Sécurité foncière et productivitédu petit producteur agricole :quelle corrélation?
Communication de Jan Cherlet (International Land Coalition) lors de l'atelier régional « Vers une sécurisation foncière du paysan dans la riziculture à grande échelle au Sahel » tenu àBamako, les 2 et 3 juin 2014.
L'atelier etait organisé par la Global Water Initiative (GWI) en Afrique de l’Ouest, mise en oeuvre par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), en partenariat avec le Comité Inter États de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), l’Association Régionale pour l’Irrigation et le Drainage (ARID), et l’International Land Coalition (ILC), et financé par la Fondation Howard G. Buffett.
5. Le raisonnement standard
Des recherches quantitatives semblent confirmer le raisonnement.
Une méta-analyse montre une augmentation de la productivité
après l’enregistrement formel des droits fonciers individuels:
Asie: + 25 à 35 %
Afrique: + 5 à 10 %
Amérique latine: +25 à 35 %
Des recherches qualitatives montrent une image plus complexe.
selon une méta-analyse présentée
à la Conférence sur le foncier et la
pauvreté de la Banque Mondiale
6. Le raisonnement standard
Le raisonnement standard est discutable:
1.Il est basé sur une conception de la sécurité foncière limitée; la
sécurisation foncière ne se limite pas à la délivrance de titres
fonciers privés
2.Les déterminants de l’investissement sont plus complexes.
3.Les déterminants de la productivité sont plus complexes.
4.La sécurité foncière ne sert pas seulement à augmenter la
productivité mais surtout à garantir une sécurité des moyens de
subsistance.
7. Contenu
1. Le raisonnement standard
2. La sécurité foncière
3. La productivité du petit producteur
4. Conclusions
8. La sécurité foncière
La sécurité foncière est composée de deux components:
1.Des droits (formels ou coutumiers)
• de vendre / de gestion / de culture / de prélever
1.Des institutions (formels ou coutumiers)
• qui sont reconnues par tous les acteurs
• qui déterminent les droits légitimes dans un espace donné
• qui permettent la revendication des droits
• qui permettent l’arbitrage en cas de conflit
sans institutions fortes et respectées → pas de sécurité foncière
9. La sécurité foncière
Exemples de sécurisation foncière basée sur la régistration de
terres communales :
•Ghana:
terres communales gérées par les autorités traditionnelles existantes
•Mozambique:
terres communales gérées par les communautés, qui ont constitué des
entités formelles
•Tanzanie:
terres communales gérées par les conseils villageois
documenté par Frank Byamugisha
(Banque Mondiale)
10. Contenu
1. Le raisonnement standard
2. La sécurité foncière
3. La productivité du petit producteur
4. Conclusions
11. La productivité du petit producteur
Exemples d’investissements et d’augmentation de la
productivité agricole en absense de titres de propriété privés:
•souvent les périmètres irrigués sont créés en absense de titres de
propriété privés
•les paysans cotonniers d’Afrique de l’Ouest ont triplé leurs
rendements en 40 ans, sans avoir titre de titres de propriété
privés
quand même, la sécurité foncière joue un rôle fondamental
12. La productivité du petit producteur
sécurité des
moyens de
subsistance
sécurité foncière
sécurité d’accès
à l’eau, aux engrais,
aux sémences, …
accès
au marché
climat
productivité
du petit producteur
agricole
la taille de
l’exploitation
accès au capital,
à la technologie,
à la main-d'œuvre
13. Contenu
1. Le raisonnement standard
2. La sécurité foncière
3. La productivité du petit producteur
4. Conclusions
14. Conclusions
1. Il y a un lien entre la sécurité foncière et la productivité
mais la sécurité foncière est plus large qu‘un titre de propriété privé
2. La sécurité foncière repose sur
des droit (formels ou coutumiers) clairs
des institutions (formels ou coutumiers) fortes et respectées
2. La sécurité foncière sert, premièrement, à garantir la sécurité
des moyens de subsistance au petit producteur agricole
15. Références
Byamugisha, F. (2013). Securing Africa’s Land for Shared Prosperity. A Program to Scale Up Reforms and
Investment. Washington: World Bank
http://elibrary.worldbank.org/doi/book/10.1596/978-0-8213-9810-4
Lavigne Delville, Ph. (2010). Sécurisation foncière, formalisation des droits, institutions de régulation foncière
et investissements. Pour un cadre conceptuel élargi. Revue des questions foncières, no 1, Rome: FAO
http://www.fao.org/nr/tenure/land-tenure-journal/index.php/LTJ/article/view/7
Samii, C., Lawry, S., Hall, R., Leopold, A., Hornby, D., et Mtero, F. (2014). Explaining differential effects of land
tenure reforms in Africa, Asia, and Latin America: reflections after a systematic review. Annual World Bank
Conference on Land and Poverty, Washington DC, March 24-27, 2014
https://www.conftool.com/landandpoverty2014/index.php/Lawry-512-512_paper.pdf?
page=downloadPaper&filename=Lawry-512-512_paper.pdf&form_id=512&form_version=final
Hinweis der Redaktion
Selon le raisonnement ‘standard’, le fait de disposer de titres de propriété privée est censé sécuriser les acteurs, leur donner accès au crédit en utilisant le titre comme garantie, le tout induisant donc des investissements et des gains de productivité. (Cette thèse existe depuis les années 50 mais est encore soutenue, par exemple, par Klaus Deiniger ou Hernando de Soto)
Des recherches quantitatives semblent confirmer ce raisonnement. Une méta-analyse présentée à la Conférence sur le foncier et la pauvreté de la Banque Mondiale cette année (Samii, Lawry, Hall, Leopold, Hornby et Mtero 2014) trouve que, après l’enregistrement formel des droits fonciers individuels, en court terme, les niveaux de productivité augmentent de 25 à 35% en Asie et Amérique Latine et de 5 à 10% en Afrique.
Le problème avec le schème du raisonnement standard, comme de très nombreux travaux de recherche qualitative l’ont montré, est que, dans la pratique, le lien entre la sécurité foncière et la productivité est beaucoup plus complexe.
Souvent on confonde “la sécurité foncière” avec “la proprieté privée et formalisée”.
Le type de droits sur la terre et de sécurité foncière qui est nécessaire à un acteur pour pouvoir bénéficier du fruit de la terre dépend du mode d’exploitation du milieu: un pasteur, un agriculteur en cultures pluviales annuelles, un planteur d’essences pérennes, un agriculteur qui investit dans des équipements d’irrigation fixes (canaux, planage),… Tous ces acteurs n’ont pas besoin des mêmes droits ni de la même perspective de temps pour sécuriser leurs moyens de subsistance.
On peut être sécurisé dans ses droits, même avec des restrictions quant au droit de vendre.
On peut être sécurisé dans ses droits, même si le droit est détenu par une communauté plutôt que par un individu.
On peut être sécurisé dans ses droits, même si le droit est donné par un contrat oral.
Avant tout, pour être sécurisé de la certitude que le contrat sera respecté, quel que soient les droits stipulés dans le contrat.
La sécurité des droits est avant tout le fait que les droits dont on dispose légitimement (quels qu’ils soient) ne seront pas contestés sans raison et que, en cas de contestation infondée, les droits légitimes seront confirmés.
Pour ça, on peut définir la sécurité foncière comme composée de deux components
Des droits (formels ou coutumiers)
de vendre / de gestion / de culture / de prélever
Des institutions (formelles ou coutumières)
qui sont reconnues par tous les acteurs
qui déterminent les droits légitimes dans un espace donné
qui permettent la revendication des droits
qui permettent l’arbitrage en cas de conflit
Beaucoup de facteurs déterminent la productivité du petit producteur agricole – pas seulement le possession d’un titre de proprieté ou le niveau d’investissement.
Premièrement, la sécurité d'accès à tous les moyens de subsistance et de production, comme la terre, l’eau, les engrais, les semences,… est fondamentale. La sécurité des moyens de subsistance est un facteur fondamentale et ‘facilitateur’ – mais elle seule ne détermine pas la productivité.
En effet (deuxièmement), autres facteurs socio-économiques comme l’accès au capital ou au crédit, à la technologie, à la main d’oeuvre,… Même le fonctionnement du marché et de la filière de transformation des produits … Ils sont tous des facteurs qui sont également déterminants pour le niveau de la productivité. Si l’accès au crédit ou la main d’oeuvreest malaisé, ou si les débouchés au marché ne sont pas assurés, la productivité restera baisse, même si l’agriculteur est en possession d’un titre foncier.
Troisièmement, beaucoup de recherches montrent qu’il y a une relation entre la taille de l’exploitation et sa productivité. En géneral, plus grande la taille de l’exploitation, plus baisse la productivité par hectare. Ça veut dire que, dans conditions similaires et en usage de technologies similaires, l’agriculture à grande échelle est moins productive que l’agriculture à petite échelle. On peut expliquer ça de manière très simple: il est plus probable que le petit producteur dédie plus de temps et attention à chaque hectare que le grand producteur, donc il est probable que la productivité de chaque hectare soit plus haute.
Finalement, autres facteurs externes qui ne sont pas de caractère socio-économique déterminent fortement la productivité, comme par exemple la variabilité climatique…
1. Ce n’est pas que le raisonnement standard (sécuriser le foncier et favoriser les gains de productivité) ne soit pas à favoriser, c’est
que le titrage ne suffit pas à produire l’investissement et l’augmentation de la productivité.
Il y a, en effet, un lien entre la sécurité foncière et la productivité mais la sécurité foncière est plus large qu‘un titre de proprieté privé
2. La sécurité foncière repose sur des droit (formels ou coutumiers) clairs des institutions (formels ou coutumiers) fortes et respectées
3. La sécurité foncière sert, premièrement, à garantir la sécurité des moyens de subsistance à l’agriculteur, et deuxièmement, à augmenter la productivité et la richesse nationale