennent que la valeur d'un objet dépend du temps de travail direct et indirect nécessaire à la fabrication d'un bien. On peut également concevoir la valeur comme un concept subjectif. Dans ce cas, il dépend de l'appréciation qu'un individu accorde à un bien. Cette idée se fonde sur des principes psychologiques et non sur des critères marchands. Pour les marginalistes, la valeur mesure le désir d'obtenir un bien. Sur ce principe, la valeur n'est pas un concept fini car le désir d'obtenir un bien n'est pas immuable. L'utilité d'un bien diminue au fur et à mesure que sa consommation augmente. Lorsqu'on a soif, le QU’EST-CE QUE LA VALEUR? Par Alexis Bureau-Thibault SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 11. - 11 - SEPTEMBRE 2014 premier verre d'eau sera plus satisfaisant que le second, et ainsi de suite. De plus, l'utilité d'un bien varie selon les individus et leur situation historique. Elle est donc sujette à une évolution continuelle. Valeur et utilité Dans le courant néoclassique, le débat sur la valeur s'est éteint. Les concepts de valeur d'usage et de valeur d'échange sont devenus interchangeables. L'utilité d'un bien correspond à son prix sur le marché, ce dernier résultant de l'équilibre entre offre et demande. Le processus d'ajustement correspond aux variations de l'utilité que les agents économiques accordent à un bien. Dans cette « synthèse », il reste que la valeur d'un bien dépend de son utilité. Celle-ci est intimement liée à la notion de besoin et de rareté. Or, le consensus actuel voulant que la valeur s'exprime par le prix, les biens qui ne transitent pas sur le marché n'ont aucune valeur. Cela exclut le bénévolat, les ressources naturelles comme l'air, etc. Pourtant, si ces éléments n'ont pas de valeur, ils ont une utilité. Ils répondent à des besoins au même titre que les autres biens auxquels on accorde une valeur monétaire. Est-ce bien légitime que le marché soit un passage obligatoire afin de déterminer la valeur? Valeur et échange Au sens économique, un échange est le transfert d'un bien contre un objet de valeur équivalente. Le troc étant peu répandu dans le monde actuel, la monnaie fait office d'intermédiaire d'échange, une de ces trois fonctions avec la réserve de valeur et l'unité de compte. Actuellement, l'argent ne fait qu'exprimer la valeur des autres biens afin de faciliter les échanges et n'a aucune valeur intrinsèque. Ainsi, le cours des prix peut fluctuer, sans que l'utilité des biens en soit changée. Comme on a pu observer lors la crise immobilière de 2008, de nombreuses villes ont vu les prix des logements diminuer drastiquement. Or, si une maison perd de sa valeur monétaire, son utilité ne change pas. Elle garde ses attributs. En conclusion, on fait face à deux caractéristiques principales de la valeur. Elle peut correspondre à un prix monétaire ou à l'utilité d'un bien. La première caractéristique est l'expression de la valeur d'échange d'un bien vis-à-vis de tous les autres sur le marché. La seconde désigne la satisfaction qu’entraîne sa consommation. On remarque que la valeur-travail, concept qui a toujours occupé une place importante dans les discussions économiques, a complètement disparu de nos jours. De plus, bien que l'utilité est le maître-mot de la théorie microéconomique et macroéconomique, elle est restreinte à s'exprimer par le système de prix. En fin de compte, l'économie ne considère qu'une partie des nombreuses caractéristiques de la valeur. La question se pose de savoir si cette science devrait élargir sa définition de la valeur ou si les différentes facettes appartiennent chacune à des domaines de recherche distincts. SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 12. SEPTEMBRE 2014 - 12 - S abrons le champagne! Cette parution marque le début de la 4e année d'existence d'Horizons économiques, et quelle existence! Bien que le journal ait connu des hauts et des bas depuis sa première diffusion en septembre 2011, sa mission a toujours été de diffuser un contenu varié, mettant de l'avant les propos et sujets d'intérêts des étudiants en économie. Depuis son idéation, résultat du désir avoué d'une poignée d'étudiants revendiquant une plateforme pour diffuser un savoir économique plus élargi, plus approfondi ou plus pratique que ce que les cours permettaient d'acquérir, à l'effervescence de la nouvelle équipe qui ne cesse d'impressionner par ses idées hautes en couleur et l'efficacité de ses plumes, Horizons Économiques a toujours tenu la promesse de son nom: ouvrir les horizons de ce qu'est la science économique sans s'asseoir sur des idées préconçues. Et parce que ses nouvelles plumes sont bien affûtées, l'ornant d'un plumage des plus coloré, et parce qu'il vol de ses propres ailes depuis maintenant plus d'un an, cette dernière contribution de ma part veut rendre hommage à ce bout de papier pour son chemin parcouru depuis sa première envolée. Et quelle meilleure façon de célébrer un anniversaire qu'en racontant des anecdotes et en faisant le bilan des années passées? Avouons- nous-le, il en existe plusieurs autres, mais elles ne peuvent pas toutes faire l'objet d'un article. Contentons-nous donc d'anecdotes. Des idées de grandeurs Dans la foulée de la première année de vie d'Horizons Économiques, le succès retentissant auprès du lectorat nous amenait une foule d'idées. Aux aspirations de devenir un journal universitaire panmontréalais sur l'actualité économique à l'ambition de devenir une revue publiant des travaux de recherche scientifique révisés par les pairs, rien n'arrêtait notre imagination sans borne, avide de la conquête d'un lectorat toujours plus grand. Mais la réalité nous a rapidement rattrapés. Les commanditaires étant difficiles à trouver, un tirage trop élevé n'aurait probablement pas été soutenable à long terme. De plus, le temps requis à la gestion de la diffusion à grande échelle dépassait largement ce que nous permettait notre horaire d'étudiant. Nous avons alors décidé de miser sur la diffusion à l'échelle du département et sur la nature locale et collective du journal. Notre vision était de revenir au département dans dix ans et retrouver le journal que nous avions fait naître, toujours à la poursuite des débats d'idées. L'année de vaches maigres La deuxième année d'existence du journal marque un certain plat. Après une année effervescente, le départ de certains étudiants vers d'autres projets nous a amenés à composer avec une équipe réduite. Je me souviens qu'à cette époque, nous avions tenu un comité de rédaction à seulement trois personnes. La possibilité d'établir un partenariat avec les autres journaux étudiants de l'UQAM avait même été D’UN HORIZON À L’AUTRE: LE BILAN DU CHEMIN PARCOURU Par Martin Ste-Denis, co-fondateur d’Horizons Économiques, M. Sc. Économique La première parution d’Horizons Économiques, septembre 2011 SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 13. - 13 - SEPTEMBRE 2014 sérieusement envisagée afin de partager des ressources et stimuler les échanges interfacultaires. Les divergences d'idées et de façons de faire ont toutefois éliminé cette possibilité. Loin de baisser les bras, nous avons ensuite entamé une tournée des classes et sommes allés à la reconquête du département d'économie. Ce fut un succès qui a établi les bases de l'évolution qui suivit. Chapitre 2: après l'établissement, place à la création Enfin, depuis mai 2013, avec à sa tête un rédacteur en chef dynamique, très accessible et professionnel en la personne d'Hugo Morin, l'équipe du journal promet plusieurs belles années de débats d'idées et d'examens de problématiques économiques. Voulant pousser plus loin la réflexion des grands enjeux sociaux et académiques, les journalistes n'hésitent pas à fournir les dossiers de recherches et témoignages les plus pertinents les uns des autres. Horizons économiques est maintenant devenu un des rouages de la revendication d'un enseignement pluriel de l'économie au niveau universitaire en publiant constamment des articles qui sortent des sentiers battus. L'année 2012-2013 marque aussi le retour à des comités de rédaction bouillonnants et inclusifs, accueillant tout un chacun voulant partager ses idées et mettre à contribution sa plume. En bout de la ligne, ça donne quoi d'écrire pour Horizons économiques? Les économistes aiment bien connaître l'effet des efforts qui sont mis de l'avant. Certains effets, bien que très réels, sont difficiles à mesurer. On peut penser aux nouveaux contacts établis auprès des autres étudiants qui participent au journal ou l'expérience de l'engagement étudiant. Depuis trois ans, certains journalistes ayant contribué au journal ont fini leurs études et sont entrés sur le marché du travail. Lorsque convoqués en entretien d'embauche, du monde syndical au monde académique, en passant par la fonction publique québécoise, au moins une demi- douzaine d'entre eux ont été questionnés sur leur implication au journal. À la fin de leur entretien, on leur a même demandé une copie d'un de leurs articles! Lukas Jasmin-Tucci, collaborateur de longue date, raconte comment il a obtenu l'emploi qu'il occupe aujourd'hui : « À compétences égales, c'est le petit "plus" qui a pu me donner un avantage sur les autres candidats, en prouvant que je savais rédiger des textes avec un style à la fois journalistique et scientifique. Autrement dit, c'est une démonstration de mes capacités de vulgarisateur. La rédaction est d'ailleurs un aspect important de la formation d'économiste qui, étrangement, n'est jamais abordé dans les cours. » Je peux aussi témoigner personnellement sur l'effet du journal sur mon CV. En entrevue d'embauche, on m'a demandé « Êtes-vous plus Excel ou plus Word? » (sic). Être capable de vanter les mérites d'avoir une formation en économique très quantitative, tout en pouvant affirmer, sans ciller, pouvoir rédiger de façon critique, tout en fondant ses dires sur de la recherche, m'a permis de convaincre le chasseur de talents que je suis la ressource polyvalente dont il avait besoin. Ne reste plus, ensuite, qu'à signer en bas de la page. En conclusion, bien que cette estimation repose encore sur bien peu d'observations, il n'est pas insensé d'affirmer qu'une contribution au journal pourrait avoir un effet positif et significatif sur votre future carrière, mais aussi sur la qualité de votre expérience universitaire. Être le meilleur économiste du monde ne veut rien dire si personne n'arrive à déchiffrer ce que vous voulez démontrer entre Epsilon, le théorème de Frisch-Waugh et une expansion de Taylor. Il ne vous suffit plus qu'à vous activer la syntaxe, la grammaire et l'orthographe et profiter de cette merveilleuse plateforme qu'est Horizons économiques pour montrer à la face du monde ce que vos idées valent. À vos dactylos! SORTONS DES SENTIERS BATTUS
  • 14. SEPTEMBRE 2014 - 14 - N é du concept de gouvernance économique et financière internationale, le Fonds monétaire international est un organisme des Nations Unies qui a comme première mission de « veiller à la stabilité du système monétaire international ».1 Il compte aujourd’hui 188 membres. L’organisme a été créé en 1944 par 29 gouvernements à la conférence de Bretton Woods. Les membres créateurs avaient alors l’intention la mise en place d’un cadre permettant d’éviter les erreurs commises dans les années 30 à l’échelle internationale. On percevait, à cette époque, une série de problèmes qu’il fallait à tout prix éviter, soit les fluctuations majeures des taux de change de l’après Première Guerre mondiale, la réaction en chaîne causée par la déflation américaine, les barrières commerciales s’aggravant et la diminution du multilatéralisme laissant plus de place au bilatéralisme.2 Mais, au-delà de la recherche de solutions aux problèmes perçus à cette époque, le FMI avait d’ores et déjà comme but d’assurer la croissance économique en empêchant le retour à l’autarcie et au protectionnisme. Mais, comment a- t-il évolué depuis et comment parvient-il à atteindre ses objectifs et à faire appliquer ses politiques? Le Fonds monétaire international a évolué conjointement à la mondialisation depuis sa création. En 1944, les flux financiers privés représentaient une part mineure de l’investissement. Le rôle du FMI lors de situations de crises était alors de prêter des fonds aux pays avec une balance de paiements déficitaire. Puis, avec la croissance importante des flux financiers internationaux privés dans les années 1970 et 1980, les prêts du FMI, en plus de rétablir la balance des paiements, servaient à augmenter la confiance des agents économiques. Une fois la confiance acquise, les créanciers recommençaient à financer les projets d’investissement des pays en difficultés. L’importance grandissante des marchés financiers qui a permis aux pays avancés de financer leurs paiements extérieurs par les flux privés a créé deux groupes au sein du FMI soit les débiteurs et les créanciers. Puis, la crise de la dette de 1982 a aussi conféré au FMI un nouveau rôle de prévenir et gérer les crises économiques internationales. Les prêts accordés par le FMI ont grandement fluctué au cours des années. Alors que le choc pétrolier des années 1970, la crise de la dette des années 1980 et la crise asiatique de la fin des années 1990 ont nécessité des prêts considérables du Fonds, le début des années 2000, jusqu’à la crise de 2008, a rendu le rôle du FMI plus marginal. La bonne conjoncture permettait aux débiteurs de rembourser rapidement leur prêt et aux pays avancés de pratiquement ignorer la surveillance du FMI. Or, la crise de 2008 a fait passer les prêts du Fonds de 10 milliards de DTS en 2007 à 80 milliards de DTS en 2011. Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont achetés par les pays membres désirant s’acquitter de leurs obligations envers le FMI et vendus par les pays membres voulant augmenter leur réserve. Le FMI agit à titre d’intermédiaire entre les membres en s’assurant de la liquidité et du caractère de réserve du DTS. Comment fait le FMI pour faire appliquer ses politiques économiques? Les prêts du Fonds sont assortis d’une politique économique que le pays emprunteur doit respecter. Ce dernier est tenu d’adopter les mesures qu’il s’est engagé à prendre pour régler ses problèmes de balance des paiements. Ces conditions structurelles font l’objet de beaucoup de critiques puisqu’elles sont assujetties à l’idéologie économique du FMI qui se caractérise souvent par la promotion de mesures d’austérité. En effet, depuis les années 1990 jusqu’à la crise de 2008, le FMI appliquait le consensus de Washington. Ce consensus désigne la doctrine néolibérale s’appuyant notamment sur l’équilibre budgétaire, la libéralisation financière et commerciale et la privatisation des entreprises. Dans le but d’amener les pays en voie de développement vers la mondialisation, il a été appliqué DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? LE FMI: AIDE ILLUSOIRE? Par Manuel Paquette DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 15. - 15 - SEPTEMBRE 2014 sévèrement par le FMI au cours des années 1990. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, a fait une critique, dans « La grande désillusion », des institutions financières internationales notamment du FMI. En 1998, l’économiste s’est rendu dans plusieurs villages du Maroc pour y constater l’impact de la Banque Mondiale sur la vie des habitants. Une entreprise d’État financée par la Banque distribuait des poussins aux villageoises et leur apprenait à en faire l’élevage. Le FMI, avec ses politiques de privatisation avait signifié au gouvernement marocain que ce n’était pas son rôle de distribuer des poussins. Un nouveau distributeur privé avait alors pris le relais de la distribution. Cependant, en considérant le haut taux de mortalité des poussins, les villageoises ne pouvaient pas prendre le risque de s’en procurer et de subir les pertes. Le programme s’était alors éteint. Selon Stiglitz, le FMI focalise ses efforts sur les problèmes macroéconomiques et non sur l’efficacité et la compétitivité des marchés intérieurs. De plus, la privatisation imposée par le fonds amène des pertes d’emploi qui ont souvent un coût pour l’État supérieur au gain de la privatisation et de son efficience.3 Selon Kenneth Rogoff, alors économiste en chef du Fonds monétaire international et en réponse à Joseph Stiglitz, le FMI agit comme prêteur en dernier ressort et « intervient là où aucun créancier privé n’est prêt à le faire et *…+ consentit des prêts à des taux que ces pays n’ambitionneraient pas d’obtenir même dans les circonstances les plus avantageuses. Ils comprennent que, à court terme, les crédits du FMI leur permettront d’adopter des mesures d’austérité moins pénibles que celles auxquelles il leur faudrait autrement se résoudre. » Il rajoute que « les États conservent généralement une marge considérable de liberté dans leurs choix politiques, notamment pour ce qui est de la sélection des programmes assujettis à des coupes. »4 Le FMI admet aujourd’hui certaines de ses erreurs de gestion des crises asiatiques et grecques. Il se sépare de l’application complète du consensus de Washington. Dans de récents bulletins sur sa politique générale, le Fonds accorde une nouvelle importance à la lutte contre les inégalités.5 Elle souligne que cette lutte peut se faire avec de politiques redistributives. Dans une sphère économique toujours instable, plusieurs défis attendent toujours le FMI. Est-ce que ces changements mineurs de politique lui permettront d’être à la hauteur des attentes et est-ce que les erreurs produites dans le passé seront commises à nouveau ou pourront-elles être évitées? Notes FMI, Le FMI en un clin d’oeil, www.imf.org Henry, Gérard Marie. LE FMI, 2012, Studyrama, p.21 Stiglitz, Joseph. (2002). La grande désillusion. Paris : Fayard. Cuny, Olivier. (2006). La gouvernance économique internationale. Paris : Montchrestien. Fonds monétaire international (FMI). Bulettin du FMI : politique générale. Récupéré le 19 août 2014 de http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/survey/ so/2014/pol031314af.htm DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 16. SEPTEMBRE 2014 - 16 - E n 2014, nous, citoyens ordinaires, vivons dans un monde d’une complexité croissante dans lequel nos pouvoirs relativement modestes face aux institutions qui nous représentent ne cessent de se diluer ou de disparaître, purement et simplement. Le Fond Monétaire International, l’Organisation Mondiale du Commerce, la Banque Centrale Européenne et la Banque Mondiale sont des organismes de calibre international qui ont l’autorité et les moyens suffisants pour prendre des décisions qui affectent plusieurs millions d’individus à travers plusieurs frontières. Au regard de ces faits, il est légitime de se questionner sur la pertinence de telles organisations. Quelles sont les causes qui ont mené à l’émergence de ces structures ? Qui les dirigent et comment ces dirigeants sont-ils choisis ? À qui rendent-ils des comptes ? Examinons plus en détail le cas de la Banque Mondiale. La Banque Mondiale a été créée durant la Seconde Guerre Mondiale dans le but d’aider à financer la reconstruction de l’Europe. Soixante-dix ans plus tard, cet objectif est toujours au cœur de la mission de cette institution qui, hélas, a toujours fort à faire dans ce domaine. Son rôle ne se limite toutefois plus à ça et l’augmentation de son champ d’action a mené à une plus grande diversification et spécialisation de ses employés à travers le monde. Aujourd’hui, la Banque Mondiale est composée de cinq organismes distincts : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale de développement (IDA), la Société financière internationale (SFI), l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) et le Centre international de règlement des différends internationaux (CIRDI). Ces cinq entités travaillent de concert pour mener à bien les deux objectifs actuels de la banque qui sont de réduire l’extrême pauvreté et d’augmenter le revenu des 40 % plus pauvres individus de chaque pays. En ce qui a trait à sa structure organisationnelle, la Banque Mondiale semble avoir à cœur une juste représentation de ses 188 pays membres. Chacun d’eux est représenté par un gouverneur – lequel est généralement le ministre des finances d’un pays donné – qui siège au Conseil des Gouverneurs, lequel se tient une fois par an. En plus des gouverneurs, 25 administrateurs sont appointés par le Conseil des Gouverneurs pour veiller à la bonne marche des activités courantes de l’organisation. Les gouverneurs des cinq principaux pays membres de la Banque Mondiale – en fonction de la taille de leur économie – nomment chacun un administrateur et les 20 autres sont élus pour représenter les 183 pays restants. Ce système peut sembler avantager disproportionnellement les plus gros ‘’actionnaires’’ de cette coopérative qu’est la Banque Mondiale, mais si l’on considère les buts principaux de cette organisation, il est logique que les pays ayant une plus grosse économie bénéficient d’une attention plus importante. Rien dans le système de fonctionnement de la Banque Mondiale ne nous permet de suggérer que cette organisation n’agit pas dans le meilleur intérêt des populations qu’elle dessert, et l’étendue de son action suffit à justifier son caractère multinational. Ceci m’amène à me poser la question suivante : les organisations de cette nature ne sont-elles pas indispensables dans un contexte DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? LA BANQUE MONDIALE: EN GUERRE CONTRE LA PAUVRETÉ DEPUIS 70 ANS Par Louis-Emile Ambourhouet-Bigmann Les organisations de cette nature ne sont-elles pas indispensables dans un contexte de mondialisation comme celui dans lequel nous vivons ? DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 17. - 17 - SEPTEMBRE 2014 encore aujourd’hui un rôle majeur à jouer dans la lutte contre la pauvreté, par des investissements et la mise en place de politiques et d’infrastructure ciblant les personnes qui en ont le plus cruellement besoin, pas uniquement des marchés dans leur ensemble sans égard aux individus qui les composent. L’étude de la science économique nous enseigne que sa pratique vise l’efficacité des marchés et de leurs mécanismes d’allocation des ressources globalement, mais est-ce encore à l’avantage du plus grand nombre ? Et si nos systèmes ne sont pas conçus pour venir en aide aux plus démunis, qui le fera à l’échelle de la planète, si ce n’est la Banque Mondiale ? L’ organisation mondiale du commerce aura vu le jour 50 ans après ses premiers balbutiements. L’idée d’un organisme supranational, dont l’objectif premier est de régulariser les échanges commerciaux entre pays, a été emmenée pour la première fois lors de la signature des Accords de Bretton Wood, en 1944. À ce moment fut ratifié l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commercer (GATT), qui a mis des premières balises claires quant aux échanges commerciaux. L’idée fondamentale était d’éviter toutes les distorsions des différents marchés qui pouvaient subvenir lorsqu’un pays instaurait des tarifs douaniers, subventionnait une entreprise locale ou encore instaurait des quotas sur les de mondialisation comme celui dans lequel nous vivons ? Les détracteurs de cette institution affirment qu’elle est désormais obsolète dans un contexte d’efficacité grandissante des marchés financiers et de croissance rapide des économies en développement. L’interdépendance ‘‘naturelle’’ de nos systèmes financiers ne saurait souffrir les interventions d’un organe régulateur dont la capacité et les moyens d’intervention ne seraient plus en phase avec notre réalité. Cet argument ne peut provenir que d’individus qui ont une compréhension limitée du rôle de la Banque Mondiale dans la réduction de la pauvreté à travers le monde, ou qui ne saisissent pas pleinement les facteurs inhérents à la pauvreté systémique. La croissance empiriquement observable des économies qui comptaient jadis parmi les plus pauvres de la planète est certes encourageante, mais elle ne devrait nous faire oublier les laisser pour compte : une économie peut croître de manière exceptionnelle sur le papier au détriment des classes les moins fortunées, dont les conditions changent rarement au même rythme – ou dans la même direction – que celles de leurs pays respectifs. La Banque Mondiale a importations. Cela permet aux pays de développer les entreprises où ils ont un avantage comparatif face aux autres nations, tout en évitant d’être étouffés dans son développement. L’accord de Bretton Wood faisait suite à la Deuxième Guerre mondiale; une époque où les grands décideurs mondiaux voulaient relancer l’économie mondiale, pour se relever du conflit. 50 ans plus tard, en 1994, l’Organisation Mondial du Commerce a été institutionnalisée et a pu concrétiser les idées transmises par le GATT et se doter d’une structure beaucoup plus solide. Entre 1994 et 2013, la valeur totale des marchandises exportées est passée de l’équivalent de plus de 4 millions de millions US$ à plus de 18 millions de DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? LA MÉCANIQUE DE L’OMC: SES FORCES ET SES LIMITES Par Hugo Morin DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 18. SEPTEMBRE 2014 - 18 - millions US$.1 Un code de conduite était nécessaire. Nous aborderons ici différents aspects, soient la structure de l’OMC en tant que telle, la portée coercitive de cette organisation, certains points négatifs qui sont soulevés face à l’OMC, ainsi que les améliorations que pourrait prendre l’OMC pour répondre à ces détracteurs. L’OMC fonctionne par consensus et a une structure pyramidale où la Conférence ministérielle, regroupant les représentants des 160 pays membres, est la tête de la pyramide. La Conférence ministérielle élit un Conseil général, qui a comme rôle de ratifier les conclusions des différents conseils et comités de l’organisation, tout en s’assurant que les différents accords sont suivis et respectés. Les accords de l’OMC sont l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT 1994), l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Ils regroupent l’entièreté des règles de l’OMC et chacun a un conseil, qui met sur pieds des comités de révision permettant de vérifier tous les échanges commerciaux pour s’assurer de faire respecter les décisions prises. De plus, le Conseil général peut se réunir sous deux autres appellations, soient l’Organe de règlement des différends (ORD) et l’Organe d’Examen des politiques commerciales. 2 Cette description de l’Organisation est évidemment simplifiée, mais elle en reprend les grandes lignes. En bref, « L'OMC offre une enceinte où sont négociés des accords destinés à réduire les obstacles au commerce international, à garantir des conditions égales pour tous et à contribuer ainsi à la croissance économique et au développement. »3 Un aspect très intéressant dans la structure de l’OMC réside dans son pouvoir coercitif. C’est-à-dire que lorsqu’un pays membre se sent lésé et croit qu’un autre pays membre contrevient à une règle établie, il peut déposer une plainte qui sera traitée par l’Organe de règlement des différends (ORD). Il s’agit ici d’un tribunal administratif qui tranche les litiges entre les États membres. Étonnamment, lorsqu’on regarde la liste des plaignants et défendeurs, ce ne sont pas que les grandes nations qui gagnent leurs causes. En effet, autant les nations riches que défavorisées font appel à ce tribunal et, dans un ratio plutôt équitable, sortent victorieuses. Suite à un verdict, l’État perdant doit cesser sa pratique reconnue illégale, ou se verra subir des sanctions économiques. Cet aspect semble plutôt respecté. En complément à l’ORD se trouve l’Organe d’Examen des politiques. Grâce à cet outil, l’OMC peut s’assurer que toutes les politiques nationales des États membres. Contrairement à d’autres institutions, par exemple l’ONU, l’OMC a le pouvoir d’imposer ce qui y est adopté grâce à différents mécanismes. Ici se situe un nœud important. En fait, beaucoup s’inquiètent justement de la portée de l’OMC. Ce qui y est adopté se voit unilatéralement appliqué. Cette lame a un double tranchant. Un cadre mondial doit être mis en œuvre sans exception, pour permettre à tous les pays d’avoir un respect pour ces règles. La force de ces balises réside dans la confiance que tous les pays membres ont envers celle-ci, DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 19. - 19 - SEPTEMBRE 2014 et cette confiance ne tient qu’au fait que tous s’y conforment. Aucun ne peut en dévier, et l’Organisation est là pour s’en assurer. Pour beaucoup, l’OMC est devenue, par la force des choses, l’Institution internationale la plus puissante. Son pouvoir supplante toute autre juridiction, tant locale que globale, dans les questions qui sont sous sa gouverne. Par contre, une critique soulevée fait référence à la légitimité dudit consensus. En effet, les accords ont été négociés en grande partie derrière des portes closes (plus précisément lors de Green room meetings, rencontre presque informelles entre les grandes puissances pour faire ressortir un « consensus », qui sera ensuite adopté à la Conférence ministérielle). L’Organisation se draperait donc d’un voile de consensus pour avoir une image de cohésion globale, alors qu’il s’agirait de consensus pré-fabriqué.4 D’autant plus frustrant qu’il n’y a pas d’équité des chances entre les nations. Un pays riche peut se payer un grand nombre de professionnels, juristes et négociateurs, alors que les pays défavorisés ne se rendent aux réunions qu’avec de très petites délégations. D’autant plus que le siège social se situe à Genève, un pays où le coût de la vie est très élevé. Cela rend presque impossible à une nation défavorisée d’avoir un représentant siégeant toute l’année. Ce ne sont donc pas tous les points de vue qui y sont défendus, et pourtant tous doivent s’y contraindre. Une autre contestation vient du fait que les Accords ont été adoptés il y a maintenant 20 ans. La procédure pour les revoir est très complexe et rend toute modification presque impossible. L’OMC aurait donc une difficulté à s’adapter aux changements structurels du commerce mondial. Finalement, l’OMC aurait préséance sur toutes les autres institutions mondiales, mais n’a absolument aucun accord lié à la protection de l’environnement ou encore des droits humains. Cela signifie donc que lorsqu’un choix doit être fait entre la défense des droits de populations et le libre commerce, l’OMC privilégiera uniquement le commerce. Il n’est aucunement question de vouloir restreindre le développement économique, en termes d’agrégé mondial, mais plutôt d’en revoir les systèmes de redistribution de la richesse pour s’assurer d’une plus grande équité. Non seulement venir en aide aux populations défavorisées est un devoir moral pour l’humanité, mais c’est aussi rentable économiquement. Offrir un salaire minimal et des conditions de travail décentes à une personne en fera, un jour ou l’autre, un consommateur qui activera la roue du développement économique. La préservation de l’environnement a une importance tout aussi capitale, puisque la richesse mondiale sera beaucoup plus importante, à long terme, si on travaille de concert avec les limites et contraintes de notre environnement. L’OMC devrait donc inclure ces principes à sa mission fondamentale, et qu’en découlent des Accords qui garderait cette importance. Les enjeux de redistribution de la richesse et de protection de l’environnement sont de plus en plus imbriqués aux questions liées au développement économique et aux interactions commerciales. Plusieurs soutiennent que l’on doit plutôt créer des organismes qui s’occuperaient exclusivement de ces questions parallèles, et laisser à l’OMC l’unique tâche de s’occuper du commerce. Je crois qu’il s’agit d’une erreur. L’OMC a un pouvoir structurel extrêmement puissant. Lui créer un alter ego s’occupant de l’environnement reviendrait à créer une dichotomie et nous assurerait d’un bras de fer constant entre ces deux organismes, qui ralentirait toute avancée, tant d’un côté comme de l’autre. Au contraire, doter une machine aussi puissante que l’OMC d’une mission qui impliquerait une équité globale et intergénérationnelle et la protection de l’environnement donnerait à ces combats une toute nouvelle légitimité tout en leur donnant le moyen de leurs ambitions. DOSSIERSPÉCIAL:70ansaprèsBrettonWood:oùenestlemonde? DOSSIER SPÉCIAL: 70 APRÈS BRETTON WOOD, OÙ EN EST LE MONDE?
  • 20. SEPTEMBRE 2014 - 20 - D ans le cadre du dossier spécial d’Horizon Économique sur les professeurs du département de l’UQAM, j’ai eu le plaisir de rencontrer Monsieur Kristian Behrens, professeur d’économie – spécialisé en économie régionale et urbaine au Département des sciences économiques de l’ESG UQAM. Ce jeune professeur, côté 3e parmi les professeurs germanophones de moins de 40 ans s’étant le plus illustré en recherche selon le journal d’Affaires allemand Handelsblatt, a reçu le Prix Geoffrey J.D. Hewing et le Prix August Lösch1 en 2012. Il a aussi publié 3 articles en 2013 dans des revues scientifiques reconnues et est membre régulier du Centre Interuniversitaire sur le Risque, les Politiques Économiques et l’Emploi (CIRPÉE) et du programme International Trade and Regional Economics du CEPR2 . C’est donc malgré un horaire chargé qu’il a accepté notre demande d’entrevue afin de nous permettre d’en savoir plus sur l’économie urbaine et régionale. Nous avons parfois tendance à l’oublier, mais « tout phénomène économique se déroule dans l’espace ». La crise des « subprimes » aux États-Unis est venue nous le rappeler bien cruellement. En effet, comme me l’a expliqué Monsieur Behrens, bien que l’on ait surtout parlé de l’effondrement du marché immobilier au pays, les impacts régionaux dans les différents états américains étaient extrêmement différents. Ces constatations ont alimenté la réflexion sur le bien-fondé d’une analyse basée uniquement sur la Nation. « Les régions deviennent de plus en plus l’objet d’analyse et, bien sûr, les regards se portent plus particulièrement sur les villes puisqu’on y retrouve une portion importante de l’activité économique régionale. » Mais comment définir l’économie régionale et urbaine par rapport à la microéconomie et la macroéconomie, par exemple? « En économie, on travaille beaucoup avec des modèles microfondés. Comme les gens sont plus ou moins mobiles, les villes se forment suite à leurs décisions de déménager à un endroit ou un autre en fonction, notamment, de leur emploi. Les villes, finalement, se forment par l’agrégation des décisions individuelles de mobilités. Donc, c’est effectivement quelque chose de micro, mais puisqu’on réfléchit au niveau de villes ou de régions, c’est aussi, quelque part, quelque chose de macro. » L’économie urbaine et régionale permet donc de trouver des réponses aux questions soulevées par le fait que les agents économiques (firmes, individus) se concentrent en un endroit précis plutôt que de, par exemple, se répartir sur le territoire. « La réponse simple et intuitive à ces questions est qu’il y a des gains de productivité à la concentration spatiale. Cela fait partie des choses que l’on souhaite comprendre : quels sont les mécanismes qui génèrent des gains de productivité au niveau des villes et qui expliquent que l’activité économique a tendance à s’y concentrer. » Qu’obtient-on concrètement comme résultat? « On peut, par exemple, mesurer la productivité au niveau d’une ville, regarder la valeur ajoutée totale, ramener ça au niveau des travailleurs embauchés et avoir une valeur ajoutée par travailleur. » Mais, évidemment, plusieurs mécanismes influencent le résultat comme « la composition en terme industriel de la ville et la composition en terme de capital humain. » En l’interrogeant sur ses travaux, il m’a raconté qu’à l’époque de sa thèse, il travaillait surtout sur les modèles d’économie géographique lancés par Monsieur Paul Krugman3 . Ces modèles s’intéressaient au fait qu’il existe certaines régions où l’on retrouve beaucoup d’activité économique et d’autres où l’on en trouve très peu. « Je m’intéressais aux coûts en terme de bien-être parce que, évidemment, il y a des gains en productivité, mais ça génère des inégalités. Comment est-ce qu’on peut les compenser et comment la concentration spatiale change-t- elle dans le temps notamment avec la baisse des coûts de transport et des coûts liés au commerce? C’était les questions fondamentales sur lesquelles je travaillais. » Il m’explique alors que l’Europe, à cette époque, craignait qu’avec la mondialisation, le développement économique ne se concentre que dans certaines régions au détriment ENTREVUE AVEC KRISTIAN BEHRENS Par Viviane Renard Qui sont nos chercheurs?
  • 21. - 21 - SEPTEMBRE 2014 des autres. Beaucoup de recherches ont été menées sur le sujet. « Donc, depuis, j’ai diversifié mon approche au niveau du commerce international. Ce que je veux essentiellement comprendre c’est d’où vient l’avantage de productivité des grandes villes. Plusieurs mécanismes sont importants, mais les mécanismes d’auto-sélection qui font que les gens, en fonction de leur talent, choisissent un endroit plutôt qu’un autre ne sont pas encore bien compris. » Et pour analyser cela, on observe quoi? « Certaines grandes villes attirent des gens plus talentueux et donc on regarde, par exemple, le pourcentage des gens qui ont une éducation universitaire et on corrèle ça avec, par exemple, la taille des villes. On cherche ensuite à comprendre comment les agents se distribuent entre les villes, qu’est-ce que ça implique en terme de succès ou d’échec ou au niveau des inégalités de revenus, y a-t-il un lien avec la taille de la ville?...etc» De plus, Monsieur Behrens travaille, en collaboration avec Monsieur Théophile Bougna – doctorant au département des Sciences Économiques – et conjointement avec Statistique Canada, sur des questions liées à la structure spatiale de l’économie canadienne. Grâce à des données géocodées, il peut connaître l’emplacement exact des sites de production et analyser comment la structure spatiale de l’industrie canadienne change à travers le temps. « Par exemple, la fin de l’accord sur le textile en 2005 a modifié la structure spatiale de l’économie canadienne. On se rend compte qu’il y a eu beaucoup de dispersion, c’est-à-dire que l’industrie textile, qui était auparavant composée de grosses grappes, a eu tendance à disparaître. On observe aujourd’hui une structure beaucoup plus dispersée et cette dispersion est due, en grande partie, au fait que l’abolition des tarifs a tué beaucoup d’entreprises dans l’économie canadienne, mais pas de manière aléatoire dans l’espace. Certains endroits ont mieux résisté que d’autres. » Avant de conclure, votre humble servante a cru bon de demander à Monsieur Behrens, diplômé de l’Université de Bourgogne en France et détenteur d’un post-doctorat du CORE, s’il avait des suggestions de sujets en économie régionale et urbaine qui seraient susceptibles d’intéresser des étudiants désireux de poursuivre leurs études à la maîtrise ou au doctorat. C’est en souriant qu’il s’est prêté au jeu et d’y répondre : « Les sujets qui reviennent le plus souvent, c’est «la libéralisation commerciale dans un pays XY», le problème avec ce type de sujet c’est qu’il est tellement vague qu’on ne sache pas ce qu’on va faire avec exactement. Le risque c’est que ça nous mène à des sujets qui ne sont pas particulièrement trippants comme la libéralisation du commerce de poulet congelé au Ghana… » Mais alors par où commence-t-on? « Ça dépend de si l’étudiant veut faire quelque chose de plus théorique ou de plus pratique ou quelque chose entre les deux. La tendance en ce moment en régional et urbain c’est de s’orienter vers l’estimation structurelle, c’est-à-dire qu’on va prendre un modèle existant et le calibrer en imposant les données qu’on a comme équilibre initial. Une fois que cela est fait, on peut ‚jouer‛ avec le modèle, c’est-à-dire qu’on peut poser des questions contrefactuelles comme : si j’augmente les taxes dans telle province, qu’est-ce qui va se passer en terme de mobilité des gens, ça va bénéficier à quelles villes, quelles villes vont perdre de la population, lesquelles vont en gagner, de combien seront les gains de productivité et comment ça va se répartir ? C’est intéressant et il y a beaucoup de choses à faire dans ce domaine. Et ça, ce serait quelque chose sur lequel on pourrait brancher des étudiants au niveau doctoral. » Pour conclure, auriez-vous une recommandation à faire aux étudiants en général? Après quelques secondes d’introspection, voici ce qu’il m’a répondu : « Regardez autour de vous, le département a beaucoup évolué, il y a plein de jeunes professeurs qualifiés et enthousiastes. On est en train de construire un beau département qui est devenu le plus important département d’économie à Montréal en termes de corps professoral. Donc, ma recommandation c’est de le prendre en considération lorsque viendra le choix de poursuivre vos études en économie. » Qui sont nos chercheurs?
  • 22. SEPTEMBRE 2014 - 22 - ZONE DE DIVERTISSEMENTS L’équipe du journal d’Horizons Économiques comprend qu’à travers nos cours, nos études et nos travaux, il est aussi important de décompresser et de se distraire un peu, d’avoir du plaisir malgré tout. Voilà pourquoi nous vous offrons cette Zone de divertissements. Vous y trouverez dans cette section quelques petits jeux et amusements. Sudokus du journal Notre version de ce petit jeu distrayant. Les règles sont fort simples: Dans chacun des quatre tableaux de jeu suivants, vous devez placer un chiffre de 1 à 9 dans chaque case vide. Chaque ligne, chaque colonne et chaque boîte 3X3, délimitées par un trait plus épais, doivent contenir tous les chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre apparaît donc une seule fois dans chaque ligne, chaque colonne et dans chaque boîte 3X3. Bonne chance! 8 2 9 3 2 9 9 6 5 7 1 5 9 4 9 3 3 9 9 3 3 5 2 9 4 7 3 9 6 6 3 4 5 3 6 4 2 1 3 6 2 9 2 4 1 2 6 4 5 6 9 3 1 3 2 2 1 9 3 8 4 5 1 7 8 3 2 3 6 4 2 3 2 8 5 9 1 7 2 4 7 6 9 3 2 1 2 7 8 6 1 9 7 4 5 4 6 9 2 7 9 1 5 9 4 ZONE DE DIVERTISEMENTS
  • 23. - 23 - SEPTEMBRE 2014 . Petite rubrique de blagues d’économistes (parce que c’est important d’apprendre à rire de soi)  La seule chose plus dangereuse qu’un économiste est un économiste amateur.  Le modèle est parfait, c’est la réalité qui ne l’est pas.  Les économistes sont des gens trop intelligents pour leur propre bien, mais pas assez intelligents pour le bien des autres.  La définition de « perte »: Un autobus qui plonge dans un précipice, avec trois sièges vacants.  Un médecin, un psychologue et un économiste jouent au golf. Ils s’ennuient un peu, car le groupe juste devant eux est très lent. Leur balle va à gauche, à droite, ils ne sont vraiment pas bons. On dirait presque ils font par exprès pour être mauvais. Après plusieurs trous, les trois hommes se frustrent et commencent à crier des insultes aux joueurs devant eux. Un homme vient les voir pour leur faire part que les gens devant eux sont aveugles. Le médecin se dit « ça n’a pas de bon sens, je traite des patients toute la journée, je tente de les guérir et maintenant je les insulte?!? » Le psychologue se dit « ça n’a pas de bon sens, ils ne voudront plus jamais venir jouer, je dois leur avoir infligé des séquelles mentales terribles. » Et l’économiste se dit : ça n’a pas de bon sens, ça serait beaucoup plus efficace s’ils jouaient la nuit! »  Q: Quel a été l’impact de la révolution française sur la croissance mondiale? R: C’est trop tôt pour le dire…  Q: Quelle est la différence entre un économiste et une voyante? R: Le diplôme Citation d’enseignants Notez que ces citations sont anonymes, recueillies par vos chroniqueurs, et sont faites dans le plus grand respect du corps professoral. Nous vous invitons à garder l’oreille ouverte dans vos cours, et à nous en faire parvenir si vous en dénichez.  « Les financiers, ce sont des physiciens sur la cocaïne. Non mais c’est vrai. Vous prenez un bon physicien, vous lui donnez de la coke et un ordinateur, et il se transforme en financier. »  « Ça, c’est toujours difficile à avaler, mais il faut ouvrir la bouche très grand et avaler quand même. »  « Vous n’êtes pas tenus responsables d’apprendre cela. »  « L’élimination de stratégies faiblement dominées, c’est… euh… périlleux! »  « C’est moi qui corrige. Faites-moi pas chier. »  « Dans le fond, les modèles que vous avez vu en macro, en micro et en économétrie, ben… ça marche pas. » ZONE DE DIVERTISEMENTS
  • 24. SEPTEMBRE 2014 - 24 - C ertains d'entre vous ont dû avoir connaissance d'une certaine agitation dans la sphère économique au cours des derniers mois. En fait, il est assez juste de dire que cette agitation est présente, sous différentes formes, depuis la dernière crise financière. Bien que celle-ci remontre déjà à plusieurs années (six!), un malaise dure et perdure chez les experts économiques. Comment expliquer cela? Certes, cette crise frappa durement le monde occidental, mais aujourd'hui on n'en parle presque plus... Voilà exactement où est le problème. L'économie reprend tranquillement sont cours normal et pourtant, une impression de tâche inaccomplie, d'opportunité manquée, persiste. C'est que dans les années qui suivirent la crise, il y a eu un mouvement généralisé de remise en question et de réflexion. Faut-il renforcer les règles financières? Réguler les flux de capitaux? Plusieurs ont avancé qu'il faudrait mieux intégrer le système financier dans les modèles macroéconomiques. Bonnes ou mauvaises, toutes ces idées étaient gage d'un futur économique mieux compris et plus stable. Malheureusement, le temps et la pénible reprise eurent raison de ce brainstorming et maintenant très peu ou rien du tout n'a changé. Cela dit, comme je l'ai mentionné, une agitation perdure en ce qui a trait à l'enseignement universitaire de l'économie. L'hiver dernier fut créé un mouvement international regroupant des associations d'étudiants en économie dans le but de lancer un appel clair et fort aux milieux académique et professionnel. Sous l'acronyme ISIPE1 , l’International Student Initiative for Pluralism in Economics, dont le Mouvement Étudiant Québécois pour un Enseignement Pluralisme en Économie2 fait partie, souhaite amener plus de pluralisme dans l'enseignement de l'économie. Le but ultime n'étant pas de rejeter le courant dominant (néoclassique, pour ne pas le nommer), mais bien d'ouvrir les cursus à différentes théories et méthodologies lors de l'analyse de phénomènes. Certains répondront sans doute que si ces théories « alternatives » ne sont pas enseignées, c'est simplement parce qu'elles ont échoué par le passé. C'est probablement UNE CHANCE UNIQUE POUR L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉCONOMIE Par Julien Mc Donald-Guimond L’ÉCONOMIE AUTREMENT
  • 25. - 25 - SEPTEMBRE 2014 en partie vrai. Pour d'autres alternatives, c'est simplement qu'elles sont « trop » récentes et donc ignorées par le courant dominant. Dans tous les cas, est-ce des motifs suffisants pour les rejeter totalement? Certainement pas. La théorie monétaire de Friedman (école de Chicago) complémente la vision keynésienne, le modèle de croissance Schumpetérien est aussi valable que celui de Solow-Swan... De tels exemples se retrouvent parfois dans les cursus actuels, mais ils sont marginalisés, éventuellement délaissés et surtout, vidés de leur contexte sociohistorique. Il y a bien, à l'UQAM, deux cours obligatoires sur la pensée économique et un cours d'histoire, ce qui est loin d'être la norme, mais ceux-ci dégagent plutôt une impression de « mal nécessaire » que de véritable intérêt. Ils sont d'ailleurs si décalés par rapport aux autres cours qu'ils sont perçus comme un thème à part au lieu de permettre une véritable mise en contexte globale. Loin de moi l'idée de se défaire des ces bijoux de cours, mais il faut assurément revoir leur intégration par rapport aux cours de tronc commun ainsi que réaffirmer leur importance. Les chiffres montrent bien que de moins en moins d'étudiants choisissent des carrières en pensée, philosophie ou histoire économique. Comment en sommes-nous arrivés là? Trop de poids accordé à l'aspect technique de la formation? Pressions du marché de l'emploi? Sans doute les deux. À noter que le pluralisme ne s'inscrit pas seulement au sein de l'univers économique, mais également dans l'intégration de concepts d'autres disciplines humaines et en favorisant la collaboration plutôt que la fragmentation. Encore une fois, plusieurs craignent qu'une telle démarche mène à la disparition de l'économique comme discipline à part entière. Or, voici ce que le rapport Hautcoeur3 sur l'enseignement de l'économie en France a à dire à ce sujet: « Reconnaître les différentes manières de faire de l'économie ne revient pas pour autant à diluer la discipline et à réduire cette dernière à son objet, sans quoi le principe d'identité disciplinaire sur lequel se fonde l’Université perdrait de son sens, et la discipline économique serait dans l'incapacité de présenter ce qui la distingue, par exemple, de la philosophie de l'économie, de la sociologie économique ou des mathématiques appliquées à l'économie. Développer une identité disciplinaire présente des vertus pédagogiques importantes et la compréhension de cette identité, notamment en la confrontant à celles d'autres disciplines, constitue un des objectifs de la formation des étudiants. » Enfin, est-ce utopique de vouloir ajouter des connaissances à un cursus déjà surchargé? Moi-même le croyais jusqu'à tout récemment... Ces économistes anglais qui n'ont qu'un bac L'hiver dernier, j'ai eu la chance de partir en échange étudiant à Exeter en Angleterre. Outre les nombreuses tasses de thé et leur accent terrible (croyez-moi, il est bien moins sexy que le stéréotype le dit), j'ai évidemment pu expérimenter leur façon d'enseigner l'économie. Ce que j'y ai trouvé? Des théories, des modèles, des graphiques, etc. Or, le tout est présenté de manière très différente. Les théories sont certes transmises en classe, mais également par la lecture de véritables papiers économiques sur le sujet, plus souvent qu'autrement en contradiction entre eux. Les modèles sont encore une fois présentés conjointement avec les papiers originaux et sont rapidement mis en application pour l'analyse de cas concrets. Les modèles endogènes, Schumpetérien, néoclassique et de Lucas expliquent tous avec justesse la croissance, dépendamment des exemples qui sont retenus. Les graphiques sont rigoureusement analysés et la méthodologie questionnée afin de nous sensibiliser à la lecture de papiers académiques complexes. Leur cursus n'inclut peut-être pas de cours obligatoires d'histoire et de pensée, mais ces thèmes sont fortement intégrés au sein même des autres cours ce qui à défaut d'aller très en profondeur, renforce la compréhension globale de l'économique. Leurs travaux sont très axés sur la lecture de textes et la rédaction d'analyses et d'essais. À quoi bon déplacer bêtement 100 courbes d'offre et dériver 1000 demandes L’ÉCONOMIE AUTREMENT
  • 26. SEPTEMBRE 2014 - 26 - marshalliennes si l'on ne sait même pas déchiffrer un papier de la banque centrale ou encore rédiger une analyse sur les causes de la crise de 29? Ces qualités « critiques » plutôt que « mécaniques » me semblent tout aussi pertinentes et quand je les vois enseignées au baccalauréat anglais, je ne suis pas surpris que l'on puisse travailler comme économiste sans maîtrise là-bas. Ils ont comme qui dirait, « appris à apprendre ». C'est bien beau tout ça, mais les employeurs veulent que je régresse! Si vous êtes rendus aussi loin dans cette lecture, j'espère que vous partagez un peu l'impression que quelque chose cloche avec l'enseignement actuel de l'économie. Néanmoins, en tant que dignes économistes, nous savons aborder les problèmes dans leur ensemble. Que faire alors de la composante : « À la fin de mes études, j'aimerais avoir la meilleure job possible i.e. qui requiert de savoir faire des tas de régressions multiples. » ? Il s'avère que cette considération n'en est pas vraiment une. Tout d'abord, personne ne soutient qu'il faille diminuer la part de l'enseignement accordée aux mathématiques, au contraire. La démarche vise plutôt à ancrer ces outils dans le réel plus tôt dans notre parcours ainsi qu'à orienter davantage les apprentissages vers les notions fondamentales. Connaître les forces et faiblesses de chaque technique plutôt que d'aspirer à une maîtrise superficielle d'outils surpuissants. Ensuite, que l'on fasse de la recherche ou de l'analyse, il faut savoir communiquer, vulgariser et argumenter tant avec nos collègues, le public qu'avec les autres spécialistes. Force est donc de constater qu'il nous serait bénéfique d'ajouter du pluralisme, du raisonnement critique et du concret au cursus universitaire et ce, avant les cycles supérieurs. Et maintenant? Bien évidemment, il ne revient pas aux étudiants de concevoir les cursus universitaires ou encore les plans de cours. Heureusement, il s'avère quand de rares occasions les planètes s'alignent et les étudiants disposent alors d'une tribune sans pareil: l'évaluation de programme. Ce phénomène, observable seulement tous les 10 ans (quoique le dernier remonte à 1988), aura justement lieu cette année (!). Cette évaluation est l'occasion pour tous les étudiants en économie d'exprimer leurs idées/ commentaires/observations aux instances départementales avec un réel espoir de changement étant donné que toutes les modalités du programme seront discutées. Cela dit, il serait naïf de penser que des changements, aussi modestes soient-ils, puissent survenir sans une mobilisation de la part des étudiants. D’autre part, comme toute saine instance académique, le comité de programme devra écouter la voix de l’ensemble des étudiants, et non pas uniquement celle d’un petit groupe d’intérêt particulier. Pour ouvrir un dialogue sérieux et honnête, il nous faut nous manifester; aux conseils de l'AESE, aux Assemblées Générales, dans les corridors, dans les cours auprès de nos professeurs... Dans cette optique, des 5@7 seront organisés par l'AESE pour discuter de l'évaluation de programme et des mandats importants seront discutés en AG dès le début de la session. Venez discuter, échanger et prendre la parole. Ne faites pas l'erreur de croire que ces considérations sont futiles parce que notre parcours universitaire ne dure que quelques années. L'enseignement façonne les experts de demain qui eux façonneront le monde d'après-demain. À bientôt. « Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu'il a été créé. » - Albert Einstein Notes www.isipe.net www.pluralisme.economieautrement.org L'avenir des sciences économiques à l'université en France, par Pierre- Cyrille Hautcoeur, 2014. Disponible en ligne. L’ÉCONOMIE AUTREMENT
  • 27. - 27 - SEPTEMBRE 2014 L e Bixi est à sa mi-saison. Les résultats du vélo urbain collectif sont décevants en plus d’une baisse annuelle des abonnements, le Bixi peine à se développer. Le seul moteur d’innovation de la marque est l’idée de cyclisme partagé en ville. Depuis lors, sa stagnation nous montre qu’une bonne idée n’égale pas un bon produit. Mis à part la météo, le service de vélo doit affronter plusieurs obstacles évidents: le Bixi n’est pas un système de transport universel, il dessert une gamme d’usagers spécifiques et il est victime d'une mauvaise redistribution des vélos à travers la ville. Pour différentes raisons, ce moyen de transport ne permet pas d’accommoder les individus ayant un handicap. Le vélo ne peut pas être utilisé pour de longues distances et son utilisation est dépendante de la météo. Le vélo urbain fait face à différents types de clientèle: les abonnés, les usagers sporadiques et les touristes. En plus, chaque type de clientèle est subdivisé en sous-catégories: cyclistes ardus et cyclistes de plaisances. Ce moyen de transport collectif fait aussi face à un problème couteux, soit la redistribution asymétrique des vélos à travers la ville par les usagers. En d’autres mots, l’inefficience de l’autorégulation des usagers qui ne vont pas où une borne est disponible, mais le plus près possible d’un point d’intérêt. L’utilisateur n’a aucun intérêt à chercher une borne vide. On se retrouve donc avec des supports vides et d’autres d é b o r d a n t s . C e t t e distorsion de la distribution doit être corrigée par des camions et quelques employés qui vont redistribuer les Bixi à travers la ville. La création de « corridors Bixi » pourrait améliorer le système de transport collectif à Montréal. Un plan d’urbanisation qui inclut des pistes cyclables entre certains points achalandés peut encourager les personnes à dégorger les métros et les autobus. Créer des « corridors Bixi » est un bon moyen d’encourager les usagers à faire des chemins logiques et éviter le phénomène de camions pour replacer les vélos. Avec des pistes cyclables, c’est possible d’encourager l’emprunt de certains chemins et ainsi améliorer les autres systèmes de transport. Un autre moyen de mieux répartir les vélos serait LE BIXI, TRANSPORT EN COMMUN? Par Olivier Fortin-Gagnon L’ÉCONOMIE AUTREMENT
  • 28. SEPTEMBRE 2014 - 28 - l’adoption d’une nouvelle tarification. Bixi utilise déjà une tarification basée sur la durée de l'emprunt. Cependant, ceci n’encourage pas l’usage de différentes bornes, mais incite plutôt une concentration de pistes utilisées et engorge les s u p p o r t s d é j à surutilisées. En effet, l’usager a intérêt à se départir du vélo le plus rapidement possible. Un moyen pour corriger la redistribution des vélos à travers les différents supports serait une discrimination par les prix selon le nombre de Bixi sur la borne. Par exemple, lorsque le support est vide, le prix est au minimum – ou il y aurait un crédit sur le tarif annuel payé. Lorsque la borne n’a qu’une place disponible, le prix serait au maximum. La différence doit être assez grande afin de motiver l'utilisateur à aller chercher un support moins rempli. De cette façon, la tarification récompenserait l’effort et l’usager aurait un intérêt monétaire à conduire son vélo jusqu’à une borne vide. Je crois que cette solution, de pair avec les « corridors Bixi », peut rendre plus efficace la distribution des vélos sans avoir recours aux camions qui les replacent. De plus, cela pourrait aussi en coura ger un e nouvelle clientèle qui n’utilisait pas ces vélos auparavant en raison des prix élevés. D’un point de vue économique, je crois qu’il pourrait être intéressant d’analyser en profondeur la situation. Je suis persuadé qu’il n’y a pas qu’une seule solution à la non- rentabilité du Bixi et qu’une vraie remise en question est requise. Le vélo urbain fait partie du transport en commun et peut être plus efficace, mais il nécessite aussi de faire partie d’un plan d’urbanisation plus général. On ne lui demande pas de devenir le système de transport universel à Montréal. À cause de la taille de la ville, de nos conditions météorologiques et des habitudes des consommateurs, le Bixi demeure un complément au système de transport en commun. Cela ne veut pas dire que le projet est voué à l’échec. Il faut simplement apprécier sa spécialisation et l’utiliser à son avantage. Le Bixi peut mieux desservir les besoins de la population, générer des profits et bien sûr, augmenter la qualité de vie des Montréalais.
  • 29. - 29 - SEPTEMBRE 2014 C et article est la deuxième partie d’un article paru en mars 2014 intitulé L’économie sociale et les marchés financiers. La première partie visait à définir l’économie sociale afin de permettre à tous de saisir le type de défi que pouvait poser la juxtaposition de ces deux éléments. À titre de rappel, voici, en rafale, les principaux éléments qui forment les caractéristiques d’une entreprise d’économie sociale. L’entreprise d’économie sociale  a pour finalité de servir ses membres ou la collectivité;  a une autonomie de gestion par rapport à l’État;  défend la primauté des personnes sur le capital dans la répartition de ses surplus;  fonde ses activités et ses façons de faire sur les principes de démocratie, de participation, de prise en charge et de responsabilité individuelle et collective. On parle de plus en plus, ces dernières années, de finance responsable. Cet engouement est associé à une réponse face à la financiarisation de l’économie; le fait que des financiers orientent désormais, dans une grande proportion, les décisions des directions d’entreprises et donc, de l’ensemble de l’économie. Aujourd’hui, la finance permet l’enrichissement d’individus sans qu’il y ait nécessairement création de richesse1 ce qui sème l’inquiétude. Cependant, la finance responsable ne date pas d’hier. En effet, lors de la guerre de Sécession aux États-Unis, la communauté des Quakers (mouvement religieux composé de dissidents de l'Église anglicane) avaient décidé de n’a pas placer leurs avoirs dans des compagnies qui profitaient de la vente d’armes ou d’esclave. Cette nouvelle attitude a inspiré plus d’une organisation, surtout des congrégations religieuses, a emboîté le pas et à appliquer des critères d’exclusion (ou filtres négatifs) dans le choix de leurs investissements. Aujourd’hui, on appelle ces instruments financiers, généralement des fonds de placement, des « fonds éthiques ». Ce n’est qu’en 1971 qu’ils deviendront disponibles pour le grand public. Dans les années 80, suite à un appel au boycottage de la communauté noire d’Afrique du Sud envers les entreprises profitant de l’apartheid, Leon Sullivan proposera une nouvelle approche soit celle d’investir dans des entreprises ayant des caractéristiques précises (dictées par un code d’éthique) dans le but d’inciter les entreprises à changer leurs pratiques. Cette initiative a donné lieu au développement de l’idée de «responsabilité sociale» des entreprises et à la finance socialement responsable. Ces pratiques vont progressivement s’institutionnaliser et bénéficier d’une reconnaissance officielle. Lors de la rédaction de son portrait de la L’ÉCONOMIE SOCIALE ET LES MARCHÉS FINANCIERS. DEUXIÈME PARTIE Par Viviane Renard L’ÉCONOMIE AUTREMENT
  • 30. SEPTEMBRE 2014 - 30 - finance responsable au Québec, Investir solidairement : Bilan et perspectives, le Groupe de Recherche sur le Portrait de la Finance Socialement Responsable a défini quatre composantes de la finance responsable : les placements responsables de base (avec filtres négatifs ou positifs), les placements responsables élargis (qui permettent d’utiliser le rôle d’actionnaire pour changer les pratiques de l’entreprise), la finance solidaire (les investissements faits dans des entreprises d’économie sociale sous forme de prêts) et le capital de développement (les investissements visant la création d’emploi et le développement économique). La composante à laquelle je me suis davantage intéressé pour le présent article est celle de la finance solidaire, soit le financement de l’économie sociale. Au Québec, lors de la création des premières entreprises d’économie sociale, celles-ci se finançaient à même les contributions de leurs membres, puis au 20e siècle, des coopératives agricoles ont vu le jour grâce notamment aux apports des Caisses Desjardins. C’est dans les années 80 que l’on verra apparaître les premières grandes institutions de capital de développement et presque 20 ans plus tard, en 1996, les institutions de finance solidaire (le Réseau québécois du crédit communautaire, le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ), etc). Le Groupe de Recherche sur le Portrait de la Finance Socialement Responsable a tenté de faire un portrait du développement de la finance solidaire. Pour ce faire, ils ont colligé des données provenant de tous les organismes de financement.2 On remarque une augmentation d’un peu moins de 600 % entre 1997 et 2004 (les données de l’année 2005 ne sont pas complètes). En 2013, Le Cirano a procédé à une recherche du même type, mais avec une méthodologie très différente. Ils ont considéré que les Centre locaux de développement (CLD) étaient les principaux interlocuteurs des entrepreneurs sociaux et se sont donc adressés à eux uniquement pour connaître la valeur des investissements effectués. Ils ont ensuite estimé la part de financement que « Autonomisation de l’ESG »: Un pas de plus vers la marchandisation Part du CLD dans l’inves- tissement total 2004 2005 2006 2007 2008 2009 9 % 157,72 $ 167,40 $ 161,18 $ 198,54 $ 164,20 $ 178,34 $ 10 % 141,95 $ 150,66 $ 145,07 $ 178,68 $ 147,78 $ 160,51 $ 11 % 129,04 $ 136,97 $ 131,88 $ 162,4 $ 134, 35 $ 145,92 $ Investissements totaux (estimations, en millions de dollars)
  • 31. - 31 - SEPTEMBRE 2014 et des acteurs impliqués crée une certaine insécurité1 notamment parce qu’ils craignent de voir le capital investit gouverné suivant des logiques autres que la leur.7 Cette incertitude crée une impression de risque plus élevé, ce qui est paradoxal puisque, dans les faits, les entreprises d’économie sociale font moins faillite que les entreprises capitalistes. Cela s’explique par le fait qu’elles répondent à des besoins réels et qu’elles sont généralement soutenues par la communauté1 grâce à leur volet social. Finalement, les entreprises d’économies sociales intéressent moins les investisseurs parce que les rendements économiques n’étant pas l’unique objectif visé, les investissements sont moins bien rémunérés. Il est vrai toutefois qu’elles ont accès à du financement public (subvention) plus important. Par contre, une trop grande dépendance à l’égard des fonds publics entre en contradiction avec le principe d’autonomie qui anime l’entrepreneuriat collectif et social. L’économie sociale est donc à la recherche d’outils de financement différents qui lui permettent de combiner ses valeurs, l’accès à du capital et une certaine autonomie. Un défi de taille!! les CLD représentaient (les projets bénéficiant généralement de la participation de plusieurs institutions dans leur montage financier). Fait étonnant, ils arrivent, pour l’année 2004, à des résultats cohérents avec ceux présentés ci-haut. On note une croissance nettement inférieure à celle observée plus tôt avec un taux annuel composé de 2,49 % et une variation totale estimée de 6,5 % entre 2005 et 2009. Cela peut paraître normal; l’engouement exceptionnel lié à la création des fonds étant terminé. Plusieurs textes évoquent la stabilité de la finance solidaire par rapport à la finance traditionnelle. Il est intéressant de noter une augmentation de 23 % entre 2006 et 2007, alors qu’au Québec on observait une augmentation de 10 % des investissements du 2e trimestre de 2006 au 2e trimestre de 20075 . De plus, on notera aussi une baisse de 17 % entre 2007 et 2008 alors que celle-ci était de 36 % pour l’ensemble du Canada et de 46 % si l’on ne considérait que le Québec5 . La variation des investissements étrangers, absent de l’économie sociale, étant en grande partie responsable de cette diminution. Cependant, notons que les chercheurs du Cirano reconnaissent certaines faiblesses à leur analyse. En effet, dans leur rapport, ils évoquent la difficulté d’avoir accès à des données précises sur le financement accordé aux entreprises d’économie sociale notamment à cause des disparités dans l’interprétation de la définition de celle-ci, mais aussi à cause du manque d’uniformité des données collectées par les CLD. La distinction fondamentale entre les entreprises d’économie sociale et les entreprises capitalistes6 , c’est qu’elles cherchent à créer un équilibre entre les différents principes d’allocation des ressources associées à chacun de pôles de l’économie (les marchés, la redistribution et la réciprocité)7 . Cependant, aussi louable que soit la recherche de cet équilibre, il pose plusieurs défis en matière de financement. En effet, l’entreprise d’économie sociale attire peu les investisseurs. D’abord, les coûts de transactions rattachés à ce type d’investissement (en général, de petits prêts) sont jugés trop élevés. Ensuite, la méconnaissance des financiers à l’égard de la gouvernance L’Autonomie ou l’avenir de l’ESG. Entrevue avec Stéphane Pallage.
  • 32. SEPTEMBRE 2014 - 32 - The Darwin economy: Liberty, competition and the common good Merci de nous avoir lu. En espérant que vous ayez apprécié cette parution de septembre 2014 d’Horizons Économiques. Tous les commentaires ou les suggestions sont appréciés. Suivez-nous aussi sur Facebook! Prochaines parutions à venir!