1. IAU Sao Paulo Conference, July 25-29, 2004
12th General Conference: The Wealth of Diversity
Parallel Workshops – Session I
La mobilité au service du développement et de la diversité
Jean-Dominique Assié, Agence universitaire de la Francophonie, France.
Introduction :
Le thème de notre atelier met en perspective les mobilités, les programmes d’échanges et de bourses et
la diversité des objectifs et des résultats constatés.
La mobilité universitaire et scientifique est – ou plutôt n’est qu’- un outil.
Comme tel, la mobilité peut être amenée à servir des objectifs pouvant apparaître comme différents,
voire contradictoires ou même opposés.
Comme tout outil, elle ne produira que les effets que l’on veut lui faire produire !
La vision d’une organisation multilatérale comme l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF)
est celle de la coopération, c’est-à-dire qu’elle se situe résolument au service du développement et de
la diversité culturelle. Elle mobilise ses réseaux d’universités et ses partenaires en faveur de ces
objectifs parce que l’université doit être ou, dans certains lieux devenir ou redevenir un acteur majeur
du développement. Dès lors, elle place la mobilité au cœur de l’ensemble de ses actions parce qu’elle
en constitue, non pas le seul outil, mais à coup sûr l’outil le plus efficace.
Mon intervention portera donc sur l’usage que l’on peut faire de la mobilité universitaire et
scientifique au service de ces 2 objectifs précis : le développement et la diversité culturelle.
Je souhaite mettre en évidence 3 éléments : la notion de circulation (qui suppose une mobilité
organisée et non subie), la notion de responsabilisation (et de mobilité structurant des plans et des
stratégies universitaires), l’importance de diversifier les flux (pour mieux répondre à la diversité des
cultures et des savoirs).
1.- pour une circulation des universitaires et des scientifiques, contre la fuite des cerveaux :
a) diversité des savoirs et développement :
Après l’ère industrielle puis, l’ère idéologique, l’humanité vient d’entrer aujourd’hui dans une société
mondiale et globalisante dominée par l’économie et la marchandisation des échanges. Dans un même
temps, il est apparu nettement que, dans la compétition internationale que se livrent les acteurs de cette
nouvelle société, le savoir constituait un moyen décisif pour accéder à une position dominante.
Mais, si le savoir est un enjeu majeur pour les économies développées, la relation qu’il entretient avec
le développement est tout aussi patente et décisive.
Dans un second temps, peut-on parler DU savoir ? En d’autres termes, LE savoir est-il global ? Ne
doit-on pas plutôt parler DES savoirs ? …de la diversité des savoirs comme de la diversité des
cultures ?...
Il nous apparaît que ce qui contribue au développement, dans le cadre d’une mondialisation
harmonieuse, est précisément la prise en compte de cette diversité des savoirs. La connaissance est le
produit des rencontres, des échanges de savoirs. L’échange des savoirs, c’est le dialogue des cultures.
2. C’est bien sûr d’abord ici que l’outil de la mobilité prend une grande importance. Comment mieux
échanger que grâce à la mobilité ? : celle des chercheurs qui confrontent leurs recherches et leurs
méthodes, celle des étudiants qui découvrent des environnements différents, etc… (réf. au Moyen-
âge).
b) Mobilité et attractivité
L’on a trop souvent tendance à confondre, injustement, la mobilité scientifique avec la fuite des
cerveaux. Il est vrai que les deux concernent l’ensemble des pays, développés et non développés.
Mais, les causes de la mobilité semblent différentes selon que l’on se situe au Nord ou au Sud :
- au Nord, la mobilité est dominée par une logique de compétition,
- au Sud, la mobilité est dominée par une logique de développement.
A l’inverse, la fuite des cerveaux semble toujours liée au même motif majeur : celui de l’
« attractivité » que ce soit pour les scientifiques du nord comme pour ceux du sud. Ce n’est donc pas
la mobilité qui est la cause de la fuite des cerveaux, mais l’ « attractivité » de systèmes qui se
proposent de les accueillir, bien évidemment renforcée par les problèmes de développement.
Ces logiques différentes entraînent des stratégies différentes. Mais, au constat de la mondialisation, de
l’interdépendance des régions du monde au regard des problèmes du monde, il faut se rendre à
l’évidence : ces logiques ne doivent ni s’ignorer ni se combattre. Ces logiques sont incontournables,
elles gagneraient plutôt à s’harmoniser et se compléter.
C’est pourquoi, il nous paraît essentiel de concevoir d’abord la mobilité universitaire et scientifique
comme une circulation et non un flux à sens unique : la « fuite ». La circulation, c’est pouvoir accéder
à des savoirs, puis retourner dans son pays d’origine pour les exploiter, puis revenir pour confronter et
actualiser, puis repartir encore, etc, etc… et ce sans trop s’attacher aux durées de ces différentes
étapes. C’est bien plus l’absence de retour des savoirs que les délais de ce retour qui paralysent le
processus de développement dans les pays du Sud.
La fuite, c’est être sceptique sur son avenir dan son pays, parfois même douter de l’avenir de ce pays,
mais c’est surtout pour un universitaire et un scientifique, être convaincu de ne pouvoir circuler (aller,
venir, revenir…) et, dès lors, de devoir saisir l’opportunité de fuir qui ne se représentera pas…
On peut aller jusqu’à considérer que la mobilité, au sens de la circulation, peut contribuer à réduire la
fuite des cerveaux. Cela suppose une souplesse, une facilité (sans parler de « liberté ») d’accès à des
espaces différents pour les universitaires et les scientifiques.
La libre - circulation ou la circulation facilitée des universitaires et des scientifiques nous paraît en
conséquence devoir être un objectif politique majeur pour le développement.
Mais comment faire la part entre les intentions de circulation (qui sont en matière universitaire et
scientifique la grande majorité des cas) et les intentions de fuite ?
Les accords de coopération entre les institutions universitaires peuvent largement aider à évaluer ces
situations. Les mobilités structurant généralement la mise en œuvre de ces accords.
2.- pour un Sud, acteur de son propre développement
Ce second point précise cette notion de stratégies. Les universités gagneront à utiliser la mobilité
3. comme un instrument de leur propre stratégie de développement.
Permettre aux universités des régions en développement, d’exprimer elles-même leurs besoins
Le développement est certes l’affaire de tous. Mais il est, aussi et en premier lieu, celle du Sud.
Le développement gagne lorsque le Sud est un acteur responsabilisé et légitime de son propre
développement. En d’autres termes, lorsqu’il s’en est approprié la responsabilité.
Pour cela, l’université au Sud a un rôle majeur à jouer en contribuant à la formation des compétences
qui élaboreront des stratégies spécifiques de développement, comme celles qui les gèreront.
La diversité culturelle, comme celle des savoirs, repose sur la diversité des environnements. Dès lors,
les stratégies de développement varient selon les pays, les régions et les cultures. Ne pas prendre en
compte cette diversité, c’est prendre le risque d’étouffer le développement.
Aucun système n’est détenteur du savoir universel. Il convient donc de permettre aux universités du
Sud d’être en mesure d’analyser, de connaître, et de faire connaître les réalités de leur propre
environnement, puis de le partager, d’échanger et de contribuer ainsi à l’élaboration de stratégies de
développement adaptées.
Mais, pour y parvenir, il faut que les universités du Sud puissent exprimer elles-même leurs besoins.
La coopération, c’est les aider à le faire, à former et développer leurs compétences pour y parvenir. Ce
n’est surtout pas les placer sous tutelle en considérant que le savoir est unique, global et que LE savoir
des uns doit être celui des autres.
La mobilité apparaît comme un support essentiel de telles stratégies de coopération, entre des
institutions de pays différents, permettant de renforcer les capacités humaines et les compétences
scientifiques des universités du Sud.
Nous appelons dans ce cadre à la multiplication des co-tutelles de thèse ou des co-directions qui
conduisent les jeunes chercheurs à baigner dans un double environnement et vivront ainsi la
coopération au quotidien puisque la co-tutelle nécessite un engagement entre les institutions
universitaires.
La mobilité doit donc être conçue comme étant au service des universités de ces pays, et de leur
stratégie de développement, plutôt qu’au profit de carrières personnelles sans relation avec ces enjeux.
Ce second aspect favorise au contraire la fuite des cerveaux et l’assèchement des compétences au Sud.
3.- pour une diversité des flux :
La mobilité se traduit aujourd’hui par 2 flux majeurs : un flux Nord-Nord qui reflète la compétition
entre les pays développés, et un flux Sud-Nord qui illustre la coopération mais en prenant le risque de
l’attractivité du Nord.
Il est bien sûr logique et fondé que l’acquisition de savoirs entraîne la circulation d’étudiants et de
professeurs du Sud dans les universités du Nord.
Mais on peut trouver des avantages à moduler ce flux Sud-Nord : le réserver par exemple à partir d’un
certain niveau d’études, pour réduire les risques de « sédentarisation » au nord et la force de
l’attractivité du Nord. L’avantage le plus important consistant, pour éviter cela à renforcer la qualité de
l’offre de formation de bon niveau au Sud. Il est préférable de former les formateurs du Sud que les
étudiants du Sud.
Il convient de souligner, sur ce point, le besoin essentiel de dresser une information (« cartographie »)
4. de l’offre internationale de formation et de recherche, particulièrement au Sud. Est-ce un rôle pour
l’AIU ?
Enfin, il apparaît utile d’inciter également au développement de flux complémentaires venant
renforcer les processus de développement du Sud et la prise en compte de la diversité culturelle :
- Flux Nord-Sud : sur ce point, la mobilisation des diasporas scientifiques constitue un très large sujet
à lui seul ; d’une façon plus générale, ce flux N-S doit viser à renforcer les échanges scientifiques et
culturels en veillant à inverser des formes de « tutelle » scientifiques unilatérales et la circulation à
« sens unique » du savoir (le savoir du nord vers le sud) : à promouvoir donc des mobilités de
recherches, de formation mais aussi de stages.
- Flux Sud-Sud : pour mutualiser et renforcer les compétences d’une même région au Sud. Il faut viser
la synergie des compétences et des ressources et non la compétition entre les universités du Sud pour
accéder aux aides, parcimonieuses, du Nord. Les flux scientifiques inter-régionaux Sud-Sud se
développent également car les problématiques et les environnements présentent un certain nombre de
similitudes.